3. Un débat qui joue contre l'Europe

Ce débat est enfin en totale contradiction avec les principes mêmes de l'intervention budgétaire européenne.

Il convient en effet de restituer les choses.

Le budget communautaire dans son volet dépenses est dépendant des politiques communes auxquelles il apporte un soutien financier.

Le débat sur l'opportunité de ces politiques communes et sur leur qualité est un débat légitime. Mais, apprécier ces politiques à partir du critère de la part des retours de chacun des Etats au titre de ces politiques n'est pas légitime. L'introduction d'un tel critère, outre qu'il distrait l'attention du nécessaire examen lucide de la pertinence des options européennes, a nécessairement pour effet de ruiner les politiques communes.

La renationalisation, incontrôlable, de la politique agricole commune un temps évoqué aurait ainsi anéanti la signification même de ce dernier épithète.

Produit d'un manquement au principe de solidarité financière qui anime l'Union européenne, elle aurait également abouti à une remise en question des politiques structurelles dont les mécanismes essentiels consistent précisément à mobiliser cette solidarité et qui, en outre, ne sont pas sans effet sur les conditions même d'existence du monde agricole et rural.

Il est frappant d'observer que dans ce jeu dangereux, l'Europe avait tout à perdre et la France, en tant que telle, rien.

La renationalisation des deux principales politiques de l'Union européenne se traduirait pour la France par une économie de 11,1 milliards d'euros et la nécessité d'inscrire en crédits budgétaires nationaux 11,5 milliards d'euros, perte minime de 0,4 milliard d'euros.

Le montant des dépenses budgétaires nationales à inscrire en France serait légèrement supérieur au montant des dépenses que devrait supporter le budget allemand. La France supporterait 9,3 milliards d'euros au titre de la PAC et 2,2 milliards d'euros au titre des actions structurelles.

Quant à elle, l'Allemagne devrait financer sur une base nationale, 2,7 milliards d'euros au titre de la PAC et 3,9 milliards au titre des actions structurelles, soit un total de 6,6 milliards d'euros.

Dans un tel scénario-catastrophe pour l'Europe, notre voisin économiserait comptablement 3,9 milliards d'euros, soit 0,21 % de son PIB. On rappelle que les exportations intra-européennes de l'Allemagne expliquaient, en 1997, 14 % de son PIB, soit 250,3 milliards d'écus contre, par exemple, pour la France un niveau d'exportations intra-européennes de 165,3 milliards d'écus, soit 13,8 % de son PIB.

Le débat sur les soldes budgétaires, extrêmement périlleux pour l'Europe, doit donc être considéré par ailleurs comme absurde étant donné les enjeux sous-jacents.

Il ne s'agit en effet de rien moins que de la construction européenne dont, à l'évidence, les apports ne peuvent être réduits aux tristes données comptables mises sur la table.

La construction européenne a toujours été mise en péril lorsque des prétentions de " justes retours " sont venues distraire l'attention de l'essentiel, la définition d'un mode d'intervention adapté aux objectifs essentiels de l'Union, au nom de considérations financières étrangères au principe de solidarité communautaire.

C'est malheureusement ce qu'a démontré la négociation qui a précédé le lit du nouvel accord interinstitutionnel.

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