B. LA PRÉFÉRENCE ACCORDÉE AUX GARANTIES

1. Les besoins des petites entreprises

Pour le financement des plus petites entreprises, le problème principal n'est plus le coût du crédit mais le risque que représentent pour les banques les prêts qu'elles peuvent leur consentir.

Des données publiées récemment expliquent les réticences des banques à l'égard des demandes des PME.

D'une part, les plus petites d'entre elles se seraient montrées particulièrement vulnérables à la crise, le taux de défaillance croissant de façon inversement proportionnelle au nombre de salariés et au chiffre d'affaires 8 ( * ) .

D'autre part, le risque " création " existant à la naissance d'une très petite entreprise est particulièrement élevé 9 ( * ) : plus de 35 % des opérations échouent dans les cinq premières années.

2. L'adaptation des aides

a) au niveau budgétaire

Pour les raisons exposées ci-avant, le Gouvernement a décidé de redéployer progressivement vers le financement de garanties d'emprunt, les crédits consacrés auparavant aux bonifications d'intérêt.

Les crédits inscrits à l'article 20 (Fonds de garantie d'emprunts accordés aux PME) du chapitre 44-95 ont été regroupés avec ceux de l'article 10 du même chapitre (garanties accordées par l'Etat à divers instituts de participation et aux prêts consentis par certains établissements financiers), la gestion de l'ensemble de ces deux dotations étant confiée à la direction du Trésor.

772 millions de francs ont pu ainsi être mis à la disposition de la SOFARIS 10 ( * ) par le budget de l'économie, des finances et de l'industrie.

Celle-ci a ainsi été en mesure de négocier des conventions, tendant, par un partage du risque, à faciliter l'octroi de crédits aux très petites entreprises :

- avec les principaux réseaux bancaires d'une part (banques populaires, crédit agricole, société générale) ;

- avec des sociétés de cautionnement mutuel d'autre part, en vue d'instaurer des mécanismes de co-garantie.

Les Fonds de garantie SOFARIS, alimentés par ailleurs par les produits de leurs commissions, placements et recouvrements ainsi que par la Caisse des dépôts et consignations, s'élevaient à la fin de 1999, à 6,3 milliards de francs.

Aux deux articles précités, 10 et 20, a été ajouté, au sein du même chapitre 44-95, un nouvel article 30, doté de 150.000 francs, consacré à la garantie des nouveaux prêts à la création d'entreprises (PCE).

b) Les difficultés des plus petites créations d'entreprise et l'instauration des PCE

Globalement, les créations d'entreprise, en France, sont en stagnation depuis 1990.

Une légère amélioration a été constatée en 1999 avec le lancement de 268.900 nouvelles entreprises, soit une hausse de 0,9 %.

Cette tendance s'est prolongée en 2000 durant les huit premiers mois de l'année, avec une progression de l'ordre de 5 %, cependant inégalement répartie, les bonnes performances des secteurs de la construction et de l'immobilier, et des services aux entreprises et aux particuliers (éducation-santé notamment) contrastant avec une régression importante dans le commerce (général et agro-alimentaires) et les transports.

Une enquête du monde du 10 octobre constatait un décalage dans la stimulation de la création d'entreprises par la croissance et une continuation du recul des reprises, les réactivation n'augmentant que de façon infime.

En 1998, les créations d'entreprises ont baissé malgré la reprise et le rattrapage qui s'est ensuite manifesté , reste à consolider, à poursuivre et à amplifier .

L'enquête, précitée, de la banque du développement des PME a souligné, en outre, les difficultés de " l'après création " .

71 % des entreprises nouvelles sont confrontées dans les années qui suivent leur création à des problèmes de trésorerie dus, soit à une insuffisance d'activité (dans 41 % des cas) soit, au contraire, à une croissance trop rapide (36 % des situations).

Toutefois, si le niveau du fonds de roulement de départ par rapport au chiffre d'affaires est un facteur important, le poids des fonds propres par rapport à l'endettement ne semble pas, en revanche, être déterminant. Ce dernier, souvent pourtant considérable, est rendu supportable par le faible niveau actuel des taux d'intérêt.

Les difficultés sont plutôt liées :

- au secteur d'activité ;

- à la nature de l'entreprise créée (statut juridique) ;

- au montant du projet et au nombre de créateurs.

Le risque apparaît d'autant plus élevé que le montant du projet est faible et le nombre de créateurs élevé.

Il augmente :

- s'agissant d'activités innovantes ;

- dans l'industrie, le commerce de gros et les services aux particuliers ;

- pour les EURL (entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée).

L'indice contentieux le plus faible concerne les entreprises situées sur un marché local (commerces de proximité, bâtiment de second oeuvre).

Il se confirme, d'autre part, d'après l'enquête, que les créations d'entreprises sont bien un des moteurs de l'emploi en France 11 ( * ) .

Une autre étude 12 ( * ) , plus ancienne mais très intéressante elle aussi, souligne certaines spécificités françaises en matière de prêts bancaires aux PME, s'agissant, en particulier, de la faiblesse de la dette à court terme de ces dernières.

En France, leur flexibilité financière est assurée par la mise en réserve et le placement de leurs résultats alors qu'en Allemagne, elle l'est par le système bancaire qui leur accorde des découverts sous forme de lignes permanentes.

Les relations entre les PME et les banques sont beaucoup plus confiantes et fidélisées outre-Rhin. Les partenaires se connaissent mieux, ce qui aide à résoudre le problème de l'expertise préalable à l'octroi d'un crédit (diminution des coûts de contrôle et de collecte de l'information...).

Le coût de traitement des dossiers, avec la faiblesse des garanties, est l'une des principales raisons des difficultés d'accès au crédit des très petites entreprises françaises.

Cette situation tend toutefois à s'améliorer. Les banques françaises s'efforcent d'apprécier de façon appropriée le " risque PME ".

Une concurrence exacerbée se développe entre elles pour s'attacher la clientèle des entreprises moyennes en bonne santé.

Le crédit lui-même, peu rémunérateur dans ce contexte, s'intègre dans un ensemble de services qui, lui, peut être lucratif.

C'est le concept de rentabilité par client, supposant une relation financière complète et continue avec celui-ci, qui devient l'objectif prioritaire du banquier.

Cette priorité suppose, comme en Allemagne (où cela est plus facile car il existe davantage de " grosses " PME) la constitution de partenariats durables avec l'entreprise et une connaissance du client approfondie et souvent remise à jour.

Ces problèmes, qui viennent d'être évoqués, de la création d'entreprises en général en France et des plus petites d'entre elles, en particulier, ont suscité l'organisation en avril d'états généraux relatifs à ces questions, débouchant sur l'amorce d'un certain nombre de mesures dont la plus emblématique était l'instauration des PCE (prêts à la création d'entreprise).

Accompagné obligatoirement d'un concours bancaire au moins équivalent, ce prêt finance en priorité les besoins liés au lancement de l'entreprise. Une somme pouvant aller jusqu'à 157.000 francs de financements bancaires pourra être ainsi mobilisée au profit du créateur.

Réalisé en partenariat étroit avec les réseaux bancaires et les réseaux d'aide et d'accompagnement à la création qui en assureront l'instruction, le PCE est aujourd'hui opérationnel.

Les fonds de garantie publics auxquels est adossé ce nouveau produit seront dotés de 300 millions de francs en 2001, l'Etat ayant inscrit une dotation de 150 millions de francs au projet de loi de finances pour 2001 et la Caisse des dépôts et consignations ayant prévu de dégager une dotation d'un montant équivalent.

Le prêt à la création d'entreprise (PCE)

Le PCE est un crédit, sans garantie ni caution personnelle du chef d'entreprise, destiné à financer les besoins en fonds de roulement et les investissements immatériels des entreprises en phase de démarrage (moins de 3 ans) dont les projets sont inférieurs à 295.881 francs, soit 45.000 euros.

Il est nécessairement accompagné d'un prêt délivré par une banque, d'un montant pouvant atteindre le double du PCE, ce qui correspond à la mobilisation d'un financement maximum de 157.000 francs, soit 24.000 euros.

Caractéristiques du PCE

. Montant

De 19.679 à 52.477 francs, soit de 3.000 à 8.000 euros. Obligatoirement accompagné d'un prêt bancaire de plus de deux ans pouvant atteindre le double du PCE, soit au maximum 104.953 francs, c'est-à-dire 16.000 euros.

. Durée

5 ans dont 1 an de différé d'amortissement du capital, les intérêts de la 1 ère année n'étant dus qu'au terme de celle-ci.

. Taux

Fixe (sur la base du taux des emprunts d'Etat à 5 ans, (CNO-TEC5) soit, à titre indicatif au 01/10/00 : 6,89 %.

Aucune garantie ni caution personnelle demandée au chef d'entreprise.

En 1999, 19.000 seulement des 75.000 " petites créations " enregistrées ont été accompagnées d'un prêt bancaire. L'objectif du PCE est de porter ce nombre à 30.000.

La procédure prévue est à la fois légère et avantageuse pour les banques.

Le pouvoir de décision est délégué aux banques.

Ce sont elles, en fait, qui décideront de l'attribution d'un PCE pour le compte de la banque de développement des PME (BDPME), dès lors qu'elles octroieront un financement bancaire à moyen terme d'un montant au moins équivalent.

Le risque est largement assumé par la BDPME

Pour un projet de 100.000 francs, la banque pourra désormais combiner un PCE (couvert par la BDPME) et un prêt bancaire garanti par sa filiale SOFARIS, soit un risque maximum pour elle de seulement 15.000 francs (15 %).

Les contraintes sont allégées

L'intervention de la banque pour le financement d'un équipement (véhicule, ordinateur...) est facilitée par l'absence de garantie ou de caution demandée au créateur, ce qui, en même temps, " déshypothèque " son patrimoine personnel.

Les études préalables, souvent coûteuses, sont prises en charge par les structures d'accompagnement et d'appui qui se sont progressivement mises en place sur notre territoire.

3. Le bilan de la BDPME

L'action de la BDPME (voir encadré), en 1999, a contribué à ce que 48,2 millions de francs de financements à moyen et à long terme bénéficient à près de 36.000 entreprises.

Les actions de la BDPME

La Banque du développement des PME est née fin 1996 du rapprochement du Crédit d'Equipement des PME et de la SOFARIS, dont elle constitue une société holding. La mission que les pouvoirs publics lui ont confiée en la dotant de ressources spécifiques est de faciliter, aux côtés des réseaux bancaires, le développement des petites et moyennes entreprises.

Le principe d'intervention de la BDPME est simple : aider à la réalisation de projet par nature un peu risqués et qui ne trouveraient pas spontanément de ce fait un financement adapté. Il s'agit de prendre part au risque financier supporté par le chef d'entreprise et ses partenaires banquiers ou financiers, soit en partageant le financement mis en place, soit en garantissant partiellement le remboursement de ce financement, soit encore en consolidant la structure du bilan de l'entreprise.

Pour accomplir sa mission, la BDPME a conclu de nombreux accords avec l'ensemble des réseaux bancaires et avec la plupart des sociétés de capital-risque et de capital développement.

Elle a accès à des Fonds de garantie alimentés par les commissions que ces derniers perçoivent et les produits de leurs placements mais, surtout, par des dotations de l'Etat et de la Caisse des dépôts et consignations.

Ceux de la SOFARIS s'élevaient à 6,3 milliards de francs au 31 décembre 1999.

Elle intervient, en garantie ou en cofinancement, en faveur :

- de créations d'entreprise (pour l'essentiel en garantie) : environ 4 milliards de francs en 1998, pour 12.000 entreprises et 40.000 emplois nouveaux ;

- de transmissions ou de restructurations financières : plus de 10 milliards de francs ayant permis la consolidation de 50.000 emplois dans près de 6.000 entreprises.

Enfin, elle contribue également au financement d'investissements de toute nature (notamment en fonds propres) et d'avances sur paiement de marchés publics.

Ses opérations ont privilégié les plus petites d'entre elles, 77 % de ses cofinancements concernant des entreprises de moins de 50 salariés et 59 % de ses garanties, des entreprises de moins de 9 salariés.

En 2000 et 2001, l'accent devrait continuer à être mis sur la transmission et la création d'entreprises aussi bien en cofinancement qu'en garantie.

* 8 Dossier de banque magazine - n° 619 de novembre 2000

* 9 rapport sur la création d'entreprise de la Banque de développement des PME

* 10 Société française de garantie des financements à risque - Filiale de la banque de développement des PME (voir plus loin)

* 11 Globalement, les effectifs salariés des entreprises de l'échantillon ont été multipliés par 3,5 depuis leur démarrage.

* 12 Etude du comité européen des centrales de bilans publiée dans le Bulletin mensuel de la Banque de France de mai 1997.

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