N° 92

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès verbal de la séance du 23 novembre 2000.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 17

EMPLOI ET SOLIDARITÉ :

I . - EMPLOI

Rapporteur spécial : M. Joseph OSTERMANN

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ;
Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 (2000-2001).

Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS

Votre rapporteur spécial est amené à formuler quatre principales observations sur le budget de l'emploi pour 2001.

A. LE BUDGET DE L'EMPLOI NE RETRACE PAS L'ENSEMBLE DES CRÉDITS ALLOUÉS À LA POLITIQUE DE L'EMPLOI

La réduction du temps de travail est présentée par le gouvernement lui-même comme sa principale mesure en faveur de l'emploi. Pourtant, le coût des 35 heures, curieusement, n'apparaît pas dans le budget de l'Etat, étant supporté par le fonds de financement de la " réforme " des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).

En effet, la subvention que l'Etat avait versée au FOREC en 2000 a été supprimée, et les crédits alloués à la loi de Robien de 1996 ont été transférés au FOREC.

Dès lors, en 2001, le budget de l'emploi ne consacrera plus que 280 millions de francs au financement des 35 heures, au titre des aides au conseil, sur un total de 85 milliards de francs, soit 0,3 % du coût total !

Votre rapporteur spécial s'interroge dès lors sur les conclusions qu'il convient de tirer d'une telle débudgétisation. En effet, rien n'obligeait le gouvernement à " sortir " du budget de l'emploi des dotations d'un montant aussi considérable.

L'argument gouvernemental d'une " simplification " des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale est sans fondement : non seulement, le FOREC est une " usine à gaz " échafaudée sur une " tuyauterie " de plus en plus sophistiquée, mais il constitue un prétexte dont l'objectif véritable est de dissimuler une progression des dépenses du budget général bien moins favorable que celle affichée par le gouvernement, au demeurant non respectée, comme l'ont montré les conclusions de la mission pour laquelle votre commission des finances a été dotée des pouvoirs des commissions d'enquête.

Le résultat - recherché par le gouvernement ? - est l'illisibilité du coût de la politique de l'emploi menée aujourd'hui en France.

Il convient de rappeler que, lorsque les crédits correspondant au financement de la " ristourne dégressive " étaient inscrits sur le chapitre 44-75 du budget des charges communes, la Cour des comptes se voyait dans l'obligation d'élaborer un " budget consolidé de l'emploi ", afin de pouvoir appréhender l'ensemble du coût de la politique de l'emploi. Elle réclamait dès lors la budgétisation de ces crédits, qui a été réalisée par la loi de finances pour 1999. Mais cette bonne résolution en matière de transparence budgétaire n'a pas duré : l'année suivante, cette dotation a été affectée au FOREC.

Le tableau ci-après illustre les conséquences pratiques de cette débudgétisation massive : le coût de la réduction du temps de travail comme celui des allégements du coût du travail n'ont plus aucune signification à la lecture du budget de l'emploi , alors que ce sont ces mesures qui, précisément, sont à l'origine de la très forte croissance de ce budget au cours des dernières années.

Votre rapporteur spécial considère, dans ces conditions, que le budget de l'emploi n'est pas sincère, et estime que le coût de la politique de l'emploi, en 2001, doit prendre en compte les crédits du budget de l'emploi mais aussi ceux du FOREC, soit 196,83 milliards de francs.

B. SEULE LA CONJONCTURE PERMET AU GOUVERNEMENT DE DÉGAGER DES ÉCONOMIES SUR LES CRÉDITS DE L'EMPLOI

Le gouvernement se targue de réaliser des économies d'un montant très appréciable, 38 milliards de francs en 2001, après 34 milliards de francs en 2000, une part de ces économies globales résultant d'ailleurs du budget de l'emploi.

Toutefois, cet " effort " doit être relativisé.

En effet, le budget de l'emploi n'a porté, depuis 1998, aucune réforme structurelle susceptible d'en faire baisser le montant. Au contraire, les emplois-jeunes, par exemple, représentent une charge extrêmement lourde, dont l'évolution est de surcroît croissante.

En réalité, les économies dégagées sur le budget de l'emploi sont de simples économies de constatation, liées à la bonne tenue de la conjoncture, et, par conséquent, à l'amélioration de la situation du marché du travail. En cas de retournement conjoncturel, et de hausse du chômage, les dépenses du budget de l'emploi augmenteraient de nouveau.

Le tableau ci-dessous démontre ce raisonnement à partir de l'analyse des flux d'entrées dans les différents dispositifs de la politique de l'emploi : de 1997 à 2001, ils ont reculé de 41,3 %. Tous les dispositifs ont bénéficié de cette décrue, les contrats emploi-solidarité ayant même vu leurs flux d'entrées diminuer de près de la moitié. Une telle évolution ne peut qu'entraîner l'apparition d'économies.

D. LES ÉCHÉANCES SE RAPPROCHENT POUR LES EMPLOIS-JEUNES

Le coût des emplois-jeunes s'accroît encore en 2001, mais à un rythme bien-sûr moins rapide qu'en 1999 et 2000, en raison du ralentissement de la montée en charge du dispositif.

En effet, le chapitre 44-01 Programme " nouveaux services -nouveaux emplois " du budget de l'emploi comporte des crédits à hauteur de 22 milliards de francs , soit une augmentation de 3,1 % par rapport à 2000, au lieu d'une progression supérieure à 53 % l'année dernière.

A la fin du mois d'août dernier, 263.800 jeunes avaient bénéficié de ce programme, ainsi répartis :

Le gouvernement attend le recrutement de 280.000 jeunes d'ici la fin de l'année 2000, et affiche le respect de son engagement initial de porter à 350.000 le nombre de jeunes embauchés dans le cadre de ce dispositif à la fin de l'année 2001.

Mais il convient de garder à l'esprit que le budget de l'emploi ne regroupe pas l'ensemble des crédits destinés au financement des emplois-jeunes.

Le tableau ci-dessous récapitule l'ensemble des sections budgétaires qui supportent le coût des emplois-jeunes en 2001 :

Le coût total des emplois jeunes en 2001 s'élève donc à 24,57 milliards de francs.

Ainsi, le coût budgétaire annuel du dispositif, si l'objectif affiché de 350.000 emplois-jeunes est atteint, devrait s'établir à environ 37 milliards de francs.

Encore ne s'agit-il là que du coût supporté par le budget général. Il conviendrait d'y ajouter les diverses sources de cofinancements.

Par ailleurs, l'avenir de la grande majorité des jeunes embauchés dans le cadre de ce dispositif est très incertain.

Il convient de rappeler que notre collègue Alain Gournac, dans le cadre d'un groupe de travail, a établi très récemment un rapport dressant le bilan à mi-parcours des emplois-jeunes 1 ( * ) .

Ses conclusions insistent bien, au-delà de l'effet quantitatif indéniable du dispositif, sur les nombreuses limites d'un volontarisme consistant à créer, à marche forcée, autant d'emplois dans le secteur non marchand de manière artificielle, dont beaucoup constituent un succédané d'emplois publics, en particulier :

- les retards, l'inadaptation ou la qualité médiocre de la formation proposée aux jeunes ainsi recrutés ;

- un statut juridique comportant de nombreuses incertitudes ;

- des effets pervers pour l'économie, en particulier l'existence d'une concurrence déloyale à l'égard du secteur privé ;

- l'ambiguïté des missions effectivement exercées ;

- et, surtout, la préoccupation concernant l'avenir du dispositif.

Cette préoccupation est également partagée par le gouvernement. Il a en effet annoncé la tenue prochaine d'une réunion interministérielle consacrée à la pérennisation d'un dispositif qu'il a lui-même créé.

* 1 " Pour une sortie en bon ordre ", rapport n° 25, 2000-2001.

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