N° 297

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 mai 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE, relatif à l' interruption volontaire de grossesse et à la contraception ,

Par M. Francis GIRAUD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri
de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 2605 , 2726 et T.A. 582

Commission mixte paritaire : 2973

Nouvelle lecture : 2966 , 2977 et T.A. 655

Sénat : Première lecture : 120 , 210 et T.A. 66 (2000-2001)

Commission mixte paritaire : 253 (2000-2001)

Nouvelle lecture : 273 (2000-2001)

Vie, médecine et biologie .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Réunie le mercredi 4 avril 2001, au Sénat, la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à trouver un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

Elle a échoué sur l'article premier A, article de principe introduit par le Sénat, qui faisait de la réduction du nombre des IVG une priorité de santé publique et qui prévoyait que le Gouvernement mettrait en oeuvre, à cette fin, les moyens nécessaires à la conduite d'une véritable politique d'éducation à la sexualité et d'information sur la contraception.

Cet échec, sur cette disposition précise, est en lui-même significatif.

Saisi en première lecture de vingt-six articles, le Sénat avait adopté une position conforme à celle de l'Assemblée nationale sur huit d'entre eux. Il en avait supprimé sept et modifié onze. Il avait également inséré six articles additionnels nouveaux.

En examinant le dispositif du projet de loi, le Sénat avait donc souhaité certes en limiter les dangers mais, loin de rejeter l'ensemble du texte, il en avait amélioré sensiblement la teneur sur de nombreux points et amplifié la portée.

Pour sa part, l'Assemblée nationale, examinant le projet de loi en nouvelle lecture le mardi 17 avril 2001, est revenue pour l'essentiel à son texte de première lecture.

Alors que vingt-quatre articles restaient en navette à l'issue de la première lecture au Sénat, l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un seul article conforme : l'article 16 ter, résultant d'un amendement de nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen et prévoyant qu'une information et une éducation à la sexualité seraient dispensées dans toutes les structures accueillant des personnes handicapées

Elle a donc supprimé cinq des six articles additionnels introduits par le Sénat :

- l'article premier A,

- l'article 3 bis A, introduit à l'initiative de notre collègue Bernard Seillier, qui crée, dans chaque département, à l'initiative du conseil général, un répertoire des aides économiques, des lieux d'accueil et d'hébergement, des associations et organismes susceptibles d'apporter une aide morale ou matérielle aux femmes enceintes en difficulté,

- l'article 9 bis, résultant d'un amendement de notre collègue Claude Huriet, qui précise, en réponse à l'arrêt Perruche, que nul n'est fondé à demander une indemnisation du seul fait de sa naissance ;

- enfin, les articles 14 bis et 17 bis, résultant des amendements de nos collègues Lucien Neuwirth et Jean-Claude Carle, qui imposaient au Gouvernement de déposer au Parlement des rapports présentant le bilan des actions menées en faveur de l'information sur la contraception et la sexualité.

L'Assemblée nationale est revenue mot pour mot à son texte adopté en première lecture sur neuf articles modifiés ou supprimés par le Sénat.

Cette position traduit, à l'évidence, les divergences de fond qui séparent nos deux assemblées.

Le désaccord porte tout d'abord sur l'allongement à douze semaines de grossesse du délai légal.

Le Sénat avait estimé, en première lecture, que cet allongement constituait une fuite en avant et n'apportait pas de véritable réponse à la situation des quelque 5.000 femmes qui, chaque année, sont contraintes de se rendre à l'étranger pour obtenir une IVG dans des pays où le terme légal est plus éloigné.

En effet, seule la moitié des femmes concernées, 2.000 à 3.000 selon les estimations les plus fiables, serait susceptible de bénéficier de ces deux semaines supplémentaires. L'autre moitié dépasse de toute façon le délai de douze semaines de grossesse. Qu'adviendra-t-il de ces femmes enceintes ? Le projet de loi reste muet sur ce point.

Le Sénat avait également estimé que l'allongement du délai légal comportait un certain nombre de risques qui étaient loin d'être négligeables. L'intervention devient plus difficile tant d'un point de vue technique que psychologique entre la dixième et la douzième semaine de grossesse. Deux semaines supplémentaires changent la nature de l'acte médical : elles impliquent un effort considérable de formation et la mise en place de moyens techniques garantissant la sécurité des interventions.

L'allongement du délai risque ainsi de dégrader encore le fonctionnement quotidien du service public. Il est probable que l'accès à l'IVG restera toujours aussi difficile pour certaines femmes et il est à craindre que ces difficultés soient encore accrues.

Enfin, le Sénat avait tenu à rappeler que, si l'on ne peut pas parler d'eugénisme, le risque existait néanmoins de pratiques individuelles de sélection du foetus au vu des éléments du diagnostic prénatal.

En définitive, notre assemblée avait considéré que l'allongement du délai légal revenait à déplacer les frontières de l'échec.

Fidèle à sa logique, l'Assemblée nationale a rétabli l'allongement du délai légal à douze semaines de grossesse.

Les divergences entre les deux assemblées ne se limitent toutefois pas à la question du délai légal : elles concernent bien d'autres points, essentiels aux yeux du Sénat.

Ainsi, l'Assemblée nationale a notamment rétabli le contenu du dossier-guide tel qu'elle l'avait adopté en première lecture, c'est-à-dire amputé de l'énumération des droits, aides et avantages garantis par la loi aux familles, aux mères et à leurs enfants, ainsi que des possibilités offertes par l'adoption d'un enfant à naître, et de la liste des organismes susceptibles de lui apporter une aide morale ou matérielle.

Elle a également rétabli la suppression du caractère obligatoire de l'entretien social préalable et les dispositions relatives à l'aménagement de l'obligation de l'autorisation parentale pour les mineures, sans retenir les ajouts importants du Sénat sur la qualité de la personne accompagnante et sur son rôle consistant à « assister » la mineure.

Elle a maintenu le nombre de trois séances d'information et d'éducation à la sexualité dans les écoles, collèges et lycées, alors que le Sénat avait proposé de retenir le chiffre de cinq séances . A cette occasion, l'Assemblée nationale a également écarté l'ajout de notre collègue Lucien Neuwirth consistant à prévoir l'organisation de réunions associant les parents d'élèves pour définir des actions conjointes d'information sur la sexualité et la fécondité.

L'Assemblée nationale a en outre persisté dans sa volonté de supprimer l'obligation de prescription médicale pour les contraceptifs hormonaux, obligation que nous avions maintenue pour des raisons de santé publique.

De même, elle a supprimé, pour l'interruption médicale de grossesse (IMG), la référence à la santé psychique de la femme, que le Sénat avait introduite afin de permettre la prise en charge des situations les plus douloureuses.

Elle a également supprimé une disposition importante que nous avions introduite afin de protéger la femme enceinte contre toute forme de pression destinée à la contraindre à une interruption de grossesse.

Elle a enfin écarté la notion d'un âge minimum -que le Sénat avait fixé à 35 ans- pour bénéficier d'une stérilisation.

Paradoxalement, la navette n'a porté que sur l'article 20, relatif à la stérilisation des adultes handicapés, article qui n'avait pas véritablement de lien avec l'objet du projet de loi.

Cet article est le seul pour lequel la rapporteure de l'Assemblée nationale ait consenti à reconnaître que le Sénat en avait « incontestablement » amélioré la rédaction.

Les autres modifications adoptées par l'Assemblée nationale ne relèvent pas du jeu de la navette mais constituent des remords ou ajustements apportés par l'Assemblée nationale à son propre texte de première lecture.

En définitive, l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a non seulement rétabli l'intégralité des dispositions contestées par le Sénat mais elle a également écarté l'essentiel des améliorations et corrections qu'il avait apportées, de même que la quasi-totalité des articles additionnels dont il avait souhaité enrichir le projet de loi.

Une fois de plus, l'Assemblée nationale avait ainsi donné son dernier mot dès sa première lecture, et n'a fait que bégayer en nouvelle lecture. Un tel résultat était hautement prévisible et prévu par votre commission dès lors que le Gouvernement avait entendu soumettre le présent projet de loi à la procédure de l'urgence.

Dans ces conditions, votre commission considère qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération. Elle vous propose en conséquence d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable au présent projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

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