B. LA LIMITATION DES DROITS SUCCESSORAUX DE L'ENFANT ADULTÉRIN A ENTRAÎNÉ LA CONDAMNATION DE LA FRANCE

1. Des droits successoraux diminués

La loi du 3 janvier 1972, qui a aligné les droits successoraux des enfants naturels sur ceux des enfants légitimes ( art. 757 et 758 du code civil ), a cependant laissé perdurer un régime moins favorable pour les enfants adultérins, désignés dans le code civil par la périphrase : « les enfants naturels dont le père ou la mère était, au temps de leur conception, engagé dans les liens du mariage avec une autre personne ».

Ces dispositions avaient pour objet de protéger tant les enfants légitimes issus du mariage auquel l'adultère a porté atteinte que le conjoint considéré comme bafoué .

Ainsi actuellement :

- la part de l'enfant adultérin dans la dévolution légale est réduite de moitié au bénéfice des enfants légitimes ( art. 760 ) ou du conjoint ( art. 759 et 767 ). En contrepartie, il bénéficie d'une créance d'aliments contre les héritiers ( art. 915-2 ). Sa réserve est également réduite de moitié au bénéfice des enfants légitimes ( art. 915 ) ;

- l'enfant adultérin ne peut recevoir aucune libéralité en sus de la part successorale qui lui revient légalement ( art. 908 ) et ce, même si sa filiation n'est pas légalement établie ( art. 908-1 ) ;

- en présence d'enfants adultérins ne venant pas en concours avec d'autres enfants, le conjoint survivant bénéficie d'une quotité disponible élargie ( art. 1097 ) ;

- le parent d'un enfant adultérin peut écarter celui-ci de toute participation personnelle aux opérations de liquidation et de partage de la succession en lui faisant une attribution anticipée de biens et en prévoyant sa représentation par un tiers ( art. 762 à 764 ) ;

- l'enfant adultérin ne peut s'opposer aux demandes d'attribution préférentielle de biens effectuées par les enfants légitimes ou le conjoint ( art. 761 ) ;

- il ne peut, contrairement aux autres enfants, demander la conversion de l'usufruit du conjoint survivant en une rente viagère ( art. 1097-1 ).

Par ailleurs, en dehors des dispositions successorales, le troisième alinéa de l'article 334 du code civil prévoit de manière générale que les droits de l'enfant adultérin ne peuvent, hors les cas prévus par la loi, préjudicier aux engagements que son parent avait contractés du fait du mariage et l'article 334-7 interdit qu'un enfant adultérin soit élevé au domicile conjugal sans le consentement du conjoint de son auteur.

2. La condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme

Saisie par un enfant adultérin (M. Mazurek) qui récusait la réduction de moitié de sa part successorale en application de l'article 760 du code civil, la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la France, le 1 er février 2000, pour discrimination envers les enfants adultérins, sur la base combinée de l'article 1 er du protocole n° 1 garantissant le droit de propriété et de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'Homme proscrivant toute discrimination, en particulier celles liées à la naissance.

La Cour a en effet estimé que « l'enfant adultérin ne saurait se voir reprocher des faits qui ne lui sont pas imputables » et que, compte tenu des évolutions historiques, sociologiques et juridiques intervenues en France et dans les autres pays membres du Conseil de l'Europe, la différence de traitement entre enfants adultérins et enfants légitimes ou naturels n'avait « pas de rapport raisonnable avec le but visé », à savoir la protection de la famille traditionnelle.

Depuis, des juridictions de première instance ont écarté l'application de plusieurs dispositions du code civil applicables aux enfants adultérins les jugeant contraires à la convention européenne des droits de l'homme (TGI Montpellier, 2 mai 2000). Il est donc temps pour le législateur d'intervenir.

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