ARTICLE 8

La distinction entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement

Commentaire : Le présent article définit la nature des crédits ouverts par les lois de finances qui seraient composés d'une part, d'autorisations d'engagement et d'autre part, de crédits de paiement.

L'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 pose, dans son article 8, la règle selon laquelle « un même chapitre peut être doté à la fois d'autorisations de programme et de crédits de paiement ». Dans son article 12, elle indique que « les dotations affectées aux dépenses en capital et aux prêts et exceptionnellement les dotations affectées aux dépenses ordinaires de matériel peuvent comprendre des autorisations de programme et des crédits de paiement ». Le rapport de l'Assemblée nationale 37 ( * ) remarque avec juste raison que le caractère exceptionnel de la présence d'autorisations de programme dans les dotations affectées aux dépenses ordinaires et de matériel est respecté par la pratique, puisque « seuls quelques chapitres de dépenses ordinaires du budget de la défense ont été dotés d'autorisations de programme et de crédits de paiement ».

La proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale prévoit d'étendre le mécanisme prévu par l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 à l'ensemble des dépenses, afin d'en faire un support élargi pour la mise en oeuvre de la pluriannualité. La généralisation des autorisations d'engagement à l'ensemble des dépenses n'implique pas une application de la pluriannualité à l'ensemble de celles-ci. En effet, le mécanisme retenu par la proposition de loi organique vise les dépenses qui ont, par nature, un caractère pluriannuel. Il s'agit d'éviter, autant que faire se peut, que le gouvernement engage des dépenses sur plusieurs années dès lors que cette pluriannualité n'est justifiée ni par la nature de la dépense, ni par la rationalité économique d'une telle décision. Par conséquent, le dispositif des autorisations d'engagement est essentiellement destiné à engager des dépenses d'investissement (comme c'est le cas aujourd'hui dans le cadre des dispositions susmentionnées de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959), des dépenses ordinaires de matériel (qui sont aujourd'hui autorisées « exceptionnellement ») et des dépenses de subvention. Il paraît rationnel, en effet, que certaines dépenses de matériel (contrats de fourniture et de maintenance des équipements notamment) qui font l'objet de contrats de prestation de service portant sur plusieurs années puissent bénéficier du système des autorisations d'engagement. Il en va de même de la politique de subventionnement des associations par l'Etat, qui s'appuie généralement déjà sur une contractualisation pluriannuelle au terme de laquelle est appréciée la façon dont l'association a assuré les objectifs fixés par le contrat.

Il convient de souligner, a contrario , que le quatrième alinéa du présent article dispose que « pour les dépenses de personnel, le montant des autorisations d'engagement ouvertes est égal au montant des crédits de paiement ouverts ». Cette précision est importante, dès lors qu'elle revient à exclure les dépenses de personnel du champ de la pluriannualité. Votre rapporteur est particulièrement attaché au caractère strictement annuel des dépenses de personnel. Compte tenu du fait que ces dépenses engagent les finances de l'Etat sur une longue période, il convient d'assurer une pleine visibilité et une pleine autorité à leur vote par le Parlement.

La généralisation du système des autorisations d'engagement est rendue nécessaire par la fongibilité des crédits. En effet, si certains types de dépenses étaient exclus du mécanisme prévu par le présent article, la question se poserait de savoir comment s'exerce la fongibilité des crédits. A titre d'exemple, si les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel n'étaient constitués que de crédits de paiement (ce qui correspond à la volonté d'enfermer ces dépenses dans une annualité stricte), il serait nécessaire de prévoir un mécanisme spécifique afin d'adjoindre aux crédits de paiement des autorisations d'engagement dès lors que ceux-ci seraient, par le jeu de la fongibilité, utilisés à des dépenses de nature pluriannuelle. Il apparaît donc plus simple et plus lisible de prévoir que tous les crédits ouverts sont constitués d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement.

Un autre avantage de la généralisation du mécanisme des autorisations d'engagement est développé dans le rapport de l' Assemblée nationale. Il s'agit de la meilleure identification des étapes de la dépense : l'autorisation budgétaire distinguera désormais clairement l'engagement et les étapes ultérieures que sont l'ordonnancement et le paiement. Cette distinction trouvera sa traduction dans les deux systèmes comptables que la présente proposition de loi organique souhaite voir mis en oeuvre : l'engagement constituera ainsi le fait générateur de l'enregistrement de la dépense dans la comptabilité générale de l'Etat fondée sur le principe de la constatation des droits et des obligations, tandis que le paiement de la dépense constituera le fait générateur de son enregistrement dans la comptabilité budgétaire « en caisse ».

Dans son rapport intitulé « Doter la France de sa nouvelle constitution financière » 38 ( * ) votre rapporteur soulignait le fait que « les dispositions pluriannuelles prévues par l'ordonnance de 1959 et relatives aux dépenses d'investissement n'ont pas été utilisées de manière efficace, ni de manière conforme à l'esprit de l'ordonnance organique. L'absence de limitation de la durée de validité des autorisations de programme a entraîné l'existence d'autorisations de programme « dormantes », c'est-à-dire non utilisées depuis plusieurs années, mais toujours valides juridiquement. (...) Les autorisations de programme ont également été détournées de leur logique initiale en étant régulées par les crédits de paiement. »

Des efforts ont été engagés par le gouvernement afin de réduire le montant des autorisations de programme « dormantes », en annulant régulièrement celles d'entre elles qui n'ont pas été consommées plus de trois ans après leur ouverture. Votre rapporteur ne peut qu'encourager une telle entreprise, dès lors qu'elle évite de constituer des stocks d'autorisation d'engagement qui deviendraient dépourvues de liens avec leur objet initial. Les dispositions relatives aux reports de crédits dont votre rapporteur vous proposera l'inscription à l'article 9 de la présente proposition de loi organique permettront de reporter largement les autorisations d'engagement d'une année sur l'autre, afin d'en faire véritablement le support de la pluriannualité. Si le report des autorisations d'engagement sera très largement autorisé par le dispositif qui vous sera proposé, il sera néanmoins possible, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, de ne pas les reporter, ce qui devrait permettre, à la fin de chaque exercice, de faire le point sur le stock des autorisations d'engagement et de le réguler en fonction des besoins et des objectifs associés à chaque programme.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 37 Rapport au nom de la commission spéciale, n° 2908 (XIème législature).

* 38 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances, n°37 (2000-2001).

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