ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 20

Les règles particulières applicables aux comptes d'affectation spéciale

Commentaire : le présent article additionnel définit les règles particulières applicables aux comptes d'affectation spéciale.

Le présent article additionnel a pour objet de préciser les règles particulières aux comptes d'affectation spéciale, catégorie de comptes spéciaux dont votre rapporteur vous propose de prévoir le maintien pour les raisons et sous les réserves mentionnées dans le commentaire de l'article 19 ci-avant.

Quelques modifications substantielles sont apportées au régime actuel des comptes d'affectation spéciale et quelques nuances en résultent par rapport au régime du seul compte d'affectation spéciale subsistant dans le texte de l'Assemblée nationale -le compte de gestion des participations de l'Etat- ainsi, bien sûr, que par rapport au régime des comptes d'affectation spéciale survivant à titre transitoire du fait de l'article 50 du même texte 66 ( * ) .

Elles résultent de la volonté de clarifier, à travers les comptes d'affectation spéciale, les conditions de gestion de certaines charges de l'Etat, et de rendre plus transparents certains actes d'exécution délégués au pouvoir exécutif.

I. PRÉAMBULE

Le maintien dans la loi organique de la catégorie des comptes d'affectation spéciale que propose votre rapporteur est motivé par un souci de pragmatisme et par la volonté de « ne pas insulter l'avenir ».

Votre rapporteur a bien conscience, pour autant, des abus auxquels les comptes d'affectation spéciale peuvent donner lieu. Il a ainsi recherché les moyens d'en limiter l'occurrence par un encadrement du recours à cette formule de budgétisation, fondé sur sa mise sous conditions.

Il aurait pu être tentant, en particulier, de resserrer le lien, assez lâche dans le texte de l'ordonnance organique, entre les recettes et les dépenses de ces comptes en énonçant une règle visant à établir une sorte de correspondance naturelle entre les recettes et les dépenses de chaque compte d'affectation spéciale.

A l'examen, une telle démarche, certainement valable dans un grand nombre d'hypothèses, aurait, si elle avait été généralisée, débouché sur des exclusions peu souhaitables. Ainsi, il n'est pas certain que les opérations résultant de la gestion des participations de l'Etat auraient pu, si cette règle avait été posée, être toujours retracées dans un compte d'affectation spéciale alors même que ce rattachement, voulu de droit par l'Assemblée nationale, apparaît en effet souhaitable quelque soient les modalités de financement des charges correspondantes.

Finalement, votre rapporteur en est venu à considérer que plutôt que de poser une règle de principe « introuvable », il était préférable, pour encadrer le recours à la formule des comptes d'affectation spéciale, de s'en remettre à la sagesse du Parlement dans son rôle de législateur financier.

Celle-ci devra le conduire à examiner avec la plus grande exigence les propositions gouvernementales d'affectation de recettes à des dépenses particulières en s'interrogeant systématiquement quant à leurs effets sur le niveau de la dépense publique.

II. LES MESURES PROPOSÉES

A. CLARIFIER LES CONDITIONS DE GESTION DE CERTAINES CHARGES DE L'ÉTAT

Votre rapporteur souhaite que les comptes d'affectation spéciale puissent, comme c'est déjà le cas, servir de réceptacle aux opérations de financement de charges d'une nature particulière. Plusieurs propositions d'adaptation du droit existant en découlent.

1. De l'utilité des comptes d'affectation spéciale pour rétablir le budget de l'Etat dans sa dignité

Outre leur vocation à retracer des opérations financières de recettes et de dépenses liées entre elles par une certaine logique de financement, les comptes d'affectation spéciale peuvent, aux yeux de votre rapporteur, contribuer puissamment à satisfaire les exigences de l'unité budgétaire.

Les comptes d'affectation spéciale devraient être systématiquement utilisés pour transcrire dans le budget de l'Etat les affectations directes de recettes à des organismes tiers lorsque ces affectations consistent à financer une politique relevant fondamentalement de la seule responsabilité de l'Etat et qui n'est confiée à ce tiers que pour des motifs pratiques de gestion .

Cela ne signifie pas que des affectations directes ne puissent être ainsi décidées. Mais cela signifie qu'elles ne doivent pas échapper au budget de l'Etat. Votre rapporteur souhaite que chacun puisse se référer à cette exigence lorsqu'il s'agira d'apprécier la sincérité du budget de l'Etat.

2. Isoler certaines opérations financières particulières

Votre rapporteur se range sans réserves à la proposition de l'Assemblée nationale visant à rattacher de droit les opérations patrimoniales résultant de la gestion des participations de l'Etat à un compte d'affectation spéciale particulier. Il insiste pour que la disposition qui en exclut les opérations de gestion courante (dividendes, subventions sans contrepartie patrimoniale...) en soit distinguée. En revanche, il souhaite que soit donnée au terme « participations de l'Etat » l'interprétation la plus large. Rappelant que l'Etat peut détenir des actifs en-dehors de la possession d'une participation financière dans les structures auxquelles ils sont rattachés (tel est le cas des établissements publics sans capital social), il considère que devraient être retracées dans ce compte toutes les opérations patrimoniales entre l'Etat et des tiers liés à celui-ci par une relation de détention.

Votre rapporteur souhaite également, dans le même esprit, que soient rattachées de droit à un compte d'affectation spéciale les opérations que supposent le financement et le paiement des charges de pensions et d'avantages accessoires. Votre rapporteur attend de cette option qu'elle assure une lisibilité complète des flux financiers relatifs aux pensions, en recettes comme en dépenses. Il souhaite qu'elle favorise la prise en compte des coûts complets des pensions et des charges accessoires alors qu'en l'état des choses seuls les flux nécessaires au financement des pensions servies sont comptabilisés.

Les deux mesures ici proposées ont comme corollaire l'ouverture de la faculté d'inscrire, sans limite, en recettes des comptes d'affectation spéciale, des versements du budget général, versements qui sont aujourd'hui limités au cinquième des dépenses prévues. Si la faculté ainsi ouverte devra être limitée dans son usage -une attention particulière devra être portée à ce sujet-, elle paraît nécessaire compte tenu des perspectives financières des comptes susmentionnés.

B. MIEUX ENCADRER L'EXÉCUTION DES COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALES

Votre rapporteur souhaite mieux encadrer l'exécution des comptes d'affectation spéciale que ce n'est le cas aujourd'hui. A cet effet, il vous propose d'adopter une mesure principale en ce qui concerne les ouvertures de crédits complémentaires en cours d'exécution. Il lui semble également devoir préciser les règles relatives aux reports.

1. Mieux encadrer les ouvertures de crédits

Le texte de l'ordonnance de 1959 a débouché sur une pratique d'ouvertures de crédits en exécution particulière aux comptes d'affectation spéciale, qui est singulièrement peu satisfaisante.

Le second alinéa de l'article 25 de l'ordonnance comporte une disposition de nature à dispenser un montant considérable de dépenses de toute autorisation parlementaire.

Il permet au ministre des finances, par simple arrêté, de majorer les crédits de ces comptes à hauteur des suppléments de recettes qui pourraient être constatés.

Il suffit donc de minorer les évaluations de recettes de ces comptes pour conférer au ministre des finances la possibilité d'arbitrer, comme il le souhaite, leurs dépenses.

Si, in fine , la loi de règlement est appelée à constater les dépenses effectives -les arrêtés du ministre ne font même pas l'objet d'une demande formelle de ratification-, cette entorse au principe d'une autorisation préalable de la dépense par le Parlement est d'autant moins admissible qu'elle porte sur des sommes considérables. Ce phénomène se vérifie tout particulièrement avec le compte n° 902-24 retraçant le produit et l'affectation des cessions de titres publics, comme le montre le tableau suivant.

Comparaison des prévisions et des réalisations (comptes n° 902-24 et n° 904-09)

(en millions de francs et %)

1996

1997

1998

1999

Prévues

Effectives

Var

Prévues

Effectives

Var

Prévues

Effectives

Var

Prévues

Effectives

Var

Dépenses

16.517

18.923

+ 15 %

27.000

60.958

- 126 %

28.000

53.548

+ 91 %

17.500

32.313

+ 85 %

Cette « commodité » heurte le principe essentiel en démocratie d'une autorisation préalable des crédits par le Parlement, et ôte à l'examen des comptes d'affectation spéciale beaucoup de sa crédibilité. Il convient donc de l'encadrer.

Votre rapporteur vous propose ainsi de prévoir, en ce cas, un régime particulier d'information du Parlement analogue à celui prévu dans le cadre de la procédure des décrets d'avances.

2. Préciser le régime des reports

Il est proposé d'appliquer aux crédits des comptes d'affectation spéciale un régime particulier de reports tenant compte de la disponibilité des crédits mais aussi des recettes.

Pour autant, le plafonnement des reports par référence aux recettes effectives est réservé aux reports concernant les crédits de paiement, par cohérence avec le choix d'harmoniser les règles relatives aux autorisations d'engagement des comptes spéciaux avec celles retenues par ailleurs.

Le système d'information prévu à l'article 9 s'appliquerait aux reports des comptes d'affectation spéciale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

* 66 Ces règles sont celles de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959.

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