B. LE NOUVEAU TRAITÉ DU 23 AVRIL 1996

1. Le champ d'application de l'extradition

Comme dans de nombreux autres traités d'extradition signés par la France, le traité franco-américain limite les possibilités d'extradition à certains types d'infractions et réserve à l'Etat requis la possibilité de refuser une demande d'extradition.

. Les conditions requises

La France et les Etats-Unis, par l'article premier du présent traité, " s'engagent à se livrer réciproquement (...) toute personne qui est poursuivie ou condamnée par les autorités compétentes de l'Etat requérant pour une infraction donnant lieu à extradition ". Ces infractions sont définies à l'article 2.

Plusieurs conditions sont posées par l'article 2 pour qu'une infraction pénale puisse donner lieu à extradition,

- l'infraction doit , en application de la législation des deux Etats, être passible d'une peine privative de liberté d'au moins un an et si l'extradition est demandée en vue d'exécuter un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois ;

- l'infraction peut se résumer à une tentative, une complicité ou une participation à une association de malfaiteurs ;

- l'infraction doit être punie selon la loi des deux Etats, selon le principe de double incrimination, dans le sens où il s'agit d'une " double punissabilité ", que " les législations des deux Etats classent ou non l'infraction dans la même catégorie ou la décrivent ou non dans des termes identiques " et indépendamment de la " clause américaine de transport " donnant compétence aux juridictions fédérales ;

- si l'infraction est commise hors du territoire de l'Etat requérant, l'extradition est accordée si la législation de l'Etat requis lui permet de la poursuivre dans des circonstances analogues ;

- si certaines infractions pour lesquelles l'extradition est demandée ne remplissent pas les conditions ayant trait à la durée de la peine ou à la nature de l'infraction (article 2 § 1 et 2), l'extradition peut tout de même être accordée si par ailleurs elle est aussi demandée pour des faits remplissant toutes les conditions requises ;

- l'infraction fiscale peut donner lieu à extradition dans les conditions du droit commun.

Par rapport aux conventions antérieures, le présent traité étend considérablement le champ des infractions extraditionnelles par trois moyens :

- les infractions ne sont plus énumérées limitativement mais définies par référence à un seuil de peine encourue ;

- une approche très différente en matière d'infraction fiscale , la convention de 1909 renvoyant à un accord ultérieur des parties sur une infraction ou une catégorie d'infractions. Les infractions fiscales seront désormais régies par le droit commun de l'extradition avec les Etats-Unis comme avec la plupart des pays avec lesquels la France a signé des conventions bilatérales d'extradition ;

- l'autorisation d'une " extradition accessoire " en permettant de poursuivre la personne réclamée pour des faits qui, à eux seuls, ne justifient pas une extradition à titre principal.

. Les motifs de refus d'extradition

Le traité énumère ensuite, aux articles 3 à 9, les cas de refus d'extradition.

Tout d'abord, aux termes de l'article 3, l'extradition peut ne pas être accordée si la personne réclamée a la nationalité de l'Etat requis. Le traité précise même que le pouvoir exécutif des Etats-Unis a la faculté de le faire discrétionnairement. Dans le cas où cette condition de nationalité suffirait à elle seule à refuser l'extradition, l'Etat requis devra néanmoins soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale.

Ensuite, selon l'article 4, l'extradition n'est pas accordée lorsque l'infraction est considérée par les deux Etats comme politique, le texte précisant pour la France que celle-ci n'accordera pas l'extradition pour une infraction qu'elle considérerait " comme une infraction connexe à une telle infraction ou (...) inspirée par des motifs politiques ", les Etats-Unis entendant, pour leur part, limiter leur refus d'extradition aux seules infractions politiques.

Au paragraphe 2 de l'article 4, les deux parties conviennent d'une " clause de dépolitisation ", c'est-à-dire d'une liste d'infractions qu'elles ne considèrent pas comme politiques, de celle établie à l'article 3 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et à l'article 1 er de la convention pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977 soit, notamment, les crimes touchant à l'intégrité physique d'un Chef d'Etat ou de sa famille, les infractions pour lesquelles les parties sont déjà soumises à une obligation d'extradition, toute infraction concernant une détention illégale (enlèvement, prise d'otage), une atteinte à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté de personnes bénéficiant d'une protection internationale y compris diplomatique, et toute infraction comportant l'utilisation d'engins explosifs ou d'armes à feu.

Toutes ces dérogations, sauf celle relative à la personne du Chef de l'Etat et de sa famille, peuvent pourtant être rendues inopérantes par l'application du paragraphe 3 qui autorise l'Etat requis à faire prévaloir l'exception d'infraction politique par l'exercice d'un " droit de réserve ". L'exercice de ce droit est toutefois subordonné à l'engagement de l'Etat requis de prendre en considération dans sa décision le caractère de particulière gravité de l'infraction (danger collectif pour la vie, l'intégrité ou la liberté des personnes ; victimes étrangères aux mobiles l'ayant inspirée ; cruauté ou perfidie). Cette disposition reprend l'article 13 §1 de la convention européenne de 1977 et la déclaration qu'avait faite la France à ce propos.

En outre, lorsque la demande d'extradition est inspirée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques, l'extradition n'est pas accordée (article 4 § 4 dit " clause de discrimination " et article 5 de la convention européenne de 1977).

Il en est de même lorsque l'infraction pour laquelle est demandée l'extradition est exclusivement militaire (article 5) selon un principe traditionnel.

L'extradition peut également être refusée pour des raisons humanitaires lorsqu'elle est susceptible d'avoir des conséquences exceptionnellement graves en raison de l'âge ou de l'état de santé de la personne demandée. Cette clause, spécifique aux conventions conclues par la France, est une reprise de la réserve qu'ava it formulée notre pays à l'article 1 er de la convention européenne du 13 décembre 1957.

Par ailleurs, lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans l'Etat requis d'un jugement d'acquittement ou d'une condamnation définitive ou lorsque l'action publique ou la peine sont prescrites selon la législation de l'Etat requis, l'extradition n'est pas accordée (articles 8 et 9). La décision des autorités de l'Etat requis de ne pas exercer de poursuites ou d'y mettre fin ne permet toutefois pas de refuser l'extradition.

Enfin, conformément aux dispositions habituelles dans ce type de convention, l'extradition peut être refusée lorsque l'infraction est punie de la peine capitale par la législation de l'Etat requérant, à moins que " l'Etat requérant ne donne l'assurance que la peine capitale ne sera pas infligée ou si elle est prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée " (article 7). Cette clause est particulièrement importante avec les Etats-Unis où la peine de mort peut être prononcée. Ainsi, les assurances prévues par le présent traité sont déjà systématiquement demandées par les autorités françaises. Elles sont généralement fournies par le procureur compétent localement, qui s'engage à ne pas requérir cette peine. La procédure applicable aux Etats-Unis prévoit, en effet, que l'accusation doit prendre des réquisitions spéciales lorsqu'elle entend établir l'existence de circonstances aggravantes qui doivent, selon elle, conduire au prononcé de la peine capitale. En l'absence de réquisitions spéciales prises en ce sens, la juridiction de jugement ne peut prononcer la peine de mort à l'encontre de l'accusé. Les engagements pris par ce représentant du parquet engagent l'accusation dans son ensemble et non pas seulement le procureur qui les donne. Le Conseil d'Etat exige souvent, en outre, des assurances complémentaires du juge (non prononcé de la sanction) et des autorités fédérales (non exécution).

2. La procédure d'extradition

Le traité d'extradition prévoit que la procédure d'extradition s'opère par la voie diplomatique (article 10 §1). La demande d'extradition formulée par écrit doit être accompagnée d'un exposé des faits, de l'original ou de l'expression authentique d'une décision de condamnation ou d'un mandat d'arrêt, du texte des dispositions légales applicables à l'infraction en cause et du signalement de la personne (article 10 § 2, 3 et 4).

. L'application du principe de spécialité

Le traité applique le principe dit de " spécialité des poursuites " selon lequel une personne extradée ne peut être ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l'exécution d'une peine pour un fait antérieur à la remise autre que celui ayant motivé l'extradition (article 19).

Toutefois, deux tempéraments sont prévus à l'application de ce principe :

- si l'Etat requis donne son accord à une telle extension de l'extradition, sous réserve d'ailleurs que la nouvelle infraction invoquée entre dans le champ d'application de l'extradition ;

- si la personne extradée n'a pas quitté le territoire de l'Etat requérant dans les trente jours suivant son élargissement définitif, ou si elle y est librement retournée après l'avoir quitté.

Ces tempéraments sont les mêmes que ceux figurant à l'article 14 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.

Dans le même esprit, si postérieurement à l'extradition, l'infraction a fait l'objet, dans l'Etat requérant, d'une nouvelle qualification légale, la personne ne pourra être jugée ou poursuivie sur la base de cette infraction requalifiée que :

- si elle vise les mêmes faits que l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée et peut donner lieu à extradition ;

- si elle est punie d'une peine privative de liberté qui ne soit pas supérieure à celle qui était encourue. C'est une garantie supplémentaire pour l'intéressé.

Enfin, aux termes de l'article 20, sauf lorsque la personne extradée a poursuivi son séjour dans l'Etat requérant au-delà du délai de trente jours après son élargissement, sa réextradition vers un Etat tiers ne peut être accordée que si l'Etat qui a accordé l'extradition y consent.

. Les dispositions relatives à l'arrestation provisoire, à la remise et au transit

Lorsque l'Etat qui sollicite une extradition demande également, en cas d'urgence, l'arrestation provisoire de la personne recherchée, les informations reprises sont voisines de celles demandées pour la demande d'extradition elle-même et doivent indiquer l'intention de l'Etat requérant de demander ultérieurement l'extradition. Aucun cas de refus d'arrestation provisoire n'est prévu dans le traité. En tout état de cause, l'arrestation provisoire prend fin si, après un délai de 60 jours, la demande d'extradition n'est pas parvenue à l'Etat requis (article 13). Observons que ce délai maximal n'est que de 40 jours dans la convention européenne d'extradition. En outre, selon le traité, la mise en liberté à l'épuisement du délai de 60 jours ne fait pas obstacle à ce que de nouvelles arrestation provisoire et extradition soient demandées.

L'article 15 concerne la décision prise par l'Etat requis et les conditions de la remise. Tout refus complet ou partiel doit être motivé, clause classique dans ce type de traité.

L'article 16 détermine les cas où la remise peut être différée et prévoit la possibilité d'une remise temporaire de la personne réclamée.

L'article 17 règle la question des concours de requête, c'est-à-dire les hypothèses dans lesquelles l'Etat requis est saisi par plusieurs Etats de demandes d'extradition à l'encontre de la même personne. L'Etat requis s'engage en fonction des données du dossier à traiter le problème dans l'intérêt des deux Parties.

L'article 18 concerne la saisie des objets et leur remise. Lorsque ces objets sont susceptibles de saisie et de confiscation sur le territoire de l'Etat requis, ce dernier pourra, aux fins d'une procédure pénale en cours, les garder temporairement ou les remettre sous condition de restitution. Sont toutefois réservés les droits de l'Etat requis où des tiers auraient acquis sur ces objets.

L'article 21 règle les dispositions relatives au transit d'une personne à travers le territoire de l'une des deux Parties lorsque l'autre Partie a fourni une demande d'extradition auprès d'un Etat tiers. Le transit obéit à des règles simplifiées, tandis que le transit aérien ne nécessite normalement aucune autorisation.

L'article 22 règle la question de la prise en charge des frais de l'extradition qui, comme cela est d'usage, sont à la charge de la Partie requise lorsqu'ils sont exposés sur son territoire et ce, jusqu'à la remise de la personne.

. Les modalités spécifiques de représentation des Etats dans les procédures d'extradition

L'article 22 prévoit dans son paragraphe 1 er une obligation de conseil et d'assistance dans la procédure d'extradition à la charge de l'Etat requis. Cette obligation est remplie conformément au procès-verbal d'accord sur la représentation joint au traité.

Chaque Partie s'engage à aider l'autre dans la limite de ce que lui permet sa Constitution et sa législation.

Les Etats-Unis s'engagent à désigner dans chaque affaire un conseil juridique chargé d'étudier la demande d'extradition et de la faire aboutir. Ils s'engagent également à représenter la France durant toute la procédure, même en appel ou lors d'une action en " Habeas Corpus ".

De manière similaire, tout au long de la procédure en France, les autorités françaises serviront de relais ou faciliteront la tâche des autorités américaines.

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