DEUXIÈME PARTIE
-
ASSURANCE MALADIE

En matière d'assurance maladie, le passage de Mme Martine Aubry au ministère de l'Emploi et de la Solidarité se solde par un échec accablant.

Depuis trois ans, l'ONDAM est bafoué -les dépenses ont ainsi dérivé de près de 34 milliards de francs par rapport aux objectifs votés- et la volonté du Parlement superbement ignorée -le Gouvernement n'a jamais daigné déposer les projets de loi de financement rectificative qui auraient permis de prendre acte de ces évolutions.

La dérive des dépenses est d'ailleurs telle que la forte croissance des recettes ne parvient pas à ramener le régime général à l'équilibre.

Mme Martine Aubry laisse en partant un système conventionnel moribond. La progression considérable des dépenses d'assurance maladie intervient en effet dans un contexte de dégradation très marquée des relations entre les pouvoirs publics et les professionnels de santé. Le mécanisme pervers des lettres-clés flottantes, dont l'échec était prévisible, a de facto mis fin au système conventionnel en vigueur depuis 1971.

En matière de médicament, les augmentations excessives des prélèvements sur les entreprises pharmaceutiques risquent de mettre à mal les avancées qu'avait permis le cadre conventionnel.

Enfin, le Gouvernement n'a pas su profiter de la forte croissance pour engager les réformes nécessaires : l'ONDAM reste un agrégat comptable dépourvu de tout contenu de santé publique, la mise en place des outils de la maîtrise médicalisée des dépenses se fait toujours attendre, la réforme de l'hôpital est au point mort, les cliniques privées s'enfoncent dans la crise...

Il faudra du temps pour réparer les dégâts causés par une gestion au jour le jour, qui a essentiellement consisté à laisser filer les dépenses en espérant que la croissance des recettes viendrait combler les déficits.

Signe d'un désintérêt évident de la part du Gouvernement, le volet assurance maladie du présent projet de loi, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, ne comporte, à l'exception du traditionnel article sur l'ONDAM, aucune disposition d'importance. Il se compose de 19 articles 51 ( * ) (14 issus du projet de loi et 5 additionnels introduits par l'Assemblée nationale) dont, pour reprendre l'analyse de M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de l'Assemblée nationale, " certains éléments n'ont d'ailleurs sans doute pas leur place dans un tel texte " 52 ( * ) .

Votre rapporteur ne peut, à cet égard, que regretter que le Gouvernement ait, année après année, de plus en plus tendance à transformer le volet assurance maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale en un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre sanitaire.

Le projet de loi de financement ne saurait devenir une sorte de véhicule législatif de secours pour toutes les dispositions qui auraient dû figurer dans tous les projets avortés du Gouvernement : projet de loi de modernisation sociale, projet de loi de modernisation du système de santé...

De manière assez significative, le volet assurance maladie du présent projet de loi comporte ainsi trois articles qui figuraient initialement dans le projet de loi de modernisation sociale : l'article 33 (ancien article 3 du projet de loi de modernisation sociale) , relatif au fonds pour la modernisation sociale des établissements de santé, l'article 41 quater (ancien article 13) , relatif au report de la date limite de signature des conventions pour le financement des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, et l'article 32, relatif à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (partie de l'ancien article 4).

Cette pratique conduit -de manière perverse- le Gouvernement à transférer à l'assurance maladie un certain nombre de charges nouvelles dans le seul but " d'accrocher " au présent projet de loi un certain nombre de dispositions qui n'y avaient à l'évidence pas leur place...

I. UN ONDAM BAFOUÉ

L'ONDAM est la somme des dépenses des régimes obligatoires de base, dont sont exclus les prestations invalidité-décès, les rentes d'accidents du travail, les indemnités journalières maternité, les dépenses d'action sanitaire et sociale, les prestations extralégales, les dépenses de gestion administrative et au titre des divers fonds, les transferts et les frais financiers, et auxquelles sont ajoutées les dépenses des DOM.

Le tableau suivant résume les opérations effectuées pour passer des agrégats de dépenses de l'ensemble des régimes de base pour les branches maladie et accidents du travail à l'ONDAM.

Passage des dépenses réalisées par branche de l'ensemble des régimes de base à l'ONDAM réalisé pour l'exercice 1999

(en milliards de francs)

Branche maladie

Branche AT

Total

Dépenses des régimes de base

706,3

56,7

763,0

Prestations légales hors champ

Prestations invalidité-décès

-

-

-

Prestations incapacité permanente (AT)

-

- 30,1

- 30,1

Indemnités journalières maternité

- 12,2

-

- 12,2

Prestations à déduire

Prestations de services sociaux

- 10,7

-

- 10,7

Prestations extralégales

- 3,5

-

- 3,5

Dépenses à déduire

Frais de gestion

- 34,2

- 5,3

- 39,5

Transferts versés

- 25,5

- 6,4

- 31,9

Frais financiers

- 0,3

0,0

- 0,3

Autres dépenses

- 1,4

- 0,1

- 1,5

Solde des opérations DOM

- 6,3

0,1

- 6,2

A ajouter :

Dépenses DOM consolidées

13,4

0,1

13,5

ONDAM réalisé

625,6

15,0

640,6

L'ONDAM se décompose en quatre agrégats :

- l'objectif " soins de ville " , c'est-à-dire les honoraires, les prescriptions et les indemnités journalières maladie ;

- l'objectif " établissements sanitaires " correspondant à l'activité des établissements sous dotation globale (et les hôpitaux militaires) ;

- l'objectif " établissements médico-sociaux " , qui correspond à l'activité de ces établissements pour personnes âgées, handicapées ou enfants inadaptés ;

- l'objectif " cliniques privées " correspondant à l'activité des établissements sous objectif quantifié national et celle des établissements privés qui n'entrent pas dans le champ de cet OQN.

Avant d'examiner l'évolution de l'ONDAM en 1999, 2000 et 2001, votre rapporteur souhaite, avec l'aide de la Cour de comptes, rappeler les difficultés méthodologiques qui rendent particulièrement ardu l'exercice d'interprétation des évolutions de l'ONDAM.

L'ONDAM est un instrument à l'évidence perfectible. Comme le rappelle cette année la Cour des comptes 53 ( * ) , " l'existence de l'ONDAM constitue, comme c'était l'une de ses finalités, un indéniable progrès dans l'amélioration de la connaissance par la représentation nationale des choix effectués en la matière. Il n'en demeure pas moins que les insuffisances relevées dans les méthodes de préparation et le fait que la traduction chiffrée des objectifs de santé publique soit très grossière font que l'information présentée n'est pas encore totalement pertinente. "

La Cour souligne notamment que ce que l'on nomme " opérations de rebasage " fausse la signification de certaines informations fournies au Parlement. Sous ce vocable, il faut distinguer plusieurs choses : des changements de contenu de l'ONDAM et des transferts entre enveloppes, des modifications de calculs des taux d'évolution (pour tenir compte des écarts entre estimations et objectifs), et enfin la prise en compte de la remise versée par l'industrie pharmaceutique.

Chaque année, le contenu de l'ONDAM est ainsi modifié et des transferts entre enveloppes sont effectués. Ces modifications sont liées soit :

- à l'inclusion dans l'ONDAM de dépenses de l'Etat : pour 2000, inclusion des centres de diagnostics anonymes et gratuits (CDAG), de la prise en charge des toxicomanes, et des centres de planification et d'éducation familiale (soit un total de 102 millions de francs) ;

- à des transferts vers l'ONDAM des dépenses de certains fonds de l'assurance maladie qui n'y figuraient pas auparavant : transfert de certaines dépenses du fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires (FNPEIS) et transfert du coût des affectations de longue durée (ALD) du fonds national d'action sanitaire et sociale (FNASS) (soit une estimation de 900 millions de francs) ;

- à des transferts entre enveloppes : onze médicaments, jusque là distribués uniquement en pharmacie hospitalière, le sont désormais aussi en officine, et sont de ce fait transférés de l'enveloppe hospitalière vers l'enveloppe soins de ville (environ 600 millions de francs) et des crédits du secteur sanitaire public sont transférés vers le secteur médico-social (entre 150 et 200 millions de francs).

La Cour juge que si certains de ces transferts sont justifiés et améliorent la cohérence de l'ONDAM, les transferts faussent la comparaison sur longue période, car il n'est fourni de rétropolation que d'une année sur l'autre.

Si l'on intègre les transferts, les taux d'évolution d'une année sur l'autre peuvent être modifiés. Par exemple, l'évolution prévue entre l'objectif de 1998 et celui de 1999 était de 2,73 % et, si l'on tient compte du rebasage, de 2,66 %. Surtout, pour les soins de ville, l'évolution d'objectif à objectif était de 2,67 % contre 1,90 % seulement, si l'on tient compte du "rebasage" lié au transfert.

Ces développements de la Cour des comptes ont amené votre rapporteur à lui adresser la question écrite suivante :

" La Cour observe (p. 183 du rapport) que, chaque année, le contenu de l'ONDAM est modifié et des transferts entre enveloppes sont effectués. La Cour peut-elle évaluer l'impact détaillé, par enveloppe, de ces différents transferts ?

" La Cour note notamment (p. 101 du rapport) que la croissance du poste médicaments en 1999 incorpore " l'effet en année pleine de la distribution en pharmacie de ville, à partir de 1998, de médicaments jusqu'alors exclusivement disponibles à l'hôpital, et l'effet d'une décision de même type pour d'autres médicaments en 1999 (...), effets qui ne sont pas exactement connus mais qui semblent compris entre 500 millions de francs et 1 milliard de francs ". La Cour est-elle en mesure de fournir une évaluation plus précise de l'impact de ce phénomène en 1999 et 2000 ? "

La Cour lui a fait parvenir la réponse suivante :

" La Cour n'est pas en mesure de préciser l'impact détaillé, par enveloppe, des modifications du contenu de l'ONDAM et des transferts entre enveloppes, qui sont intervenues chaque année. C'est d'ailleurs pourquoi elle a recommandé que, chaque année, soit annexée au PLFSS une rétropolation indiquant ce qu'auraient été les montants des enveloppes des années antérieures si la définition des enveloppes avait été la même que pour celles de l'année faisant l'objet de la loi de financement.

" En ce qui concerne l'effet en année pleine de la distribution, en pharmacie de ville, de certains médicaments jusqu'alors exclusivement disponibles à l'hôpital, à la suite de décisions intervenues en 1998 puis en 1999, la Cour ne peut pas fournir d'évaluation plus précise que le montant de 500 millions à 1 milliard de francs cité dans le rapport.

" Elle ne dispose en effet d'aucun moyen d'évaluer elle-même cet effet et ne peut que constater la diversité et l'imprécision des chiffres avancés.

" Le codage des médicaments devrait cependant permettre de disposer de cette donnée à partir de 2000. "

La difficulté à évaluer ces effets fragilisent considérablement l'instrument que constitue l'ONDAM et les enveloppes qui le composent.

Pour compliquer encore la tâche du législateur et empêcher toute comparaison pluriannuelle, le Gouvernement modifie désormais le mode de calcul du taux d'évolution de l'ONDAM.

Les premières années, le taux d'évolution de l'ONDAM était fixé par référence au montant de l'ONDAM voté pour l'année précédente et non aux dépenses effectives pendant cette année. Ce système était censé permettre la récupération des éventuels dépassements des années précédentes. Cependant, l'objectif ayant été dépassé chaque année, et compte tenu de l'effet mécanique de l'accumulation des dépassements, le Gouvernement a décidé de modifier la procédure de fixation de l'ONDAM pour 2000.

Comme le rappelle la Cour des comptes, il faut en effet distinguer nettement deux choses :

- le niveau de l'ONDAM, c'est-à-dire de l'objectif que l'on se fixe, exprimé en milliards de francs ;

- l'évolution de cet objectif par rapport, soit à l'objectif qui avait été fixé pour l'année précédente (ONDAM objectif), soit par rapport aux dépenses effectives qui ont eu lieu cette année précédente (ONDAM réalisé) ; dans les deux cas, cette évolution est exprimée en pourcentage.

Seul le montant de l'objectif figure dans la loi de financement et est donc voté par le Parlement.

Le taux de croissance ne figure pas dans le projet de loi, mais cette grandeur est présentée par le Gouvernement, et davantage médiatisée que le montant.

Ce taux dépend bien entendu de la base : pour un même montant, le taux sera plus faible si la base (de l'année précédente) est plus élevée. C'est ici qu'intervient le "rebasage" : il a été décidé de prendre, pour calculer l'évolution de 1999 à 2000, la base égale non plus à l'ONDAM objectif 1999 voté par le Parlement dans la loi de financement pour 1999, mais le montant réalisé prévisionnel pour 1999 établi par la Commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 1999.

Cette opération entraîne naturellement une rupture statistique qui rend particulièrement difficile la comparaison sur plusieurs années.

Depuis 1999, intervient en outre la prise en compte de la remise versée par l'industrie pharmaceutique, qui rend l'analyse encore plus délicate.

A partir de celui voté pour 1999, l'ONDAM est défini en retranchant des dépenses les remises conventionnelles versées par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au titre du dépassement de l'objectif conventionnel d'évolution de leur chiffre d'affaires, dans le cadre des accords signés avec le comité économique des produits de santé.

Cette diminution de dépenses est enregistrée sur l'enveloppe des soins de ville, qui comprend le poste médicaments. Mais le montant de la remise n'est fixé qu'après la fin de l'année, le comité économique du médicament devant constater s'il y a eu ou non dépassement. Le montant de la remise au titre de 1998 a été fixé en avril 1999 à 1,2 milliard de francs. Son versement a été constaté dans les comptes de l'ACOSS en 1999.

Comme le souligne la Cour des comptes, le Parlement votant en décembre 1998, l'ONDAM pour 1999 a été fixé à 629,9 milliards de francs, alors qu'un dépassement de la prévision lié à la progression des dépenses de médicaments était prévisible. En fait, l'objectif réel, déduction faite de la remise, était de 628,7 milliards de francs et " ne pouvait être connu par la représentation nationale ".

La Cour des comptes considère -et votre rapporteur partage entièrement cette analyse- que " retrancher la remise de l'objectif de dépenses conduit à imputer sur 1999 des événements ayant eu lieu en 1998 et à comptabiliser une recette comme une moindre dépense, ce qui réduit d'autant la clarté de l'information et fausse les possibilités de suivi sur le long terme. "

Ces éléments démontrent indubitablement la nécessité d'élaborer un ONDAM dont la sincérité comptable ne puisse être contestée.

A. UNE DÉRIVE INQUIÉTANTE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

1. Un ONDAM dépassé de 11,3 milliard de francs en 1999 et de 13,2 milliards de francs en 2000

L'ONDAM 1999 : un dépassement de 11,3 milliards de francs

Les dépenses incluses dans le champ de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) se sont établies en 1999 à 641,2 milliards de francs, soit un dépassement de 11,3 milliards de francs par rapport à l'ONDAM fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 qui était de 629,9 milliards de francs.

Le surcroît de dépenses est, comme en 1998, principalement imputable aux soins de ville (de l'ordre de 44,5 % des dépenses comprises dans le champ de l'ONDAM), alors que l'augmentation des dépenses des établissements est restée limitée.

Par rapport au niveau effectif des dépenses dans le champ de l'ONDAM qui avait été atteint en 1998, l'évolution est de 2,8 % : une grande part du dépassement en 1999 est donc due au dépassement de l'année antérieure, l'objectif 1999 ayant été calculé à partir de l'objectif 1998 et non des dépenses réelles de 1998, qui se sont révélées nettement supérieures à l'objectif.

Comme le souligne la Cour des Comptes 54 ( * ) , plusieurs facteurs perturbent toutefois l'appréciation exacte des dépenses : la mise en place d'une nouvelle chaîne de traitement pour la liquidation des dossiers (PROGRES) a entraîné dans l'été 1999 un allongement des délais de liquidation et ces retards n'ont été qu'en partie résorbés par la suite. En outre, pour éviter des risques lors du passage à l'an 2000, un arrêt technique a eu lieu le 31 décembre 1999.

Du fait de ces événements, l'évolution de la consommation réelle de soins en 1999 a été sous-évaluée et, par contrecoup, celle de 2000 sera surévaluée. Si on intégrait l'impact de ces phénomènes, le dépassement de l'ONDAM atteindrait 13,7 milliards de francs en 1999.

ONDAM
Réalisations 1999

(en milliards de francs et en %)

1999
Objectif

1999 Comptes CCSS

Variation en % 99-98 Hors transferts

I Soins de ville

274,7

287,4

+ 3,8

II Versements aux établissements sanitaires

339,2

338,5

+ 2,2

II.1 Etablissements sanitaires

254,0

253,3

+ 2,3

II.1.1.Etablissements sanitaires sous DG

249,0

248,2

II.1.2. Autres établissements sanitaires

4,3

4,3

II.1.3. Honoraires du secteur public

0,8

0,8

II.2 Médico-social

43,9

44,1

+ 2,1

11.2.1. Médico-social (E.I.-A.H.)

-

29,7

II.2.2. Médico-social (personnes âgées)

-

14,4

II.3. Cliniques privées

41,3

41,1

+ 1,7

III. Ressortissants français à l'étranger

0,9

1,1

- 11,3

IV. Prestations DOM

13,9

14,2

+ 5,1

Objectif national

629,9

641,2

+ 2,9

Source : Direction de la sécurité sociale (S/D PEF - 6B)

Les évolutions des différents postes sont cependant contrastées :

- Les soins de ville

L'objectif des soins de ville, fixé à 274,7 milliards de francs, a été nettement dépassé : les réalisations sur ce poste se montent en effet à 287,4 milliards de francs, soit un dépassement de 12,7 milliards de francs constituant l'essentiel du dépassement constaté en 1999 pour l'ONDAM. Par rapport à 1998, la progression atteint 3,8 % hors transferts (notamment médicaments antirétroviraux sortis de la réserve hospitalière).

Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale, cette forte augmentation est principalement imputable à la progression des dépenses de pharmacie (+ 6 %) et d'indemnités journalières (+ 6,1 %) alors que la croissance des dépenses d'honoraires a été relativement modérée (+ 0,5 %). L'écart traditionnel entre la croissance des honoraires et des prescriptions a été renforcé par l'allongement des délais de liquidation : les prescriptions, en parties télétransmises, sont en effet moins sensibles que les honoraires aux aléas de liquidation.

La progression des honoraires (+ 0,5 %) est particulièrement modérée comparée à l'année précédente (+ 3,3 % en 1998). Le ralentissement est sensible notamment pour les consultations. On observe même une diminution des dépenses de visites et d'honoraires dentaires.

Les dépenses des professionnels paramédicaux progressent plus modérément (+ 3,2 % contre + 4,3 % en 1998). Les dépenses d'analyses biologiques ont, quant à elles, connu un ralentissement sensible (+ 2,6 % contre + 6,6 % en 1998) dû à la fois à la baisse du tarif de la lettre-clé B intervenue en juillet 1999 et au ralentissement de la croissance des volumes.

Les dépenses de pharmacie et du TIPS se sont élevées à 105,8 milliards de francs en 1999 contre 98,7 milliards de francs en 1998, soit une forte progression de l'ordre de 7,2 % (6 % hors transferts). Cette progression s'explique pour une large part par la croissance des dépenses de médicaments remboursés à 100 % (+ 8,2 %).

Le taux moyen de remboursement du médicament continue à progresser et atteint 72,9 % en 1999 pour le régime général, soit une hausse de 0,5 % par rapport à 1998.

- Les hôpitaux publics

L'objectif de 254 milliards de francs pour 1999 de versements aux établissements publics et aux établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH) a été respecté : les réalisations s'élèvent à 253,3 milliards de francs, soit une progression par rapport à 1998 de 2,3 %.

S'agissant des versements sous forme de dotation globale, ils ont atteint 248,2 milliards de francs et se sont donc avérés inférieurs de 800 millions de francs à l'objectif prévu : selon la Commission des comptes, l'essentiel de cette économie provient de l'évolution des recettes propres des établissements.

- Les établissements médico-sociaux

En 1999, les dépenses réalisées s'élèvent à 44,1 milliards de francs, soit une progression de 2,1 % hors transferts et un dépassement de 200 millions de francs par rapport à l'objectif, dépassement essentiellement dû, selon la Commission des comptes, à la forte évolution des dépenses entre 1997 et 1998.

La progression des dépenses se ralentit par rapport à celle enregistrée en 1998 (+ 6,4 %) en raison de la faible évolution des dépenses en faveur des adultes handicapés et enfants inadaptés (+ 0,8 % en 1999 contre + 7,2 % en 1998) que ne compense pas la progression des dépenses de médicalisation des établissements accueillant des personnes âgées (+ 5,5 % en 1999 contre + 4,3% en 1998).

- Les cliniques privées

Cette enveloppe se décompose en trois postes :

- les cliniques privées sous objectif quantifié national (OQN) hors consommations intermédiaires ;

- les anciens établissements à prix de journée préfectoral qui sont passés dans le champ contractuel mais restent encadrés par un objectif propre ;

- les établissements ou les prestations hors OQN.

Les versements aux cliniques privées se sont élevés à 41,1 milliards de francs en 1999, soit 1,7 % de plus qu'en 1998. Cette faible progression résulte de la baisse du prix de journée, décidée en cours d'année afin de compenser le dépassement de l'objectif en 1998.

L'économie de 200 millions de francs réalisée par rapport à l'objectif (41,3 milliards de francs) provient :

- d'un dépassement de 200 millions de francs environ pour les cliniques sous OQN ;

- d'une économie de 400 millions de francs environ pour les dépenses des cliniques hors OQN, due notamment à des modifications de champ.

L'ONDAM rebasé de 2000 : un dépassement de 13,2 milliards de francs

L'ONDAM voté en 2000 a fait l'objet d'une opération de rebasage : les taux proposés par le Gouvernement pour 2000 ont été calculés sur la base de l'objectif initial 1999 pour les établissements publics de santé, les établissements médico-sociaux et les cliniques privées, et sur la base de la prévision d'exécution 1999, connue en septembre 1999, pour les soins de ville, secteur où l'effet report des dépassements successifs était le plus important.

Malgré son " rebasage ", l'ONDAM 2000, dont le montant voté s'élevait à 658,3 milliards de francs, serait, selon la Commission des comptes, dépassé de 13,2 milliards de francs, pour atteindre 671,5 milliards de francs, soit une augmentation de 4,9 %.

Comme en 1998 et en 1999, ce dépassement est essentiellement imputable à celui des soins de ville (+ 7 % pour le seul régime général), qui atteindrait 13,5 milliards de francs. Pour le seul régime général, le dépassement serait de 11,5 milliards de francs, en métropole sur le champ de l'ONDAM. Il porte intégralement sur les soins de ville.

La Commission des comptes considère pour sa part que la forte croissance enregistrée en 2000 - qui contraste avec l'évolution modérée de 1999 - résulte pour une part des retards de liquidation, le début de l'année 2000 ayant été affecté par des reports de soins dispensés en 1999.

Si l'on analyse l'évolution de la consommation en date de soins, et non en date de remboursement, on observe une croissance régulière des soins de ville en 1998 et 1999 sur un rythme d'environ 6 % l'an en volume. Cette tendance se poursuivrait en 2000.

Néanmoins, si l'on retire l'impact de ces reports de liquidation, évalué à 2,4 milliards de francs, le dépassement net de l'ONDAM 2000 n'en atteindrait pas moins 10,8 milliards de francs.

Les données les plus récentes fournies par la CNAMTS à la mi-octobre confirment ces tendances.

A la fin du mois d'août 2000, les dépenses du régime général dans le champ de l'objectif national de dépenses voté par le Parlement sont toujours en hausse.

Les dépenses du régime général dans le champ de l'ONDAM
(situation à la fin août 2000)

Régime général - Métropole
Tous risques
Janvier à août 2000

Montants cumulés à fin août 2000

Taux d'évolution sur un an

Soins de ville

169.701

8,6 %

honoraires médicaux et dentaires

52.112

4,5 %

prescriptions

93.017

11,2 %

indemnités journalières

24.572

8,1 %

Etablissements sanitaires publics (*)

142.427

2,6 %

Etablissements sanitaires privés

23.163

2,3 %

Etablissements médico-sociaux (**)

26.698

5,6 %

Total ONDAM

361.989

5,5 %

(*) taux d'évolution calculé en neutralisant l'évolution du poids du régime général par rapport aux autres régimes.

(**) Ce poste intègre désormais les versements faits aux établissements pour personnes âgées et aux centres d'action socio-médicale précoce.

NB : les huit premiers mois de 2000 comportent le même nombre de jours ouvrés que les huit premiers mois de 1999.

Les remboursements de soins de ville progressent sur un an, entre les huit premiers mois de 1999 et les huit premiers mois de 2000, de + 8,6 % contre + 8,2 % à fin juillet, en données corrigées du nombre de jours ouvrés.

Les soldes des dossiers en instance à fin août 2000 représentent l'équivalent de 5,4 jours ouvrés, soit un niveau équivalent à celui atteint l'année dernière à la même date.

Entre les huit premiers mois de 1999 et les huit premiers mois de 2000, la croissance des dépenses déléguées à la CNAMTS est de + 6,0 %, celle des autres dépenses de ville atteint + 11,1 %.

Les dépenses de médicaments progressent de 12,2 %, celles de frais de transport de + 9,0 % et celles d'indemnités journalières de + 8,1 %. La croissance des honoraires médicaux et dentaires, plus modérée, est, sur la même période, de 4,5 %.

Les premières données disponibles sur les dépenses du mois de septembre n'apportent pas d'informations nouvelles sur la conjoncture des soins de ville. Les remboursements des neuf premiers mois de l'année devraient, en données corrigées des jours ouvrés, progresser de + 8,6 % par rapport aux neuf premiers mois de 1999 (taux inchangé par rapport à celui atteint à fin août).

Résultats provisoires sur les dépenses à fin septembre 2000

Régime général - Métropole
Tous risques
Janvier à septembre 2000

Montants cumulés à fin septembre 2000

Taux d'évolution sur un an
Jan./sept. 2000
Janv./sept. 1999


Taux d'évolution corrigé des jours ouvrés

Soins de ville

189.907

8,0 %

8,6 %

honoraires médicaux et dentaires

58.038

4,2 %

4,8 %

prescriptions

104.536

10,5 %

11,0 %

indemnités journalières

27.333

7,3 %

7,8 %

NB : Les neuf premiers mois de l'année 2000 comportent un jour ouvré de moins que les neuf premiers mois de 1999.

La croissance des remboursements de médicaments serait de + 12,1 % sur la même période. Le taux de croissance des honoraires médicaux et dentaires (+ 4,8 %) serait en légère augmentation par rapport à celui à fin août.

Le solde des dossiers à traiter à la fin du mois de septembre est légèrement inférieur, en termes de jours ouvrés (4,4 jours) à celui observé un an avant.

Parmi les soins de ville, l'objectif délégué de dépenses, qui comprend les honoraires, les auxiliaires médicaux et les analyses biologiques, progresserait de 2,4 % hors reports. En revanche, les autres dépenses de ville ont, à nouveau, connu une forte progression et, plus précisément, les médicaments (+ 7,2 % hors reports), les indemnités journalières (+ 6,3 %) et les biens médicaux (+ 13 %).

Pour les établissements de santé publics , le dépassement de l'objectif résulterait quasi exclusivement des mesures des protocoles des 13 et 14 mars dernier non financées par le fonds d'accompagnement social (FASMO) ou par l'État.

Les cliniques privées sous objectif quantifié national auraient, quant à elles, respecté cet objectif.

Dans le secteur médico-social , les dépenses seraient inférieures de 400 millions de francs à un objectif fixé à 47,2 milliards de francs. Toutefois, compte tenu de la surestimation de la base 1999, le taux d'évolution devrait être supérieur au taux prévu.

Votre rapporteur s'était enquis auprès de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité de l'impact sur les comptes 2000 de la branche maladie de la loi portant création d'une couverture maladie universelle . Il avait ainsi demandé une réactualisation, au vu des derniers chiffres de la Commission des comptes de la sécurité sociale, du coût pour les finances de l'Etat, les finances locales et les finances sociales de la loi portant création d'une couverture maladie universelle.

Il a reçu la réponse suivante :

" Le tableau ci-dessous résume les principaux flux financiers budgétaires attachés aux transferts liés à la loi portant création d'une couverture maladie universelle.

Recettes (ou moindres dépenses) Etat

Dépenses (ou moindres recettes) Etat

Suppression de l'ancien dispositif d'aide médicale Etat

807 MF

Mise en place de l'aide médicale Etat résiduelle

495 MF

Baisse de la dotation générale de décentralisation des départements

9.127 MF

Transfert d'une fraction des droits de consommation sur le tabac au profit de la CNAMTS

3.500 MF

Subvention budgétaire au fonds CMU

7.000 MF

" La réactualisation des données afférentes à la sécurité sociale ne peut être effectuée de façon pertinente : des recettes ont été affectées à la CNAMTS en 2000 pour faire face aux dépenses supplémentaires estimées ; ces dépenses ne faisant l'objet d'aucun suivi statistique, l'écart entre les dépenses réalisées et les recettes affectées ne peut être déterminé. "

Il est par conséquent tout simplement impossible de savoir précisément quel est le coût de la CMU pour la CNAMTS !

Lors de l'examen du projet de loi portant création de la CMU, votre rapporteur, qui était également rapporteur de ce texte, avait relevé qu'aucun dispositif d'évaluation n'était prévu par le projet de loi. Il n'existait ainsi aucun dispositif technique permettant d'apprécier l'ensemble des dépenses engendrées par la création de la couverture maladie universelle, notamment au niveau de la couverture de base. Le surcoût lié à l'extension du champ était estimé par le Gouvernement à 600 millions de francs, sans aucun moyen d'apprécier a posteriori le bien fondé de cette estimation, et de manière générale, l'ensemble des évaluations qui avaient présidé au " montage financier " de ce projet de loi.

Telles étaient les raisons qui avaient conduit votre rapporteur à proposer au Sénat, qui l'avait accepté, l'adoption d'un article additionnel :

- permettant au Parlement de prendre connaissance, avant le 15 octobre de chaque année (date limite de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale) d'un rapport sur l'évaluation des titres I à III du projet de loi ;

- prévoyant qu'un des deux rapports annuels de la Commission des comptes de la sécurité sociale présenterait un bilan financier de la mise en place de la CMU ;

- assurant l'existence d'une section comptable spécifique de la CNAMTS, afin de suivre les recettes et les dépenses liées à la CMU. La CNAMTS disposait déjà d'une telle section pour les assurés personnels.

Votre rapporteur regrette infiniment que l'Assemblée nationale n'ait pas suivi le Sénat sur ce dernier point.

* 51 Y compris l'article 44, relatif à l'ONDAM.

* 52 Avis présenté au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale par M. Jérôme Cahuzac, A.N. n° 2631, p. 122.

* 53 Rapport sur la sécurité sociale, septembre 2000, p. 181 et suivantes.

* 54 Op. cit. p. 100.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page