CHAPITRE PREMIER :

DU PROJET DE LOI DE FINANCES DE L'ANNÉE ET DES PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE

ARTICLE 36

Le rapport d'orientation budgétaire

Commentaire : le présent article a pour objet d'institutionnaliser le débat d'orientation budgétaire et de l'enrichir.

L'Assemblée nationale a souhaité institutionnaliser le débat d'orientation budgétaire dont, au plan national, l'heureuse initiative revient à notre collègue Jean Arthuis, alors ministre de l'économie et des finances.

Votre rapporteur souscrit totalement à l'intention manifestée par l'Assemblée nationale. Il souhaite que le débat d'orientation budgétaire soit un moment fort de la discussion sur la politique des finances publiques et que soit accentuée la dimension, qui doit être la sienne, d'une présentation par le gouvernement de ses choix budgétaires.

Dans ces conditions, la recommandation de la commission visant à supprimer le présent article ne résulte pas d'autre chose que de la volonté de l'insérer dans le titre nouveau relatif à l'information et au contrôle du Parlement.

I . UN DÉBAT À RECOMMANDER

Idéalement, cette présentation devra donner lieu à débat entre le Parlement et le gouvernement comme cela a été la règle depuis 1996, à l'exception de l'année 1997 marquée par la dissolution. Cette pratique est rendue obligatoire par le texte de l'Assemblée nationale. Cependant, les incertitudes constitutionnelles d'une telle solution -résultant en particulier de certaines analyses selon lesquelles elle se heurterait à l'article 48 de la Constitution qui règle les conditions dans lesquelles l'ordre du jour du Parlement est agencé- ont conduit votre rapporteur à écarter l'énoncé de cette obligation. Il a cependant souhaité indiquer, par la mention d'une faculté de débat, les véritables intentions du législateur organique.

Ce choix, ainsi que la nature du rendez-vous que représente l'examen d'étape des orientations budgétaires du gouvernement, conduit votre rapporteur à suggérer que les dispositions y relatives figurent en première place au sein du chapitre, qui serait nouvellement inséré dans la loi organique, relatif à l'information sur les finances publiques. C'est dans cet esprit que l'article 36 de la proposition de loi organique transmise par l'Assemblée nationale serait supprimé pour réapparaître dans un article additionnel après l'article 48.

Par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale, peu de modifications interviendraient.

II . UN DÉBAT DOTÉ D'UN VÉRITABLE CONTENU

Outre des modifications purement rédactionnelles et celle substituant à l'obligation d'un débat parlementaire, sa faculté, dont l'exploitation est fortement souhaitée, votre rapporteur vous suggère :

A. DES PERSPECTIVES A MOYEN TERME

d'affirmer que le rapport demandé au gouvernement devra comporter une présentation à moyen terme des perspectives d'évolution des comptes des administrations publiques, détaillés par sous-secteur, et exprimés selon les conventions de la comptabilité nationale.

Cette exigence, qui devra s'accompagner de la présentation des hypothèses posées pour réaliser les simulations dont les résultats sont ainsi demandées, a pour objectif de révéler, dans leur détail, les contraintes et les opportunités qui entoureront la gestion des finances publiques à moyen terme. Elle doit déboucher sur une mise en perspective des choix réalisés en ce domaine par le gouvernement.

Le choix de privilégier à ce stade les conventions de la comptabilité nationale repose d'abord sur une reconnaissance de l'intérêt de ces conventions pour rendre compte, de manière consolidée, des grands enjeux que suppose la gestion des finances de l'Etat. Il repose également sur la considération que les engagements européens de la France sont exprimés dans les termes de la comptabilité nationale.

En outre, comme ces engagements portent sur les comptes de l'ensemble des administrations publiques, il est demandé que les comptes présentés à l'occasion du rapport sous revue concernent l'ensemble des administrations publiques. Au demeurant, les transferts réalisés entre les sous-secteurs des administrations publiques impliquent, au plan technique, une telle solution.

Il serait assez étrange que le gouvernement qui notifie annuellement un programme de stabilité triennal aux instances européennes qui comporte les perspectives d'évolution des recettes, des dépenses et, du besoin de financement par sous-secteur des administrations publiques, juge excessivement lourde l'exigence mentionnée.

A supposer que les données ainsi notifiées puissent n'être pas fondées sur les perspectives des comptes des administrations publiques développant leurs ressources et leurs emplois, ce que votre rapporteur ne saurait imaginer, il conviendrait de mettre rapidement en oeuvre les outils de simulation nécessaires.

Votre rapporteur note d'ailleurs que ceux-ci, à supposer qu'ils ne soient plus d'usage, existaient il n'y a guère, lorsque, avec leur concours technique, et celui, précieux, des équipes de la direction de la prévision qui en avaient la charge, la délégation du Sénat pour la planification réalisait une projection à cinq ans des finances publiques à partir d'hypothèses dont elle assumait, seule, la paternité politique. 97 ( * ) .

En toute hypothèse, il ne croit pas trop exiger en souhaitant que des projections à moyen terme des finances publiques, suffisamment détaillées, soient jointes à un rapport destiné à provoquer le débat sur la politique budgétaire du gouvernement.

B. UN DÉBAT SUR LA NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE

C'est le même sentiment qui l'anime lorsqu'il souhaite :

que, plutôt que de présenter les perspectives des charges de l'Etat par fonction, comme dans le texte de l'Assemblée nationale, cette présentation colle davantage à la nomenclature budgétaire et soit ainsi faite par missions ;

Il relève que cette mise en perspective pluriannuelle, qui devrait concerner, selon les estimations du nombre futur des missions, une soixantaine de postes est compatible avec les pratiques de pluriannualisation budgétaire rencontrées à l'étranger (Allemagne, Etats-Unis, Suède...), qui paraissent beaucoup plus détaillées ;

que les éléments essentiels de la nomenclature de la loi de finances de l'année suivante soient récapitulés dans le rapport déposé par le gouvernement. Il s'agit de la liste des missions, des programmes et des indicateurs de performances associés à chacun des programmes. Ces données, qui n'auront pas nécessairement à être informées, doivent permettre au Parlement d'appréhender assez tôt ce que sera le squelette du futur budget et, le choix des indicateurs de performance devenant central dans le processus de contrôle de gestion dont le Parlement doit devenir l'acteur le plus éminent, la substance des critères de gestion dont il doit absolument pouvoir juger la pertinence.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 37

Les questionnaires budgétaires

Commentaire : le présent article a pour objet d'inscrire dans la loi organique la procédure des questionnaires parlementaires sur le projet de loi de finances de l'année.

Votre rapporteur vous proposera in fine de supprimer cet article, souhaitant que, moyennant deux amendements mineurs, il soit rétabli sous le chapitre consacré à l'information dans le titre nouveau intitulé « De l'information et du contrôle sur les finances publiques ».

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Absent du texte de la proposition de loi organique déposée au mois de juillet 2000, le présent dispositif, motivé par des considérations juridiques et factuelles qu'il importe, étant donné leur intérêt, de présenter en préambule, vient encadrer la procédure des questionnaires parlementaires qui constitue un moyen particulièrement important d'information et de contrôle du Parlement sur les lois de finances.

A. LES MOTIVATIONS FACTUELLES ET JURIDIQUES DU DISPOSITIF

Le dispositif proposé est assorti de considérations factuelles et juridiques qu'il convient de mentionner.

1. Des considérations factuelles

C'est à très juste titre, que le rapport de l'Assemblée nationale indique d'abord que, malgré quelques progrès de présentation, les annexes aux projets de loi de finances, et en particulier les « bleus » appellent systématiquement des informations complémentaires. Les questionnaires des rapporteurs constituent aujourd'hui le moyen naturel de combler les lacunes de l'information budgétaire telle qu'elle est mise spontanément par le gouvernement à la disposition du Parlement. Ils le resteront demain malgré les efforts entrepris dans le texte sous revue pour rénover l'information budgétaire continue dans les « bleus ».

Il restera de la même manière fondamental que les questionnaires parlementaires reçoivent les réponses qu'elles méritent.

Sous cet angle, l'on ne peut être que consterné par les difficultés que paraît rencontrer l'Assemblée nationale. Elles sont rappelées dans le rapport de cet assemblée dans les termes suivants :

« Votre Rapporteur prendra l'exemple des questionnaires de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2001. Ils ont été adressés, entre le 15 juin et le 15 juillet 2000, à la secrétaire d'Etat au budget. Les réponses de la direction du budget ont été reçues entre le 11 septembre 2000 pour la première, et le 27 novembre 2000 pour la dernière, soit douze jours après l'adoption du projet de loi de finances par la Commission en première lecture, et six jours après son adoption, également en première lecture, par l'Assemblée nationale. De surcroît, le taux de réponse atteint un niveau particulièrement bas : seuls 61 % du nombre total des questions ont reçu réponse, et, sur les 44 questionnaires, 10 n'ont reçu aucune réponse et 13 n'ont pas reçu réponse à la moitié de leurs questions ! L'Assemblée a donc été dans l'obligation de se prononcer sur les crédits de plusieurs fascicules sans avoir reçu de la direction du budget les informations nécessaires. »

2. Des considérations juridiques

Il est intéressant de relever le luxe de précautions juridiques déployées dans le rapport de l'Assemblée nationale pour justifier l'insertion dans la présente loi organique d'une disposition qui, pourtant, ne fait qu'encadrer une pratique coutumière et dont la place dans la Constitution financière de la France semble aller de soi.

Le raisonnement juridique invoqué est le suivant. L'article 47 de la Constitution habilitant le législateur organique à fixer les conditions dans lesquelles le Parlement vote les projets de loi de finances, il est souligné, à très juste titre, que « les questionnaires constituent un élément essentiel de la préparation du vote du projet de loi de finances de l'année ».

Les auteurs du rapport en concluent que « la loi organique est... habilitée à prévoir les conditions dans lesquelles se déroule cette procédure ».

Pour être complet, il convient de mentionner qu'ils relèvent également que, ladite procédure étant un élément de l'organisation des rapports entre le Parlement et le Gouvernement, sa mention dans un texte de rang organique se trouve naturellement justifiée, ajoutant qu'elle n'est prévue, aujourd'hui, par aucun texte.

Votre rapporteur souligne qu'ainsi l'Assemblée nationale n'a nullement hésité à faire mention d'un moyen essentiel de l'information et du contrôle parlementaire dans la loi organique. Il ajoute que cette mention prend la forme d'une injonction au gouvernement, caractéristique qui, à ses yeux comme à ceux de l'Assemblée nationale, n'a pas pour effet de rendre cette disposition non conforme à la Constitution puisqu'aussi bien elle n'est que la déclinaison de la large habilitation constitutionnelle consentie au législateur organique.

II. OBSERVATIONS

Votre rapporteur partage pleinement l'intention à laquelle répond le dispositif de cet article ainsi que les motivations qui le soutiennent. Cependant, il considère devoir apporter quelques compléments et quelques nuances aux analyses présentées dans le rapport de l'Assemblée nationale afin de conférer aux travaux préparatoires au présent texte, une complète exactitude et d'éclairer, pour l'avenir, un certain nombre d'analyses et de pratiques.

A. DES CONSTATS FACTUELS INDÉNIABLES

Même si les difficultés factuelles mentionnées dans le rapport de l'Assemblée nationale sont quelque peu atténuées pour le Sénat en raison de l'agencement du calendrier budgétaire et de l'heureuse pratique souvent suivie consistant à demander transmission des réponses aux questionnaires de celles-ci, il n'en reste pas moins que le taux de réponse à bon terme aux questionnaires n'y atteint jamais une valeur satisfaisante. Il faut en outre relever la très inégale qualité des réponses.

Il faut enfin observer que ces difficultés ne se rencontrent pas exclusivement dans le cadre des lois de finances de l'année mais qu'elles concernent aussi les autres catégories de lois de finances et, plus généralement, l'ensemble des questionnaires adressés aux gouvernements.

Partant de ces constats, votre rapporteur aurait pu être tenté d'élargir l'article 37 à l'ensemble des questionnaires consistant à rechercher les réponses à quelque question que ce soit soulevée par des données relatives aux ressources et aux charges de l'Etat afin de couvrir la totalité de l'éventail des situations susceptibles d'être rencontrées.

Il n'y a renoncé qu'en considération de ce que le droit susceptible de résulter de l'adoption du titre relatif à l'information et au contrôle sur les finances publiques, s'ajoutant au présent article, apporterait satisfaction à cette préoccupation.

En revanche, s'il se félicite que l'Assemblée nationale, guidée par des considérations factuelles, ait accepté d'élargir aux questionnaires des autres commissions la procédure prévue au présent article, il souhaite, à partir de considérations de même sorte, qu'en bénéficient également les questionnaires des délégations parlementaires concernées. Il vous proposera donc un amendement allant dans ce sens.

B. QUELQUES COMPLÉMENTS ET NUANCES JURIDIQUES

Votre rapporteur tient absolument à apporter les quelques compléments et nuances suivants aux arguments juridiques développés dans le rapport de l'Assemblée nationale afin que les travaux préparatoires à la réforme ici entreprise puisse éclairer les pratiques qui s'ensuivront.

1. Les justifications juridiques du présent article ne se limitent pas à la considération de l'article 47 alinéa 1 de la Constitution

Votre rapporteur tient à souligner à nouveau sa conviction qu'il est juridiquement parfaitement fondé de faire figurer dans la loi organique relative aux lois de finances toute disposition relative à l'information et au contrôle du Parlement sur lesdites lois et leurs composantes.

Cette conviction, qui est assise sur le bon sens, est également ancrée dans la considération des textes les plus éminents de notre droit public, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui en constitue le préambule, et notre Constitution, en plusieurs de ses articles.

Qu'on lui permette d'évoquer l'article XIV et l'article XV de la première et de rappeller son interprétation de l'alinéa 17 de l'article 34, ainsi que du premier alinéa de l'article 47.

La pratique des questionnaires budgétaires doit donc être considérée comme assise sur des fondements juridiques aussi diversifiés qu'éminents.

Ainsi, l'insertion du présent article dans le texte de la loi organique relative aux lois de finances lui semble pouvoir reposer :

sur l'alinéa 17 de l'article 34 de la Constitution en ce sens qu'il appartient à ladite loi organique d'indiquer dans quelles conditions et sous quelles réserves les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat, conditions et réserves parmi lesquelles il serait incompréhensible que ne puissent figurer les dispositions essentielles à l'information et, donc, au contrôle du Parlement ;

sur le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution pour les excellents motifs rappelés par le rapport de l'Assemblée nationale ;

et sur la compétence du législateur organique pour préciser la substance des articles XIV et XV de la Déclaration de 1789.

C'est au regard de ces considérations essentielles qu'il convient d'interpréter le présent article comme constituant l'organisation procédurale, particulière aux questionnaires issus du Parlement, d'une obligation, et par symétrie, de prérogatives tout à fait générales.

Dans ces conditions, votre rapporteur, qui préfère la mention de l' examen des projets de loi de finances plutôt que celle de leur vote , pour des raisons liées à l'histoire de notre jurisprudence constitutionnelle, n'aurait pas craint que cet amendement à caractère purement rédactionnel puisse mettre en cause la validité constitutionnelle du présent article.

Par souci de conciliation avec l'Assemblée nationale, il juge possible de procéder à une double référence, visant l'examen et le vote des lois de finances.

2. Les questionnaires parlementaires relatifs aux lois de finances sont susceptibles de trouver des fondements juridiques en dehors du présent article

Les fondements juridiques du présent article, sont tellement éminents qu'ils emportent, pour l'administration, aux yeux de votre rapporteur, une obligation générale de réponse, quelle que soit l'origine, parlementaire ou citoyenne, des questions adressées à elle et quelle que soit l'occasion, lois de finances ou autres, de ces questionnaires.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

* 97 Votre rapporteur profite de cette occasion pour souhaiter très vivement que la coopération des services d'expertise économique du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie puisse sous des formes à déterminer, soigneusement mais sans tarder, être acquise au Parlement. Il souligne que ce souhait est clairement exprimé dans l'excellent rapport réalisé par notre collègue Joël Bourdin, au nom de la délégation du Sénat pour la planification. Rapport n° 326 - 2000-2001.

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