III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

Votre commission des Lois a pris la mesure du malaise des élus locaux devant l'alourdissement des missions qu'ils doivent remplir, en raison de leurs responsabilités accrues du fait de la décentralisation, de la complexité croissante et de l'instabilité des normes qui régissent l'exercice de leur mandat, des exigences de plus en plus fortes de nos concitoyens, et d'une tendance à la judiciarisation de notre société.

Elle a constaté que les moyens dont disposaient les élus pour assumer leurs responsabilités dépendaient pour une large part de leur situation socioprofessionnelle , les personnes ne disposant pas du temps, d'une protection sociale suffisante ou de garantie en termes de réinsertion sociale étant de moins en moins nombreuses parmi les membres des assemblées locales.

Votre commission des Lois a donc considéré nécessaire l'adoption de mesures destinées à renforcer les garanties accordées aux élus pour l'exercice de leur mandat, afin de favoriser l'égalité des citoyens devant le mandat et d'assurer une meilleure respiration entre société civile et société publique , indispensable à la démocratie locale.

Elle a aussi recherché les moyens de nature à faciliter " l'excellence de la gouvernance locale ", au travers d'une amélioration des conditions de formation et de recours à l'expertise.

A cet égard, se trouve aussi posée la question de la formation de l'élu avant le mandat, qui pourrait être à la charge des partis politiques, dont la dotation de l'État pourrait être majorée à cet effet.

Les propositions de votre commission des Lois sont aussi marquées par le souci de garantir la transparence en toutes circonstances, celle-ci s'étant d'ailleurs interrogée sur la possibilité d'instituer une inéligibilité à vie pour les élus ayant commis de graves manquements à la morale publique, ainsi que sur l'éventualité d'instituer un contrôle du patrimoine des élus par les chambres régionales des comptes.

Votre commission des lois ne s'est pas engagée dans la voie de la professionnalisation du mandat local, lequel, par définition, repose sur l'épreuve démocratique périodique de l'élection.

Ce faisant, votre commission des Lois n'a pas retenu la proposition de la commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par M. Pierre Mauroy, prévoyant pour les chefs d'exécutifs " et leurs principaux adjoints " un statut d'agent civique territorial qui en feraient des salariés à plein temps de leur collectivité ( propositions n°s 84 et 85 ).

Elle n'a donc pas plus retenu la conception de certains pays membres de l'Union européenne, dans lesquels certains élus sont réputés exercer leur mandat à plein temps 15 ( * ) .

Votre commission des Lois, en effet, n'a pas admis l'existence d'une relation hiérarchique entre un employeur que serait la collectivité et l'employé qui serait l'élu, car elle ne pourrait pas se concilier avec la relation démocratique nécessaire entre l'élu et l'électeur.

Elle a estimé que les collectivités territoriales ne pouvaient être assimilées à des entités administratives au sein desquelles les élus feraient carrière et a considéré, en revanche que les collectivités constituaient des organes de nature politique, assumant le fonctionnement de la démocratie locale.

Malgré les termes souvent employés, il ne s'agit pas à proprement parler de définir un " statut de l'élu ", comme on établirait le statut de telle ou telle profession.

Il s'agit, en revanche, de permettre à l'élu, selon les circonstances, soit de concilier son mandat avec l'exercice d'une profession, soit de se consacrer totalement à son mandat, en prévoyant en conséquence un niveau adéquat pour les indemnités de fonction, une protection sociale plus adaptée et des mesures favorisant la réinsertion professionnelle à l'issue du mandat.

Le principe de gratuité doit donc être aménagé pour permettre une compensation aussi équitable que possible des charges croissantes qui pèsent sur les responsables des collectivités décentralisées et pour favoriser un égal accès aux mandats électoraux des différentes catégories socioprofessionnelles.

Ces aménagements auraient certes un coût, que l'on pourrait considérer comme un élément du " prix de la démocratie ".

Votre commission des Lois a considéré que le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales donnait à celles-ci la mission de définir, dans les conditions fixées par la loi, le niveau de garanties qu'elles souhaitaient accorder à leurs élus et d'assumer leur part de la charge financière.

Elle rappelle cependant que le principe de libre administration des collectivités territoriales suppose aussi que les collectivités disposent d'une maîtrise suffisante de leurs ressources, ce qui serait facilité par l'adoption définitive de la proposition de loi constitutionnelle adoptée par le Sénat relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières.

En conséquence, votre commission des Lois vous propose une rédaction de synthèse comportant 22 articles prévoyant :

- de porter de six à dix-huit jours par mandat les droits des élus en termes de formation et de prévoir un bilan annuel des actions de formation, sous la forme d'un document annexé au compte administratif ( articles 1 er à 3 ) ;

- d'inscrire dans la loi le principe selon lequel les indemnités de fonction ne constituent pas une rémunération et n'entrent pas en compte pour la détermination des droits sociaux des élus ( article 4 ) ;

- de prévoir que l'indemnité de fonction est fixée à son montant maximal, sauf délibération contraire de l'assemblée concernée ou en cas d'application des dispositions en vigueur concernant l'écrêtement des indemnités en cas d'exercice simultané de plusieurs mandats et de prévoir en annexe à toute délibération sur les indemnités d'un ou plusieurs élus un tableau récapitulatif de l'ensemble des indemnités allouées aux membres de l'assemblée concernée ( article 5 ) ;

- d'autoriser à certaines conditions le remboursement des dépenses de toute nature exposées par l'élu dans le but exclusif, soit de lui permettre de remplir des mandats spéciaux , soit de lui permettre de participer aux séances et réunions liées à l'exercice de son mandat, formule qui permettrait, par exemple, de compenser les frais de garde d'enfant ( articles 6 et 8 ) ;

- de prévoir, pour les présidents de conseils généraux et de conseils régionaux, des indemnités pour frais de représentation dans les mêmes conditions que pour les maires ( article 6 ).

En outre, les pertes de revenu résultant de la participation à une réunion à la demande de l'Etat ou d'une collectivité autre que celle dont il est l'élu seraient remboursables par l'Etat ou par la collectivité concernée ( article 8 ).

- de rétablir le principe de détermination des indemnités de fonction des élus municipaux et des responsables de structures intercommunales par référence à celles prévues par la loi pour les maires , de telle sorte que ces élus puissent bénéficier de la majoration accordée aux seuls maires par la loi du 5 avril 2000 ( article 7 ) ;

- d'aligner le montant des indemnités des présidents de conseil général et de conseil régional sur celui prévu pour les maires des communes d'au moins 100.000 habitants ( article 7 ) ;

- de majorer le barème des crédits d'heures accordés aux élus poursuivant leur activité professionnelle ( articles 9 à 11 ) ;

- d'étendre à tous les maires-adjoints, conseillers généraux et régionaux et présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, le régime de suspension du contrat de travail avec droit aux prestations en nature des assurances maladie et vieillesse ( articles 12 à 15 ) ;

- d'accorder un droit aux prestations en espèces d'assurance maladie aux élus ayant suspendu leur activité professionnelle et privés d'indemnités de fonction par suite d'une maladie faisant momentanément obstacle à l'exercice de leur mandat ( articles 16 à 18 ) ;

- de prévoir le paiement de cotisations d'assurance maladie et d'assurance vieillesse au titre du temps passé par l'élu hors de son entreprise pour exercer son mandat (autorisations d'absence et crédit d'heures) ( articles 19 et 20 ) ;

- d'instituer une compensation financière durant six mois à l'élu qui, à l'issue de son mandat, dispose de revenus inférieurs aux indemnités de fonction qu'il percevait antérieurement ( article 21 ) ;

- d'assouplir les conditions requises pour conférer l'honorariat aux maires ayant exercé leurs fonctions pendant au moins 18 ans ( article 22 ).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter ses conclusions ainsi rédigées.

* 15 Voir étude de législation comparée en annexe 5.

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