3. Un programme d'allégements d'impôt hétéroclite

a) L'art de " l'improvisation fiscale "

Déjà, votre rapporteur général avait regretté la faible cohérence du programme fiscal gouvernemental dans le collectif budgétaire pour 2000.

Les allégements d'impôts inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000 étaient au nombre de trois 23 ( * ) :

- une réduction de la taxe d'habitation pour un coût de 11 milliards de francs ;

- un allégement de l'impôt sur le revenu à hauteur de 11 milliards de francs (diminution d'un point de chacun des deux premiers taux d'imposition) ;

- la baisse d'un point du taux normal de la TVA pour 18,45 milliards de francs en 2000.

Votre commission avait fait procéder à une évaluation des mesures fiscales présentées dans le collectif budgétaire.

Cette évaluation montrait que les mesures fiscales ne concernaient que les ménages et contribuaient au soutien de la demande. Pourtant le contexte actuel est déjà celui d'une bonne tenue de la demande intérieure, alors que des doutes subsistent sur l'aptitude de l'économie française à accroître ses capacités de production et, en conséquence, à avoir une croissance soutenue sans saturation de l'offre et sans risque inflationniste.

L'Union européenne se caractérise par des différences sur les fiscalités du travail, de l'épargne et des entreprises, qui constituent des ressources délocalisables. C'est sur ce type d'impôts qu'une réforme est nécessaire, de façon à améliorer la compétitivité fiscale. Ni cette contrainte, ni celle de l'harmonisation des fiscalités en Europe ne sont prises en compte dans le programme d'allégements d'impôts annoncé au risque d'accroître les phénomènes de délocalisation.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé des réductions d'impôts pour 48 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2001. Contrairement aux années précédentes, le détail de ces réductions et leur répartition entre ménages et entreprises n'est pas clair.

On peut néanmoins relever que les principales mesures fiscales concernent :

- l'impôt sur le revenu , avec un allégement de 23,4 milliards de francs en 2001 (28,7 milliards compte tenu de l'indexation du barème) ;

- l'impôt sur les sociétés avec un dispositif d'imposition au taux réduit de 25 % en 2001, puis 15 % en 2002 pour les petites entreprises, pour un coût de 2,3 milliards de francs en 2001, une réduction de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, financée presque intégralement par l'aménagement de régimes fiscaux particuliers ;

- la fiscalité agricole , avec une série de mesures découlant du rapport de nos collègues députés Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac (aménagement de la déduction pour investissement lorsqu'elle est affectée à l'acquisition de parts de sociétés coopératives agricoles, abattement sur les bénéfices en faveur des jeunes agriculteurs, imputation des déficits agricoles sur le revenu global, clarification des règles d'exonération des plus-values professionnelles...) ;

- la fiscalité pétrolière : le projet de loi de finances comprend une baisse de la TIPP sur le fioul domestique pour un coût de 3,5 milliards de francs, et une série de mesures dont l'impact budgétaire est incertain : un nouveau dispositif de TIPP " stabilisatrice " ou " flottante " permettant de restituer aux consommateurs les surplus de TVA consécutifs à la hausse des prix des carburants lorsque la hausse du " Brent daté " est supérieure à 10 %, un gel du plan d'augmentation de la TIPP sur le gazole, des mesures de remboursements de la TIPP aux transporteurs routiers (pour un coût de 1,6 milliard de francs) et une contribution exceptionnelle des grandes entreprises pétrolières (+ 3,5 milliards de francs 24 ( * ) );

- la vignette automobile : le projet de loi de finances pour 2001 comporte une exonération de vignette pour les voitures particulières pour un coût de 12,5 milliards de francs ;

- un nouveau dispositif fiscal en faveur de l'investissement outre-mer qui " n'entraîne pas de coût pour les finances publiques et est destiné à contribuer de manière plus efficace au développement de l'économie et de l'emploi outre-mer " selon les termes du gouvernement.

Au total, le gouvernement aura choisi le " saupoudrage " plutôt que la réforme, au risque d'ailleurs d'oublier de nombreux Français et de fragiliser encore la compétitivé de nos entreprises .

Ainsi les classes moyennes sont-elles les oubliées du plan d'allégement d'impôt sur le revenu , qui d'ailleurs ne propose qu'un aménagement et non une réforme de fond.

De même, les entreprises bénéficieront d'allégements que l'on peut qualifier d'homéopathiques, en comparaison avec les hausses réelles qu'elles doivent par ailleurs supporter . Si le projet de loi de finances prévoit un allégement d'impôt de 2,3 milliards de francs et une suppression progressive de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, il faut tout de même rappeler que, en trois ans, du fait notamment de l'alourdissement de la fiscalité, le produit de l'impôt sur les sociétés aura progressé de près de 50 %. Par ailleurs, certaines entreprises sont lourdement taxées dans le projet de loi de finances (les entreprises pétrolières) et le collectif budgétaire pour 2000 viendra bientôt alourdir la taxe générale sur les activités polluantes, qui touche un nombre croissant de secteurs de notre économie.

Ainsi, seule une consolidation de l'ensemble des mesures prises au cours de l'année 2000, dans les deux lois de finances rectificatives pour 2000, de juillet et bientôt décembre, dans la loi de finances pour 2001 et dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, permettrait de tirer des enseignements sur la réalité du programme fiscal français et de comparer ce programme avec les alourdissements d'impôts opérés depuis 1997.

En l'absence d'une telle consolidation, et compte tenu du flou sur l'impact exact des mesures du projet de loi de finances pour 2001 sur les contribuables, il faut se contenter d'observer l'évolution des principaux impôts.

Les recettes du projet de loi de finances pour 2001

(en milliards de francs)

révisé 2000

PLF 2001

évolution

Recettes fiscales nettes

1.585,2

1.629,2

2,8 %

IR

346,3

343,5

-0,8 %

IS

255,7

280,8

9,8 %

TIPP

166,4

167,6

0,7 %

TVA

691,9

714,5

3,3 %

Autres

124,9

122,8

-1,7 %

Recettes non fiscales

180,3

187,9

4,3 %

Prélèvements sur recettes

-284

-307

8,1 %

Recettes nettes du budget général

1.481,4

1.510,1

1,9 %

On remarque que les allégements sur l'impôt sur le revenu et la TIPP devraient, selon les évaluations du gouvernement, permettre de les stabiliser en 2001 (- 0,8 % pour l'IR et + 0,7 % pour la TIPP).

L'impôt sur les sociétés continuerait toutefois d'être très dynamique (+ 9,8 %) malgré la suppression de la contribution additionnelle. Selon le gouvernement, la hausse aurait été de 15 % à législation inchangée.

Les prélèvements sur recettes sont revus fortement à la hausse (+ 8,1 %) en raison de la compensation de la suppression de la vignette automobile pour les particuliers.

Enfin, la TVA progresserait assez faiblement par rapport à la croissance attendue (+ 3,3 % soit exactement le niveau de la croissance en volume) en raison de " l'impact résiduel " de la mesure de baisse d'un point de TVA et de l'allégement de la TIPP sur le fioul.

* 23 Hors la mesure concernant l'aménagement des remboursements aux transporteurs routiers au titre de la TIPP pour 200 millions de francs.

* 24 Cette contribution a été portée à environ 5 milliards de francs par l'Assemblée nationale.

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