PJ loi de finances pour 1998

HYEST (Jean-Jacques)

AVIS 71 (98-99), TOME VIII - COMMISSION DES LOIS

Table des matières




N° 71

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VIII

TERRITOIRES D'OUTRE-MER

Par M. Jean-Jacques HYEST,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 34 ) (1998-1999).

Lois de finances.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 18 novembre 1998 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest , les crédits consacrés aux territoires d'outre-mer par le projet de loi de finances pour 1999.

Après avoir rappelé les principaux axes de l'effort budgétaire consenti en faveur des territoires d'outre-mer dans le projet de loi de finances pour 1999, M. Jean-Jacques Hyest a présenté l'évolution politique et institutionnelle de ces collectivités au cours de l'année écoulée ainsi qu'un bilan de l'application des lois et des réformes normatives les concernant.

La commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer par le projet de loi de finances pour 1999, aux montants proposés par la commission des Finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Comme chaque année, votre commission des Lois saisit l'occasion de l'examen du budget du ministère de l'outre-mer pour dresser un bilan de la situation des territoires d'outre-mer et réaffirmer d'une part, son profond attachement à la protection des intérêts propres de ces collectivités au sein de la République et, d'autre part, la nécessité d'actualiser le droit qui y est applicable afin de faire bénéficier les citoyens résidant dans ces territoires des avancées législatives adoptées pour la métropole.

L'année 1998 a ouvert une période de transition au cours de laquelle ces collectivités sont appelées à connaître d'importantes mutations statutaires et économiques vers davantage d'autonomie. Sous l'angle institutionnel, la Nouvelle-Calédonie a ouvert la voie avec la conclusion de l'Accord de Nouméa qui, approuvé massivement lors de la consultation du 8 novembre, se traduira par l'adoption d'un nouveau statut dans les mois à venir à la suite de la révision constitutionnelle intervenue au mois de juillet dernier. Une nouvelle modification de la Constitution pourrait être demandée pour favoriser l'évolution institutionnelle de la Polynésie française. Du point de vue économique, les améliorations conjoncturelles enregistrées depuis 1997 en Polynésie ont commencé à créer les conditions d'une reconversion après la fermeture définitive du Centre d'expérimentation du Pacifique, et en Nouvelle-Calédonie la conclusion de l'accord minier a rendu envisageable l'implantation d'une usine métallurgique en province nord.

Continuant à suivre avec une vigilante attention l'ensemble de ces évolutions dont elle souhaite ardemment qu'elles favorisent un développement équilibré de ces collectivités, votre commission tient à saluer, à l'occasion de ce rapport, le travail accompli pendant de nombreuses années par notre excellent collègue, M. Jean-Marie Girault, en faveur des territoires d'outre-mer.

Après avoir retracé les grandes lignes de l'effort financier consenti par l'État au bénéfice de ces collectivités (I), le présent avis présentera la situation politique et institutionnelle de chacune d'elles (II) ainsi que les réformes normatives contribuant à la préservation de leurs intérêts spécifiques (III).

I. LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER

A. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS

Selon le jaune annexé au projet de loi de finances pour 1999, les crédits alloués aux territoires d'outre-mer dans le budget de l'État au titre des dépenses ordinaires et des crédits de paiement (y compris les crédits non répartis et le coût de gestion des services métropolitains) s'élèvent au total à 10,753 milliards de francs, contre 10,716 milliards de francs dans le budget initial pour 1998, soit une très légère progression de 0,34%.

Les crédits consacrés aux territoires d'outre-mer dans le budget du ministère de l'outre-mer s'élèvent à 1,035 milliards de francs, soit près de 18,5% du montant global de ce budget. La forte progression de l'ordre de 7 % qui caractérise le budget de l'outre-mer pour 1999 bénéficie aux seuls départements d'outre-mer, le champ d'intervention de l'État dans les territoires d'outre-mer étant plus restreint, notamment en matière d'emploi et de logement. La part des crédits alloués aux territoires d'outre-mer dans ce budget subit même une baisse de 4,8 % qui s'explique pour l'essentiel par la non reconduction de la subvention versée à la Polynésie française au titre du fonds intercommunal de péréquation (FIP) : ce mécanisme, expirant au 31 décembre 1998, devra être reconduit par un collectif budgétaire après l'adoption du projet de loi organique relatif au régime communal polynésien.

Cette part des crédits du budget du ministère de l'outre-mer bénéficiant aux territoires d'outre-mer ne représente que 9,6 % de l'effort global consenti par le budget de l'État en faveur de ces collectivités. Quatre autres ministères, en effet, contribuent fortement à cet effort : le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (42,8 %, l'essentiel de l'effort concernant l'enseignement scolaire), le ministère de la défense (15,6 %), le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (13 %) et le ministère de l'intérieur (7,8 %). La contribution du ministère de la justice s'élève quant à elle à 1,73 %, en très légère progression par rapport à 1998 : l'intégration des agents territoriaux du service pénitentiaire de la Polynésie française dans le cadre des corps à statut d'Etat devrait être achevée en 1999.

Dans le budget du ministère de l'outre-mer, les crédits consacrés aux territoires d'outre-mer sont, depuis la révision de la nomenclature en 1996, répartis sous trois agrégats :

• L'agrégat Administration générale regroupe les crédits consacrés aux moyens de fonctionnement et au parc immobilier de l'administration centrale et des services déconcentrés du ministère de l'outre-mer, à la formation des agents, à l'action sociale, à l'assistance et à la solidarité en faveur des victimes de calamités naturelles. Les crédits figurant sous cet agrégat s'élèvent pour 1999 à 327,902 millions de francs, soit une progression de 2,89 % par rapport au projet de loi de finances initiale pour 1998.

• L'agrégat Collectivités locales regroupe les subventions aux budgets locaux des territoires d'outre-mer et les subventions à la section décentralisée du FIDES (Fonds d'investissement pour le développement économique et social). Les crédits qui y sont inscrits, s'élevant à 61,425 millions de francs pour 1999, diminuent de près de moitié. Cette forte régression résulte de la non reconduction, dans l'immédiat, de la subvention qui avait été allouée en 1998 à la Polynésie française pour alimenter le FIP : en effet, la loi du 5 février 1994 d'orientation pour le développement de la Polynésie française n'a prévu que jusqu'en 1998 le versement de cette subvention qui correspond à la prise en charge par l'État des deux quinzième de la quote-part des ressources fiscales reversées par le territoire aux communes.

• L'agrégat Développement économique et social regroupe les moyens d'intervention et les crédits d'investissement du ministère de l'outre-mer destinés à la mise en oeuvre de la politique de l'emploi, du logement social et du développement économique, dans le cadre des contrats de plan et des conventions de développement. Les crédits consacrés au financement de ces actions s'élèvent pour 1999 à 600,978 millions de francs, en légère diminution de 0,76 % par rapport à 1998. Cette baisse s'explique essentiellement par la réduction du montant de la subvention allouée à l'agence de développement de la culture canaque, du fait de l'achèvement du Centre culturel Jean-Marie Tjibaou 1( * ) , et à une diminution des crédits affectés à la section générale du fonds d'investissement pour le développement économique et social (FIDES).

B. LA RÉPARTITION DES CRÉDITS ENTRE LES TERRITOIRES

La répartition des crédits entre les quatre territoires dans le budget de l'outre-mer, conformément aux données inscrites dans le jaune, indique le montant des dépenses ordinaires et des crédits de paiement affectés à chacun, hors crédits non répartis (7,469 millions de francs en 1998 ramenés à 3,403 dans le projet de loi de finances pour 1999) et crédits correspondant au coût de gestion des services métropolitains (53,288 millions de francs en loi de finances initiale pour 1998 contre 54,141 pour 1999).

Plus de 61 % des crédits du budget de l'outre-mer vont à la Nouvelle-Calédonie, seule collectivité d'outre-mer à avoir échappé à la mesure d'étalement des contrats de plan sur une année supplémentaire et 28 % de ces mêmes crédits bénéficient à la Polynésie française.

AFFECTATION DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE L'OUTRE-MER

(hors crédits non répartis et coût de gestion des services métropolitains)

Territoire

1998

1999

Nouvelle-Calédonie

597,028

599,290

Polynésie française

326,787

275,180

Wallis-et-Futuna

44,166

44,792

T.A.A.F.

58,921

57,988

TOTAL

1.026,902

977,250

(en millions de francs)

VENTILATION PAR TERRITOIRE DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE GLOBAL CONSACRÉ AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER (hors crédits non répartis et coût de gestion des services métropolitains)

Territoire

1998

1999

Nouvelle-Calédonie

4.860,448

4.855,941

Polynésie française

5.255,748

5.290,233

Wallis-et-Futuna

352,510

356,877

T.A.A.F.

95,862

94,842

TOTAL

10.564,568

10.597,893

(en millions de francs)

Comme les années précédentes, l'effort consenti par l'ensemble des ministères en faveur des territoires d'outre-mer bénéficie en premier lieu à la Polynésie française.

II. LA SITUATION DE CHAQUE TERRITOIRE

A. LA NOUVELLE-CALÉDONIE

L'année 1998 constitue une année charnière pour la Nouvelle-Calédonie : la reprise des négociations politiques entre les partenaires signataires des accords de Matignon-Oudinot, suspendues depuis le printemps 1996, a permis d'aboutir à une solution consensuelle permettant d'éviter un " référendum couperet " qui s'est concrétisée par la conclusion de l'Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998. A la suite de cet accord, une révision de la Constitution a été adoptée par le Parlement, réuni en Congrès à Versailles le 6 juillet, qui fait de la Nouvelle-Calédonie une collectivité sui generis . N'appartenant plus à la catégorie juridique des territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie se verra bientôt dotée d'un nouveau statut qui sera examiné par le Parlement en fin d'année et au début de l'année prochaine.

1. De la reprise des négociations politiques à l'Accord de Nouméa

Le FLNKS (Front de libération nationale kanak socialiste) avait, le 19 avril 1996 , provoqué la suspension des négociations politiques sur l'avenir institutionnel du territoire entamées la veille, trois de ses quatre composantes posant comme préalable à la reprise des discussions le règlement du dossier relatif à l'accès à la ressource minière en vue de la création d'une usine de traitement du nickel dans la province nord.

FLNKS et RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République) défendaient alors des positions diamétralement opposées concernant l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, le premier demandant une solution négociée consacrant l'existence d'un État associé dès 1998, le second étant favorable à une émancipation dans le cadre de la République française avec une prolongation des accords de Matignon permettant d'éviter l'intervention d'un référendum-couperet en 1998.

Afin de lever ce préalable minier , M. Lionel Jospin, Premier ministre, nommait, le 9 juillet 1997, M. Philippe Essig comme médiateur pour rechercher une issue à ce dossier. Ce dernier devait, le 1er novembre 1997, remettre son rapport proposant un projet d'accord sur l'échange de massifs miniers et la réalisation d'une usine métallurgique en province nord. Au terme de près de deux ans de négociations, les " accords de Bercy " étaient signés, le 1er février 1998 , le groupe Eramet, détenu en majorité par l'État, et la société SMSP (Société minière du sud Pacifique) convenant d'un échange de gisements permettant d'envisager la construction de l'usine du nord.

Les négociations sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ont ainsi pu reprendre le 24 février 1998 . Après plusieurs semaines de discussions, un accord a été trouvé le 21 avril 1998 : l'Accord de Nouméa, signé conjointement par l'ensemble des partenaires le 5 mai 1998 lors du déplacement du Premier ministre en Nouvelle-Calédonie. Cet accord a consacré la solution consensuelle appelée de leurs voeux par l'ensemble des partenaires afin d'éviter le référendum d'autodétermination prévu par l'article 2 de la loi statutaire du 9 novembre 1988.

Pour autant, les négociations longues et délicates menées depuis 1996 n'ont pas été sans incidences sur la vie politique locale .

Au mois de novembre 1997, MM. François Burck, président de l'Union calédonienne (UC), et Léopold Jorédié, président de l'assemblée de la province nord, rejoignant la position prise par le Palika, l'une des composantes du FLNKS, ont contesté que le règlement du dossier minier soit présenté comme un préalable à la reprise des négociations politiques par le front indépendantiste. Le FLNKS a alors connu d'importantes dissensions : un comité de coordination des indépendantistes (CCI) auxquels ont adhéré plusieurs dirigeants du mouvement indépendantiste tels que MM. François Burck, Léopold Jorédié, Raphaël Mapou (vice-président du Palika) ou encore Nidoïsh Naisseline (président de la province des Iles) s'est créé le 26 décembre 1997 en vue de poursuivre les négociations politiques sans attendre la levée du préalable minier. Le congrès du FLNKS, repoussé à plusieurs reprises, s'est enfin tenu le 14 février 1998 : à cette occasion, son président, M. Roch Wamytan, a été reconduit et le front indépendantiste a accueilli dans ses rangs une nouvelle composante, le Rassemblement démocratique océanien (RDO).

En dépit de la conclusion de l'Accord de Nouméa, une restructuration des forces politiques s'est opérée. Les dissidents du FLNKS ont créé, le 30 mai 1998, un nouveau parti, la Fédération des comités de coordination des indépendantistes (FCCI), présidé par M. Raphaël Mapou. Une dissidence a également frappé l'UNCT (Une Nouvelle-Calédonie pour tous), parti anti-indépendantiste fondé en 1995 par M. Didier Leroux pour " proposer une alternative non indépendantiste à la toute-puissance du RPCR " : troisième force politique calédonienne avec 6 élus sur 54 au congrès du territoire, trois d'entre eux ont créé le 29 mai 1998 un nouveau parti, dénommé " Renouveau ".

Cette recomposition du paysage politique calédonien a abouti à d'importantes modifications au sein du bureau du congrès du territoire . M. Simon Loueckhote (RPCR), Sénateur de la Nouvelle-Calédonie, a succédé à M. Harold Martin (RPCR) à la présidence du congrès. Le nouveau bureau du congrès ne comporte plus d'élu membre du FLNKS alors que ce mouvement détenait auparavant trois vice-présidences. Sur les huit postes de vice-président du bureau élu le 2 juin 1998, cinq sont membres du RPCR et les trois autres, élus avec les voix du RPCR, appartenant respectivement au FDIL (Front de Développement des Îles Loyauté), à Renouveau et à la FCCI.

2. L'Accord de Nouméa et la révision de la Constitution

L'accord de Nouméa , conclu le 21 avril 1998 et signé par l'ensemble des partenaires lors du déplacement du Premier ministre à Nouméa le 5 mai 1998, se compose d'un préambule et d'un document d'orientation.

Le préambule retrace les circonstances historiques de l'appropriation de la Nouvelle-Calédonie par la France. Reconnaissant " les ombres de la période coloniale " mais également ses apports, il affirme la nécessité de " poser les bases d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie " permettant " la refondation d'un contrat social entre toutes les communautés " pour l'affirmation d'un " destin commun ". Il indique que la solution négociée " définit pour vingt années l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation ", l'équilibre institutionnel imaginé traduisant une nouvelle étape vers une éventuelle émancipation et la question de l'accès à la souveraineté devant être soumise, au terme de la période, à l'approbation des populations intéressées. Il précise que la Nouvelle-Calédonie continuera à bénéficier, pendant ces vingt ans, de l'aide de l'État.

Le document d'orientation , qui constitue le second volet de l'accord, définit les principes de l'organisation politique et sociale de la Nouvelle-Calédonie pour les vingt prochaines années.

Il traite tout d'abord, sous différents aspects, de l'identité kanak : statut civil coutumier, droit coutumier et structures coutumières, création d'un Sénat coutumier, promotion du patrimoine culturel kanak, régime foncier des terres coutumières, signes identitaires.

Une nouvelle organisation institutionnelle est ensuite définie, l'accord reconnaissant une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, traduction d'une communauté de destin et fondement des restrictions apportées au corps électoral et à l'accès à l'emploi local. A côté du congrès, assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie et émanation des assemblées de provinces, et du Sénat coutumier, le pouvoir exécutif est exercé par un gouvernement collégial. Les actes les plus importants du congrès, dénommés " lois du pays ", pourront être soumis, avant leur promulgation, au contrôle du Conseil constitutionnel. Les transferts de compétences de l'État vers la Nouvelle-Calédonie sont organisés : seules les compétences régaliennes telles que la justice, l'ordre public, le défense, la monnaie et les affaires étrangères seront exercées par l'État jusqu'à l'expiration de la période de vingt ans.

L'Accord de Nouméa prévoit en outre de mettre à la disposition de la Nouvelle-Calédonie les moyens de son émancipation en matière économique, sociale et culturelle.

Le processus de mise en oeuvre de l'Accord de Nouméa a immédiatement été engagé : un projet de loi constitutionnelle a ainsi été soumis au Parlement avant l'été 2( * ) . La loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie a été adoptée à une très large majorité lors du congrès de Versailles du 6 juillet. Elle a rétabli un titre XIII dans la Constitution intitulé " Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie ".

L'article 76 inséré dans ce titre XIII prévoit que seront appelées à se prononcer avant le 31 décembre 1998 sur les dispositions de l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 et que seront admises à participer au scrutin les personnes remplissant les conditions fixées à l'article 2 de la loi du 9 novembre 1988 (justifier de dix ans de résidence continue sur le territoire).

En vue de cette consultation , dont la date a été fixée au 8 novembre , une commission de contrôle de l'organisation et du déroulement de la consultation, constituée de quatre magistrats, a habilité neuf partis politiques à participer à la campagne électorale officiellement ouverte le 19 octobre. Cinq formations ont milité en faveur du " oui " : le RPCR, le FLNKS, le LKS (parti de Libération Kanak Socialiste), la FCCI et Renouveau. Trois ont appelé à voter " non " : l'UNCT, le Front national et le Mouvement pour la France (MPF), le parti Développer Ensemble pour Construire l'Avenir (DECA) restant partagé. Sur les 106.706 électeurs inscrits sur les listes électorales (65.401 résidant en province sud, 25.660 en province nord et 15.645 dans la province des îles), le taux de participation s'est élevé à 74,23 % , soit onze points de plus qu'au référendum de 1988 sur les accords de Matignon. Les électeurs calédoniens ont massivement approuvé l'accord de Nouméa, le " oui " ayant recueilli 71,87 % des voix. Alors qu'en 1988 six communes, dont Nouméa, avaient exprimé un vote de rejet, le " oui " est cette fois majoritaire dans chacune des trente-trois communes. Ces résultats recouvrent cependant une disparité de situations entre les trois provinces : le taux de participation, de plus de 80 % en province sud et dépassant 73 % en province nord n'a pas atteint 50 % dans la province des îles ; par ailleurs, si le " oui " obtient près de 87 % en province nord et plus de 95 % dans la province des îles, où la population est majoritairement d'origine mélanésienne, le " non " recueille 37 % en province sud.

A la suite de cette consultation, le projet de loi organique définissant le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie doit être adopté en conseil des ministres le 25 novembre et déposé sur le bureau du Parlement avant la fin de l'année pour une mise en place des institutions au milieu de l'année 1999.

3. La poursuite du rééquilibrage économique entre les provinces

a) La poursuite de la politique contractuelle

L'article 85 de la loi référendaire du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie dispose que des contrats de développement déterminent les actions à engager pour atteindre un certains nombre d'objectifs : Favoriser un rééquilibrage du territoire par rapport à l'agglomération chef-lieu et améliorer les infrastructures pour permettre le désenclavement des populations isolées. L'effort devra porter, d'une part, sur l'aménagement des voies routières transversales et la réalisation des équipements, y compris portuaires, nécessaires au développement d'un centre urbain dans la province nord, d'autre part, sur le renforcement des infrastructures communales et provinciales d'adduction d'eau, d'assainissement, de communication et de distribution électrique . Pour atteindre ces objectifs et en application de l'article 84 de la loi précitée, des conventions et des contrats de développement ont été conclus entre, d'une part, l'État et le territoire, et d'autre part, l'État et chacune des trois provinces.

Après une série de contrats couvrant la période 1990-1992, de nouveaux contrats ont été conclus pour la période 1993-1997 : une convention de développement entre l'État et le territoire en date du 8 juin 1993 et trois contrats entre l'État et les provinces en date du 4 février 1993. Le montant total des aides contractualisées pour cette dernière période s'élève à 3,9 milliards de francs, dont 1,65 milliards de francs représentant la contribution de l'État, 1,07 milliards de francs étant imputés sur le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer. Au 31 décembre 1997, 68% des crédits de l'État avaient été engagés et 50% des paiements avaient été effectués.

Les trois contrats de développement État-provinces représentent un montant de 2,603 milliards de francs dont 1,426 milliards, soit 55 %, sont à la charge de l'État et 1.177 milliards, soit 45 %, sont assumés par les provinces. La convention État-territoire correspond quant à elle à un montant de 520 millions de francs, dont 47 % à la charge de l'État.

La mise en oeuvre des contrats de développement des provinces est cependant freinée, la province nord éprouvant des difficultés à mobiliser ses propres fonds, les opérations relatives au logement ayant pris du retard en province sud et la complexité des problèmes fonciers ralentissant l'avancée des projets dans la province des îles.

En 1998 , il a été décidé de prolonger d'une année la durée des contrats de développement , soit une participation supplémentaire de l'État de 318 millions de francs. Une nouvelle prorogation sera décidée pour 1999 , une nouvelle génération de contrats devant débuter en 2000 aux termes de l'Accord de Nouméa. Le point 4.2 de cet accord prévoit en effet que " des contrats de développement pluriannuels seront conclus avec l'État ", susceptibles de " concerner la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes " et tendant à " accroître l'autonomie et la diversification économiques ".

b) L'aide globale de l'État à la Nouvelle-Calédonie et le bilan des accords de Matignon

Sur la période 1989-1998 , soit en dix ans, le montant cumulé des dotations inscrites au chapitre du budget de l'outre-mer intitulé " Actions diverses pour le développement de la Nouvelle-Calédonie " a atteint 3,625 milliards de francs en autorisations de programme et 3,134 milliards de francs en crédits de paiement .

Si ce chapitre constitue la base budgétaire de mise en oeuvre des accords de Matignon pour le financement des aides aux dépenses de fonctionnement et d'investissement, il ne couvre qu'environ 10% de l'effort global consenti par l'État sur la période, soit environ 35 milliards de francs , hors pensions civiles et dépenses militaires. Sur ce montant, 28 milliards de francs correspondent à des dépenses non spécifiques de l'État (10 milliards : exercice par l'État de ses attributions propres, en matière d'enseignement notamment ; 17 milliards : traitements des fonctionnaires de l'État ; 6 milliards : dépenses de fonctionnement ; 2 milliards : dépenses d'investissement ; 3 milliards: DGE et DGF versées aux communes). Restent donc 7 milliards qui représentent l'aide apportée aux institutions de la Nouvelle-Calédonie et s'ajoutent à l'aide supplémentaire liée à la mise en oeuvre des accords de Matignon.

Il convient de préciser que les aides ont été affectées plus que proportionnellement (60%) à la province nord et à la province des îles qui ne regroupent que le tiers de la population . Pour ces deux provinces, on estime que les accords de Matignon ont conduit au moins à tripler l'aide par personne.

Cette période de dix ans a permis d'obtenir des résultats significatifs en matière de rééquilibrage du territoire . D'importants équipements ont été réalisés : construction des bâtiments nécessaires aux services administratifs de chaque province ; création et modernisation d'hôpitaux et de dispensaires ; construction de collèges, de lycées et de bâtiments universitaires permettant d'améliorer les conditions de scolarisation sur l'ensemble du territoire ; amélioration des dessertes entre les provinces, en particulier des liaisons routières entre les côtes Est et Ouest du " caillou ". Certaines zones restent cependant à désenclaver et l'électrification rurale doit être parachevée.

Si le taux d'occupation des fonctions d'encadrement administratif par des personnes originaires de la Nouvelle-Calédonie a bien progressé, un effort de rattrapage demeure nécessaire pour les cadres techniques supérieurs des collectivités. Il en est de même en matière de services rendus à la population (seuls deux médecins mélanésiens exercent à ce jour en Nouvelle-Calédonie).

En outre, peu d'entreprises sont implantées hors du grand Nouméa car les freins restent importants (faible densité de la clientèle potentielle, coût des transports, obstacles culturels à la mobilité de la main d'oeuvre). La création d'une usine métallurgique en province nord à la suite de l'accord minier intervenu entre Eramet et la SMSP est donc porteuse d'espoir pour parvenir au rééquilibrage entre les provinces.

Plusieurs organismes ont été créés en Nouvelle-Calédonie pour contribuer à faire progresser ce rééquilibrage. On peut en particulier citer l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF) et l'Institut calédonien de participation (ICAP), instaurés par la loi référendaire du 9 novembre 1988. Sur les quelque 83 500 hectares attribués par l'ADRAF entre 1989 et 1996, 81,7% de ces terres ont été accordés à des mélanésiens. L'ICAP est quant à lui intervenu dans de nombreux secteurs (agriculture, élevage, pêche, aquaculture, artisanat, tourisme...) pour promouvoir les projets concourant au rééquilibrage économique ; de 1989 à 1996, sur 209 opérations réalisées, 99 l'ont été en province nord et 47 dans la province des îles.

Pour aider les provinces et le territoire à définir les investissements productifs et à accompagner la réalisation des projets de développement, un poste de commissaire au développement économique de la Nouvelle-Calédonie a par ailleurs été créé par un décret du 23 février 1995. Ce commissaire, nommé pour trois ans renouvelables, est placé auprès du haut-commissaire de la République. Pour accomplir sa tâche, il bénéficie du soutien de l'ADECAL (Agence pour le Développement Économique de la Nouvelle-Calédonie), association regroupant l'ensemble des interlocuteurs politiques, économiques et sociaux concernés.

B. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

1. Les évolutions institutionnelles et politiques

a) La mise en oeuvre du nouveau statut

Voici désormais plus de deux ans que le nouveau statut , instauré par deux lois du 12 avril 1996 , l'une organique, l'autre simple complétant la première, renforçant l'autonomie et modernisant le fonctionnement des institutions de la Polynésie française est entré en vigueur. Ses nouvelles dispositions reçoivent progressivement leur pleine application.

Ainsi sont mises en oeuvre les compétences élargies dont le territoire a été doté :

- en matière de transports aériens internationaux : le président du gouvernement de la Polynésie française a signé un accord avec l'Australie le 21 février 1997 pour permettre le développement des relations aériennes régionales et le conseil des ministres de la Polynésie française a approuvé le 1er avril 1998 les programmes d'exploitation et les tarifs proposés par les compagnies Quantas, AOM et Air France ;

- dans le domaine diplomatique : en application de l'article 40 de la loi organique du 12 avril 1996, le président du gouvernement de la Polynésie française a signé les trois protocoles additionnels au traité de Rarotonga établissant une zone exempte d'armes nucléaires dans le Pacifique sud ;

- en matière de domaine public maritime : en application de l'article 7 de la loi organique, l'assemblée de la Polynésie française a adopté, le 20 février 1997, une délibération réglementant l'exploitation des ressources de la mer territoriale et de la zone économique exclusive ;

- la commission paritaire de concertation entre l'État, le territoire et les communes instaurée par l'article 91 de la loi organique, réunie pour la première fois le 29 août 1997, a examiné une série de dossiers consacrés à l'éducation, l'adduction d'eau, le traitement des déchets, l'assainissement, la circulation routière et le développement des archipels. Elle s'est réunie à nouveau les 14 et 26 novembre 1997 et le 25 juin 1998 pour débattre de l'alimentation en eau potable des communes et des cantines scolaires ;

- en application de l'article 96 de la loi organique, le territoire a signé le 28 janvier 1998 une convention d'assistance financière avec la commune de Nuku Hiva aux Marquises pour la réalisation de travaux d'adduction d'eau. Le territoire a par ailleurs créé une délégation au développement des communes ayant pour objet d'instruire les projets d'équipement des communes auxquels il apporte sa participation financière ;

- en matière de sécurité civile , un groupe de travail a été mis en place pour définir les modalités de mise en oeuvre des dispositions statutaires concernant la gestion des risques majeurs et des catastrophes naturelles et la coordination des moyens ;

- concernant les deux procédures, l'une administrative (article 113), l'autre juridictionnelle (article 114), prévoyant la saisine pour avis du Conseil d'État sur les actes soulevant une question de répartition des compétences , le décret n° 97-30 du 13 janvier 1997 a précisé les conditions d'application des dispositions statutaires.

Trois dossiers ont depuis lors fait l'objet de la procédure de l'article 113 dans les matières suivantes : réglementation des jeux de hasard proposés pendant la durée et dans l'enceinte des fêtes foraines ou traditionnelles (compétence territoriale pour fixer les règles applicables aux loteries autres que celles relatives au contrôle de leur installation et de leur fonctionnement, qui relèvent de la compétence de l'État), recherche et constatation des infractions à la réglementation territoriale pour la protection des végétaux (compétence de l'État), création du service d'assistance et de sécurité du territoire chargé d'une mission de police et délivrance des autorisations de port d'arme aux agents de ce service (compétence de l'État).

Quatre autres dossiers ont donné lieu à l'application de l'article 114 à l'occasion de recours portés devant le tribunal administratif de Papeete sur les sujets suivants : compétence du service territorial des affaires sociales en matière d'adoption (compétence territoriale), légalité des mesures de saisie et d'exécution d'office opérées par les agents habilités et assermentés du service d'hygiène et de salubrité publiques dans le cadre d'une police sanitaire (compétence de l'État), fixation du taux d'alcoolémie dans le sang en matière de sécurité routière (compétence de l'État), création de groupements d'intérêt public (compétence de l'État).

L'ensemble du dispositif statutaire fonctionne de façon satisfaisante , permettant une meilleure sécurité juridique dans la mise en oeuvre de la répartition des compétences et une concertation plus efficace des différents acteurs en vue du développement économique du territoire. En dépit du caractère récent de ce nouveau statut renforçant l'autonomie de la Polynésie française, une nouvelle évolution pourrait être demandée au cours des prochains mois dans le prolongement de ce qui a été adopté pour la Nouvelle-Calédonie. Une telle éventualité est d'ailleurs inscrite dans l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie qui concluait : " Une démarche analogue pourra être suivie afin de favoriser l'évolution institutionnelle d'autres territoires d'outre-mer. "

b) Le paysage politique polynésien

Le renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française intervenu le 12 mai 1996 , avait confirmé une certaine bipolarisation du paysage politique polynésien, le Tahoeraa, parti de M. Gaston Flosse, président du gouvernement de la Polynésie française, ayant obtenu la majorité absolue avec 22 sièges sur les 41 composant l'assemblée (contre 18 précédemment) et le Tavini, parti indépendantiste présidé par M. Oscar Temaru, ayant plus que doublé le nombre de ses élus territoriaux en emportant 10 sièges (contre 4 auparavant).

Le tribunal administratif de Papeete a cependant annulé le 25 mars 1997 les opérations électorales dans deux des cinq circonscriptions de la Polynésie française, celle des îles Sous-le-Vent (8 conseillers) et celle des îles Marquises (3 conseillers). Le Conseil d'État ayant confirmé en appel les deux décisions d'annulation le 18 février 1998, un décret du 5 mars a convoqué les électeurs de ces circonscriptions pour un renouvellement partiel le 24 mai.

Aux Marquises, les trois conseillers dont l'élection avait été invalidée (deux appartenant au Tahoeraa et un membre du parti marquisien) ont été réélus. Aux îles Sous-le-Vent, le Tahoeraa a remporté 6 des 8 sièges à pourvoir, soit un gain d'un siège par rapport à 1996, le Tavini obtenant 2 sièges. A l'issue de ce scrutin, le Tahoeraa conserve la majorité absolue à l'assemblée de la Polynésie française avec 25 sièges dont un apparenté.

M. Gaston Flosse , président du gouvernement de la Polynésie française et maire de Pirae, a par ailleurs été élu sénateur de la Polynésie française au mois de septembre, M. Daniel Millaud ne se représentant pas.

2. Le décollage de l'économie polynésienne et les concours financiers de l'État

a) Une situation économique encourageante

Après la fermeture définitive des deux sites d'essais nucléaires de Mururoa et Fangataufa intervenue au cours de l'été 1998 , la source de transferts financiers que constituait le fonctionnement du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) (versements au budget du territoire correspondant aux taxes de nature douanière frappant les matériels introduits en Polynésie ; commandes passées à des entreprises locales ; emplois procurés à des personnels locaux bénéficiant souvent, de ce fait, d'une formation professionnelle ; retombées, pour l'économie locale, des rémunérations versées aux personnels d'origine métropolitaine résidant temporairement en Polynésie) est désormais tarie. Entre les mois de juillet 1966 et juillet 1995, la France aura effectué 193 essais nucléaires dont 137 essais souterrains. A la suite de l'arrêt complet annoncé le 29 janvier 1996, la France a été, avec la Grande-Bretagne, le premier pays doté d'armes nucléaires à ratifier le traité d'interdiction.

Les autorités polynésiennes ont dès lors entrepris, avec le concours de l'État, d'élaborer un plan stratégique de développement et de diversification de l'économie.

Concernant les activités tournées vers l'exportation , l'effort porte essentiellement sur les produits de la mer. La production et la commercialisation de la perle noire sont ainsi en croissance continue : premier poste à l'exportation, les revenus procurés à la Polynésie par cette activité ont plus que triplé entre 1991 et 1997. La pêche hauturière se développe également mais l'insuffisance des infrastructures portuaires et de fret aérien constituent des freins sérieux à son développement. L'Institut d'Émission d'Outre-mer (IEOM) souligne cependant " la naissance d'une véritable industrie locale d'exportation de poissons frais et congelés " en indiquant que la Polynésie a exporté au cours des neuf premiers mois de l'année 1997 712 tonnes de poissons, soit autant que pendant les cinq dernières années. Dans le secteur agricole, la recherche d'une valorisation des productions traditionnelles telles que le coprah et le monoï doit être complétée par des productions nouvelles (fruits, jus de fruits, fleurs). Le " nono " en particulier, fruit polynésien destiné à la fabrication d'un poisson vitaminé et diététique, est très apprécié des Américains dont la demande ne cesse de croître.

L'IEOM note par ailleurs une reprise de l'activité touristique (augmentation de 35% du taux de fréquentation de la petite hôtellerie et des pensions de famille) et du secteur du bâtiment et des travaux publics . Avec la fin des essais nucléaires et grâce à l'amélioration du parc hôtelier et des capacités de transports intérieurs, 180.000 visiteurs ont séjourné sur le territoire en 1997. Il souligne également les bons résultats obtenus par les exportations polynésiennes qui ont augmenté de 16% en volume et de 34% en valeur.

b) Le soutien financier de l'État lié à la fermeture du Centre d'Expérimentation du Pacifique (C.E.P.)

L'arrêt définitif des essais nucléaires en janvier 1996 et la fermeture du C.E.P. ayant mis un terme aux transferts financiers induits, le principe d'une compensation financière devant permettre à l'économie polynésienne d'organiser sa reconversion a été décidé et une convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française a été signée le 25 juillet 1996 entre le Premier ministre et le président du gouvernement de la Polynésie française, fixant à 990 millions de francs le montant du versement annuel devant bénéficier pendant dix ans au territoire. Cette somme se décompose en trois enveloppes, la somme forfaitaire annuelle étant répartie de la façon suivante pour 1997 :

- le versement compensatoire des pertes de recettes douanières résultant de la fermeture du C.E.P. atteint 223,52 millions de francs ;

- la deuxième enveloppe, tendant à compenser la disparition de l'activité de formation que le centre dispensait aux personnels recrutés au titre du service militaire adapté (SMA), s'élève à 57,3 millions de francs ;

- les dépenses induites par la fermeture du CEP (démantèlement des installations, indemnités de départ octroyées au personnel qui avait été recruté localement ...) ont atteint 552 millions de francs en 1997. Vient s'y ajouter une somme de 157,3 millions de francs correspondant au solde de la compensation, consacrée à l'alimentation d'un fonds de reconversion d'aide à la création et au développement d'activités pourvoyeuses d'emplois, en particulier dans les domaines du tourisme, de l'agriculture et du logement.

Un comité de gestion du fonds de reconversion , co-présidé par le haut-commissaire et le président du gouvernement de la Polynésie française, a été mis en place le 15 juillet 1997 et un délégué au développement économique et social de la Polynésie française a été nommé.

En outre, un programme stratégique pour le renforcement de l'autonomie économique polynésienne a été établi par le territoire en concertation avec l'État et publié au Journal officiel du territoire le 11 août 1997. Il repose sur cinq grandes orientations : créer un environnement macro-économique favorable au développement du secteur productif ; développer les infrastructures nécessaires à la mise en oeuvre et au fonctionnement de ce secteur ; maintenir une cohésion sociale en répondant au défi du chômage et de la pénurie d'habitat social ; assurer la cohérence des actions menées par le territoire et les communes ; garantir les conditions d'un développement géographique équilibré dans l'ensemble des archipels.

L'ensemble des mesures, arrêtées d'un commun accord entre l'État et le territoire, doivent permettre d'organiser la mutation économique de la Polynésie française. Les premières actions envisagées sont : l'aménagement du port de pêche de Papeete, l'assainissement de Moorea, le réaménagement du port et du centre ville d'Uturoa à Raiatea, l'assainissement de Bora-Bora, l'aménagement d'aéroports à Ravaivae et Rapa aux Australes, l'extension des aéroports d'Hiva-Oa et de Ua Pou aux Marquises, le développement d'une base de pêche aux Marquises et l'amélioration de la route reliant l'aéroport de Terre déserte à Taiohae à Nuku-Hiva.

c) La poursuite de la politique contractuelle

Le dispositif contractuel relatif à la Polynésie française résulte du contrat de développement du 2 mai 1994 , conclu entre l'État et le territoire en application de l'article 8 de la loi n° 94-99 du 5 février 1994 d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, et du contrat de ville concernant la zone urbaine de Papeete conclu le 30 août 1994 et inclu dans le contrat de développement. La durée d'exécution de ces contrats a été portée de cinq à six ans en vertu de la décision d'étalement sur une année supplémentaire de l'ensemble des engagements pluriannuels de l'État intervenue au cours de l'été 1997.

Ce contrat de développement s'articule autour de trois programmes d'intervention d'un coût total sur la période de 3.012 millions de francs , dont 1.507 millions de francs à la charge de l'État (683 millions de francs sur le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer) : le développement économique, en particulier dans les domaines du tourisme, de l'agriculture et de la formation professionnelle ; l'équipement du territoire et le désenclavement des archipels ; l'insertion sociale.

Au 31 décembre 1997, le taux d'engagement financier s'élevait à 59,5%. La relative faiblesse de ce taux est due, en partie, au retard pris sur les opérations concernant le logement social. Selon les informations délivrées par le secrétariat à l'outre-mer, les problèmes techniques à l'origine de ce retard auraient été résolus en 1998. Des discussions devraient s'engager cette année pour l'élaboration d'un nouveau contrat de développement.

C. WALLIS ET FUTUNA

1. La situation institutionnelle et politique

Ce territoire demeure régi par la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961, modifiée successivement par les lois du 29 décembre 1971, du 26 juin 1973, du 18 octobre 1978 et par la loi organique du 20 février 1995.

Alors qu'au début des années 1980 avait été évoquée la possibilité d'une révision de ce statut, ces velléités sont restées sans lendemain. Bien que le président de l'assemblée territoriale ait proposé aux élus, lors de son déplacement à Paris au mois de juin 1996 et après consultation des autorités coutumières et religieuses, d'engager une réflexion sur les réformes à envisager, la question statutaire n'a pas été abordée lors de la mission effectuée par une délégation de l'assemblée territoriale en novembre 1996 ni lors de la campagne électorale organisée pour le renouvellement de cette assemblée en mars 1997.

A l'occasion de sa visite à Wallis-et-Futuna du 6 au 9 mai 1998 , M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'État à l'outre-mer , a rappelé lors de la séance solennelle à l'assemblée territoriale qu'il y avait lieu de réfléchir ensemble à l'avenir du territoire dans le respect de la tradition et de la coutume. Il a précisé que le Gouvernement se tenait à l'écoute des propositions qui pourraient être faites afin de confier aux élus une plus grande responsabilité dans les choix concernant cet avenir et dans l'exécution des décisions prises par l'assemblée territoriale.

Au début du mois de juin 1998 , une délégation d'une dizaine de chefs coutumiers conduite par deux des trois rois de Wallis-et-Futuna , a effectué un séjour à Paris de deux semaines au cours desquelles elle a été reçue successivement par le Président de la République, le Premier ministre et le secrétaire d'État à l'outre-mer. La délégation a fait part de sa vive inquiétude suscitée par la conclusion de l'accord de Nouméa, la Nouvelle-Calédonie abritant une importante communauté wallisienne et futunienne (plus de 17.000 personnes), plus nombreuse que celle résidant à Wallis-et-Futuna (quelque 15.000 personnes) 3( * ) . Les entretiens ont également porté sur les perspectives de développement économique du territoire, le secteur de la pêche notamment. Le Premier ministre a rappelé le 11 juin que la communauté wallisienne et futunienne implantée en Nouvelle-Calédonie avaient les mêmes droits que tous les citoyens français et que les deux collectivités pourraient passer des conventions pour régler les modalités de leur coopération.

Lors du renouvellement de l'assemblée territoriale intervenu le 16 mars 1997 , le scrutin avait été marqué par une forte participation (87,21 % de votants sur 7.645 inscrits). 12 des 20 membres composant l'assemblée avaient été reconduits pour cinq ans, le RPR emportant une majorité de 14 sièges sur 20, soit cinq de plus qu'aux précédentes élections, les 6 autres revenant aux candidats socialistes et divers gauche. M. Victor Brial (RPR), originaire de Futuna, avait été élu président de l'assemblée territoriale avant d'être élu député de Wallis-et-Futuna en juin 1997.

Cependant, le conseil du contentieux administratif, juge de l'élection, saisi de contestations des opérations électorales, a annulé les élections dans quatre circonscriptions sur cinq. Le Conseil d'État, saisi en appel, a statué le 8 juillet 1998, confirmant les décisions d'annulation pour les circonscriptions d'Alo (4 sièges), de (3 sièges) et de Hahake (4 sièges). Il a en revanche validé les élections de la circonscription de Mua (6 sièges). Des élections partielles ont ainsi été organisées le 6 septembre 1998 afin de pourvoir 11 des 20 sièges de l'assemblée territoriale . Ces élections partielles, pour lesquelles le taux de participation s'est élevé à 84,77%, ont reconduit une majorité de droite à l'assemblée territoriale (11 sièges sur 20). La nouveauté de ce scrutin consistait dans la présence, parmi les dix-huit listes qui s'affrontaient, de deux listes exclusivement constituées de responsables coutumiers.

Concernant la représentation du territoire de Wallis-et-Futuna au Sénat , M. Basile Tui (UDF) avait succédé à M. Sosefo Makape Papilio, sénateur depuis 1971 décédé le 5 avril 1998. Lors du renouvellement triennal du 27 septembre dernier, les vingt-et-un grands électeurs ont élu au deuxième tour M. Robert Laufoaulu , frère de l'ordre du Sacré-Coeur qui dirige l'enseignement catholique local. Cette désignation témoigne de l'influence très forte de la religion catholique dans les deux îles. L'élection de M. Robert Laufoaulu fait cependant à ce jour l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil constitutionnel.

2. La politique contractuelle de développement

Si dans les territoires d'outre-mer les infrastructures relèvent généralement de la compétence locale, l'importance des besoins en matière de désenclavement interne et externe à Wallis-et-Futuna a été reconnue par l'État qui s'est engagé à participer à leur financement, pour l'essentiel dans un cadre contractuel.

Un contrat de plan associant l'État et le territoire, signé le 14 novembre 1994 s'articule ainsi autour de quatre objectifs essentiels : l'éducation et le développement du sport, l'emploi et la formation professionnelle, les infrastructures, l'environnement. Ce contrat couvrant la période 1994-1998 doit contribuer au développement du territoire à hauteur de 72,6 millions de francs , dont 58 à la charge de l'État (18,15 millions de francs sur le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer), soit près de 80 %.

Sur ces 58 millions de francs de crédits d'État contractualisés, le taux d'engagement était de 69% au 31 décembre 1997. A cette date, les paiements par rapport aux engagements étaient exécutés à hauteur de 81%.

La convention de développement économique et social , signée le 2 mars 1995 entre l'État et le territoire, prévoit un effort complémentaire de l'État sur cinq ans (1995-2000) de quelque 159 millions de francs (dont 60 sur le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer). Cette nouvelle source de financement doit permettre d'amplifier certaines opérations inscrites au contrat de plan telles que la création d'équipements scolaires et sportifs et l'amélioration des infrastructures routières et des réseaux d'eau potable. Elle a en outre permis de contractualiser à hauteur de 30 millions de francs le financement des chantiers de développement local.

Sur les 159 millions de francs de crédits d'État inscrits, 89% étaient engagés au 31 décembre 1997. Les paiements par rapport aux engagements sont exécutés à 95%.

Le contrat de plan et la convention de développement qui le complète ont connu les conséquences de l'étalement budgétaire sur une année supplémentaire appliqué à l'ensemble des contrats de plan par la loi de finances pour 1997.

Hormis les dotations octroyées au territoire dans le cadre des conventions précitées, l'État verse chaque année à Wallis-et-Futuna une subvention d'équilibre qui, destinée initialement à compenser le déficit résultant des dessertes aériennes, finance désormais les dépenses générales du budget territorial, lequel est à 95% un budget de fonctionnement. Depuis 1995, cette subvention de fonctionnement était en constante diminution. Après avoir subi une régression de près de 40% de 1997 à 1998, cette subvention connaît une forte hausse de 109% dans le projet de loi de finances pour 1999 (3,32 millions de francs).

D. LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (T.A.A.F.)

1. Un territoire d'outre-mer jouissant d'un statut international original

Érigées en territoire d'outre-mer par la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 , les Terres australes et antarctiques françaises sont placées sous l'autorité d'un administrateur supérieur, actuellement Mme Brigitte Girardin qui a succédé à M. Pierre Lise au mois de mars 1998. L'administrateur supérieur, délégué du Gouvernement, est chargé de coordonner les actions menées par l'ensemble des administrations et organismes intervenant sur le territoire (défense, recherche, agriculture et pêche ...). Il est assisté par un conseil consultatif composé de sept membres nommés pour cinq ans par arrêté du secrétaire d'État à l'outre-mer sur proposition des ministres intéressés. C'est ainsi que notre excellent collègue, M. Lucien Lanier, président du groupe d'étude sénatorial sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes, a été nommé membre de ce conseil consultatif par arrêté du 23 juin 1998.

Par décret du Premier ministre en date du 16 mars 1996, le siège de l'administration des T.A.A.F. , jusque-là situé dans le 17ème arrondissement de Paris, a été transféré à Saint-Pierre de la Réunion afin de réduire les délais et les distances entre les services administratifs et le territoire.

Cette délocalisation nécessite la construction d'un bâtiment destiné à abriter les effectifs de cette administration. Un projet initial avait prévu la construction d'un bâtiment neuf de 750 mètres carrés pour un montant de 13 millions de francs. Un nouveau projet, moins onéreux, a depuis lors été arrêté : la maîtrise d'oeuvre vient d'être lancée et l'achèvement des travaux est prévu pour le début de l'an 2000.

Les TA.A.F. comprennent la Terre Adélie et les îles Kerguelen, Crozet, Amsterdam et Saint-Paul. Le territoire est divisé en quatre districts, l'un en Antarctique, la Terre Adélie où est implantée la base scientifique de Dumont d'Urville, les trois autres constituant les terres australes.

L'Antarctique jouit d'un statut particulier : les 14 millions de kilomètres carrés du continent sont partagés entre des secteurs qui, à l'exception d'une seule zone représentant moins de 20 % de la superficie totale, font l'objet de revendications de souveraineté de la part des États dits États possessionnés.

Les parties au Traité de l'Antarctique signé à Washington le 1er décembre 1959, qui étaient initialement au nombre de douze, sont aujourd'hui quarante trois et une quarantaine sont parties consultatives. Le traité organise, dans l'intérêt de la coopération scientifique, la démilitarisation et la dénucléarisation de la zone située au sud du 60ème parallèle et un régime de gestion en commun ; il instaure un gel des revendications territoriales.

Dans le cadre du Traité, les parties consultatives ont approuvé en juin 1988 à Wellington la convention sur la réglementation des activités relatives aux ressources minérales de l'Antarctique. Cette convention n'a cependant été ratifiée que par seize États signataires du Traité, dont la France et l'Australie. Un protocole au traité de l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement a été signé le 4 octobre 1991 à Madrid ; il qualifie l'Antarctique de réserve naturelle, de paix et de science . Sa ratification par la France a été autorisée par la loi du 18 décembre 1992. Son entrée en vigueur , subordonnée à sa ratification par au moins vingt-six pays, est effective depuis le 14 janvier 1998 , le Japon l'ayant ratifié au mois de décembre 1997 après la Russie et les États-Unis. Outre l'interdiction des forages pétroliers et des exploitations minières au cours des cinquante prochaines années, ce protocole interdit de nombreuses autres activités risquant de menacer la vie sauvage.

Les travaux de la 21ème conférence consultative du Traité de l'Antarctique, tenue à Christchurch (Nouvelle-Zélande) du 19 au 30 mai 1997, avaient été consacrés à la définition des mesures de protection de l'environnement dans la région et en particulier à la responsabilité pour dommages causés à cet environnement. Ils avaient cependant été quelque peu occultés par la question du pillage du légine, poisson antarctique à forte valeur commerciale. La 22ème conférence , qui s'est déroulée à Tromsoe (Norvège) du 25 mai au 5 juin 1998, a abouti à la décision de mettre en place une commission spéciale pour l'environnement qui devra définir des règles de protection spécifiques et présenter un rapport à la prochaine conférence du Traité, en l'an 2000.

2. Une réflexion sur les missions et les moyens de ce territoire d'outre-mer

Un groupe de réflexion a été mis en place au mois d'avril 1997 pour mener une analyse d'ensemble sur les missions et les moyens impartis au territoire. Parmi les thèmes de réflexion figurent la question du coût logistique et de la présence humaine dans les bases implantées dans les Terres australes et antarctiques françaises, l'utilisation du navire océanographique Marion Dufresne II, les rapports avec le ministère de la défense et les relations financières avec l'Institut français pour la recherche et la technologie polaires (IFRTP).

Composé de quatre personnalités indépendantes (un membre de l'inspection générale des finances, un membre de l'inspection générale de l'administration, un contrôleur général des armées et un représentant du monde scientifique), ce groupe de travail a procédé à de nombreuses auditions et a effectué un déplacement dans les Terres australes au cours de l'été 1997. Il a remis son rapport au secrétaire d'État à l'outre-mer au mois de février 1998. A la suite de ce rapport, des réunions interministérielles devraient se tenir pour, notamment, clarifier les compétences et les financements entre le territoire et l'IFRTP et envisager de nouvelles modalités de gestion du Marion Dufresne II.

3. Les T.A.A.F., haut-lieu de la recherche scientifique

Les T.A.A.F. constituent un lieu privilégié de la recherche scientifique . Les recherches entreprises sont effectuées grâce au soutien logistique de l'Institut Français pour la Recherche et la Technologie Polaires (I.F.R.T.P.), groupement d'intérêt public créé en 1992 dont sont membres, en particulier, le ministère de l'outre-mer, le territoire des T.A.A.F., le ministère de la recherche et le CNRS.

Les nombreux programmes pluriannuels mis en oeuvre concernent essentiellement les sciences de l'univers (glaciologie, physico-chimie de l'atmosphère, géologie, sismologie, magnétisme ...) et les sciences de la vie (ornithologie, ichtyologie, écophysiologie, enzymologie ...). Dans les îles sub-antarctiques françaises (Amsterdam, Saint-Paul, Crozet, Kerguelen), sont menées des activités d'observation géophysique ou de suivi des populations animales. En Terre Adélie, sont menées des études sur le contenu en ozone de la stratosphère et un dispositif de réception de données satellitaires permettant d'améliorer la prévision météorologique y a été installé. Outre la desserte des T.A.A.F., le Marion Dufresne II, affrété 135 jours par an, effectue des campagnes océanographiques dans le cadre de programmes internationaux pour parfaire la connaissance de la structure des fonds sous-marins en liaison avec l'évolution tectonique, recueillir à l'aide de carottages de sédiments à grande profondeur des informations sur l'évolution des climats passés et étudier la circulation des océans et leurs échanges avec l'atmosphère.

En mars 1993, un accord de coopération a été conclu entre les deux instituts français et italien chargés des recherches polaires pour construire sur le plateau antarctique, au lieu-dit Dôme C, une base scientifique permanente, la base Concordia . Les recherches qui doivent y être effectuées concerneront la géophysique interne (mesure des variations du champ magnétique, tomographie du manteau supérieur de la terre ...), la physique de l'atmosphère (évolution du contenu en ozone de la stratosphère, mesure des gaz à effet de serre) et l'astronomie. Par ailleurs, un forage de la calotte glaciaire dont l'épaisseur à cet endroit est d'environ 4.000 mètres, doit permettre d'obtenir des informations sur la température et la composition de l'atmosphère au cours des quatre ou cinq derniers cycles glaciaires. Le programme EPICA , soutenu par la commission européenne, fait coopérer dix pays européens à la réalisation de ce forage. La campagne d'été 1997-1998 a permis de mener à bien, sous la responsabilité française, trois raids de transport de matériels : le site devrait être opérationnel dès 1998-1999.

III. LA PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS PROPRES DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER SUR LE PLAN NORMATIF

Votre commission des Lois procède traditionnellement à un examen détaillé de l'application des lois concernant les territoires d'outre-mer relevant de sa compétence au fond.

Elle estime en outre opportun de faire le point sur les réformes législatives annoncées par le Gouvernement et sur les évolutions du cadre juridique de l'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) à l'Union européenne.

A. L'APPLICATION DES LOIS RELATIVES AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER

En 1996 , outre deux lois du 12 avril, l'une organique, l'autre simple complétant la première, portant statut d'autonomie de la Polynésie française, pour lesquelles les décrets d'application requis ont été pris, deux autres textes restent partiellement appliqués. Il s'agit, d'une part, de l'ordonnance n° 96-268 du 28 mars 1996 portant actualisation des dispositions de procédure pénale dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte, ratifiée par la loi n° 96-1240 du 30 décembre 1996, et d'autre part de la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer.

Alors qu'un décret n° 97-544 du 28 mai 1997 portant extension et adaptation de la deuxième partie du code pénal dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte a été publié le 30 mai 1997, pour assurer l'application de l'ordonnance n° 96-267 du 28 mars 1996 transposant le nouveau code pénal dans ces collectivités, le décret d'application de la seconde ordonnance relative à l'actualisation de la procédure pénale est encore en cours d'élaboration.

En ce qui concerne la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer, douze décrets ont été publiés à ce jour, sept devant encore être pris . Sur ces douze décrets, neuf sont intervenus depuis l'automne 1997.

Cinq articles prévoyant des mesures réglementaires d'application restent encore non appliqués ou partiellement appliqués. Parmi ces articles, l'article 14 relatif au statut de l'Université française du Pacifique a été partiellement abrogé par l'ordonnance n° 98-582 du 8 juillet 1998 relative au régime de l'enseignement supérieur dans les territoires d'outre-mer du Pacifique qui instaure un nouveau dispositif : il n'y a ainsi plus lieu de prendre le décret qui était prévu à cet article.

En 1997 , un seul texte concernant les territoires d'outre-mer a été adopté par le Parlement : il s'agit de la loi organique n° 97-1074 du 22 novembre 1997 relative à la fiscalité applicable en Polynésie française , déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 19 novembre 1997 (décision n° 97-390 DC). Cette loi, ayant pour objet essentiel de valider la délibération de l'assemblée de la Polynésie française du 8 décembre 1994 instituant sur ce territoire une contribution de solidarité territoriale appelée CST 3, destinée à financer le régime de protection sociale généralisée, n'appelle pas de décrets d'application.

En 1998 , le Parlement a autorisé le Gouvernement, par une loi d'habilitation n° 98-145 du 6 mars 1998 , à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. Vingt ordonnances ont été prises sur son fondement, couvrant les dix-sept matières énumérées à l'article premier de la loi du 6 mars précitée délimitant le champ de l'habilitation. Ces ordonnances, prises avant la date butoir du 15 septembre 1998, ont été publiées au Journal Officiel en quatre salves (27 juin, 11 juillet, 22 août et 4 septembre 1998). Elles font l'objet de quatre projets de loi de ratification qui ont été déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale le 4 novembre 1998.

Au début de l'été, le Parlement, réuni en Congrès à Versailles le 6 juillet 1998, a adopté le projet de loi constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie pour permettre l'élaboration d'un nouveau statut traduisant en termes juridiques l'Accord de Nouméa du 5 mai 1998. Le décret prévu par l'article 2 de la loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie pour organiser la consultation référendaire du 8 novembre 1998 sur les dispositions de l'Accord de Nouméa a été publié au Journal Officiel le 22 août (décret n° 98-733 du 20 août 1998 portant organisation de la consultation des populations de la Nouvelle-Calédonie prévue par l'article 76 de la Constitution). Ce décret a fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État mais les conclusions aux fins d'annulation ont été rejetées (arrêt Sarran, Levacher et autres du 30 octobre 1998).

B. LES RÉFORMES ENVISAGÉES ET LES TRAVAUX DE CODIFICATION

Des réformes statutaires d'importance sont annoncées.

Tout d'abord, à la suite de l'adoption de la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie et l'approbation de l'Accord de Nouméa par les populations intéressées le 8 novembre dernier, le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie , comprenant une loi organique et une loi simple, devrait être examiné par le Parlement avant le printemps. Ce nouveau statut aura pour objet de traduire en termes juridiques l'Accord de Nouméa, la Nouvelle-Calédonie ne pouvant d'ores et déjà plus être classée dans la catégorie des territoires d'outre-mer.

Par ailleurs, notre excellent collègue M. Gaston Flosse, président du gouvernement de la Polynésie française, a exprimé le souhait de voir son territoire bénéficier des avancées statutaires adoptées pour la Nouvelle-Calédonie, ce qui nécessiterait une nouvelle révision de la Constitution suivie d'une modification du statut du 12 avril 1996.

Le programme législatif pour 1999 concernant les territoires d'outre-mer devrait en outre intégrer l'examen du projet de loi organique et du projet de loi simple le complétant relatifs au régime communal applicable dans le territoire de la Polynésie française . Ces deux textes, répondant à la nécessité de moderniser l'institution communale, furent déposés au Sénat le 26 mai 1998 mais n'ont pas encore été inscrits à l'ordre du jour. Cette réforme demeure cependant prioritaire dans la mesure où, comme l'avait souligné nos excellents collègues MM. Lucien Lanier et Guy Allouche dans leur rapport d'information établi au nom de votre commission des Lois à la suite de la mission effectuée en Polynésie française du 14 au 28 janvier 1996, les communes sont appelées à jouer un rôle essentiel dans la perspective d'un développement équilibré du territoire.

Il convient enfin de rappeler que les vingt ordonnances prises sur le fondement de l'habilitation accordée au Gouvernement par la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 en vue de l'actualisation et de l'adaptation du droit applicable outre-mer font l'objet de quatre projets de loi de ratification déposés depuis le 4 novembre, soit avant la date butoir fixée au 15 novembre 1998 par l'article 2 de la loi d'habilitation précitée. Le Gouvernement s'est engagé à ce que ces projets de loi de ratification soient examinés en séance publique. Au cours du débat au Sénat sur la loi d'habilitation, le 5 février 1998, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a en effet déclaré : " En tout état de cause, votre assemblée sera appelée à examiner la conformité des ordonnances aux principes que je viens de rappeler lors de l'examen des lois de ratification. En effet (...) chacune des ordonnances fera l'objet d'un projet de ratification permettant au Parlement de retrouver la plénitude de ses compétences. "

Les travaux de codification des textes applicables dans les territoires d'outre-mer progressent également, bien qu'à un rythme relativement lent du fait de la complexité d'une telle tâche. Les projets de code de la communication et du cinéma, le projet de code de l'éducation et le projet de code de l'environnement ont été déposés sur le bureau du Parlement mais ne sont pas encore venus en discussion. Cinq autres codes sont en préparation : le code électoral des territoires d'outre-mer et de Mayotte, le code de la santé publique, le code du patrimoine, le code de la monnaie et du crédit, le code de l'aide sociale et de la famille. Le ministère de l'outre-mer a par ailleurs été associé à la modification du code de justice militaire qui sera rendu applicable dans les territoires d'outre-mer.

Les modalités d'organisation de ces travaux de codification ont été modifiées à la fin de l'année 1997. Un décret n° 97-894 du 2 octobre 1997 a en effet abrogé le décret n°89-704 du 28 septembre 1989 qui avait " provisoirement adjoint à la Commission supérieure de codification (...) une commission chargée de recenser pour chacun des territoires d'outre-mer l'ensemble des textes législatifs et réglementaires applicables et de signaler au Premier ministre les domaines dans lesquels il n'existe aucun texte ". Le décret du 2 octobre 1997 précité a cependant prévu, en contrepartie de la suppression de cette commission adjointe , qu' au moins trois rapporteurs particuliers de la Commission supérieure seraient " chargés spécialement de la codification des textes applicables dans les territoires d'outre-mer ", ladite Commission étant désormais directement investie de la mission de " recenser les textes législatifs et réglementaires applicables dans les territoires d'outre-mer, vérifier le champ d'application des textes à codifier en ce qui concerne ces mêmes territoires et signaler au Premier ministre les domaines pour lesquels il semble souhaitable d'étendre à ces territoires les textes applicables en métropole ".

C. LA PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS SPÉCIFIQUES DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER DANS LEURS LIENS AVEC L'UNION EUROPÉENNE

Les territoires d'outre-mer ne sont pas partie intégrante de l'Union européenne : en application de la quatrième partie du traité de Rome, ils sont soumis à un régime spécifique défini par la décision d'association du 25 juillet 1991 , adoptée pour une durée de dix ans.

Après plus de trois ans de négociations, la révision à mi-parcours de ce régime d'association a été adoptée par le Conseil des ministres des affaires étrangères le 24 novembre 1997 et est entrée en vigueur le 30 novembre 1997 . Cette révision n'a pas opéré de modification de grande ampleur ; elle a simplement procédé à l' adaptation du régime commercial applicable aux pays et territoires d'outre-mer (PTOM) et à la répartition de l'enveloppe du VIIIème fonds européen de développement (FED) entre les trois États concernés (France, Royaume-Uni et Pays-Bas).

Le régime commercial nécessitait en effet des ajustements afin de sauvegarder certaines productions communautaires : des contingents pour les produits agricoles relevant d'une organisation commune de marché ont ainsi été instaurés.

S'agissant de la répartition des 115 millions d'écus d'aide programmable alloués aux PTOM au titre du VIIIème FED par le Conseil européen de Cannes au mois de juin 1995, la France a obtenu une enveloppe de 50,3 millions d'écus, soit une progression de 25 % par rapport au VIIème FED. Les parts respectives revenant aux différents territoires et collectivités d'outre-mer sont les suivantes : 15,8 millions d'écus pour la Nouvelle-Calédonie, 14,1 pour la Polynésie française, 10 pour Mayotte, 6,4 pour Wallis-et-Futuna et 4 pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les PTOM français souhaitant une modernisation de leurs liens avec l'Union européenne afin de rompre, notamment, avec une trop grande similitude avec le régime applicable aux États ACP, une réflexion s'est engagée depuis 1994. A l'initiative de la France, les chefs d'État et de Gouvernement ont adopté à Amsterdam, le 17 juin 1997, une déclaration relative au régime d'association des PTOM à l'Union européenne, qui doit être annexée au prochain traité. Elle reconnaît l'inadéquation du régime en vigueur aux enjeux de développement des PTOM et invite le Conseil de l'Union à la réexaminer en profondeur d'ici 1999.

Le Gouvernement a en outre déposé au début de l'année 1997 auprès de la Commission européenne un mémorandum développant ses propositions pour la définition du nouveau régime d'association (élaboration d'un programme de développement économique et social des PTOM par État membre concerné, création d'un fonds particulier pour les PTOM différent du FED). La Commission européenne devrait prendre l'initiative d'un débat sur l'avenir des PTOM à la fin de cette année.

*

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer dans le projet de budget du ministère de l'Outre-mer, aux montants proposés par la commission des Finances.


1 Inauguré par M. Lionel Jospin, Premier ministre, le 4 mai 1998 et ouvert au public le 15 juin 1998, la construction du Centre culturel Jean-Marie Tjibaou, conçu par l'architecte Renzo Piano aura coûté 320 millions de francs. Son coût prévisionnel de fonctionnement s'élève à 30 millions de francs par an.

2 Rapport n° 522 (1997-1998) fait au nom de la commission des Lois par M. Jean-Marie Girault sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie.

3 En 1997, les flux migratoires à destination de la Nouvelle-Calédonie se sont maintenus, témoignant de l'inadéquation entre les aspirations des jeunes à occuper des emplois qualifiés et les possibilités qui leur sont offertes à Wallis-et-Futuna. De 1989 à 1996, dates des deux derniers recensements, la population originaire de Wallis-et-Futuna résidant en Nouvelle-Calédonie est passée de 14.186 à 17.763, soit un accroissement de 3.577, tandis que sur la même période la population de Wallis-et-Futuna n'augmentait que de 461 personnes.



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