N° 89

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès verbal de la séance du.30 novembre 1996

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1997 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

FORCES TERRESTRES

Par M. Serge VINÇON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon

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Assemblée nationale :

Sénat :

Lois de finances.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'année 1996 aura été un tournant majeur dans l'histoire de notre politique de défense.

Le Livre blanc avait déjà, en 1994, évalué l'incidence, sur notre défense, de l'effondrement du communisme, de la multiplication des crises locales et des « nouvelles vulnérabilités » (trafics de drogues, intégrismes, mafias) en concluant à la validité du concept de dissuasion, et en appelant à privilégier la projection et la prévention pour répondre à une menace de plus en plus éloignée et de moins en moins directe.

Le chef de l'Etat, chef des armées a, quant à lui, fort opportunément tiré les conséquences non seulement du contexte stratégique de l'après-guerre froide et de l'après-guerre du Golfe, mais aussi d'une tendance aujourd'hui généralisée à la réduction des budgets militaires, pour mettre en chantier une réforme de notre outil de défense sans précédent depuis plus de trois décennies . Restructuration des industries d'armement, passage à une armée professionnelle au format réduit et aux missions redéfinies, abandon de la composante terrestre de la dissuasion au profit des composantes balistique et aéroportée, réflexion sur la place de la France et sur l'identité européenne de défense au sein de l'OTAN : tels sont les aspects de ce vaste projet de réforme destiné à édifier une défense adaptée aux besoins du XXIe siècle, aux progrès de la construction européenne, et à l'ardente obligation de réduire la dépense publique.

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Votre rapporteur se félicite que le Parlement ait été invité à participer pleinement à cette réflexion. Rappelons, en effet, que, dès après l'annonce de son projet par le Président de la République, le 22 février 1996, un débat d'orientation sur la politique de défense a été organisé dans les deux assemblées en mars, que le Parlement a apporté une substantielle contribution au débat sur l'avenir du service national, que les principaux éléments des réformes en cours -professionnalisation des armées, restructurations industrielles, choix d'un service national volontaire- ont été arrêtés par le législateur, dans le cadre du vote de la loi de programmation militaire pour 1997-2002, qu'une loi actuellement en discussion vise à accompagner la professionnalisation des armées, et que le Parlement débattra, dans les mois qui viennent, de deux projets de loi relatifs, l'un au nouveau service national volontaire et au « rendez-vous citoyen », et l'autre, aux forces de réserve.

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Le projet de budget de la Défense pour 1997 peut être considéré à la fois comme une formalité et comme un élément déterminant des réformes en cours.

C'est à certains égard une formalité, car il constitue la première annuité de la loi de programmation 1997-2002 votée par le Parlement en juin dernier, et que, respectant les engagements budgétaires prescrits par la loi, il paraît à bien des égard sans surprises par rapport à celle-ci.

Mais le projet de budget pour 1997 représente aussi le premier chapitre de la professionnalisation des armées , dont il accompagne la réduction de format. Le projet de dotation des forces terrestres pour 1997 illustre les difficultés budgétaires qui caractérisent la période de transition 1997-2002, pendant laquelle l'Armée de terre devra faire face à la montée en puissance de la professionnalisation, tout en finançant les charges liées, d'une part, à la formule de l'armée mixte et, d'autre part, aux restructurations.

C'est bien évidemment sur l'Armée de terre, dont la dotation fait l'objet du présent avis budgétaire, que les réformes en cours induiront les conséquences les plus lourdes. Il est clair, en effet, que les forces terrestres se trouvent au coeur de la professionnalisation des armées , et subiront l'essentiel de la réduction de format et des restructurations annoncées. C'est pourquoi votre rapporteur fera précéder son examen de la dotation des forces terrestres d'une analyse des défis auxquels est confrontée l'Armée de terre en marche vers la professionnalisation.

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I. L'ARMÉE DE TERRE AU SEUIL D'UNE VÉRITABLE "REFONDATION"

La loi de programmation 1997-2002 engage l'Armée de terre dans la mutation de l'appareil de défense amorcée par le chef de l'Etat le 22 février 1996 : professionnalisation et réduction du format des armées, restructuration des industries de défense, parallèlement à la diminution des ressources consacrées à la Défense.

Rappelons que c'est la priorité attachée à la capacité de projection de nos armées - priorité liée à l'évolution de la situation internationale - qui a inspiré le passage à la professionnalisation. L'Armée de terre devrait, en effet, à terme, être en mesure de projeter quelque 50 000 hommes, soit globalement dans le cadre de l'Alliance, soit sur deux théâtres différents (30 000 pour un an, auxquels s'ajouteraient 5 000 combattants, relevables tous les quatre mois, sur un second théâtre).

Les mutations induites par la professionnalisation seront plus profondes dans l'Armée de terre que dans les autres armées, eu égard à la part des appelés dans les effectifs (49,2 % en 1996) et dans l'organisation quotidienne de l'Armée de terre.

C'est pourquoi la disparition - certes progressive - du service militaire se traduira par une réorganisation très substantielle, tant des différentes composantes du personnel des forces terrestres, que de l'implantation territoriale de celles-ci .

Après avoir évoqué le modèle d'Armée de terre induit de la loi de programmation à l'échéance de 2002, votre rapporteur analysera les changements dont les forces terrestres seront le cadre en 1997, première année de la transition, avant d'évoquer les conséquences de la réduction de format sur le dispositif de l'Armée de terre en Outre-Mer.

A. LA RÉORGANISATION DE L'ARMÉE DE TERRE À L'ÉCHÉANCE DE 2002 : DES STRUCTURES MODULAIRES ET PLUS LÉGÈRES, ADAPTÉES À DES MISSIONS DIVERSIFIÉES ET À DES MOYENS RÉDUITS

Alors que l'organisation issue du modèle "Armée de terre 1997" s'appuyait sur l'adéquation entre l'organisation permanente et les structures opérationnelles des forces, la loi de programmation prévoit de dissocier organisation permanente et structures opérationnelles de l'Armée de terre . Cette réforme tire les conséquences d'une évolution qui, en diversifiant les missions de l'Armée de terre, a remis en question le rôle des grandes unités permanentes pouvant s'engager au complet . S'est ainsi trouvé validé le concept de polyvalence des forces et des états-majors à vocation opérationnelle au sein d'un ensemble unique de forces , appuyé sur un environnement resserré, qui assurera la capacité de tous à participer à des missions de tout type (opérations extérieures, forces prépositionnées, interventions sur le territoire national...).

Les forces terrestres, désormais organisées en vue de la projection, seront donc constituées autour des grands ensembles fonctionnels suivants : états-majors composant une chaîne de commandement à vocation opérationnelle, grandes unités interarmes, et régiments confortés dans leur rôle de "clé de voûte" de l'Armée de terre.

1. Des états-majors projetables et polyvalents

L'impératif de projetabilité défini par la loi de programmation impose la constitution d'états-majors opérationnels de niveaux différents, susceptibles d'être projetés dans un cadre national ou au sein d'alliances, et d'exercer le commandement opérationnel de forces de circonstance.

- Dans cette perspective, un commandement à vocation opérationnelle des forces terrestres (COFT), basé à Lille, sera chargé d'assurer la préparation opérationnelle des forces terrestres, et pourra fournir la majeure partie d'un poste de commandement interarmées de théâtre (PCIAT) national ou d'un groupement de forces interarmées multinational, soit un poste de commandement de corps d'armée de classe OTAN.

- Quatre états-majors de forces (EMF), subordonnés au précédent, devront être aptes à assurer le commandement d'une force opérationnelle terrestre de la valeur d'une division OTAN, ou la mise sur pied d'un poste de commandement interarmées de théâtre (PCIAT) d'une opération nationale limitée. Chaque Etat-major des forces pourrait assurer la préparation opérationnelle d'une force possédant des capacités spécifiques (blindée, mécanisée, etc...).

- Des Etats-majors de brigades (EMB), celles-ci étant soit interarmes et héritières des divisions actuelles, soit spécialisées, regroupées en ensembles fonctionnels (renseignement, génie, artillerie, transmissions...). En opération, ces EMB devront être capables d'englober tous les modules complémentaires nécessaires, ce qui impliquera une réorganisation du commandement à ce niveau entre 1997 et 2000.

- Un commandement de la logistique opérationnelle (COMLOG) sera chargé de conduire la manoeuvre logistique sur le territoire national, et de fournir les postes de commandement projetés nécessaires au fonctionnement de la chaîne logistique.

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