N° 92

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès verbal de la séance du 23 novembre 2000.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 43

DÉFENSE :

EXPOSÉ D'ENSEMBLE ET DÉPENSES EN CAPITAL

Rapporteur spécial : M. Maurice BLIN

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier,
Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 (2000-2001).

Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS

Le projet de budget militaire pour 2001 s'insère dans une tendance longue de réduction des dépenses militaires.

De 1990 à 2001, en loi de finances initiale, le budget de la défense (hors pensions) est resté quasiment identique en francs courants, passant de 189,4 milliards de francs à 187,9 milliards de francs. Exprimé en francs constants 1990, le budget régresse de 189 à 160 milliards de francs, soit une diminution de 15 %.

De fait, la part du budget de la défense dans le budget général de l'Etat se réduit sensiblement, passant de 12,3 % en 1996 à 11,2 % en 2001. Cette baisse est encore plus forte si l'on se réfère à l'exécution budgétaire : 13,2 % en 1992, 11,1 % en 1996, 10,1 % en 1998.

Parallèlement, la part du budget militaire dans le PIB décroît de 2,4 % en 1996 à 1,96 % en 2001, s'établissant désormais clairement en deçà du taux britannique. De fait, en 1999, la part des dépenses militaires dans le PIB s'établit à 2,19 % pour la France et à 2,47 % pour le Royaume-Uni et la part des seules dépenses d'équipement militaire respectivement à 0,64 % et 0,79 % en 2000.

Cette évolution générale recouvre en outre un important " effet de ciseaux " entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'équipement.

En 1990, les dépenses de fonctionnement (hors pensions) s'établissaient à 87 milliards de francs et les dépenses d'équipement à 102 milliards de francs.En 2001, la situation est exactement inverse, avec 105 milliards de francs de dépenses de fonctionnement et 83 milliards de francs de dépenses d'équipement.

En réalité, la progression des dépenses de fonctionnement est uniquement liée à celle des rémunérations et charges sociales, qui passent de 61 à 84 milliards de francs, tandis que les autres dépenses de fonctionnement diminuent de 26 à 21 milliards de francs, au détriment essentiellement de l'entretien programmé du matériel (qui se réduit de 5,5 milliards de francs à 1,1 milliard de francs).

Le déficit des dépenses d'équipement s'accroît par rapport aux hypothèses de la loi de programmation, même amendée par la revue de programme.

Avec 83,4 milliards de francs, le montant des crédits d'équipement militaire proposés pour 2001 reste clairement inférieur à l'annuité théorique de la loi de programmation initiale (90,3 milliards), mais également à l'annuité issue de la revue de programme (86,1 milliards de francs).

Au total, si on applique aux crédits 2000 et 2001 le même taux de consommation effective que celui constaté en 1999 - soit 89,6 %, y compris les transferts au CEA et au BCRD - on risque d'aboutir, fin 2001, à un déficit de 63  milliards de francs par rapport à la loi de programmation initiale et de 50 milliards de francs par rapport à la loi de programmation amendée par la revue de programme.

Il est donc clair que, quel que soit le niveau de l'effort consenti dans le cadre du budget de 2002, l'exécution définitive de la loi de programmation militaire risque de se traduire par une année et demie de retard environ, même sur les hypothèses amendées par la revue de programme.

Certes, pour reprendre la sémantique officielle, la " cohérence " du modèle d'armée 2015 visé par la loi de programmation militaire est " globalement préservée ", mais à un niveau moins élevé que prévu.

Comparé à l'évolution actuelle de l'effort britannique, ceci risque d'infirmer le discours volontariste tenu par la France dans les enceintes européennes et internationales et pourrait, en outre, contribuer à compromettre, à terme, notre position de membre du Conseil de Sécurité. En particulier, la Grande-Bretagne, militairement et industriellement, est aujourd'hui clairement en voie de dominer l'Europe de la défense.

La prise en charge de dépenses indues sur les crédits d'équipement militaire diminue d'autant la réalité des crédits effectivement consacrés à l'équipement militaire.

Les titres V et VI supportent, en effet, pour des montants non négligeables, un certain nombre de dépenses qui, contrairement au respect du principe de spécialité budgétaire, ne correspondent pas à des dépenses d'équipement, et masquent la réalité de l'effort français en la matière, tout en faussant les comparaisons internationales qui peuvent être effectuées sur des bases budgétaires.

Tout d'abord , de façon paradoxale, et strictement contraire à la loi de programmation, le Budget civil de recherche et développement (BCRD) bénéficie, depuis 1996, d'un prélèvement sur le titre VI du budget de la défense. Pour 2001, les crédits prévus à ce titre s'élèvent à 1 250 millions de francs. Depuis le début de la loi de programmation, ils totalisent 4,15 milliards de francs.

Par ailleurs, le budget de la défense finance, en accord cette fois avec la loi de programmation, les dépenses liées aux restructurations des industries de défense, pour un total de l'ordre de 2 milliards de francs en 2001. Ces dépenses transitent par le Fonds pour les restructurations de la défense (FRED) et le Fonds d'adaptation industrielle (FAI). Le budget de la défense finance en outre, au-delà du FAI, l'adaptation des structures industrielles de la Direction des constructions navales, ainsi qu'une participation à son plan d'entreprise (via le compte de commerce). Enfin, le budget de la défense participe également, de façon plus indirecte par le financement de dotations en capital gagées par annulations de crédits en cours d'exercice, à la restructuration du GIAT.

Enfin, le budget de la défense supporte financièrement, sur ses crédits d'équipement, le poids des compensations considérables accordées au Territoire de la Polynésie française à la suite de l'arrêt des essais nucléaires et des activités du centre d'expérimentation du Pacifique. Au total, depuis le début de la loi de programmation, l'" aide à la reconversion de l'économie polynésienne " a prélevé 3,3 milliards de francs d'autorisations de programme et 2,5 milliards de francs de crédits de paiement sur le budget d'équipement de la défense. La convention signée le 25 juillet 1996 pose en effet le principe du maintien pendant dix ans des flux financiers annuels résultant de l'activité du CEP évalués à 990 millions de francs, soit 10 milliards de francs au total.

La fragilité de la politique européenne de défense

La politique européenne de défense et de sécurité a franchi, il y a un an, une étape décisive, au sommet d'Helsinki de décembre 1999, avec l'adoption du projet de mise en place d'une " force de réaction rapide " propre à l'Union européenne, confirmant ainsi la décision franco-britannique de Saint-Malo prise en décembre 1998.

Parallèlement, le choix du missile air-air/Meteor par le Royaume-Uni, et la décision confirmée au salon de Farnborough en juillet 2000 de choisir comme futur avion de transport européen l'Airbus A 400 M, ont contribué à conforter la consolidation de la coopération européenne en matière d'armement.

De nombreux points sensibles et stratégiques restent toutefois à définir, avant que puisse être concrètement mise en oeuvre la force européenne.

Surtout, les conditions, et même le succès, de la mise en place de la force européenne, paraissent étroitement dépendants d'un degré minimum de convergence des choix budgétaires des pays membres. Or, dans ce domaine, la divergence s'accroît entre la France et le Royaume-Uni d'un côté, et l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie de l'autre, mais surtout, et ceci paraît plus grave, entre le Royaume-Uni et la France.

Cette dernière tendance, récente, mais qui se confirme, pourrait bien, à terme, réduire à peu de choses la volonté affichée par la France de se poser en " leader " de la défense européenne.

Enfin, s'il faut saluer les opérations Meteor et A 400 M, il convient de ne pas oublier les échecs successifs de plusieurs programmes en coopération, comme le satellite Syracuse en 1998 ou la frégate Horizon en 1999, après le retrait de la Grande-Bretagne. On peut également éprouver quelques doutes sur la capacité de l'Allemagne à maintenir son engagement annoncé dans les programmes NH 90 et Tigre, ou A 400 M, compte tenu de ses fortes réticences budgétaires actuelles sur la défense en général, et sur les dépenses d'équipement en particulier (moins de 40 milliards de francs en 1999).

De même, s'il faut se féliciter de la mise en place progressive de l'OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement), on ne peut que souligner la part encore réduite des programmes européens actuellement placés sous son égide. De fait, pour 2001, seuls 9 % des crédits de paiement afférents aux dépenses françaises d'équipement seront mobilisés à ce titre.

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