TITRE ADDITIONNEL
AVANT L'ARTICLE 19
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DISPOSITIONS DIVERSES

A la faveur de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale, le présent projet de loi, déjà éclectique, s'est encore enrichi de dispositions ne pouvant être rattachées à aucun des cinq titres existants.

Afin d'ordonner davantage ce texte, votre commission vous propose donc de créer un titre VI, destiné à regrouper ces diverses dispositions « orphelines ».

Ce nouveau titre serait intitulé : « Dispositions diverses ».

Votre commission vous demande d'adopter un amendement tendant à insérer cette division additionnelle avant l'article 19.

Art. 19 (nouveau)
(art. L. 411-2 du code de la sécurité sociale)
Prise en compte du covoiturage au titre des accidents de trajet

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale (cf. à l'initiative de M. Jean-Pierre Brard), sur un avis de sagesse du Gouvernement, vise à assimiler aux accidents de trajet les accidents survenus aux salariés lors de détours effectués dans le cadre d'un covoiturage régulier.

I - Le dispositif proposé

Selon les dispositions de l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale, est considéré comme un accident du travail, l'accident survenu à un salarié pendant le trajet d'aller et retour entre :

- d'une part, le lieu de travail et sa résidence principale (également : résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial) ;

- d'autre part, le lieu de travail et le lieu où le salarié prend habituellement ses repas.

Le parcours ne doit pas avoir été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi.

Le présent article propose de compléter ces dispositions afin de préciser que, en cas d'accidents survenus lors de détours effectués dans le cadre d'un covoiturage régulier (entre le domicile et le lieu de travail), cet accident sera considéré comme étant un accident de trajet . En effet, le covoiturage, qui nécessite d'aller chercher plusieurs personnes différentes à leur domicile, entraîne des détours entre celui-ci et le point commun de destination (ou de départ) des intéressés, à savoir leur lieu de travail.

II - La position de votre commission

Votre commission estime que la précision ainsi apportée à l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale, si elle n'est pas véritablement indispensable, ne soulève pas d'objections de principe quant à son objet même.

En effet, une telle précision :

- n'est contraire, ni à la rédaction actuelle de l'article L. 411-2 précité (qui admet le détour dès lors qu'il n'est pas « indépendant de l'emploi »), ni à la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans des situations assez proches, a déjà admis la qualification d'accident de trajet 43 ( * ) ;

- pourrait, le cas échéant, inciter certains salariés à recourir davantage au covoiturage, dont l'encouragement est l'une des orientations des plans de déplacements urbains définis par la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article additionnel après l'article 19
(art. L. 122-1-1 du code du travail)
Remplacement temporaire d'un pharmacien titulaire d'officine ou d'un directeur de laboratoire d'analyses de biologie médicale dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée

Objet : Cet article additionnel, qui réintroduit, à un endroit plus approprié, l'article 6 bis inséré dans le titre II du projet de loi par l'Assemblée nationale, vise à autoriser l'organisation du remplacement temporaire des pharmaciens titulaires d'officine et des directeurs de laboratoires d'analyses médicales dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 122-1-1 du code du travail énumère limitativement les trois cas dans lesquels est autorisée la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminé, à savoir :

- le remplacement d'un salarié en cas d'absence, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail ayant fait l'objet d'une saisine du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ou en cas d'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

- l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

- les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par les conventions collectives, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Le présent article propose d'ajouter, à l'article L. 122-1-1 du code du travail, un quatrième cas dans lequel le recours au contrat de travail à durée déterminée serait autorisé, à savoir le remplacement temporaire d'un pharmacien titulaire d'officine ou d'un directeur de laboratoire d'analyses de biologie médicale.

En effet, en cas d'absence temporaire (ou de décès) d'un pharmacien titulaire d'une officine, son remplacement est effectué, dans les conditions prévues par la code de la santé publique :

- soit par le pharmacien cotitulaire ou le pharmacien assistant (dans le cadre, pour ce dernier, du contrat de travail déjà en vigueur) ;

- soit, si le pharmacien titulaire exerce seul, par un remplaçant extérieur. Celui-ci peut alors être, soit un étudiant en pharmacie, soit un pharmacien assistant à temps partiel dans une autre officine, soit un pharmacien « spécialisé » dans le remplacement. Ce remplaçant peut être recruté par le biais de petites annonces publiées dans la presse professionnelle, par le « bouche à oreille », ou par l'intermédiaire d'une agence d'intérim. Les remplacements sont déjà fréquemment organisés dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, le remplaçant se trouvant dans une situation de subordination à l'égard du titulaire de l'officine, comparable à celle qui caractérise le salariat. Or, l'article L. 122-1-1 du code du travail précité n'autorise pas, actuellement, le recours à un contrat à durée déterminée pour ce cas particulier. D'où la modification proposée par le présent article, afin d'accorder le droit avec les faits.

Une situation similaire existe en ce qui concerne le remplacement des directeurs des laboratoires d'analyses de biologie médicale.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve la faculté offerte aux pharmaciens titulaires d'officine et aux directeurs des laboratoires d'analyses de biologie médicale d'organiser leur remplacement dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée. Cette mesure donne une base législative à une solution déjà pratiquée dans les faits et qui, résultant d'une initiative du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, répond aux voeux des deux catégories concernées.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement .

Art. 20 (nouveau)
(art. L. 432-8 du code du travail)
Subventions aux associations à caractère social ou humanitaire
par les comités d'entreprises

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales en dépit des réserves exprimées par le Gouvernement, vise à autoriser les comités d'entreprise à verser, au titre de leurs activités sociales et culturelles dont ils assurent la gestion, des subventions à des associations reconnues d'utilité publique oeuvrant dans le secteur social ou humanitaire.

I - Le dispositif proposé

Le présent article, en modifiant la rédaction de l'article L . 432-8 précité du code du travail, vise à autoriser le comité d'entreprise à verser, sur les ressources propres qui lui sont affectées, des subventions à des associations à caractère social ou humanitaire. Il élargit ainsi le champ de l'activité sociale et culturelle du comité d'entreprise et celui de ses bénéficiaires.

Conformément aux dispositions de l'article L. 432-8 du code du travail, « le comité d'entreprise assure ou contrôle la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise au bénéfice des salariés et de leurs familles ou participe à cette gestion, quel qu'en soit le mode de financement ». A cette fin, le comité d'entreprise peut utiliser les ressources qui lui sont affectées par la loi, dont la principale est la contribution patronale.

L'article R. 432-2 du code du travail énumère limitativement les institutions chargées de ces activités sociales et culturelles 44 ( * ) . Il précise également que ces activités sont établies « au bénéfice des salariés ou anciens salariés de l'entreprise et au bénéfice de leur famille ».

En revanche, l'activité sociale et culturelle du comité d'entreprise ne fait pas l'objet, en tant que telle, d'une définition légale. Selon sa définition jurisprudentielle, il s'agit d'une « activité non obligatoire légalement, quelle qu'en soit sa dénomination, la date de sa création et son mode de financement, exercée principalement au bénéfice du personnel de l'entreprise, sans discrimination, en vue d'améliorer les conditions collectives d'emploi, de travail et de vie du personnel au sein de l'entreprise » (Cour de cassation - chambre sociale - 13 novembre 1975).

Au regard de cette définition, la chambre sociale de la Cour de cassation a estimé que ne constitue pas une activité sociale et culturelle la subvention accordée à une association sportive d'intérêt général, étrangère à l'entreprise, et dont le personnel n'est pas principalement bénéficiaire ; l'entreprise concernée est donc en droit de supprimer unilatéralement cette subvention (7 mai 1987).

Le présent article entend surmonter les limites ainsi fixées par la jurisprudence.

II - La position de votre commission

Sans méconnaître l'utilité sociale des associations à caractère social ou humanitaire, votre commission juge inopportune une telle mesure qui, par un élargissement manifestement excessif de l'activité sociale et culturelle du comité d'entreprise, ne pourrait que susciter les réserves, sinon la franche hostilité :

a) d'une part, des salariés :  en effet, le budget dont dispose un comité d'entreprise n'est pas extensible à l'infini. Toute subvention versée à une association extérieure le serait nécessairement au détriment du financement d'autres actions concernant plus directement les salariés de l'entreprise ou leurs familles. Sauf dans les très grandes entreprises (privées ou publiques) dont les comités peuvent disposer de moyens importants, les arbitrages financiers seraient donc difficiles et, parfois, conflictuels.

b) d'autre part, des entreprises : la principale ressource financière de l'action sociale et culturelle étant constituée par la contribution patronale, une entreprise se trouverait, indirectement, et à son corps défendant, engagée par la subvention versée, par son comité d'entreprise, à une association extérieure. Certes, la modification proposée du code du travail ne vise que « les associations reconnues d'utilité publique oeuvrant dans le secteur social ou humanitaire ». Même dans ce cas, un tel dispositif pourrait toutefois aboutir à des situations absurdes (par exemple : un comité d'entreprise subventionnant une association de défense des consommateurs, reconnue d'utilité publique, et engagée, par ailleurs, dans une action judiciaire ou médiatique contre l'entreprise concernée). Par ailleurs, en cas de désaccord profond entre ses salariés (ou leurs représentants) sur le choix des associations bénéficiaires, le chef d'entreprise pourrait être involontairement impliqué dans un conflit dont l'objet même ne relèverait pas de sa compétence.

Pour ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article .

Art. 21 (nouveau)
(loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ;
art. L. 228-36 du code du commerce)
Sociétés coopératives d'intérêt collectif

Objet : Cet article, qui résulte de l'adoption, par l'Assemblée nationale, d'un amendement déposé en séance par le Gouvernement, vise à créer une nouvelle catégorie de sociétés coopératives : les sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC).

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I de l'article modifie l'intitulé du titre II ter de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, qui devient : « La société coopérative d'intérêt collectif » (SCIC). Il insère également, dans ce titre II ter ainsi rebaptisé, onze nouveaux articles :

Art. 19 quinquies

Cet article définit les sociétés coopératives d'intérêt collectif qui sont des sociétés coopératives, constituées sous forme de sociétés anonymes ou de sociétés à responsabilité limitée à capital variable régies (sous réserve des dispositions qui leur sont spécifiques) par le code du commerce, et dont l'objet est « la production et la fourniture de biens et de services qui présentent un caractère d'utilité sociale ». L'activité « d'utilité sociale » qui a fait l'objet d'une définition jurisprudentielle, notamment dans le cadre du contentieux fiscal, est « une activité qui tend à satisfaire un besoin qui n'est pas pris en compte par le marché ou qui l'est de façon peu satisfaisante » (Instruction fiscale n° 170 du 15 septembre 1998 définissant le cadre légal du régime fiscal des organismes sans but lucratif). Cette catégorie d'activités est également visée dans l'article L. 322-4-18 du code du travail relatif aux conventions pouvant être conclues entre l'Etat et divers partenaires (collectivités locales, associations, etc.) dans le cadre des « emplois jeunes ».

Art. 19 sexies

Cet article ouvre la possibilité aux sociétés coopératives d'intérêt collectif de faire bénéficier de leurs activités des tiers non sociétaires. Il déroge ainsi au principe traditionnel du droit de la coopération, posé par l'article 3 de la loi de 1947, et interdisant aux coopératives d'avoir des relations commerciales avec des non-sociétaires, « à moins que les lois particulières les y autorisent » (cette dernière disposition étant d'interprétation stricte).

Art. 19 septies

Cet article adapte les règles de sociétariat aux spécificités des sociétés coopératives d'intérêt collectif, dont l'activité vise non seulement leurs propres adhérents, mais également un public plus large. Peuvent ainsi être associés à une SCIC : les salariés de la coopérative, les personnes bénéficiant habituellement à titre gratuit ou onéreux des activités de la coopérative, toute personne physique souhaitant participer bénévolement à son activité, des collectivités publiques et leurs groupements, toute personne physique ou morale qui contribue par tout autre moyen à l'activité de la coopérative. La société coopérative d'intérêt collectif doit comprendre, parmi son sociétariat, au moins trois de ces catégories d'associés parmi lesquelles, obligatoirement, ses salariés et les personnes bénéficiant habituellement, à titre onéreux ou gratuit, de ses activités. Il est également précisé que les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent détenir ensemble plus de 20 % du capital d'une société coopérative d'intérêt collectif, afin d'éviter la création d'une SCIC composée uniquement d'acteurs institutionnels qui pourrait constituer, de fait, une nouvelle forme de société d'économie mixte.

Art. 19 octies

Cet article dispose, conformément aux principes de la coopération, que chaque associé d'une SCIC dispose d'une voix à l'assemblée générale. Le sociétariat peut toutefois être organisé par collèges (trois ou plus) en fonction de la participation des associés à l'activité de la coopérative ou de leur contribution à son développement. Dans ce cas, chaque collègue dispose d'un nombre égal de voix à l'assemblée générale, sauf dans le cas où les statuts de la SCIC en disposent autrement. Toutefois, la part d'un seul collège ne peut être supérieure, d'une part, à 50 % du total des droits de vote ni inférieure, d'autre part, à 10 % de ce total. Dans l'hypothèse où la part de l'un des collèges dépasse ses limites supérieures et inférieures, le nombre de voix attribué à chaque collège est, selon le cas, réduit ou augmenté à due concurrence.

Art. 19 nonies

Cet article précise les règles de constitution du capital social d'une société coopérative d'intérêt collectif. Les statuts d'une SCIC détermineront ainsi la dotation annuelle à une réserve statutaire, qui ne pourra être inférieure à 50 % des sommes disponibles après dotation aux réserves légales. Cet article autorise également, et conformément aux principes coopératifs, une rémunération encadrée et limitée des parts sociales, tout en interdisant de prendre en compte les subventions, encouragements et autres moyens financiers versés à la société pour le calcul, d'une part, de l'intérêt versé aux parts sociales et, d'autre part, pour la distribution des avantages prévus à l'article 11 (parts sociales à avantages particuliers) et 11 bis (parts à intérêt prioritaire) de la loi de 1947 portant statut de la coopération. Par ailleurs, cet article précise également que ne sont pas applicables aux SCIC les articles 15 de cette même loi (répartition des gains entre les associés), ni les 3° et 4° alinéas de son article 16 (incorporation au capital de sommes prélevées sur les réserves et, en conséquence, relèvement de la valeur des parts sociales ou distribution de parts gratuites), ni le second alinéa de son article 18 (associé ayant cinq ans d'ancienneté révolus pouvant bénéficier d'une part de la réserve constituée à cet effet). Ces dernières restrictions sont justifiées par le fait que les SCIC sont des coopératives ouvertes, dont une part des usagers (non sociétaires) ou des sociétaires (bénévoles) ne pourraient bénéficier, par définition, des « ristournes » sus-mentionnées. Dès lors, il y aurait rupture du principe d'égalité entre les différents associés de la SCIC.

Art. 19 decies

Cet article dispose que les collectivités territoriales peuvent accorder des subventions aux sociétés coopératives d'intérêt collectif, en vue de participer à leur développement, et ce dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Art. 19 undecies

Cet article autorise, par dérogation aux dispositions du code du commerce, la nomination d'un salarié au poste de directeur ou de gérant d'une société coopérative d'intérêt collectif.

Art. 19 duodecies

Cet article dispose que la société coopérative d'intérêt collectif fait procéder périodiquement à l'examen analytique de sa situation financière et de sa gestion. Les conditions de cet examen seront déterminées par voie réglementaire.

Art. 19 terdecies

Cet article précise que les SCIC devront faire l'objet d'un agrément administratif dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Art. 19 quaterdecies

Cet article vise à autoriser les sociétés coopératives, actuellement constituées conformément au statut en vigueur de la coopération, à se transformer en société coopérative d'intérêt collectif, sans que cette transformation n'entraîne la création d'une nouvelle personne morale.

Art. 19 quindecies

Cet article définit le champ d'activité des sociétés coopératives d'intérêt collectif, en les rendant éligibles aux conventions, agréments et habilitations prévus, notamment, dans les domaines suivants :

- l'aide à domicile (aide ménagère, garde d'enfants, assistance aux personnes âgées ou handicapées, aide sociale à l'enfance...) ;

- l'insertion par l'activité économique des personnes sans emploi ;

- les actions d'animation socio-éducatives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter la promotion sociale des jeunes et des familles ;

- les centres d'aide par le travail pour handicapés adultes ;

- les centres d'hébergement et de réinsertion sociale ;

- l'accueil et hébergement des bénéficiaires de l'aide sociale ;

- le logement à titre temporaire des personnes défavorisées ou la gestion d'aires d'accueil pour les gens du voyage ;

- le tourisme social.

Les paragraphes II , III et IV de l'article procèdent, dans la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, aux modifications rendues nécessaires par l'insertion du nouveau titre II ter précédemment exposé :

- les anciens titres II ter («Certificats coopératifs d'investissement ») et II quater (« Certificats coopératifs d'associés ») deviennent ainsi, respectivement, les titres II quater et II quinquies (paragraphe II) ;

- la numérotation des articles des anciens titres II ter et II quater est donc modifiée en conséquence (paragraphe III) ;

- et les références auxdits articles sont également actualisées dans d'autres articles de la loi du 10 septembre 1947 (paragraphe IV).

Le paragraphe V de l'article insère, après l'article 28 de loi de 1947 portant statut de la coopération, un nouvel article 28 bis autorisant les associations à se transformer en société coopérative ayant une activité analogue, et ce sans qu'il soit nécessaire de créer une nouvelle personne morale. Dans ce cas, les réserves et les fonds associatifs constitués antérieurement à la transformation ne sont pas distribuables aux sociétaires ou incorporables au capital. Par ailleurs, le passage du statut associatif au statut de la société coopérative d'intérêt collectif ne remet pas en cause les agréments, conventions, habilitations, aides ou avantages financiers directs ou indirects antérieurement accordés sous statut associatif, sous réserve que la nouvelle société coopérative d'intérêt collectif satisfasse aux conditions législatives ou réglementaires d'autorisation et d'agrément.

Le paragraphe VI vise, en modifiant l'article L. 228-6 du code du commerce, à autoriser les sociétés coopératives constituées sous la forme de sociétés à responsabilité limitée à émettre, pour leur financement, des titres participatifs. Ces titres participatifs, créés initialement pour les entreprises publiques et les sociétés anonymes coopératives par la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la protection de l'épargne, ont été ensuite étendus aux coopératives agricoles et aux mutuelles. Cet instrument financier à long terme, sans droit de vote, répond aux contraintes particulières de financement des entreprises du secteur de l'économie sociale qui n'ont pas accès au marché des capitaux. Or, les sociétés coopératives constituées sous forme de sociétés à responsabilité limitée sont soumises aux mêmes contraintes de financement que les sociétés coopératives constituées sous forme de sociétés anonymes. Dans la perspective, notamment, de la constitution d'un grand nombre de sociétés coopératives d'intérêt collectif sous forme de sociétés à responsabilité limitée, il a donc été estimé nécessaire de leur ouvrir la possibilité d'émettre des titres participatifs.

Compte tenu des conditions particulières de son dépôt (cf. ci-dessous) , et du débat de procédure qui s'engagea à ce sujet à l'Assemblée nationale, cette dernière n'a adopté aucun sous-amendement à l'amendement du Gouvernement.

II - La position de votre commission

Le présent article 21 a été introduit par le Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale, par voie d'un amendement déposé lors de la discussion générale . Or, votre commission estime :

- d'une part, qu'une modification aussi importante du statut de la coopération soulève de nombreuses interrogations justifiant, dans l'intérêt même du mouvement coopératif, un examen plus approfondi qui ne saurait, d'ailleurs, être effectué qu'avec le concours éclairé de votre commission des Lois ;

- d'autre part, que la procédure « à la hussarde » suivie par le Gouvernement pour le dépôt et l'examen de cet article révèle une conception pour le moins particulière de l'élaboration de la loi et des droits du Parlement, tout en s'exposant à de sérieux risques d'inconstitutionnalité.

1 - Une modification importante du statut de la coopération qui soulève de nombreuses interrogations justifiant, dans l'intérêt même du mouvement coopératif, son examen plus approfondi avec le concours éclairé de notre commission des Lois

Le présent article modifie de manière significative le statut de la coopération, tant en raison :

- du nombre d'articles concernés (soit 12 nouveaux articles introduits dans la loi du 10 septembre 1947 qui en compte actuellement 45, auxquels s'ajoute un article modifiant, par ailleurs, le code du commerce) ;

- des spécificités nouvelles des « sociétés coopératives d'intérêt collectif » (SCIC) au regard du droit traditionnel de la coopération. Les tiers non sociétaires pourront ainsi bénéficier des produits et services des SCIC (possibilité qui n'existe pas actuellement, sauf dispositions législatives particulières). Par ailleurs, les associations à but non lucratif, régies par la loi de 1901, pourront se « transformer » en société coopérative d'intérêt collectif sans que cette transformation entraîne la création d'une personne morale nouvelle, et sans remise en cause des agréments, conventions ou habilitations accordés sous statut associatif .

Un dispositif de cette importance quantitative et qualitative soulève donc de nombreuses interrogations relatives notamment à .

- la cohérence du dispositif soumis à l'examen du Sénat , au regard des principes traditionnels du monde coopératif et des règles générales posées par la loi du 10 septembre 1947. A cet égard, il eut été notamment intéressant de pouvoir analyser en détail les expérimentations conduites par la Délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale afin, le cas échéant, d'identifier les correctifs ou les aménagements qu'il conviendrait d'apporter à ce projet;

- « l'articulation » éventuelle de cette nouvelle forme de société coopérative avec les coopératives agricoles , l'article 21 demeurant muet sur ce point ;

- la « coexistence » de cette nouvelle structure coopérative avec le monde associatif . La faculté ouverte à ces dernières de se transformer en société coopérative d'intérêt collectif, leur permettra, certes, de résoudre les difficultés actuellement rencontrées par certaines d'entre elles exerçant des activités à caractère économique. Toutefois, une telle possibilité ne pourrait-elle pas, par sa facilité même (création inutile d'une nouvelle personne morale, reconduite « automatique » des agréments, conventions et habilitations dont bénéficiait l'association), aboutir à « vider de sa substance » le mouvement associatif au profit du secteur coopératif ? La motion adoptée par le Conseil national de la vie associative (CNVA), lors de sa session plénière du 28 mars 2001, se fait d'ailleurs l'écho de cette préoccupation. Le CNVA a tenu, notamment, à réaffirmer « le principe selon lequel l'association est une structure juridiquement adaptée à l'exercice d'activités économiques » ainsi que la « nécessité de continuer à adapter les conditions d'exercice d'activités économiques de nature concurrentielle exercées par les associations afin de leur appliquer, notamment, un cadre légal, réglementaire et fiscal adapté à leurs spécificités ». Toujours en ce qui concerne le secteur associatif, on peut également relever que le dispositif de l'article 21 ne prévoit aucune disposition relative aux associations régies par le droit local d'Alsace-Moselle. Dès lors, ces associations pourront-elles bénéficier des mêmes possibilités que celles offertes aux associations « loi de 1901 » ?

- les relations de la « société coopérative d'intérêt collectif » avec le secteur marchand, dans le cadre du droit français et européen de la concurrence . La nouvelle structure des sociétés coopératives d'intérêt collectif, qui, rappelons-le, pourront fournir des produits ou des services à des tiers non sociétaires , ne risque-t-elle pas de créer des effets pervers sur le marché concurrentiel des biens et services ? Ne pourrait-elle pas être contestée dans son principe même au nom du respect des règles de concurrence définies par le droit français et européen ? Ne pourrait-elle pas être « détournée » de son objet pour abriter des activités purement commerciales ?

Compte tenu du nombre et de l'importance de ces questions, un examen plus approfondi du dispositif proposé par le présent article 21 apparaît donc indispensable, ne serait-ce que pour garantir au mouvement coopératif qu'il disposera bien, au terme du processus législatif, d'un outil véritablement efficace, et dont l'existence et la légitimité seront acceptées, sans arrière-pensées, par l'ensemble de ses partenaires potentiels . A l'occasion de cet examen, votre commission aurait pu bénéficier, notamment, de l'expertise et des conseils éclairés de votre commission des Lois, dont la compétence en matière de droit de la coopération n'est plus à démontrer, notamment depuis la loi n° 92-643 du 13 juillet 1992 relative à la modernisation des entreprises coopératives, dont elle avait été saisie au fond.

Or, compte tenu de la précipitation dont le Gouvernement fait preuve en cette affaire, un tel examen approfondi s'avère aujourd'hui impossible .

2 -Une procédure « à la hussarde »   qui traduit une conception pour la moins particulière du travail législatif et des droits du Parlement, tout en s'exposant à des risques sérieux d'inconstitutionnalité

Comme cela a déjà été précédemment indiqué, cet article a été introduit par voie d'amendement du Gouvernement, déposé lors de la discussion générale à l'Assemblée nationale. Il convient également de noter que cette réforme du statut de la coopération  :

- n'a pas été soumise au Conseil d'Etat ;

- ni délibérée en conseil des Ministres.

Par ailleurs, le débat en première lecture à l'Assemblée nationale s'est limité à un débat de procédure, en raison de l'indignation, partagée sur tous les bancs, quant aux conditions dans lesquelles l'Assemblée fut saisie de cet article.

Selon le Gouvernement, cette procédure « à la hussarde » 45 ( * ) s'expliquerait et se justifierait par :

- d'une part, « l'encombrement » actuel du calendrier législatif , qui interdirait le dépôt et l'adoption, dans un délai raisonnable, d'un texte particulier ;

- d'autre part, le fait que le dispositif proposé est approuvé sans réserve par le mouvement coopératif.

Or, de telles raisons :

- traduisent une conception pour le moins particulière du travail législatif , selon laquelle  l'avis du Conseil d'Etat, les délibérations en conseil des Ministres, l'examen en commission et en séance publique ne seraient que des étapes « rituelles » dont le Gouvernement pourrait s'affranchir à sa convenance, et dès lors qu'il s'est assuré de l'accord des principaux intéressés sur le dispositif proposé ;

- ne sauraient faire oublier la responsabilité du Gouvernement, maître de l'ordre du jour, dans « l'encombrement législatif » aujourd'hui constaté . Selon l'adage : « gouverner, c'est choisir » et l'un des éléments constitutifs de ce choix est, notamment l'identification claire et précise des priorités législatives ;

- bafouent les droits les plus élémentaires du Parlement, réduit au rôle d'une chambre d'enregistrement ou, pour reprendre l'expression imagée de nos collègues anglo-saxons, d'un simple « tampon en caoutchouc » (« rubber-stamp parliament ») dont le visa n'est qu'une (fastidieuse) formalité.

De plus, les conditions dans lesquelles le Gouvernement a saisi le Parlement exposent son amendement à de sérieux risques d'inconstitutionnalité .

En effet, le Conseil constitutionnel a déjà censuré des dispositions introduites par voie d'amendement au motif :

- soit que ledit amendement était dépourvu de tout lien avec le texte en discussion . Certes, on pourrait arguer de l'intitulé, imprécis, du présent projet de loi (portant « diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel ») pour affirmer qu'un amendement visant les sociétés coopératives peut s'y rattacher. A l'examen, et sauf à vouloir donner au terme « social » une acceptation tellement large qu'elle pourrait embrasser tous les domaines du droit , ce lien apparaît toutefois inexistant, la réforme proposée modifiant le statut de la coopération et relevant, ainsi, du droit des sociétés . C'est d'ailleurs à ce titre que, en 1991, le projet de loi relatif à la modernisation des entreprises coopératives, bien que déposé par le ministre des Affaires sociales de l'époque, avait été confié à votre commission des Lois, compétente en matière de droit des sociétés, et non à votre commission des Affaires sociales, compétente, notamment, pour les sujets traitant de l'économie sociale ;

- soit que cet amendement dépassait, « par son objet ou sa portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement » . Est-il ici besoin de rappeler, une fois de plus, que, introduit à la faveur d'un seul et même amendement, le présent article 21 :

- crée une catégorie entièrement nouvelle de société coopérative ?

- et modifie, pour ce faire, la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération en y introduisant 12 nouveaux articles (sur un total de 45 articles) ?

A l'évidence, un projet aussi important aurait dû faire l'objet d'un projet de loi spécifique. Tant par son objet que par sa portée, l'amendement du Gouvernement dépasse donc « les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement ».

*

* *

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a choisi de proposer au Sénat de ne pas adopter cet article. Ce choix de suppression n'est nullement un acte d'hostilité à l'égard du mouvement coopératif ou le rejet du principe même des sociétés coopératives d'intérêt collectif. Elle n'est pas, non plus, la manifestation « épidermique » d'une susceptibilité excessive. Elle traduit simplement la préoccupation de votre commission :

- d'une part, de fournir aux mouvements coopératif et associatif toutes les garanties nécessaires au développement harmonieux de leurs activités , garanties qui ne pourront être établies qu'à l'issue d'un examen approfondi du dispositif proposé par le Gouvernement. Votre commission s'inscrit ainsi dans le cadre de la démarche qui, après plusieurs mois d'une réflexion de fond, avait abouti à l'adoption, à l'unanimité des groupes politiques, de la loi du 13 juillet 1992 relative à la modernisation des entreprises coopératives ;

- d'autre part, de faire respecter les droits les plus élémentaires du Parlement et d'inciter, par là-même, le Gouvernement à réviser sa conception du travail législatif.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 22 (nouveau)
Validation législative d'actes administratifs relatifs au recrutement d'enseignants des écoles d'architecture et aux diplômes délivrés à des étudiants de l'école d'architecture de Paris

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Marcel Rogemont assorti d'un avis favorable du Gouvernement, vise à procéder à la validation législative de diverses mesures individuelles concernant des enseignants des écoles d'architecture et des étudiants de l'école d'architecture de Paris, suite à l'annulation, pour vice de forme, des actes administratifs en ayant constitué le fondement.

I - Le dispositif proposé

Le Conseil d'Etat a annulé, le 10 février 1995, pour défaut de contreseing des ministres du Budget de la Fonction publique, l'arrêté du 6 février 1991 relatif au reclassement des enseignants contractuels des écoles d'architecture.

Par ailleurs, et en conséquence de l'annulation de l'arrêté du 6 février 1991, le Conseil d'Etat, le 19 février 1997, a annulé l'arrêté du 8 juin 1992 qui fixait la liste des candidats admis à participer aux épreuves des concours internes de maîtres-assistants ainsi que les résultats de ces concours.

Enfin, par un arrêté du 10 décembre 1998, la Cour administrative d'appel a confirmé le jugement du Tribunal administratif de Paris annulant, pour défaut d'approbation du ministre de la Culture, les décisions du directeur de l'école d'architecture de Paris mettant en oeuvre le programme d'enseignement de l'école pour 1995/96, et, par un arrêt du même jour, a confirmé l'annulation, par voie de conséquence, des délibérations du 25 septembre et 29 novembre 1996 par lesquelles le jury du diplôme d'études fondamentales en architecture (DEFA) a décidé, à l'issue de l'année scolaire 95/96, de l'attribution du DEFA aux élèves de cet établissement.

L'annulation pour vice de forme de ces diverses décisions prive de base légale les mesures individuelles de reclassement et d'admission prises sur leur fondement.

Les mesures de validation faisant l'objet du présent article permettent donc de sauvegarder, en son paragraphe I, la situation de 479 enseignants contractuels, en son paragraphe II, celle de 46 maîtres-assistants, ainsi que, dans son paragraphe III, celle des 33 étudiants de l'école d'architecture de Paris déclarés titulaires du DEFA à l'issue des épreuves organisées en 1996.

Ce dispositif ne vise qu'à remédier aux conséquences des actes annulés et ne porte pas atteinte au principe de séparation des pouvoirs.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 43 Accident survenu lors d'une prolongation de parcours pour ramener un collègue à la sortie du travail (horaires nocturnes de travail exclusifs de moyens de transport) - Cass. Soc. 8 janvier 1975.

* 44 Institutions sociales de prévoyance et d'entraide ; oeuvres sociales tendant à l'amélioration des conditions de bien-être ou ayant pour objet l'utilisation des loisirs et l'organisation sportive ; institutions d'ordre professionnel ou éducatif attachées à l'entreprise ou dépendant d'elle ; services sociaux chargés, d'une part, de veiller au bien-être du travailleur dans l'entreprise et, d'autre part, de coordonner et de promouvoir les réalisations sociales décidées par le comité d'entreprise et par le chef d'entreprise ; service médical institué dans l'entreprise.

* 45 A titre de comparaison, on peut rappeler que le projet de loi relatif à la modernisation des entreprises coopératives, déposé en juillet 1991, avait été définitivement adopté en juin 1992.

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