III. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ADOPTER SANS MODIFICATION LA PROPOSITION DE LOI

Votre commission estime utiles et nécessaires les dispositions principales de la proposition de loi, en particulier celles relatives à la réparation du préjudice subi par les condamnés reconnus innocents. Elle souhaite que ces dispositions entrent rapidement en vigueur, afin d'éviter que le texte actuel, défavorable aux condamnés reconnus innocents, reçoive de nouvelles applications.

Il est également souhaitable que les autres dispositions de la proposition de loi, qui tendent à opérer des coordinations dans le code de procédure pénale ou à faciliter l'application de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes entrent en vigueur en même temps que cette loi, soit pour la plupart de ses dispositions le 1 er janvier 2001.

En revanche, votre commission souhaite formuler ses plus vives réserves à propos du procédé consistant à mettre en place un régime transitoire pour l'application d'une partie de la loi quelques jours seulement avant la date prévue pour son entrée en vigueur.

Lors de l'adoption de la loi sur la présomption d'innocence, il appartenait au Gouvernement d'évaluer les moyens humains et matériels nécessaires à son application et de prendre les dispositions indispensables à son entrée en vigueur dans de bonnes conditions.

Le Gouvernement ne manque pas aujourd'hui, pour justifier l'insuffisance des moyens, de rappeler que deux des principales innovations de la loi sur la présomption d'innocence -l'appel en matière criminelle et la juridictionnalisation de l'application des peines- sont d'origine parlementaire.

A ce sujet, votre rapporteur souhaite formuler deux remarques. Il constate en premier lieu qu'il aura fallu que des difficultés matérielles sérieuses apparaissent pour que le Gouvernement admette publiquement que le Parlement -et notamment le Sénat- a pris une part décisive dans l'élaboration de la loi sur la présomption d'innocence, prenant l'initiative des deux réformes les plus fondamentales pour les libertés.

En second lieu, il convient de noter que si les assemblées ont pris l'initiative de réformes importantes, le Gouvernement a défini les délais d'entrée en vigueur de ces réformes. L'article 140 de la loi sur la présomption d'innocence, qui prévoit plusieurs délais d'entrée en vigueur pour les différentes parties de la loi, a été introduit par un amendement du Gouvernement dans le projet de loi lors de sa discussion en deuxième lecture devant le Sénat. Les compte rendus des travaux du Sénat montrent que celui-ci s'en est remis au Gouvernement en ce qui concerne l'évaluation du temps nécessaire pour que les dispositions de la loi entrent en vigueur 1 ( * ) .

Il n'est donc pas admissible que le Gouvernement tente aujourd'hui de faire peser sur le Parlement la responsabilité des difficultés pratiques rencontrées dans la mise en oeuvre d'une réforme qui était attendue depuis longtemps et qui est un progrès incontestable pour notre justice.

Il est par ailleurs particulièrement fâcheux que le dispositif transitoire proposé par le Gouvernement concerne l'application des peines, donc la situation des détenus, alors même que des commissions d'enquête ont récemment montré que nos prisons étaient " une humiliation pour la République " 2 ( * ) .

Votre commission estime cependant que le dispositif transitoire ne portera que faiblement atteinte aux droits des condamnés, dès lors que ceux-ci pourront être entendus par le juge de l'application des peines et faire appel de ses décisions. La seule garantie procédurale dont l'entrée en vigueur sera repoussée de quelques mois est celle du débat contradictoire.

Dans ces conditions, tout en regrettant profondément la mise en oeuvre précipitée d'un dispositif transitoire quelques jours seulement avant l'entrée en vigueur de la loi sur la présomption d'innocence, votre commission a décidé de ne pas s'opposer à cette mesure. Il est indispensable en effet que la réforme de l'application des peines s'applique dans de bonnes conditions ; une entrée en vigueur sans moyens suffisants pourrait remettre en cause la réforme elle-même.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose d'adopter sans modification la proposition de loi.

* 1 Cf JO Débats Sénat, Séance du 5 avril 2000, pp. 1886-1888.

* 2 " Prisons : une humiliation pour la République ", rapport n°449 (1999-2000) de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.

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