C. UNE OFFRE DE TRAVAIL À DÉVELOPPER DANS LE SECTEUR MARCHAND

Le second grand facteur qui explique un maintien élevé du nombre de titulaires de minima sociaux tient à la difficulté de faire coïncider les aspirations de ces personnes à l'emploi avec les besoins et les contraintes des entreprises.

1. Une exclusion durable de l'emploi

Dans le rapport de juin 2000 de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale 9 ( * ) , Mme Marie-Thérèse Join-Lambert, présidente, distingue quatre catégories d'allocataires du RMI.

Le premier groupe rassemble les individus qui cumulent le plus grand nombre de difficultés : ils sont éloignés du marché du travail, ont des problèmes de santé, sont isolés socialement, ont peu de contacts avec les organismes sociaux, sont relativement âgés et ont un faible niveau de formation.

Un deuxième groupe est composé de personnes fortement éloignées de l'emploi mais qui continuent à en rechercher. Il s'agit de gens plus jeunes dans des zones où le chômage est moins fort et qui ont toujours des contacts avec des organismes sociaux.

Le troisième groupe comprend une population davantage insérée dans l'emploi mais toutefois confrontée à une grande précarité ; les relations familiales ou administratives sont suivies mais les périodes de travail sont courtes et l'emploi retrouvé est le plus souvent un contrat emploi-solidarité (CES) ou un contrat emploi consolidé (CEC).

Enfin, il reste les allocataires du quatrième groupe , insérés professionnellement, en bonne santé, disposant d'une assise familiale solide, diplômés et relativement jeunes. Ces derniers parviennent à sortir rapidement du RMI, même si leurs contacts avec les organismes sociaux sont faibles.

La reprise économique a certes un effet positif en termes de diminution du nombre de titulaires du RMI, mais il faut bien voir qu'elle a pour l'instant une incidence sur les personnes les plus proches de l'emploi -celles du quatrième groupe-, tandis que les allocataires qui sont plus âgés et dotés d'une faible aptitude professionnelle sont encore dans le dispositif.

Une étude de la DREES, publiée en octobre 2000 10 ( * ) , montre ainsi que la diminution des effectifs du RMI a porté en priorité sur des jeunes de moins de 30 ans, le plus souvent des hommes seuls avec ou sans enfant, et qui étaient entrés dans le dispositif du RMI depuis moins d'un an.

Les études statistiques sur les durées de versement de l'allocation montrent que si près d'un tiers des allocataires du RMI ne perçoit l'allocation que pendant moins de six mois, à l'inverse plus d'un tiers des allocataires reste dans le dispositif plus de quatre ans .

Il est symptomatique que deux allocataires sur trois restent dans le dispositif plus de six mois . Plus une personne reste longtemps en dehors de la vie professionnelle, plus il sera difficile pour elle de retrouver sa place dans l'entreprise.

L'INSEE avait publié en 1999 11 ( * ) les résultats d'une étude approfondie sur le devenir des allocataires du RMI, afin d'éclairer les raisons pour lesquelles 30 % des allocataires de décembre 1996 ne percevaient plus le RMI un an plus tard soit le 1 er janvier 1998.

La reprise d'une activité rémunérée n'était un motif de sortie que dans deux tiers des cas : le taux de sortie vers l'emploi ou un stage rémunéré était donc de 20 % seulement .

Les autres motifs de sortie sont liées à la perception d'une autre allocation (chômage, AAH, API ou minimum vieillesse), à un changement de situation familiale ou encore à des " problèmes administratifs ".

Une autre étude de la DREES 12 ( * ) , qui porte sur des données de 1998, fait apparaître que la création d'emplois nouveaux, en nombre significatif, par l'économie française ne suffirait pas, et de loin, à effacer le retard pris en matière de réinsertion des allocataires du RMI.

L'étude précitée s'appuie sur une modélisation simple à partir de l'identification d'un certain nombre de paramètres structurels. Il en ressort que :

- une hausse de 100.000 emplois conduit à une baisse de 13.000 allocataires du RMI ;

- la croissance autonome du nombre d'allocataires, liée à la pression démographique, étant estimée à environ 60.000 par an. Il faut en conséquence une augmentation de l'ordre de 400.000 par an de l'emploi pour stabiliser le nombre d'allocataires si les autres variables sont constantes (barème, taux de couverture du régime d'assurance chômage et du régime de solidarité).

Cette étude repose sur des données recueillies de 1992 à 1999 : elle ne constitue pas une projection en dynamique, mais elle reflète une situation instantanée.

Cette situation est d'autant plus paradoxale que l'on sait qu'il existe aujourd'hui dans l'économie des pénuries de main-d'oeuvre en particulier dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics et de l'hôtellerie-restauration.

* 9 Rapport 2000 - Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale : la typologie s'appuie sur l'étude " les allocataires du revenu minimum d'insertion : une population hétérogène " in France : Portrait social, 1999-2000, INSEE.

* 10 DREES, Etudes et résultats, n° 86, octobre 2000.

* 11 DREES, Etudes et résultats, n° 16, mai 1999.

* 12 DREES, Etudes et résultats, n° 86, octobre 2000.

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