TITRE III :

CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS

ARTICLE 48

Définition des opérations de concentrations

Commentaire : le présent article propose une nouvelle définition de l'opération de concentration.

I. LES DISPOSITIONS DU PRESENT ARTICLE

La définition de la concentration figure actuellement à l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante.

Le présent article modifie cette définition, afin de tenir compte du passage d'un système de notification facultative à un système de notification obligatoire. Dans un système de notification obligatoire, la définition de la concentration doit être plus précise afin de permettre aux entreprises de connaître très exactement les opérations à notifier.

Selon la nouvelle définition, une opération de concentration est réalisée dans trois cas :

- lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ;

- lorsqu'une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d'une entreprise au moins ou lorsqu'une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou plusieurs autres entreprises ;

- lorsqu'il y a création d'une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome.

Cette définition est la simple reprise de celle figurant à l'article 3 du règlement CEE n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises.

Le contrôle d'une entreprise est défini comme découlant des droits, contrats et autres moyens qui confèrent la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'entreprise, notamment des droits de propriété ou de jouissance sur les biens de l'entreprise et des droits ou contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d'une entreprise.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Le présent article permet d'unifier le droit communautaire et le droit interne en matière de concentration. Il favorisera ainsi les convergences d'interprétation entre les autorités françaises et européennes.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 49

Opérations de concentration soumises à contrôle ministériel

Commentaire : le présent article prévoit que seront contrôlables les opérations qui n'entrent pas dans le champ du contrôle communautaire, d'une part, qui concernent des entreprises dépassant certains seuils, d'autre part.

Le présent article propose une double délimitation pour les opérations de concentration soumises au contrôle ministériel.

En premier lieu, Le 4° du présent article prévoit que ne sont pas soumises au contrôle ministériel les opérations qui entrent dans le champ de compétence de la Commission européenne, tel que délimité par le règlement CEE n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989, relatif aux opérations de concentration (cf. encadré).

Le champ de compétence de la Commission européenne en matière de concentration

Sont de la compétence exclusive de la Commission, les opérations de concentration de " dimension communautaire " c'est à dire les opérations pour lesquelles :

- le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par toutes les entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d'euros (soit près de 32,8 milliards de francs),

- et le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans l'Union européenne par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d'euros (soit plus de 1,6 milliard de francs) ;

- et les entreprises concernées ne réalisent pas toutes plus des deux-tiers de leur chiffre d'affaires à l'intérieur d'un seul et même Etat-membre,

ou

- le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par l'ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 2,5 milliards d'euros (soit près de 16,4 milliards de francs),

- et le chiffre d'affaires individuellement réalisé dans ces mêmes trois Etats membres par au moins deux des entreprises concernées dépasse 25 millions d'euros (soit un peu plus de 160 millions de francs),

- et le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans l'Union européenne par au moins deux des entreprises concernées dépasse 100 millions d'euros (soit un peu plus de 650 millions de francs) ; sauf si chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans l'Union à l'intérieur d'un seul Etat membre.

L'objet de cette seconde disposition est d'éviter aux entreprises d'avoir à multiplier les notifications dans plusieurs Etats membres selon des procédures et pour des résultats éventuellement différents. Il s'agit donc de renforcer la sécurité juridique des entreprises pour des opérations ayant un impact significatif dans plusieurs Etats membres en instituant un " guichet unique " et tout en préservant le principe de subsidiarité.

En revanche, le cinquième alinéa du texte prévoit que sont soumises au contrôle ministériel les opérations de concentration de dimension communautaire dont le contrôle est partiellement ou totalement renvoyé à la France par la Commission européenne, à la demande des autorités françaises ou de sa propre initiative, conformément à l'article 9 du règlement CEE précité. Cette faculté de renvoi, mise en oeuvre notamment pour les fusions Total-Fina ou Carrefour-Promodès, est possible si :

- la concentration " menace de créer ou de renforcer une position dominante ayant pour conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans un marché à l'intérieur de cet Etat membre qui présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct " ;

- ou si la concentration " affecte la concurrence dans un marché à l'intérieur d'un Etat membre qui présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct et qui ne constitue pas une partie substantielle du marché commun ".

Dans ce cas, le contrôle du ministère de l'économie s'effectuerait " dans la limite de ce renvoi ".

Au total, le champ du contrôle ministériel des concentrations est limité " par en haut " par les compétences de la Commission européenne, en la matière.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a précisé les seuils minima pour qu'une opération soit soumise à contrôle ministériel, que le projet de loi entendait initialement voir fixés par décret.

Serait ainsi soumise au contrôle ministériel toute opération pour laquelle :

- " le chiffre d'affaires total mondial hors taxes de l'ensemble des entreprises ou groupes des personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 150 millions d'euros ", soit près d'un milliard de francs ;

- et " le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes des personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 15 millions d'euros " , soit près de 100 millions de francs.

Ces seuils sont sensiblement inférieurs à ceux actuellement retenus par l'article 38 de l'ordonnance du 1 er décembre 1986 :

- chiffre d'affaires total réalisé par les entreprises concernées supérieur à 7 milliards de francs ;

et

- chiffre d'affaires réalisé individuellement par au moins deux des entreprises concernées supérieur à 2 milliards de francs.

En revanche, le présent article abandonne le critère alternatif retenu par l'ordonnance de 1986, qui soumettait les concentrations au contrôle ministériel lorsque les entreprises concernées détenaient ensemble 25 % des parts d'un marché national de biens, produits ou services administratifs.

Cet abandon s'explique par les difficultés de délimitation des marchés de référence pour le calcul de ces parts de marché. Ce flou est en effet peu compatible avec un régime de notification obligatoire.

Au total, selon les estimations du ministère de l'Economie, ces seuils devraient soumettre au contrôle ministériel environ 300 opérations chaque année.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 49

Procédure simplifiée de notification des concentrations

Commentaire : le présent additionnel tend à créer une procédure simplifiée d'autorisation des concentrations qui ne présentent aucun risque de perturbation de la concurrence sur un marché.

S'agissant des pratiques anticoncurrentielles, il existe une procédure simplifiée d'examen des affaires par le Conseil de la concurrence (sans établissement préalable d'un rapport).

Il peut sembler regrettable que rien de semblable n'ait été prévu en ce qui concerne les opérations de concentration qui ne soulèvent aucune difficulté.

Il est donc proposé de prévoir un allégement, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat, des formalités exigées des entreprises auxquelles une concentration ne confère qu'une part de marché inférieure à 10 %.

Certes, une élévation des seuils de notification aurait pu être envisagée aux-mêmes fins, mais on aurait pu objecter que ceux-ci sont comparables aux limites fixées à l'étranger.

Nul autre critère que celui de la parité du marché permet de mieux mesurer l'impact d'une opération sur la concurrence. Lorsque cet impact serait minime, les délais de l'autorisation seraient raccourcis et ses formalités simplifiées.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE 50

Notification obligatoire des concentrations
et autosaisine du Conseil de la concurrence

Commentaire : le présent article rend obligatoire la notification des concentrations définies par l'article 48 de l'ordonnance du 1 er décembre 1986 et qui remplissent les conditions précisées par l'article 39 de ladite ordonnance.

La rédaction actuelle de l'article 40 de l'ordonnance de 1986 est claire et le mécanisme qu'elle prévoit, en matière de notification des concentrations est à la fois simple et d'une grande souplesse.

La notification est facultative, elle peut être assortie d'engagements. Le silence gardé pendant deux mois par le ministre de l'économie vaut approbation tacite de l'opération et des engagements correspondants éventuels. Ce délai est porté à six mois lorsque le ministre saisit le Conseil de la concurrence.

Les principales modifications apportées à ce régime par le présent article résultent du caractère, qui deviendrait obligatoire, de la notification, dès lors que les seuils de chiffres d'affaires, réalisés en France ou dans le monde, précisés par l'article 39, sont atteints ou dépassés.

Il incomberait au ministre :

- d'accuser réception de la notification auprès des acteurs économiques concernés ou de leur signaler le renvoi du dossier aux autorités communautaires chargées de la concurrence ;

- d'en adresser systématiquement un exemplaire au Conseil de la concurrence.

Ce nouveau dispositif se rapprocherait de celui d'autres pays européens. La notification, préalable à leur réalisation, des opérations de concentration est déjà obligatoire en Allemagne, en Italie, en Espagne, auprès de la commission.... L'introduction d'un double seuil de chiffres d'affaires, mondial et national, est directement inspirée des exemples en vigueur en Allemagne, en Autriche, au Danemark et aux Pays-Bas.

La France restait, avec la Grande-Bretagne, le seul grand pays européen à avoir maintenu un principe de notification facultative, mais il faut reconnaître que ce système fonctionnait de façon satisfaisante.

Dans un point de vue présenté récemment 131 ( * ) , Maître Gunther, avocat à la Cour, a présenté, à propos du nouveau mécanisme proposé, un certain nombre d'observations pertinentes :

- le seul critère du chiffre d'affaires, en tant qu'instrument de mesure de la puissance financière d'entreprises, à le mérite de la clarté et de la simplicité mais n'est pas nécessairement le plus significatif. " On peut regretter - écrit-il - : " dès lors que les chiffres d'affaires sont aussi faibles que le critère de la part de marché ait été abandonné, car quel autre critère mesure mieux l'impact d'une opération sur la concurrence ? "

- d'autre part, et cela est très critiquable,- souligne-t-il - " aucune procédure simplifiée 132 ( * ) n'a été envisagée pour les opérations ne soulevant aucune difficulté ".

Or, selon le rapport Besson, l'application combinée des nouveaux seuils et de l'obligation de notifier devrait multiplier par dix le nombre d'opérations soumises à examen 133 ( * ) . Dans ces conditions, le ministère risque de se monter peu enclin à demander le renvoi aux autorités françaises de lourds dossiers de concentration d'envergure communautaire.

Par ailleurs, ce n'est que sur dérogation expresse du ministre, et non sur dérogation automatique, comme en droit communautaire, que l'initiateur d'une offre publique pourrait procéder, concomitamment à la notification de celle-ci, à l'achat de titres sur le marché.

- Enfin, il faut relever que la question essentielle du rôle effectif du Conseil de la concurrence et de la répartition de ses compétences avec le ministre n'a pas fait l'objet de modifications par rapport au système actuel.

Votre commission partage cette dernière analyse qui correspond à l'une de ses principales préoccupations. Elle vous propose, en conséquence, l'adoption d'un amendement tendant à ce que le conseil, dès réception du dossier de notification d'une concentration, puisse, si cela lui semble souhaitable, s'en saisir d'avis.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 51

Autorisation par le ministre d'une opération notifiée

Commentaire : le présent article précise qu'une opération notifiée ne peut intervenir sauf dérogation motivée et autorisée, qu'après accord ministériel.

Une fois l'opération de concentration notifiée, sa réalisation ne peut intervenir qu'après accord, non pas d'une autorité indépendante, comme en Allemagne, ou en Italie, mais du ministre chargé de l'économie et, le cas échéant, de celui chargé du secteur concerné.

D'autre part, ce n'est que sur dérogation expresse, motivée et autorisée par le ministre, et non sur dérogation automatique, comme en droit communautaire, que tout ou partie d'une concentration peut être effectivement réalisé, sans attendre la décision ministérielle et sans préjudice de celle-ci.

On pense, notamment, aux offres publiques qui nécessite que leur initiateur puisse procéder simultanément à leur notification et à l'achat correspondant de titres sur le marché.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination avec les dispositions préconisées à l'article 50 relatives à l'autosaisine du Conseil de la concurrence.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 52

Délais et conditions d'autorisation de concentrations

Commentaire : le présent article précise les délais et les conditions dans lesquels une opération de concentration doit être autorisée par le ministre de l'économie.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Une opération de concentration obligatoirement notifiée au ministre de l'économie (article 50 du présent projet de loi) ne peut intervenir, sauf dérogation expresse qu'après son accord, et celui, le cas échéant, du ministre chargé du secteur concerné (article 51 du présent projet de loi).

- Le I du présent article , qui modifie l'article 42 de l'ordonnance, précise qu'il dispose, normalement, de cinq semaines pour se prononcer, à compter de la date de réception de la notification.

L'introduction de ce butoir dans l'ordonnance du 1 er décembre 1986 est une bonne chose.

L'article 40 de ce texte indiquait en effet seulement, jusqu'à présent, que le silence gardé pendant deux mois par le ministre (ou 6 mois en cas de saisine du Conseil de la concurrence), valait acceptation tacite de l'opération. Le présent projet apporte donc à l'ordonnance, sur ce point, à la fois une précision et une réduction de délai( de deux mois à cinq semaines).

A l'occasion de la notification ou à tout moment avant l'expiration du délai de cinq semaines susvisé, les parties peuvent s'engager à prendre des mesures tendant à remédier aux effets anticoncurrentiels éventuels de l'opération.

Ces engagements, volontaires, diffèrent des injonctions ou prescriptions, visées par l'article 42 de l'ordonnance précitée, dont l'exécution peut être imposée par le ministre dans un délai qui n'est pas actuellement précisé par l'ordonnance.

Le ministre disposerait de trois semaines pour prendre sa décision, à compter de la réception des engagements, lorsque celle-ci a eu lieu plus de deux semaines après la notification, si bien que le délai de cinq semaines pourrait être, dans ce cas, dépassé.

Trois types de décisions pourraient intervenir :

- soit le ministre constate que l'opération n'aurait pas dû être notifiée (parce qu'elle ne répondait pas aux critères d'importance de chiffre d'affaires ou de caractère irrévocable fixés par les articles 39 et 40 de l'ordonnance) ;

- soit il demande l'avis du Conseil 134 ( * ) s'il estime que l'opération est de nature à porter atteinte à la concurrence ;

- soit, il est tenu d'autoriser l'opération en la subordonnant, s'il le juge nécessaire, à des engagements motivés.

S'il ne s'est pas prononcé dans les délais impartis, l'opération est réputée avoir fait l'objet d'une autorisation.

Par rapport à la situation précédente, les délais sont à certains égard nettement réduits, notamment en cas de saisine du Conseil de la concurrence (cinq semaines plus trois mois au lieu de 6 mois), mais la saisine n'étant plus facultative, aucune opération ne peut plus être engagée, sauf exception dûment motivée, avant cinq semaines au moins.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION

Votre commission vous propose d'adopter cet article modifié par un amendement tendant à permettre aux parties qui ont notifié la concentration de saisir elles-mêmes le Conseil de la concurrence.

Cette proposition va dans le sens du rééquilibrage, que souhaite votre commission, entre les pouvoirs du Conseil et ceux du ministre.

En permettant aux intéressés d'anticiper une saisine inévitable du Conseil de la concurrence par le ministre, elle peut occasionner un gain de temps pour tous les acteurs de la procédure, bien loin, comme on pourrait le craindre, de provoquer un allongement des délais auquel nul n'a, en fait, intérêt.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 53

Avis du Conseil et sanction du non-respect des règles d'autorisation des concentrations

Commentaire : le présent article introduit après l'article 42 de l'ordonnance trois nouveaux articles :

- l'article 42-1 précise la procédure suivie, les délais et la portée de la décision du Conseil de la concurrence lorsqu'il a été saisi d'une opération susceptible de porter atteinte à la concurrence ;

- L'article 42-2 traite des suites de l'avis du Conseil qui peuvent consister en la souscription d'engagements par les parties, ou en une décision d'interdiction assortie, le cas échéant d'injonctions, ou, enfin, en une autorisation sous condition de mesures tendant soit à améliorer la concurrence, soit à compenser les atteintes qui lui ont été portées (par une contribution au progrès économique et social) soit à réaliser effectivement des engagements pris.

Le ministre peut enfin autoriser purement et simplement, l'opération par une décision motivée ;

- l'article 42-3 précise les sanctions applicables lorsque des concentrations ont été réalisées sans être notifiées, ou avant la décision ministérielle ou en cas de déclaration inexacte ou d'inexécution d'une injonction, d'une prescription ou d'un engagement. Dans ce dernier cas, ainsi qu'en l'absence de notification, le Conseil de la concurrence peut être saisi.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Cet article, très technique, est le plus long du projet : près de trois pages imprimées et plus de 25 alinéas !

Il traite des interactions, dans le domaine du contrôle des concentrations, entre le conseil de la concurrence et le ministère de l'économie.

Trois nouveaux articles sont introduits dans l'ordonnance de 1986.

Sont tout d'abord évoquées les situations dans lesquelles le Conseil a été initialement saisi (articles 42-1 et 42-2), puis les conséquences de certaines infractions telles que l'absence ou l'inexactitude de notifications, la réalisation d'une opération avant la décision du ministre ou l'inexécution d'injonctions, de prescriptions ou d'engagements, qui peuvent entraîner de nouvelles saisines du Conseil (article 42-3).

La complexité semble être la règle et la simplicité l'exception.

La complication résultant de la nouvelle rédaction proposée du texte de l'ordonnance par rapport à l'ancienne est, en partie inévitable, elle résulte du caractère obligatoire de la notification qui entraîne la création de nouvelles infractions, de nouvelles sanctions et de nouveaux cas de saisine du Conseil.

Des différences entre la procédure en matière d'ententes et celles applicables en matière de concentration sont prévues : les parties n'ont que trois semaines et non deux mois pour présenter leurs observations et le conseil peut entendre des tiers en leur absence.

Le ministre peut prendre trois types de décisions initiales (article 42 de l'ordonnance modifié par l'article 52 du présent projet) lorsqu'une opération lui est notifiée : saisir le conseil, donner son autorisation, la subordonner à la réalisation effective d'engagements.

Quand il a saisi le Conseil (article 42-2 de l'ordonnance modifiée par le présent article 53) quatre types de décisions s'offrent à lui : l'interdiction, l'autorisation moyennant le rétablissement d'une concurrence suffisante ou la compensation des atteintes portées à la concurrence (mesures obligatoires ) enfin, l'autorisation à la condition que les engagements volontaires pris par les parties aient été respectés.

Dans le cas d'infractions aux règles de notification et d'autorisation (article 42-3), le ministre peut prendre encore d'autres mesures : sanctions, injonctions ou astreintes, retrait de la décision (si la déclaration est incomplète ou inexacte) ou nouvelle saisine du Conseil (en l'absence de notification ou s'il y a eu inexécution d'une injonction, d'une prescription ou d'un engagement).

Il en résulte une grande complexité.

On ne peut que regretter l'absence de procédure simplifiée, dans l'hypothèse - qui pourrait se présenter - où le Conseil de la concurrence ne voit pas d'objection à une opération dont il a été saisi par le ministre (lorsqu'elle n'est pas subordonnée à l'exécution d'injonctions, de prescriptions ou d'engagements, l'autorisation doit, dans ce cas, faire l'objet d'une décision motivée du ministre. En revanche, si le ministre n'a pas saisi initialement le conseil d'une opération notifiée, le dernier alinéa du III ou le IV du précédent article 52 disposent que le ministre est tenu de l'autoriser ou qu'une absence de décision de sa part vaut autorisation tacite).

La rédaction de l'article 53 n'est pas toujours claire. En effet, le délai de trois semaines prévu pour les observations éventuelles des parties est-il inclus dans les trois mois dont dispose le conseil pour rendre son avis (deux derniers alinéas de l'article 42-1 de l'ordonnance) ?

De même dans le II de l'article 42-2, pourquoi les parties proposeraient-elles des engagements si le ministre, dans sa décision, prise après avis du Conseil, ne l'a pas demandé, ce qui semble être le cas envisagé à la fin 135 ( * ) du premier alinéa ?

II.LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission aurait souhaité une rédaction plus claire de cet article. Celle-ci n'appelle cependant pas d'objection sur le fond de sa part. Elle vous propose donc de l'adopter sous réserve de deux amendements :

- le premier, de pure coordination avec ceux présentés aux articles 50 (autosaisie) et 52 (saisine du conseil par les parties)

- le deuxième, tendant à rétablir la précision dont la suppression ne lui semble pas justifiée, selon laquelle " le conseil tient compte de la compétitivité des entreprises au regard de la concurrence internationale ".

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 54

Conciliation du secret des affaires avec l'audition de tiers et la publicité des décisions

Commentaire : le présent article clarifie le rôle des tiers dans la procédure de contrôle ministériel des concentrations, et propose un dispositif de conciliation du secret des affaires avec la publicité des décisions et l'audition de tiers.

Le présent article propose une rédaction entièrement nouvelle de l'article 44 de l'ordonnance du 1 er décembre 1986. A l'heure actuelle, ce dernier article précise la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence, puis les règles de motivation et de publicité des décisions ministérielles, enfin les sanctions applicables en cas de non respect de ces décisions. A l'exception des règles relatives à la publicité des décisions ministérielles, toutes ces dispositions sont reformulées par ailleurs dans le projet de loi qui vous est soumis.

S'agissant des règles de publicité des décisions ministérielles, le présent article s'inspire des dispositions du règlement CEE du 21 décembre 1989 pour concilier la possibilité pour le ministre d'entendre des tiers et la publicité des décisions ministérielles, d'une part ; la protection légitime du secret des affaires, d'autre part.

D'un côté, le paragraphe I prévoit que les décisions ministérielles " sont rendues publiques, le cas échéant accompagnées de l'avis du Conseil de la concurrence, selon des modalités fixées par décret ". La publication de toutes les décisions, y compris les sanctions, est donc érigée en principe. Par ailleurs, le paragraphe II comble un vide juridique et clarifie le rôle des tiers en précisant que le ministère chargé de l'économie peut " interroger des tiers au sujet de l'opération, de ses effets et des engagements proposés par les parties . "

De l'autre côté, le paragraphe II prévoit que, lorsqu'il interroge des tiers et rend publique sa décision, le ministre chargé de l'économie " tient compte de l'intérêt légitime des parties qui procèdent à la notification ou des personnes citées à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués ".

Cet article a fait l'objet de modifications rédactionnelles à l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 54 bis (nouveau )

Non-rétroactivité des règles de procédure de la présente loi

Commentaire : le présent article précise le calendrier d'entrée en vigueur des procédures prévues par le présent projet de loi.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement, présenté par le gouvernement, précisant le calendrier d'entrée en vigueur des nouvelles règles de procédure devant le Conseil de la concurrence.

Le paragraphe I prévoit ainsi que ni la possibilité de la procédure simplifiée prévue par l'article 34 du projet de loi, ni les nouvelles modalités de sanctions proposées par l'article 38, ne seront applicables aux pratiques anticoncurrentielles pour lesquelles " une saisine du Conseil de la concurrence a été effectuée avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi ".

De manière similaire, le paragraphe II précise que la nouvelle procédure de contrôle des concentrations prévue par les articles 48 à 54 du projet de loi n'est applicable qu'aux opérations engagées de manière " irrévocable ", au sens défini par l'article 50 du projet de loi, après la date de publication du décret d'application du titre III du présent projet de loi, relatif au contrôle des concentrations.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 54 ter (nouveau)

Obligation d'information du comité d'entreprise en cas de concentration

Commentaire : le présent article prévoit une obligation d'information du comité d'entreprise d'une société partie à une opération de concentration ainsi que la possibilité pour le comité ou la commission économique de recourir, dans ce cas, à un expert.

Cet article additionnel, introduit à l'initiative du Président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, prévoit, lorsqu'une entreprise est partie à une opération de concentration, que le comité d'entreprise doit être réuni d'urgence (dans un délai de trois jour suivant la date à laquelle l'opération est rendue publique).

Il peut être recouru alors à un expert qui a accès aux documents de toutes les sociétés concernées par l'opération.

La possibilité donnée à un expert, désigné par le comité d'entreprise, d'avoir accès aux documents, non seulement de l'entreprise en cause mais de toutes les autres sociétés concernées par l'opération, semble à votre commission incompatible avec la règle du secret des affaires.

C'est essentiellement pour cette raison que les mesures prévues par le nouvel article ne lui paraissent pas opportunes.

Le comité d'entreprise peut faire jouer déjà les dispositions des articles 432-5 et 437-7 du code du travail pour exiger d'être informé et se faire assister éventuellement par des experts, dans le respect d' " une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel " .

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

* 131 Article du 15 mai 2000 paru dans " Les Echos ".

* 132 Or, en matière d'exception à l'interdiction des ententes, la commission a simplifié le régime des notifications préalables, en remplaçant le système des exemptions individuelles par un système d'exemptions par catégorie d'opérations. Celles-ci pouvant être, en outre, accordées de façon décentralisée en invoquant la nécessité de rendre les entreprises plus responsables.

* 133 Avec le nouveau système, 300 concentrations au lieu de 27 auraient été notifiées en 1999.

* 134 Qui dispose d'un délai de trois mois, voir commentaire de l'article 53 du présent projet de loi.

* 135 A moins que l'opération n'ait déjà fait l'objet de la décision prévue au I.

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