Projet de loi de finances pour 1998

HUGOT (Jean-Paul)

AVIS 67 (98-99), Tome X - COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières




N° 67

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME X

COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Par M. Jean-Paul HUGOT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean-Paul Bataille, Jean Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel Charzat, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 8 ) (1998-1999).

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de budget de la communication audiovisuelle pour 1999 présente quelques bonnes apparences : les moyens des organismes augmenteront de 2,6 %, ce qui permettra la mise en place de mesures nouvelles parfois significatives.

Cependant, si l'on entre dans le détail des orientations adoptées, si l'on examine leur pertinence au regard des objectifs du projet de loi sur la communication audiovisuelle bientôt discuté par l'Assemblée nationale - et l'on se souvient que le ministre de la culture et de la communication a présenté son budget comme une préfiguration des orientations du projet de loi - on se trouve face à d'inextricables contradictions.

Plutôt piquante serait de prime abord la contradiction entre le radicalisme des objectifs publicitaires affichés pour les prochaines années, et la modestie du premier pas consenti dans le cadre de ce " budget de préfiguration ".

Inquiétante est en revanche la contradiction entre les estimations de recettes publicitaires présentées pour 1999 et les réalités du marché. Celui-ci pourrait bien précéder le gouvernement dans la voie de la régression des ressources propres des chaînes. Pénurie et déficits se profilent.

Plus grave encore apparaît à terme la contradiction entre le démantèlement immédiat des ressources budgétaires des chaînes et la réduction planifiée de leurs ressources propres. Il faudra pourtant mobiliser massivement les ressources budgétaires pour faire face aux besoins de financement du secteur public de l'an 2000, quand une situation financière dégradée aura placé la télévision publique dans une position concurrentielle difficile face au secteur privé (il ne faut pas craindre de parler de concurrence, prétendre mettre les organismes publics à l'abri de toute " logique commerciale " n'a pas de sens : il faudra bien qu'ils entrent en concurrence avec les chaînes privées sur le marché des programmes, pour sauvegarder une audience qui est la raison d'être de la télévision publique généraliste).

Sur quelle autre source de financement que les crédits budgétaires pourra-t-on alors compter ? Votre commission appelle depuis plusieurs années l'attention des gouvernements sur les faibles perspectives de recettes nouvelles que la redevance offre. Ce prélèvement posera en effet problème quand l'évolution de la communication audiovisuelle lui aura donné un caractère manifestement artificiel et dépassé. Le gouvernement semble en prendre conscience puisque l'augmentation des taux sera alignée en 1999 sur la hausse des prix. Encore faudrait-il en tirer les conclusions nécessaires en ce qui concerne l'évolution des autres recettes.

Derrière ce budget apparemment anodin et plutôt sympathique, se profile ainsi une logique régressive que votre commission des affaires culturelles entend dévoiler - c'est le propos de son rapport sur les crédits de 1999 - puis combattre : ce sera son objectif au cours de l'examen très prochain du projet de loi sur le secteur public de la communication audiovisuelle.

I. LE BUDGET DE 1999 : MOINS DE FOND QUE D'APPARENCES

A. DES MOTIFS DE SATISFACTION

1. Des moyens en augmentation et l'amorce d'une nouvelle structure de financement

Dans son rapport pour avis sur les crédits de 1998, votre rapporteur avait dénoncé trois graves défauts du projet de budget :

- la contradiction entre l'intention affichée du ministre d'inverser la " spirale infernale " de l'accroissement relatif des recettes publicitaires de l'audiovisuel public, et la légère progression de celles-ci dans le projet de budget pour 1997 ;

- l'augmentation sensible de la redevance, ressources que l'évolution globale de la communication audiovisuelle condamne à la régression, et l'absence de réflexion sur le financement future de l'audiovisuel public ;

- la concentration accrue des crédits budgétaires sur France 2 et France 3, et la voie ouverte à des régulations déstabilisatrices pour la gestion de ces organismes, ce risque " conjoncturel " étant épargné à la Sept-Arte et à La Cinquième.

Les propositions du projet de budget pour 1999 semblent répondre largement à ces critiques :

- les ressources publiques augmentent de 3,2 %, et les ressources propres de 1,3 %, ce qui porte à 69,4 % la part des financements publics dans les budgets des organismes, contre 69 % en 1998 ;

- si le produit de la redevance doit augmenter de 3,2 %, son taux n'augmentera que de 1,2 %, ce qui représente un alignement sur la hausse des prix ;

- l'égalité semble rétablie entre les chaînes publiques. Le budget de France 2 augmentera de 2,5 %, celui de France 3 de 3,6 %, celui de La Cinquième de 2,9 % après une augmentation de 6,7 % en 1998, celui d'Arte de 2,9 % après une augmentation de 7,3 % en 1998, celui de RFO de 3 % et celui de Radio France de 2,4 %. Par ailleurs, la régulation budgétaire de 1998 a été répartie de façon apparemment équitable entre les organismes. L'arrêté d'annulation du 17 janvier 1998 a en effet porté sur 11 millions de francs, 5 millions de francs étant supportés par le budget de France Télévision, 3 millions de francs par celui de la Sept-Arte, et 3 millions de francs par celui de La Cinquième.

A ces orientations qui corrigent les plus manifestes " erreurs de tir " du budget de 1998, s'ajoute une augmentation globale des ressources du secteur public, qui passeront en 1999 de 18 milliards de francs à 18,5 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 2,6 % par rapport à 1998.

STRUCTURE DE FINANCEMENT DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

(en %)

 

Loi de finances initiale 1997

Loi de finances initiale 1998

Loi de finances initiale 1999

Ressources publiques

69,1

69

69,4

Publicité parrainage

25,7

26,1

26

Autres ressources propres

5,2

4,9

4,6

Total

100

100

100

Source : Ministère de la culture et de la communication

2. Des mesures nouvelles apparemment significatives

Les mesures nouvelles du projet de budget de 1999 s'élèvent à 334,5 millions de francs ainsi répartis :

INA : (13,8 millions de francs)

L'enveloppe consacrée aux mesures nouvelles permettra à l'Institut de développer le processus de numérisation et de modernisation de la chaîne de traitement et d'exploitation des archives, de façon à améliorer les services rendus au diffuseurs par l'INA et à conforter ses ressources commerciales. En outre, le lancement d'un plan de sauvegarde et de restauration des archives donnera à l'INA les moyens de mieux remplir sa mission patrimoniale.

France 2 : (158,2 millions de francs)

Les moyens supplémentaires accordés à France 2 iront au renforcement des investissements de la chaîne en matière d'information et de coproduction de fictions cinématographiques et télévisuelles. Ce choix budgétaire " conforte le rôle fédérateur et de référence de la chaîne en matière de programmes ", selon la présentation des crédits faite par le " jaune budgétaire " du secteur public de la communication audiovisuelle.

France 3 : (68,1 millions de francs)

La mesure nouvelle de 68,1 millions de francs sera consacrée à la poursuite du développement des programmes régionaux, renforçant ainsi la vocation première de France 3. Il sera de ce fait possible de financer en 1999 un programme hebdomadaire de 26 minutes dans chaque région, et de lancer huit nouvelles éditions locales, après les six nouveaux journaux lancés en 1998.

la Sept-Arte : (36,9 millions de francs)

Le budget supplémentaire attribué à la chaîne est destiné pour une grande part à l'enrichissement de l'antenne, notamment au financement d'une amélioration des programmes de l'avant-première partie de soirée, et à la diffusion d'une cinquantaine de documentaires supplémentaires (29,9 millions de francs). Il permettra par ailleurs, à hauteur de 7 millions de francs , de couvrir le supplément de charges fonctionnelles du GEIE-ARTE en 1999.

La Cinquième : (12,8 millions de francs)

La mesure nouvelle permettra à la Cinquième, d'une part, d'élargir à hauteur de 5,5 millions de francs ses marges de manoeuvre en matière de programmes et, d'autre part, de consacrer 7,3 millions de francs à la banque de programmes et de services pour enrichir les sites existants et développer de nouvelles implantations, notamment dans des lieux culturels.

RFO : (10,3 millions de francs )

La mesure nouvelle de 10,3 millions de francs doit permettre à RFO de développer ses programmes propres et d'en enrichir le contenu.

Radio France : (10,2 millions de francs)

La mesure nouvelle devra permettre à Radio France de mieux assurer les principaux objectifs de sa modernisation. S'agissant des différentes antennes, la priorité est à l'amélioration de la politique d'offre de programmes et au renforcement de l'information, notamment sur France Inter.

RFI : (24,2 millions de francs)

Cette mesure nouvelle est principalement destinée à assainir la situation financière de RFI. Il est en effet apparu indispensable de reconstituer le fonds de roulement de la société, affecté par les déficits d'exploitation enregistrés depuis 1996 du fait de suppression de crédits budgétaires, et de la réalisation seulement partielle de la réduction, dont les effets avaient été anticipés dès 1997, des frais de diffusion sur ondes courtes en 1997 et 1998.

Ces choix semblent répondre à certains souhaits traditionnels du législateur.

• Votre rapporteur ne peut que se féliciter de l'affirmation explicite du rôle fédérateur et de référence de France 2 en matière de programmes. Après l'évocation, à la fin de 1997, du rôle de la Sept-Arte et de La Cinquième comme " références majeures du secteur audiovisuel public ", le ministre de la culture et de la communication revient à une conception plus équilibrée et plus juste du secteur public : France Télévision est le coeur du dispositif, en fonction de l'idée, partagée par votre rapporteur, que les chaînes publiques ont une mission d'intégration qui les conduit à proposer au grand public la gamme de programmes la plus vaste possible 1( * ) .

• Votre rapporteur apprécie le développement des programmes régionaux de France 3. Il correspond à la mission spécifique de la chaîne au sein de la télévision publique généraliste, et va préparer France 3 à mieux affronter, sur un terrain fondamental pour elle en termes d'audience, la concurrence que le développement de la communication locale ne va pas manquer d'intensifier à terme.

Votre rapporteur relève, à cet égard, la volonté légitime des acteurs privés de l'audiovisuel d'investir un domaine dans lequel une forte demande sociale de communication de proximité se traduit par des audiences particulièrement intéressantes pour les services qui ont su y répondre, que ce soit France 3, selon les modalités décrites dans l'encadré ci-après, M6, avec ses décrochages locaux, ou la " télévision locale de plein exercice ", dont la réglementation de la publicité télévisée et la politique jusqu'à récemment assez " malthusienne " du CSA ont jusqu'à présent bridé le développement.

FRANCE 3 ET LA COMMUNICATION LOCALE

France 3 comprend treize directions régionales qui diffusent plus de 10 000 heures de programmes régionaux, d'informations régionales et d'éditions locales.

La chaîne diffuse deux éditions régionales, quotidiennes, de 12 heures 15 à 12 heures 30 et de 19 heures 08 à 19 heures 18. Un " tout image " régional de trois minutes termine en outre le 19/20 chaque soir à 19 heures 55.

En matière d'information de proximité, France 3 diffuse actuellement dix-sept éditions locales quotidiennes, entre 18 heures 56 et 19 heures 03, à Albi, Bayonne, Boulogne, Brest, Genève, Lille, Le Mans, Marseille, Metz, Nantes, Nîmes, Perpignan, Rennes, La Rochelle, Rodez, Toulon et Tours. Elle propose également neuf éditions " pluridépartementales " sur le même créneau horaire, en Alsace, Aquitaine, Bourgogne, Centre, Corse, Franche-Comté, Ile-de-France, Picardie et Rhône-Alpes.

Ces éditions locales et pluridépartementales recueillent une forte audience : de 40 % à 70 % de parts de marché, dont bénéficie le journal régional qui suit, qui recueille lui-même de 40 % à 50 % d'audience. L'ensemble des éditions régionales et locales représente près de 4 700 heures annuelles. Ce secteur est l'axe stratégique de la politique de développement de France 3, le projet de plan triennal de développement des éditions locales et de proximité prévoit la création d'une vingtaine de journaux nouveaux en trois ans avec l'objectif de couvrir l'ensemble du territoire à la fin de l'an 2000.

• Votre rapporteur approuve enfin l'enrichissement de la banque de programmes et de services (BPS) de La Cinquième, ainsi que le développement de ses implantations.

La BPS est un instrument original élaboré par La Cinquième dans le cadre de la mission de faciliter l'accès au savoir que la loi lui assigne. Elle permet, à partir de la consultation d'un catalogue sur Internet, le téléchargement, par satellite ou autres moyens de communication numérique à haut débit, de programmer images et documents.

A la fin de 1998, 400 sites d'expérimentation devraient être en service et faciliter l'évaluation des besoins auxquels ce service permet de répondre en matière d'éducation et de formation.

B. UN NOEUD DE CONTRADICTIONS

1. Des contradictions manifestes du côté de la publicité

Il est nécessaire d'entrer un peu plus avant dans le détail des structures de financement de l'audiovisuel public pour prendre l'exacte mesure des propositions budgétaires de 1999.

Nous avons vu que la hausse des ressources propres des organismes était limitée à 1,3 %, contre 3,2 % pour les ressources publiques, ce qui esquisse un rééquilibrage de leur structure de financement au profit des ressources publiques.

Cette présentation renvoie à la critique traditionnelle de l'augmentation depuis plusieurs années de la part des ressources de publicité et de parrainage dans le budget de l'audiovisuel public. De fait, entre 1994 et 1999 (prévisions), le budget global de l'audiovisuel public aura augmenté de 21,2 %. Cette évolution recouvre les mouvements suivants, calculés en francs courants :

- redevance : + 29,9 %

- concours de l'Etat : - 66,3 %

- publicité et parrainage : + 51 %

- autres ressources : - 8,7 %

En francs constants, les évolutions relatives sont les suivantes, pour une augmentation globale de 13,1 %  :

- redevance : + 21,2 %

- concours de l'Etat : - 68,6 %

- publicité et parrainage : + 40,9 %

- autres ressources : - 14,8 %

On sait les arguments habituellement opposés au financement publicitaire de l'audiovisuel public.

La question sera au centre de l'examen du projet de loi sur l'audiovisuel présenté à l'Assemblée nationale. L'amorce d'un rééquilibrage de la structure des recettes de l'audiovisuel public proposée dans le projet de budget de 1999 s'inscrit explicitement dans la perspective du recentrage profond que devrait déclencher la réduction à cinq minutes la durée horaire des messages publicitaires diffusés par France Télévision. Le ministre de la culture et de la communication a en effet présenté le projet de budget comme une préfiguration de cette évolution profonde.

Il convient donc de juger le projet de budget à partir des intentions qui ont guidé son élaboration : la diminution, à terme draconienne, de la part relative des recettes budgétaires des organismes publics.

Il faut d'abord constater que la traduction budgétaire de la " nouvelle politique " de financement de l'audiovisuel public est bien modeste.

En effet, les ressources publicitaires des organismes publics augmenteront globalement de 2,4 %, ce qui représente un supplément de 107,1 millions de francs par rapport à 1998.

Si l'on examine les objectifs de recettes des organismes, on se rend compte par ailleurs que la part des ressources publicitaires dans le budget de France 3 est stabilisée à 30,9 %, mais que leur progression en volume atteindra 3,6 %, ce qui représente un montant supplémentaire de 62,9 millions de francs. Par rapport aux prévisions de recette effectives sur l'exercice 1998, ceci représente une hausse comprise entre 8,4 % et 10,9 %, selon les estimations communiquées par France Télévision, reprises dans le tableau ci-après.

Le décalage entre la présentation des documents budgétaires et la réalité comptable est dû au fait que France 3 ne parviendra probablement pas à réaliser l'objectif de 1 744 millions de francs de recettes publicitaires prévu dans la loi de finances pour 1998, mais atteindra un montant vraisemblablement compris entre 1 667 et 1 629 millions de francs. Les parts d'audience de France 3 fléchissent en effet : elles sont passées de 18,3 % en janvier 1998 à 16,7 % en octobre, après avoir atteint le plancher de 15,9 % en septembre. Ce fléchissement est particulièrement perceptible sur la tranche horaire où France 3 réalise ses gains les plus forts, la première partie de soirée, de 18 heures à 20 heures 30, et où les recettes publicitaires se concentrent.

Cette évolution qui semble largement due au succès de l'émission de divertissement proposée au même moment par TF1, se produit dans un contexte marqué par la progression ralentie de la télévision par rapport à la presse et à la radio, sur le marché publicitaire : entre juillet 1997 et juillet 1998, la télévision affiche une progression de 4,2 % contre 16,6 % pour la presse et 3,9 % pour la radio, la croissance globale des investissements publicitaires " trimédia " s'élevant à 9,8 %, selon la dernière enquête SECODIP. Ceci renforce d'autant plus les incertitudes qui pèsent sur l'exercice 1999, que l'annonce de la diminution législative de la durée horaire des messages publicitaires sur France Télévision provoque, semble-t-il, des reports de budgets publicitaires sur TF1 et M6. Les annonceurs souhaitent anticiper une innovation qui risque de provoquer la saturation des écrans publicitaires des chaînes privées et l'élévation de leurs tarifs.

France 2 fait face aux mêmes difficultés que France 3, avec des perspectives qui sont moins préoccupantes : l'augmentation affichée des objectifs de ressources publicitaires, 0,3 %, soit 12,2 millions de francs, pourrait représenter 3,4 % à 4,6 % par rapport aux encaissements effectifs de 1998.

On notera que la part d'audience de France 2 a fléchi de 22,7 % en janvier 1998 à 21,5 % en octobre, après avoir atteint le plancher de 21,1 % en septembre. Dans le même temps, la part d'audience de TF1 passait de 34,1 % à 36,1.

AUDIENCES DES CHAÎNES EN 1998
 

%

TF1

France 2

France 3

Canal +

La Cinq

Arte

M6

Autres TV

TTV

 

Audiencemoyenne

4,9

3,3

2,6

0,6

0,3

0,2

1,9

0,6

14,4

Janvier 1998

part de marché

34,1

22,7

18,3

4,3

1,9

1,6

12,9

4,1

100,0

 

A.m.

4,8

3,4

2,6

0,6

0,3

0,2

1,7

0,6

14,2

février 1998

P.m.

34,0

23,7

18,0

4,4

1,6

1,6

12,2

4,2

100,0

 

A.m.

4,8

3,1

2,3

0,6

0,2

0,2

1,7

0,6

13,5

mars 1998

P.m.

35,2

22,9

17,2

4,6

1,7

1,4

12,8

4,2

100,0

 

A.m.

4,7

3,0

2,2

0,6

0,2

0,2

1,7

0,5

13,3

avril 1998

P.m.

35,6

22,5

13,8

4,5

1,6

1,5

13,2

4,0

100,0

 

A.m.

4,1

2,6

2,0

0,5

0,2

0,2

1,6

0,5

11,6

mai 1998

P.m.

35,2

22,5

16,9

4,5

1,6

1,6

13,7

4,3

100,0

 

A.m.

4,4

2,9

2,1

0,7

0,2

0,2

1,5

0,5

12,6

juin 1998

P.m.

34,6.

22,9

16,8

5,8

1,6

1,7

12,2

4,2

100,0

 

A.m.

4,1

2,9

2,0

0,5

0,2

0,2

1,5

0,5

11,9

juillet 1998

P.m.

34,7

24,2

17,1

4,5

1,8

1,6

12,3

1,0

100,0

 

A.m.

3,6

2,2

1,7

0,4

0,2

0,2

1,3

0,4

10,0

août 1998

P.m.

36,4

21,9

17,2

3,7

2,3

1,5

13,0

4,3

100,0

 

A.m.

4,5

2,6

1,9

0,6

0,2

0,2

1,5

1,6

12,2

septembre 1998

P.m.

37,2

21,1

15,9

4,6

1,9

1,6

12,5

4,6

100,0

 

A.m.

4,8

2,9

2,2

0,6

0,2

0,2

1,7

0,6

13,3

octobre 1998

P.m.

36,1

21,5

16,7

4,9

1,8

1,6

12,8

4,5

100,0

Source : France Télévision

Le tableau ci-dessous présente les perspectives réelles de recettes publicitaires de France 2 et France 3 :

Publicité (net chaîne)

Estimations 1998

Loi de Finances 1999

Evolution

France 2

Hypothèse haute 2 444

Hypothèse basse 2 414

2 526

+ 3,4 %

+ 4,6 %

France 3

Hypothèse haute 1 667

Hypothèse basse 1 629

1 807

+ 8,4 %

+ 10,9 %

France Télévision

Hypothèse haute 2 111

Hypothèse basse 4 043

4 333

+ 5,4

+ 7,2

Source : France Télévision

On constate ainsi que le projet de budget repose sur d'inextricables contradictions :

- entre le radicalisme des objectifs affichés en ce qui concerne l'évolution des structures de financement de l'audiovisuel public, et la modestie du premier pas consenti dans le cadre de ce " budget de préfiguration " ;

- entre les estimations de recettes publicitaires présentées pour 1999 et les réalités de marché  : celui-ci risque de précéder le Gouvernement dans la voie de la régression des ressources propres des chaînes.

Cette perspective est inquiétante à deux égards.

Sur le plan conjoncturel, votre rapporteur évoquera plus loin les tensions qui pèseront dès 1999 sur les ressources publiques des chaînes, et la difficulté qui en résultera de compenser l'insuffisance éventuelle des recettes publicitaires.

Sur le plan des principes, votre rapporteur est très réservé à l'égard d'une analyse sommaire du rôle de la publicité dans la programmation des chaînes publiques : faire de la publicité le critère emblématique des insuffisances de la télévision publique conduit à des contorsions dont le budget de 1999 offre un aperçu vraisemblablement prémonitoire.

Les réalités de la publicité sont complexes.

Un financement publicitaire excessif tire sans doute la programmation vers le bas, mais n'implique pas inévitablement l'alignement sur les chaînes privées. La ménagère de moins de 50 ans n'est pas la cible-mère du secteur public qui paraît répondre dans une assez large mesure à sa vocation de " fédérer " un public beaucoup plus vaste 2( * ) . Il a besoin pour cela de ressources importantes, que la publicité lui garantit mieux sans doute que les crédits budgétaires ou la redevance. Comment attirer en effet un vaste public sans coûteuses " paillettes " ? Comment poursuivre l'ambition de susciter la production d'oeuvres de qualité, pourvues d'une valeur patrimoniale, si la ressource publicitaire diminue au profit d'un financement public dont on sait d'expérience le caractère fondamentalement aléatoire ? Le débat du financement est une équation à beaucoup d'inconnues, qu'il convient d'aborder avec réalisme.

2. Des difficultés latentes du côté des recettes publiques

Ici encore le commentateur du projet de budget fait face à un noeud de contradictions inextricables. Il convient d'adopter une nouvelle fois la logique révélée par le ministre de la culture et de la communication : ce budget " comporte des signes annonciateurs de la réforme à venir " qui, " sans attendre l'entrée en vigueur de la réforme de l'audiovisuel public, retient une structure de financement du secteur public plus vertueuse que par le passé ".

On sait que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Votre rapporteur doit à l'audiovisuel public de rechercher les perspectives infernales vers lesquelles les intentions les plus vertueuses pourraient conduire à terme.

• La redevance

Le projet de budget est construit sur l'hypothèse d'une augmentation de 4,9 % du produit de la redevance, qui en porterait le montant à 12,25 milliards de francs.

La décomposition de la recette supplémentaire de 569,2 millions de francs mérite un examen approfondi.

Après la hausse de 5 % de 1998, qui avait fait passer le taux de 700 à 735 francs, il a été décidé, on l'a vu, de n'augmenter en 1999 la redevance que dans des proportions égales à la hausse prévisionnelle des prix : 1,2 %. Le montant dû pour un récepteur couleur s'élèvera ainsi à 744 francs (475 francs pour un récepteur noir et blanc). Ceci représentera une recette supplémentaire de 126 millions de francs.

La progression des recettes proviendra donc pour l'essentiel (443 millions de francs) d'autres facteurs : d'une part, l'amélioration du recouvrement de la taxe consécutif à la possibilité de recouper le fichier des redevables et celui de la taxe d'habitation, ouverte par la loi du 12 avril 1996, et d'autre part la réduction des exonérations à la suite du durcissement des conditions y donnant droit (cf. encadré ci-après).

Conditions d'ouverture du droit à l'exonération de redevance à partir du 1er janvier 1998

(décret n° 96-1230 du 30 décembre 1996)

• être âgé de 65 ans au 1er janvier de l'année d'exigibilité de la redevance ;

• être titulaire de l'allocation supplémentaire du Fonds de solidarité vieillesse, définie aux articles L 815-2 à L 815-8 du code de la sécurité sociale

• vivre seul ou avec son conjoint et, éventuellement, avec des personnes à charge ou avec d'autres personnes qui en 1997 ont bénéficié d'un revenu fiscal n'excédant pas la somme de 43 550 francs pour la première part du quotient familial, majorée de 11 650 francs pour chaque demi-part supplémentaire ;

• Les conditions sont différentes pour les informes ou invalides au taux minimum de 80 % :

• bénéficier en 1997 d'un revenu fiscal soumis aux conditions décrites ci-dessus ;

• ne pas être passible de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

• vivre seul ou avec son conjoint et, éventuellement, avec des personnes à charge ou avec d'autres personnes qui, en 1997, ont bénéficié d'un revenu fiscal soumis aux conditions décrites ci-dessus (à l'exception de la tierce personne chargée d'une assistance permanente), ou avec des parents en ligne directe si ceux-ci ont bénéficié en 1997 d'un revenu fiscal soumis aux conditions décrites ci-dessus.

On peut escompter que ces ajustements susciteront effectivement en 1999 le surplus de 443 millions de francs attendu. Compte tenu du champ d'application différent de la taxe d'habitation et de la redevance (les entreprises sont assujetties à l'une et non à l'autre) et du probable manque de sensibilité du dernier carré des réfractaires aux demandes d'explications transmises par l'administration, l'ouverture de quelque 430 000 nouveaux comptes payants pourrait cependant s'avérer excessivement optimiste.

Par ailleurs, cette source de recettes ne peut-être considérée comme une réponse durable aux besoins futurs de financement du secteur public.

En alignant ostensiblement l'augmentation de la redevance sur celle des prix, le Gouvernement manifeste d'ailleurs à l'égard des capacités contributives des redevables une prudence qui augure mal du financement de l'audiovisuel public quand il s'agira de compenser le brutal manque à gagner, quelque 2 milliards de francs, que France Télévision subira en l'an 2000, et de financer les quelque 600 heures de programmes qui devront combler le vide des écrans publicitaires (aucune estimation du besoin de financement correspondant n'a pu être fournie à votre rapporteur).

De récentes déclarations de responsables gouvernementaux confirment le manque d'enthousiasme du gouvernement à l'égard d'une solution passant par l'augmentation sensible du taux de la redevance : " Le Gouvernement " s'engage " à ce que " ce ne soit pas la redevance qui finance le manque à gagner " des chaînes publiques, après la réduction de la publicité prévue par le projet de loi sur l'audiovisuel public, a ainsi affirmé M. Daniel Vaillant, ministre des Relations avec le Parlement. La perte de recettes publicitaires " sera compensée par le budget " de l'Etat " et vous verrez que dans la loi de finances pour 2000, les crédits du budget de la culture seront augmentés à due concurrence ". 3( * )

Votre rapporteur partage cette prudence à l'égard de la redevance pour plusieurs raisons.

D'une part, la redevance est un prélèvement de plus en plus archaïque. Dans le rapport d'information du groupe de travail sur la communication audiovisuelle 4( * ) , votre rapporteur exprimait les doutes que l'on peut avoir sur la pérennité d'un prélèvement qui finance une part de plus en plus étroite de l'offre audiovisuelle, une part plus étroite encore de l'offre effectivement consommée, et qui s'analysera de plus en plus comme la rémunération arbitraire d'une consommation virtuelle forcée. A plus long terme, la possibilité de recevoir des émissions de télévision sur les écrans d'ordinateur, non taxés, aura les mêmes conséquences déstabilisatrices sur cette ressource.

Il convient d'autre part, de tenir compte de l'évolution globale de la communication audiovisuelle. De ce point de vue, un accroissement excessif du prélèvement effectué par l'Etat au profit de la télévision publique ne peut être analysé que comme une préemption autoritaire sur le budget communication des téléspectateurs, et serait en profonde contradiction avec les nouveaux espaces de liberté dont les bouleversements en cours permettent l'apparition.

Nous sommes loin d'avoir atteint l'excès, estiment les partisans d'une augmentation sensible de la redevance, en mettant en avant l'expérience de certains pays étrangers, en particulier l'Allemagne où le taux dépasse 1 000 francs. Mais ces niveaux ont été atteints dans un contexte tout à fait différent, marqué par la rareté de l'offre audiovisuelle et la primauté du secteur public. Si l'effet d'accoutumance permet à l'Allemagne de maintenir de tels taux alors que l'audience de la télévision publique régresse sensiblement dans ce pays, on ne peut attendre la même attitude de la part du téléspectateur français, habitué à un prélèvement plus modeste et dont le désir de choisir librement l'affectation de son budget communication s'exprime dans le succès inattendu des bouquets satellitaires payants. Il convient d'être attentif au message délivré par les quelque 900 000 abonnés à Canal satellite et 500 000 abonnés à TPS.

Le projet de budget de 1999 traduit une conscience embryonnaire de cette réalité, contradictoire avec le choix affirmé de la régression des recettes publicitaires.

Il manifeste aussi le début d'un enfermement de l'audiovisuel public dans une logique de pénurie financière : l'abondement des budgets des organismes par les crédits budgétaires, seul moyen de compensation de la baisse ou de la stagnation des autres recettes, n'est pas à l'ordre du jour.

• Les crédits budgétaires

Les crédits budgétaires aux organismes de l'audiovisuel public s'élèveront en 1999 à 572 millions de francs, ce qui représente une diminution de 22,8 % par rapport à 1998. Sur ce montant, 120 millions de francs, en provenance du chapitre 46-01 des crédits des services du Premier ministre, représentant les remboursements d'exonérations de redevance, et 452 millions de francs, en provenance du budget du ministère des affaires étrangères, iront à RFI. Seule la radio internationale continuera ainsi de bénéficier de ressources d'origine budgétaire.

Ce repli du financement budgétaire des organismes publics marque pratiquement le terme d'une évolution qui, en quelques années, a rendu totalement fictive la notion de remboursement d'exonérations, à partir de laquelle il a pu être tentant de bâtir une doctrine cohérente de financement du secteur public.

En effet, les crédits représentatifs des remboursements de redevance diminuent de 58,49 % par rapport à 1998. Ceci réduit le taux de remboursement à quelque 4 %, contre 10,75 % en 1998, exercice au cours duquel le montant des exonérations a été estimé à 2,58 milliards de francs, le remboursement s'élevant à 291,1 millions.

Cette évolution a l'avantage de mettre les organismes publics à l'abri des régulations régulièrement dénoncées dans le passé par les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale, régulations souvent opérées sous le prétexte du dépassement par les chaînes de leurs objectifs publicitaires.

Rappelons à cet égard que la régulation budgétaire s'est élevée en 1997 à 46,6 millions de francs : 29 millions de francs pour Radio France et 17,6 millions de francs pour l'INA.

Elle a été complétée par une annulation de 13 millions de francs portant sur la subvention de RFI imputée sur le budget des affaires étrangères. Au total, ce sont donc 60 millions de francs de crédits budgétaires qui ont été annulés en 1997, sur un total de 1 160 millions de francs en loi de finances initiale, soit 5,2 %.

On a déjà indiqué que la régulation de 1998 n'a porté que sur près de 11 millions de francs.

Le régulateur de 1999 se trouvera devant le vide, ce dont on se féliciterait sans réserve si l'ordre des priorités n'avait changé à la suite des annonces du Gouvernement :

- ce n'est plus l'annulation de crédits en cours d'année 1999 qui pose problème, mais la nécessité éventuelle d'abonder en cours d'année avec des crédits budgétaires les budgets des chaînes publiques, si les prévisions du Gouvernement en termes de recettes publicitaires et de redevance se revèlent trop optimistes ;

- dans une vision à plus long terme, la tendance apparemment irréversible à la suppression des crédits budgétaires des organismes publics (à l'exception des crédits provenant du budget du ministère des affaires étrangères) est préoccupante, compte tenu du caractère peu dynamique du prélèvement généré par la redevance, compte tenu aussi du reflux annoncé des recettes publicitaires.

II. LES CRÉDITS DES ORGANISMES

Certains aspects saillants des budgets et de la gestion des organismes de l'audiovisuel public ont été pris en compte dans la présentation générale qui précède. On rappellera essentiellement ici le budget prévisionnel de chaque organisme.

1. France Télévision

France 2

Le total des ressources de France 2 augmentera de 2,5 % (+ 128,7 millions de francs par rapport à un budget de 5,1 milliards de francs en 1998).

Les ressources publiques destinées à France 2 progresseront de 120,5 millions de francs (+ 4,9 %), dont + 223,5 millions de francs pour la redevance (+ 9,5 %), les crédits budgétaires étant supprimés (- 103 millions de francs).

Les ressources propres de France 2 augmenteront de 0,3 % en conséquence d'une augmentation de 0,5 % des ressources publicitaires (+ 12,2 millions de francs) et d'une stabilisation à 70 millions de francs des autres ressources propres.

Ceci se traduit par l'évolution suivante de la structure du budget de France 2 :

- la part des ressources publiques est de 48,7 % contre 47,6 % en 1998 ;

- la part des ressources publicitaires est de 47,5 % (51,3 % pour l'ensemble des ressources propres) contre 48,4 % en 1998.


 

PLF 1999

Variation en valeur
/ LFI 1998

Variation en  %
/ LFI 1998

Part dans le projet de PLF 1999

Redevance

2 588,0

+ 223,5

+ 9,5 %

48,7 %

Crédits budgétaires

 
 
 
 

SGPM

 

- 103,0

- 100,0 %

 

MAE-COOP

 
 
 
 

Total crédits budgétaires

 

- 103,0

- 100,0 %

 

Total ressources publiques

2 588,0

+ 120,5

+ 4,9 %

48,7 %

Ressources propres

Publicité

2 526,0

+ 12,2

+ 0,5

47,5 %

Parrainage

132,0

- 4,0

- 2,9 %

2,5 %

Total publicité et parrainage

2 658,0

+ 8,2

+ 0,3 %

50,0 %

Autres ressources propres

70,0

+ 0,0

+ 0,0 %

1,3 %

Total ressources propres

2 728,0

+ 8,2

+ 0,3 %

51,3 %

Total des ressources

5 316,0

+ 128,7

+ 2,5 %

100,0 %

France 3

Le total des ressources de France 3 augmentant de 3,6 % (+ 205,8 millions de francs par rapport à un budget de 5,6 milliards de francs en 1998).

Les ressources publiques destinées à France 3 augmenteront de 144,9 millions de francs (+ 4,3 %), dont + 248 millions de francs pour la redevance (+ 7,5 %), les crédits budgétaires disparaissent (- 103,1 millions de francs).

Les ressources propres de France 3 augmenteront de 2,7 % en conséquence d'une augmentation de 3,6 % des ressources publicitaires (+ 62,9 millions de francs) et d'une diminution de 0,5 % des autres ressources propres (- 2 millions de francs).

Ceci se traduit de la façon suivante, dans la structure du budget de France 3 :

- la part des ressources publiques est de 60,6 % contre 60,2 % en 1998 ;

- la part des ressources publicitaires stabilisée à 30,9 % (39,4 % pour l'ensemble des ressources propres).


 


PLF 1999

Variation en valeur
/ LFI 1998

Variation en  %
/ LFI 1998

Part dans le projet de PLF 1999

Redevance

3 543,0

+ 248,0

+ 7,5 %

60,6 %

Crédits budgétaires

 
 
 
 

SGPM

 

- 103,1

- 100,0 %

 

MAE-COOP

 
 
 
 

Total crédits budgétaires

 

- 103,1

- 100,0 %

 

Total ressources publiques

2 543,0

+ 144,9

+ 4,3 %

60,6%

Ressources propres

Publicité

1 806,9

+ 62,9

+ 3,6 %

30,9 %

Parrainage

100,9

+ 0,0

+ 0,0 %

1,7 %

Total publicité et parrainage

1 907,8

+ 62,9

+ 3,4 %

32,6 %

Autres ressources propres

398,4

- 2,0

- 0,5 %

6,8 %

Total ressources propres

2 306,2

+ 60,9

+ 2,7 %

39,4 %

Total des ressources

5 849,2

+ 205,8

+ 3,6 %

100,0 %

Les deux chaînes de France Télévision vont aborder en 1999 une phase clé de leur développement, avec la discussion du projet de loi qui prévoit de rassembler France 2, France 3 et une société intégrant la Cinquième et la Sept-Arte dans une société holding France Télévision, qui prévoit par ailleurs, on l'a évoqué ci-dessus, la diminution à 5 minutes de la durée horaire des messages publicitaires.

Le débat parlementaire devra être l'occasion d'une réflexion sur le rôle, les missions et l'organisation du secteur public de l'audiovisuel qu'il n'est pas possible d'anticiper dans le présent rapport budgétaire au-delà des aspects financiers mentionnés plus haut. Il conviendra d'élaborer à cette occasion une réponse à la crise d'identité que traverse la télévision publique, devant l'évolution de la communication audiovisuelle, une crise qui se traduit par un affaissement des taux d'audience dans lequel il est actuellement difficile de distinguer ce qui est dû à l'amorce d'un repli " structurel " des télévisions généralistes, et ce qui relève du positionnement insuffisamment clair des chaînes publiques.

L'élaboration des plans stratégiques de France 2 et de France 3 apparaît comme une contribution à la réflexion qu'il convient d'engager.

Rappelons à cet égard que France 2 a retenu deux axes majeurs :

- contribuer au renforcement de la cohésion sociale, participer à l'enrichissement de l'identité culturelle et se présenter comme une chaîne généraliste porteuse de valeurs positives ;

- diversifier l'offre de services et de programmes afin de mieux répondre à la demande du public et de faire face aux nouvelles formes de concurrence ;

- mieux mobiliser les ressources de l'entreprise.

France 3 a aussi identifié trois missions fondamentales :

- renforcer les programmes nationaux ;

- contribuer au développement des nouveaux services de France Télévision ;

- développer l'offre régionale de programmes. A cet égard, le projet " Proxima " prévoit de renforcer les pôles de décision locaux par rapport aux régionaux. Au lieu des treize directions régionales actuelles, la chaîne serait divisée en sept grandes directions, divisées en vingt-deux régions correspondant aux circonscriptions administratives. Deux groupes de travail ont été mise en place. L'objectif est de mieux résister à la concurrence des chaînes privées sur l'information locale, dont les téléspectateurs sont demandeurs.

2. Les chaînes du cinquième canal

La Cinquième

Le total des ressources de la Cinquième augmentera de 2,9 % (+ 22,6 millions de francs par rapport à un budget de 781 millions de francs en 1998).

Les ressources publiques de la Cinquième augmenteront de 23,6 millions de francs (+ 3,1 %), dont + 63,6 millions de francs pour la redevance (+ 8,9 %), les crédits budgétaires disparaissant (- 40 millions de francs).

Les ressources propres de la Cinquième diminueront de 3,3 % en conséquence d'une stabilisation des ressources publicitaires à 19,3 millions de francs et d'une diminution de 12,2 % des autres ressources propres (- 1 million de francs).

En ce qui concerne la structure du budget de la Cinquième, on notera que les ressources publiques représenteront 96,4 % du budget.

La Sept-Arte

Le total des ressources de la Sept-Arte augmentera de 2,9 % (+ 29,3 millions de francs par rapport à un budget de 1,03 milliard de francs en 1998).

Les ressources publiques de la Sept-Arte augmenteront de 31,6 millions de francs (+ 3,2 %), dont + 73,2 millions de francs pour la redevance (+ 7,7 %), les crédits budgétaires étant supprimés (- 41,5 millions de francs).

Les ressources propres de la Sept-Arte diminueront de 19,4 % en conséquence de la diminution de 2,4 millions de francs des recettes commerciales.

En ce qui concerne la structure du budget de la Sept-Arte, on notera que les ressources publiques représenteront 99 % du budget.

La plus grande partie des mesures nouvelles destinées à la Cinquième et à la Sept-Arte seront consacrées à l'enrichissement des deux antennes (35,4 millions de francs).

Les budgets de programmes de La Cinquième et de la Sept/Arte seront accrus afin de permettre à ces sociétés d'élargir leurs possibilités de programmation (5,5 millions de francs et 23,9 millions de francs respectivement).

L'augmentation de la contribution de la Sept/Arte au GEIE ARTE permettra à ce dernier de financier une amélioration des programmes de l'avant-première partie de soirée et la diffusion d'une cinquantaine de documentaires supplémentaires.

Cette nouvelle grille est conçue pour faciliter l'enchaînement entre les programmes de La Cinquième et ceux de la SEPT/ARTE, au moment où l'installation des deux sociétés dans un siège commun préfigure leur fusion à la suite de l'adoption du projet de loi sur la communication audiovisuelle déposé à l'Assemblée nationale.

On peut toutefois s'interroger sur les modalités choisies pour l'enchaînement des programmes des deux chaînes autour de 19 heures. En particulier, la diffusion d'un bulletin d'informations sur l'antenne d'Arte paraît vouée à concurrencer le journal de France 2, dont le contenu vient précisément d'être réorienté vers les nouvelles internationales.

3. Les autres organismes

Radio France

Le projet de budget de Radio France, pour 1999, s'élève à 2 814,3 millions de francs contre 2 749,5 millions de francs en 1998 (+2,4 %), soit le double de l'inflation prévisionnelle, contre une hausse de 2 % en 1998.

Une mesure nouvelle de 10,2 millions de francs devra permettre à la société de mieux assurer en 1999 les principaux objectifs de sa modernisation.

S'agissant des différentes antennes, la priorité est à l'amélioration de la politique d'offre de programmes et au renforcement de l'information, notamment sur France Inter.

La politique qui sera conduite devra également s'attacher à l'optimisation des moyens accordés au développement des programmes de proximité, et au renouvellement des publics des principaux programmes. Ceci complétera l'extension de la couverture du Mouv, dont l'audit réalisé en début d'année avait montré la nécessité, et qui demeure insuffisante.

RFO

Le budget de RFO s'élèvera à 1 251,8 millions de francs en 1999, enregistrant une progression de 3 % par rapport à 1998.

Il consolide ainsi l'augmentation des moyens consacrés aux programmes régionaux intervenue dans le cadre du budget de la société pour 1998 et comporte une mesure nouvelle significative (10,3 millions de francs) pour lui permettre de développer ses programmes propres et en enrichir le contenu.

La poursuite des travaux immobilisés destinés à permettre la relocalisation des stations régionales de Guadeloupe et de Guyane sera financée dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année 1998.

Le projet de finances pour 1999 prend acte de résultats moins défavorables, en matière de recettes publicitaires, que ceux qu'avaient laissé attendre les simulations prises en compte dans la construction des projets de loi de finances pour 1997 et 1998 à la suite des modifications du cahier des charges de la société décidées en 1996 (suppression de la publicité sur le deuxième canal télévisuel et interdiction de la publicité de marques sur les antennes radiophoniques).

INA

En diminution de 1,2 % par rapport au budget présenté par la loi de finances pour 1998, le budget de l'Institut national de l'audiovisuel progressera de 4,5 % par rapport au budget adopté par le conseil d'administration de cet établissement.

Celui-ci traduisait l'engagement de l'Institut dans une démarche d'adaptation de ses charges à la diminution de ses ressources (prestations d'archivage pour France 2 et France 3 et cessions de droits audiovisuels).

Une mesure nouvelle importante (13,8 millions de francs) permettra d'amplifier la numérisation de la chaîne d'exploitation des archives, améliorant le service rendu aux diffuseurs par l'INA et confortant ainsi ses ressources commerciales.

En outre, le lancement d'un plan de sauvegarde et de restauration des archives devrait donner à l'INA les moyens de mieux remplir sa mission patrimoniale.

III. UN ASPECT DE LA POLITIQUE DE L'AUDIOVISUEL : LE SECTEUR PUBLIC ET LA CRÉATION CINÉMATOGRAPHIQUE

Les relations entre le cinéma et la télévision publique seront sans doute un des sujets centraux de la discussion du projet de loi sur l'audiovisuel public présenté dernièrement à l'Assemblée nationale. Le rôle des chaînes publiques à l'égard de la production cinématographique est trop souvent masqué par la prééminence de Canal Plus dans ce domaine. Or France 2 Cinéma et France 3 Cinéma sont en fait des acteurs influents de ce marché. Leurs investissements, quelque 250 millions de francs actuellement (les derniers chiffres précis, ceux de 1997, sont indiqués ci-dessous), inférieurs à ceux de Canal Plus (800 millions de francs), devancent ceux de TF1 (200 millions de francs) et de M6 (50 millions de francs), tandis qu'Arte effectue de son côté un investissement annuel de quelque 50 millions de francs. Les filiales cinématographiques de France 2 et de France 3 interviennent ainsi chaque année dans le financement du tiers de films d'expression originale française. On comprend dans ces conditions l'attention que les professions du cinéma accordent à l'évolution potentielle de la contribution de la télévision publique à la production.

Votre rapporteur considère de son côté que l'une des missions de la télévision publique est de participer à cet objectif essentiel de la politique audiovisuelle de l'Etat qu'est à ses yeux le développement des industries audiovisuelles de la France et la production de contenus.

Aussi a-t-il choisi d'aborder dans son rapport sur les crédits de 1999, très brièvement et à titre de première approche, la question de la contribution du secteur public à la création cinématographique.

A. QUELLE CONTRIBUTION ? TROIS PISTES

1. Le financement

L'apport de financements est la contribution la plus évidente du secteur public à la production cinématographique. Le secteur public ne se différencie guère en cela des chaînes généralistes privées en clair, qui sont soumises aux mêmes obligations réglementaires que lui.

Il convient donc d'ouvrir toute réflexion par le rappel de quelques chiffres significatifs : en 1997, la part du chiffre d'affaires consacré à la production cinématographique (que la réglementation fixe à un minimum de 3 %) a été de 3 % pour France 2, de 3 % pour France 3, et de 3,01 % pour TF1. Ceci a représenté un montant de 139, 15 MF pour France 2, de 97 MF pour France 3, et de 197 MF pour TF1. France 2 a ainsi participé au financement de 26 films, le nombre étant de 15 pour France 3 et de 16 pour TF1.

Une question se pose aujourd'hui. Le projet de réduire à cinq minutes la durée horaire des écrans publicitaires de France 2 et de France 3 aura-t-il une incidence sur la capacité de financement du secteur public ? Le gouvernement s'est engagé en principe à compenser le manque à gagner de quelque 2 milliards de francs. On a vu ci-dessus que cet engagement semblait actuellement tenir beaucoup du voeu pieu. S'il était rempli dans de bonnes conditions, une partie des sommes versées à ce titre à France Télévision pourra être investie dans la production de fiction cinématographique et audiovisuelle, production que pourrait dynamiser par ailleurs la nécessité de remplir les six cents heures libérées par la publicité. C'est une bonne perspective, mais il faut noter l'existence d'une condition préalable : l'inévitable réarticulation des grilles de programmes devra être conçue en fonction de la diffusion de films et d'oeuvres audiovisuelles, et non d'une redistribution des écrans publicitaires sur l'ensemble de la grille des programmes, qui imposerait des formats incompatibles avec ceux du cinéma.

Il conviendra donc, si le projet de loi est adopté en l'état, de surveiller à la fois l'exécution des engagements du gouvernement en matière de financement des chaînes publiques et l'évolution de leurs grilles de programmes.

2. L'exposition du cinéma français

La réglementation de la diffusion des oeuvres cinématographiques, et spécialement les interdictions de diffuser des films certains jours, traduit la méfiance du monde du cinéma à l'égard du petit écran. On a longtemps considéré que la télévision concurrençait à armes inégales l'exploitation des oeuvres en salle. Mais il faut aussi tenir compte de facteurs plus positifs : le succès d'audience d'un film diffusé à la télévision peut permettre de relancer l'exploitation commerciale d'un film ayant connu un échec en salle. Cela sera de plus en plus vrai au fur et à mesure que le développement du second marché des programmes offrira de nouveaux débouchés. L'exposition de la production française sur les écrans de la télévision généraliste apparaît ainsi comme une seconde contribution possible de la télévision publique à la production cinématographique. Ce qui est vrai pour tel ou tel film l'est encore plus pour la production française dans son ensemble : la diffusion de films français peut contribuer à former le goût du public.

Cette constatation incite à rappeler les statistiques de diffusion des films français sur les chaînes généralistes. En 1997, France 2 et France 3 ont diffusé le maximum de films autorisés par la réglementation : 192. On notera que TF1 et M6 n'en ont diffusé que 190 durant la même période. Sur l'ensemble de la programmation, France 2 a diffusé 47,9 % de films d'expression originale française (EOF), France 3 : 49 %, alors que TF1 en diffusait 51,1 %. Sur la tranche 20h30-22h30, France 2 a diffusé 48,9 % d'EOF, France3 : 51,5 %, et TF1 : 54,9 %. Il ne semble donc pas que la contribution du secteur public à l'exposition de la production française soit vraiment déterminante. Il est vrai cependant que France Télévision se rattrape d'une certaine manière sur les statistiques de diffusion de films américains : TF1 en a diffusé 75 en 1997, contre 73 pour France 2 et 68 pour France 3. Sur la tranche 20h30-22h30, France 2 a diffusé 36 films américains contre 37 pour France 3 et 39 pour TF1. Il n'en demeure pas moins que du point de vue de l'exposition des films français, les différences entre le secteur public et les chaînes privées sont tout à fait minimes. Il y a sans doute un effort à faire de ce côté.

Il peut être intéressant de prendre en compte un autre facteur. Le rôle de " vitrine " du cinéma français est mieux assuré par les chaînes généralistes que par les thématiques, y compris les thématiques culturelles comme Arte. De ce point de vue, France télévision joue sans doute un rôle particulièrement utile, dans la mesure où son audience, orientée vers l'ensemble du public (la part d'audience des ménagères de moins de 50 ans n'est que de 15 % pour France télévision, contre 21 % pour le secteur privé) lui permet de toucher un public assez diversifié. Il faut cependant noter aussi l'intérêt que présenterait du point de vue de la fonction de " vitrine " le rajeunissement de l'audience de France télévision : c'est le public jeune qui fréquente des salles de cinéma.

Il y a un dernier problème à prendre en compte en ce qui concerne la fonction d'exposition. Il s'agit des conséquences sur le financement et donc sur le contenu des oeuvres, des restrictions imposées à la diffusion d'oeuvres violentes aux heures de grande écoute. On se rappelle les polémiques déclenchées à ce sujet par certains metteurs en scène à plusieures occasions, et les accusations portées contre les chaînes publiques. Il faut rappeler à cet égard que le législateur a imposée aux chaînes de télévision l'objectif de protection de l'enfance et de l'adolescence au nom d'une conception de l'intérêt public qui dépasse sans doute les seuls intérêts de la production cinématographique. Le public s'attend assez légitimement à ce que la télévision publique soit particulièrement exigeante quand est en cause le respect d'autrui.

3. La création

L'encouragement à la création, au développement et au renouvellement du cinéma français est une troisième modalité de contribution à la création cinématographique, qui devrait distinguer le secteur public des chaînes privées. Chacun salue le rôle d'Arte à cet égard.

En ce qui concerne France télévision, il y a peu de points saillants à relever. France 2 a utilisé pour la première fois en 1997 la possibilité ouverte depuis 1994 de diffuser hors quantum 52 films d'art et d'essai : 5 films ont été diffusée dans ce cadre. France 3 en a diffusé 2.

Il faut naturellement tenir aussi compte de la nécessité pour la télévision publique de sélectionner en fonction des besoins de l'antenne les projets soumis aux filiales cinématographiques. Les seuls films français pratiquement accessibles aux chaînes publiques sont ceux que leurs filiales coproduisent. Il est donc vital pour elles de coproduire un certain nombre de films susceptibles d'être programmés avec succès aux heures de grande écoute. Cette exigence est partiellement contradictoire avec la préoccupation d'innover. Mais tous les films ne sont pas destinées aux heures de grande écoute, et les productions s'inscrivant dans une perspective de renouvellement du cinéma français doivent trouver leur place dans une programmation qui doit être diversifiée et doit ambitionner de rassembler successivement tous les publics.

Il faut enfin rappeler une dernière contribution, coûteuse, des chaînes publiques à la qualité cinématographique : l'interdiction de couper la diffusion des films par des écrans publicitaires.

B. QUELS INSTRUMENTS : TROIS QUESTIONS

1. Les règles de programmation sont-elles condamnées ?

Les règles de programmation ont largement participé à la montée en puissance du cinéma français.

Celui-ci, désormais le second du monde, comme le rappelait encore dernièrement le ministre de la culture et de la communication, est-il encore dépendant de ces règles alors que le fréquentation des salles augmente grâce à la modernisation du parc, et alors que les succès du cinéma anglais montrent que les béquilles réglementaires ne sont pas forcément indispensables ?

L'internationalisation de la diffusion et l'impossibilité de soumettre au droit français des chaînes comme RTL 9 qui ignorent d'ores et déjà les interdictions de programmation, ainsi que la nécessité d'assurer aux diffuseurs des conditions de concurrence équitables, rendront nécessaire à terme une évolution du système français d'appui à la production. Il est généralement préconisé à cet égard de substituer progressivement des obligations de financement plus ambitieuses aux obligations de programmation des chaînes.

2. Les obligations de financement de la production sont-elles la solution de l'avenir ?

Il s'agit d'une piste prometteuse dans la mesure où ces obligations semblent plus facilement acceptées par nos partenaires européens que les règles de programmation. Il paraît possible de lancer des consultations dans ce sens et de présenter des propositions au niveau européen. La démarche européenne est nécessaire afin de prévenir les délocalisations.

Mais il faut aussi tenir compte des inconvénients potentiels d'une augmentation très sensible des obligations d'investissement des chaînes, publiques comme privées. Le déversement brutal d'une manne financière que les entreprises cinématographiques pourraient avoir quelque peine à absorber en développant la production, risquerait d'encourager la substitution d'une logique de préfinancement à la logique d'amortissement indispensable à l'efficacité économique. La qualité des oeuvres pourrait aussi être altérée par la prédominance encore plus affirmée de la télévision sur la production cinématographique. C'est pour prévenir ce risque que la réglementation actuelle interdit à un diffuseur de financer plus de la moitié du coût de production d'un film. Il n'est pas forcément souhaitable de permettre le dépassement de ce plafond.

C'est à la lumière des mêmes considérations qu'il faudra aussi examiner les conséquences et les modalités de la redistribution des recettes publicitaires que le secteur public sera conduit à abandonner.

3. Le secteur public doit-il avoir un rôle pilote en matière d'appui à l'industrie indépendante des programmes ?

Il faut rappeler que France 2 n'est pas autorisée à recourir à ses moyens propres pour la production d'oeuvres de fiction. C'est une disposition significative en faveur de l'industrie indépendante des programmes, aussi bien cinématographiques qu'audiovisuels.

Afin de favoriser la rentabilisation des oeuvres sur le second marché des programmes, il est parfois suggéré que le secteur public joue un rôle pilote en matière de circulation des droits, en s'abstenant par exemple d'acquérir des droits de diffusion exclusifs tous supports. Il n'est pas certain que cela ait une incidence financière favorable sur le secteur de la production, dans la mesure où l'on peut imaginer que les chaînes compenseront la perte subie en diminuant leur contribution financière moyenne. Peut-on aussi envisager d'interdire aux chaînes publiques d'acheter des parts " coproducteurs ", en les cantonant dans l'achat de parts " antenne " ?

Il est difficile de déterminer les implications économiques et financières de telles propositions, ainsi que le meilleur équilibre possible entre les intérets en cause.

Votre commission se contentera de noter, à ce stade, que ce type de problèmes semble ressortir à la compétence du Conseil de la concurrence, mieux à même que le pouvoir réglementaire, et a fortiori le législateur, de mener les études nécessaires à l'identification d'abus de positions dominantes, de la part des diffuseurs, à l'encontre de la production indépendante. Ce n'est que si de telles études mettaient en lumière une situation structurellement défavorable des producteurs à l'égard des diffuseurs que le pouvoir réglementaire pourrait, au vu des problèmes effectivement constatés, être autorisé par le législateur à encadrer les pratiques patrimoniales des chaînes de télévision en matière d'achat de droits.

On voit qu'une matière aussi technique s'accomode mal des effets d'annonces. Et on se réjouit que le Gouvernement se soit jusqu'à présent préservé de ce danger, contrairement à ce qui a été le cas dans le domaine de la publicité.

Il faudra enfin veiller à ce que la création annoncée du grand holding du secteur public ne conduise pas à la création d'un guichet financier unique, ou d'une centrale d'achat de droits dont la puissance de marché face aux producteurs serait excessive. Un des rôles du secteur public est de desserrer la structure oligopolistique de la demande de programmes, il serait manifestement inopportun que les initiatives du gouvernement aboutissent à l'effet inverse.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 12 novembre 1998, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Jean-Paul Hugot sur les crédits de la communication audiovisuelle pour 1999.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

Mme Danièle Pourtaud s'est étonnée de la critique de la diminution de la part des ressources publiques dans le financement des chaînes, alors que le récent rapport d'information de la commission sur la communication audiovisuelle préconisait cette diminution. Elle a rappelé, à cet égard, que la part de la publicité diminuait pour la première fois depuis 1992. Elle a estimé nécessaire que les ressources de l'audiovisuel public augmentent et s'est déclarée satisfaite de la croissance du produit de la redevance, notant que le taux de cette ressource s'élève à 1.000 francs en Allemagne et que le montant de 740 francs fixé en France pour 1999 montre qu'une marge d'augmentation demeure.

Elle a noté que les ressources publiques de France 2 augmenteraient de 4,9  % et que celles de France 3 augmenteraient de 4,3  % en 1999, et a estimé que le rapporteur pour avis avait, les années passées, approuvé des budgets dont la structure était beaucoup moins favorable.

Elle a enfin insisté sur le fait que le budget de 1999 était un budget de transition permettant le financement d'un montant important de mesures nouvelles, et spécialement de nouveaux programmes, alors que la production de France 2 va diminuer en 1998 du fait des restrictions imposées par le budget de 1997. Elle a enfin estimé qu'il convenait d'apprécier les crédits de 1999 au regard de ces données et non du débat à venir sur le projet de loi.

M. Jean-Louis Carrère a demandé quelle serait la stratégie globale de la majorité du Sénat à l'égard du projet de budget de 1999.

M. Ivan Renar a aussi souhaité savoir si la majorité sénatoriale allait élaborer un budget alternatif.

Se déclarant un peu déçu par l'exposé du rapporteur pour avis, M. Michel Dreyfus-Schmidt a observé que la position qu'il avait prise n'allait pas dans le sens de la présentation d'un projet de budget alternatif, ce qui supposerait que l'on n'envisage pas que le Sénat accepte le projet tel quel, mais qu'on lui propose de le modifier.

Rappelant que la commission avait, dans le passé, préconisé la diminution des ressources publicitaires des chaînes publiques, il a souligné que si elle était d'accord sur ce point, mais pas sur les mesures proposées pour consolider les recettes du secteur public, il lui appartenait de faire d'autres propositions à cet égard. Il a également demandé au rapporteur pour avis s'il estimait qu'il fallait également limiter la durée de la publicité sur les chaînes privées, et s'il avait des propositions à faire pour augmenter le rendement de la redevance sans augmenter son taux.

Il a enfin noté que la diminution des recettes publicitaires des organismes publics pouvait avoir des effets positifs sur l'évolution des taux d'audience.

M. Philippe Richert a rappelé que Mme Catherine Trautmann avait indiqué devant la commission, lors de sa première intervention sur la communication audiovisuelle, qu'elle ne souhaitait pas augmenter les taux de la redevance, en réponse à une question sur les conséquences financières de la diminution préconisée par elle des recettes publicitaires de la télévision publique. Le projet de budget pour 1999 ne semble pas en cohérence avec cette affirmation. Il ne traduit pas non plus les principes de la réforme annoncée. De plus, la réflexion sur l'évolution des missions et du financement du secteur public devrait intégrer la situation du secteur privé, ce qui n'est pas le cas. Dans ces conditions, la proposition du rapporteur pour avis de s'en remettre à la sagesse du Sénat apparaît appropriée.

M. André Bohl a demandé si la réorganisation administrative du secteur public était envisagée et si elle permettrait de réaliser des économies. Il a rappelé que les téléspectateurs faisaient de plus en plus le choix de s'abonner à des services de télévision payants, et que cela devait susciter une réflexion sur l'évolution du secteur public. Il a enfin regretté l'absence de vision sur la vocation internationale des chaînes publiques.

M. Jack Ralite a estimé inopportun de faire intervenir la réforme envisagée du secteur public dans l'examen du projet de budget. Il a estimé que celui-ci était intéressant. En ce qui concerne l'évolution à long terme du système public, il a noté la nécessité d'une réflexion qui devra envisager la diminution des ressources publicitaires, qu'il approuve, l'augmentation éventuelle de la redevance, la fixation des concours budgétaires de l'Etat sur une base pluriannuelle, la diffusion nocturne éventuelle de programmes de formation à péage sur les antennes publiques.

Mme Danièle Pourtaud est ensuite revenue sur l'opportunité de ne pas confondre le prochain examen du projet de loi sur la communication audiovisuelle et le vote du budget. Elle a rappelé que le précédent gouvernement avait préjugé, en élaborant le budget de 1997, de l'adoption d'une loi fusionnant La Cinquième et la Sept Arte, ce qui l'avait conduit à amputer de 150 millions de francs les budgets de ces deux chaînes alors que la fusion n'a pas eu lieu. Il est donc souhaitable de ne pas anticiper dans la loi de finances le contenu de la future loi.

M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis , a alors présenté les observations suivantes :

- Mme Catherine Trautmann a elle-même établi un lien entre le projet de budget et le projet de loi sur la communication audiovisuelle. C'est dans les perspectives dessinées par celui-ci que s'incrit la limitation des recettes publicitaires en 1999. Or on ne sait pas comment le Gouvernement va compenser cette diminution. Il semble que le Gouvernement n'envisage pas d'augmentation sensible de la redevance pour l'avenir, et la suppression des crédits budgétaires des chaînes laisse penser que cette ressource ne sera guère mobilisable. Le projet de créer une société holding France Télévision est certes présenté comme un moyen d'opérer des économies, de même que le développement d'un pôle multimédia paraît porteur de recettes nouvelles, ces orientations sont cependant insuffisantes pour dessiner de façon satisfaisante l'avenir financier du secteur public. On observe en particulier que la présidence commune de la Cinquième et de la Sept Arte, préfiguration de leur fusion, n'a pas permis de réaliser des économies d'échelle ;

- le récent rapport du groupe de travail de la commission sur la communication audiovisuelle n'a pas présenté de proposition en ce qui concerne l'évolution des recettes publicitaires des chaînes publiques ;

- le projet de budget de la communication audiovisuelle doit être examiné par la commission tel que le Gouvernement l'a présenté. L'éventuelle élaboration d'un budget alternatif et la préparation d'amendements n'interviendront que dans un second temps ;

- la réorganisation administrative du secteur public est prévue. Un de ses critères d'appréciation sera l'adaptation du secteur public à la nouvelle donne du monde numérique.

En conclusion de ce débat, la commission, suivant les conclusions de son rapporteur , a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'approbation ou le rejet des crédits de la communication audiovisuelle en 1999 .

CONCLUSION




1 cf. sur les points : Etat des lieux de la communication audiovisuelle 1998, rapport du groupe de travail sur la communication audiovisuelle, n° 38, 1998-1999, p.p. 109 à 115.

2 Cf. à ce sujet : Etat des lieux de la communication audiovisuelle, op. cit. p.p. 113 à 115.

3 Correspondance de la presse, lundi 23 novembre 1998.

4 op. cit. p. 127.



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