III. LE GOUVERNEMENT REPORTE SUR LES DÉPARTEMENTS ET LA SÉCURITÉ SOCIALE LE SOIN DE FINANCER LES GÉNÉROSITÉS DE SA POLITIQUE SOCIALE

A la suite du contrôle opéré en février dernier par M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux de la loi de financement de la sécurité sociale, votre commission pensait que le feuilleton du « Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales » (FOREC) aurait eu au moins le mérite de souligner une nécessité : celle de ne proposer de politiques sociales qu'assorties de financements pérennes.

L'allocation personnalisée d'autonomie montre au contraire qu'un palier supplémentaire est franchi : désormais, le Gouvernement propose des réformes non financées de manière explicite.

A. UN FINANCEMENT NON ASSURÉ...

Le Gouvernement utilise au sujet du financement de l'APA une rhétorique proche de la provocation : un tel financement est jugé « équilibré » .

Or, rien ne vient justifier un tel adjectif : le financement de l'APA, reposant sur une étude d'impact proche de l'indigence, est particulièrement « déséquilibré » et source de graves menaces pour les finances locales et les finances sociales.

1. Une étude d'impact proche de l'indigence : une méthode qui démontre une véritable fuite en avant

a) Le coût global

L'étude d'impact déposée par le Gouvernement à l'appui du projet de loi 22 ( * ) est pour le moins défaillante, particulièrement pour les questions de financement.

Elle part du principe que le nombre de personnes âgées est en perte d'autonomie est de près de 800.000, « selon l'enquête Handicaps-incapacités-dépendance (HID) de 1999/2000 » . Paradoxalement, le dossier de presse contient davantage d'informations :

Nombre de personnes âgées dépendantes

GIR 1

69.000

GIR 2

262.000

GIR 3

201.000

GIR 4

264.000

TOTAL

796.000

Le « surcoût » du dispositif s'explique par trois évolutions :

- l'élargissement du champ de l'allocation à 260.000 bénéficiaires supplémentaires classées en GIR 4 : or, le nombre de personnes classées en GIR 4, selon l'étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques 23 ( * ) , varie en fait entre 260.000... et 420.000 : « 72.000 personnes classées en GIR 5 ou 6 peuvent être comptabilisées en GIR 4 si l'on considère, pour une seule des activités prises en compte dans la définition que « faire sans aide » mais « avec de grandes difficultés » retrace une incapacité (...). De la même manière, 85.000 personnes supplémentaires peuvent être comptabilisées, non plus en GIR 5 ou 6, mais en GIR 4 si l'on interprète différemment non plus une mais deux variables. L'intégration de ces deux groupes de « cas limites » peut conduire à inclure 157.000 personnes de 60 ans et plus en GIR4, soit deux tiers de plus que dans l'estimation initiale » ;

- l'augmentation du nombre de personnes âgées classées en GIR 1, GIR 2 et GIR 3 pouvant bénéficier de l'allocation , du fait de la suppression de la condition de ressources, remplacée par un « ticket modérateur » ;

- l'augmentation du nombre de personnes concernées demandant l'allocation , en raison de la suppression du « verrou » constitué par le recours sur succession. Comme l'avait noté M. Michel Charasse, « Nous voyons aujourd'hui arriver dans nos mairies des gens qui, hier éligibles à l'ACTP et à la COTOREP, s'inquiètent de savoir comment cela se passe maintenant pour les successions, informés qu'ils sont d'un changement. Et quand on leur répond que c'est récupérable, soit ils disent carrément que cela ne les intéresse pas, soit ils demandent à voir, à réfléchir, moyennant quoi on ne les revoit plus ! » 24 ( * ) ;

Ces deux derniers éléments 25 ( * ) n'ont pas été chiffrés par le Gouvernement mais l'on peut supposer, au regard du nombre actuel de bénéficiaires de la PSD, que l'augmentation globale serait aux alentours de 400.000 personnes 26 ( * ) .

Le Gouvernement chiffre en 2002 et en 2003 le coût total de l'APA « entre 15 et 17 milliards de francs, pour respectivement 500.000 et 550.000 bénéficiaires » 27 ( * ) . Mais les dépenses de l'APA « en vitesse de croisière » devraient s'établir autour de 23 milliards de francs.

Ce chiffrage a-t-il été réalisé en tenant compte d'un « passage » à l'APA, en intégralité, de la population susceptible d'en bénéficier ?

Mystère. L'application d'une « règle de trois » montre que le coût moyen par bénéficiaire et par an serait de 30.000 francs pour 2002, tandis qu'il serait en « vitesse de croisière » légèrement inférieur.

Votre rapporteur émet une hypothèse : le coût en vitesse de croisière n'aurait pas été calculé sur la base de 800.000 bénéficiaires.

Deux éléments iraient dans ce sens :

- le rapport Sueur estimait qu'une fraction non négligeable du public concerné ne demanderait pas à bénéficier de l'APA : 200.000 des 900.000 personnes concernées. Il est exact que le seul fait de « demander » l'allocation, surtout pour les personnes en GIR 4, peut représenter un effet psychologique négatif : admettre sa dépendance ;

- le projet de loi initial retenait le principe d'un recours sur succession, qui a constitué de toute évidence, dans le cas de la PSD, un « verrou » efficace.

La montée en charge du dispositif appelle également plusieurs observations. Si l'on comprend que les 800.000 personnes prévues ne sont pas couvertes intégralement dès la première année, il est curieux de prévoir que le passage de 2002 à 2003 se traduira par une « avancée » aussi faible : 50.000 bénéficiaires supplémentaires.

Votre rapporteur formulera deux hypothèses :

- soit le nombre d'allocataires a été manifestement surestimé en 2002, ce qui explique une progression aussi étrange retenue pour 2003 : il est vrai que l'objectif retenu de passer des 140.000 bénéficiaires de la PSD à 500.000 bénéficiaires de l'APA en une seule année laisse rêveur ;

- soit le nombre d'allocataires retenu pour 2003 est sous-estimé. En effet, une progression de 10 % par an ne permettrait d'atteindre les 800.000 bénéficiaires prévus qu'en... 2007.

Evolution possible du nombre de bénéficiaires de l'APA

2002

500.000

2003

550.000

2004

605.000

2005

665.500

2006

732.050

2007

800.000

De fait, l'étude d'impact d'impact précitée -et c'est l'un de ses seuls apports- indique : « La gestion d'un dispositif d'une telle ampleur, comparé au dispositif actuel de la PSD (...), nécessitera la mise en place d'équipes médico-sociales supplémentaires ainsi que le recrutement des personnels les composant : médecins, personnels paramédicaux et travailleurs sociaux... » . L'étude d'impact évalue à 2.000 (contre 810 aujourd'hui) le nombre d'équivalents temps plein supplémentaires « nécessaires à la gestion du dispositif en régime de croisière, une fois la montée en charge achevée » . Ce qui veut dire a priori une mobilisation encore supérieure pendant la période de montée en charge. Il est donc douteux que cette dernière s'effectue sur deux ans.

* 22 Cf. annexe du présent rapport.

* 23 DREES, Etudes et résultats, n° 94, p.4.

* 24 JO Débats Sénat, séance du 27 mai 1998.

* 25 Il est vrai que la suppression du recours sur succession a représenté l'essentiel des modifications apportées par l'Assemblée nationale.

* 26 532.000-135.000 = 397.000 personnes.

* 27 Etude d'impact, p. 8.

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