Projet de loi de finances

BOYER (Louis)

AVIS 70 (98-99), Tome V - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Table des matières




N° 70

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME V

BUDGET ANNEXE DES PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES

Par M. Louis BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 42 ) (1998-1999).

Lois de finances.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 3 novembre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'audition de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche , sur les crédits de son département ministériel .

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a indiqué que le BAPSA pour 1999 s'élèverait à 89,2 milliards de francs, en progression de 1,11 % par rapport à celui de 1998.

S'agissant des dépenses, il a rappelé que les prestations vieillesse -avec un montant de 50,3 milliards de francs- en constituaient le principal poste de dépenses. Il a précisé que ce montant incluait la prise en compte de l'amendement proposé par le Gouvernement, majorant de 400 millions de francs les dépenses et les recettes par rapport au projet initial. Il a observé que les retraites progresseraient, en 1999, de 3,8 % par rapport à 1998 et ce, malgré la légère diminution prévisible du nombre de retraités. Il a expliqué que cette augmentation s'expliquait par l'application des mesures votées en loi de finances 1997 et 1998 (440 millions de francs), par l'intégration des dispositions figurant à l'article 22 du projet de loi d'orientation agricole visant à attribuer des points de retraite proportionnelle aux aides familiaux, conjoints et chefs d'exploitation à carrière mixte partis en retraite après le 31 décembre 1997 (131 millions de francs), et par la mesure de revalorisation des petites retraites décidée par le Gouvernement. Il a précisé que cette mesure -d'un coût de 1,2 milliard de francs en 1999 et 1,6 milliard de francs en année pleine- visait à porter le montant minimum de la pension de retraite à 3.300 francs par mois pour les chefs d'exploitation, 2.800 francs par mois pour les veufs et veuves, 2.200 francs par mois pour les conjoints et 2.500 francs par mois pour les aides familiaux. Il a observé que, compte tenu de l'amélioration des retraites agricoles, les dépenses du fonds de solidarité vieillesse (FSV) diminueraient de 16,1 % par rapport à 1998.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a précisé que les dépenses d'assurance maladie, maternité et invalidité étaient évaluées pour 1999 à 33,8 milliards de francs, soit une faible progression par rapport à 1998, et que les dépenses de prestations familiales, en raison de la baisse du nombre de bénéficiaires, diminueraient sensiblement (3,9 milliards de francs). Il a indiqué que des crédits de 100 millions de francs étaient prévus pour financer les étalements et les prises en charge partielles de cotisations pour les exploitants en difficulté et que les crédits correspondant aux moyens de fonctionnement du BAPSA étaient transférés sur le budget du ministère.

Abordant le volet recettes, il a rappelé que les cotisations des agriculteurs étaient, depuis 1996, calculées intégralement sur leurs revenus professionnels. Il a observé que le transfert d'une partie des cotisations maladie sur la contribution sociale généralisée (CSG) avait bénéficié au tiers des exploitants ayant les plus faibles revenus (gain de pouvoir d'achat de 5 % en moyenne) alors que, pour les autres exploitants, l'effet de substitution avait été neutre sur leur pouvoir d'achat. Il a indiqué que le montant des cotisations professionnelles, qui comprend le reversement de CSG compensant la perte de cotisations, était évalué pour 1999 à 16,95 milliards de francs, soit une progression de 4,17 % par rapport au montant prévu en loi de finances pour 1998.

Il a observé que les financements provenant de la solidarité interprofessionnelle et de la solidarité nationale représentaient 81 % des recettes du BAPSA, soit 72,2 milliards de francs. Il a précisé que les transferts de compensation démographique devraient atteindre un montant de 34 milliards de francs, que les recettes de taxes connaîtraient une progression très sensible du fait de la croissance économique, que les remboursements des fonds de solidarité vieillesse et invalidité continueraient à baisser à un rythme soutenu pour atteindre 2,5 milliards de francs. Il a rappelé que l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, venait d'approuver un prélèvement au profit du BAPSA de 1 milliard de francs sur le produit de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S). Il a précisé qu'un amendement de coordination viendrait majorer de 400 millions de francs le montant des recettes, puisque le montant initialement prévu de C3S affecté au BAPSA était de 600 millions de francs. Il a indiqué que, du fait des évolutions des autres sources de financement, la subvention d'équilibre du budget de l'Etat s'élèverait désormais à 4,9 milliards de francs, soit une diminution de 37,2 % par rapport à celle inscrite dans la loi de finances pour 1998.

M. Jean Delaneau, président, a souhaité connaître l'opinion de M. Jean Glavany sur l'intégration éventuelle du BAPSA dans la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a observé que le régime des exploitants agricoles était déjà concerné par la loi de financement. Il a précisé que s'il n'était pas a priori opposé à l'intégration du BAPSA, celle-ci demandait certainement réflexion.

M. Louis Boyer, rapporteur, s'est interrogé sur l'exclusion du régime agricole du champ des régimes bénéficiaires du fonds de réserve prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, sur la suppression à compter de 2000 de la C3S comme source de financement éventuelle du BAPSA, sur la mise en place d'un éventuel régime complémentaire de retraite obligatoire et sur les amendements présentés par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi d'orientation agricole, tendant à accroître le contrôle de l'Etat sur le régime agricole.

M. Jean Glavany a rappelé que le régime des exploitants agricoles était régi par des règles tout à fait différentes de celles du régime général et des régimes alignés. Il a observé, en outre, que le rapport démographique (cotisants/retraités) du régime agricole ne devrait guère se dégrader au cours des vingt prochaines années, contrairement au régime général et aux régimes alignés qui auront à prendre en charge l'arrivée à la retraite des générations du " baby-boom ". Il a considéré que l'institution d'un fonds de réserve n'était pas une mesure adaptée pour le régime des exploitants agricoles, à la différence des autres régimes.

Abordant la question du financement du plan pluriannuel de revalorisation des petites retraites agricoles, il a rappelé que le Gouvernement avait accepté, en première lecture, à l'Assemblée nationale, un amendement au projet de loi d'orientation agricole prévoyant le dépôt, avant le 31 mars 1999, d'un rapport exposant les modalités de poursuite du plan de revalorisation. Il a observé que la suppression de l'affectation de la C3S au BAPSA pourrait être compensée par un abondement de la subvention d'équilibre de l'Etat.

Concernant un éventuel régime complémentaire de retraite pour les exploitants agricoles, il a reconnu que le principe en était désormais largement admis. Il a indiqué que la convention d'objectifs et de gestion liant l'Etat à la caisse centrale de mutualité sociale agricole, signée dans quelques jours, devrait prévoir le principe d'une expertise de faisabilité, notamment financière. Il a observé que le financement devrait prioritairement reposer, comme dans tout régime complémentaire de retraites, sur l'effort contributif des futurs bénéficiaires, mais que l'Etat pourrait néanmoins aider à la constitution du régime et à son financement, notamment s'il était décidé d'en faire bénéficier les personnes déjà retraitées.

Evoquant les amendements adoptés au projet de loi d'orientation agricole visant à renforcer la tutelle de l'Etat sur les caisses de mutualité sociale agricole, il a rappelé que l'Etat n'avait pas pu être informé suffisamment tôt des dysfonctionnements graves intervenus dans certaines caisses, notamment en raison d'un défaut d'instruments juridiques. Il a indiqué que les amendements adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale visaient à étendre le champ de la tutelle d'Etat aux organismes auxquels les caisses de mutualité sociale agricole participent majoritairement, à conforter les modalités de suspension ou de dissolution du conseil d'administration d'une caisse en cas de carence ou de faute grave de celui-ci, et enfin à placer un commissaire du Gouvernement auprès du conseil d'administration et de l'assemblée générale de la caisse centrale de mutualité sociale agricole, de façon à ce que la tutelle puisse être pleinement informée. Il a affirmé que ces amendements n'étaient pas contradictoires avec la conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion avec la caisse centrale de mutualité sociale agricole, qui met en place une tutelle plus stratégique, en précisant que cette tutelle devait disposer de moyens juridiques pour prévenir de nouveaux dysfonctionnements.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur la diminution de la subvention d'équilibre, alors que son maintien au niveau de 1998 aurait permis d'accélérer la revalorisation des retraites agricoles, ainsi que sur le cumul de fonctions entre dirigeants de caisses de mutualité sociale agricole et dirigeants de Groupama.

M. Charles Descours a demandé à M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, les raisons du rejet, par le ministère de l'emploi et de la solidarité, d'un projet de Groupama relatif à la couverture maladie complémentaire d'assujettis du régime agricole, pourtant approuvé par la commission Soubie.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a indiqué que le plan pluriannuel de revalorisation des retraites s'étendait sur cinq ans et que la mesure prise cette année représentait un effort non négligeable. S'agissant du cumul de fonctions entre les dirigeants de caisses de mutualité sociale agricole et Groupama, il a précisé que la question devait être réglée par l'adoption du projet de loi relatif à la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 25 novembre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, sur le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) pour 1999 .

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a présenté les grandes lignes du BAPSA pour 1999 et évoqué trois questions relatives à la revalorisation des retraites agricoles, au fonctionnement de la mutualité sociale agricole (MSA) et au financement à moyen terme de ce budget annexe (cf. ci-après).

M. André Jourdain a souhaité obtenir une précision sur la baisse du nombre de retraités agricoles.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur le niveau de rattrapage consenti cette année pour les petites retraites. Il a reconnu que l'objectif de parvenir à des retraites agricoles égales à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) posait un problème d'équité vis-à-vis des salariés, confrontés de plus en plus au temps partiel. Il a rappelé combien le " palier " du minimum vieillesse était prioritaire. Il s'est interrogé sur la situation de la MSA, en remarquant que l'un des reproches adressés par la Cour des comptes au régime agricole était d'entretenir des liens trop étroits avec Groupama.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard , après avoir indiqué qu'elle espérait que l'adoption du BAPSA ferait l'objet d'une unanimité, s'est interrogée sur le nombre d'installations de jeunes agriculteurs. Elle a considéré que l'effort consenti par la Nation en faveur du régime agricole justifiait l'institution d'un commissaire du Gouvernement au sein de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), prévu par un amendement au projet de loi d'orientation agricole adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

Elle s'est déclarée réservée sur l'objectif d'amener les retraites agricoles à 75 % du SMIC, en expliquant qu'il était important de ne pas déconnecter l'effort contributif des prestations perçues.

M. Claude Domeizel a indiqué que dans certains régimes ne bénéficiant pourtant pas de subvention d'équilibre, la présence de commissaires du Gouvernement apparaissait tout à fait normale.

M. Dominique Leclerc, relevant que le financement du BAPSA par les contributions professionnelles s'élevait à 19 %, a rappelé que les charges sociales pesant sur les agriculteurs étaient de 40 %.

M. Jean Delaneau, président, a salué les résultats de la MSA en matière de maîtrise des dépenses. Il a rappelé, évoquant les échelons locaux, que la MSA consentait depuis longtemps des efforts de prévention et de pédagogie vis-à-vis de ses assujettis.

M. François Autain a observé que la participation active des agriculteurs à leur régime était exemplaire, mais que ce système unique de gestion n'était malheureusement pas transposable au régime général.

M. Jacques Bimbenet a fait état des charges importantes, concernant les salariés agricoles, pesant sur les entreprises.

En réponse aux différents intervenants, M. Louis Boyer, rapporteur pour avis a rappelé les efforts de la nouvelle équipe dirigeante de la CCMSA. Il a expliqué que le processus de séparation entre MSA et Groupama était en cours.

Concernant l'institution d'un commissaire du Gouvernement au sein du conseil d'administration de la CCMSA, il a observé que cette disposition était ressentie comme discriminatoire par ses dirigeants. Il a fait part, en outre, de son scepticisme sur l'efficacité d'une telle mesure.

Il a indiqué que l'objectif de parvenir à des retraites agricoles égales à 75 % du SMIC pose des problèmes dépassant largement le cadre du seul régime agricole. Il a précisé que le nombre de retraités agricoles serait ramené à 1,8 million en 2007 contre 2,1 million en 1997.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a précisé que l'objectif du Gouvernement était pour 1999 de permettre l'installation de 10.000 jeunes agriculteurs.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé à l'unanimité de donner un avis favorable à l'adoption du projet de BAPSA pour 1999.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen du projet de budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) pour 1999 a lieu, comme l'année dernière, dans des conditions peu satisfaisantes.

La compréhension du projet de BAPSA pour 1999 nécessite l'articulation complexe de trois projets de loi :

- le projet de loi de finances ;

- le projet de loi de financement de la sécurité sociale ;

- le projet de loi d'orientation agricole.

En effet, tant le projet de loi de financement de la sécurité sociale que le projet de loi d'orientation agricole affectent l'équilibre du régime des exploitants agricoles. Ces dispositions ne sont pas toutes prises en compte dans le projet de loi de finances.

Le problème de l'articulation entre loi de financement et BAPSA, et l'opportunité de maintenir un " budget annexe " est de nouveau posé. L'existence d'un budget annexe n'est une condition nécessaire ni de l'autonomie du régime agricole géré par la Mutualité sociale agricole, ni de l'existence d'une subvention de l'Etat à ce régime. Le monde agricole est attaché à l'existence de ce budget annexe. Ainsi toute réflexion sur l'évolution de la place du BAPSA devra reposer sur une concertation étroite et la conviction partagée qu'un changement de statut juridique ne signifie pas pour autant la suppression du deuxième régime français de protection sociale.

La Mutualité sociale agricole (MSA) ne doit pas souffrir des errements passés de sa Caisse centrale, reprise en main avec courage et fermeté, ou de ceux de sa Caisse de Corse, qui a failli là où d'autres institutions ont failli ; le régime agricole dispose d'une gestion décentralisée. Il est ainsi proche de ses assurés. Il fait preuve de dynamisme en matière de réseaux de filières et de soins.

Le projet de BAPSA pour 1999 comporte une nouvelle mesure de revalorisation des retraites agricoles les plus faibles, qui s'inscrit dans la logique des efforts précédents. Il reste à déterminer les prochaines étapes de cette revalorisation. La MSA vient de se déclarer sans ambiguïté en faveur d'un régime complémentaire obligatoire. Si la construction éventuelle d'un tel régime apportera des solutions aux " jeunes " agriculteurs, elle ne pourra améliorer que symboliquement le sort de ceux qui sont proches de la retraite.

Votre rapporteur a souhaité tout d'abord présenter les conséquences pour le régime agricole de l'augmentation de la contribution sociale généralisée, compensée par la diminution des cotisations d'assurance maladie : la parité de gain de pouvoir d'achat, entre agriculteurs et salariés, n'a pas été respectée.

I. UN PREMIER BILAN DU BAPSA POUR 1998 MONTRE QUE LA SPÉCIFICITÉ DU RÉGIME AGRICOLE N'A PAS ÉTÉ PRISE EN COMPTE

A. L'EXÉCUTION DU BAPSA POUR 1997 ET LES ESTIMATIONS 1998

1. L'exécution du BAPSA pour 1997 : un déficit de 520 millions de francs

Les dépenses du BAPSA pour 1997 s'élèvent à 86,9 milliards de francs , dont 33,7 milliards de francs de prestations maladie-maternité-invalidité, 47,8 milliards de francs de prestations vieillesse, 12,4 milliards de francs en assurance-veuvage et 4,3 milliards de francs de prestations familiales.

Ces dépenses sont inférieures de 240 millions de francs au montant inscrit en loi de finances, principalement en raison de dépenses d'assurance maladie moins élevées que prévu. Cette économie, associée aux moindres dépenses de prestations familiales et à un moindre montant des intérêts, compense le dépassement des dépenses d'assurance vieillesse, occasionné par les mesures en faveur des petites retraites.

Les recettes du BAPSA pour 1997 s'élèvent à 86,4 milliards de francs . La moins-value de recettes atteint 760 millions de francs.

Le financement professionnel apporte 15,8 milliards de francs au BAPSA en 1997, soit un montant supérieur de 165 millions de francs à celui prévu en loi de finances initiale, mais inférieur de 405 millions de francs à celui estimé en loi de finances rectificative.

Le versement de la compensation démographique est supérieur de 840 millions de francs à celui inscrit en loi de finances initiale.

Les moins-values de recettes les plus importantes concernent la TVA affectée au BAPSA (- 1,2 milliard de francs) et la subvention d'équilibre de l'Etat (- 620 millions de francs).

Au total, l'exécution du BAPSA 1997 se solde par un déficit de 520 millions de francs qui aurait pu être évité. En effet, le Gouvernement, à l'occasion de la loi de finances rectificative de décembre 1997, avait -prétextant d'une progression très importante du financement professionnel, qui ne s'est pas avérée- réduit la subvention d'équilibre du budget général.

2. Les prévisions de réalisations du BAPSA pour 1998 : un excédent sous conditions

Les prévisions de réalisations du BAPSA laissent escompter pour 1998 un excédent de plus d'1 milliard de francs, qui s'explique à la fois par des dépenses moins élevées que prévu et par un surcroît de recettes. Cet excédent pourrait néanmoins s'avérer moins élevé. Il dépend en effet de la réalisation de plusieurs conditions.

Les dépenses seraient inférieures d'environ 600 millions de francs aux prévisions, en raison de l'évolution des dépenses d'assurance maladie et de régularisations de la dotation globale hospitalière favorables au régime agricole. Cette hypothèse tient également compte d'un ralentissement des dépenses de santé au deuxième trimestre 1998.

Estimation des dépenses du BAPSA 1998

(en millions de francs)

 

1998 LFI

1998 (estimations)

Moyens des services

91

91

Assurance maladie, maternité, invalidité

33.756

33.261

Modernisation assurance maladie

100

100

Assurance veuvage

12

12

Prestations familiales

4.085

4.105

Assurance vieillesse

49.041

49.012

Etudiants et praticiens

765

728

Etalement et prise en charge de cotisations

110

110

Intérêts

220

165

TOTAL

88.180

87.584

Le poste " honoraires ", comprenant l'ensemble des actes des médecins, reste stable. Le poste " prescriptions " progresse de 0,7 %.

En ce qui concerne les dépenses relatives aux établissements hospitaliers, il est intéressant de noter :

- le ralentissement de la hausse du poste " personnes âgées " (médicalisation des maisons de retraite et soins à domicile des personnes âgées) : + 3,2 % en 1998 (contre + 6,2 % en 1996 et + 4,3 % en 1997).

- la légère baisse des dépenses d'hospitalisation privée ;

- la diminution des dépenses de budget global hors régularisation, en raison de la poursuite de la baisse des dépenses relevant du BAPSA dans le total de ces dépenses.

Estimation des recettes du BAPSA 1998

(en millions de francs)

 

1998 LFI

1998 (estimations)

Financement professionnel

16.276

16.500

Taxes

26.174

26.719

Sécurité sociale

37.298

37.833

Etat

8.432

7.632

Recettes diverses

 

50

TOTAL

88.180

88.734

L'estimation pour 1998 fait état d'un surcroît de recettes de 0,6 milliard de francs, qui dépend pour moitié de la prévision relative à la TVA affectée et pour l'autre moitié d'un accroissement des versements des autres régimes (compensation démographique vieillesse). L'arrêté du 18 novembre 1998 portant annulation de crédits prévoit une diminution de la subvention d'équilibre du budget de l'Etat de 800 millions de francs (chapitre 46-32).

B. LA SUBSTITUTION CSG/COTISATIONS D'ASSURANCE MALADIE : LA PARITÉ DE POUVOIR D'ACHAT ENTRE EXPLOITANTS AGRICOLES ET SALARIÉS N'A PAS ÉTÉ RESPECTÉE

1. Des gains de pouvoir d'achat différenciés

Pour le régime agricole, la réforme de la CSG n'est pas intervenue dans une période très heureuse, puisqu'une réforme des cotisations sociales venait de s'achever, visant notamment à permettre la comparaison de l'effort contributif des agriculteurs par rapport aux autres catégories socioprofessionnelles.

L'opération de substitution (augmentation du taux de la CSG et baisse du taux de cotisations maladie) ne permet pas une comparaison aussi directe.

La CSG perçue sur les revenus agricoles est assise sur la même assiette que les cotisations, mais majorée du montant de ces mêmes cotisations, tandis que l'assiette de la CSG pour les salariés est constituée par le salaire brut, diminué de 5 %. Ainsi, l'assiette CSG porte sur 62,6 milliards de francs en 1998, alors que l'assiette des cotisations maladie agricoles porte sur 49,2 milliards de francs. Elle est supérieure d'environ 27 %. Pour calculer un taux de baisse des cotisations maladie assurant la parité de gain de pouvoir d'achat entre agriculteurs et salariés en 1998, il aurait fallu multiplier le taux de baisse prévu par le Gouvernement pour les salariés du régime général (4,75 points), par le rapport des assiettes (127/95 1( * ) ). Le résultat de ce calcul donne un chiffre compris entre 6,3 et 6,4.

Le Gouvernement a accordé une baisse de 5,5 points des cotisations maladie aux agriculteurs actifs , en compensation de l'augmentation des 4,1 points de CSG déductibles.

Taux de cotisations en 1998 et en 1999

 

Taux technique

Complémentaire

Global

AMEXA

8, 13 %

2,71 %

10,84 %

Veuvage

0,10 %

-

0,10 %

AVA sous plafond

8,445 %

2,53 %

10,975 %

AVA déplafonnée

1,29 %

0,25 %

1,54 %

AVI

3,20 %

-

3,20 %

PFA

4,36 %

1,04 %

5,40 %

La parité de pouvoir d'achat entre les salariés et les exploitants agricoles n'a pas été respectée. Le gain " global " pour ces derniers est estimé entre 0,3 % et 0,6 %, tandis qu'il se situerait pour les salariés au-delà de 1 %.

La substitution a défavorisé les 300 exploitants les plus aisés (revenus supérieurs à six fois le plafond de la sécurité sociale), puisque la cotisation maladie est plafonnée à hauteur de ce montant, tandis que la CSG n'est pas plafonnée.

Tranches de revenu par an

Equivalents en francs

Effet

< 800 SMIC

< 30.328 francs

très positif

entre 800 SMIC et le plafond de la sécurité sociale

entre 30.328 et 164.640

neutre

entre le plafond et 6 fois le plafond de la sécurité sociale

entre 164.640 et 987.840

positif

> 6 fois le plafond de la sécurité sociale

> 987.840

négatif

33 % des exploitants ont un revenu inférieur à 800 SMIC horaires (30.000 francs). Leur gain en pouvoir d'achat a été important, puisque la cotisation maladie est calculée sur la base de 800 SMIC, tandis que la CSG est calculée sur le revenu réel.

La substitution n'a pas été tout à fait équitable, puisque le gain est proportionnellement plus important pour les tranches hautes de revenu (comprises entre le plafond de la sécurité sociale et six fois ce plafond) que pour les tranches moyennes (revenus compris entre 800 SMIC et le plafond de la sécurité sociale).

Pour les retraités , la totalité de leurs cotisations maladie, soit 1,8 point de cotisations techniques et 1 point de cotisations complémentaires, a été supprimée en compensation de l'augmentation de 2,8 points de CSG sur les revenus de remplacement, la portant à 6,2 % pour les personnes imposées sur le revenu, 3,8 % pour celles s'acquittant de la taxe d'habitation ou 0 % pour les personnes non imposables.

Les retraités agricoles exonérés de CSG (une grande majorité) sont ainsi gagnants, tandis que l'opération est neutre pour les retraités soumis au taux réduit de CSG (3,8 %).

Par ailleurs, un certain nombre d'agriculteurs bénéficiant d'un allégement de cotisations sociales ont perdu cet avantage différentiel :

- jeunes agriculteurs ;

- pluriactifs agriculteurs à titre secondaire ;

- agriculteurs à titre principal ayant des activités accessoires ;

- préretraités agricoles ;

- retraités agricoles bénéficiant de prestations maladie d'un autre régime ou poursuivant l'exploitation agricole sur plus d'1/2 surface minimum d'installation (SMI) ;

- conjoints retraités bénéficiant de la seule retraite forfaitaire ;

- retraités titulaires de majorations de pension pour enfants.

Le Sénat avait adopté, au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, un amendement permettant de prendre en compte la situation des jeunes agriculteurs. Cet amendement n'a pas été retenu par l'Assemblée nationale.

2. Le cas spécifique des jeunes agriculteurs n'a pas été pris en compte

Exonération de cotisations jeunes agriculteurs

Depuis 1985, les jeunes agriculteurs bénéficient, sous certaines conditions, d'exonérations partielles de cotisations sociales : 50 % pour la première année, 40 % pour la seconde et 20 % pour la troisième.

Cette exonération ne peut pas, toutefois, dépasser un montant maximum.

Les conditions sont :

- exercer une activité d'exploitant à titre principal ou exclusif, et par conséquent bénéficier de l'AMEXA ;

- diriger une exploitation supérieure ou égale aux ¾ de la SMI ou, si la superficie est inférieure, justifier d'une décision d'attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs ;

- être âgé de 21 ans au moins (sauf lorsque le jeune agriculteur doit reprendre l'exploitation, du fait de la cessation définitive de l'activité de l'un de ses deux parents, chef d'exploitation, résultant du décès ou d'une invalidité réduisant d'au moins 66,66 % sa capacité d'exercice de la profession agricole) et de 35 ans au plus au moment de l'affiliation, l'âge de 35 ans pouvant être reculé dans certaines conditions.

L'exonération ne concerne ni la CSG ni la CRDS.

Le montant moyen de l'exonération baisse de 2,5 % entre 1996 et 1997 et de 13,9 % entre 1998 et 1999.

Montant moyen de l'exonération
pour les jeunes agriculteurs

(en francs)

1996

1997

1998

6.785

6.618

5.698

Source : d'après tableau CCMSA/statistiques

Les jeunes agriculteurs connaissent une diminution de leurs charges globales. En effet, l'augmentation de la CSG n'annule pas l'effet positif de la baisse de leurs cotisations maladie. Les différences de définition de l'assiette cotisations sociales et de l'assiette CSG, par le décalage des périodes de référence, expliquent cette situation. En effet, l'assiette CSG s'applique à des années pour lesquelles le revenu est moins élevé que celui des années prises en compte dans l'assiette sociale.

Ventilation des charges pour les bénéficiaires
de l'exonération jeunes agriculteurs

Années

1996

1997

1998

Taux technique AMEXA

14,93 %

13,63 %

8,13 %

Cotisations sociales après exonérations (moyennes)

15.503

14.911

12.558

CSG-CRDS (moyennes)

1.493

2.008

4.120

Total

16.996

16.919

16.678

Source : d'après tableau CCMSA/statistiques

L'" avantage comparatif ", par rapport à un exploitant non bénéficiaire de l'exonération, demeure moins important qu'avant la substitution.

Une solution simple pourrait être, en conséquence, de majorer les trois taux d'exonération à un niveau permettant de rétablir cet avantage.

II. LE PROJET DE BAPSA POUR 1999 COMPREND UNE MESURE DE REVALORISATION IMPORTANTE DES PETITES RETRAITES AGRICOLES

Le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) s'élève dans le projet de loi de finances pour 1999 -après amendement gouvernemental adopté par l'Assemblée nationale, majorant de 400 millions de francs les crédits- à 89,162 milliards de francs , soit une augmentation de 1,11 % par rapport à 1998.

A. DES DÉPENSES EN LÉGÈRE AUGMENTATION DU FAIT DE LA PROGRESSION DES DÉPENSES D'ASSURANCE VIEILLESSE

Les dépenses du BAPSA s'établissent comme suit :

Les dépenses du BAPSA

(en millions de francs)

 
 

1998
LFI

1999

Evolution en %

Titre III

Moyens des services

91

0

 

Titre IV

Interventions publiques

 
 
 

46-01

Assurance maladie (AMEXA)

33.224

33.286

+ 0,19

46-02

Invalidité

473

453

- 4,23

46-03

Remplacement

58

55

- 5,17

46-07

Contribution à la modernisation de l'assurance maladie

100

100

0

46-04

Assurance veuvage

12

12

0

46-05

Etalement et prise en charge des cotisations sociales

110

100

- 9,09

46-92

Prestations familiales

4.085

3.948

- 3,35

46-96

Assurance vieillesse (AVA)

49.041

50.285

+ 2,54

46-97

Etudiants et praticiens

765

750

- 1,96

Titre I

Intérêts

220

173

- 21,36

Total général hors restitution de TVA

88.180

89.162

+ 1,11

1. Les prestations d'assurance vieillesse progressent en raison des mesures de revalorisation des retraites agricoles

Les prestations d'assurance vieillesse représentent, avec un montant de 50,285 milliards de francs , le principal poste de dépenses.

Les retraites proprement dites (retraites forfaitaires et retraites proportionnelles, pensions de réversion) progressent de 3,8 % par rapport à celles prévues dans le BAPSA de 1998, malgré la légère diminution prévisible du nombre de retraités.

Les retraités agricoles

Les personnes non salariées de l'agriculture bénéficient d'un régime d'assurance vieillesse spécifique. Ce régime, entré en vigueur le 1 er juillet 1952, est géré par la Mutualité sociale agricole.

Relèvent de l'assurance vieillesse :

- les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles ;

- les conjoints d'exploitation lorsqu'ils participent aux travaux de l'exploitation ;

- les membres majeurs de la famille de l'exploitant ou de son conjoint (ascendants, descendants, frères, soeurs et alliés au même degré), ce que l'on appelle les " aides familiaux ".

On dénombrait au 31 décembre 1996 plus de 2,1 millions de non-salariés agricoles retraités :

Chefs d'exploitation 960.000

Conjoints 362.000

Membres de la famille 342.000

Veufs et veuves 440.000

Total 2.104.000

Quatre mesures expliquent l'augmentation des dépenses d'assurance vieillesse en 1999 :

1. L'application en année pleine de la mesure votée en loi de finances initiale pour 1998 consistant à majorer de 5.100 francs par an les retraites des conjoints et aides familiaux ayant validé 150 trimestres 2( * ) en agriculture et ayant pris leur retraite avant 1998 ;

2. La dernière étape de la mise en oeuvre des mesures votées en loi de finances pour 1997 et relevant le nombre minimum de points de retraite proportionnelle.

L'ensemble de ces deux premières mesures représente un surcoût estimé à 440 millions de francs en 1999.

3. Une mesure significative de relèvement des retraites les plus faibles introduite par le projet de loi. Cette mesure concernerait 607.000 retraités et entraînerait un coût de 1,2 milliard de francs en 1999 (1,6 milliard de francs en année pleine). Elle permettrait, pour les agriculteurs ayant cotisé 150 trimestres dans le régime, d'augmenter de manière importante le montant minimum mensuel perçu.

La mesure de revalorisation des retraites agricoles du BAPSA pour 1999

 

Augmentation mensuelle

Montant minimum mensuel
(après mesure)

Chefs d'exploitation

250,00

3.000,00

Veufs et veuves

320,00

2.800,00

Aides familiaux et/ou carrière mixte-seuls

490,00

2.500,00

Aides familiaux et/ou carrière mixte-mariés

490,00

2.200,00

L'effort pour les personnes seules et les veufs et veuves est sensible et représente plus de 50 % du total du relèvement. Il s'inscrit dans la droite ligne de la politique menée depuis 1994.

La revalorisation des petites retraites des non-salariés agricoles :
un effort continu depuis 1994

La loi du 18 janvier 1994 (décret d'application n° 94-714 du 18 août 1994) a permis la prise en compte pour le calcul de la retraite proportionnelle des chefs d'exploitation, de tout ou partie des années pendant lesquelles ils ont été aides familiaux, ces années donnant lieu à l'attribution de points de retraite gratuits. Pour les exploitants déjà retraités avant 1994, la carrière a été reconstituée fictivement ; pour ceux retraités à compter de 1994, le nombre de points gratuits est calculé en fonction de leur carrière réelle. Pour en bénéficier, l'intéressé doit justifier d'un minimum de 17,5 années de chef d'exploitation et de 32,5 années de non-salarié agricole.

Le décret n° 95-289 du 15 mars 1995 portant application de l'article 71 de la loi de modernisation agricole a rendu possible le cumul des droits propres et des droits dérivés pour les veufs et les veuves. L'interdiction de cumul a été levée par tiers sur trois ans de 1995 à 1997 : la retraite personnelle peut ainsi être cumulée avec une pension de réversion correspondant à 54 % de la retraite proportionnelle du décédé et d'un tiers de la retraite forfaitaire dudit décédé en 1995, des deux tiers en 1996, et de la totalité à partir de 1997. Quant aux veufs et veuves déjà titulaires d'une pension de réversion avant 1995 et s'étant acquis des droits à une retraite personnelle, ils bénéficient d'une majoration forfaitaire de 6.000 francs mise en place par tiers sur trois ans de 1995 à 1997.

La loi de finances pour 1997 a instauré un ensemble de mesures concernant les chefs d'exploitation, et les autres actifs, conjoints et aides familiaux ( décret d'application n° 97-163 du 24 février 1997 ). Une majoration forfaitaire de 1.000 francs en 1997 et de 1.500 francs à compter de 1998 a été accordée aux conjoints, aides familiaux et chefs d'exploitation ayant une carrière courte (moins de 17,5 ans), à condition d'avoir liquidé leur retraite avant 1998 et de justifier d'un minimum de 32,5 années de non-salarié agricole.

Pour les chefs d'exploitation à carrière longue, retraités avant 1997, des majorations de points ont été accordées pour les bénéficiaires justifiant de retraite d'au moins 32,5 années d'activité non salariée agricole, dont au moins 17,5 années en tant que chef d'exploitation. Pour les chefs d'exploitation retraités depuis 1997, des majorations de points de retraite ont été attribuées aux intéressés justifiant de 37,5 années, tous régimes confondus et 17,5 années de chef ou assimilé.

La loi de finances pour 1998 a complété les dispositifs précédents en relevant la retraite des conjoints, aides familiaux et chefs d'exploitation ayant une carrière courte, à condition d'avoir liquidé leur retraite avant 1998 et de justifier d'un minimum de 32,5 années de non-salarié agricole ( décret d'application n° 98-125 du 3 mars 1998 ). La majoration des conjoints et aides familiaux est fixée à 5.100 francs par an.

Le projet de loi d'orientation agricole 1998 intègre une nouvelle mesure de revalorisation des avantages vieillesse servis aux conjoints, aux aides familiaux et les chefs d'exploitation à carrière courte. Une majoration gratuite de points de retraite proportionnelle, permettant de prolonger l'effort consenti aux aides familiaux retraités avant 1998 sera accordée aux aides familiaux retraités à compter du 1 er janvier 1998 et justifiant d'un minimum de 32,5 années d'activité non salariée agricole et d'un maximum de 17,5 années de chef d'exploitation.

Cette mesure inclut également un dispositif d'harmonisation des carrières pour le calcul de la majoration des pensions, au titre des périodes accomplies en tant que membre de la famille. Environ 20.000 retraités seraient concernés.

4. L'intégration, dans le projet de BAPSA pour 1999, des dispositions figurant dans le projet de loi d'orientation agricole. Ces dispositions permettent l'attribution gratuite de points de retraite proportionnelle aux conjoints et aides familiaux qui prennent leur retraite à compter du 1 er janvier 1998, ce qui bénéficierait en 1999, à environ 32.000 nouveaux retraités, pour un coût évalué à 131 millions de francs.

2. Les dépenses d'assurance maladie sont maîtrisées

Les dépenses d'assurance maladie maternité et invalidit é sont évaluées pour 1999, à 33,794 milliards de francs , soit un montant quasiment identique à celui inscrit en loi de finances pour 1998, mais supérieur de 1,6 % aux prévisions de réalisation 1998.

Cette faible évolution s'explique à la fois par une meilleure maîtrise des dépenses dans le régime agricole que dans le régime général, et par une baisse du nombre d'assujettis.

Dépenses maladie - maternité - invalidité du régime agricole

 

LFI 1998

LFI 1999

Evolution en %

Total Soins de ville + établissements sanitaires hors DGH

19.264

19.155

- 0,57

DGH y compris régularisations

13.311

13.464

+ 1,15

DOM

461

457

- 0,88

Assurance personnelle

189

210

+ 11,11

Pension d'invalidité

473

453

- 4,23

Allocation de remplacement

58

55

- 5,17

TOTAL

33.756

33.794

+ 0,11

DGH : Dotation Globale Hospitalière

Le projet de BAPSA pour 1999 n'a pas tenu compte, en ce qui concerne l'allocation de remplacement, de l'article 23 du projet de loi d'orientation agricole qui prévoit que la prise en charge sera désormais totale.

En effet, seule une femme sur trois en agriculture sollicite le bénéfice de l'allocation de remplacement en cas de maternité. Cette situation, préoccupante en termes de santé publique, est due notamment au surcoût restant à la charge de l'exploitante. La suppression du ticket modérateur, actuellement de 10 %, permettra un recours plus large à la formule de remplacement, qui s'applique aussi bien pour les conjointes participant aux travaux que pour celles qui ont le statut d'associé ou de co-exploitant.

3. Les dépenses de prestations familiales décroissent en raison de la baisse du nombre de bénéficiaires

Les dépenses de prestations familiales, évaluées à 3,948 milliards de francs, continuent leur décroissance (- 3,35 % par rapport à l'an dernier) en raison de la poursuite de la baisse du nombre de bénéficiaires (entre - 5 et - 7 % selon les prestations).

Cette diminution des effectifs de bénéficiaires de prestations familiales provient essentiellement :

- de la diminution de la population agricole ;

- du vieillissement de cette même population ;

- de l'augmentation du célibat dans le milieu agricole.

Effectifs de familles bénéficiaires de prestations familiales

Type de prestations

1998

1999

Evolution

Allocations familiales

102.037
98.818 (*)

97.037

- 4,9 %

Complément familial

24.468

23.245

- 5,0 %

Allocation soutien familial

3.278

3.115

- 5,0 %

Allocation d'éducation spéciale

1.991

1.991

0 %

Allocation aux adultes handicapés

19.810

18.146

- 8,4 %

Allocation de logement à caractère familial

17.530

16.917

- 3,5 %

Allocation parentale d'éducation

7.503

6.978

- 7,0 %

Allocation de rentrée scolaire
(nb enfants)

130.798

122.950

- 6,0 %

AJE-APJE " longue " + " courte "

14.847

13.808

- 7,0 %

APL

48.787

48.299

- 1,0 %

Source : ministère de l'Agriculture

(*) en tenant compte de la mise sous condition de ressources des allocations familiales


Il est à noter que le projet de BAPSA pour 1999 a été construit en tenant compte d'une revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales de 1,2 %. Elle ne sera finalement que de 0,71 %. Votre commission des Affaires sociales l'a regretté lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre rapporteur souhaite formuler les deux observations suivantes :

- premièrement, le Gouvernement semble avoir changé d'avis sur la question de la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales entre l'élaboration du BAPSA et l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale ;

- deuxièmement, il existe une contradiction entre ce que vote le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et ce qu'il approuve dans le cadre du BAPSA, même si la différence pour le montant des prestations familiales agricoles est de l'épaisseur d'un trait.

En outre, le projet de BAPSA pour 1999, s'il tient compte du retour à l'universalité des allocations familiales, ne prend pas en considération l'ensemble des mesures proposées à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (recul des majorations d'âge, extension de l'allocation rentrée scolaire aux familles ayant un enfant...).

Pour conclure sur les dépenses, il est à noter que des crédits de 100 millions de francs sont prévus pour financer les étalements et les prises en charge partielles des cotisations pour les exploitants en difficulté (110 millions en 1998). Cette enveloppe avait été créée pour accompagner la réforme des cotisations, lancée en 1990.

Enfin, les crédits correspondant aux moyens de fonctionnement du BAPSA (91 millions de francs en 1998), sont transférés sur le budget général du ministère.

B. UNE CONTRIBUTION MOINDRE DES FINANCEMENTS STRICTEMENT BUDGÉTAIRES

Le financement du BAPSA peut se décomposer en quatre agrégats :

1- cotisations professionnelles ;

2- taxes affectées ;

3- ressources provenant de la sécurité sociale ;

4- dépenses strictement budgétaires.

Une présentation du BAPSA par agrégat permet d'apprécier la structure très particulière de financement du régime.

Evolution relative de la structure de financement du BAPSA

Comptes agrégés

Structure 1998

Structure 1999

Cotisations professionnelles

18,47%

19,02%

Taxes

29,64%

30,94%

Sécurité sociale

42,32%

43,86%

Etat

9,57%

6,13%

Recettes diverses

0,00%

0,06%

Total

100,00%

100,00%

Evolution 1999/1998 des diverses sources de financement du BAPSA

Comptes agrégés

1998 LFI

1999 PLF

Evolution

Cotisations professionnelles

16.276

16.955

4,17%

Taxes

26.174

27.586

5,39%

Sécurité sociale

37.298

39.105

4,84%

Etat

8.432

5.466

-35,18%

Recettes diverses

 

50

 

Total

88.180

89.162

1,11%

1. Les contributions professionnelles progressent

A partir de 1990, la réforme des cotisations sociales des non-salariés agricoles a progressivement substitué à partir de 1990 l'assiette " revenu professionnel " (sur les trois dernières années) à l'assiette " revenu cadastral ". Cette réforme s'est achevée en 1996. Les cotisations professionnelles sont, par définition, davantage sensibles à l'évolution du revenu agricole. La mise en place de la réforme a eu pour conséquence une baisse du financement professionnel en 1994 et 1995, prenant en compte les années défavorables (1991, 1992 et 1993). En conséquence, elles augmentent à nouveau depuis 1996, le revenu agricole ayant fortement progressé en 1994 et en 1995.

Evolution des principales composantes du revenu brut agricole

(en %)

 

1996/1995

1997/1996

Revenu brut agricole (valeur)

- 0,8

+ 3,1

Nombre d'exploitations

- 3,8

- 3,8

RBA moyen par exploitation en valeur courante

+ 3,2

+ 7,1

Prix du PIB

+ 1,4

+ 1,1

RBA moyen par exploitation en valeur réelle

+ 1,7

+ 6,0

Source : comptes de l'agriculture

Comme en 1998, il ne subsiste aucune taxe sur les produits agricoles ; le démantèlement des taxes supportées par les producteurs de betteraves, céréales et oléagineux est parallèle à la réforme des cotisations.

Les contributions professionnelles sont ainsi constituées en totalité par les cotisations professionnelles. Elles devraient représenter 16,9 milliards de francs en 1999, soit 19 % des recettes du BAPSA, contre 18,4 % en 1998.

Les cotisations professionnelles intègrent le reversement de CSG due au titre de la perte de cotisations dans le cadre du basculement CSG/cotisations maladie.

Les cotisations connaissent une variation inégale. Une partie des cotisations d'assurance vieillesse (AVA) connaît ainsi une progression particulièrement forte (+ 9 %), ce qui s'explique par la prise en compte anticipée d'une mesure du projet de loi d'orientation agricole (art. 20 et 21), qui vise à instituer un droit à la retraite proportionnelle pour les personnes choisissant le nouveau statut de conjoint collaborateur.

Les cotisations professionnelles

(en millions de francs)

 

1998 LFI

1999 PLF

Evolution

Cotisations professionnelles

16.276

16.955

4,17%

dont compensation CSG

4.275

4.428

3,58%

dont cotisations

12.001

12.527

4,38%

Cotisations prestations familiales

1.981

2.071

4,54%

Cotisations AVI (art. 1123 a et 1003-8 code rural)

1.663

1.666

0,18%

Cotisations AVA (art. 1123 b et 1003-8 code rural)

3.928

4.283

9,04%

Cotisations AMEXA

4.112

4.182

1,70%

Cotisations d'assurance veuvage

46

47

2,17%

Cotisations d'assurance volontaire et personnelle

1

1

0,00%

Cotisations acquittées dans les DOM

13

13

0,00%

Cotisations de solidarité

257

264

2,72%

Deux remarques peuvent être faites sur le manque de lisibilité de l'effort contributif des exploitants agricoles :

1) Le BAPSA ne prend pas en compte les cotisations complémentaires ;

Il convient de rappeler que le BAPSA ne retrace pas véritablement la contribution des non-salariés agricoles au financement de leur régime, puisqu'il ne prend pas en compte les cotisations dites " complémentaires ", dues au titre de la gestion et de l'action sanitaire et sociale des caisses de mutualité sociale agricole.

Ces cotisations complémentaires représentent un montant de 3,1 milliards de francs en 1999.

2) Le BAPSA prend en revanche en compte les cotisations de solidarité, qui ne sont pas génératrices de droit.

Elles visent respectivement :

- les personnes affiliées à un autre régime mettant en valeur une exploitation agricole comprise entre 2 ou 3 hectares et la moitié de la surface minimale d'installation ;

- les associés non exploitants de société agricoles ;

- les travailleurs indépendants mettant par ailleurs en valeur, à titre secondaire, une exploitation supérieure à la moitié de la surface minimum d'installation (SMI).

2. L'évolution favorable des taxes affectées s'explique par les prévisions de croissance retenues par le Gouvernement

Les recettes de taxes , principalement celles de TVA, ont été évaluées à 27,6 milliards de francs , soit une augmentation de 5,4 % (31 % des recettes).

La cotisation additionnelle à la taxe foncière sur le non bâti (48 millions de francs en 1998), instituée en 1959 " à titre provisoire ", est supprimée par l'article 33 du projet de loi de finances pour 1999.

Les taxes affectées au BAPSA

(en millions de francs)

 

1998

PLF 1999

Evolution

Taxe sur les farines

340

341

0,29%

Taxe sur les tabacs

438

479

9,36%

Taxe sur les corps gras alimentaires

621

659

6,12%

Prélèvement sur le droit de consommation sur les alcools

117

117

0,00%

Cotisations assises sur les polices d'assurance automobile

394

376

-4,57%

Cotisation incluse dans la taxe sur la valeur ajoutée

29.079

30.799

5,91%

Cotisation additionnelle foncière non bâti

48

 
 

Restitutions de TVA

-4.863

-5.185

6,62%

TVA après restitution

24.216

25.614

5,77%

Total taxes

26.174

27.586

5,39%

3. Les transferts des organismes de sécurité sociale connaissent une évolution contrastée

Ces transferts ne sont pas toujours sans lien avec le monde agricole. Les régimes de sécurité sociale des non-salariés -dans le cadre législatif actuel- bénéficient de la C3S. Cette contribution est acquittée par les sociétés agricoles, à condition que le chiffre d'affaires dépasse 5 millions de francs. Le montant acquitté par les sociétés agricoles est évalué à 500 millions de francs.

Il est également nécessaire de préciser qu'il ne s'agit pas exactement des versements des autres régimes de sécurité sociale. Tous les régimes bénéficient ainsi du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui prend en charge les avantages non contributifs. Le régime agricole est un bénéficiaire important du FSV en raison de la faiblesse des pensions d'assurance vieillesse.

Versements des organismes de sécurité sociale

(en millions de francs)

 

LFI 1998

PLF 1999

Evolution

Versements compensation

32.467

34.001

4,72%

Contribution CNAF

1.565

1.400

- 10,54%

Versements C3S

 

1.000

 

Versements FSV

3.266

2.704

- 17,21%

Total hors C3S

37.298

38.105

2,16 %

Total

37.298

39.105

4,84%

Les transferts de compensation démographique sont estimés à 34 milliards de francs, en progression de 4,7 % par rapport à la loi de finances pour 1998 (38 % des recettes).

Ces transferts se divisent entre compensation maladie (7 milliards de francs) et compensation vieillesse (27 milliards de francs).

Compte tenu de l'intégration financière de la branche famille, la CNAF verse au BAPSA une contribution couvrant la différence entre les cotisations familiales des exploitants et les prestations familiales dont ils bénéficient (hors bourses et allocations aux adultes handicapés). Le déclin rapide et continu de cette contribution depuis 1995 s'explique donc tout à la fois par la bonne tenue des cotisations, corrélées à l'évolution du revenu agricole, et la diminution des prestations versées, du fait de la baisse des effectifs de bénéficiaires.

Les remboursements du fonds de solidarité vieillesse baissent à un rythme très important (- 17 %).

Le financement des majorations pour enfants du régime agricole par le FSV, qui représentent 2.172 millions de francs, n'est pas pris en compte dans le budget annexe. Dans ces conditions, les 2.704 millions de francs proposés pour 1999 correspondent essentiellement au financement du minimum vieillesse pour les exploitants agricoles, dont les dépenses atteindraient 2.652 millions de francs en 1998. La diminution très importante des dépenses liées au minimum vieillesse rend compte de l'effort entrepris depuis cinq ans pour revaloriser les retraites agricoles  : ces dépenses représentaient encore 4.402 millions de francs en 1995.

La poursuite du recul des transferts du FSV s'explique également par le renouvellement des générations de retraités agricoles, les " jeunes " retraités ayant en principe acquis plus de points de retraite que leurs aînés.

Le BAPSA devrait bénéficier, en 1999, d'un versement au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) . Son montant est fixé dans le bleu budgétaire à 600 millions de francs, et à 1 milliard dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Un amendement adopté à l'Assemblée nationale a rendu cohérents -sur ce point- le projet de BAPSA pour 1999 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en majorant les crédits de 400 millions de francs.

Le BAPSA perdra cette ressource à partir de 1999, dans le cadre de l'attribution des excédents du C3S au FSV pour financer le " fonds de réserve " des retraites (art. 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale).

Il convient de rappeler que le BAPSA était -théoriquement- l'un des régimes attributaires des excédents de la C3S. Il n'en a profité qu'en 1992-1993, à l'occasion d'un tour de passe-passe budgétaire consistant à réduire le déficit budgétaire par un " siphonnage " 3( * ) des réserves de C3S en sa faveur.

Votre commission s'est montrée favorable, à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, à une règle simple d'affectation des excédents de C3S. Elle n'est pas opposée à ce que le BAPSA perde cette source de financement, qui s'était avérée " virtuelle ", à l'exception du précédent fâcheux des années 1992-1993. Elle observe toutefois que financer une mesure de revalorisation des retraites (c'est-à-dire une dépense pérenne) par l'affectation d'une ressource exceptionnelle n'est pas de bonne gestion.

4. Les contributions du budget général diminuent de manière très sensible

Les évolutions des précédentes ressources expliquent le recul de la subvention du budget de l'Etat.


Etat

LFI 1998

PLF 1999

Evolution
1999/1998

Versements du FSI

108

107

- 0,93%

Remboursement AAH

518

456

- 11,97%

Subvention d'équilibre

7.806

4.903

- 37,19%

Total

8.432

5.466

- 35,18%

La subvention d'équilibre représente désormais 5,5 % des recettes du BAPSA.

III. LES PERSPECTIVES DU RÉGIME DES EXPLOITANTS AGRICOLES : L'AUTONOMIE ET LA MODERNISATION DE LA MSA SONT NÉCESSAIRES

A. L'INTÉGRATION PROTECTRICE DU BUDGET ANNEXE DANS LA LOI DE FINANCEMENT EST POSSIBLE

1. Le BAPSA est un héritage historique

Le BAPSA a été créé par l'article 58 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959). Il est régi par les articles 1003-1 à 1003-7 du code rural.

En raison de la structure démographique très défavorable du monde agricole, le régime des exploitants agricoles est l'un des régimes de sécurité sociale qui dépend le plus de la solidarité des autres régimes et du contribuable. Le BAPSA n'est pas un cas unique ; plusieurs régimes spéciaux bénéficient de subventions d'équilibre, sans faire pour autant l'objet d'un budget annexe : SNCF, marins, mineurs...

L'existence d'un budget annexe donne au monde agricole l'assurance que ce budget sera toujours équilibré comptablement et que le budget général assurera -en dernier ressort- cet équilibre.

Il apparaît à l'analyse que le statut de budget annexe n'est pas -en lui-même- source d'équilibre systématique. L'exécution du BAPSA peut révéler un excédent ou un déficit (art. 1003-6 du code rural). Un fonds de roulement existe.

Le BAPSA et le droit budgétaire

Le système des budgets annexes est un cadre juridique (art. 20 à 22 de l'ordonnance de 1959) créé pour les services de l'Etat producteurs de biens et services marchands.

Un régime de sécurité sociale financé par des prélèvements obligatoires, des transferts et des subventions diverses n'est pas un service de l'Etat producteur de services marchands.

La loi de finances pour 1995 comportait une disposition visant à faire prendre en charge les majorations de retraites pour enfants par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dans les deux régimes où elles ne l'étaient pas encore : celui des fonctionnaires et celui des exploitants agricoles. Le Conseil constitutionnel a censuré l'article dans sa décision 94-351 DC du 29 décembre 1994, en vertu du principe de l'universalité budgétaire. Le seul fait de présenter dans le BAPSA la dépense et le remboursement par le FSV lui est apparu contraire à ce principe, comme il l'a précisé par la décision 95-369 DC du 28 décembre 1995.

Certaines lignes actuelles du BAPSA ne respectent pas le principe d'universalité, comme la ligne 70-51 " Remboursement de l'allocation aux adultes handicapés " (par le budget général) ou la ligne 70-53 " Contribution de la CNAF ".

2. L'articulation du BAPSA et de la loi de financement de la sécurité sociale est difficile

Depuis la création par la loi organique du 22 juillet 1996 des lois de financement de la sécurité sociale, il est permis de s'interroger sur le bien-fondé de maintenir le cadre comptable du BAPSA. Il faut rappeler toutefois que cette question avait été éludée lors de la discussion de la loi organique.

Il faut reconnaître que le projet de BAPSA pour 1998 a donné des arguments de poids aux partisans d'une intégration du BAPSA dans la loi de financement. En effet, l'articulation du BAPSA et de la loi de financement s'est avérée impossible.

Le projet de BAPSA pour 1998 a été construit " à droit constant ", sans tenir compte de la poursuite du basculement des cotisations sociales maladie sur la CSG et de la mise sous condition de ressources des allocations familiales proposés par le projet de loi de financement.

Le calendrier d'élaboration des deux projets (le projet de BAPSA étant élaboré plus tôt que le projet de loi de financement) n'est pas seul en cause. Lors de la discussion budgétaire 1998, un amendement de coordination a été nécessaire pour mettre en conformité la loi de finances avec la loi de financement.

La suppression du BAPSA n'est pas, pour autant, possible actuellement. La loi de financement de la sécurité sociale donne des informations incomplètes sur le régime des exploitants agricoles, tandis que le BAPSA ne donne pas davantage l'ensemble des informations nécessaires.

La lecture comparée du fascicule budgétaire (" bleu ") BAPSA et des comptes prévisionnels du régime des exploitants agricoles présentés en annexe du projet de loi de financement laisse apparaître une différence de présentation. Le BAPSA est, en effet, plus détaillé, notamment en ce qui concerne les recettes ; l'annexe de la loi de financement les regroupe par catégories, alors que le BAPSA permet d'identifier chacune des cotisations ou des impositions.

La loi de financement permet d'apprécier les frais de gestion du régime, son action sanitaire et sociale, d'apprécier les majorations de retraite pour âge prises en charge par le FSV. Le BAPSA permet de connaître non seulement le détail des recettes, mais également les prestations familiales agricoles et les recettes correspondantes.

Une analyse approfondie du régime des exploitants agricoles suppose ainsi de combiner les informations fournies par le cadre comptable du BAPSA et le cadre comptable des lois de financement.

3. L'autonomie du régime agricole ne doit pas être remise en cause

La Cour des comptes a consacré à la protection sociale agricole en 1996 le chapitre VI de son rapport 1996. Certaines orientations de son rapport ont pu laisser croire qu'elle remettait en cause l'existence même du régime.

S'interroger sur l'existence d'un budget annexe -qui n'est qu'un cadre comptable- ne conduit pas à remettre en cause les spécificités du régime agricole.

A bien des égards, le régime agricole, dans son aspect multirisques, est bien plus satisfaisant que l'organisation cloisonnée par branches du régime général. Les assujettis du régime agricole ont le plus souvent un interlocuteur unique. Le lien de proximité -quasi inexistant dans le régime général- est ainsi assuré. La gestion décentralisée du régime, par les caisses de mutualité sociale agricole, est un atout.

Un autre argument utilisé pour défendre le BAPSA est celui de la compétence. Son intégration dans la loi de financement serait considérée comme portant atteinte à l'unité d'action du ministère de l'Agriculture vis-à-vis du monde agricole. La réponse apportée à votre rapporteur, dans le cadre du traditionnel questionnaire budgétaire est claire : " Le fait que le BAPSA demeure un budget annexe permet au ministère de l'agriculture d'en assurer la parfaite maîtrise, et de pouvoir ainsi seul mettre en oeuvre la politique sociale à l'égard des exploitants, et de disposer d'une information directe sur l'exécution de ce budget, la qualité de cette information étant également précieuse pour le Parlement. "

Votre rapporteur estime qu'un système de protection sociale pour les agriculteurs doit dépendre à l'évidence du ministère de l'agriculture. Mais l'intégration du BAPSA dans la loi de financement n'est nullement contradictoire avec ce maintien de compétence. Un certain nombre de régimes publics et spéciaux -et au premier rang desquels le régime des fonctionnaires de l'Etat- sont ainsi " couverts " par la loi de financement, sans que le ministère des affaires sociales soit réellement " compétent " sur leur sort.

En conséquence, la suppression éventuelle du BAPSA nécessite une modification préalable de la loi organique du 22 juillet 1996, afin que le Parlement dispose -dans un cadre unique- de l'ensemble des informations qui lui sont données actuellement dans deux cadres comptables.

Votre rapporteur est ainsi en accord avec les orientations dégagées par M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 4( * ) : " Une intégration du BAPSA dans la loi de financement semblerait logique (...) sous trois conditions : 1. Assurer le même niveau d'informations ; 2. Etre préparée en concertation avec le monde agricole ; 3. Garantir l'autonomie du régime agricole ".

B. LA QUESTION DES RETRAITES RESTE CENTRALE

1. L'effort d'amélioration doit être poursuivi

Le montant minimal des retraites agricoles n'atteint pas encore le minimum vieillesse. Il convient de rappeler que leur montant apparaissait acceptable il y a encore vingt-cinq ans, en raison de différents éléments, qui ont connu une évolution importante.

1- Les retraites étaient, de manière générale, d'un niveau très faible : les disparités apparaissaient moins importantes entre les agriculteurs et le reste de la population.

Force est de constater que les conditions de vie des retraités ont considérablement progressé au cours des vingt dernières années. Le revenu moyen d'un retraité est désormais équivalent à celui d'un actif. Dès lors, les retraites agricoles apparaissent les seules à être très basses.

2- Les exploitants agricoles continuaient à travailler le plus longtemps possible .

L'abaissement de l'âge de la retraite dans le régime général a eu un effet indirect. Les exploitants agricoles arrivant à l'âge de 60-65 ans au début des années quatre-vingt-dix n'ont pas souhaité rester en activité, contrairement aux générations précédentes.

3- Les solidarités familiales jouaient un rôle plus important .

Du fait de l'évolution de la société, même en milieu rural, ces solidarités -sans bien sûr s'effacer- jouent un rôle moins important.

4- Les agriculteurs, comme l'ensemble des non-salariés, pouvaient bénéficier de la vente de leur exploitation.

Cette vente représentait un pécule important, permettant de pallier la faiblesse des retraites. Mais la vente de ces exploitations, en raison de la diminution du nombre d'exploitants, n'est plus possible. Les artisans et les commerçants sont d'ailleurs dans une situation peu différente.

Ces évolutions expliquent la volonté affichée depuis 1993 par les gouvernements de relever le niveau minimum des retraites agricoles. Le Gouvernement actuel a annoncé un " plan pluriannuel " correspondant la législature (1997-2002). Comme le projet de loi d'orientation agricole ne contenait aucune disposition relative à un échéancier de revalorisation des retraites agricoles, un amendement a été voté par l'Assemblée nationale, à l'occasion de la discussion en première lecture du projet de loi d'orientation agricole.

Le rapport sur les retraites agricoles prévu par le projet de loi d'orientation agricole adopté par l'Assemblée nationale en première lecture

Article 1 er ter (nouveau)

" Le Gouvernement déposera, avant le 31 mars 1999, un rapport décrivant, catégorie par catégorie, l'évolution qu'il compte imprimer aux retraites agricoles au cours de la période du 30 juin 1997 au 30 juin 2002. Un développement particulier sera consacré aux mesures envisagées, au cours de cette période avec un effort plus important à son début, pour revaloriser les plus faibles pensions. "

La réduction importante de la subvention d'équilibre du budget de l'Etat montre qu'il existe des marges en 1999, qui ne seront peut-être pas disponibles l'an prochain. L'effort aurait pu ainsi être plus important.

L'objectif d'amener les retraites les plus basses au minimum vieillesse, pour les agriculteurs ayant cotisé 150 trimestres, apparaît un impératif. Le montant minimal pour les chefs d'exploitation est désormais de 3.000,00 francs, à comparer aux 3.470,00 francs par mois du minimum vieillesse pour une personne seule.

Le coût de cet objectif serait de 3,5 milliards de francs (en sus de la revalorisation prévue pour 1999). Il s'agit d'un coût brut, puisque -par définition- les versements du FSV seraient fortement réduits.

Cet objectif pourrait être atteint en 2002, si l'effort annuel constaté depuis 1994 se poursuit au même rythme.

Au-delà, l'objectif généreux de parvenir à des pensions égales à 75 % du SMIC pose des problèmes de principe.

Tout d'abord, sur les 2,1 millions bénéficiaires d'une pension de retraite agricole au 1 er janvier 1997, seules 622.000 personnes avaient validé 150 trimestres ou plus en tant que non-salariés agricoles (carrière complète) et 265.000 de 130 (32 années et demie) à 149 trimestres. Plus d'1,2 million de personnes touchent ainsi une retraite du régime agricole, alors que, soit elles n'ont que marginalement ou brièvement exercé une activité agricole et perçoivent une pension d'un autre régime (les " polypensionnés "), soit elles ont travaillé toute leur vie et exclusivement dans l'agriculture, mais n'ont commencé à cotiser que très tardivement : il en est ainsi, aujourd'hui, des veuves et des conjointes les plus âgées.

Un polypensionné du régime agricole ne reçoit de ce régime que 29 % du montant global de ses avantages vieillesse. Améliorer la situation de l'ensemble des personnes ayant moins de 32,5 années de cotisations reviendrait à donner des avantages indus aux polypensionnés.

Le " ciblage " de mesures favorables aux titulaires de très faibles pensions de retraite agricole, et ne touchant pas d'autres avantages vieillesse, est difficile à mettre en oeuvre.

L'objectif de pensions égales à 75 % du SMIC ne pourrait ainsi s'appliquer qu'aux chefs d'exploitation ayant validé cent cinquante trimestres. Mais cet objectif reviendrait à verser des pensions de retraite nettement supérieures à celles de salariés ayant cotisé sur un revenu équivalant au SMIC. Un nombre important de retraités agricoles bénéficierait d'une retraite à un montant supérieur à leurs revenus d'activité. De manière générale, la détermination d'un minimum de retraite fixé par rapport au SMIC soulève un problème qui concerne l'ensemble des régimes sociaux.

Votre rapporteur est favorable à l'objectif de relever les retraites agricoles les plus basses au montant du minimum vieillesse. Il constate que l'objectif consistant à parvenir à 75 % du SMIC pose des problèmes qui dépassent largement le cadre du seul régime agricole.

2. La MSA s'est prononcée en faveur du principe d'un régime complémentaire obligatoire

a) Un régime complémentaire obligatoire semble possible

A l'occasion d'un colloque du 12 octobre 1998 sur les retraites agricoles, organisé à l'Assemblée nationale, Mme Jeannette Gros, présidente de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), s'est prononcée pour le principe d'un régime de retraite complémentaire obligatoire.

Le rapport démographique du régime (cotisants/retraités) ne devrait guère se dégrader au cours des vingt prochaines années (il devrait passer de 0,4 à 0,37), contrairement aux rapports démographiques prévus dans le régime général et les régimes spéciaux. En effet, le nombre de retraités agricoles devrait diminuer dans les dix prochaines années.

Evolution du nombre de retraités agricoles

 

1977

1987

1997

2007

en million

1,8

1,8

2,1

1,8

Cette période de stabilisation démographique semble favorable à l'instauration d'un régime complémentaire obligatoire de retraite par répartition.

L'Etat et la CCMSA devraient prévoir le principe d'une expertise de faisabilité, notamment financière. En effet, les charges pesant sur les agriculteurs étant importantes, il serait difficile de prévoir un financement professionnel supplémentaire de grande ampleur.

Les différents régimes complémentaires créés, chez les salariés comme chez les non-salariés (CANCAVA et ORGANIC), reposent, en effet, sur le seul effort des futurs bénéficiaires. S'il était décidé d'en faire bénéficier les personnes déjà retraitées, l'Etat pourrait contribuer à la constitution du régime et à son financement,.

Des dispositions fiscales, dans le cadre d'une remise à plat de la fiscalité agricole, grande absente du projet de loi d'orientation agricole, serait sans doute souhaitables. Par ailleurs, la MSA pourrait dans les années à venir -par des efforts de gestion soutenus- baisser les taux complémentaires.

La création d'un régime complémentaire obligatoire peut contrarier la mise en place de dispositifs individuels. Le succès des contrats COREVA a montré que ces mécanismes répondent à une véritable demande des agriculteurs.

b) L'expérience des contrats COREVA montre qu'il existe une véritable attente des agriculteurs

Les contrats COREVA

A la suite du décret du 26 novembre 1990, la MSA avait créé un régime de retraite complémentaire facultative par capitalisation (contrats de complément de retraite volontaire agricole, dits contrats COREVA). Entre 1990 et 1996, 116.000 agriculteurs ont souscrit de tels contrats.

Après avoir saisi la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) par la voie de la question préjudicielle, le Conseil d'Etat, par un arrêt du 8 novembre 1996, a annulé la majeure partie du décret du 26 novembre 1990. La CJCE avait en effet considéré qu'un régime de base ne peut pas gérer des contrats facultatifs qui relèvent de la concurrence. Le législateur, par l'article 55 de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures maritimes a remédié aux inconvénients de cette annulation, en prévoyant un transfert des contrats COREVA vers les acteurs du marché. Une garantie intégrale des droits acquis par les adhérents de COREVA jusqu'au 31 décembre 1996 est ainsi assurée.

Les opérations de transfert des droits à rente acquis dans le cadre des contrats COREVA se terminent. Pour les adhérents qui ont choisi un assureur avant le 30 juin 1998, le transfert s'est déroulé selon des modalités fixées par la CCMSA et les assureurs concernés. Ces opérations ont pris plus de temps que prévu, la MSA ayant pris le soin de procéder à des vérifications afin que les titulaires de contrats ne soient pas lésés. Pour les adhérents n'ayant pas choisi d'assureur avant le 30 juin 1998, le ministère des finances désigne un organisme vers lequel les droits sont automatiquement transférés.

Avec les contrats COREVA, la MSA avait voulu instituer, par le même instrument, le deuxième étage (régime complémentaire) et le troisième étage (régime d'épargne individuelle du type épargne-retraite). La gestion de ces contrats COREVA par la MSA présentait un grand nombre d'avantages, dont le premier était l'existence d'un interlocuteur unique.

Un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition semble être la seule solution pour que la MSA soit partie prenante . La création de ce régime n'est pas exclusive d'un effort individuel des agriculteurs. Il faut toutefois préciser que la très grande majorité des produits financiers présents sur le marché ne semble pas correspondre à leurs besoins.

3. Le financement du régime des exploitants agricoles apparaît plus que jamais difficile

L'effort contributif des exploitants agricoles ne peut être augmenté. Le " ratio démographique " -c'est-à-dire le rapport cotisants actifs/bénéficiaires (retraités titulaires de droits propres de plus de 65 ans)- s'est dégradé de manière impressionnante depuis une vingtaine d'années :

Années

1980

1985

1990

1995

1997

Ratio démographique

1,24

1,05

0,73

0,48

0,44

D'autres ressources du BAPSA peuvent connaître une évolution négative. La compensation démographique sera ainsi affectée par la dégradation de la situation des régimes de retraite. Or, le BAPSA est le seul régime à bénéficier de la compensation généralisée du risque maladie et reçoit 52 % des transferts issus de la compensation généralisée vieillesse.

La compensation généralisée du risque vieillesse en 1996


Régimes qui versent

Montant en millions de francs

Régimes qui reçoivent

Montant en millions de francs

Régime général

22.442,2

BAPSA

24.406,7

Fonctionnaires

12.010,4

Salariés agricoles

13.261,8

CNRACL

9.442,7

ORGANIC

4.396,2

CNAVPL

2.299,3

CANSSM

2.088,1

EDF

761,2

CANCAVA

1.533,1

Autres régimes spéciaux

445,2

CAMAVIC

1.085,8

 
 

Autres régimes spéciaux

629,2

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

La suppression, par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, de la " recette " C3S limite encore davantage les ressources disponibles.

Afin d'assurer le financement du BAPSA dans les prochaines années, il apparaît ainsi inéluctable de relever le montant de TVA affectée ou d'augmenter le montant de la subvention d'équilibre du budget général.

C. LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE DOIT POURSUIVRE SA MODERNISATION, TOUT EN PRÉSERVANT SON AUTONOMIE

1. La mutualité sociale agricole de Corse est un cas exceptionnel

La caisse de mutualité sociale agricole de Corse a fait l'objet d'une analyse approfondie en 1998, sous l'impulsion du rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Charles de Courson, qui a procédé à un contrôle sur place et sur pièces (17-19 juin 1998).

Les constats de la mission de Courson

L'affiliation à la MSA est réalisée sur des documents peu fiables.

L'assiette des cotisations des exploitants est manifestement inférieure à la réalité des revenus.

Le taux de recouvrement des cotisations est désastreux : le taux de recouvrement des cotisations agricoles (exploitants et salariés) durant l'exercice d'émission a été de 38 % en 1997, contre 90 % pour les cotisations du régime général (URSSAF) et 70 % pour les impôts directs.

La dette sociale agricole est supérieure à 900 millions de francs, soit trois fois le revenu agricole de l'île.

Le nombre de titulaires de pensions d'invalidité et de l'allocation aux adultes handicapés est trois à quatre fois plus important à la moyenne nationale.

L'existence des polypathologies donnant droit à l'exonération du ticket modérateur est six à huit fois plus importante.

La Caisse est elle-même totalement désorganisée : ratio de gestion catastrophique, sureffectif, absentéisme impressionnant.

Le rapport d'information publié par M. Charles de Courson 5( * ) ne s'est pas contenté de poser un diagnostic, mais a formulé des propositions. La mise en place d'un plan social lui est parue nécessaire, afin de permettre la cessation des exploitations non viables.

Votre rapporteur constate que la MSA de Corse a failli là où d'autres institutions ont failli.

Un arrêté du 16 septembre 1998 a retiré l'agrément au directeur de la Caisse.

Un arrêté du 30 septembre 1998 a suspendu le conseil d'administration de la MSA de Corse et a nommé un administrateur provisoire, M. Georges Dorion, inspecteur général des affaires sociales honoraire.

2. La politique de redressement de la caisse centrale porte déjà ses fruits

a) L'installation d'une nouvelle équipe

La découverte par la Cour des comptes d'irrégularités graves dans la gestion de la caisse centrale de mutualité sociale agricole a conduit le ministre de l'agriculture à suspendre, le 7 juillet 1997, le précédent conseil d'administration et à nommer un administrateur provisoire pour six mois, M. Christian Barbusiaux.

Une première convention d'objectifs et de gestion, en application de l'article 1002-4 du code rural, a été conclue le 30 juillet 1997 entre l'Etat et la CCMSA. Cette convention a défini, pour les années 1997 à 1999, les objectifs prioritaires de la MSA dans les domaines clés que sont la qualité du service rendu, la participation aux actions de maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance-maladie, la gestion administrative des caisses, la prévention et l'action sanitaire et sociale des caisses. Elle a également mis l'accent -à la suite du rapport de la Cour des comptes- sur la nécessité de la mise en place ou du renforcement du service de contrôle spécialisé dans les domaines de l'assujettissement aux régimes sociaux, de la vérification de l'assiette des cotisations sociales et de la lutte contre le travail dissimulé.

Un nouveau conseil d'administration, élu en décembre 1997, et qui a porté à sa tête Mme Jeannette Gros, s'appuie désormais sur une nouvelle équipe dirigeante, animée par M. Daniel Lenoir.

Un avenant n° 1 du 5 décembre 1997 à la convention d'objectifs et de gestion comporte des dispositions particulières au fonctionnement de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole. Ces dispositions prévoient le retour à l'équilibre financier en trois ans, l'évolution des structures liées à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole et organisent les relations avec les autorités de tutelle.

Le redressement de la Caisse centrale apparaît en bonne voie. Son retour à l'équilibre financier en l'an 2000 est possible. D'ores et déjà, une économie substantielle de 15 millions de francs a été réalisée sur le budget de 1998, grâce à une maîtrise des charges de fonctionnement. Cet effort important devra être poursuivi dans les années qui viennent.

Un rapport annuel d'exécution de la convention d'objectifs et de gestion a été transmis au ministre de l'agriculture le 14 septembre 1998.

L'adoption d'un nouveau règlement intérieur a permis au Conseil d'administration de retrouver la plénitude de ses pouvoirs.

b) L'adoption d'une nouvelle convention d'objectifs et de gestion

L'Etat et la CCMSA s'apprêtent à conclure une nouvelle convention d'objectifs et de gestion pour la période 1999/2001. Un projet a été présenté de manière très détaillée aux représentants des caisses de MSA, aux différents partenaires (organisations professionnelles agricoles, organismes de protection sociale) à l'occasion de l'Assemblée générale de la CCMSA du 4 novembre 1998, réunissant présidents, administrateurs et délégués élus de toute la France (près de 450 participants).

Cette nouvelle convention d'objectifs et de gestion vise à assurer une meilleure couverture sociale des ressortissants, à garantir les conditions favorables à leur santé, à développer l'action sanitaire et sociale, à améliorer le recouvrement des cotisations et, dans le cadre d'une ouverture internationale, à partager les expériences et le savoir-faire.

Elle vise également une meilleure efficacité du service aux ressortissants du régime agricole avec un engagement de qualité vis-à-vis d'eux tout en mobilisant les compétences internes et en modernisant la gestion des caisses de MSA.

La grande nouveauté sera sa déclinaison en contrats d'objectifs, conclus entre la CCMSA et chacune des caisses départementales, avant le 31 juillet 1999.

Une évaluation de la mise en oeuvre de la convention d'objectifs et de gestion sera effectuée à la fin de l'année 1999.

3. Les dépenses de gestion sont maîtrisées

Ces dépenses comprennent les charges administratives, les dépenses d'action sanitaire et sociale et les frais de contrôle médical.

La comparaison avec les dépenses de gestion du régime général est délicate pour deux raisons :

- les caisses effectuent à la fois le paiement des diverses prestations et le recouvrement des cotisations pour l'ensemble des salariés et des non-salariés agricoles ;

- la politique d'action sanitaire et sociale des caisses est centrée sur les besoins de la population agricole, passant davantage par l'intervention de personnels spécialisés que par l'attribution de prestations en espèces.

Après avoir augmenté de + 4,2 % en 1997, la progression des dépenses ralentirait en 1998 à + 1,5 %. Les budgets 1999 devraient continuer à s'inscrire dans une perspective de maîtrise des dépenses.

4. La mutualité sociale agricole fait preuve d'innovation en matière de politique de santé

La MSA a proposé les deux premiers réseaux de soins expérimentaux agréés par la commission Soubie, utilisant avec dynamisme les possibilités ouvertes par l'ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise des dépenses de soins.

La CCMSA et la confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD), en collaboration avec des organismes d'assurance maladie complémentaire ont élaboré un dispositif expérimental de prévention et de soins dentaires : " prophylaxie et soins dentaires chez l'enfant " . Ce projet a été approuvé le 17 mars 1998 par le conseil d'orientation des filières et réseaux de soins expérimentaux (" commission Soubie ") et a reçu l'agrément du ministère de l'emploi et de la solidarité par un arrêté du 3 septembre 1998.

Ce projet qui vise à empêcher ou à retarder l'apparition de la maladie carieuse par la technique du " scellement des sillons " sur les dents de 6 ans et de 12 ans, devrait débuter dès le 1 er janvier 1999.

La mutualité sociale agricole a également proposé un réseau gérontologique , qui a pour objet de permettre le maintien à domicile, le plus longtemps possible, dans des conditions sanitaires et sociales optimales, au plus grand nombre de personnes âgées dépendantes (30 % des personnes âgées de plus de 60 ans habitent dans des communes rurales souvent isolées).

Ce projet a reçu un avis favorable de la commission Soubie le 6 octobre 1998.

Votre commission ne peut que se féliciter de ce dynamisme, contrastant avec l'inertie du Gouvernement en la matière, dénoncée par notre excellent collègue M. Charles Descours à l'occasion de son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale en 1999 6( * ) , alors que l'ordonnance du 24 avril 1996 vise à expérimenter de nouveaux modes d'exercice de la médecine libérale, à la fois pour améliorer les soins et en diminuer les coûts.

5. Le développement d'une politique contractuelle ne peut réussir que si la tutelle reste " stratégique "

A l'occasion de la discussion par l'Assemblée nationale, en première lecture, du projet de loi d'orientation agricole, pas moins de cinq articles supplémentaires relatifs à la mutualité sociale agricole ont été ajoutés à l'initiative du Gouvernement, créant un chapitre V intitulé " Du fonctionnement des organismes de mutualité sociale agricole " au titre II relatif aux exploitations et aux personnes.

Sur la forme, cette insertion de dernière minute, dans un projet qui a été longuement préparé, est tout à fait critiquable. La Cour des comptes avait consacré des développements précis aux errements de la caisse centrale dans son rapport de septembre 1997. Le référé adressé le 5 novembre 1997 au ministre de l'agriculture faisait le point sur les insuffisances de la tutelle. En conséquence, il est étonnant de ne pas avoir prévu de telles dispositions dans le projet de loi initial, déposé le 10 juin 1998.

Sur le fond, un des articles additionnels apparaît, au premier abord, peu cohérent avec la volonté par ailleurs affirmée de rendre la tutelle plus " stratégique " ; cet article tendrait, en effet, à instituer un commissaire du Gouvernement auprès de la Caisse centrale, assistant aux séances de l'assemblée générale et du conseil d'administration.

Cette disposition semble particulièrement maladroite. Elle va à l'encontre de la responsabilisation des dirigeants d'un régime de protection sociale et d'investir encore davantage les exploitants agricoles dans la gestion de leur régime, à travers la nouvelle convention d'objectifs et de gestion. L'expérience des entreprises publiques montre d'ailleurs que la présence de représentants de l'Etat dans un conseil d'administration n'est en aucune façon une garantie.

La transmission préalable de l'ordre du jour et des documents mis en discussion -qui se pratique déjà- suffirait amplement.

Votre commission aura certainement l'occasion, dans le cadre de son avis au projet de loi d'orientation agricole, d'affiner ses analyses.

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Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Affaires sociales a émis, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption du projet de BAPSA pour 1999.


1 Pour les salariés, la CSG porte sur 95 % de l'assiette salariale.

2 Soit 37,5 années.

3 Ce terme étant celui utilisé en 1992-1993 par le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, qui était alors M. Jean Marmot.

4 Rapport n° 58 (1998 - 1999), tome I, p. 75.

5 Rapport A.N. n° 1058.

6 Rapport n° 58 (1998-1999), tome I, p. 172.



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