N° 69

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Par Mme Paulette BRISEPIERRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 2 ) (1998-1999).

Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le choix d'un nouvel intitulé pour un avis consacré les années passées à la coopération cherche à tenir compte des conséquences de la réforme de notre politique de coopération et, en particulier, de la fusion des crédits de l'ancien secrétariat d'Etat à la coopération au sein du budget du ministère des Affaires étrangères. Il a ainsi pour double objectif, d'une part, de concentrer l'attention sur le coeur même de notre coopération -l'aide au développement- et, d'autre part, d'ouvrir une véritable réflexion sur les priorités géographiques de notre aide dans la mesure où la fusion des deux administrations de la Rue Monsieur et du Quai d'Orsay au sein d'un ensemble unique conduit à fixer des orientations à l'échelle du monde en développement dans son ensemble.

L'évolution des crédits répond-elle à la priorité affichée à l'aide au développement ? Telle est la question essentielle que pose l'analyse du projet de budget pour 1999. La crédibilité de la réforme engagée apparaît ici en jeu.

Pour apporter des éléments de réponse, votre rapporteur analysera d'abord le contexte général dans lequel s'est déroulée la réforme avant de décrire le nouveau dispositif retenu par le gouvernement et d'analyser ses conséquences pour notre coopération -dont l'évolution ne laisse pas de susciter les plus vives préoccupations.

A la lumière de ces observations, il présentera les dotations des principaux postes de l'aide au développement au sein du budget du ministère des Affaires étrangères.

*

* *

I. L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT EN QUESTION

A. UN CONTEXTE MARQUÉ PAR DE PROFONDES MUTATIONS

1. Les éléments du changement

a) Dans le domaine politique, la nécessité de prendre en compte les nouvelles aspirations de nos partenaires des pays en développement

Notre politique de coopération doit s'adapter aux évolutions économiques mais aussi politiques de nos partenaires du monde en développement. A cet égard la crise dans l'Afrique des grands lacs a cristallisé quelques faits majeurs reflétant des mutations plus profondes à l'oeuvre non seulement en Afrique mais dans d'autres régions du monde : un jeu diplomatique commandé par des intérêts régionaux et l'apparition d'une nouvelle élite politique.

. L'Afrique centrale, durable foyer de troubles

Renversements d'alliances, interventions étrangères dans l'ancien Zaïre, oscillations des diplomaties régionales ... Les récents événements en Afrique centrale ne se laissent pas aisément décrypter.

Depuis une décennie, sur une grande partie du continent, le jeu des alliances s'est organisé autour de deux axes principaux : d'une part, en Afrique orientale, le clivage entre le Soudan et les ennemis du fondamentalisme musulman, d'autre part, dans la région des grands lacs, le conflit entre Hutus et Tutsis. Même si ces deux lignes de partage obéissent à des ressorts distincts, elles ne sont pas demeurées étrangères l'une à l'autre grâce au rôle pivot joué par l'Ouganda. Le président Museveni a en effet appuyé la rébellion chrétienne dans le sud Soudan, mais il a également aidé les Tutsis dans la reconquête du Rwanda en 1994, après avoir obtenu leur soutien en 1987 au moment de sa prise de pouvoir à Kampala.

La solidarité entre Kampala et Kigali, animée en particulier par une résolution commune à lutter contre les foyers de résistance hutue représente désormais un élément déterminant des évolutions régionales. Elle explique l'appui donné à Laurent-Désiré Kabila contre le régime du maréchal Mobutu jugé trop favorable aux Hutus puis l'aide accordée aux rebelles congolais contre le nouveau président de la République démocratique du Congo (RDC) au moment où celui-ci a paru s'émanciper de ses anciens alliés et montrer une certaine tolérance vis-à-vis des menées de l'opposition hutue sur le territoire congolais.

La déstabilisation peut-elle gagner, au-delà de la région des grands lacs, un cercle plus large de pays en particulier en Afrique centrale francophone ? Tout dépendra beaucoup à cet égard de l'activité des réseaux d'opposition hutue sur le continent et surtout de l'éventuelle bienveillance observée par les pays d'accueil. Un appui trop affiché pourrait leur aliéner l'hostilité active du Rwanda et de son allié ougandais.

L'analyse des événements inspire une double observation.

. La primauté des intérêts régionaux

En premier lieu, le déroulement de la crise dans les grands lacs obéit avant tout à des intérêts régionaux ; en conséquence, les grandes puissances n'ont guère de prise ni sur les acteurs, ni sur l'issue du conflit.

Ainsi, la crise réunit et résume les traits caractéristiques du nouveau type de conflit de l'après-guerre froide. Devenus maîtres de leur destin pour le pire -la guerre- les Africains seront-ils à même d'oeuvrer, par leurs propres moyens, pour la paix ? Il faut ardemment l'espérer.

. L'émergence d'une nouvelle élite politique

Cette évolution laisse deviner en filigrane une seconde mutation, l'apparition d'une nouvelle élite politique. Ici aussi l'Afrique centrale apparaît comme un laboratoire car la situation de crise a précipité l'arrivée au pouvoir d'hommes qui, à défaut de paraître tout à fait neufs (Laurent Désiré Kabila s'était fait connaître dans les années soixante), avaient été tenus aux marges des cercles dirigeants. Nombre d'entre eux, du reste, ont connu le maquis et ont pris le pouvoir -souvent au terme de longues années de lutte armée- sans le concours d'aucune puissance occidentale.

Au delà de cette expérience commune, ces dirigeants présentent plusieurs points communs. En premier, lieu ils se défient de toute forme de paternalisme occidental même s'ils sont prêts à un dialogue sans concession avec les puissances étrangères. Ensuite, ils se sont démarqués, dans le domaine économique, de la phraséologie marxiste et souhaitent développer les investissements extérieurs. Par ailleurs, après la vague d'élections dont l'Afrique a été le théâtre à la suite de la chute du mur de Berlin et la mise en oeuvre de réformes institutionnelles, la pratique politique de ces nouveaux responsables marque un net retour au parti unique.

N'est-ce pas, en effet, à leurs yeux, le meilleur moyen de conjurer le spectre des divisions ethniques et de forger un nationalisme dans des pays dont les frontières héritent de l'arbitraire colonial ? Le nationalisme constitue en effet le point commun fondamental des nouveaux régimes et le moyen d'asseoir leur légitimité auprès des populations.

b) Une croissance économique maintenue en Afrique

Depuis 1995, l'Afrique subsaharienne connaît un taux de croissance annuel de l'ordre de 4 % (contre 2 % sur la période 1993-1994). En outre, le taux d'inflation a été ramené de 50 % à 20 % tandis que le déficit public a diminué de moitié (4,8 % du PIB).

Certes, ce mouvement n'a pas emporté d'un même élan tous les pays du continent. Certains, notamment en Afrique centrale, sont demeurés plongés dans la récession. Toutefois, la tendance générale ne fait guère de doute : elle tranche avec les deux décennies précédentes marquées par la crise économique et sociale mais aussi et surtout avec le cycle récessif dans lequel les autres zones en développement -et au premier chef, l'Asie- se trouvent enfermées.

La croissance s'explique par la conjugaison de trois facteurs principaux :

- un environnement international plus favorable au cours des dernières années (relèvement du prix des matières premières -café, coton, cacao-, croissance européenne et augmentation, en particulier, de la demande de produits manufacturés textiles bon marché) ;

- la mise en oeuvre de politiques économiques et financières plus rigoureuses ;

- l'application -souvent à la demande des bailleurs de fonds internationaux- de réformes de structures destinées notamment à améliorer la gestion des finances publiques.

. L'évolution particulièrement favorable des pays de la zone franc

L'évolution des pays de la zone franc après la dévaluation de 50 % du franc CFA en janvier 1994, souligne précisément l'effet fructueux de ces trois éléments combinés.

En effet, la modification des parités n'aurait sans doute présenté qu'une portée limitée sans une réduction parallèle de l'inflation. Le gain de compétitivité permis par la dévaluation s'est ainsi révélé durable (au contraire, au Ghana comme au Nigeria, le dérapage des prix intérieurs a effacé les effets bénéfiques de la dépréciation des devises nationales). En 1996, le taux de change effectif réel restait en retrait de 22 % par rapport à celui des années 1984-1985 -dernière période où le solde courant de la zone franc approchait l'équilibre.

L'évolution des prix a en effet tiré parti de trois facteurs distincts : la faible indexation des salaires compte tenu de la rigueur des politiques salariales publiques et de la pression à la baisse des revenus induite par le chômage et le secteur informel, le relèvement modéré des tarifs publics et la progression limitée des prix vivriers en raison des conditions climatiques favorables dans les pays sahéliens de la zone.

Par ailleurs, la mesure de dévaluation a également bénéficié d'un mouvement de hausse des prix mondiaux pour les principaux produits agricoles exportés par les pays de la zone franc (notamment café, cacao, coton, bois, huile de palme).

En effet, les prix réels payés aux producteurs ont dépassé au cours de la campagne 1995-1996 les niveaux atteints les années passées ; ainsi par rapport à la campagne 1992/1993, la progression pour le café va de 180 % (Côte-d'Ivoire) à 220 % (Cameroun) pour le cacao, de 10 % (Côte-d'Ivoire) à 45 % (Cameroun) et pour le coton de 10 % (Cameroun) à 30 % (Côte d'Ivoire).

Les recettes publiques se sont accrues en conséquence -en Côte d'Ivoire, les taxes à l'exportation représentent actuellement 6 % du PIB. Toutefois, les produits miniers (principalement le pétrole) continuent de représenter 40 % des exportations des pays de la zone et l'évolution des prix s'est, dans ce domaine, avérée beaucoup moins favorable.

Grâce à l'augmentation des recettes mais surtout à une maîtrise rigoureuse des dépenses , les politiques budgétaires ont permis un redressement sensible du solde primaire (dépenses hors intérêts de la dette) entre 1993 et 1996 -plus marqué dans les pays de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) de - 2,6 % du PIB à 6 %- que pour les pays de l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'Ouest (UEMOA) -de - 2,9% à 1,7%-.

La structure des dépenses s'est améliorée : la part des salaires a régressé (de 60 % en 1993 à 32 % en 1996) au profit des investissements sans permettre toutefois de rattraper les retards pris au cours des années 80 en matière d' infrastructures .

Cette évolution se trouve renforcée par la "recomposition vertueuse" des importations où la part des biens d'équipement a progressé (48 % des importations en provenance de la France en 1996 contre 37 % en 1997), alors même que les achats de biens de consommation déclinaient.

Enfin, la dévaluation a permis de rééquilibrer les revenus entre les zones rurales et les zones urbaines grâce au relèvement des prix aux producteurs agricoles (cultures d'exportation et vivrières) au moment même où les salaires dans les secteurs privé et public tendaient, dans le meilleur des cas, à stagner et, plus souvent, à se réduire.

La mise en place d'une politique économique adaptée a permis ainsi de tirer le meilleur parti de la dévaluation et de poser les bases d'une croissance équilibrée.

Cette orientation devrait se confirmer en 1998.

. Incertitudes sur la croissance en Afrique en 1999

Dans ses prévisions sur les perspectives de l'économie mondiale, le FMI table sur une croissance de 4,7 % en Afrique en 1999 après 3,2 % en 1997 et 3,7 % en 1998. Pour la première fois, le continent connaîtra une progression du PIB supérieure à la croissance moyenne enregistrée en Afrique au cours des vingt dernières années. Pour la première fois, surtout, il se trouve dans une situation plus favorable que l'Asie (6,6 % en 1997, 1,8 % en 1998, 3,9 % en 1999) et que l'Amérique latine (5,1 %, 2,8 %, 2,7 %). La faible intégration de l'Afrique dans l'économie mondiale et surtout dans les marchés financiers est devenue un atout dans un contexte de crise internationale ; il est d'ailleurs significatif que l'Afrique du Sud, l'économie la plus puissante du continent, ait été ainsi la seule à avoir pâti de la crise monétaire et de la contraction des crédits aux pays émergents (les tensions sur les taux de change en mai et juin derniers ont sérieusement affecté les réserves de ce pays en devises et conduit à une hausse des taux d'intérêt).

Par ailleurs, les cours des matières premières ont connu une évolution contrastée. Les prix du pétrole ont ainsi perdu plus de 20 % de leur valeur sur le premier semestre 1998 et ont atteint le niveau le plus bas depuis 10 ans. Ainsi, au Nigeria, premier producteur de pétrole du continent, la croissance (6,4 % en 1996) ne devrait pas dépasser 2 % en 1998.

Quant au cours des matières premières non énergétiques, il devrait également subir le contrecoup du ralentissement de la demande asiatique. Ainsi, la demande de bois tropicaux pourrait subir une contraction de 30 à 40 % cette année. L'Asie achètera, en particulier, moins d'okoumé, une essence utilisée dans la fabrication du contre-plaqué.

Cependant, les tendances demeurent favorables pour le cacao (+ 8 % en 1998, la production de la Côte d'Ivoire conservant une place importante sur le marché avec 1,1 million de tonnes prévu en 1998-1999) et pour le coton (après les mauvaises récoltes liées à des phénomènes climatiques et à des catastrophes naturelles dans les principaux pays producteurs -USA, Chine, Inde).

La croissance pourrait se prolonger en Afrique, en particulier si l'investissement et la consommation privés prenaient le relais des exportations comme moteur du développement économique .

Le taux d'investissement pourrait ainsi atteindre 21,5 % dans la zone franc en 1998 (15 % en 1993 et 18 % en 1995). L'inflation restera sans doute maîtrisée (2,7 %), condition indispensable pour préserver les gains de compétitivité.

La conjoncture économique et la désaffection à l'égard des marchés asiatiques expliquent l'embellie des bourses africaines dont les performances au cours des sept premiers mois de l'année 1998 dépassent de 18 % celles des autres pays émergents. La pondération des bourses africaines au sein des portefeuilles investis dans les pays émergents est d'ailleurs passée de 6 à 9 %. Toutefois l'Afrique du Sud, en raison de sa forte liquidité, attire près des ¾ des placements de la zone. L'inauguration de la bourse régionale des valeurs mobilières, ouverte aux huit pays de l'UEMOA, à Abidjan le 16 septembre 1998 représente une chance de diversification. Les cotations ont porté sur 12 sociétés ivoiriennes pour un total de 34 entreprises inscrites sur le marché des actions de cette institution. La société sénégalaise de télécommunications Sonatel, récemment privatisée, est également cotée à la corbeille d'Abidjan depuis octobre dernier.

c) Les manifestations de la transition démographique

Parmi ces facteurs de mutation, il est des phénomènes de grande ampleur et qu'une attention trop concentrée sur l'actualité immédiate ne permet pas toujours de distinguer. La baisse progressive de la fécondité en Afrique subsaharienne noire s'inscrit ainsi dans un mouvement de longue durée dont les effets seront évidemment décisifs pour l'avenir du continent.

Comme le souligne une récente étude de l'Institut national d'études démographiques (INED) l'indice synthétique de fécondité a baissé de manière significative dans plusieurs pays : le nombre d'enfants par femme est ainsi passé entre le début de la présente décennie de 7,9 % à 5,4 % au Kenya, de 7,4 à 5,7 % en Côte d'Ivoire, de 6,3 à 5,8 % au Cameroun. Le mouvement s'est avéré plus précoce et plus accusé en milieu urbain : la scolarisation et le développement de l'économie monétaire plus poussés dans les villes favorisent en effet l'adoption de nouveaux comportements comme le retard du mariage et l'adoption de pratiques contraceptives.

Toutefois, compte tenu de l'inertie propre aux phénomènes démographiques, la population d'Afrique subsaharienne (570 millions en 1995 sur 6 milliards d'habitants dans le monde) est appelée à croître encore rapidement pendant plusieurs décennies -en effet, elle pourrait atteindre, selon les prévisions des Nations unies, 1,8 milliard de personnes en 2 050 sur une population mondiale de 9 milliards. La fécondité moyenne en Afrique reste encore supérieure aux taux de l'Asie et de l'Amérique latine : 5,3 enfants par femme contre 2,6.

La situation démographique se caractérise d'ores et déjà par le poids des jeunes âgés de 15 à 25 ans ; 1,05 milliards de personnes pour l'ensemble des pays en développement. Aussi l'éducation et l'emploi apparaissent-ils comme les deux défis essentiels des années à venir.

Entre 1997 et 2010, le taux de croissance annuel de la population active devrait s'élever à 2,94 %. En conséquence, l'Afrique devrait créer, d'ici à 2010, près de 9 millions d'emplois par an pour répondre à cette évolution. Le taux de chômage officiel a doublé en quinze ans dans les zones urbaines et pourrait atteindre 30 % de la population active à la fin de la décennie.

2. Le maintien de grandes fragilités

a) Le creusement des inégalités

Le creusement des inégalités constitue l'une des manifestations les plus préoccupantes de cette fragilité. Sans doute, comme le souligne le rapport du Programme des Nations unies pour le développement publié en septembre 1998, les pays en développement ont progressé davantage sur le plan du développement humain, au cours des trente dernières années, que le monde industrialisé pendant le dernier siècle. Cependant, quelque 80 pays -la plupart situés en Afrique- disposent d'un revenu par habitant inférieur de l'ordre de 25 % au niveau atteint au début des années 80 1( * ) .

Les inégalités de revenus apparaissent considérables.

Ainsi, 20 % de la population consomment 86 % du total des biens et services. Plus d'un milliard de personnes ne peuvent satisfaire, avec un revenu inférieur à 2 dollars par jour, leurs besoins les plus élémentaires.

Ces disparités ne peuvent que renforcer l'inégalité des conditions d'accès aux infrastructures de base. Un quart d'habitants des pays en développement est privé d'un logement correct, un tiers n'a pas accès à l'eau potable. Par ailleurs, un cinquième des enfants n'atteint pas la cinquième année de scolarité.

b) L'extension alarmante de la pandémie du sida

L'accès aux soins apparaît particulièrement inégal -situation très préoccupante au moment où l'espérance de vie régresse dans de nombreux pays à mesure que s'étend la pandémie du sida . Sur les 16 000 nouveaux cas d'infection quotidiens, 90 % surviennent dans les pays en développement. Du reste, les deux tiers de toutes les personnes affectées par le virus vivent en Afrique subsaharienne 2( * ) .

Quelque 4 000 contaminations se produisent en moyenne chaque jour dans cette partie du monde où les taux élevés de fertilité auraient conduit à la contamination de cinq cent mille enfants nés de mères séropositives. En Afrique de l'Ouest, les taux de contamination se sont stabilisés à des niveaux plus bas qu'en Afrique australe ou orientale, malgré la situation extrêmement préoccupante de la Côte d'Ivoire et du Nigeria (dans ce dernier pays, 2,2 millions de personnes seraient séropositives). Une stratégie volontariste toutefois, il importe de le souligner, ne reste pas sans effet. Ainsi, en Ouganda, le taux de contamination a baissé de 5 % par rapport à 1996.

B. LES NOUVEAUX ENJEUX DE L'AIDE PUBLIQUE

1. Au delà de la réduction de l'aide, un doute sur l'efficacité de la politique de développement

a) La baisse des flux financiers

Pour la troisième année consécutive l'aide publique au développement a baissé en 1997 -évolution particulièrement préoccupante au moment même où les apports de capitaux privés connaissent, après plusieurs années fastes, en net recul.

. La réduction des flux de capitaux privés

Après un record de 286 milliards de dollars en 1996, les apports nets de capitaux privés n'ont pas dépassé 206 milliards de dollars en 1997. La crise financière en Asie a en effet entraîné un vaste mouvement de désengagement des banques dans cette région -que n'a pas compensé une augmentation des prêts au profit de l'Amérique latine. En 1997 les investissements directs étrangers vers les pays en développement devraient être davantage encore affectés par l'extension de la crise.

Le groupe des pays à faible revenu a reçu, en 1997, un total de 22 milliards de dollars principalement concentrés en Chine et en Inde. Les pays d'Afrique subsaharienne -y compris l'Afrique du Sud- n'ont reçu que 2 milliards de dollars en investissements directs étrangers et un montant équivalent en apports bancaires. Les difficultés des pays les plus pauvres à attirer les flux de capitaux privés confèrent une place primordiale à l'aide au développement. Or celle-ci continue de baisser.

. L'aide au développement

L'Afrique subsaharienne apparaît comme la principale bénéficiaire de l'aide au développement avec, en moyenne, 27 dollars par habitant en aide et seulement 3 dollars par habitant en investissements directs étrangers. Pour l'Amérique latine ces proportions s'établissent respectivement à 13 dollars et 62 dollars.

Ainsi mise en perspective, la baisse de l'aide publique pèse surtout sur l'économie des pays africains.

Or d'après une étude de l'OCDE, l'aide publique au développement a chuté de 14,2 % en 1997 passant de 55,4 milliards de dollars à 47,6 milliards de dollars -soit un niveau inférieur au montant atteint en 1990 (63 milliards de dollars). L'aide, rapportée au PIB, a ainsi été ramenée de 0,33 % en 1992 à 0,22 % en 1997, le plus bas niveau jamais atteint.

Sans doute les variations monétaires (la baisse des taux de change des autres monnaies nationales vis-à-vis du dollar expliquent la moitié de la réduction de l'APD) et les modifications de la liste des pays bénéficiaires de l'aide permettent-elles de nuancer le fort infléchissement constaté l'an passé.

Il n'en reste pas moins que la diminution des contributions des principaux bailleurs de fonds au cours des dernières années constitue un fait indéniable.

Ainsi l'aide publique au développement française hors territoire d'outre-mer est passée de 8,931 milliards de francs en 1997 à 8,685 milliards de francs en 1998. Elle ne représente donc plus que 0,36 % du PIB contre 0,40 %.

Les contributions bilatérales représentent plus des trois quarts de l'aide française. Elles se répartissent entre la coopération technique et culturelle (45 %), le soutien financier (32 %), l'aide à l'investissement (16 %). La part consacrée à l'aide multilatérale (40 % de l'aide totale en 1998) connaît une certaine stabilité depuis une décennie et se concentre essentiellement sur les versements au bénéfice de la coopération européenne (60 % de la totalité des concours multilatéraux).

L'année 1999 devrait, malgré une diminution de l'aide bilatérale, marquer une légère progression de l'aide publique grâce à l'augmentation de la contribution française au Fonds européen de développement (FED). Compte tenu des perspectives de croissance, l'aide continuera toutefois de représenter 0,36 % du PIB.

Même si elle stagne à un niveau assez éloigné des objectifs affichés par le gouvernement, l'aide française se classe au premier rang des contributions de nos partenaires du groupe des sept pays les plus industrialisés pour l'aide rapportée au PIB, et au second rang -derrière le Japon- pour le montant de l'aide en valeur absolue.

L'effort des Etats-Unis s'est ainsi réduit de 35,5 % -de 9,3 milliards de dollars à 6,1 milliards de dollars (réduction en partie explicable par la non prise en compte de l'aide de 2,2 milliards destinés à Israël dans la catégorie de l'APD). Il ne représentait plus que 0,08 % du PIB américain en 1997.

Même si sa contribution a diminué de 0,9 %, le Japon reste le premier pays donateur - 9,3 milliards de dollars contre 9,4 milliards de dollars en 1996. Seuls quatre pays -le Danemark, la Norvège, la Suède et les Pays-Bas- ont maintenu leur aide publique au dessus de l'objectif fixé par l'ONU d'une aide financière de 0,7 % du PNB.

b) Les nouvelles approches : les exemples américain et européen

La remise en cause de l'aide au développement va toutefois bien au delà d'une réduction des contributions des principaux bailleurs de fonds. Elle touche aux modalités et aux fondements mêmes de l'aide.

Au risque de passer par pertes et profits les responsabilités et les prérogatives des Etats, les échanges commerciaux ne constituent-ils pas le meilleur instrument du développement ? Certes la question n'a jamais été absente du débat sur l'aide au développement. L'ancienne apostrophe "trade not aid" comme les polémiques liées à l'aide "liée" ou "déliée" en témoignent. Elle apparaît toutefois au coeur des nouvelles approches de deux acteurs importants de la vie internationale, les Etats-Unis et l'Union européenne. A cet égard, elle mérite une attention toute particulière.

. Les Etats-Unis et l'Afrique

L'Afrique a incontestablement suscité un regain d'intérêt de la part des Etats-Unis comme l'a souligné la tournée du président Clinton en mars 1998, la première depuis 20 ans organisée sur le continent par un chef d'Etat américain.

Toutefois, cette évolution présente une double caractéristique :

- d'une part, l'attention de Washington apparaît concentrée sur quelques régions (l'endiguement du Soudan et de la Libye au nord-est, ainsi que sur l'Afrique du Golfe de Guinée et l'Afrique australe, deux zones où les richesses minières constituent autant d'enjeux commerciaux) ;

- d'autre part, ce mouvement d'intérêt ne se traduit pas par le renforcement d'une aide publique qui, au contraire, décroît chaque année (- 25 % sur la période 1996-1997) 3( * ) , mais par la multiplication d'initiatives fondées sur l'encouragement des échanges.

Ainsi, le projet de loi sur la croissance en Afrique ("Partnership for Economic grouth and opportunity in Africa") dont l'entrée en vigueur reste encore subordonnée à l'approbation du Sénat, réunit sous un cadre commun plusieurs projets antérieurs : suppression des barrières douanières pour 1 800 produits en provenance de l'Afrique subsaharienne (mesure contre laquelle certains secteurs manufacturiers américains ont d'ailleurs manifesté une grande hostilité) ; incitations à l'investissement privé, soutien à l'intégration régionale et aux réformes structurelles ; réduction de la dette.

Lors de son déplacement en Afrique, le président Clinton a du reste annoncé la création de deux fonds d'investissement, le premier (500 millions de dollars) destiné à financer la construction d'infrastructures, le second (150 millions de dollars) permettrait d'appuyer la création d'entreprises.

Les conditions de financement de ces initiatives apparaissent toutefois bien incertaines. Du reste le décalage entre les effets d'annonce et un engagement plutôt parcimonieux n'a pas échappé au président Mandela qui n'a pas hésité, en présence du chef d'Etat américain, à critiquer la politique d'aide au développement des Etats-Unis.

En réalité, les orientations récentes adoptées par les Etats-Unis sur le continent traduisent avant tout la volonté de trouver de nouveaux débouchés à une économie américaine confrontée à un important déficit de la balance commerciale. Dans cette perspective, la confirmation de la croissance dans plusieurs pays africains confère au continent un intérêt certain. Les investissements se concentrent sur les secteurs pétroliers et miniers, pour lesquels la concurrence avec les entreprises françaises s'est d'ailleurs aiguisée. Ainsi pour le pétrole, la société Elf-Aquitaine s'est vu contester un marché par Amoco (Cameroun), Amerada Hers (Gabon), Oxy (Congo), Chevron (Angola). En République démocratique du Congo, les entreprises américaines ont rivalisé avec les Sud-Africains pour obtenir des contrats miniers à la faveur de l'accès au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila. Au second plan des intérêts stratégiques américains, l'Afrique de l'Ouest retient toutefois l'attention dans certains domaines : la Guinée (or, diamants), le Sénégal (or, bauxite) et la Côte d'Ivoire (nickel). Le transport aérien et surtout les télécommunications ouvrent par ailleurs de nouveaux et prometteurs champs d'investissement pour l'industrie américaine.

Entre l'orientation libérale et le maintien du statu quo, existe-t-il une voie médiane pour réformer l'aide au développement ? Tel apparaît l'enjeu des négociations sur le nouveau partenariat entre les Etats membres de l'Union européenne et les pays de la zone Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) destinés à se substituer à la convention de Lomé qui arrive à échéance en l'an 2000.

. Un nouveau partenariat entre l'Union européenne et les Etats ACP

Il n'est pas inutile de rappeler ici les trois traits principaux de la convention de Lomé signée en 1975 (à la suite des conventions de Yaoundé -1963 et 1969) : le rôle dévolu à la concertation dans le cadre d'instances paritaires, la définition d'une coopération prévisible et durable à travers une programmation pluriannuelle de l'aide , une aide fondée sur un régime commercial très avantageux (liberté d'accès au marché européen sans obligation de réciprocité pour la quasi totalité des exportations), ainsi que sur des mécanismes de stabilisation de recettes à l'exportation et une contribution financière (13,3 milliards d'écus pour la période 1995-2000 principalement accordés sous la forme de dons ) .

Comme votre rapporteur a déjà eu l'occasion de le rappeler, les concours communautaires (au total 10 % environ de l'aide publique au développement) ont revêtu une importance essentielle à double titre : d'une part ils ont permis à de nombreux projets de se concrétiser en Afrique et ailleurs ;d'autre part, ils ont contribué à maintenir des liens privilégiés tissés par l'histoire et à préserver ainsi l'influence de la diplomatie européenne.

Force toutefois est de constater le bilan plutôt décevant de l'aide européenne. La part de l'Afrique subsaharienne dans le commerce mondial ne dépasse pas 2 %. En outre, les pays ACP ne sont pas vraiment parvenus à diversifier leurs exportations concentrées encore à hauteur de 80 % sur les produits primaires.

Par ailleurs, si l'Europe représente 40 % des recettes d'exportations de la zone ACP, les parts de marché des pays ACP n'ont cessé de se dégrader au cours des dernières décennies (de 6,7 % en 1986 à 2,8 % en 1994). Au moment même, par un singulier paradoxe, les exportations des Etats au développement extérieurs à la zone ACP progressaient davantage que les ventes des Etats ACP (+ 13 % contre + 5,7 % sur la période 1986-1992).

Comment expliquer la modestie des résultats d'une aide pourtant conséquente ?

En premier lieu, le ressort décisif de la croissance reste la stabilité de l'environnement politique et social et la rigueur de la gestion. En la matière, l'aide publique ne constitue pas un substitut aux responsabilités des dirigeants.

Ensuite, l'impact des préférences commerciales accordé par la Communauté s'est érodé en raison de la libéralisation des échanges organisée dans le cadre du GATT d'abord et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 1995.

Cependant les faiblesses inhérentes au dispositif européen ne peuvent être ignorées : complexité des procédures d'aide mises en oeuvre, absence d'une vision d'ensemble des problèmes de développement... En outre, comme l'a souligné une mission de réflexion conduite à l'initiative du ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie sur l'avenir de la convention de Lomé, la coopération n'a pas exercé d'effet stimulant sur les comportements d'investissement productif et de commercialisation. L'orientation même d'une aide attribuée de façon trop uniforme justifie ainsi une révision.

Le mandat confié à la Commission dans le cadre des négociations ouvertes le 30 septembre 1999 retient quatre grandes priorités :

- le renforcement du dialogue politique

- la stimulation de la croissance (à travers trois axes d'appui -soutien aux facteurs de croissance, au développement du secteur privé, de la compétitivité et de l'emploi, à la promotion de la coopération régionale)

- la simplification de l'aide (création de deux enveloppes, l'une consacrée aux aides non remboursables gérée par la Commission, l'autre placée sous le contrôle de la Banque européenne d'investissement ; mise en place d'une programmation glissante destinée à donner aux pays qui auront respecté leurs engagements, un appui supplémentaire)

- une modification radicale du régime commercial (période de transition de cinq ans -2000/2005- pendant laquelle les préférences non réciproques actuelles seront maintenues, accords de libéralisation progressive des échanges conclus entre l'Union européenne et des sous-ensembles ACP.

Ces éléments constituent seulement une base pour les discussions à venir. D'ores et déjà, ils fixent des références auxquelles votre rapporteur attache la plus grande importance :

- le maintien de la spécificité de nos liens avec la zone ACP alors même que certains de nos partenaires européens défendaient le principe d'une extension de la couverture géographique de la convention à l'ensemble des pays les moins avancés (PMA)

- la sauvegarde de la variété des interventions de la communauté dans les pays ACP et notamment la compensation des pertes à l'exportation des produits de base (reconduite selon des modalités nouvelles mais tenant compte de la dépendance de certains pays ACP à l'égard des aléas affectant les secteurs agricoles et miniers)

- la mise en oeuvre d'une transition progressive vers un régime commercial compatible avec les règles de l'OMC au moment même où plusieurs pays européens prônaient une mise en conformité beaucoup plus rapide ; le statu quo observé pendant une période de cinq ans -pour lequel d'ailleurs une dérogation devra de nouveau être obtenue auprès de l'OMC- permettra de prendre en compte la fragilité des économies de la zone ACP ; par ailleurs la mise en oeuvre des accords de libre échange s'étendra à compter de 2005 sur une période allant de 10 à 15 ans .

La France a par ailleurs obtenu, dans le cadre du mandat confié à la Commission, le maintien des protocoles sur le sucre, la banane et la viande bovine dans la perspective d'un examen ultérieur à la lumière de la mise en place de zones de libre échange UE-ACP.

Enfin la priorité accordée par notre pays à l'intégration régionale a été justement reconnue.

Votre rapporteur appellera l'attention sur deux points qui lui paraissent fondamentaux :

- l'effort demandé aux pays de la zone ACP dans le cadre de la mise en oeuvre du libre échange requerra en contrepartie un soutien financier sans faille des Quinze à un moment où les ressources communautaires seront déjà extrêmement sollicitées par l'élargissement de l'Union

- si le libre échange doit constituer un objectif, l'ampleur des ajustements nécessaires suppose une grande souplesse dans la mise en oeuvre (calendrier et produits concernés).

En outre la logique libérale ne peut prévaloir pour tous les pays, en particulier -l'on songe par exemple à la zone sahélienne- pour ceux dont les économies trop fragiles ne résisteraient pas à l'ouverture des frontières. Aussi, pour votre rapporteur, il est nécessaire de prévoir pour les pays les moins avancés (PMA), le maintien de manière durable du régime de préférences asymétriques selon le modèle fixé par la convention de Lomé.

Le lien commerce-développement n'a de pertinence que s'il s'inscrit dans le cadre d'une solidarité préservée . Les orientations tracées par l'Union européenne ouvrent la voie.

Quels peuvent être à l'échelle de la communauté internationale les moyens nécessaires pour réaffirmer cette solidarité sur des principes rénovés ?

2. La nécessité d'un équilibre

a) Une double priorité : la dette et le commerce

. La promotion du commerce des pays les moins avancés

En octobre 1997, l'OMC a adopté un programme destiné à aider les pays les moins avancés à accroître leurs capacités commerciales . Dans ce cadre, cinq axes principaux ont été retenus : l'accroissement des capacités d'exportation à travers l'augmentation de l'investissement dans les secteurs productifs, le développement des services de soutien au commerce (utilisation des technologies de l'information), la mise en place d'un cadre favorable aux échanges (modernisation des services douaniers), la formation humaine, la création d'un régime juridique propice au commerce et à l'investissement.

En 1998, l'OMC, la CNUCED et le centre du commerce international ont lancé un Fonds d'affectation spécial commun pour appuyer la mise en oeuvre d'un programme intégré d'assistance technique. Ce programme doté de 10 millions de dollars a pour vocation d'aider les pays africains à participer plus activement au commerce mondial et à améliorer la compétitivité de leurs exportations.

Par ailleurs, à Birmingham, en mai dernier, les pays membres du G8 (le groupe des sept pays les plus industrialisés auquel s'est jointe la Russie) a souhaité étudier la suppression du système de l'aide liée. A cette fin, mission est donnée au comité d'aide au développement de l'OCDE d'élaborer "une recommandation sur le déliement de l'aide aux pays les moins avancés" pour 1999.

Sans doute faut-il se réjouir, dans ce domaine, d'une approche multilatérale : un déliement de l'aide conduit de manière unilatérale ne pourrait qu'affecter négativement les exportations des pays qui en prendraient l'initiative.

Cependant, il ne faut pas l'oublier, la légitimité de l'aide repose aussi aux yeux de l'opinion publique, sur l' "effet retour" pour les entreprises et l'emploi des pays contributeurs .

. Le poids de la dette

Malgré les efforts consentis par la communauté internationale, la charge de la dette continue de peser lourdement sur le développement des pays du Sud. La dette extérieure de l'Afrique s'élève ainsi à 315 milliards de dollars à la fin de l'année 1997.

Dans le cadre de l'initiative sur la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés, les pays créanciers du Club de Paris se sont mis d'accord sur les "termes de Lyon" (les décisions arrêtées lors du sommet du G7 à Lyon en 1997) qui portent le taux d'annulation de la dette jusqu'à 80 % pour les pays qui ont mis en oeuvre de façon continue et satisfaisante une politique d'ajustement et qui ont besoin, par ailleurs, d'un traitement exceptionnel de leur dette afin de ramener celle-ci à un niveau supportable.

Ce nouveau traitement appliqué en 1998 au Mozambique, à l'Ouganda et à la Côte d'Ivoire présente une double caractéristique :

- pour la dette subventionnée, un rééchelonnement sur 40 ans dont 16 ans de grâce ;

- pour la dette accordée aux conditions du marché, réduction de 80 % avec remboursement sur 23 ans dont 6 ans de grâce dans l'hypothèse où l'Etat concerné opte pour une réduction du capital de la dette, et rééchelonnement sur 40 ans dont 8 ans de grâce si l'Etat opte pour une réduction du service de la dette.

b) Une réorganisation du système international ?

Au-delà des réformes centrées sur deux axes -endettement, commerce- l'extension de la crise financière a également souligné la nécessité d'une organisation plus efficace des relations économiques internationales. Sans doute l'heure n'est-elle pas encore aux réalisations concrètes mais à la réflexion et au débat. A titre d'exemple, la CNUCED, soucieuse de protéger les pays émergents contre les risques de la spéculation, a suggéré la mise en place à l'échelle des mouvements de capitaux d'un système de sauvegarde comparable au dispositif admis par l'OMC en matière d'échanges commerciaux. Les pays débiteurs dont la monnaie est attaquée pourraient ainsi décider d'appliquer unilatéralement un moratoire sur la dette lorsque leurs réserves ou leurs monnaies tombent en-deçà d'un seuil jugé alarmant. La décision serait ensuite soumise à un comité indépendant pour approbation.

D'après la CNUCED, une telle méthode permettrait de limiter les concours demandés au FMI. Ce n'est là qu'une piste possible parmi bien d'autres. La nécessité d'ouvrir un vaste chantier de réflexion ne fait en tout cas guère de doute.

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