Projet de loi de finances pour 1999

NACHBAR (Philippe)

AVIS 67 (98-99), Tome I - COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières




N° 67

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

CULTURE

Par M. Philippe NACHBAR,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean-Paul Bataille, Jean Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel Charzat, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 7 ) (1998-1999).

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le budget du ministère de la culture s'élèvera en 1999 à 15 669,78 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 3,5 % par rapport à la loi de finances pour 1998.

Cette augmentation qui doit être mesurée à l'aune de celle du budget de l'Etat, limitée à 2,3 %, poursuit l'effort engagé en faveur de la culture par la loi de finances pour 1998, sans permettre cependant d'atteindre le seuil symbolique du 1 %. En effet, le budget du ministère de la culture ne représentera en 1999 que 0,967 % des dépenses du budget général.

Cependant, la politique culturelle ne peut se réduire au respect d'une norme comptable et la progression des crédits qui lui sont consacrés ne dispense pas d'une réflexion sur ses objectifs.

Nul ne songera à remettre en cause la volonté du gouvernement de mettre ces moyens nouveaux au service de la démocratisation culturelle. Cette priorité correspond aux attributions du ministère de la culture telles qu'elles ont été définies par André Malraux en 1959 : " rendre accessibles les oeuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel ". Votre rapporteur a souligné à de nombreuses reprises que l'aménagement culturel du territoire et le développement de l'éducation artistique devaient constituer le socle de cette politique. A ce titre, il se félicite que le projet de loi de finances pour 1999 consolide les efforts en ce domaine, bien que beaucoup reste encore à faire, notamment en ce qui concerne les enseignements artistiques, le patrimoine et les musées.

Le Sénat a souvent souligné qu'une des missions de la politique culturelle était d'assurer la pérennité de la politique patrimoniale de l'Etat. A ce titre, votre rapporteur s'était réjoui l'an dernier de l'abandon de la rigueur imposée au ministère de la culture et du retour à des dotations comparables à celles de la loi de programme de 1993. Aujourd'hui, si le projet de loi de finances pour 1999 prévoit une progression globale des crédits du patrimoine, l'abandon du principe de la programmation pluriannuelle de l'effort consenti par l'Etat en ce domaine suscite une légitime inquiétude. Par ailleurs, la politique du patrimoine ne saurait être réduite à la seule conservation des monuments historiques et concerne également la protection et l'enrichissement des collections nationales. Sur ce point également, le projet de loi de finances ne répond que partiellement aux interrogations de votre rapporteur. Dans notre pays qui compte peu de collectionneurs privés, la responsabilité de l'Etat est grande et l'enrichissement de nos collections, comme le maintien sur notre territoire des trésors nationaux, dépend essentiellement des dotations qu'il sera susceptible de leur consacrer.

I. LA POURSUITE DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE EN FAVEUR DE LA CULTURE

A. UNE NOUVELLE ÉTAPE VERS LE 1 %

1. Une augmentation significative des crédits

a) Une croissance de 3,5 % du budget de la culture

En 1999, le budget de la culture s'élèvera en dépenses ordinaires et crédits de paiement à 15 669,78 millions de francs, en augmentation de 3,5 % par rapport à la loi de finances pour 1998 (15 145,57 millions de francs), soit une variation de 524,21 millions de francs.

Le projet de loi de finances pour 1999 traduit donc la poursuite de l'effort engagé en 1998 en faveur d'un renforcement des moyens du ministère de la culture.

Comme en 1998, les crédits de la culture bénéficient d'une progression supérieure à celle des dépenses de l'Etat qui augmenteront en 1999 de 2,2 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement.

Néanmoins, si l'on raisonne en termes de moyens d'engagement, c'est-à-dire en tenant compte des autorisations de programme, et non plus des crédits de paiement, la progression du budget de la culture est ramenée à 1,55 %, soit un niveau beaucoup plus modeste. En effet, après une augmentation significative en 1998 (+ 20 %), les autorisations de programme diminuent de 4,99 % en 1999.

Votre rapporteur relèvera pour s'en féliciter que comme en 1998 la progression des crédits de la culture s'effectue à structure budgétaire constante . Cette stabilisation du périmètre des compétences du ministère de la culture est la bienvenue.

b) Une amélioration des conditions d'exécution de la loi de finances

Au 2 novembre 1998, les mesures d'annulation dont le ministère de la culture a fait l'objet ne s'élèvent qu'à 60 millions de francs, soit 0,49 % des crédits inscrits en loi de finances initiale.

Intervenues le 16 janvier et le 18 novembre 1998, ces annulations ont contribué pour les premières et les plus importantes au financement du plan d'aide d'urgence aux chômeurs. Pour les dépenses ordinaires, les annulations ont porté sur les crédits du titre III et du titre IV à hauteur respectivement de 2,5 et 58,65 millions de francs ; en ce qui concerne les dépenses en capital, 17,2 millions de francs ont été annulés dont près de 6 millions de francs sur les crédits de paiement consacrés à la restauration du patrimoine monumental.

Si l'on prend en considération les crédits effectivement disponibles en 1998, la progression des crédits du ministère de la culture pour 1999 atteint 3,99 %.

Après des années d'exécution défavorable, l'année 1998 semble donc amorcer une inversion de tendance que votre rapporteur espère durable.

ANNULATIONS DE CRÉDITS 1997 ET 1998

(en millions de francs)

 

Annulations
1997

% LFI
1997

Annulations
1998*

% LFI
1998

Titre III

278,9

7,2

2,5

0,03

Titre IV

219,5

4,3

58,65

1,2

Total dépenses ordinaires

498,5

4,2

61,15

0,52

Titre V

176,8

13

4,2

0,3

Titre VI

78,2

4,3

13

0,6

Total dépenses en capital (CP)

255

8

17,2

0,68

TOTAL DO + CP

756

5,2

78,35

0,51

* Au 25 novembre 1998, arrêtés d'annulation du 16 janvier et du 18 novembre 1998

Votre rapporteur rappelle que la progression des dotations inscrites en loi de finances ne constitue pas à elle seule un gage suffisant de l'effort accompli en faveur des crédits de la culture. Ce dernier ne peut être définitivement mesuré qu'à l'aune des crédits effectivement disponibles au cours de l'année d'exécution.

Au cours des dernières années -et l'année 1997 en avait fourni à nouveau l'illustration-, les crédits de la culture ont été trop souvent victimes de mesures de régulation budgétaire. Ces dernières sont particulièrement lourdes de conséquences dans le domaine du spectacle vivant, les institutions culturelles et les équipes artistiques déterminant leur programmation en fonction d'un équilibre financier défini en début d'année au regard des crédits votés par le Parlement.

Rappelons à ce titre qu'en 1997 les mesures d'annulation qui s'élevaient au total à 756 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement avaient abouti à réduire les crédits effectivement disponibles de 5 % par rapport aux dotations inscrites en loi de finances.

c) L'achèvement des grands travaux

Comme l'an dernier, la diminution des crédits consacrés aux grands travaux accroît la marge de manoeuvre budgétaire du ministère de la culture .

En effet, à l'instar de 1998, le projet de loi de finances ne prévoit aucune ouverture de crédits au titre des grands travaux, hormis pour le Grand Louvre, dont l'achèvement est programmé pour 1999.

La loi de finances pour 1998 consacrait à l'opération du Grand Louvre des crédits d'investissement à hauteur de 220,6 millions de francs en autorisations de programme et de 246,95 millions de francs en crédits de paiement. Ces crédits étaient destinés à permettre la poursuite des travaux correspondant à la deuxième tranche (ailes Denon, de Rohan, Marson, aménagement des espaces situés sous la cour du Carrousel principalement).

Afin de permettre l'achèvement de cette opération, le projet de loi de finances ouvre 35,92 millions de francs en autorisations de programme et 146,2 millions de francs en crédits de paiement. Ces crédits permettront de terminer les travaux d'aménagement de la nouvelle entrée du musée située à l'est de la porte des Lions, du département des arts graphiques et de l'antenne du musée des Arts premiers située dans le pavillon des Sessions.

Au total, hors la passerelle Solferino et les travaux d'aménagement du jardin des Tuileries, plus de 6 190 millions de francs d'autorisations de programme auront été ouverts au titre de l'opération du Grand Louvre, année budgétaire 1999 comprise.

La maîtrise d'ouvrage pour l'achèvement du Grand Louvre est confiée à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EPMOTC).

En 1999, à l'exception du Grand Louvre, toutes les opérations liées aux grands travaux sont achevées. Rappelons qu'en 1998 l'enveloppe des autorisations de programme de la Villette a été soldée pour un total de 6 595,7 millions de francs.

Si l'achèvement de ces opérations permet au ministère de la culture de retrouver une marge de manoeuvre appréciable pour les dépenses d'investissement, les dépenses de fonctionnement et d'entretien qu'elles supposent constituent une charge significative qui devra être assumée, année après année, faute de quoi les institutions concernées ne pourront remplir leurs missions dans des conditions satisfaisantes.

Depuis 1995, les budgets de fonctionnement des établissements publics issus des grands travaux représentent, en effet, environ 15 % du budget du ministère de la culture , sachant que chaque établissement est financé sur des recettes propres par une part de son budget total variant entre 12 et 20 %. Quant aux dépenses d'entretien, elles représentent environ 10 % des dépenses de fonctionnement et 1 % du budget total du ministère de la culture.

2. Le seuil du 1 %

a) Le seuil du " 1 % " n'est pas atteint

Réclamée il y a plus de trente ans par Jean Vilar, reprise en 1981 par M. Jack Lang, alors ministre de la culture, l'affectation de 1 % des dépenses de l'Etat à la culture demeure un objectif gouvernemental.

M. Lionel Jospin, dans sa déclaration de politique générale, affirmait, en effet, que " l'objectif du gouvernement est (...) de parvenir progressivement à consacrer effectivement 1 % du budget de l'Etat à la culture " avant la fin de la onzième législature.

Le projet de loi de finances pour 1999 poursuit l'effort engagé en ce sens en 1998 sans permettre néanmoins d'atteindre encore le seuil symbolique du 1 %. A structure budgétaire constante, le budget de la culture représentera, grâce à une augmentation de ses dotations de 524,21 millions de francs, près de 0,967 % des dépenses du budget général.

b) Un effort budgétaire qui ne peut être réduit au respect d'une norme comptable

Une valeur comptable relative

Le seuil du 1 %, qui a connu des sorts variés au cours des exercices budgétaires successifs, revêt une valeur essentiellement symbolique. En effet, les modifications intervenues dans les compétences du ministère de la culture ont contribué à priver de signification réelle cette référence comptable, les comparaisons d'une année sur l'autre étant très difficiles compte tenu des nombreux transferts de crédits sur lesquels n'est pas revenu, au demeurant, le nouveau gouvernement.

Par ailleurs, le budget du ministère de la culture n'est pas le seul à supporter le poids de la dépense culturelle de l'Etat. L'annexe jaune consacrée à l'effort financier de l'Etat dans le domaine culturel fait apparaître que le total des dépenses civiles concernées inscrites au budget général s'élève pour 1999 à 34 459,44 millions de francs, soit plus du double des crédits inscrits au budget du ministère de la culture.

Une valeur comptable qui ne reflète qu'en partie la dépense publique consacrée à la culture

Par ailleurs, lorsque l'objectif du 1 % a été érigé en 1981 en priorité gouvernementale, le contexte de la politique culturelle était sensiblement différent.

Depuis, parallèlement à la décentralisation administrative, les collectivités territoriales, encouragées d'ailleurs en ce domaine par l'Etat, sont devenues des partenaires actifs de la politique culturelle. Leurs interventions représentaient en 1993 -dernière année connue- 36,9 milliards de francs contre 36,4 milliards de francs pour celles de l'Etat. Les crédits du ministère de la culture ne représentent donc qu'un peu moins de 20 % du financement public de la culture.

Cette participation accrue des collectivités territoriales -et en particulier des communes- a modifié profondément le rôle et les modalités d'intervention du ministère de la culture. Dans ce contexte, la valeur du 1 % demeure très relative, une large part des crédits de l'Etat contribuant au cofinancement de réalisations conduites en partenariat avec les collectivités locales.

B. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS ÉQUITABLEMENT RÉPARTIE

Alors que l'augmentation des crédits de la culture profitait essentiellement en 1998 aux dépenses d'investissement, la progression proposée pour 1999 est équitablement répartie entre les dépenses ordinaires et les dépenses d'investissement.

Les dépenses ordinaires inscrites au titre III (moyens des services) et au titre IV (interventions publiques) s'établissent pour 1999 à 12,126 milliards de francs, en progression de 3,4 %.

Les dépenses d'investissement qui avaient été les principales bénéficiaires de l'effort budgétaire consenti en 1998 avec une progression de 20 % s'élèvent en 1999 en crédits de paiement à 3,543 milliards de francs, soit une augmentation de 3,5 % et en autorisations de programme à 3,522 milliards de francs, soit une diminution de 4,9%.

1. Une progression des moyens d'action du ministère qui s'accompagne d'une réforme de ses structures administratives

a) La progression des dépenses ordinaires

Les moyens du ministère

Les crédits du titre III
(moyens des services) progressent en 1999 de 2,5 % pour s'établir à 7 342 millions de francs.

Les dépenses de personnel : un effort de résorption de la précarité

Les crédits correspondant aux rémunérations et aux charges salariales liées à l'activité des personnels du ministère de la culture s'élèveront à 3 178,5 millions de francs, soit une hausse de 4,8 % par rapport à 1998.

Cette augmentation des crédits de personnel résulte essentiellement de l'application des accords sur la revalorisation des rémunérations publiques et les bas salaires, de mesures de repyramidage et d'un effort de résorption de l'emploi précaire , effort que votre rapporteur ne peut que soutenir.

Cet effort de résorption de l'emploi précaire s'inscrit dans la continuité du plan de stabilisation des vacataires de la surveillance et du magasinage, lancé en 1995 pour une durée de quatre ans et qui a d'ores et déjà bénéficié à 450 agents. En 1999, ce plan sera poursuivi par la création de 30 emplois supplémentaires par redéploiement interne au sein du ministère. Par ailleurs, s'y ajoute l'application de la loi dite " Perben " relative à la résorption des catégories de vacataires de catégorie C autres que ceux de la filière de surveillance et de magasinage et étendue aux vacataires de la catégorie B. Pour les personnels vacataires exerçant des fonctions pour lesquelles il existe des corps de fonctionnaires, la résorption de l'emploi précaire se poursuivra par un effort de recrutement sur les emplois vacants. En ce qui concerne les autres catégories de personnels vacataires, en particulier ceux en poste dans les établissements publics administratifs, une mesure de création de contrats sur le budget des établissements permettra une stabilisation de 379 agents.

S'agissant de l'emploi à venir des personnels vacataires, un abondement de 8 millions de francs des crédits de vacations permettra de mettre un terme au recrutement de vacataires sur des contrats de moins de trois mois n'ouvrant pas droit à l'indemnisation du chômage lorsque le besoin dépasse cette durée, en plaçant les institutions concernées en position de supporter le paiement d'indemnités de pertes d'emploi ouvertes au-delà de trois mois d'activité.

Au-delà de cet effort de résorption de l'emploi précaire, dont votre rapporteur espère qu'il sera poursuivi dans les années à venir, force est de constater que le nombre global d'emplois du ministère de la culture n'augmentera pas en 1999 .

Cette absence de création d'emplois constitue à l'évidence pour le ministère de la culture un défi alors qu'il est confronté à la nécessité de renforcer les moyens en personnels des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) afin de leur permettre d'assurer correctement les nouvelles responsabilités qui résultent de la poursuite du processus de déconcentration. Le ministre a indiqué, lors de son audition devant votre commission, qu'un plan pluriannuel de redéploiement des effectifs des administrations centrales vers les DRAC permettrait de remédier à cette difficulté. Elle n'en a cependant précisé ni les moyens ni l'ampleur.

Cela apparaît d'autant plus inquiétant que le rééquilibrage entre l'administration centrale et les DRAC ne s'effectuait déjà que très progressivement ; par rapport à 1996, on compte, en effet, seulement 28 agents supplémentaires dans les DRAC.

Les autres dépenses de fonctionnement : une progression modeste.

Les crédits consacrés aux dépenses de fonctionnement courant, qui regroupent les moyens de l'administration centrale, des DRAC, des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, des musées et des centres départementaux d'archives s'élèveront à 603,3 millions de francs, soit une très faible augmentation de 0,7 %.

Les mesures nouvelles (soit 28,5 millions de francs) sont principalement destinées à l'amélioration de l'équipement informatique et télématique des services centraux (+ 17,4 millions de francs) et au renforcement des moyens de fonctionnement des DRAC (+ 4 millions de francs).

Les subventions de fonctionnement aux établissements publics

Les subventions de fonctionnement versées aux établissements publics sous tutelle du ministère de la culture s'élèvent en 1999 à 3 481,83 millions de francs, en progression de 2,4 % par rapport à 1998.

A structure constante , c'est-à-dire compte non tenu du transfert des crédits relatifs au Musée des Arts premiers et au Centre national de la danse, cette augmentation n'est que de 1,7 %.

La volonté de rationalisation de la maîtrise d'ouvrage culturelle, qui s'est traduite en 1998 par la création d'un établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, se poursuit en 1999 par la majoration des crédits de fonctionnement et de personnel de cet établissement (+ 12 millions de francs).

L'effort engagé en 1998 en faveur des établissements d'art dramatique et chorégraphique est poursuivi en 1998. Les théâtres nationaux bénéficient ainsi de mesures nouvelles à hauteur de 7,2 millions de francs qui sont essentiellement destinées à la Comédie française (2,337 millions de francs) et au théâtre de la Colline (2,27 millions de francs). Par ailleurs, le Centre national de la danse se voit doté du statut d'établissement public et bénéficie, à ce titre, d'une subvention de 26,45 millions de francs, dont 3 millions de francs de mesures nouvelles destinées au développement de ses missions. Ayant vocation à regrouper plusieurs organismes de droit privé, les crédits qui lui sont consacrés proviennent en grande partie du titre IV (Interventions publiques).

Le Centre national des arts plastiques bénéficie d'une augmentation de sa subvention de fonctionnement de 13,1 %.

Le chantier du musée des arts et des civilisations, dont la création a été souhaitée par le Président de la République, sera lancé en 1999 sur les terrains actuellement vacants du quai Branly. L'établissement public, dont le financement doit être assuré à parité par le ministère de la culture et par le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, bénéficie en 1999 d'une subvention de fonctionnement de 7,5 millions de francs transférée du titre IV.

Dans le prolongement de l'effort engagé en 1998 en faveur des écoles d'architecture, une mesure nouvelle de près de 5 millions de francs leur est consacrée en 1999 afin de poursuivre la mise en oeuvre de la réforme des études d'architecture dans de bonnes conditions.

Les subventions de fonctionnement aux établissements publics qui sont passées en francs courants entre 1985 et 1999 de 1 262 millions de francs à 3 482 millions de francs, soit une progression plus rapide que celle de la totalité du budget du ministère de la culture, représentent, en 1999, 22 % de ses dotations. Cette évolution résulte, pour l'essentiel, de la montée en puissance des coûts de fonctionnement des établissements publics issus des grands travaux dont les charges de fonctionnement s'élèvent à 1 867,1 millions de francs, soit 12 % du budget du ministère.

SUBVENTION DE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS ISSUES DES GRANDS TRAVAUX
(en millions de francs)


Chapitre 36-60

Article

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1999/

1998
(en %)

BNF (1)

15

228

549

576,9

568,2

600,30

602,2

1,9

Opéra national de Paris

51

539,9

581,4

615

611,7

635,1

639,9

0,7

Musée du Louvre

82

298,6

289,3

277,2

274,1

279,2

281,1

1,9

Cité de la Musique

56

46,3

113,6

145,1

141

142,3

141,7

-0,6

EPPGHV (2)

92

122,4

126,1

122,6

121

125,7

128,1

2,4

CNSM Paris (3)

52

71,3

72,3

73,3

73,3

73,7

74,1

0,4

TOTAL

-

1 306,5

1 731,7

1 810,1

1 789,3

1 856,2

1 867,1

0,58

Budget du ministère

-

13 505

13 555

15 532

15 126,3

15 145,6

15 669,8

-

% des établissements publics issus des grands travaux

-

9,6

12,7

11,6

11,8

12,2

11,9

-

(1) Bibliothèque nationale de France

(2) Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette

(3) Conservatoire national supérieur de musique de Paris

Source : ministère de la culture.


Les crédits d'intervention

Les crédits du titre IV, considérés traditionnellement comme le reflet des choix arrêtés par le ministère pour l'orientation de la politique culturelle, s'élèvent en 1999 à 4 783,8 millions de francs, en progression de 3,6 % par rapport à 1998 (soit une augmentation de 374 millions de francs).

Les crédits d'intervention proprement dits, c'est-à-dire hors dotation générale de décentralisation destinée à compenser le transfert des charges de fonctionnement des bibliothèques supportées par les collectivités locales et hors crédits de commandes artistiques et achats d'oeuvres d'art s'établissent à 3 585,84 millions de francs, soit une hausse de près de 138,2 millions de francs (+ 4 %).

Il est à noter que les interventions culturelles déconcentrées regroupées depuis la loi de finances pour 1998 au sein du chapitre 43-30 s'élèvent à 2 112,53 millions de francs et représentent près de 60 % du montant total des dépenses d'intervention, contre 52 % l'an dernier. Ce nouvel équilibre entre interventions d'intérêt national et interventions déconcentrées traduit l'accroissement des compétences des DRAC résultant du mouvement de déconcentration.

Les modifications de nomenclature intervenues depuis 1997 ont eu pour effet de confondre dans de vastes entités des actions autrefois financées sur des lignes distinctes permettant d'identifier les crédits qui y étaient affectés. Cette année, on relèvera la fusion des articles relatifs au développement culturel (soit l'article 43-20-30 pour les interventions d'intérêt national et l'article 43-30-30 pour les interventions déconcentrées) et des articles relatifs aux spectacles (soit les articles 43-20-20 et 43-30-20) sur deux lignes, l'une relative aux crédits déconcentrés et l'autre relative aux interventions d'intérêt national. Ces dernières regroupent des crédits s'élevant à 855 millions de francs pour les interventions d'intérêt national et à 1 332 millions de francs pour les interventions déconcentrées et correspondent à des actions aussi diverses que les subventions de fonctionnement aux théâtres lyriques et aux scènes nationales, les actions en direction des publics scolaires ou encore les politiques de lutte contre l'exclusion.

C'est donc essentiellement sur le fondement des indications fournies par le ministère que peut être appréciée l'évolution des crédits d'intervention.

Le tableau ci-après rend compte de la progression des crédits d'intervention du titre IV pour chaque direction ou délégation du ministère :

RÉPARTITION DES CRÉDITS D'INTERVENTION (TITRE IV)

(par direction et délégation)

(en millions de francs)

 

LF1 1998

PLF 1999

99/98

Patrimoine et architecture

223,62

244,92

9,5 %

Spectacle vivant

2 000,67

2 091,96

4,5 %

Musées

252,01

277,76

10,2 %

Arts plastiques

315,29

336,67

6,8 %

Livre et lecture

1 052,07

1 084,59

3,1 %

Archives

15,09

16,24

7,6 %

Développement et aménagement du territoire

440,92

430,71

-2,3 %

Langue française

7,54

9,54

26,5 %

Affaires internationales

45,67

47,61

4,2 %

Centre national de la cinématographie (CNC)

209,66

214,16

2,1 %

Les principales actions retenues au titre des mesures nouvelles qui s'élèvent globalement à 193,95 millions de francs concernent notamment :

- pour 103,5 millions de francs les interventions dans le domaine du spectacle vivant et du cinéma ;

- pour 16 millions de francs les moyens de diffusion et de formation dans les domaines de l'architecture et du patrimoine ;

- pour 27 millions de francs les enseignements artistiques.

L'évolution des crédits du titre IV reflète une politique volontariste de soutien à la création et à la démocratisation des pratiques culturelles . A ce titre, on relèvera -sans toutefois pouvoir le vérifier du fait de l'opacité de la nomenclature budgétaire et des processus de décision liés à la déconcentration- que les moyens supplémentaires dégagés en faveur du spectacle vivant seront notamment consacrés à des disciplines permettant un accès plus large du public à la culture, à l'image des compagnies chorégraphiques et dramatiques, des arts de la rue et des musiques actuelles. Ce souci de démocratisation de l'intervention culturelle de l'Etat se traduira par la mise en oeuvre le 1er janvier 1999 de la " charte du service public " qui formalisera, en ce domaine, les obligations des institutions ou équipes subventionnées.

Le renforcement des moyens d'action du ministère s'accompagne d'une réorganisation de ses structures administratives.

b) La réforme de l'administration du ministère de la culture

Une réorganisation nécessaire

L'administration centrale du ministère de la culture, historiquement constituée de services anciens oeuvrant selon des traditions et des modes de gestion spécifiques, ne favorisait guère la conception et la conduite de politiques transversales, la création d'une délégation au développement et aux formations destinées à coordonner les politiques d'action culturelle n'ayant pas permis de remédier à cette difficulté.

Par ailleurs, l'octroi du statut d'établissement public à de grandes institutions culturelles, à l'image du Louvre, comme les mesures de déconcentration avaient permis de dégager les services centraux du ministère des pesanteurs inhérentes à une administration centralisée, en allégeant leurs tâches de gestion.

La commission de refondation de la politique culturelle présidée par M. Jacques Rigaud avait souligné que la modernisation de la politique culturelle impliquait une réforme de l'organisation du ministère.

A la suite des conclusions de cette commission, le gouvernement précédent avait formulé des propositions dans la perspective desquelles s'inscrivent les mesures prises en 1998.

Ces mesures, limitées pour l'heure au regroupement des directions du théâtre, de la musique et de la danse, d'une part, et de l'architecture et du patrimoine d'autre part, ne peuvent être considérées comme une réforme de l'administration de la culture. En effet, au-delà de ces mesures de rationalisation qui s'imposaient, le mouvement plus vaste souhaité par votre rapporteur n'est pas achevé. Par ailleurs, la modernisation des modes de gestion se heurte aux difficultés rencontrées par les DRAC pour assurer leurs nouvelles missions.

La fusion de la direction du patrimoine et de la direction de l'architecture

Placées sous l'autorité d'un même directeur depuis l'an dernier, la direction du patrimoine et la direction de l'architecture ont été regroupées en une direction unique par le décret n° 98-840 du 21 septembre 1998. Préconisée par la commission Rigaud, cette mesure s'inscrit donc dans la continuité de la réflexion engagée depuis 1995, année où fut prise la décision de rattacher à nouveau l'architecture au ministère de la culture. La fusion de ces deux directions reproduit l'organisation administrative antérieure à 1978, date à laquelle furent transférés au ministère de l'équipement les services de l'architecture.

Traduisant la volonté du ministre de créer une " grande direction au service du cadre de vie ", cette nouvelle entité sera organisée, autour de l'inspection générale de l'architecture, en trois services distincts :

- le service de la connaissance, de la conservation et de la création qui comprend notamment les sous-directions des monuments historiques et de l'archéologie ;

- le service des enseignements, des ressources, des publics et des réseaux qui regroupe, outre la sous-direction des ressources humaines et des affaires générales, la sous-direction des formations, des métiers et de la recherche architecturale et urbaine et la sous-direction des territoires, de la diffusion et de l'action internationale ;

- et la mission de la communication.

La création de la direction de la musique, de la danse, des théâtres et des spectacles

Cette réforme pouvait être considérée comme la plus évidente en termes de bonne administration. En effet, en dépit des particularismes des professions concernées, la direction de la musique et de la danse et celle du théâtre et des spectacles devaient de plus en plus traiter de difficultés analogues liées notamment au partenariat avec les collectivités locales ou au financement des équipes artistiques.

La création d'une direction unique de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles résulte du décret n° 98-841 du 21 septembre 1998, qui lui assigne comme mission " dans toutes les disciplines de la vie musicale, théâtrale, chorégraphique, et, plus généralement, des arts liés au spectacle vivant, de favoriser la création et la diffusion, de développer l'enseignement et les formations, d'encourager l'accès le plus large possible aux oeuvres et aux pratiques, de protéger et de mettre en valeur le patrimoine ".

Si l'organisation administrative de la nouvelle direction n'est pas fondée sur des critères sectoriels, on relèvera que sont placés auprès du directeur trois comités respectivement chargés de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles ayant pour mission de suivre l'activité artistique et de veiller à la cohérence des actions du ministère pour chacune de ces disciplines. A cet égard, on rappellera que le projet de création d'une direction unique dans le domaine du spectacle vivant avait suscité des craintes fondées sur le risque d'une perte d'identité artistique des secteurs concernés.

Une inquiétude : des services déconcentrés aux moyens encore trop limités

Le mouvement de déconcentration des décisions administratives qu'est venu parachever le décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 relatif à la déconcentration des décisions individuelles a eu pour conséquence mécanique d'accroître les responsabilités des services déconcentrés du ministère de la culture, et en particulier des directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

Entre 1990 et 1998, le taux de déconcentration des crédits 1( * ) est passé de 28 % à 81 %, se traduisant donc par un alourdissement des tâches de gestion des DRAC. Or, il semble que les DRAC, en dépit d'une maturité dont attestent le dynamisme avec lequel elles sont animées et la reconnaissance que leur accordent les partenaires du ministère, n'aient pas acquis une dimension conforme à leur charge d'activité, qui augmentera encore en 1999.

Or, comme votre rapporteur l'a souligné plus haut, si le renforcement de leurs moyens constitue un objectif, l'ampleur et le rythme des redéploiements de personnel envisagés ne lui ont pas été communiqués. Par ailleurs, il relève que les dotations de fonctionnement ne progressent que de 3,7 % et que les crédits d'informatique dont elles bénéficieront sont reconduits en francs courants, ce qui peut laisser perplexe compte tenu des besoins existants en ce domaine. Dans ces conditions, il y a fort à craindre que la déconcentration ne se traduise par des difficultés administratives et notamment par un allongement des délais de versement des subventions, déjà fort longs, ce qui ne peut que nuire aux institutions ou troupes subventionnées.

A ce titre, votre rapporteur souligne que le succès de la déconcentration tiendra non seulement dans le renforcement des moyens des DRAC mais également à un effort de simplification et d'allégement des procédures .

Le regroupement des services centraux du ministère de la culture

Confirmée le 23 janvier 1998, la décision de regrouper les services centraux du ministère de la culture au sein de l'immeuble " Saint-Honoré Bons Enfants " permettra de réduire les dysfonctionnements liés à l'éparpillement des implantations du ministère et de diminuer les frais de gestion actuellement très élevés (soit 30 millions de francs).

L'ensemble des directions du ministère sont concernées, à l'exception de la direction des archives de France qui doit rester dans le quadrilatère Rohan-Soubise.

Le coût global prévisionnel s'élève à 394,45 millions de francs. Le montant des autorisations de programme ouvertes par cette opération jusqu'à la loi de finances pour 1998 s'élève à 215,35 millions de francs auxquels s'ajoutent les autorisations de programme inscrites dans le projet de loi de finances pour 1999, soit 84,6 millions de francs.

2. Un accroissement des dépenses en capital

Après une progression de 20 % en 1998, les autorisations de programme , comme nous le soulignions plus haut, diminuent de 4,9 % pour s'établir à 3 522,36 millions de francs tandis que les crédits de paiement s'élèvent à 3 543,32 millions de francs en progression de 3,5 %.

a) Les crédits du patrimoine

Après l'effort consenti en 1998 destiné à restaurer les dotations comparables à celles prévues par la loi de programme de 1993, le projet de loi de finances pour 1999 propose une augmentation de 3,4 % des crédits de paiement (1 443,35 millions de francs) et de 2,2 % des autorisations de programme (1 655,27 millions de francs) .

ÉVOLUTION DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENTS
CONSACRÉS AUX MONUMENTS HISTORIQUES

(en millions de francs)


Chapitre

Interventions

 

LFI 1998

PLF 1999

1999/1998 (en %)

Titre V

Maîtrise d'ouvrage par l'État

 
 
 
 

56-20/50

Monuments historiques appartenant à l'État

CP

574,9

707,35

+ 23

 
 

AP

645

877

+ 36

56-20/60

Monuments historiques n'appartenant pas à l'État

CP

346,5

350,46

+ 1,1

 
 

AP

377

380

+ 0,7

56-20/70

Archéologie

CP

17,34

18,24

+ 5,1

 
 

AP

20

21

+ 5

56-20/90

Etudes

CP

7,1

6,7

- 5,6

 
 

AP

7,52

5,87

- 21,9

Titre VI

Maîtrise d'ouvrage propriétaires

 
 
 
 

66-20/90 et

Monuments historiques non État

CP

365,96

276,1

- 24,5

66-20/60

 

AP

481,7

274,4

- 43

66-20/20

Travaux sur monuments non protégés

CP

34,3

34,1

- 0,5

 
 

AP

35

35

-

66-20/50

Archéologie

CP

49,8

50,4

+ 1,2

 
 

AP

53,1

62

+ 16

Total CP

 
 

1 395,9

1 443,35

+ 3,4

Total AP

 
 

1 619,32

1 655,27

+ 2,2

L'analyse des crédits du patrimoine figurant au projet de loi de finances pour 1999 fait apparaître des évolutions contrastées .

Si l'augmentation des crédits de paiement et des autorisations de programme permet de consolider les dotations prévues par la loi de finances pour 1998, votre rapporteur relève que la progression globale bénéficie essentiellement aux travaux effectués par l'État sur ses monuments , les crédits finançant les travaux sur des monuments historiques n'appartenant pas à l'État ne bénéficiant que d'une progression modeste en crédits de paiement (1,1 %) pour ceux exécutés sous maîtrise d'ouvrage de l'État et diminuant pour ceux exécutés sous la maîtrise d'ouvrage des propriétaires (-24,5 %). Cette évolution s'explique essentiellement par le fait que les crédits concernant les travaux effectués sur le Palais de Chaillot et le Grand Palais (soit 212 millions de francs d'autorisations de programme) ont été transférés du chapitre 66-20 (subventions d'investissement accordées par l'Etat) au chapitre 56-20 (investissements exécutés par l'Etat).

Parmi les actions annoncées comme prioritaires dans l'affectation des crédits du patrimoine, on retiendra les travaux de restauration des cathédrales (Amiens, Chartres, Rouen, Strasbourg, Paris et Saint-Denis de La Réunion), la poursuite des travaux sur les bâtiments du Parlement de Bretagne, l'accent mis sur la préservation et la valorisation du patrimoine du XXe siècle (restauration de la villa Noailles de Mallet-Stevens par exemple), le renforcement de la politique d'inventaire et de protection du patrimoine industriel ainsi que l'ouverture des tranches de travaux pour la consolidation des fondations et des structures du Grand Palais et la restauration de la façade et de la statuaire de l'Opéra Garnier.

b) Les dépenses d'investissement hors patrimoine

Les dépenses d'investissement hors crédits du patrimoine progressent de 3,7 % en crédits de paiement (2 099,97 millions de francs) et diminuent de 10,44 % en autorisations de programme (1 867,09 millions de francs).

Cette évolution contrastée résulte, d'une part, de la volonté d'apurer la dette de l'Etat vis-à-vis des collectivités locales grâce à un rattrapage en crédits de paiement et, d'autre part, de la nécessité de dégager les moyens nécessaires à la maintenance et à la rénovation des grandes institutions culturelles.

• Depuis 1993, les délais de versement des subventions d'investissement de l'Etat aux maîtres d'ouvrages locaux n'ont cessé de s'allonger, conduisant en pratique les collectivités locales à consentir à l'Etat des avances de trésorerie. Ces difficultés ont par ailleurs été accrues du fait des annulations de crédits de paiement intervenant en cours d'exercice budgétaire.

A la fin 1997, la dette de l'Etat était estimée en crédits de paiement à 267 millions de francs. Cette situation, qui avait conduit les services du ministère des finances à bloquer les nouveaux engagements dans l'attente du règlement des engagements plus anciens, avait eu pour conséquence de retarder la réalisation de nombreuses opérations de construction et de rénovation.

L'augmentation pour 1999 des crédits de paiement doit permettre de contribuer à apurer la dette de l'Etat vis-à-vis des collectivités locales et permettre, pour l'avenir, un flux plus régulier d'engagements.

• Par ailleurs, l'accroissement des crédits de paiement correspond à la poursuite de l'effort engagé en faveur de la remise en état du patrimoine des grandes institutions culturelles .

Le programme de réaménagement des espaces intérieurs du centre Georges Pompidou, rendu nécessaire pour des raisons tenant à la fois à l'usure du bâtiment et au souci d'améliorer le fonctionnement du centre, sera poursuivi. Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit de consacrer à ces travaux 139,5 millions de francs en crédits de paiement (soit +31 % par rapport à 1998) et 75,5 millions de francs en autorisations de programme.

Le domaine national de Versailles bénéficiera de mesures nouvelles à hauteur de 34 millions de francs en crédits de paiement afin d'entamer la mise en oeuvre d'un plan pluriannuel de sécurité et d'accueil du public.

L'établissement public du Grand Louvre dont l'achèvement est prévu pour l'année prochaine bénéficiera d'une dotation, désormais affectée à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, s'élevant à 35,92 millions de francs en crédits de paiement et à 146,2 millions de francs en autorisations de programme. Par ailleurs, il bénéficiera de 25,4 millions de francs en autorisations de programme au titre de l'équipement muséographique.

En ce qui concerne la Bibliothèque nationale de France, qui connaîtra en 1999 sa première année de pleine activité, elle bénéficiera de crédits d'équipements s'élevant à 62 millions de francs (+ 32 %) destinés notamment au catalogue collectif et à la mise en place des pôles associés.

Par ailleurs, le chantier du musée des arts et des civilisations, dont le coût est estimé à 1 milliard de francs, sera entamé en 1999 ; 15,5 millions de francs en crédits de paiement et 62 millions de francs en autorisations de programme lui seront consacrés.

Cette politique d'investissement est en grande partie conduite par l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EPMOTC) créé par le décret n° 98-387 du 19 mai 1998. Ce nouvel établissement public, issu de la fusion de la mission interministérielle des grands travaux et de l'établissement public du Grand Louvre, a pour mission d'assurer à la demande et pour le compte de l'Etat, " la maîtrise d'ouvrage des opérations de construction, d'aménagement, de réhabilitation, de restauration, de gros entretien ou de réutilisation d'immeubles appartenant à l'Etat et présentant un intérêt culturel ". En outre, il peut également assurer des missions identiques auprès des collectivités locales et de leurs établissements publics.

En 1999, le montant des crédits consacrés à des opérations susceptibles de lui être confiées s'élève à 456,52 millions de francs en autorisations de programme et sont retracés dans le tableau suivant :

AUTORISATIONS DE PROGRAMME GÉRÉES PAR L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC
DE MAÎTRISE D'OUVRAGE DES TRAVAUX CULTURELS (1998-1999)

Opérations

Chapitre
Article

LFI
1998

Chapitre
Article

PLF
1999

Restructuration du Grand Palais

66-20-90

150

56-20-50

217

Centre de la mémoire contemporaine à Reims

66-91-69

144

 

-

Grand Louvre

66-91-69

200

66-91-69

35,92

Conventions Établissement public du Grand Louvre

66-91-69

13,6

66-91-69

-

Restauration de l'Orangerie

66-91-69

7

66-91-69

28

Restructuration du Musée d'Orsay

66-91-69

0

56-91-30

19

Travaux dans les autres musées nationaux

66-91-69

10

56-91-30

4

Installation d'un accès-décors dans le Théâtre national de Chaillot

 
 

56-91-40

11

Restructuration de l'Odéon

66-91-69

121

 
 

Regroupement des services centraux

66-91-69

167,7

56-91-60

84,6

Construction du centre national de la danse

66-91-69

20

56-91-60

17

Institut national d'histoire et de l'art

66-91-69

20

56-91-60

40

TOTAL

 

853,3

 

456,52

Source : ministère de la culture

La seule lecture du " bleu " ne permet pas l'identification des opérations relevant de l'EPMOTC. En effet, les opérations qu'il conduit sont de trois ordres : d'une part, des opérations faisant l'objet d'une convention entre l'Etat et l'EPMOTC financées sur les chapitres 56-20 ou 56-91, des opérations encadrées par une convention entre l'EPMOTC et un autre établissement public et des opérations dont l'EPMOTC assure seul la maîtrise d'ouvrage financées sur les crédits du chapitre 66-91, article 68. Pour ces derniers, la globalisation au sein de cet article ne permet guère de suivre les sommes consacrées aux différentes opérations dont l'EPMOTC assure la maîtrise d'ouvrage.

L'augmentation des dotations en capital profite également à des projets en région . Les crédits destinés à des opérations d'intérêt régional dont la maîtrise d'ouvrage est confiée à des collectivités locales s'élèveront en 1999 à 359,35 millions de francs, en progression de 41 % par rapport à 1998. Les principales augmentations concerneront les musées des collectivités locales (+ 26,35 millions de francs), la restructuration du Cargo à Grenoble (+ 45 millions de francs) et l'aménagement des centres dramatiques nationaux et régionaux, des scènes nationales et des salles municipales (+ 8,2 millions de francs).

II. RENFORCER LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE

Votre rapporteur a souligné à de nombreuses reprises que l'aménagement culturel du territoire et le développement de l'éducation artistique devaient constituer le socle d'une politique bien comprise de démocratisation culturelle. Il constate avec satisfaction que le projet de budget pour 1999 consolide les efforts engagés en ce sens. Néanmoins, et notamment en ce qui concerne l'éducation artistique, ils devront s'inscrire dans la durée afin de répondre aux besoins qui existent en ce domaine.

A. LA POURSUITE DE L'AMÉNAGEMENT CULTUREL DU TERRITOIRE

1. Le rééquilibrage en faveur de la province des interventions culturelles de l'Etat est confirmé

La multiplication des chantiers portant sur la construction de grandes institutions culturelles implantées dans la capitale, conjuguée à la volonté croissante des collectivités locales d'intervenir dans le domaine culturel, a fait naître une revendication légitime en faveur d'un redéploiement de l'effort culturel de l'Etat vers la province.

Ce rééquilibrage qui a été amorcé dès les années 1980 et qui se poursuit en 1999 a notamment été permis par la décroissance des crédits affectés aux grands travaux. En effet, ces derniers avaient contribué à la croissance du budget du ministère et, une fois leur réalisation achevée, les crédits ont pu être redéployés vers des équipements situés en province.

Au cours des dernières années, le rééquilibrage des dépenses en faveur de la province a plutôt joué au détriment de l'Ile-de-France, la part des crédits consacrés à la capitale n'évoluant que dans des proportions modestes.

Depuis 1989, le ministère s'est doté d'un instrument fiable lui permettant de quantifier la répartition de ses dotations budgétaires entre la capitale, la région Ile-de-France et la province.

Les tableaux ci-dessous permettent d'évaluer la répartition entre Paris et la province des crédits du ministère de la culture en dépenses ordinaires et crédits de paiement :

BUDGET GLOBAL DU MINISTÈRE DE LA CULTURE EN DÉPENSES ORDINAIRES
ET AUTORISATIONS DE PROGRAMME

 

1998

1999

 

Paris

Ile-de-France

Province

Paris

Ile-de-France

Province

Titre III

77,8

3,3

18,5

77

3,6

19,2

Titre IV

23,1

5,5

71,4

21,1

5,6

73,3

Titre V

20,8

12,4

66,9

40,8

10,4

48,8

Titre VI

60,2

6

33,8

44,4

8,7

46,9

TOTAL

53,5

5,2

41,2

52,1

5,3

42,2

(en pourcentage)

L'examen des chiffres du tableau appelle les analyses suivantes :

en ce qui concerne les crédits du titre IV, la part allouée à la province passe de 71,4 % en 1998 à 73 % en 1999, confirmant la part croissante prise par la province dans l'affectation des crédits d'intervention depuis plusieurs années. Rappelons qu'en 1987, 54 % seulement des crédits du titre IV étaient destinés à la province ;

la part des autorisations de programme affectées à la province passe de 46,6 % en 1998 à 48 % en 1999 et celle consacrée à Paris, de 42,4% à 44,9 %.

Cette progression globale recouvre néanmoins des évolutions contrastées. Sur le titre V, on assiste en 1999 à un rééquilibrage en faveur de Paris. En 1999, 48,8 % des autorisations de programme bénéficieront à la province et 40,8 % à Paris, contre respectivement en 1998, 66,9 % et 20,8 %. Cette évolution s'explique en grande partie par le transfert sur le titre V des crédits consacrés à des opérations réalisées à Paris et dont l'EPMOTC assure la réalisation et dont l'Etat est maître d'oeuvre. En ce qui concerne le titre VI, le projet de loi de finances pour 1999 rétablit un équilibre favorable à la province qui bénéficiera de 46,9 % des crédits contre 33,8 % en 1998, les crédits affectés à Paris passant de 60,2 % à 44 %.

2. Pour un bon usage de la déconcentration

Le mouvement de déconcentration a été initié au sein du ministère de la culture dans les années 1980, lorsque la croissance de ses moyens l'a amené à s'adapter à une dimension qu'il n'avait pas jusque là, et s'est traduite par un accroissement du rôle des directions régionales des affaires culturelles qui constituent, avec les services départementaux des archives et du patrimoine, les échelons déconcentrés du ministère.

Parallèlement à cette évolution propre au ministère de la culture, la déconcentration est devenue un principe fondamental de l'organisation administrative de l'Etat. Conçue par la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République comme le corollaire nécessaire de la décentralisation, elle a redonné vie à l'adage selon lequel " on peut gouverner de loin, mais on n'administre bien que de près ".

Plus qu'à tout autre domaine d'intervention de l'Etat, ce principe administratif a vocation à s'appliquer à l'action conduite par le ministère de la culture dont le rôle en matière de soutien à la création et de diffusion culturelle se traduit de plus en plus par un partenariat avec les collectivités locales et un dialogue direct avec les artistes. Par ailleurs, il apparaît comme un moyen privilégié de développer l'offre culturelle dans les régions.

Le décret n° 97-1200 du 19 décembre 1997 a précisé les conditions d'application de la règle générale posée par le décret n°97-34 du 15 janvier 1997 selon laquelle les décisions individuelles entrant dans le champ de compétences de l'Etat, à l'exception de celles concernant les agents publics, sont prises par le préfet. Il s'est traduit en 1998 par un accroissement du montant des crédits déconcentrés, évolution qui devrait arriver à son terme en 1999.

Si l'on tient compte des seuls crédits déconcentrables 2( * ) , les crédits déconcentrés représentaient, en 1998, 81 % des dotations du ministère contre 28 % en 1990.

Comme nous l'avons souligné plus haut, la déconcentration entraîne en premier lieu un accroissement de la charge de travail des directions régionales des affaires culturelles. Nous ne reviendrons pas ici sur les inconvénients qui risquent de résulter d'une insuffisance de leurs moyens.

Au-delà de ces difficultés liées à la gestion de la politique culturelle, la déconcentration aura pour conséquence de modifier les relations entre l'administration et les professionnels de la culture . Dans cette perspective, des inquiétudes se sont manifestées face aux risques d'une politique culturelle, à géométrie variable : l'administration centrale dépourvue de moyens de contrôle ne serait plus capable de coordonner la politique culturelle qui serait réduite à l'addition de 23 politiques régionales. En ce domaine, votre rapporteur considère que les outils statistiques et informatiques ne pourront se substituer à la volonté politique.

Dans le souci de parer à ces critiques, la ministre a souhaité relancer la politique contractuelle en la dotant d'un cadre général précisant les droits et les obligations respectives de l'Etat et des structures culturelles. Ce cadre général est défini par la charte du service public, qui entrera en vigueur le 1er janvier 1999. Ce document qui avait vocation à l'origine à s'appliquer au seul secteur du spectacle vivant devrait concerner l'ensemble des domaines d'intervention du ministère, y compris les musées. Destinée à clarifier les conditions de l'intervention de l'Etat, elle fixe les principes généraux définissant les responsabilités des équipes et des structures subventionnées, les principales règles relatives à la direction et à la gestion des établissements assurant des missions de service public ainsi que les règles et les obligations qui s'imposent à l'Etat.

Cette relance de la contractualisation correspond à une nécessité. En effet, les structures culturelles doivent évoluer dans le sens d'une responsabilisation accrue de façon à mieux satisfaire les attentes du public et à mieux remplir leur mission de service public. Cette dernière doit être fondée sur la définition de priorités précises et la mise en place d'instruments de contrôle et d'évaluation.

Cette exigence concerne non seulement les interventions déconcentrées de l'Etat auxquelles devraient s'appliquer en premier lieu la charte de service public, mais également les grandes institutions culturelles situées à Paris, qu'il s'agisse de la Bibliothèque nationale de France ou du Grand Louvre. Ces établissements doivent, en effet, participer activement à la diffusion culturelle, notamment en prenant en compte, plus largement qu'elles ne le font aujourd'hui, le rôle de têtes de réseau qui leur incombe à l'égard des institutions situées en province. Votre rapporteur souhaite que la contractualisation puisse constituer un moyen d'évoluer en ce domaine.

Si votre rapporteur approuve les finalités de cette charte comme les principes qu'elle réaffirme (répartition équilibrée de l'offre culturelle, liberté des créateurs, démocratisation de l'accès à la culture), il souligne que, sous bien des aspects, ses dispositions demeurent très générales et leurs conditions de mise en oeuvre très floues, laissant à l'administration et à ses partenaires une large marge d'appréciation. La valeur de ce document dépendra donc des suites qu'entendra lui donner le ministère dans ses relations avec les structures subventionnées.

3. Le bilan nuancé de la politique d'implantation d'équipements culturels en province

a) Les grands projets en régions

Le programme des grands projets en régions décidé lors du Comité interministériel d'aménagement du territoire de Troyes en 1994 symbolisait la volonté politique de veiller à une répartition plus équilibrée de l'action culturelle. Couvrant la période 1995-2000 et bénéficiant d'une enveloppe globale de 800 millions de francs, il visait à favoriser la constitution d'un réseau de " pôles d'excellence " susceptibles d'avoir une action " structurante " sur le tissu culturel local.

Près d'un an avant la date fixée pour l'achèvement de ce programme, le bilan des opérations réalisées dans ce cadre est mitigé.

Le montant total des autorisations de programme inscrites entre 1995 et 1999 au titre des grands projets en région ne s'élève qu'à 410 millions de francs, dont 70,9 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1999.

Les crédits dégagés pour 1999 permettront de financer :

- les aménagements intérieurs du centre des costumes de scène à Moulins (16 millions de francs) ;

- le démarrage du projet de la Villa Arson à Nice, destiné à abriter une école nationale supérieure d'art, un centre d'art et une résidence pour artistes (5 millions de francs) ;

- la première tranche de restructuration du théâtre du Cargo à Grenoble (45 millions de francs) ;

- et la réhabilitation de l'architecture coloniale de Saint-Laurent du Maroni (3,9 millions de francs).

Il apparaît donc que ce programme, qui devait initialement porter sur une enveloppe de 800 millions de francs, aura subi un singulier retard puisqu' un peu plus de la moitié seulement de l'enveloppe initialement prévue aura été dégagée . On relèvera qu'en dépit de la volonté affichée du gouvernement de renforcer l'offre culturelle en province, les dotations consacrées à ces projets diminuent en 1999 de près d'un tiers par rapport à 1998, passant de 165,5 millions de francs à 75,9 millions de francs et que le projet de centre de la mémoire contemporaine à Reims a été abandonné.

Le retard pris dans la mise en oeuvre de ce programme peut s'expliquer par les modalités mêmes de réalisation des opérations, entamées trop récemment ou programmées sur une période supérieure à cinq ans, ou encore par le caractère encore trop flou de certains des projets sélectionnés en 1994. On regrettera aussi que les annulations intervenues en cours d'exécution budgétaire aient frappé si souvent les grands projets en région.

b) Les contrats de plan Etat-régions

Les constats faits à propos de la réalisation du programme des grands projets en région rejoignent ceux tirés du bilan du volet culturel des contrats de plan Etat-régions qui s'achèveront en 1999.

En effet, dans le domaine culturel, le taux d'exécution des contrats de plan Etat-régions sera de 83 % en 1999. Si l'on peut se féliciter de l'effort accompli depuis 1997, année où le taux d'exécution n'était que de 51 %, on notera que le domaine culturel est celui où l'on constate les taux de réalisation les plus faibles.

On rappellera que le budget des volets culturels des contrats de plan s'élevait au total à 1 505,32 millions de francs (soit 1 411,55 millions de francs pour la métropole ; 53,30 millions de francs pour les départements d'outre-mer et 40,47 millions de francs pour les territoires d'outre-mer), soit plus du double par rapport au Xe plan où la part de la culture s'élevait à 612 millions de francs.

La répartition de ce budget privilégiait les actions relatives au patrimoine et aux musées, qui représentent 54 % des crédits, par rapport à celles relatives au spectacle vivant et à la création, auxquelles sont destinés 46 % des crédits. On relèvera que cette situation a traduit une évolution par rapport au Xe plan où les parts respectives de ces actions étaient de 80 % et 20 %.

4. Une décentralisation culturelle inachevée

Bien que les lois de décentralisation n'aient que très ponctuellement abordé l'action culturelle, les collectivités locales sont devenues des partenaires actifs de la politique culturelle, représentant à elles seules plus de la moitié des dépenses publiques consacrées à la culture. Les considérables investissements réalisés en ce domaine constituent à l'évidence le facteur le plus décisif de la démocratisation de l'accès à la culture. Néanmoins, on constate que le cadre juridique de leurs interventions culturelles demeure encore imparfait.

Le choix que les collectivités locales font bien souvent de confier à des associations de la loi de 1901 la gestion de certains services publics montre bien qu'ils ne disposent pas à l'heure actuelle d'instruments juridiques adaptés.

En effet, le droit actuel des services publics locaux se caractérise par une multiplicité de statuts, chacun d'entre eux étant destiné à servir de cadre à la gestion d'un service public donné. Néanmoins, il comporte des lacunes et ne prévoit pas de dispositions spécifiques pour nombre de nouveaux services pris en charge par les collectivités locales, ce qui est notamment le cas dans le domaine culturel.

En l'absence de dispositions spécifiques, il n'existe guère que le statut des régies municipales qui puisse s'appliquer. Or, en dépit d'une relative souplesse, les règles relatives aux régies présentent de nombreux inconvénients et ne peuvent être considérées comme un cadre satisfaisant pour les interventions culturelles. En effet, il ne permet pas aux régions et aux groupements de communes autres que les syndicats d'y avoir recours, ni d'associer les efforts de plusieurs catégories de collectivités publiques.

Faute d'un tel cadre, le recours aux associations pour gérer ce qui est en fait un service public est de plus en plus fréquent. Or, ce cadre juridique, bien qu'il présente d'incontestables avantages, comme la soumission de leur activité au droit privé, n'est pas exempt de danger.

Le premier écueil désormais bien connu pour avoir été souvent condamné par la Cour des comptes est la requalification de l'association en association para-administrative .

En effet, le recours excessif aux associations pour la gestion des services publics locaux fait courir un triple risque aux collectivités et à leurs responsables : un risque financier pour la collectivité en raison de l'insuffisance des contrôles de l'usage des fonds publics, un risque pour les élus et les fonctionnaires impliqués dans la création et la gestion d'une association et exposés à être déclarés comptables de fait des deniers publics et, enfin, un risque de mise en jeu de la responsabilité des dirigeants de l'association qui, au titre des fautes de gestion, peuvent être condamnés à participer au remboursement des dettes.

Par ailleurs, le statut associatif présente un second inconvénient qui réside dans les incertitudes liées au régime d'imposition des associations. Ce risque concerne bien entendu toutes les associations oeuvrant dans le domaine culturel -et non pas seulement celles créées à l'initiative d'une collectivité locale.

En effet, bien que la loi dispose que les associations à but lucratif ne sont pas assujetties aux impôts commerciaux, celles-ci ont été de plus en plus nombreuses à faire l'objet de redressements dont les conséquences, dans de nombreux cas, ont menacé leur existence même. Afin de remédier à ces difficultés, une instruction fiscale du 15 septembre 1998, prise à la suite du rapport remis par M. Goulard au Premier ministre a précisé les critères d'application du caractère " non lucratif " des associations.

L'instruction réaffirme le principe selon lequel les associations à but non lucratif ne sont pas assujetties aux impôts commerciaux et précise les méthodes d'analyse et les conditions dans lesquelles sera apprécié le caractère non lucratif de leur activité.

On relèvera que les critères sont définis de manière assez stricte par la circulaire, en particulier en ce qui concerne les moyens de publicité utilisés lorsque l'association intervient dans un domaine où existent des entreprises commerciales. Dans bien des cas, ils entraîneront l'assujettissement des associations aux impôts commerciaux.

En dépit des mesures d'accompagnement prises en faveur des associations de bonne foi et de la possibilité ouverte aux collectivités locales par l'article 73 du projet de loi de finances pour 1999 de porter de 50 à 100 % l'exonération de la taxe professionnelle pour les associations du secteur culturel, il n'est pas exclu que cette clarification se traduise par un accroissement des charges fiscales des associations, ce qui posera à terme, pour celles qui sont liées à des collectivités locales, la question d'une éventuelle augmentation de leurs subventions. Pour ces dernières, l'instruction fiscale apparaît comme un motif supplémentaire plaidant en faveur de la création d'un statut juridique plus adapté et plus clair.

Préconisée par la commission Rigaud, la création d'un nouveau type d'établissement public local, l'établissement public culturel, permettrait sans doute d'offrir un cadre plus adapté aux interventions culturelles des collectivités locales .

Votre rapporteur souhaite donc que la réflexion engagée sur ce sujet par les ministères de la culture et de l'intérieur à partir de la proposition de loi adoptée sur ce sujet en 1997 par l'Assemblée nationale puisse aboutir rapidement.

B. L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE, CONDITION DE LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE

L'éducation artistique et culturelle constitue l'un des enjeux majeurs de la politique culturelle.

Au delà du rôle qu'elle est appelée à jouer dans l'éveil des sensibilités et dans la formation du goût et du sens critique, elle constitue un instrument primordial au service de l'objectif de démocratisation culturelle.

Or, la France enregistre en ce domaine un retard par rapport aux pays européens qu'il s'agisse de l'Italie, pour l'enseignement de l'histoire de l'art, ou des pays scandinaves, en matière d'initiation à la pratique artistique à l'école.

Les conclusions de la commission Rigaud qui invitaient à affirmer un " droit permanent du citoyen " à l'éducation artistique et culturelle conservent aujourd'hui toute leur pertinence.

En ce domaine, l'école a, d'évidence, un rôle déterminant à jouer. En effet, l'éducation artistique et culturelle constitue, à l'égal de la lecture, de l'écriture et du calcul, un enseignement fondamental. Le rapport remis au printemps dernier au ministre de l'éducation nationale par M. Philippe Méirieu, président du comité d'organisation de la consultation nationale sur l'avenir des lycées, a souligné à cet égard que les jeunes lycéens aspiraient à acquérir dans le cadre des établissements scolaires une culture commune.

Au delà de l'école et en exceptant l'enseignement supérieur des arts qui constitue l'un des moyens de la politique d'aide à la création, l'éducation artistique et culturelle doit s'adresser à tous, y compris aux plus démunis pour lesquelles elle constitue un instrument de lutte contre l'exclusion et un moyen d'assurer l'égalité des chances. Cela justifie donc que toutes les autorités publiques, qu'il s'agisse de l'Etat et des établissements publics placés sous sa tutelle ou des collectivités locales, y prennent une part active.

1. Les crédits consacrés aux enseignements artistiques

La volonté exprimée par Mme Catherine Trautmann de dégager des moyens nouveaux en faveur des enseignements artistiques va incontestablement dans le bon sens. Néanmoins, l'effort consenti en ce domaine mérite d'être accru afin de doter la France, comme le proposait la commission Rigaud, au cours des vingt prochaines années d'un " système cohérent et efficace d'éducation culturelle du citoyen ".

Les crédits consacrés aux enseignements artistiques (hors dépenses de personnel et de fonctionnement des services du ministère y afférent) qui connaissent une progression moindre qu'en 1998 s'élèvent en 1999 à 1,33 milliard de francs en dépenses ordinaires, en progression de 2,4 % par rapport à 1998, et à 178,2 millions de francs en autorisations de programme, en progression de 15,7 % par rapport à 1998.

Le tableau ci-dessus indique la ventilation des crédits consacrés aux enseignements artistiques inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.

ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES

Crédits 1998 et 1999

en millions de francs

Chapitre et article

LFI 1998

PLF 99

1999/1998
(en %)

36-60 Subventions aux établissements publics

505,7

512,3

+ 1,3

43-20 Interventions d'intérêt national

236,7

263

+ 11

- 40: Enseignements et formations

228,56

200,25

- 12,4

- 50 : Bourses d'études

8,18

6,8

- 16,9

- 60 : Bourses d'enseignement supérieur

 

55,9*

 

43-30 Interventions déconcentrées

541,7

524,1

- 3,2

Total interventions Titre IV

778,4

787,1

+ 1,1

Total dépenses ordinaires

1 284,1

1 299,4

+ 1,2

56-91 Investissement (AP)

137,6

146,8

+ 6,6

66-91 Subvention d'équipement

16,4

31,4

+ 91,4

Total dépenses en capital

154,0

178,2

+ 15,7

Total (DO + AP)

1 438,1

1 477,6

+ 2,7

* Transfert du chapitre 36-60 pour 3,4 millions de francs et du chapitre 43-30 pour 45 millions de francs

Ce tableau fait apparaître les évolutions suivantes :

- une progression de 2,7 % des subventions aux établissements publics qui profite essentiellement aux écoles d'architecture, au réseau des écoles d'art du centre national des arts plastique et à l'ENSMIS 3( * ) ;

- une faible progression des crédits d'intervention (+1,1 %) qui, à structure constante c'est-à-dire en ne tenant pas compte du transfert des crédits de bourse sur le titre IV, diminuent de 6 % ;

- une progression de 15,7 % des dépenses en capital, qui bénéficie pour une large part aux écoles municipales et régionales d'art.

Afin de tenter d'apprécier la situation des enseignements artistiques en France, il convient de distinguer entre la pratique de ces enseignements à l'école, d'une part, et l'offre d'enseignements artistiques spécialisés, d'autre part.

2. Les enseignements et pratiques artistiques en milieu scolaire

Les crédits destinés à financer ces actions sont extrêmement difficiles à identifier à la seule lecture du " bleu " en raison notamment des modifications de nomenclature budgétaire. On relèvera que la diminution de 2,3% des crédits d'intervention de la délégation au développement culturel et à l'aménagement du territoire sur lesquels sont financées ces actions ne rend guère possible leur développement, ce qui est regrettable compte tenu de leur incontestable intérêt.

a) Les enseignements obligatoires : une application encore imparfaite de la loi

La loi du 6 janvier 1988 précitée rend obligatoire dans l'enseignement primaire et le premier cycle du secondaire, l'enseignement d'au moins deux disciplines artistiques, la musique et les arts plastiques. Sur ce point, son application relève du ministère de l'éducation nationale.

A l'école primaire , le respect de l'obligation posée par la loi est difficile à contrôler. En effet, si les programmes posent le principe d'un enseignement de la musique et des arts plastiques à raison d'une heure hebdomadaire, cet enseignement est en général assuré non par des professeurs spécialisés comme dans le secondaire mais par des instituteurs et des professeurs des écoles.

On constate dans les faits qu'encore bien souvent ces enseignements ne sont pas assurés, ceci pouvant s'expliquer par le sentiment d'incompétence que peuvent ressentir certains enseignants face à des disciplines pour lesquelles ils ne disposent pas d'une formation pédagogique suffisante et par la lourdeur des programmes liés aux apprentissages fondamentaux.

Face à ce constat, apparaît la nécessité de renforcer la formation des enseignants aux disciplines artistiques dispensée dans les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), qui apparaît pour l'heure encore insuffisante. A cet égard, la pratique des conventions passées entre des IUFM et des DRAC afin d'améliorer la formation initiale et continue des enseignants devrait être systématisée.

Dans le premier cycle du secondaire, les difficultés constatées dans l'application de la loi de 1988 tiennent désormais essentiellement à la qualité de l'enseignement dispensé. Là encore, un effort de formation des enseignants s'impose afin que les enseignements dispensés soient de nature à permettre un réel accès des élèves à la culture.

b) Les activités et pratiques culturelles

Dans le prolongement des enseignements artistiques obligatoires et optionnels, le ministère de la culture participe à l'application de la loi n° 88-20 du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques en soutenant les actions engagées à l'école en partenariat avec les professionnels de la culture dans le cadre de dispositifs conjoints avec le ministère de l'éducation nationale et des orientations du protocole sur l'éducation artistique signé en novembre 1993.

Le tableau ci-dessous récapitule, conformément à l'article 16 de la loi du 6 janvier 1988, les crédits consacrés en 1998 par le ministère de la culture à des actions prenant place dans des dispositifs d'éducation artistique. Il ne tient pas compte des projets, qui n'entrent dans le cadre d'aucun dispositif mais peuvent faire l'objet d'une contractualisation spécifique, ni des contrats de ville qui représentent une part importante des actions financées par le ministère au titre de l'éducation culturelle et artistique.

ETAT RÉCAPITULATIF PRÉVU PAR L'ARTICLE 16
DE LA LOI DU 6 JANVIER 1988 POUR L'ANNÉE 1998

 

Nombre
d'établissements
concernés

Nombre d'élèves touchés

Crédits alloués par le ministère de la culture
(en millions de francs)

Ateliers et classes culturelles en primaire

1 800

45 000

8,5

Ateliers de pratique artistique en collèges, lycées et lycées professionnels

2 421 dont 1 650 menés avec des professionnels culturels

50 200
(38 000 travaillant avec des professionnels)

22

Enseignements optionnels en lycée, en théâtre, en cinéma

environ 300

environ 25 000

22

Jumelages entre des établissements et des structures culturelles

130

60 000

14,3

Sites expérimentaux d'éducation artistique

21 villes
24 départements

200 000

9,195

Écoles, collèges, lycées au cinéma

 

603 000

16,4

Total

 

983 200

92,4

Source : Ministère de la Culture

Les activités culturelles et artistiques mises en place grâce au ministère de la culture n'apparaissent plus comme des activités complémentaires ou périphériques mais sont en passe de devenir des composantes à part entière du projet global d'éducation.

* Les classes culturelles et les ateliers de pratique artistique rencontrent un grand succès

Les premières impliquent le déplacement d'une classe pendant une semaine et sont axées sur la découverte d'une activité de création ou du patrimoine.

Les ateliers de pratique artistique concernent les collèges ou les lycées et sont animés par une équipe regroupant à la fois des enseignants et des professionnels du secteur culturel. Ils se déroulent sur trois ou quatre mois à raison de deux à trois heures hebdomadaires.

Au cours de l'année scolaire 1997-1998, dans les écoles, 1 800 classes culturelles et ateliers de pratique artistique ont permis à près de 55 000 enfants de découvrir une discipline artistique ou un élément du patrimoine. Le ministère de la culture y a consacré 8,2 millions de francs.

La même année, 46 700 élèves du secondaire ont fréquenté un atelier de pratique artistique. Le budget consacré à ces actions s'est élevé en 1998 à 22 millions de francs.

* Le ministère de la culture apporte, par ailleurs, son soutien aux enseignements artistiques optionnels dans les classes des lycées , en prenant à sa charge la rémunération des artistes professionnels qui collaborent avec les enseignants spécialisés qui relèvent de l'éducation nationale. Au cours de l'année 1997-1998, 104 lycées ont dispensé un enseignement spécialisé dans le domaine du cinéma, 110 lycées un enseignement du théâtre et 78 lycées un enseignement d'histoire de l'art. Ces enseignements ont été suivis par environ 27 000 lycéens.

La contribution du ministère de la culture à la sensibilisation artistique des écoliers, des collégiens et des lycéens prend également des formes variées.

* Lancée à la rentrée 1992, la formule des " jumelages " repose sur le rapprochement d'un établissement culturel et d'un établissement scolaire.

Au fur et à mesure des années, cette formule s'adresse à une population de plus en plus large. Les établissements culturels participant à ces opérations sont dans la plupart des cas des institutions culturelles placées sous la tutelle de l'Etat ayant une activité artistique régulière et disposant d'un personnel permanent.

* De façon plus ponctuelle, le ministère de la culture met en oeuvre des opérations destinées à sensibiliser les jeunes à l'image de celles entreprises dans le domaine du cinéma, qui ont pour objectif de faire découvrir des films en salles avec un accompagnement pédagogique. Le ministère de la culture a consacré en 1998 16,4 millions de francs à ces opérations qui ont concerné près de 600 000 élèves.

* Enfin, dans le cadre du protocole d'accord interministériel signé le 17 novembre 1993 entre les ministères de la culture, de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, des actions expérimentales ont été lancées.

Ainsi, à la rentrée 1994, a été engagée ce qu'il est convenu d'appeler la " politique des sites ". Cette politique connaît désormais une certaine désaffection qui a incité le ministère de la culture à procéder à l'évaluation de ce dispositif auquel il a consacré, en 1998, 3,8 millions de francs.

Par ailleurs, le ministère de la culture a participé à la mise en place des dispositifs d'aménagement du rythme de vie des enfants, et en particulier des ARVEJ (dispositifs d'aménagement des rythmes de vie de l'enfant et du jeune). Afin de renforcer la participation des institutions et des associations culturelles à ces opérations, il a signé, conjointement avec les ministères de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports, la circulaire du 31 octobre 1995 qui fixe les modalités de l'ARVEJ.

Dans ce cadre, une vingtaine de communes ont signé des conventions avec le ministère de la culture afin de développer l'éducation artistique des enfants scolarisés à l'école maternelle et élémentaire.

La multiplication des dispositifs locaux et des sites expérimentaux mis en place comme dans certains cas l'usure de certaines actions ont rendu nécessaires une simplification et une clarification des modalités de l'intervention du ministère de la culture . La circulaire n° 98-153 du 22 juillet 1998 signée conjointement avec les ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement scolaire devrait y contribuer. Ce texte devrait permettre de recentrer l'action du ministère sur des priorités mieux identifiées et étendre la portée des dispositifs existants.

Par ailleurs, elle généralise à toutes les régions l'établissement de conventions entre les DRAC et les rectorats destinées à préciser les finalités des opérations engagées et à en fixer les modalités d'évaluation, ce qui sera -votre rapporteur le souhaite- un moyen de renforcer le partenariat entre les services de la culture et de l'éducation nationale, qui pour l'heure est insuffisant.

Dans cette perspective, il semblerait opportun de compléter les attributions du ministère de la culture afin de lui reconnaître la mission de promouvoir et de développer l'éducation artistique et culturelle et à ce titre celle de coordonner les actions entreprises dans ce domaine par les différents ministères . Il faut bien reconnaître qu'en ce domaine, le chevauchement des attributions ministérielles aboutit souvent à l'inaction.

Par ailleurs, il est essentiel de rappeler que cette mission doit inspirer l'action de tous les établissements culturels subventionnés par le ministère de la culture. A ce titre, votre rapporteur souhaite que la charte du service public constitue un moyen pour le ministère de faire participer plus activement les structures qu'il subventionne à cette mission.

3. Les enseignements spécialisés

L'action menée par le ministère de la culture, en vue de promouvoir les enseignements spécialisés des différentes disciplines artistiques est prise en charge, pour partie, par des établissements publics, sous tutelle du ministère, pour partie, par des institutions agréées, sous tutelle des collectivités locales, et par des associations qui reçoivent des subventions.

a) Les établissements publics délivrant un enseignement supérieur

Le ministère de la culture participe au financement des établissements publics délivrant une formation supérieure placés sous sa tutelle. Souvent héritiers d'une tradition prestigieuse, ces établissements, en permettant le renouvellement de la création, contribuent de manière déterminante à la politique artistique du ministère de la culture.

Ce réseau a été complété par les écoles d'architecture, placées sous la tutelle du ministère de la culture depuis 1997. Bien que constituant une charge budgétaire supplémentaire, puisqu'elles représentent 31 % des subventions de fonctionnement accordées aux établissements nationaux d'enseignement artistique, elles lui permettent de renforcer la cohérence de sa politique de soutien à la création artistique.

Le tableau ci-après retrace les subventions de fonctionnement des établissements nationaux d'enseignement artistique supérieur.

SUBVENTIONS DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS NATIONAUX
D'ENSEIGNEMENT ARTISTIQUE SUPÉRIEUR

(en millions de francs)

 

Chapitres

LFI 1998

PLF 99

1999/1998
(en %)

Arts plastiques

 
 
 
 

36-60-37

École nationale supérieure des Beaux-Arts

14,97

15,09

0,8

36-60-38

École nationale supérieure des arts décoratifs

21,58

22,65

4,96

36-60-72

École nationale supérieure de création industrielle

17,57

17,68

0,63

36-60-39

Académie de France à Rome

24,25

27,16

0,54

36-60-71

Centre national des arts plastiques

Écoles nationales d'art (1)

25,06

27,16

-

Théâtre

 
 
 
 

36-60-52

Conservatoire national supérieur d'art dramatique

5,41

6,18

14,23

Musique et danse

 
 
 
 

36-60-52

Conservatoire national supérieur de musique de Paris

73,71

74,09

0,52

36-60-53

Conservatoire national supérieur de musique de Lyon

57,24

57,65

0,72

36-60-55

École de danse de Nanterre

16,8

16,96

0,95

Histoire de l'art

 
 
 
 

36-60-36

École du Louvre

13,41

13,48

0,52

36-60-34

École nationale du patrimoine inclus (IFROA) (2)

40,57

40,74

0,42

Cinéma-audiovisuel

 
 
 
 

36-60-57

École nationale supérieure des métiers de l'image et du son

31,5

33,84

7,43

Architecture

 
 
 
 

36-60-58

Écoles d'architecture

157,16

162,15

3,18

TOTAL

 

499,23

512,05

2,57

(1) Il s'agit des services extérieurs du Centre national des arts plastiques (écoles d'Aubusson, Bourges, Cergy-Pontoise, Dijon, Limoges, Nancy et Nice) : le montant de l'enveloppe qui leur est affectée a été fourni par le ministère de la Culture.

(2) Institut français de restauration des oeuvres d'art.

Source : ministère de la Culture.

En 1999, les subventions de fonctionnement aux établissements nationaux d'enseignement artistique supérieur s'élèveront à 512,05 millions de francs, en progression de 2,57 %.

Par ailleurs, il convient de noter que les crédits consacrés aux bourses désormais transférés du titre III au titre IV en 1999 (chapitre 43-20 article 50) sont majorés de 10,03 % afin d'aligner les bourses attribuées aux étudiants en arts plastiques sur les barèmes de l'éducation nationale.

* Dans le domaine des arts plastiques , l'enseignement supérieur est dispensé par trois établissements publics parisiens (l'école nationale supérieure des Beaux Arts, l'école nationale supérieure des arts décoratifs et l'école nationale supérieure de la création industrielle) ainsi que par sept écoles nationales d'art en région rattachées au Centre national des arts plastiques.

Ces établissements sont engagés dans des réformes structurelles destinées à rationaliser leurs statuts et à développer leurs relations avec les professionnels. L'objectif de constituer un réseau des écoles d'art ne semble néanmoins pas encore atteint, les particularismes propres à chaque établissement ne facilitant guère sa réalisation.

On relèvera qu'en 1999 un effort sera consenti afin de doter les sept écoles nationales d'art en région de moyens de fonctionnement conformes à leurs missions et à la qualité des enseignements qu'elles dispensent, l'objectif étant de parvenir à ce qu'elles puissent bénéficier de dotations budgétaires par élèves comparables à celles des écoles nationales supérieures parisiennes, traditionnellement mieux dotées. L'augmentation des crédits d'investissement qui leur seront consacrées en 1999 est essentiellement destinée à la rénovation de la Villa Arson à Nice.

* L'enseignement supérieur de la musique et de la danse est assuré par deux conservatoires nationaux implantés respectivement à Paris et à Lyon, ainsi que par l'école de danse de Nanterre, et celui du théâtre par le conservatoire national supérieur d'art dramatique et l'école rattachée au théâtre national de Strasbourg.

* Dans le domaine du cinéma , l'enseignement professionnel est dispensé par l'école nationale supérieure des métiers de l'image et du son, établissement public à caractère industriel et commercial qui a succédé en 1998 à la FEMIS. Elle bénéficiera en 1998 d'une augmentation de ses moyens de fonctionnement (+7,4 %) et d'investissement (+ 50 %) ainsi que d'une dotation exceptionnelle, destinée à permettre son installation dans les locaux rénovés des anciens studios Pathé.

* Le transfert de la direction de l'architecture au ministère de la culture s'est effectué avec le souci de réaffirmer l'importance artistique et sociale de cette discipline.

Les écoles d'architecture bénéficieront de moyens de fonctionnement accrus (+3,18 %) afin d'achever dans de bonnes conditions la réforme des études d'architecture.

* Dans le domaine de l'histoire de l'art, l'enseignement est dispensé, d'une part, par l'école nationale du patrimoine qui forme les futurs conservateurs du patrimoine, et d'autre part, par l'école du Louvre, auparavant rattachée à la Réunion des musées nationaux et désormais érigée en établissement public.

Au delà de ces institutions prestigieuses et en dépit de la richesse du patrimoine français, il n'existait pas jusqu'ici de centre de recherche et d'enseignement capable de rivaliser avec les instituts étrangers. Le projet d'institut national d'histoire de l'art dont la réalisation dans les locaux de la rue Vivienne est rendue possible par le déménagement des départements des imprimés et des périodiques de la Bibliothèque nationale de France sur le site de Tolbiac a pour ambition de remédier à cette situation. Le coût de ce projet s'élève à 362 millions de francs, financés pour 188,4 millions de francs par le ministère de l'éducation nationale et pour 173,6 millions de francs par le ministère de la culture. S'y ajoute le coût de la mise aux normes des locaux qui lui sont dévolus, estimé à 125 millions de francs, qui sera pris en charge par le ministère de la culture.

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit, pour ce projet, 40 millions de francs d'autorisations de programme qui s'ajoutent à celles ouvertes en 1998 (20 millions de francs). Sa réalisation, qui se déroulera sur quatre années, devrait permettre :

- de regrouper les équipes d'enseignement de 3e cycle et les équipes de recherche de différentes universités (Paris I, Paris III, Paris IV, Paris VII, Paris VIII, Paris X), l'école des hautes études en sciences sociales, l'école pratique des hautes études et l'école du patrimoine ;

- de constituer une bibliothèque à partir de fonds documentaires jusqu'ici épars ;

- et de créer une iconothèque s'adressant à la communauté scientifique mais également aux enseignants du primaire et du secondaire ainsi qu'au grand public.

Votre rapporteur souhaite que ce projet contribue à la diffusion des connaissances scientifiques et permette une meilleure valorisation de la richesse de notre patrimoine, notamment dans la perspective du développement de son exploitation multimédia.

b) Le soutien aux écoles municipales et régionales d'art

Le ministère de la culture verse des subventions aux collectivités territoriales pour le fonctionnement des écoles de musique et de danse et des écoles d'art plastique agréées par l'Etat.

En 1999, les crédits correspondants s'élèveront pour les dotations de fonctionnement à 136,39 millions de francs, en progression de 9,6 %, et pour les dotations d'équipement, à 29,8 millions de francs, en progression de 115,4 %.

En ce qui concerne le fonctionnement
, les mesures nouvelles permettront :

- d'aligner le barème des bourses sur celui de l'éducation nationale,

- d'accroître la participation de l'Etat au fonctionnement des écoles les moins bien dotées,

- et de permettre le développement de l'école supérieure européenne de l'image d'Angoulême-Poitiers et de l'école du Fresnoy (Nord).

En matière d'investissement , les priorités porteront :

- sur l'achèvement des travaux des écoles d'Angoulême et de Poitiers,

- et sur la poursuite d'opérations concernant onze régions.

Votre rapporteur salue l'effort consenti en 1999 en faveur des écoles d'art. Néanmoins, il devra être poursuivi dans les années afin de tenir compte des besoins de ces écoles.

En effet, les subventions accordées par l'Etat ne permettent pas aujourd'hui de soutenir efficacement les initiatives des collectivités locales en ce domaine. A titre d'exemple, la contribution du ministère de la culture plafonnait en 1994 à 8,2 % du budget de fonctionnement des conservatoires nationaux de région et des écoles nationales de musique.

Le coût pour les collectivités locales de cette politique de soutien aux enseignements artistiques se traduit par une forte disparité de l'offre de formation entre les régions. Par ailleurs, le manque d'équipements pousse certaines écoles, face à l'afflux des demandes d'inscription, à opérer une sélection sévère bien éloignée des principes de démocratisation justifiant l'intervention des collectivités publiques en ce domaine.

On relèvera que l'article 157 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a ouvert aux collectivités locales la possibilité de différencier les tarifs des services dispensant des enseignements artistiques en fonction du quotient familial des usagers, faculté légitime qui devrait favoriser l'accès de tous à ces services publics en permettant, notamment aux enfants, d'accéder à la culture et à la pratique artistique.

Il existe en ce domaine une forte demande sociale attestée par l'engouement des Français pour les pratiques artistiques amateur . La dernière enquête sur les pratiques culturelles des Français révèle, en effet, que 18 % des Français ont joué d'un instrument ou fait du chant au cours des douze derniers mois et que 32 % ont pratiqué en amateur une ou plusieurs activités non musicales, contre 27 % en 1989. La volonté exprimée par la ministre de relancer la pratique amateur correspond donc à une attente des Français, et en particulier des plus jeunes d'entre eux. Votre rapporteur note, à ce titre, que la réalisation de cet objectif doit passer essentiellement par un renforcement du soutien apporté par l'Etat à l'effort consacré par les collectivités locales à l'éducation artistique et culturelle. A ce titre, il souligne qu'une clarification législative des compétences de l'Etat et des collectivités locales, souvent promise par les ministres de la culture successifs, serait en ce domaine bienvenue et permettrait sans doute de relancer la politique en faveur de l'éducation artistique.

III. ASSURER LA PÉRENNITÉ DE LA POLITIQUE PATRIMONIALE

A. QUEL AVENIR POUR LA POLITIQUE DU PATRIMOINE ?

1. Une nécessité : maintenir une capacité d'intervention substantielle de l'Etat

a) Un champ d'action de plus en plus large

L'accroissement du champ de l'action patrimoniale de l'Etat...

La loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques a confié à l'Etat la charge d'assurer la conservation du patrimoine protégé. Cette responsabilité n'est plus aujourd'hui de la même nature qu'au début du siècle. En effet, et il s'agit là d'une des évolutions majeures auxquelles a été confrontée la politique culturelle au cours des dernières années, le champ de l'action patrimoniale de l'Etat s'est considérablement élargi. Limité à l'origine à quelques grands monuments prestigieux, il s'étend désormais à des vestiges de plus en plus variées du passé.

Cette évolution qui s'explique par une modification de la conception de l'histoire et de l'art s'est reflétée dans la politique de classement. Aujourd'hui, 39 600 immeubles sont protégés au titre des monuments historiques, soit 13 830 immeubles classés et 25 770 immeubles inscrits à l'inventaire des monuments historiques. Bien que depuis 1995 on assiste à un ralentissement du rythme des classements, ces chiffres témoignent de l'étendue des responsabilités de l'Etat.

Par ailleurs, notre dispositif de protection du patrimoine révèle encore des lacunes. Ainsi, le cadre juridique de la loi du 31 décembre 1913 ne permet pas d'assurer dans des conditions satisfaisantes la protection des objets mobiliers, notamment en ce qui concerne le mobilier ou les décors intérieurs des châteaux, trop souvent victimes de l'appétit financier de repreneurs peu sensibles à leur valeur esthétique et historique et à la nécessité de les maintenir dans leur cadre d'origine. A ce titre, votre rapporteur se félicite de l'annonce par la ministre du dépôt d'un projet de loi sur ce sujet.

... répond à une attente des Français

Parallèlement à cette évolution, s'est fait jour chez nos concitoyens le sentiment que le patrimoine ne devait pas seulement être l'objet de respect et de soins mais que, trace de l'activité des générations passées, il était un témoin vivant et familier de leur histoire, source d'identité face aux interrogations du présent. Ce sentiment n'a fait que renforcer la légitimité de l'intervention de l'Etat dans ce domaine.

b) La nécessité de maintenir une capacité d'intervention substantielle de l'Etat

Le bilan de la loi-programme n° 93-1437 du 31 décembre 1993 relative au patrimoine monumental

Le vote de lois de programme ne concerne que quelques secteurs de l'action gouvernementale. Les lois de programme de 1988 et de 1993 dans le domaine du patrimoine monumental traduisaient la volonté du gouvernement d'accorder une priorité particulière aux investissements sur les monuments historiques.

La loi de programme du 31 décembre 1993, qui portait sur les années 1994 à 1998, prévoyait d'affecter à la " conservation du patrimoine monumental d'intérêt public " un montant de 7.849 millions de francs d'autorisations de programme (soit 8.014 millions de francs si l'on tient compte de l'actualisation). Prévoyant une progression régulière des investissements de 2 % par an, la loi avait fixé cinq tranches annuelles réparties comme suit :

CINQ TRANCHES ANNUELLES RÉPARTIES COMME SUIT :

Années

Tranches annuelles (1)

Montant actualisé (1)

1994

1508

-

1995

1538

1573,37

1996

1569

1611,36

1997

1601

1644,22

1998

1633

1677,09

(1) en millions de francs.

L'exécution de la loi de programme dans le cadre des lois de finances est retracée dans le tableau suivant :

(en millions de francs)

Années

Dotations actualisées prévues par la loi de programme

Dotations résultant
des lois de finances

1994

1508

1524,43

1995

1573,37

1584,86

1996

1611,36

1646,77

1997

1644,22

1159,1

1998

1677,09

1616,52

Sur les cinq années d'exécution de la loi de programme, le montant des autorisations de programme inscrites en lois de finances initiales n'a représenté que 93 % des dotations actualisées. Si l'on raisonne par rapport aux crédits disponibles après annulations, le ratio est ramené à 91,7 %.

Ces résultats de l'exécution de la loi de programme résultent essentiellement :

- des mesures d'annulation décidées en 1996 qui ont porté sur 265 millions de francs ;

- et de la décision prise en 1997 d'étaler sur une année supplémentaire la loi de programme au même titre que tous les engagements pluriannuels de l'Etat. Les autorisations de programme inscrites en loi de finances initiale pour 1997 ne s'élevaient en conséquence qu'à 70 % des dotations prévues par la loi de programme.

Il convient de souligner que les effets de la diminution des crédits en 1996 et 1997 ont pu être atténués par une meilleure mobilisation des crédits disponibles, qui a permis de maintenir constant le volume des engagements. Ainsi, le montant des crédits engagés a pu s'élever en 1997 à 1 990 millions de francs. Bien que l'inscription en loi de finances initiale pour 1998 de dotations à peu près comparables à celles prévues par la loi de programme ait permis de maintenir en 1998 un volume constant d'engagement, les réductions de crédits opérées en 1996 et 1997 ont eu des conséquences tant sur les programmes de travaux sur les monuments historiques que sur l'activité des professionnels de la restauration.

En effet, les mesures de régulation budgétaire pour 1996 et 1997 ont contraint l'administration à reporter ou à étaler l'exécution des travaux de restauration . Les annulations ou les modifications de programme ont été déterminées en fonction des priorités et des urgences dictées par l'état des édifices concernés. Les opérations déjà entamées, dont la réalisation s'étalait sur plusieurs années, ont été poursuivies aussi souvent que possible. Mais un grand nombre d'opérations nouvelles ont dû être reportées. En ce qui concerne les travaux effectués sur des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, dont le financement repose sur la participation des propriétaires et de l'Etat, la réduction des crédits inscrits en loi de finances a fait jouer à rebours le coefficient multiplicateur représentant le rapport entre les crédits d'Etat et le montant des travaux effectivement générés, entraînant une diminution de la dépense globale consacrée au patrimoine. En effet, on estime pour ces monuments que 1 million de francs du budget de l'Etat est à l'origine de 2,8 millions de francs de travaux. Afin d'atténuer l'effet des réductions des crédits d'Etat, les conservations du patrimoine ont usé de moyens divers : révision à la baisse du montant des tranches annuelles afin d'éviter des interruptions de chantier ; développement de l'appel au concours de fonds structurels européens par exemple.

Le non-respect de la loi de programme a eu par ailleurs des répercussions sur l'activité des professionnels de la restauration . En effet, les réductions de crédits en 1996 et 1997 les ont contraint à prévoir un plan de charge réduit pour 1998 même si l'augmentation significative des crédits prévue par la loi de finances pour 1998 a permis d'éviter un ralentissement brutal de l'activité.

Or, le marché des travaux pour la restauration des monuments historiques se caractérise par un taux de main-d'oeuvre particulièrement élevé. Sur un million de francs investi, 60 à 85 % va à l'emploi, ce qui correspond à 3 emplois à plein temps sur une année entière. Les réductions budgétaires qui ont entraîné des retards, des reports ou des annulations d'opérations ont entraîné une raréfaction des marchés contraignant, dans un contexte de concurrence accru, les entreprises à baisser leur prix. La baisse des prix et les difficultés de trésorerie qu'ont rencontré les entreprises les ont conduit dans bon nombre de cas à licencier ou à ne plus recruter.

Le Groupement national des entreprises de restauration des monuments historiques estimait fin 1997 que les pertes d'emplois du secteur pourraient atteindre 20 % de l'effectif total de fin 1994. Cette situation apparaît inquiétante dans la mesure où les emplois qui ont disparu sont souvent ceux des ouvriers les plus anciens dans l'entreprise, donc les plus qualifiés et les plus expérimentés, ou ceux des apprentis. Or, dans ce secteur, la formation aux métiers se fait traditionnellement par transmission du savoir-faire des plus âgés vers les plus jeunes.

2. Pérenniser l'engagement de l'Etat

a) La nécessité de maintenir une politique dynamique d'investissement

L'analyse des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 figure dans la première partie du rapport. On se contentera de rappeler ici que ces crédits augmentent de 2,2 % en autorisations de programme (soit 1 566,4 millions de francs), évolution qui dépasse de peu le taux de progression annuel de 2 % prévu pour les années 1994 à 1998 par la loi de programme.

Votre rapporteur avait souligné dans son précédent rapport l'importance de maintenir le principe d'une programmation pluriannuelle des dépenses consacrées au patrimoine, en dépit des limites que constituent le principe de l'annualité budgétaire et les mesures de régulation prises en cours d'exécution.

En effet, les lois de programme constituent un gage de la continuité de l'engagement de l'Etat en faveur du patrimoine, particulièrement aux yeux des entreprises du secteur de la restauration des monuments historiques. Par ailleurs, elles accentuent l'effet multiplicateur de la dépense consacrée au patrimoine, les collectivités locales et les propriétaires privés, qui disposant de perspectives chiffrées sur le niveau d'engagement de l'Etat peuvent plus aisément décider d'opérations de restauration.

Or, Mme Catherine Trautmann, lors de son audition par votre commission le 20 octobre 1998, a indiqué que la formule d'une nouvelle loi de programme sur le patrimoine monumental ne serait pas retenue en 1999 , celle de 1993 étant devenue caduque. En tout état de cause, ce constat ne peut satisfaire votre rapporteur, cela d'autant plus que la ministre a souligné que le maintien à un niveau satisfaisait de l'enveloppe annuelle consacré au patrimoine résultera, d'une part, d'un effort de progression continue des crédits inscrits au budget, et d'autre part, d'une amélioration de leur conditions d'engagement destinée à éviter des retards dans l'exécution des crédits ouverts en loi de finances.

On peut certes imaginer des moyens d'améliorer la politique conduite en ce domaine par l'Etat : rationalisation des procédures de travaux, renforcement des outils de suivi de la consommation de crédits, meilleure programmation des opérations de restauration. Néanmoins, les efforts concernant la gestion des crédits avaient d'ores et déjà imposé une meilleure mobilisation des crédits qui s'était traduite par une progression des taux d'engagement, progression qui a néanmoins des limites. Il est donc vain de penser qu'ils suffiront à eux seuls à maintenir un niveau satisfaisant d'engagements. Seule une progression continue des dotations inscrites le permettra et la loi de programme était sans doute le meilleur moyen pour le gouvernement d'afficher ses intentions sur ce point pour les années à venir.

Enfin, votre rapporteur relève que le vote d'une loi de programme est pour le Parlement l'occasion de se prononcer sur les orientations de la politique du patrimoine, débat qui désormais ne pourra avoir lieu qu'à l'occasion du vote de la loi de finances. Il prend acte de l'engagement pris par la ministre devant votre commission de s'attacher à ce que l'information du Parlement sur l'emploi des crédits destinés au patrimoine continue à faire l'objet d'un rapport annuel spécifique retraçant les actions menées dans ce domaine et leur traduction budgétaire.

b) Encourager l'initiative privée

Une nécessité imposée par l'étroitesse de la marge de manoeuvre budgétaire de l'Etat

Face à l'accroissement du nombre de biens protégés, il est opportun de s'interroger sur la possibilité pour l'Etat d'assumer l'ensemble de la responsabilité de la protection et de la mise en valeur du patrimoine.

La réponse est à l'évidence négative. Un bilan de l'état du parc immobilier classé dressé par la direction du patrimoine en 1995 -et qui mériterait au demeurant d'être actualisé- a souligné le caractère insuffisant des crédits prévus par la loi de programme de 1993 au regard des opérations considérées comme les plus urgentes. En effet, pour faire face aux urgences, il faudrait plus que doubler les dépenses consacrées au patrimoine. Les crédits consacrés au patrimoine par l'Etat -même régulièrement augmentés- ne peuvent donc suffire à l'ampleur de la tâche.

Or, les Français se révèlent de plus en plus attachés à leur patrimoine et de plus en plus désireux de le protéger et de le mettre en valeur. Il apparaît donc essentiel d'encourager leur participation à la politique du patrimoine.

En ce qui concerne les monuments protégés au titre de la loi de 1913, le financement de leur conservation est assurée par l'Etat pour les monuments qui lui appartiennent et à peu près par moitié par l'Etat et par les collectivités locales ou les personnes propriétaires pour le reste. Il importe d'encourager les efforts des collectivités locales et des propriétaires privés pour assurer la protection de leurs monuments .

A ce titre, votre rapporteur s'interroge sur la cohérence des dispositifs fiscaux prévus pour les propriétaires privés de monuments historiques. En contrepartie de leurs obligations, les propriétaires privés peuvent bénéficier d'avantages fiscaux concernant les dépenses engagées sur les monuments. Comme le prévoient les article 41 E et S de l'annexe III du code général des impôts, les charges foncières (travaux non subventionnés, frais de gérance, rémunération de gardien) sont déductibles du revenu imposable en totalité pour les monuments ouverts au public et à 50 % pour les autres. Mais la quote-part à la charge du propriétaire des travaux de restauration ou d'entretien exécutés ou subventionnés par l'Etat le sont en totalité dans les deux cas. Votre rapporteur s'interroge sur la pertinence d'une réglementation liant le bénéfice d'un avantage fiscal à la perception d'une subvention, alors même que tous les travaux doivent faire l'objet d'une autorisation.

Soutenir l'action de la Fondation du patrimoine

Face à l'accroissement du champ patrimonial et dans un contexte de réduction des dépenses publiques, est apparue la possibilité de développer l'initiative privée afin de transformer l'intérêt nouveau des Français pour leur patrimoine en engagement actif.

A cette fin, la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 a créé la " Fondation du patrimoine ".

La " Fondation du patrimoine " est un organisme de droit privé dont la mission est de " promouvoir la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine national " afin de combler les lacunes du dispositif étatique de protection du patrimoine. Elle s'attache en particulier à " l'identification, à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine non protégé " et devait avoir pour principale mission de concourir à la sauvegarde du patrimoine de proximité non protégé.

Depuis la publication du décret du 18 avril 1997 qui a fixé ses statuts, la Fondation a entamé la mise en place de son organisation territoriale. Appuyée sur des délégués régionaux eux-mêmes assistés de délégués départementaux, elle repose sur un partenariat actif avec le monde économique et une collaboration étroite avec les associations. Au niveau local, le rôle de la Fondation est d'élaborer des programmes d'opérations et d'apporter aux maîtres d'ouvrage une assistance technique, notamment par le montage des plans de financement, et d'instruire conjointement avec les architectes des bâtiments de France les demandes d'octroi de label.

Les capacités d'intervention de la Fondation sont pour l'heure très modestes. L'objectif final est de pouvoir en rythme de croisière dégager 2 millions de francs par an et par département qui permettraient de financer à hauteur de 20 % des projets qui feraient l'objet de cofinancement entre la Fondation et divers partenaires : propriétaires, industriels, collectivités locales.

Par ailleurs, la Fondation se heurte à des difficultés tenant à l'application de la disposition introduite dans le code général des impôts, à l'initiative du Sénat lors du vote de la loi de finances pour 1997, qui prévoit que sont déductibles du revenu imposable les charges foncières afférentes aux immeubles labellisés par la Fondation du patrimoine, si ce label est délivré sur avis favorable du service départemental de l'architecture. L'application de cette disposition essentielle pour encourager les initiatives des propriétaires, exige un décret qui pour l'instant n'a pas été pris. La Fondation se trouve donc privée de cet instrument d'action déterminant. Votre rapporteur ne peut que regretter que la non-application de la loi sur ce point, qui risque de condamner à l'échec l'action de la Fondation.

Compte tenu des faibles moyens d'intervention dont dispose la Fondation du patrimoine, votre rapporteur ne peut que regretter une nouvelle fois cette année que les crédits destinés au patrimoine non protégé (chapitre 66-20 article 20, édifices ruraux et jardins non protégés) soient maintenus à un niveau très faible . Le projet de loi de finances prévoit pour 1999 leur reconduction en francs courants en autorisations de programme (35 millions de francs) et une réduction de 0,55 % en crédits de paiement (34,1 millions de francs).

Cette évolution ne répond pas aux efforts accomplis par les communes pour protéger, restaurer et mettre en valeur leur patrimoine. En outre, elle ne permet pas de venir en aide aux communes les plus petites qui possèdent souvent des monuments remarquables mais dont le coût d'entretien et de protection est disproportionné à la modestie de leurs budgets.

B. ASSURER LA PROTECTION ET L'ENRICHISSEMENT DES COLLECTIONS NATIONALES

1. Conduire une politique d'acquisition ambitieuse

La France a consenti au cours des dernières années un effort considérable destiné à améliorer les conditions de présentation de ses collections muséographiques. Cet effort a été consenti par l'Etat mais également par les collectivités locales qui ont consacré des budgets importants -souvent en partenariat avec l'Etat- à la rénovation des musées de province. Le succès rencontré auprès du public par des institutions comme le Louvre ou le musée d'Orsay ou par le musée des beaux-arts de Lille atteste du bien-fondé de cette politique.

Aujourd'hui, et votre rapporteur l'avait souligné dans son précédent rapport, le processus de création de nouveaux musées trouve ses limites tant dans les contraintes budgétaires qui s'imposent désormais aux collectivités publiques que dans l'ampleur des opérations déjà réalisées dont le fonctionnement pèse lourdement sur leurs budgets.

Néanmoins, cela ne signifie pas que la politique muséographique doit être réduite à la gestion des institutions et collections existantes. La valorisation de notre patrimoine muséographique est indissociable d'une politique ambitieuse d'acquisitions. En ce domaine, la responsabilité  de l'Etat est grande. En effet, il n'existe pas en France, à la différence des États-Unis, de grands collectionneurs privés. Dans ce contexte, l'enrichissement de nos collections nationales comme le maintien sur notre territoire des " trésors nationaux " dépend principalement des dotations que l'Etat est susceptible de leur consacrer.

En ce domaine, il importe donc, d'une part, de remédier aux lacunes de notre système de protection du patrimoine national et, d'autre part, de lui consacrer les dotations nécessaires pour lui assurer son plein effet.

a) Remédier aux lacunes de notre système de protection du patrimoine national

Au dispositif douanier hérité du régime de Vichy, la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 régissant le contrôle de la circulation des biens culturels a substitué un mécanisme de protection fondé sur la délivrance d'un certificat de libre circulation des biens culturels.

Ce certificat, requis tant pour la circulation d'un bien culturel dans l'Union européenne que pour son exportation vers un pays tiers, atteste qu'il ne constitue pas un trésor national et peut dès lors sortir du territoire. La durée de validité du certificat est de cinq ans. En cas de refus, l'Etat dispose d'un délai de trois ans soit pour acheter l'oeuvre soit pour la classer au titre des monuments historiques. Si au bout de trois ans, l'Etat n'a pas acheté l'oeuvre et si une nouvelle demande de certificat est déposée et que l'Etat n'a ni acheté ni classé l'oeuvre avant l'échéance des quatre mois prévus pour l'instruction du dossier, le certificat ne peut être refusé.

Cette législation est conforme à nos obligations communautaires et respectueuse autant qu'il est possible des droits des particuliers. Il en a été faite une application libérale : sur plus de 13.000 demandes de certificat, on ne compte que 45 refus. Les délais de délivrance du certificat sont courts, une semaine en moyenne -sauf à la direction du livre et de la lecture où, pour des raisons inexpliquées, ils atteignent trois semaines.

Au cours de cette année, un seul trésor national a jusqu'ici été acquis. Il s'agit du portrait de " Berthe Morisot au bouquet de violettes " par Edouard Manet dont le refus de certificat expirait en 1999. Sur les dix trésors nationaux, dont le refus de certificat expirait en 1998 cinq ont pu être acquis par l'Etat ou des collections publiques au cours des trois dernières années.

Si votre rapporteur se réjouit de ces acquisitions qui pour celle réalisée cette année représentait un coût de 80 millions de francs 4( * ) , il nourrit de sérieux doutes sur la possibilité de conserver dans le patrimoine national l'ensemble des oeuvres de grande valeur dont les refus de certificat arriveront à échéance dans les années à venir.

En effet, le dispositif législatif prévu par la loi du 31 décembre 1992, si il n'a pas entravé le bon fonctionnement du marché de l'art, a révélé ses limites du point de vue de son efficacité à assurer la protection du patrimoine national.

Votre rapporteur ne reviendra pas sur l'analyse détaillée des lacunes de ce dispositif. Il se contentera de rappeler que l'évolution de la jurisprudence judiciaire (arrêt Walter de la Cour de cassation du 20 février 1996) sur l'indemnisation du classement d'office, et le coût excessif qui en résulte pour l'Etat, ont eu pour conséquence de laisser celui-ci désarmé en cas de refus de vente de l'objet par son propriétaire. Il suffit, en effet, que ce dernier, spéculant sur le fait qu'on n'osera pas classer l'objet en raison du coût excessif du classement, refuse de le vendre à l'Etat et laisse s'écouler le délai de trois ans, pour être assuré de pouvoir obtenir le certificat. Votre rapporteur avait l'an dernier souligné l'intérêt de la procédure britannique qui présentait l'avantage de préciser les modalités de l'acquisition par les collectivités publiques d'une oeuvre pour laquelle la licence d'exportation était refusée. Il souligne, pour s'en féliciter, que le dispositif législatif en cours d'élaboration au ministère de la culture relève de la même source d'inspiration. En effet, d'après les indications fournies par le rapport de l'observatoire des mouvements internationaux d'oeuvres d'art rendu public en avril dernier, il reposerait sur les deux principes suivants :

- préciser les modalités d'acquisition par l'Etat des trésors nationaux : en cas de refus de vente à l'amiable, le prix est fixé par des experts. Si à ce prix-là, l'Etat décide d'acheter et si le propriétaire refuse de vendre, le refus de certificat peut être indéfiniment renouvelé de trois ans en trois ans ;

- prévoir des exonérations fiscales pour atténuer les conséquences du classement pour les propriétaires et la rendre moins coûteuse pour l'Etat.

Si votre rapporteur insiste sur la nécessité de soumettre rapidement de telles dispositions au Parlement, il rappelle qu'il avait déjà souligné l'an dernier, au vu de l'analyse des crédits d'acquisition des musées nationaux, que la modification de la loi de 1992 ne saurait à elle seule suffire à protéger notre patrimoine national.

Son analyse se trouve confirmée par les conclusions du rapport précité qui relève: " On ne saurait trop insister (...) sur la nécessité absolue d'assortir l'application de la loi du 31 décembre 1992 des moyens financiers sans lesquels, modifiée ou non, elle ne répondra que très imparfaitement à son objet, le maintien sur notre territoire de nos trésors nationaux ".

b) Une nécessité : doter l'Etat des moyens d'une politique d'acquisition ambitieuse.

Le tableau ci-dessous retrace l'origine et le montant des crédits d'acquisition des musées nationaux depuis 1995.

EVOLUTION DEPUIS 1990 DES CRÉDITS D'ACQUISITIONS DESTINÉS
AUX MUSÉES NATIONAUX
(au 1er novembre 1999)

 

SUBVENTIONS ETAT

CREDITS RMN

ANNÉE

Subvention annuelle

Chapitre 43-92

art. 30

Fonds du patrimoine Chapitre

43-92

art. 60

Autres (1)

Dotation RMN

Chapitre 0655.71

Dons et legs affectés

chapitre 657.12

" mécénat " chapitre 657.13

TOTAL

1990

29,7

22,9

0,60

47,7

38,0

2,9

141,8

1991

16,5

8,40

0,50

46,4

1,6

2,6

76,0

1992

32,72

11

0,61

57,64

18,47

5,33

125,77

1993

16,56

1,50

0,30

40,55

3,81

7,04

69,76

1994

14,26

15

0,62

77,29

20,42

11,72

139,31

1995

7,28

9,3

0,20

55,0

6,3

9,7

87,6

1996

6,05

36,20

0,00

43,62

0,95

7,79

94,61

1997

7,87

55,75

0,05

26,51

37,13

14,87

142,18

1998

11,87

51,05

0,5

57,6

15,3

14,4

159,7

(1) Commission nationale de la photographie

A partir de 1995, les difficultés financières de la Réunion des musées nationaux (RMN) résultant du recul de la fréquentation des musées nationaux et des mauvais résultats de ses activités commerciales ont eu pour conséquence de réduire le montant de sa participation aux acquisitions des musées nationaux, qui est passée de 77 millions de francs en 1994 à 26 millions de francs en 1997, soit le niveau le plus bas jamais atteint depuis 1990.

Afin de compenser cette évolution, le ministère de la culture a accru significativement sa contribution, d'une part, par le biais de la subvention annuelle inscrite au chapitre 43-92 article 30 (patrimoine muséographique) et, d'autre part, grâce à une augmentation des crédits du fonds du patrimoine. L'effort de l'Etat, conjugué au redressement de la situation financière de la RMN, a permis en 1998 une augmentation du montant des crédits d'acquisition. Sur les dix premiers mois de l'année, ils se sont élevés à 159,7 millions de francs.

En 1999, les crédits du fonds du patrimoine bénéficieront d'une augmentation de 8 %, passant de 97,49 millions de francs à 105,25. Par ailleurs, la subvention annuelle sera reconduite en francs courants à son niveau de 1998 (soit 11,87 millions de francs).

Il importe de souligner que d'après les indications fournies à votre rapporteur, les crédits du fonds du patrimoine devront également, comme en 1998, financer les acquisitions destinées à enrichir les collections du nouveau musée des arts et des civilisations, ce qui limitera d'autant les crédits disponibles pour l'achat des trésors nationaux. En 1998, 30 millions de francs ont été consacrés à des acquisitions destinées à cette nouvelle institution, 11millions de francs provenant du budget du ministère de la culture (fonds du patrimoine) et 19 millions de francs du budget du ministère de l'éducation nationale. En 1999, le montant des acquisitions devrait s'élever à 50 millions de francs, financées pour moitié par les deux ministres de tutelle. Ce sera donc près d'un quart des crédits du fonds du patrimoine qui seront affectés à la constitution des collections de ce musée.

L'étroitesse de la marge de manoeuvre dont disposent les musées nationaux, en dépit de l'effort consenti au cours des dernières années, exige que la réflexion sur les moyens de diversifier leurs sources de financement aboutisse dans les plus brefs délais. Le rapport précité préconise l'affectation à l'acquisition de trésors nationaux d'une part préfixée des recettes de la Française des jeux, ce qui permettrait de réserver les dotations budgétaires aux acquisitions ordinaires. A ce titre, il indique que " faute de disposer rapidement de ces ressources exceptionnelles, la plupart des trésors nationaux, quitteront notre territoire national sans espoir de retour ".

2. Assurer la protection des collections nationales

a) Veiller à assurer dans de bonnes conditions le fonctionnement des musées.

L'année 1998 a été à nouveau l'occasion de démontrer que les collections publiques n'étaient pas à l'abri des vols et des dégradations. Ainsi, après la disparition d'une stèle grecque en janvier, le 3 mai dernier, a été volé au musée du Louvre un tableau de Jean-Baptiste Camille Corot : le chemin de Sèvres.

La protection des collections muséographiques exige de disposer, d'une part, de personnels de surveillance en nombre suffisant, et d'autre part, de dispositifs de protection efficaces. Ces deux exigences ne semblent pas aujourd'hui satisfaites.

Les musées nationaux confrontés au déficit endémique de personnels de surveillance

L'augmentation de la fréquentation des musées comme l'ouverture de nouveaux espaces muséographiques exigent que les effectifs de la surveillance des collections nationales soient renforcés.

Si les équipements de sécurité (système de détection électronique, système de comptage de visiteurs, contrôle d'accès...) font des progrès constants, il convient néanmoins de garantir une densité minimale d'agents de surveillance et veiller à ce que leurs qualifications correspondent à la technicité des équipements installés et que les agents vacataires ne représentent qu'une faible proportion de l'effectif présent dans les salles.

Le Louvre est de loin le musée qui a connu au cours de la dernière décennie les plus profondes évolutions qu'il s'agisse des surfaces d'exposition ou des modalités de présentation des collections.

Entre 1990 et 1998, les surfaces muséographiques ouvrables du Louvre ont été multiplié environ par deux, passant de 38 070 m 2 à 70 000 m2. Durant la même période, l'effectif total des personnels de surveillance n'a augmenté que de 50 %, passant de 602 à 952. Par ailleurs, il faut relever que la proportion des vacataires n'a pas été modifiée ; elle s'élevait en 1998 à 31,3 % contre 38,87 % en 1990.

En conséquence, le souci de garantir un niveau de sécurité minimum, tant des oeuvres que du public conduit le musée à fermer des salles lorsque les effectifs d'agents de surveillance sont insuffisants. En 1997, dernière année connue, 6,68 % des salles avaient été fermées au public. A la suite des vols intervenus au début de cette année, le programme des expositions temporaires des mois à venir a été considérablement allégé. Une seule des quatre expositions temporaires programmées de juillet 1998 à février 1999 a été maintenue, afin de réaliser des travaux de renforcement des protections mécaniques. Par ailleurs, une vingtaine de salles ont été fermées provisoirement au public afin d'améliorer les dispositifs techniques de sécurité. Enfin, une mission d'expertise relative à la sécurité des oeuvres, dont les résultats devraient être connus d'ici la fin de l'année, a été confiée à une société extérieure

Si l'on peut se féliciter des mesures de stabilisation des effectifs de vacataires décidées pour 1999 (création de 25 emplois gagés sur les crédits de vacations de l'établissement), on regrettera qu'un effort de création de postes n'ait pas été consenti. En effet, le manque de personnels de surveillance remet en cause la finalité même des opérations de rénovation qui était de mieux présenter les collections au public.

Le musée du Louvre n'est pas le seul à connaître des difficultés de ce genre. Au musée d'Orsay, depuis 1990, les effectifs de personnels d'accueil et de surveillance ont enregistré une baisse non négligeable. A la fin de l'année 1997, un cinquième des postes des effectifs en salle était vacant et " compensé " par des recrutements ponctuels de vacataires, solution qui n'est guère satisfaisante.

De même, l'établissement public de Versailles reste en sous-effectif pour le personnel de surveillance qui, malgré une augmentation significative, reste en-dessous de l'effectif nécessaire pour permettre la réouverture complète du musée de l'histoire de France.

Un effort d'équipement

Outre des effectifs suffisants, la protection des collections nationales exige un effort d'équipement afin de doter les locaux de dispositifs de surveillance performants mais également de réaliser les travaux de sécurité nécessaires (dispositifs de lutte contre l'incendie, installations électriques, ...).

Pour certains musées, cet impératif relève de l'urgence. C'est le cas en particulier pour l'établissement public de Versailles . En effet, la vétusté des locaux, l'étendue et la complexité des lieux conduisent à un constat alarmant: insuffisance de la protection contre l'incendie et des installations techniques relatives à la sûreté du château, des Trianon et de l'ensemble du domaine ; personnels en nombre insuffisant ; conditions précaires de conservation des collections. Si un certain nombre d'actions visant notamment à développer la prévention et à former les agents ont été menées à bien, beaucoup reste encore à faire. Le budget d'investissement de l'établissement public n'avait permis jusqu'ici que d'assurer les investissements minimaux de sauvegarde du patrimoine qui ne comprenaient pas les travaux de mise à niveau de la sécurité et de la sûreté.

Compte tenu de la présentation du " bleu " et du fait que les musées sont, pour les plus importants d'entre eux, érigés en établissements publics dotés de ressources propres, il est très difficile d'avoir une connaissance exacte du montant des crédits affectés chaque année aux travaux de sécurité et de sûreté dans les musées nationaux. On estime qu'au cours des dix dernières années, 50% du budget d'investissement de la DMF a été consacré à des dépenses de sécurité et de sûreté.

Pour 1999, 50 millions de francs devraient être consacrés aux travaux de sécurité et de sûreté pour les musées nationaux : la moitié de ces crédits seront prélevés sur le chapitre 56-91 (travaux dans les musées nationaux) géré par la DMF et permettront de renforcer la sécurité des musées-châteaux les plus touchés par les vols (Ecouen, Compiègne, Fontainebleau) ; la seconde moitié, qui représente environ 25 millions de francs, sera consacrée par l'établissement public de Versailles à une importante opération de travaux rendue possible notamment grâce à un accroissement de 16 millions de francs de la subvention d'investissement que lui accorde l'Etat.

Par ailleurs, il faut souligner qu'une part, difficilement chiffrable, des autres dépenses d'investissements de la DMF contribuera également à renforcer la sécurité et la sûreté des musées nationaux, qu'il s'agisse par exemple de la restructuration du musée d'Orsay ou du musée Guimet, ou encore des travaux d'équipement du Louvre.

Votre rapporteur salue cet effort qui, compte tenu des besoins des musées nationaux, devra être poursuivi dans des années à venir. Il constitue une condition nécessaire à la mise en valeur de nos collections nationales.

b) Vers une meilleure maîtrise de la gestion des collections

Un motif de satisfaction : la confirmation du redressement de la situation financière de la Réunion des musées nationaux

La baisse de la fréquentation des musées nationaux, conjuguée aux difficultés qu'éprouvait la Réunion des musées nationaux à concilier une logique commerciale et sa mission de service public, s'est traduite pour cet établissement par des résultats déficitaires en 1995 et 1996 qui ont justifié l'application à partir de 1997 d'un plan de redressement.

Ce plan de redressement, arrêté en novembre 1996, était fondé sur deux objectifs :

- en premier lieu, reconstituer sur la période 1997-1999 les réserves de l'établissement et son fonds de roulement à leur niveau de 1993, ce qui supposait que la RMN dégage sur cette période, toutes activités confondues, un bénéfice après acquisitions d'environ 80 millions de francs ;

- et, en second lieu, parvenir à équilibrer, grâce à des mesures de rationalisation, l'activité commerciale de l'établissement.

Les résultats d'exploitation de l'année 1997, première année d'application du plan, ont été présentés au conseil d'administration le 25 juin dernier et font apparaître un excédant de 62,2 millions de francs. Pour ce qui concerne les seules activités commerciales, le déficit est de 17,7 millions de francs, soit une nette amélioration par rapport aux deux exercices précédents. En effet, on rappellera que ce déficit s'élevait en 1996 à 144,8 millions de francs.

Ce résultat d'exploitation, qui s'avère bien supérieur aux estimations, est lié à une augmentation de la fréquentation des musées nationaux et des expositions temporaires et à une rationalisation des activités éditoriales et commerciales ainsi qu'à une meilleure maîtrise des coûts.

Votre rapporteur se félicite du succès de ces mesures qui constituaient un préalable à l'accroissement de la participation de la RMN à l'acquisition d'oeuvres d'art. En 1998, la dotation de la RMN s'est élevée à 50 millions de francs contre 26,51 millions de francs en 1997, ce qui représente 35 % des crédits d'acquisition des musées nationaux.

Des lacunes dans la gestion des collections

Bien que l'essentiel du patrimoine artistique de l'Etat soit confié aux musées nationaux, le mobilier national et le fonds national d'art contemporain (FNAC), placés sous tutelle de la délégation aux arts plastiques du ministère de la culture, ont également pour mission d'acquérir, de conserver et de mettre en dépôt des objets et des oeuvres d'art appartenant à l'Etat. Or, leur gestion révèle de graves lacunes.

En dépit des interventions répétées de la Cour des comptes qui ont abouti à trois reprises à des insertions au rapport public, les conditions dans lesquelles le Mobilier national exerce ses missions 5( * ) n'ont pas été significativement améliorées . Héritier du garde-meuble de la Couronne fondé par Colbert en 1663, le Mobilier national, désormais service dépendant du Centre national des arts plastiques, continue à assurer ses missions dans la plus grande précarité. L'état des réserves et des inventaires est alarmant : locaux dispersés ; personnels sous-encadrés ; non-respect des impératifs de sécurité et de conservation.

Bien qu'une circulaire du Premier ministre en date du 24 juin 1996 ait précisé et complété les règles applicables en matière de dépôt de meubles et d'oeuvres d'art des collections nationales dans les administrations, leur contrôle et leur gestion n'ont guère pu encore être significativement améliorés faute de moyens. En effet, la tâche est immense : les bénéficiaires des dépôts sont désormais plus de 500, ce qui correspond à plus de 1 000 lieux de dépôt, et, dans bon nombre de cas, n'acceptent qu'avec réticence les contrôles auxquels les soumet la réglementation. Dans ces conditions, on ne peut guère s'étonner qu'en 1997, à une question de la Cour des comptes, l'administrateur général du Mobilier national répondait que " la réapparition en vente publique d'objets appartenant au Mobilier national n'est pas exceptionnelle "!

La gestion des collections du Fonds national d'art contemporain n'est guère plus satisfaisante .

Ce fonds, service du CNAP, assure, pour le compte de l'Etat, l'acquisition, la conservation et la mise en dépôt d'oeuvres d'art dans les domaines de la peinture, de la sculpture, des arts graphiques, de la photographie et des arts décoratifs. Rappelons qu'il disposait en 1998 d'une dotation de 21 millions de francs pour l'achat d'oeuvres d'art, qui sera reconduite en 1999.

La gestion des collections du FNAC présente les mêmes lacunes que celles du Mobilier national : absence de récolement systématique des 44 000 oeuvres déposées auprès de plus de 2 500 dépositaires ; difficultés pour obtenir le paiement des frais de restauration des oeuvres endommagées.

Là encore, le diagnostic est le même : le FNAC ne bénéficie pas plus que le Mobilier national des moyens adaptés à sa mission. Par ailleurs, il ne dispose pas des bases réglementaires nécessaires pour fonder son action. En effet, en dépit des observations réitérées de la Cour des comptes, le décret d'application relatif au FNAC, prévu par le décret du 15 octobre 1982 n'est toujours pas paru.

Votre rapporteur souligne donc la nécessité pour le ministère de la culture d'une part, de dégager les moyens nécessaires au fonctionnement de ces services dont la gestion lacunaire met en péril l'intégrité des collections artistiques de l'Etat et, d'autre part, de sensibiliser l'ensemble des administrations dépositaires à leurs responsabilités à l'égard des oeuvres qui leur sont confiées.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 18 novembre 1998, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Philippe Nachbar sur les crédits de la culture pour 1999.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Ivan Renar a fait observer que le seuil du 1 % revêtait une importance essentielle, dans la mesure où il apparaît comme le garant du rôle qui incombe à l'Etat dans le domaine culturel. Il a souhaité que la politique d'aménagement culturel du territoire, plutôt que d'opposer l'Ile-de-France et la province, prenne en compte les déséquilibres régionaux révélés par le montant des dépenses culturelles par habitant.

Il a estimé qu'une bonne gestion de la politique du patrimoine ne devait pas se limiter à parer à l'urgence en recourant à des expédients budgétaires. Il a appelé à une réflexion sur les relations qui peuvent exister entre le patrimoine et les activités de création. Il a fait part de ses inquiétudes sur les conséquences, pour les associations culturelles, de la clarification de leur régime fiscal opérée par la circulaire du 15 septembre 1998. Enfin, il a considéré que le développement des enseignements artistiques en milieu scolaire, qui relève en premier lieu de la responsabilité du ministère de l'éducation, était lié à leur reconnaissance comme discipline à part entière.

Mme Danièle Pourtaud , évoquant le rééquilibrage des dépenses culturelles de l'Etat en faveur de la province, a déploré que Paris fasse exception à la tendance à l'implication croissante des collectivités locales dans la politique culturelle. Elle a souligné qu'on ne pouvait se désintéresser du sort du patrimoine parisien dont la protection nécessite des moyens considérables.

M. André Maman a souhaité obtenir des précisions sur les modalités selon lesquelles l'Etat s'acquitterait de sa dette envers les collectivités locales, ainsi que sur les conditions de mise en oeuvre de la charte des missions de service public. Enfin, il a déploré le montant très faible des crédits consacrés aux interventions culturelles à l'étranger et s'est interrogé sur leur imputation budgétaire.

M. Jacques Legendre s'est déclaré inquiet de la non-reconduction de la loi de programme sur le patrimoine monumental et s'est interrogé sur le sort réservé aux opérations de restauration des cathédrales qui n'étaient pas encore achevées et pour lesquelles l'intervention de l'Etat s'avérait déjà insuffisante. Il a souhaité que puisse être déposé un rapport sur les conditions d'exécution de la loi de programme.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis , a apporté les éléments d'information suivants :

- en l'absence de loi de programme, il importe de réaffirmer la nécessité de pérenniser l'engagement de l'Etat en faveur de la protection du patrimoine. Un rapport consacré à l'exécution des crédits consacrés au patrimoine monumental continuera à être déposé chaque année sur le bureau des assemblées ;

- l'apurement de la dette de l'Etat envers les collectivités locales, dont le montant et l'ancienneté varient selon les régions, sera effectué au cas par cas ;

- la charte des missions de service public entrera en vigueur le 1er janvier 1999 et aura vocation à s'appliquer à l'ensemble des institutions culturelles ;

- la capitale, du fait de la richesse de son patrimoine, ne peut être considérée comme une région parmi d'autres. Les crédits d'investissement inscrits au projet de budget de 1998 comme en 1999 en ont tenu compte ;

- les crédits de l'action culturelle à l'étranger sont gérés par le ministère des affaires étrangères.

Suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a ensuite décidé, à l'unanimité, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits pour 1999 de la culture .

CONCLUSION




1 Par rapport aux crédits dits déconcentrables

2 c'est-à-dire hors traitement des personnels, dotation générale de décentralisation, subventions de fonctionnement et d'investissement aux établissements publics, crédits de fonctionnement de l'administration centrale et crédits d'acquisition du chapitre 43-20.

3 école nationale supérieure des métiers de l'image et du son

4 Soit l'acquisition la plus coûteuse ayant été réalisée depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1992.

5 Aux termes du décret du 23 février 1980, le Mobilier national doit assurer l'ameublement des résidences présidentielles, pourvoir à l'aménagement des locaux affectés à l'Assemblée nationale et au Sénat réunis en congrès, procéder à l'inspection du mobilier déposé par décision du ministre de la culture dans les immeubles affectés aux services publics et veiller à l'entretien des objets inscrits à ses inventaires



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