B. LE FINANCEMENT DES TRENTE-CINQ HEURES VENDANGE LES EXCÉDENTS DE LA BRANCHE FAMILLE ET DU FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE

Votre rapporteur avait, l'an dernier, fustigé la confusion entre le financement de la politique de l'emploi et le financement de la sécurité sociale.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le financement de la politique de l'emploi s'effectue au détriment de la sécurité sociale. Le choix du Gouvernement d'affecter des recettes au FOREC plutôt que de faire apparaître clairement un coût budgétaire lui permet de présenter une augmentation rassurante des dépenses publiques.

Par un mécanisme d'une effrayante complexité, les excédents de la CNAF et du FSV alimentent le fonds d'allégement de charges créé pour financer les trente-cinq heures.

1. Le financement du FOREC

a) Le projet de loi de financement 2001 et le collectif budgétaire de fin d'année jouent le rôle de collectif social pour 2000

N'ayant pas déposé de projet de loi de financement rectificatif, le Gouvernement est obligé de tenter d'équilibrer le compte du FOREC par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. De manière discrète, différents droits sur les alcools sont transférés rétrospectivement à compter du 1 er janvier 2000, du FSV vers le FOREC, pour un montant de 5,4 milliards de francs. Cette disposition obligera le FSV à opérer un versement, sur la base d'un arrêté ministériel, qui amputera ses comptes 2000. Ses excédents disparus, il ne pourra pas alimenter le Fonds de réserve des retraites.

Solde du Fonds de solidarité vieillesse en 2000

(en millions de francs)

Solde CCSS de septembre 2000

5.356

Transfert de droits sur les boissons

- 5.404

Solde après PLFSS pour 2000

- 48

Par ailleurs, le projet de loi de finances rectificative de fin d'année devrait prévoir l'affectation au FOREC de 3,1 milliards de francs de droits tabacs. Pourtant, selon l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale, " les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale " .

Au total, grâce à des transferts financiers de 8,5 milliards de francs et à une recette tabacs spontanément plus élevée de 2 milliards de francs, le FOREC serait en 2000 " équilibré " de la manière suivante :

Recettes et dépenses du FOREC en 2000

(en millions de francs)

Prévisions 2000

Mesures PLFSS 2001

RECETTES

Tabacs

39.500

44.600

TGAP

3.250

2.800

CSB

4.250

3.800

Alcools

5.600

11.500

Etat

4.300

4.300

TOTAL

56.900

67.000

DEPENSES

Ristourne Juppé

39.500

39.500

Extension

7.500

5.800

Aides loi RTT 1 et aide structurelle RTT 2

17.500

21.700

TOTAL

64.500

67.000

Ses dépenses ont été supérieures de 2,5 milliards de francs aux prévisions.

Votre rapporteur rappelle que le Gouvernement avait tenté de faire croire que le FOREC s'équilibrerait " tout seul ". L'argumentaire distribué à la presse, à la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxe sur les heures supplémentaires, comprenait ces paragraphes savoureux :

" Il est d'ores et déjà possible d'indiquer les grandes lignes qui permettront d'équilibrer le fonds.

" Du fait des excellents résultats économiques et sociaux de 1999, les recettes de la contribution sur les bénéfices et de la TGAP seront plus importantes que prévu : il faut rappeler que la LFSS et la LF ont été construites sur des prévisions qui datent de septembre. Il en va de même pour les droits sur les tabacs, dont 85,5 % [sic 32 ( * ) ] sont affectés au fonds d'allégement. " 33 ( * )

A l'aune des estimations de septembre 2000, la bonne tenue des recettes tabacs permet effectivement de dégager 2 milliards de francs supplémentaires.

En revanche, ce sont des " moins values " qui sont constatées sur la contribution sociale sur les bénéfices et la taxe générale sur les activités polluantes, pour un montant total de 0,9 milliard de francs.

S'agissant de la contribution sociale sur les bénéfices (- 450 millions par rapport à la prévision), il semble que le calendrier de recouvrement, identique à celui de l'impôt sur les sociétés, ait pour conséquence un décalage dans la perception des recettes. Il reste que le Gouvernement aurait dû anticiper cet effet " calendrier " dans la prévision qu'il avait donnée l'année dernière.

S'agissant de la taxe générale sur les activités polluantes (- 450 millions de francs par rapport à la prévision), il est utile, pour expliquer cette déconvenue, de revenir au chiffre définitif de l'année 1999, première année d'exercice de cette taxe : celle-ci était censée rapporter 1,935 milliard de francs. Selon la Cour des comptes 34 ( * ) , le montant final est proche de la prévision révisée de la loi de finances rectificative (1,8 milliard de francs). En conséquence, il y a un " effet base " 1999.

Le dispositif d'élargissement de l'assiette de la TGAP adopté par l'article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (lessives, granulats, produits phytosanitaires) et d'intégration de la taxe et de la redevance sur les installations classées était censé procurer 1,1 milliard de francs supplémentaires 35 ( * ) . Il semble que cet effet ait été surévalué d'environ 400 millions de francs.

L'extension d'assiette de la TGAP en 2000 : des prévisions aux estimations

(en millions de francs)

Prévisions septembre 1999

Estimations novembre 2000

Lessives

500

450

Granulats

200

90

Phytosanitaires

300

100

Installations classées

100

100

TOTAL

1.100

740

Source : déclarations de Mme Dominique Voynet à l'Assemblée nationale, JO Débats AN, 2 ème séance du 3 novembre 2000, p. 7951.

S'agissant des droits sur les alcools , leur produit, précisé à l'annexe f) du présent projet de loi (11,5 milliards de francs) englobe à la fois le transfert des 47 % des droits 403 décidé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, mais également les 8 % de droits 403 qui devaient rester au FSV et le transfert du reste des droits.

Il convient de distinguer entre ces différentes sources d'affectation.

Droits alcools du FOREC en 2000
(Nouvelles prévisions 2000)

(en millions de francs)

47 % des droits 403

5.659

8 % des droits 403

964

Droit de consommation sur les produits intermédiaires (402 bis CGI)

1.200

Droit sur les bières et les boissons non alcoolisés (520 A CGI)

2.360

Droit de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels (438 CGI)

880

TOTAL

11.063

Source : d'après annexe du projet de loi de finances " Bilan des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale "

La prévision révisée pour 2000 est équivalent à la prévision initiale (5,7 milliards de francs).

En revanche, la prévision globale des droits affectés au FOREC, présentée à l'annexe du projet de loi de finances " Bilan des relations financières entre l'Etat et la protection sociale ", est inférieure de 400 millions de francs à la prévision de l'annexe f) du projet de loi de financement.

Le " compte tendanciel " du FOREC pour 2000, hors mesures de " rafistolage " prises par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et le collectif budgétaire de fin d'année 2000, et que le Gouvernement n'a pas voulu faire apparaître dans le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, faisait apparaître un déficit de près de 10 milliards de francs 36 ( * ) :

Compte tendanciel du FOREC en 2000
(Nouvelles prévisions 2000)

(en millions de francs)

RECETTES

Tabacs

40.725

TGAP

2.800

CSB

3.800

Alcools

5.659

Etat

4.300

TOTAL DES RECETTES

57.284

TOTAL DES DÉPENSES

67.000

DÉFICIT

- 9.716

Source : d'après l'annexe du projet de loi de finances

On notera que la prévision retenue pour les tabacs (40.725 millions de francs) est une nouvelle fois inférieure à celle retenue par l'annexe f) du projet de loi de financement (41.500 millions de francs).

Par rapport au financement de la ristourne Juppé (39,5 milliards de francs), les dépenses " supplémentaires " du FOREC représentent 27,5 milliards de francs en 2000.

Ce financement des dépenses supplémentaires repose sur :

- l'affectation des droits sur les alcools autrefois perçus au profit du fonds de solidarité vieillesse , c'est-à-dire la sécurité sociale (11,5 milliards de francs) ;

- la création ou l'extension d'assiette de prélèvements sur les entreprises (4,9 milliards de francs correspondant à la CSB et à l'extension d'assiette de la TGAP) ;

- la " participation de l'Etat " , englobant la contribution budgétaire (4,3 milliards de francs), l'affectation d'une recette tabacs affectée à l'Etat (3,1 milliards de francs) ainsi que la perte de la TGAP dans son assiette de 1999 (1,9 milliard de francs), soit un total de 9,3 milliards de francs ;

- l'augmentation " spontanée " des recettes " tabacs " supérieure de 2 milliards de francs à l'évolution de la " ristourne Juppé ".

Financement des " dépenses supplémentaires "
du FOREC en 2000

(en millions de francs)

Sécurité sociale

11.500

Etat

9.300

Prélèvements nouveaux

4.700

Effet spontané recettes

2.000

TOTAL

27.500

D'où vient le financement des dépenses supplémentaires
engendrées par le FOREC en 2000?

* 32 En fait, 85,5 % de 90,9 %.

* 33 Communiqué à la presse du " ministère " de l'Emploi et de la Solidarité du jeudi 20 janvier 2000, cf. rapport d'information n°356 (1999-2000).

* 34 Rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, p. 46.

* 35 Un relèvement des quotités sur la pollution atmosphérique et les huiles usagées devant par ailleurs représenter 250 millions de francs de recettes supplémentaires.

* 36 C'est ce décalage entre les recettes et les dépenses que prend aujourd'hui en charge l'ACOSS.

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