N° 424

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 28 juin 2001

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 juin 2001

RAPPORT
SUPPLÉMENTAIRE

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur les articles 29 A à 34 bis du projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, de modernisation sociale ,

Par M. Alain GOURNAC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Gérard Dériot, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 2415 rect., 2809 et T.A. 608
Deuxième lecture : 3052 , 3073 et T.A. 686

Sénat : Première lecture : 185 , 258 , 275 et T.A. 89 (2000-2001)

Deuxième lecture : 384 , 404 (2000-2001)

Politique sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La deuxième lecture du projet de loi de modernisation sociale a été l'occasion, pour l'Assemblée nationale, d'introduire quatorze nouveaux articles aux trois premières sections du titre II relatives à la protection des licenciements, au droit à l'information des représentants du personnel ainsi qu'au plan social et au droit au reclassement.

Plusieurs de ces articles modifient certaines dispositions essentielles du code du travail. C'est le cas en particulier de l'article 33 A qui réécrit la définition du licenciement économique telle qu'elle résulte de l'article L. 321-1 du code du travail mais aussi des modifications apportées à l'article 32 bis et du nouvel article 32 quater qui prévoient le recours à un médiateur pour rapprocher les points de vue du chef d'entreprise et du comité d'entreprise sur les projets de restructuration et de compression d'effectifs.

D'autres articles intègrent dans le code du travail des principes reconnus par la jurisprudence, il s'agit en particulier de l'article 34 A relatif à la réintégration du salarié dont le licenciement a été reconnu comme nul. Dans certains cas, l'Assemblée nationale a même souhaité revenir sur ces principes jurisprudentiels, c'est notamment le cas de l'article 32 A relatif à la consultation des institutions représentatives du personnel qui revient sur la possibilité de faire coïncider certaines réunions du comité d'entreprise prévues par le code du travail.

Enfin, plusieurs dispositions ont été ajoutées qui prévoient que des documents supplémentaires doivent être réalisés à l'appui de l'examen de certaines décisions -c'est le cas des études d'impact social et territorial prévues par les articles 31 bis et 31 ter- ou qui imposent de nouvelles contributions aux entreprises qui licencient (article 34 bis F).

L'ensemble de ces dispositions introduites en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, pour certaines à l'occasion d'une deuxième délibération, constitue une véritable « réforme » du droit du licenciement, c'est-à-dire d'un des aspects les plus fondamentaux du droit du travail. Or, force est de constater que ces dispositions ont été discutées dans la précipitation et sans véritable recul.

Alors même que ces articles ont des conséquences considérables sur la gestion des entreprises et donc sur l'emploi, aucune étude n'a été réalisée au préalable pour établir un bilan du droit du licenciement, alors même qu'un tel sujet aurait pu se prêter par exemple à un avis du Conseil économique et social.

Par ailleurs, il est important de souligner que le recours à des amendements plutôt qu'au dépôt d'un texte spécifique a dispensé le Gouvernement d'avoir à soumettre ces articles à l'avis du Conseil d'Etat, et de les analyser dans l'étude d'impact jointe au projet de loi.

Si l'on ajoute le fait que la plupart de ces amendements n'ont pas fait l'objet d'un examen dans le rapport écrit de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, il apparaît que les conditions de préparation de ces mesures ne peuvent être considérées comme satisfaisantes.

Compte tenu de ces circonstances et de la portée des ajouts réalisés par l'Assemblée nationale, votre commission, lors de sa réunion du 21 juin 2001, a souhaité réserver l'examen de ces articles afin d'auditionner l'ensemble des partenaires sociaux. Ce délai supplémentaire n'aura aucune incidence sur le calendrier d'examen du texte puisque l'Assemblée nationale ne pourra poursuivre son examen avant le 20 novembre eu égard aux délais constitutionnels afférents à l'examen des lois de finances.

Votre commission se félicite de la qualité des auditions auxquelles elle a procédé et tient à remercier les partenaires sociaux qui ont répondu à son invitation ainsi que les professeurs de droit qui ont apporté un éclairage utile.

Elle remarque que nul n'a contesté l'intérêt de ce dialogue entre le Parlement et la société civile, certains partenaires sociaux ayant regretté de n'avoir pas été reçus dans les mêmes conditions par le Gouvernement et l'Assemblée nationale.

Car tel est le premier enseignement de ces auditions : les partenaires sociaux n'avaient été ni informés ni consultés quant au contenu de ces articles, ceci alors même que comme l'a rappelé le président du MEDEF : « les règles actuelles sur les licenciements économiques sont issues d'un accord interprofessionnel de 1969 sur la sécurité de l'emploi, modifié à plusieurs reprises par les partenaires sociaux ou avec leur accord ».

C'est donc peu de dire que les partenaires sociaux ont regretté d'avoir été tenus à l'écart de l'élaboration de ces mesures. Certains, comme la CFTC, ont pu s'interroger, dans ces conditions, sur leur utilité. Le professeur Jean-François Amadieu a même considéré que le recours préalable à la loi dans ce domaine nous éloignait de nos voisins européens qui, tous, favorisent la négociation collective.

Sur le fond, les partenaires sociaux ont réservé un accueil mitigé à cette « réforme » du droit du licenciement.

La CGT a considéré que certaines dispositions, comme le recours à un médiateur, ne faisaient pas partie de ses revendications et n'étaient pas sans effets pervers.

La CFDT s'est déclarée défavorable au recours au médiateur considérant que l'externalisation du débat jouait contre le dialogue social et qu'un tel dispositif était « déresponsabilisant » pour les partenaires sociaux.

FO a fait part de ses réserves quant au lien opéré entre réduction du temps de travail et élaboration du plan social et a été rejoint sur ce point par le professeur Jean-Emmanuel Ray.

La CGC a, quant à elle, considéré que cette réforme du droit du licenciement était partielle et n'apportait pas toujours les bonnes réponses, ce qu'a confirmé la CFDT en observant que 85 % des licenciements économiques étaient des licenciements individuels non concernés par ce texte.

Enfin, une très forte majorité des partenaires sociaux auditionnés, comme les deux professeurs de droit, ont regretté la modification de la définition du licenciement pour motif économique.

Ces réactions pour le moins mitigées, voire réservées, de la part des syndicats de salariés, sans parler de celles des représentants des entreprises, mettent en évidence le caractère inadapté de la démarche suivie par le Gouvernement et sa majorité. Il est vrai que celle-ci répondait plus à une préoccupation politique qu'à un projet de réforme mûrement réfléchi comme l'ont souligné en particulier la CGPME et le professeur Jean-Emmanuel Ray ; néanmoins votre commission redoute que cette démarche illustre aussi un manque de confiance dans le dialogue social et ses acteurs.

A cet égard, elle observe les réactions favorables à l'idée évoquée par votre rapporteur d'un droit de saisine des partenaires sociaux sur toute initiative législative dans le domaine social afin d'aboutir à un accord qui serait repris par la loi. Cette procédure qui s'inspire des pratiques en vigueur ailleurs en Europe a été considérée comme une voie d'avenir par la CFDT, la CGC, la CFTC, la CGPME et le MEDEF.

L'audition des professeurs de droit a été également fort enrichissante.

Le professeur Jean-Emmanuel Ray tout d'abord, a expliqué avec beaucoup de force que notre droit du licenciement était le fruit d'une lente sédimentation d'accords collectifs, de lois et de jurisprudence et qu'il venait enfin, ces dernières années, de trouver son point d'équilibre.

Il a attiré l'attention de la commission sur la nécessité de préserver cet équilibre, en particulier dans la définition du licenciement économique, rejoint en cela par la CFDT. Il a considéré que la substitution de l'appellation de « plan de sauvegarde de l'emploi » à celle de « plan social » et l'amendement « Michelin » constituaient deux autres modifications aux conséquences néfastes pour l'architecture de notre droit du travail.

Le professeur Jean-François Amadieu a, quant à lui, insisté sur le fait que la modification au droit du licenciement apportée par ce texte avait pour conséquence de renforcer le contrôle judiciaire et administratif, en s'inquiétant du fait que l'administration se retrouvait en position d'intervenir à tout moment, y compris dans le suivi du plan social, ce qui constituait selon lui un facteur d'affaiblissement du dialogue social. Il a souligné par ailleurs que le projet de loi ne privilégiait pas la recherche de l'accord mais plutôt une vision conflictuelle des rapports sociaux en contradiction avec les pratiques de l'ensemble de nos voisins européens.

On le voit, ces auditions des partenaires sociaux ont été fort instructives. Elles ont permis à votre rapporteur d'élaborer des propositions d'amendements qui tiennent très largement compte des préoccupations apparues. Elles illustrent également la volonté de votre commission d'examiner ce projet de loi de manière constructive, suivant en cela sa propre démarche lors de la première lecture.

Votre commission vous proposera ainsi d'adopter conformes plusieurs articles ; il s'agit des articles 33 (droit au reclassement avant tout licenciement pour motif économique) , 34 bis B (lutte contre les contournements des dispositions relatives à la présentation de plans sociaux) et 34 bis E (augmentation de la durée laissée au salarié licencié pour manifester son souhait de bénéficier de la priorité de réembauchage) .

Elle vous proposera par ailleurs un certain nombre d'amendements sur des articles importants qui peuvent être encore améliorés afin de mieux concilier la nécessité de protéger les salariés et celle de préserver l'activité des entreprises. Il s'agit en particulier de la nouvelle rédaction qu'elle propose pour l'article 33 A qui prévoit une nouvelle définition du licenciement pour motif économique.

Elle vous invitera enfin à adopter plusieurs amendements de suppression qui concernent des dispositions dont les auditions ont confirmé qu'elles n'étaient ni nécessairement opportunes, ni forcément applicables. Ces amendements de suppression concerneront en particulier l'amendement « Michelin » et le recours à un médiateur.

Telles sont les principales observations que votre commission souhaitait vous présenter sur ces articles pour lesquels elle avait, fort pertinemment, demandé la réserve.

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