N° 26

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 octobre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, portant ratification de l'ordonnance n° 2001-273 du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la directive 1999/62/CE du Parlement et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l' utilisation de certaines infrastructures et réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes,

Par M. Ladislas PONIATOWSKI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Gérard Larcher, président ; Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kerguéris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3206 , 3295 et T.A. 710

Sénat : 16 (2001-2002)

Transports.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Adopté sans modification par l'Assemblée nationale, le présent projet de loi de ratification porte sur une ordonnance du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions d'une directive relative à la taxation des poids lourds et réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes.

Relevons d'emblée que les auteurs de l'ordonnance ont largement pris en considération les observations du Sénat, et singulièrement celles de sa commission des affaires économiques lors du débat sur l'article 4 du projet de loi d'habilitation qui allait devenir la loi n° 2000-1 du 3 janvier 2001.

De fait, l'ordonnance en question est très « allégée » par rapport à l'avant-projet qui avait été communiqué, pour information, à votre rapporteur, au moment de la discussion du texte.

Cet avant-projet d'ordonnance comportait, rappelons-le, essentiellement cinq points :

- il prolongeait la durée de concession de six sociétés d'autoroutes en précisant que cette prolongation serait prise en considération dans l'établissement des comptes des sociétés dès le 1er janvier 2000 ;

- il supprimait la garantie de reprise du passif des sociétés ;

- il inscrivait, dans le code de la voirie routière, un principe de non discrimination et de modulation des péages applicable à tous les usagers, et non aux seuls poids lourds, ainsi que le faisait la directive 1999/62 ;

- il supprimait le principe de gratuité de l'usage des autoroutes ;

- enfin, il modifiait le régime juridique des ouvrages d'art à péage sur la voirie nationale, départementale et communale.

On se rappelle que le rapporteur de la commission des affaires économiques avait, pour l'essentiel, porté sa critique sur deux aspects :

- il avait contesté l' « urgence » invoquée par le Gouvernement en faisant observer que l'attribution récente d'une nouvelle concession (l'A 28) avait pu s'effectuer dans le cadre du droit existant :

- il avait surtout fait valoir que de nombreuses mesures l'adoption par ordonnance était demandée ne découlaient d'aucune contrainte communautaire, relevaient de choix « franco-français » et méritaient d'autant plus de faire l'objet d'une discussion parlementaire.

S'agissant du principe de non discrimination en matière de péages, le rapporteur avait rappelé que la directive européenne ne concernait que les poids lourds alors que l'avant-projet d'ordonnance appliquait la règle à tous les usagers de la route.

La suppression du principe de gratuité n'était pas non plus la conséquence d'une obligation communautaire.

Enfin, le nouveau dispositif concernant l'autorisation de mise à péage des ouvrages d'art nationaux, départementaux et communaux relevait lui aussi de choix purement nationaux.

Tout en approuvant le principe des dispositions (longtemps réclamées par le Sénat) sur la prolongation des concessions et le retour des SEMCA au droit commun, le rapporteur de la commission des affaires économiques avait jugé indispensable un débat parlementaire sur des sujets tels que la suppression du principe de gratuité, la non discrimination appliquée à tous les usagers en matière de péages, ou encore la possibilité pour les collectivités locales d'instaurer, en toute liberté, un péage sur leurs ouvrages d'art.

Saisi en premier lieu du projet de loi, le Sénat, dans sa séance du 7 novembre 2000, adoptait l'amendement, accepté par le Gouvernement, de sa Commission des Affaires économiques qui autorisait le Gouvernement à mettre en place, outre les mesures transposant la directive « poids lourds », un dispositif exclusivement relatif à la prolongation de la durée des concessions des sociétés d'économie mixte d'autoroutes (SEMCA), ainsi qu'au retour au droit commun comptable de celles-ci. Dans sa séance du 5 décembre 2000, l'Assemblée nationale confirmait cette solution.

En conséquence, l'ordonnance définitive ne comporte que quatre points :

- l'application du principe de non discrimination des péages aux seuls poids lourds, conformément à la directive européenne ;

- la prolongation de la durée de concession des six SEMCA ;

- la suppression de la garantie de reprise du passif des sociétés d'autoroutes ;

- la prise en compte dans les comptes de ces sociétés de la nouvelle durée des concessions.

Ont donc été, par rapport à l'avant-projet, retirés du dispositif de l'ordonnance :

- la généralisation à tous les usagers du principe de non-discrimination en matière de péages ;

- la suppression du principe de gratuité de l'usage des autoroutes ;

- le régime des péages des ouvrages d'art de la voirie nationale, départementale et communale.

Le projet de loi de ratification propose, ainsi, d'une part, la ratification de l'ordonnance du 28 mars 2001, d'autre part une disposition nouvelle sur la prolongation jusqu'en 2050 de la concession accordée à la société française du tunnel routier de Fréjus (SFRTRF) en vue de la construction et de l'exploitation de l'autoroute A43.

Pourquoi cette mesure n'a-t-elle pas figuré dans l'ordonnance du 28 mars 2001 ?

Si l'allongement des durées de concession des six SEMCA (calculé pour compenser le manque à gagner résultant de la suppression des avantages dont bénéficiaient jusqu'à présent ces sociétés en matière d'emprunt ou de charges différées) a pu être notifié à la Commission européenne dès le mois d'août 2000, ce n'est qu'en mai 2001 (soit après le délai autorisé par la loi d'habilitation pour légiférer par ordonnances) que le Gouvernement a pu notifier l'allongement de durée de concession concernant la SFRTRF. Cette situation a résulté des difficultés d'appréciation du coût précis des travaux à effectuer sur le tunnel, ainsi que de la situation financière de la société après 2002 compte tenu du caractère exceptionnel d'une situation où le trafic poids lourds du tunnel du Mont-blanc est détourné sur celui de Fréjus. Par ailleurs, cette société fait parallèlement l'objet de mesures spécifiques telles qu'un plan de recapitalisation.

Il est en effet apparu que la concession de l'autoroute (25 ans) a été accordée pour une durée beaucoup trop courte compte tenu du coût du projet (initialement évalué à 6,5 milliards de francs, ce coût a finalement atteint, en fin de travaux, 8,8 milliards de francs) et des conditions de son équilibre financier.

A titre de comparaison, on relèvera que la concession de l'autoroute d'accès au tunnel du Mont-Blanc a été accordée pour une durée proche de quarante ans.

Selon le Gouvernement, la nouvelle durée de concession de l'A43 a été fixée en mesurant ce qu'il en aurait coûté à la SFTRF si elle avait dû, dans le cadre de la durée actuelle de la concession (2018), supporter des ratios de fonds propres et un taux de rentabilité des capitaux investis conformes aux capitaux habituels et aux exigences des prêteurs et des actionnaires.

Ce calcul, notifié avec retard à la Commission, a permis de déterminer le nombre d'années supplémentaires permettant de couvrir le besoin de financement correspondant.

Qu'il soit permis à votre rapporteur, pour l'information du Sénat, de rappeler un certain nombre de données.

La société française du tunnel de Fréjus est titulaire de deux concessions :

- depuis 1980, la concession du tunnel franco-italien de Fréjus, long d'environ 13 kilomètres, et dont la société italienne du tunnel autoroutier de Fréjus (SITAF) est également concessionnaire ;

- depuis 1993, la concession de la section de l'autoroute A43, longue de 63 kilomètres, comprise entre Aiton et Le Freney c'est-à-dire jusqu'à la route d'accès au tunnel ;

La concession du tunnel routier expire le 31 décembre 2050 (sa durée est de 70 ans) tandis que la concession portant sur l'A 43 devait expirer le 31 décembre 2018 (soit une durée de 25 ans).

La première section de l'autoroute A 43 a été ouverte en 1997 ; la dernière section a été mise en service pendant l'été 2000.

Contrairement aux autres SEMCA, la SFTRF n'a pas disposé d'un réseau lui permettant d'assurer une péréquation financière entre les différentes sections. Le tunnel de Fréjus est en effet soumis à un régime international dont la politique tarifaire (décidée par une commission intergouvernementale franco-italienne (CIG) reflète les préoccupations des deux concessionnaires tout en étant dépendante de la politique tarifaire du Mont-Blanc.

Ainsi, si l'itinéraire par la vallée de la Maurienne constitue un point de passage névralgique, son trafic (accueillant principalement des poids lourds) est soumis à des paramètres que la société maîtrise difficilement.

On relèvera, enfin, que le trafic poids lourds atteignait, en 1998, 776.604 véhicules/an sous le tunnel du Mont-Blanc et 784.250 véhicules/an sous le tunnel de Fréjus. La fermeture à tout trafic du tunnel du Mont-Blanc depuis le 24 mars 1999 a généré un quasi doublement du trafic sous le tunnel de Fréjus (plus 74,79 % sur 1999/1998 et + 13,31 % sur 2000/1999).

On ne peut nier que la décision de réouverture du tunnel du Mont-Blanc, annoncée notamment à l'issue de la table ronde organisée par le ministre chargé des transports, le 2 octobre 2001, a provoqué une véritable « levée de boucliers » de la part des populations tant dans la vallée de Chamonix que dans celle de la Maurienne qui a « bénéficié » du report de trafic.

Même si l'objet du projet de loi, dans son article 2, reste circonscrit à l'allongement de la durée de concession de l'A43, votre commission n'en perçoit pas moins la nécessité d'appeler de ses voeux un véritable débat sur un sujet qu'il ne faut certainement pas traiter à la légère.

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