II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mardi 23 novembre, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Louis Souvet sur les crédits consacrés au travail et à l'emploi dans le projet de loi de finances pour 2000 .

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail et de l'emploi , a observé à titre liminaire que l'examen de son rapport intervenait dans un contexte marqué par un débat sur l'évolution des chiffres du chômage, une certaine confusion sur les modalités de financement des 35 heures, ainsi qu'un revirement radical de la position du Gouvernement sur la question des allégements de cotisations sociales.

Evoquant l'évolution des chiffres du chômage, il a rappelé que le Gouvernement se félicitait de la baisse du taux de chômage et s'en attribuait la paternité en évoquant notamment les 35 heures.

Il a déclaré que M. Gérard Bapt évoquait, dans son rapport spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée nationale pour les crédits du travail et de l'emploi, la création de 785.000 emplois depuis juillet 1997, dont 560.000 dans le secteur marchand et 180.000 dans le secteur non marchand.

Il a observé que les créations d'emplois avaient permis un recul du chômage, à 11,1 % de la population active en 1999, contre 11,8 % en 1998, et que certaines prévisions envisageaient des taux de 10,3 % en 2000 et 9,6 % en 2001.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail et de l'emploi , a considéré que ces chiffres étaient incontestables, observant d'ailleurs qu'ils étaient, pour nombre d'entre eux, issus de statistiques rassemblées par des organisations internationales.

Il a néanmoins estimé que ces données ne suffisaient pas à décerner un satisfecit au Gouvernement pour au moins deux raisons : la baisse du chômage étant largement le fait du retour de la croissance et des politiques de l'emploi mises en oeuvre depuis 1993 et les mesures décidées par l'actuel Gouvernement ne paraissant pas avoir eu d'effet notable sur l'évolution de l'emploi dans le secteur marchand.

Il a évoqué la polémique sur les statistiques du chômage consécutive à une enquête de l'hebdomadaire " Le Point ", faisant état d'instructions données par le ministère de l'emploi tendant à influer sur le nombre des radiations de demandes d'emplois des listes du chômage. Il a estimé que si cette information s'avérait exacte, elle constituerait un fait particulièrement grave.

M. Louis Souvet a observé que le retour de la croissance était général en Europe depuis 1997 et qu'il devait peu au Gouvernement actuel. Il a noté que les économistes considéraient que la mise en oeuvre de la monnaie unique avait été particulièrement favorable à la France depuis deux ans grâce à la baisse des taux d'intérêt réels et que, par ailleurs, l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) attribuait le dynamisme de l'emploi dans le secteur marchand aux mesures en faveur du travail à temps partiel, à l'intérim ainsi qu'aux allégements de charges sociales, autant de dispositifs nés avant 1997. Concernant les effets des politiques mises en place depuis lors, il a estimé que nul ne contestait la réalité de l'effet des emplois-jeunes sur les chiffres de l'emploi, mais qu'il subsistait des inconnues sur l'avenir de ces jeunes d'ici trois ans, étant donné le caractère souvent peu qualifiant des emplois créés et la durée relativement courte des contrats. Par ailleurs, il a estimé que les 35 heures n'avaient permis la création que de 30.000 à 40.000 emplois, selon les chiffres même du Gouvernement, ceci sans tenir compte des effets d'aubaine. Il a souligné qu'on ne pouvait par conséquent considérer que cette loi était à l'origine de la baisse du taux de chômage.

M. Louis Souvet a rappelé que la question du financement des 35 heures avait occupé une part importante du débat en première lecture du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail à l'Assemblée nationale et au Sénat et qu'elle avait également été au centre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a considéré, dans ces conditions, qu'il n'était pas étonnant de retrouver cette question à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.

Il a observé que la création d'un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 avait pour première conséquence de modifier considérablement la présentation du budget de l'emploi, les 39,5 milliards de la " ristourne Juppé " n'apparaissant plus en effet dans le budget de l'emploi, puisqu'ils étaient pris en charge directement par le nouveau fonds. Il a souligné qu'en conséquence, les crédits du ministère de l'emploi étaient ramenés à 122,06 milliards de francs, contre 162,05 milliards de francs en 1999.

Il a observé qu'il s'agissait là de la seconde modification de la réforme de la nomenclature budgétaire en deux ans puisqu'en 1998 déjà, 43 milliards de francs correspondant notamment à la ristourne dégressive avaient été inscrits au budget des charges communes et que ce n'était qu'en 1999 qu'ils avaient rejoint le budget de l'emploi.

Il a constaté que les crédits du budget du ministère de l'emploi augmentaient de 2,3 %, à périmètre constant par rapport à l'année dernière alors que, simultanément, les dépenses du budget général n'augmentaient en moyenne que de 0,9 %.

Outre cette question de nomenclature, il s'est inquiété du problème de lisibilité des crédits consacrés à la réduction du temps de travail comme l'illustrait l'intitulé de l'article 10 du chapitre 44-77 " exonération de cotisations sociales au titre de l'incitation à la réduction du temps de travail ", qui laissait penser que les 4,3 milliards de francs inscrits étaient destinés à financer les aides incitatives prévues par la loi du 13 juin 1998, alors que ces crédits serviraient en définitive à subventionner le fonds de financement des cotisations patronales de sécurité sociale créé par la loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, il a souligné que des interrogations subsistaient sur le devenir des crédits inscrits en loi de finances pour financer la réduction du temps de travail. Observant que, seuls, 78 millions de francs avaient été consommés sur les 2,8 milliards de francs budgétés en 1998 et qu'au 30 septembre 1999, seuls 706 millions de francs avaient été consommés sur les 3,5 milliards de francs inscrits en loi de finances, il a regretté que l'état des reports de crédits reste aujourd'hui peu clair.

Il a observé à cette occasion que les faibles taux de consommation des crédits budgétaires prévus pour financer la loi du 13 juin 1998 confirmaient la modestie des résultats de cette loi et contrastaient avec les déclarations du Gouvernement.

Il a estimé que le troisième point caractéristique de ce débat budgétaire résidait dans la confirmation de la volte-face du Gouvernement sur la politique d'allégement des cotisations sociales patronales née en 1993, poursuivie en 1995 et délaissée en 1997.

Il a rappelé les propos de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle qui déclarait au Sénat, au printemps 1998, lors du débat sur la proposition de loi de MM. Christian Poncelet, Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et Henri de Raincourt tendant à alléger les charges sur les bas salaires que le Gouvernement n'avait pas souhaité poursuivre cette politique, parce qu'il n'était pas convaincu que le niveau du coût du travail constituait un obstacle à l'emploi, qu'il estimait relative l'efficacité de cette politique et que son financement ne lui semblait pas assuré.

Dans ces conditions, il n'a pas caché sa satisfaction d'entendre M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale pour les crédits du travail et de l'emploi, se féliciter de ce que " la politique d'allégement des charges sociales engagée (avant 1997) soit poursuivie et même accentuée ".

Il s'est déclaré convaincu que c'était cette politique qui permettrait de créer plus d'emplois à l'avenir.

Par ailleurs, il a observé que le nombre d'emplois-jeunes devrait s'élever à 236.000 d'ici la fin de l'année et 300.000 à la fin de l'année 2000, pour un objectif initial de 350.000. Il a rappelé que les crédits relatifs à ce dispositif s'élevaient à 21,34 milliards de francs, soit une hausse de 53,3 % par rapport à 1999.

Il a observé par ailleurs que le projet de création de 350.000 emplois dans le secteur non marchand était définitivement abandonné par le Gouvernement.

Il a indiqué que les crédits affectés au financement du réseau d'accueil des jeunes progressaient de 12 % à structure constante, pour atteindre 467 millions de francs. Il a déclaré toutefois que ces crédits étaient ramenés à 392 millions de francs, compte tenu d'un transfert de 75 millions de francs sur le budget de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), au titre du financement de la rémunération des agents mis à disposition dans les espaces jeunes.

Il a estimé que les espaces jeunes, ainsi que l'ensemble du réseau d'accueil des jeunes, comprenant également les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), jouaient un rôle central dans la mise en oeuvre du programme d'accompagnement personnalisé vers l'emploi (TRACE). Il a ajouté que l'objectif fixé au programme TRACE était d'accueillir 60.000 jeunes en 2000.

Il a évoqué les actions en faveur des publics en difficulté, qui prenaient la forme d'un renforcement des dispositifs adaptés aux publics les plus éloignés du marché du travail (TRACE, contrat emploi consolidé, contrat de qualification adulte), ainsi que celle d'un recentrage des dispositifs traditionnels (contrat emploi-solidarité, contrat initiative-emploi et stages) sur les publics prioritaires.

Il a estimé que ce recentrage avait pour objectif d'accroître la part des publics prioritaires dans les contrats nouveaux et en cours, même si l'offre globale de places nouvelles en contrat emploi-solidarité, contrat emploi consolidé (CES) et contrat initiative-emploi diminuait par rapport aux entrées prévues par la loi de finances pour 1999 (575.000 au lieu de 675.000).

Concernant le nombre des entrées dans le dispositif, il a observé ainsi que 155.000 personnes devraient bénéficier d'un contrat initiative-emploi en 2000 contre 180.000 en 1999 (- 13,9 %), que 360.000 personnes devraient bénéficier d'un contrat emploi-solidarité contre 425.000 l'année passée (- 15,3 %), alors que le nombre d'entrées en emplois consolidés à l'issue d'un CES devrait rester stable, à hauteur de 60.000.

S'agissant des dispositifs destinés aux chômeurs de longue durée, il a souligné que les entrées prévues dans les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) et les stages d'accès à l'entreprise (SAE) étaient en légère baisse en 2000, puisque 150.000 personnes devraient en bénéficier contre 175.000 en 1999. Il a précisé que cette évolution se traduisait dans les crédits, puisque la dotation budgétaire diminuait de 8 % à 2,9 milliards de francs.

Il a noté que les structures de l'insertion par l'économique bénéficieraient de crédits en hausse de 22 % en 2000, pour atteindre 910 millions de francs, ces moyens devant permettre de remplir l'objectif, fixé par le programme de lutte contre les exclusions, de doubler en trois ans (1998-2000) les capacités d'accueil des entreprises d'insertion et des entreprises de travail temporaire d'insertion.

Il a évoqué la politique d'insertion des travailleurs handicapés menée par le ministère de l'emploi qui devrait bénéficier de 5,6 milliards de francs de crédits (+ 2,5 %). Il a indiqué que l'essentiel de ces crédits (5,4 milliards de francs) était consacré au mécanisme de la garantie de ressources mais qu'il était cependant prévu de créer 500 nouvelles places d'accueil en ateliers protégés, ainsi que 2.000 places nouvelles en centres d'aide par le travail, ce qui porterait la capacité d'accueil respective de ces structures à 89.650 places et 14.600 places.

Concernant le financement du retrait d'activité, il a observé que 19.000 entrées en préretraite ASFNE (allocation spéciale du fonds national pour l'emploi) étaient prévues pour 2000 contre 18.000 en 1999.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail et de l'emploi , a indiqué que les crédits consacrés à ce dispositif étaient en baisse de 700 millions de francs, puisqu'ils atteignaient 4,15 milliards de francs contre 4,85 milliards en 1999. Il a considéré que cette baisse des crédits s'expliquait par l'augmentation du taux de contribution versée par les entreprises, l'augmentation de la contribution de l'UNEDIC, ainsi que l'augmentation de la contribution dite " Delalande ". Il a souligné que cette dotation prenait également en compte la mise en place d'un nouveau dispositif né dans le secteur automobile pour les salariés ayant effectué des travaux pénibles.

Il a noté que les préretraites progressives (PRP) voyaient également leurs crédits diminuer sensiblement pour les mêmes motifs, 12.600 entrées étant en effet prévues en 2000 contre 18.000 en 1999.

Il a indiqué que le transfert des crédits relatifs à la ristourne dégressive dans un fonds nouvellement créé laissait subsister dans le budget de l'emploi plusieurs lignes consacrées à la compensation d'exonérations de cotisations sociales, et notamment celles relatives aux zones économiques en difficulté. Il a noté que les crédits relatifs aux zones de revitalisation rurale (ZRR) et de redynamisation urbaine diminuaient, pour revenir à 356 millions, tandis que ceux relatifs aux zones franches augmentaient de 300 millions, pour atteindre 900 millions de francs, les crédits affectés à la zone franche Corse restant stables.

Il a tenu à souligner tout l'intérêt des zones franches urbaines pour structurer l'emploi dans des quartiers en grande difficulté. Il a estimé que leur remise en cause aurait eu des effets tout à fait dommageables alors que le Gouvernement tarde à proposer des dispositifs adaptés permettant le développement de l'emploi dans les quartiers difficiles.

Il a rappelé également que les crédits relatifs au financement de la loi du 11 juin 1996, dite loi " de Robien ", demeuraient inscrits au budget de l'emploi et que la dotation diminuait de 11 % en 2000 pour atteindre 2,72 milliards de francs.

Il a observé une baisse des crédits relatifs à l'accompagnement des restructurations, particulièrement sensible pour la participation de l'Etat au financement de l'allocation spécifique pour privation partielle d'emploi qui devrait être ramenée à 211 millions de francs, ainsi que pour les conventions de conversion qui devraient bénéficier de 750 millions de francs. Il a admis que les baisses de crédits pouvaient s'expliquer par l'amélioration de la conjoncture économique.

Il a évoqué enfin la subvention de l'Etat à l'ANPE qui devrait augmenter de 10,4 % à 6,38 milliards de francs, afin de permettre à cet établissement de mettre en oeuvre le troisième contrat de progrès qui porte sur les années 1999 à 2003, avec pour objectif de renforcer la qualité des services rendus aux demandeurs d'emploi et aux entreprises et de poursuivre la modernisation de l'agence.

Il a noté que l'ANPE occupait un rôle particulier dans la mise en oeuvre du plan national d'action pour l'emploi.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail et de l'emploi , a indiqué que les crédits devraient permettre l'extension en année pleine de mesures décidées en 1999, et notamment la création des 500 emplois, à laquelle devrait s'ajouter la création de 500 emplois supplémentaires pour l'année 2000.

Il a observé que les dépenses de personnel du ministère augmentaient de 5,5 % à 2,5 milliards de francs, et précisé que cette augmentation de crédits devrait permettre la création nette de 130 emplois, dont 13 en administration centrale et 117 au sein des services déconcentrés.

Il a noté que l'Inspection du travail devrait bénéficier de ces créations de postes, à hauteur de 15 inspecteurs et 88 contrôleurs. Il a précisé que de nombreuses mesures statutaires étaient prévues, ainsi que la transformation de 640 emplois, pour un coût total de 5,7 millions de francs.

Il a estimé que ce budget de l'emploi comportait des dispositions satisfaisantes, notamment pour tout ce qui relève du service public de l'emploi (ANPE, réseaux d'accueil des jeunes, publics les plus éloignés de l'emploi). Il a cependant rappelé que la commission ne partageait pas les grandes orientations de ce budget, relatives à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, ainsi qu'à la poursuite du développement d'emplois dans le secteur non marchand en l'absence de dispositifs adéquats de professionnalisation. Il a ajouté que la commission avait d'ailleurs eu l'occasion de montrer plusieurs fois sa préférence pour une politique qui favoriserait de manière plus volontaire les allégements de charges sociales et la formation professionnelle.

En conséquence, il a proposé de formuler un avis défavorable à l'adoption des crédits du budget de l'emploi pour l'année 2000.

M. Jean Delaneau, président, a souhaité que le rapporteur ne fasse référence qu'avec prudence aux investigations publiées par l'hebdomadaire " Le Point ".

M. Jean Chérioux a indiqué qu'en tant que parlementaire, il lui semblait toujours préférable que la presse se réfère aux travaux du Sénat, et non l'inverse.

La commission a décidé d'émettre un avis défavorable sur les crédits consacrés au travail et à l'emploi dans le projet de loi de finances pour 2000.

Puis, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Annick Bocandé sur les crédits consacrés à la formation professionnelle dans le projet de loi de finances pour 2000.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle
, a rappelé que déjà l'année dernière, alors qu'elle présentait pour la première fois son rapport pour avis, les crédits relatifs à la formation professionnelle inscrits dans le budget du ministère de l'emploi lui avaient semblé marqués au sceau de la continuité. Elle a déclaré que la seule évolution sensible résidait alors dans un " recentrage " des aides publiques à l'alternance.

Elle a souligné que le décret du 12 octobre 1999 avait restreint aux jeunes les moins qualifiés, le champ des bénéficiaires de l'aide forfaitaire à l'embauche au contrat de qualification alors que l'article 80 du projet de loi de finances pour 1999 avait opéré la même modification pour les contrats d'apprentissage.

Aujourd'hui et compte tenu de ces dispositions " malthusiennes ", elle a observé un léger tassement des crédits consacrés à la formation professionnelle.

Elle a précisé que ces crédits s'élevaient à 30,6 milliards de francs, dont 26 milliards de francs pour l'agrégat " participation de l'Etat à la formation professionnelle ", soit une baisse de 1,6 %.

Elle a considéré que l'impression de stagnation dominait lorsque l'on observait l'évolution de ces crédits depuis quelques années.

Elle a indiqué que, selon les résultats provisoires du compte économique de la formation professionnelle, qui retrace les interventions de tous les acteurs, la dépense totale pour la formation professionnelle s'élevait à près de 140 milliards de francs, soit une progression de 0,6 % par rapport à 1996.

Elle a constaté, à l'instar de M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, pour la formation professionnelle, que la stabilisation de l'effort entrepris s'opérait à un niveau relativement bas, puisque le niveau record de 1993 n'était pas égalé, et que l'engagement de formation restait inférieur de 0,21 point à celui constaté en 1993, retombant à 1,72 % du produit intérieur brut.

Elle a estimé que, si ces crédits lui semblaient suffisants pour assurer la reconduction des actions de formation engagées les années précédentes, leur niveau lui semblait par contre insuffisant pour considérer que la formation professionnelle constituait une priorité du Gouvernement au même titre que les emplois-jeunes ou les 35 heures.

Toutefois, elle a souligné qu'une nouvelle fois la discussion du budget de la formation professionnelle intervenait dans un contexte de " réforme annoncée " qui gelait, pour ainsi dire, les initiatives et expliquait que ce budget se cantonnait à des actions de reconduction.

Examinant le détail des crédits, elle a observé que le total des crédits consacrés à l'alternance s'élevait à 12,2 milliards de francs, soit une baisse de 2,4 % consécutive au " recentrage " des primes sur les bas niveaux de qualification opéré par la loi de finances pour 1999.

Elle a indiqué que les primes relatives aux contrats d'apprentissage baissaient de près de 12 % et celles relatives aux contrats de qualification, de 32 %. Elle a déclaré que le montant total de ces diminutions de crédits s'élevait à 660 millions de francs.

Elle a estimé que l'idée de recentrage supposait que ces crédits soient réalloués à des dispositifs prioritaires. Elle a observé que cela n'était que partiellement le cas puisque la hausse de 20 % des primes relatives aux contrats de qualification, et celle de 60 % du montant des exonérations de cotisations sociales de ces mêmes contrats, ne représentaient que 170 millions de francs. Elle a déclaré qu'en fait, sous le vocable de recentrage, était réalisée une économie budgétaire de près de 500 millions de francs au détriment des formations en alternance.

Elle a estimé que ce sentiment était confirmé par l'analyse des flux d'entrée dans les contrats en alternance.

Elle a observé que le nombre des contrats d'apprentissage baissait de 4,3 % à 220.000 et celui des contrats de qualification de 3,8 % à 125.000. Compte tenu de l'augmentation du nombre de contrats de qualification adultes, elle a constaté qu'on assistait globalement à une baisse de 2,7 % du nombre des contrats en alternance qui devrait être ramené à 360.000 en 2000.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle , a regretté cette baisse du nombre des contrats en alternance, qu'elle a jugée contradictoire avec l'état actuel du marché du travail. Evoquant le baromètre mensuel La Tribune-Crédit Lyonnais du mois de novembre, elle a observé que près des deux tiers (64 %) de l'échantillon de patrons de petites et moyennes entreprises (PME) interrogés affirmaient rencontrer des difficultés pour embaucher les spécialistes qu'ils recherchaient. Elle a remarqué que la situation était particulièrement préoccupante dans les secteurs des transports, du bâtiment et des travaux publics (BTP), de la vente ou de l'industrie. Elle a observé que les entreprises de la métallurgie souhaitaient embaucher 4.700 personnes d'ici l'été et s'inquiétaient de ne pouvoir trouver la main-d'oeuvre correspondante.

Elle a déclaré qu'elle avait le sentiment que la formation professionnelle devait jouer un rôle fondamental dans la réforme nécessaire du fonctionnement du marché du travail, et pouvait constituer la réponse adéquate à ce problème de pénurie de main d'oeuvre. Alors que le Gouvernement annonce la discussion prochaine de dispositions législatives courant 2000 et d'un véritable projet de loi en 2001, elle a souhaité insister sur le fait qu'une des causes du niveau élevé du taux de chômage français résidait dans le déficit de formation, c'est-à-dire l'inemployabilité.

Elle a d'ailleurs observé que ces salariés sans qualification ne trouveraient pas un emploi grâce aux 35 heures.

Elle a considéré qu'une politique d'allégement de cotisations sociales était sans aucun doute utile pour ces demandeurs d'emploi, mais que chacun avait bien conscience que la voie de la réinsertion passait par la qualification des plus jeunes d'entre eux, notamment.

Elle a indiqué que les crédits consacrés aux actions de formation à la charge de l'Etat baissaient de 2,8 % à 5,8 milliards de francs et qu'ils se répartissaient entre le financement des dépenses de fonctionnement, de rémunération et d'investissement de la formation professionnelle.

Concernant les dépenses de fonctionnement, elle a observé une stagnation à 335 millions de francs des crédits de la politique contractuelle (contrats d'études prospectives et engagements de développement de la formation).

Elle a noté que les crédits consacrés aux contrats de plan Etats-régions baissaient de 2 %.

Au titre des dépenses de rémunération de la formation professionnelle, elle a souligné que les crédits affectés au programme national de formation professionnelle étaient stabilisés à 926 millions de francs. Elle a précisé que ces crédits concernaient la rémunération des stagiaires suivant des formations financées par l'Etat.

Elle a observé une baisse de près de 7 % des crédits consacrés au financement de l'allocation formation reclassement (AFR), ajoutant que ces 2,5 milliards de francs de crédits étaient destinés à rémunérer les demandeurs d'emploi entrant en formation.

Elle a rappelé que la loi quinquennale du 20 décembre 1993 avait engagé un mouvement important de décentralisation des actions qualifiantes et que, depuis le 1 er janvier 1999, l'ensemble des actions pré-qualifiantes avait été par ailleurs décentralisé au profit des régions. Elle a précisé que l'Etat participait au financement de ces actions décentralisées au moyen de dotations qui évoluaient conformément au taux de la dotation générale de décentralisation.

Elle a observé que l'ensemble des crédits relatifs à la dotation de décentralisation concernant la formation professionnelle et l'apprentissage rassemblés au chapitre 43-06 augmentaient de 0,6 %, pour atteindre presque 8 milliards de francs en 2000.

Evoquant l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), elle a rappelé que cette association concourait à la réalisation de la politique de l'Etat en ce qui concerne la formation qualifiante, au niveau national et déconcentré et qu'elle était partie intégrante du service public de l'emploi. Elle a observé que sa dotation augmentait de 5,4 % à 4,7 milliards de francs. Elle a indiqué que cette augmentation s'inscrivait dans le cadre des objectifs définis par le contrat de progrès 1999-2003 qui prévoyait une augmentation de l'activité " orientation " de l'AFPA, afin de faire passer le nombre de personnes orientées de 80.000 à 250.000 en 2003.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle , a souligné que l'AFPA devait également mener une action prioritaire en direction des demandeurs d'emploi, afin de leur offrir un service personnalisé d'appui à un projet professionnel.

Elle a salué le recentrage de l'AFPA sur ses missions de service public, qui lui permettait de participer activement à la réinsertion professionnelle des demandeurs d'emploi dans le cadre du plan national d'action pour l'emploi.

Elle a observé que la coopération avec l'ANPE n'en était qu'à ses débuts et a considéré qu'elle devait être poursuivie, notamment au niveau des services déconcentrés.

Elle a rappelé que le plan national d'action pour l'emploi mettait en oeuvre les lignes directrices pour l'emploi définies au niveau européen et qu'il était organisé autour de quatre piliers : améliorer la capacité d'insertion des jeunes et des adultes afin de prévenir le chômage de longue durée et lutter contre l'exclusion, développer l'esprit d'entreprise, renforcer l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et oeuvrer pour une meilleure intégration des handicapés.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle , a alors abordé la délicate question des prélèvements opérés par l'Etat sur les fonds de la formation professionnelle.

Elle a observé que, déjà en 1997, l'article 40 de la loi de finances avait institué une contribution exceptionnelle au budget de l'Etat égale à 40 % de la trésorerie nette des fonds de la formation en alternance, soit 1,7 milliard de francs et que, par ailleurs, l'article 75 de la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier avait institué une contribution exceptionnelle au budget de l'Etat de 500 millions. Elle a rappelé que la commission des affaires sociales s'était opposée à ces deux prélèvements, au motif que ces détournements dans l'utilisation des fonds lui apparaissaient préjudiciables aux entreprises.

Elle a rappelé que l'année dernière, le Gouvernement avait décidé à nouveau que 500 millions de francs seraient prélevés sur les fonds de l'Association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL), ces fonds devant faire l'objet d'une utilisation concertée avec les partenaires sociaux, Mmes Martine Aubry et Nicole Péry s'étant engagées à assurer, le cas échéant, la couverture effective des dépenses exposées par les entreprises dans le cadre des contrats en alternance.

Prenant acte de cette garantie et regrettant néanmoins le flou qui entourait le fonctionnement de ce fonds, elle a rappelé que la commission des affaires sociales avait souhaité faire part de sa réserve sans toutefois manifester une opposition radicale pour tenir compte de la réforme à venir des modalités de financement de la formation professionnelle et de la garantie apportée par le Gouvernement.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle , a constaté que le flou demeurait et que les prélèvements " exceptionnels " sur les fonds de la formation devenaient de plus en plus habituels comme en témoignait l'article 70 du projet de loi de finances pour 2000.

Elle a expliqué que cet article avait pour objet de centraliser les excédents financiers du capital de temps de formation (CTF) au niveau d'une section particulière créée au sein du fonds national habilité à gérer les excédents financiers du congé individuel de formation (CIF).

Elle a rappelé que le CTF était destiné à permettre aux salariés de suivre, au cours de leur vie professionnelle, à leur demande et pendant leur temps de travail, des actions de formation, prévues au plan de formation de l'entreprise, dans le but de se perfectionner, d'élargir ou d'accroître leur qualification.

Elle a précisé que ce dispositif était financé par 50 % au plus de la participation des entreprises au financement du CIF (0,2 % du montant des salaires), c'est-à-dire par une contribution au plus égale à 0,1 % des salaires.

Elle a rappelé que l'article 70 proposait d'étendre le champ de compétences du fonds créé par la loi de finances pour 1996 qui actuellement gérait les excédents financiers des organismes collectant les fonds du CIF, à la gestion des excédents financiers dont disposaient les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) gérant les contributions des employeurs affectées au financement du CTF.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle , a observé que cette disposition pourrait être considérée avec bienveillance si la centralisation des disponibilités excédentaires du CTF n'apparaissait pas comme le moyen d'affecter une contribution de 500 millions de francs, versée par le comité paritaire du CIF (COPACIF) au budget de l'emploi par voie de fonds de concours, afin de compenser la diminution des crédits destinés au financement de l'indemnité compensatrice forfaitaire à l'apprentissage.

Elle a conclu qu'il s'agissait donc, une fois encore, de procéder à un prélèvement exceptionnel sur les fonds de la formation professionnelle.

Elle a ajouté que, dès lors que ces prélèvements présentaient un caractère structurel, l'urgence d'une réforme du mode de financement des organismes collecteurs de fonds devenait, chaque année, de plus en plus évidente.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle , a déclaré qu'elle avait déjà fait part de sa préférence pour une réduction des cotisations versées par les entreprises.

Elle a préconisé le rejet de ce nouveau prélèvement, dont le caractère récurrent lui a semblé traduire un certain penchant du Gouvernement à considérer les fonds collectés par les partenaires sociaux comme une ressource budgétaire parmi d'autres, destinée à financer les priorités du Gouvernement, comme l'avait également montré le débat sur le financement des 35 heures à travers le projet de contribution de l'UNEDIC et des régimes de sécurité sociale.

Plus généralement, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle , a considéré qu'il convenait de s'interroger sur la politique du Gouvernement en matière de formation professionnelle. Stagnation des effectifs dans les dispositifs en alternance, priorité donnée aux emplois-jeunes sur les formations qualifiantes et prélèvements " exceptionnels " sur les fonds de la formation lui ont semblé constituer les traits les plus marquants de cette politique. Elle a évoqué les projets de réforme, et notamment le Livre blanc intitulé " La formation professionnelle, diagnostics, défis et enjeux ", préparé par Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Elle a rappelé que quatre directions avaient ainsi été esquissées dans ce document : la création d'un droit individuel à la formation, la professionnalisation des jeunes, la meilleure prise en compte de l'expérience professionnelle acquise et la clarification du rôle des différents acteurs.

Il lui a semblé qu'aujourd'hui le dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux pâtissait de la brutale détérioration de leurs relations dans un contexte de remise en cause du paritarisme consécutif aux 35 heures.

Dans ces conditions, elle a estimé que l'examen de ces crédits budgétaires relatifs à la formation professionnelle devait être l'occasion pour la commission des affaires sociales de prendre ses distances avec une politique de l'emploi qui inversait les priorités en favorisant les dispositifs de moyen terme non qualifiants sur la formation et en braquant les partenaires sociaux, qui étaient pourtant les acteurs déterminants de tout progrès social.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle , a proposé en conséquence que la commission se rallie, pour les crédits de la formation professionnelle, à l'avis négatif formulé par M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail et de l'emploi, en ce qui concernait les crédits du travail et de l'emploi. Elle a également proposé un amendement de suppression de l'article 70 du projet de loi de finances rattaché au budget de l'emploi.

M. Jean Delaneau, président, a considéré que la structure du financement de la formation professionnelle était trop complexe et mériterait d'être simplifiée.

M. André Jourdain s'est déclaré d'accord avec le constat du rapporteur concernant la pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activité. Il a observé que de nombreuses PME n'étaient pas en mesure de satisfaire la demande étrangère en biens et services pour cause de manque de main-d'oeuvre. Il a considéré que le développement de la formation professionnelle pourrait permettre de résoudre les dysfonctionnements du marché du travail.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur la persistance d'obstacles à l'embauche dans certains secteurs.

M. Guy Fischer a confirmé que l'enseignement professionnel continuait à faire l'objet d'une stigmatisation dans le cadre de l'organisation du système scolaire français. Il s'est inquiété des dispositions réglementaires et législatives prévues par le Gouvernement et de leur capacité à inverser cette tendance. Il a observé qu'il n'était pas sûr qu'aujourd'hui les publics les plus en difficulté fassent l'objet d'une attention suffisante de la part de l'Etat et des régions, au regard de leurs difficultés d'intégration professionnelle.

M. Louis Souvet a indiqué qu'il avait également constaté l'existence de pénurie de main d'oeuvre dans certaines spécialités.

M. Jacques Bimbenet a considéré que l'inadéquation entre l'offre et la demande de travail mettait en évidence l'inadaptation de l'organisation du système de formation professionnelle qui ne permettait pas aux entreprises d'être associées suffisamment à la définition et au déroulement des parcours de formation. Il a rendu hommage aux formations dispensées par les centres de formation d'apprentis (CFA).

M. Jean Delaneau, président, a observé qu'il existait également des lycées professionnels qui dispensaient d'excellents enseignements adaptés aux besoins des entreprises.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a demandé que les circuits de financement de la formation professionnelle soient simplifiés, et que le contenu des formations soit mieux contrôlé.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle, a considéré que les gouvernements successifs ne s'étaient pas donnés les moyens de répondre aux problèmes de pénurie de main d'oeuvre à travers le développement de la formation professionnelle. Evoquant la question qu'elle avait posée à Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur la création des licences professionnelles, elle a regretté que l'on ne se préoccupe de l'insertion professionnelle des jeunes qu'au terme d'un échec à l'issue de deux années d'enseignement en université. Elle s'est interrogée sur la priorité qu'il pourrait y avoir à favoriser une meilleure orientation des jeunes dès le baccalauréat vers des formations professionnalisées. Elle a observé qu'aujourd'hui, lorsqu'une entreprise avait le choix, elle préférait souvent recruter un jeune passé par les formations en alternance.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé d'émettre un avis défavorable sur les crédits consacrés à la formation professionnelle dans le projet de loi de finances pour 2000 ; elle a également adopté un amendement de suppression de l'article 70 rattaché à la discussion de ces crédits.

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