ARTICLE 19

Les catégories de comptes annexes

Commentaire : le présent article tend à définir les catégories de comptes annexes prévues à l'article 17, ainsi que les liens qu'ils entretiennent avec les lois de finances.

Le présent article traduit la défaveur qu'ont inspiré à l'Assemblée nationale les comptes spéciaux du Trésor.

Sans souscrire toujours à l'usage fait de cette formule, votre rapporteur ne partage pas la démarche et les conclusions tirées par l'Assemblée nationale d'une aversion que le mauvais usage des comptes spéciaux du Trésor peut, à ses yeux, expliquer.

Il part de la conviction qu'il appartient aux autorités budgétaire du pays d'exercer leurs responsabilités et de ne pas favoriser les travers auxquels peuvent conduire un usage abusif des comptes spéciaux du Trésor. En même temps, il considère comme quelque peu imprudent d'en figer l'utilisation dans la présente proposition de loi organique.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. DES CONDITIONS FORMELLES PARTIELLEMENT RÉFORMÉES

La proposition de l'Assemblée nationale reprend, pour les comptes annexes, la règle posée par l'article 23 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, selon laquelle les comptes spéciaux du Trésor ne peuvent être ouverts que par une loi de finances. Elle reprend également la règle, posée par l'article 18 de la même ordonnance, selon laquelle l'affectation d'une recette à un compte annexe ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances.

Cependant, partant de l'idée que réserver à la seule initiative gouvernementale, comme cela a été fait dans le contexte particulier de 1959, la possibilité d'affecter une recette à un compte annexe n'est pas opportune, elle ouvre cette faculté à l'initiative parlementaire.

B. UNE NETTE RESTRICTION DU DOMAINE DES COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

Il n'existerait plus que quatre catégories de comptes spéciaux du Trésor, dont deux ne réuniraient plus qu'un spécimen chacune.

Tel serait le cas pour la catégorie actuelle des comptes d'affectation spéciale, qui ne comprendrait plus que l'actuel compte de gestion des participations de l'Etat (compte n° 902-24) qui serait ainsi « sanctuarisé » dans la loi organique.

De même, la catégorie actuelle des comptes de commerce n'aurait plus comme unique représentant que le compte de gestion de la dette et de la trésorerie, héritier du compte n° 904-22 « Gestion active de la dette et de la trésorerie de l'Etat » ouvert par l'article 8 de la loi de finances rectificative pour 2000 65 ( * ) .

La catégorie actuelle des comptes de règlement avec les gouvernements étrangers serait supprimée, son unique représentant trouvant place parmi les comptes de concours financiers prévus par la présente proposition ou, éventuellement, voyant ses opérations désormais retracées sur le budget général.

Les actuels comptes de prêts et comptes d'avances verraient leur régime unifié et se fondraient désormais au sein de la catégorie unique des comptes de concours financiers.

Enfin, les comptes d'opérations monétaires subsisteraient.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur vous propose d'adopter une position moins radicale au stade de la présente loi organique que celle affichée, moyennant quelques accommodements, dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

Sa position à l'égard des comptes spéciaux, terme qui, sans peut-être avoir toute l'élégance souhaitable, lui paraît préférable à l'expression « comptes annexes » qui paraît reléguer dans une certaine marginalité des entités budgétaires appartenant pleinement, comme le budget général, au budget de l'Etat, ainsi que certaines considérations constitutionnelles ou pratiques le conduisent, en outre, à une certaine réserve quant aux conditions réglant l'initiative des affectations de recettes.

A. ASSOUPLIR LE DOMAINE DES COMPTES SPÉCIAUX

Votre rapporteur vous propose de prévoir l'existence de quatre catégories de comptes spéciaux : les actuels comptes d'affectation spéciale, les comptes de commerce, les comptes d'opérations monétaires et les comptes de concours financiers. Par rapport au texte de l'Assemblée nationale, les assouplissements portent sur les comptes d'affectation spéciale qui ne seraient plus, nécessairement, réduits à un spécimen et sur les comptes de commerce, avec le même effet.

Votre rapporteur n'ignore rien des abus ou des facilités que ces deux catégories de comptes ont pu susciter.

Il considère que ces travers auraient pu et dû être évités par les pouvoirs publics à l'occasion de l'examen des lois de finances.

Votre rapporteur s'inspire, en outre, d'un souci de pragmatisme. Ne souscrivant pas au dogme de la nocivité, consubstantielle à ces formules, des comptes d'affectation spéciale ou des comptes de commerce, il ne voit nulle raison d'adopter des conclusions que seule une telle approche peut justifier.

Il remarque, au demeurant, que si la présente proposition de loi organique avait été adoptée dans les termes issus des travaux de l'Assemblée nationale, il y a un an, cette même assemblée n'aurait pu procéder, comme elle le fit en loi de finances pour 2001, à la création du « compte-UMTS », que moyennant une réforme de la loi organique. Il en aurait été de même pour le compte de gestion de la dette.

Ce rappel, anecdotique, n'est pas pour autant sans signification. Il importe, à tout prix, dans le courant de la réforme ici entreprise, de ne pas empêcher des pratiques budgétaires dont l'utilité pourrait se révéler dans l'avenir.

Votre rapporteur tient à ajouter qu'à ses yeux, les « pseudo-débudgétisations » évoquées parfois à propos des comptes spéciaux, ne sont en rien de nature à permettre de faire échapper des recettes et des charges de l'Etat aux disciplines démocratiques et financières dont les lois de finances sont l'expression. Bien au contraire ! Dans son esprit, les comptes spéciaux sont aussi des moyens offerts à tout gouvernement soucieux de sincérité de retracer les flux financiers propres à telle politique particulière que l'on souhaite distinguer des opérations du budget général. Plusieurs exemples récents le démontrent. La commission des finances du Sénat, tout en ayant rejeté pour des motifs de fond, l'article créant l'affectation du produit des licences UMTS dans le projet de loi de finances pour 2001, s'est félicitée, sans réserves, du rattachement des opérations projetées dans un compte d'affectation spéciale.

A l'inverse, votre rapporteur partage pleinement la consternation exprimée avec force par de nombreux parlementaires devant les errements constatés à l'occasion du projet de création du sans doute défunt FOREC. Il est tout à fait inadmissible qu'un mécanisme financier destiné à couvrir les coûts collectifs d'une politique publique conduite par l'Etat, comme la réduction du temps de travail, puisse emprunter des canaux permettant l'évitement des disciplines imposées dans le cadre de la gestion du budget de l'Etat.

De tels montages, qui relèvent d'une ingénierie comptable destinée à dissimuler les conséquences financières pour l'Etat des politiques qu'il entreprend, constituent une atteinte à la démocratie d'où résultent toutes les confusions, dénoncées à juste titre dans les travaux du Sénat.

Votre rapporteur dénonce sans concessions ces débudgétisations qui, elles, sont bien réelles et délibérées. Il appelle de ses voeux une vigilance de tous et, en particulier, du Conseil constitutionnel, qui aura l'occasion de préciser la portée de l'obligation de sincérité budgétaire nouvellement énoncée, afin que de telles manoeuvres n'aient désormais plus cours.

Il considère qu'en maintenant la catégorie des comptes d'affectation spéciale, le Parlement ôtera toute excuse à quiconque pour porter atteinte à la nécessaire sincérité du budget de l'Etat, alors que la supprimer constituerait une incitation forte à multiplier les débudgétisations dont le Conseil constitutionnel a, en 1994, dénoncé les « inconvénients inhérents au regard du contrôle sur les finances publiques ».

B. RECONSIDÉRER LES CONDITIONS RÉGLANT L'INITIATIVE DES AFFECTATIONS DE RECETTES À TRAVERS LES COMPTES SPÉCIAUX

Votre rapporteur s'étant reporté aux travaux préparatoires de l'Assemblée nationale a bien noté que selon ceux-ci, il serait désormais loisible à une initiative parlementaire de créer un compte spécial à condition d'y procéder dans une loi de finances.

Il ne partage pas complètement cette appréciation. Il remarque que dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, chaque compte doté de crédits constitue une mission (article 20). Il observe que l'initiative de création d'une mission est réservée au gouvernement (article 7). Il en déduit que le seul champ ouvert à l'initiative parlementaire est, en fait, réduit aux comptes non dotés de crédits, c'est-à-dire, dans la conception qu'il propose au Sénat de promouvoir, aux comptes de commerce, excepté le compte de la dette, et aux comptes d'opérations monétaires.

Dans ces conditions, il ne juge pas utile d'ouvrir à l'initiative parlementaire la faculté de créer des comptes spéciaux.

La solution complémentaire adoptée par l'Assemblée nationale qui consiste à ouvrir à cette initiative la faculté de procéder à des affectations de recettes apparaît alors discutable. L'on doit relever que l'article 40 de la Constitution faisant obstacle à l'instauration d'une charge nouvelle, cette faculté ne déboucherait que sur la constitution de ressources dont le gouvernement serait libre de régler l'usage, en optant soit pour l'ouverture de crédits, soit pour une amélioration du solde budgétaire.

L'intérêt pratique limité de cette faculté, les délégations excessives qu'elle offrirait à l'exécutif et sa compatibilité douteuse avec l'article 39 de la Constitution ont déterminé votre rapporteur à l'écarter.

Comme on l'a indiqué, cette position est sans conséquence pratique par rapport au texte de l'Assemblée nationale. Surtout, elle n'a aucunement pour effet d'encourager le gouvernement à rester sourd aux suggestions des parlementaires. Votre rapporteur se remémore ici les inutiles délais qu'ont mis les gouvernements successifs à satisfaire la suggestion pertinente du rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat pour les crédits de l'aviation civile de créer un compte d'affectation spécial dédié à la sécurité aéroportuaire.

Enfin, la proposition de votre rapporteur n'aura pas pour effet de stériliser l'initiative parlementaire dans le domaine des comptes spéciaux. En effet, chacun de ces comptes constituant une mission, les parlementaires pourront, au sein des comptes, ajuster les différents programmes qu'ils pourraient souhaiter promouvoir.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

* 65 Loi de finances rectificative pour 2000 n° 2000-1353 du 30 décembre 2000

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