II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La question de l'activation des dépenses passives mobilisées au titre des minima sociaux a été évoquée depuis longtemps .

M. Jean-Paul Virapoullé, député de La Réunion, avait présenté en septembre 1996 , des " éléments de réflexion " intitulés " expérimenter le revenu minimum d'activité (RMA) ". Le dispositif original qu'il proposait avait vocation à s'appliquer tout d'abord dans les départements d'outre-mer.

Il s'agissait d'autoriser la conclusion de contrats de travail prévoyant une rémunération, exonérée de cotisations sociales, calculée " de telle sorte que le cumul du salaire et de l'allocation (de RMI) soit égal à la rémunération mensuelle minimale en vigueur ".

L'intéressé conservait son droit au RMI : les revenus supplémentaires n'étaient pas pris en compte au titre de ses ressources de manière à ce que l'allocation puisse venir compléter le niveau du salaire d'activité. Le dispositif était mis en oeuvre dans le cadre de " convention revenu minimum d'activité " pour des emplois du secteur marchand.

Aussi, lors de la discussion à l'Assemblée nationale en avril 1997 du projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale , précurseur de la loi relative à la lutte contre les exclusions, M. Jacques Barrot, alors ministre du Travail et des Affaires sociales, avait fait adopter, sous l'impulsion de M. Jean-Paul Virapoullé, une disposition autorisant, à titre expérimental, les bénéficiaires du RMI depuis plus de trois ans, à cumuler durant une période limitée à un an leur allocation avec le revenu d'une activité professionnelle ( art. 11 bis du texte adopté ).

Par ailleurs, lors de la discussion de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions en juin 1998 , le Sénat avait adopté, à l'initiative du rapporteur de votre commission, M. Bernard Seillier, un dispositif novateur visant précisément à résoudre la question du caractère peu incitatif de la reprise d'un travail à temps partiel pour les titulaires du RMI, alors même que ce type de contrat est souvent un moyen privilégié de retour à l'emploi pour des personnes depuis longtemps au chômage.

Le principe était de prévoir, dans le cadre d'un contrat initiative-emploi (CIE) et pendant toute la durée de celui-ci, soit pendant deux ans, la possibilité pour le titulaire de conserver son allocation de RMI. La convention de CIE serait alors devenue convention de RMA. Cette disposition a toutefois été rejetée à la fois par le Gouvernement et l'Assemblée nationale, alors que le débat actuel sur la " prime pour l'emploi " confirme bien la nécessité soulignée alors par votre commission d'améliorer les revenus liés à la reprise d'une activité.

La notion de RMA, telle qu'elle ressortait des initiatives antérieures à la présente proposition de loi, cherchait à répondre à la fois à la nécessité d'améliorer les revenus nets des personnes reprenant une activité et à celle d'alléger le coût de l'embauche de ces personnes pour les entreprises.

La création d'un dispositif de crédit d'impôt pour les revenus d'activité modeste permet de clarifier les enjeux et de recentrer le dispositif du RMA.

A. UN DISPOSITIF SIMPLE ET INNOVANT

Dès l'automne 1999 , au cours d'une conférence de presse sur l'actualité économique, la commission des Finances avait proposé un mécanisme simple qui permettrait à une entreprise qui recruterait un bénéficiaire du RMI ou un chômeur indemnisé de longue durée, de percevoir une contrepartie payée par l'Etat et qui correspondrait au montant de l'allocation de solidarité précédemment versée à la personne en situation d'exclusion.

Cette proposition de loi a été déposée le 25 avril 2000 : elle a repris toute son actualité au cours de la discussion de la loi de finances pour 2001, puisque, comme l'a souligné M. Philippe Marini, rapporteur général, en séance publique le 24 novembre 2000, elle a naturellement vocation à venir compléter le système du crédit d'impôt en redonnant du pouvoir d'achat aux salariés les plus défavorisés et en favorisant l'accès au monde de l'entreprise aux personnes qui en sont aujourd'hui le plus éloignées.

La proposition de loi repose donc sur trois éléments essentiels.

1. Trois éléments essentiels

Tout d'abord, le revenu minimum d'activité prend la forme d'une convention conclue entre le bénéficiaire du minimum social, l'employeur et l'Etat.

Extrait du dossier de la Conférence de presse
de la commission des Finances du 7 octobre 1999
sur " les dossiers d'actualité économique "

Un constat : il faut mettre fin à cette spirale de l'inactivité mise en place par le RMI et développer grâce au RMA un cercle vertueux de l'activité.

En effet, le niveau élevé de certaines prestations sociales en font souvent un frein puissant à la reprise du travail et à la réinsertion sociale. Par exemple, le bénéficiaire du RMI hésite à accepter un poste relativement précaire qui le conduirait à abandonner son allocation et les exonérations diverses qui y sont associées. Ceci nourrit l'exclusion sociale et a un coût élevé pour l'Etat : même le Conseil d'analyse économique (CAE) placé auprès du Premier ministre, l'a récemment admis.

Lutter contre le chômage et l'exclusion sociale

Le revenu minimum d'activité (RMA) a pour buts principaux :

de favoriser la reprise d'activité des bénéficiaires du RMI et des chômeurs de longue durée, s'agissant des personnels les moins qualifiés ;

•  d'augmenter le niveau de l'emploi et de réduire l'exclusion sociale.

Une prestation sociale résolument tournée vers l'activité

Le niveau des prestations délivrées aux titulaires du RMI et aux chômeurs en fin de droit contraste avec leur faible retour à l'activité : les prestations ne servent plus qu'à l'assistance. On peut dès lors se demander si le RMI n'est pas désormais " un revenu minimum d'inactivité ". Il est au demeurant frappant de rappeler que la charge du RMI pour l'Etat a augmenté de 30 % depuis 1996, lorsque nous connaissions une période de vive croissance de l'économie.

Par ailleurs, de nombreux gisements d'emplois existent mais ne sont pas occupés pour deux raisons : trop coûteux pour les entreprises (poids des charges sociales sur les bas salaires) ; trop faiblement rémunérateurs pour les bénéficiaires de prestations d'assistance et notamment du RMI (leur revenu augmente, mais leur pouvoir d'achat peut diminuer en raison de la perte du bénéfice de certaines prestations ou bien des impositions nouvelles auxquelles ils deviennent assujettis, comme les taxes locales).

Le RMA veut donc renverser ces effets pervers en proposant une solution servant les intérêts des exclus comme des entreprises par une réorientation totale des aides publiques.

Un mécanisme simple

Le bénéficiaire du RMI ou le chômeur indemnisé de longue durée devenant salarié perçoit un RMA. Celui-ci correspond d'une part au salaire qui est versé par l'entreprise, et d'autre part à un complément de ressources payé par l'Etat. Cela doit lui assurer un gain net de revenu par rapport à sa prestation d'origine. Il y a un intérêt objectif pour le bénéficiaire à travailler.

Par souci de simplification, le RMA est versé par l'entreprise qui touche également de l'Etat le complément de ressources. Celui-ci n'est pas soumis aux charges sociales.

Ceci se fait dans le cadre d'un contrat de longue durée (cinq ans) qui assure au salarié une stabilité de ses revenus et qui définit les engagements auxquels souscrit l'entreprise vis-à-vis de l'Etat. Le niveau du RMA tient compte de la prestation d'origine et pourrait par exemple se situer à 1,2 RMI, c'est-à-dire de 20 % le montant de la prestation antérieure.

Le RMA profite à tous

Pour l'ancien bénéficiaire de prestations d'assistance : il retrouve un emploi ; il est assuré de ne pas perdre de ressources ; il jouit d'une forte stabilité (cinq ans) qui lui permet de faire des projets personnels et professionnels et de véritablement sortir de l'exclusion sociale ;

•  Pour les entreprises : cette aide de l'Etat diminue singulièrement le coût du travail pour les bas salaires et permet, ainsi, de rendre rentables certaines activités qui ne l'étaient pas toujours ; elle sera donc créatrice de nouveaux emplois marchands ;

•  Pour l'Etat : meilleure utilisation des sommes consacrées aux personnes défavorisées : perspective de voir ces dépenses se réduire en cas d'emploi durable des bénéficiaires : mise en oeuvre d'une politique contractuelle de l'emploi avec les entreprises ;

•  Pour la société : il est préférable de favoriser le retour à l'activité plutôt que de se cantonner dans une simple assistance sans lendemain.

Bien évidemment, de nombreux points restent à préciser, à commencer par le chiffrage, les seuils de ressources, etc. avec le souci de proposer un mécanisme aussi simple que possible pour les entreprises comme les exclus, et avec celui d'éviter les effets d'aubaines.

Le RMA signifie moins de charges pour les entreprises, plus de stabilité, de revenu, de perspectives d'avenir pour les bénéficiaires, une dépense mieux orientée pour l'Etat et l'UNEDIC. On passerait ainsi de l'insertion, devenue simple assistance déresponsabilisante, à la promotion de l'emploi, de l'activité, productive et profitable à tous. Nous avons tous à y gagner !

Ensuite, le salaire versé correspond à un revenu minimum d'activité qui comprend en fait deux parts : une " aide dégressive " versée à l'entreprise pendant trois ans qui correspond au départ à l'allocation de minimum social que recevait le bénéficiaire ; la seconde part est le " salaire négocié " et il correspond à la différence entre le montant du revenu minimum d'activité et celui de l'aide dégressive.

Enfin, le montant du revenu minimum d'activité est mis en place dans le cadre d'un accord de branche .

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