III. OBTENIR L'ADHÉSION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE SUR UNE RÉFORME LIMITÉE DU DROIT DES SUCCESSIONS

En première lecture, le Sénat avait complété la proposition de loi par une réforme d'ensemble du droit des successions, inspirée des travaux du groupe de travail sur la réforme du droit des successions, animé par le doyen Jean Carbonnier et le professeur Pierre Catala.

Ces travaux ont donné naissance à trois projets de loi n'ayant jamais été inscrits à l'ordre du jour du Parlement, bien que respectivement déposés à l'Assemblée nationale, en 1988, 1991 et 1995, par des gouvernements appartenant à des majorités politiques différentes 1 ( * ) .

Le Sénat a donc adopté une vingtaine d'articles additionnels procédant à une réécriture complète du titre Ier du livre troisième du code civil relatif aux successions.

L'Assemblée nationale a supprimé ces dispositions sans examen prétextant de l'encombrement du calendrier parlementaire et exprimant sa crainte de voir retardée la réforme du droit du conjoint survivant .

Or, ces dispositions, adoptées à plusieurs reprises en Conseil des ministres, après examen par le Conseil d'État, sans apporter de bouleversements notables, étaient de nature à remédier à de réelles difficultés apparaissant fréquemment au cours des règlements successoraux .

Elles auraient permis de moderniser notre droit successoral qui, contrairement aux autres matières du droit civil, n'a pas fait l'objet d'une refonte depuis 1804.

Elles auraient pu servir de socle à une réforme ultérieure du droit des libéralités dont l'excessive rigidité a été soulignée à maintes reprises.

La réécriture proposée aurait permis, à la fois, de clarifier les règles d'ouverture, de transmission, de liquidation et de partage des successions et d'y apporter d'utiles modifications de fond.

Elle comportait notamment une importante réorganisation du régime de l'acceptation bénéficiaire de nature à mieux protéger les créanciers tout en donnant plus de souplesse aux héritiers. En outre, elle raccourcissait les délais de l'option héréditaire , permettait l'administration temporaire de la succession par un mandataire qualifié et assouplissait les règles du partage.

Votre commission regrette que soit encore retardée la mise en oeuvre d'une réforme consensuelle et de caractère procédural, étudiée techniquement de longue date, soutenue à la fois par des universitaires et des praticiens et étant de nature à régler de réelles difficultés rencontrées par nos concitoyens .

Elle considère qu'il est paradoxal de bloquer l'adoption par le Parlement de réformes techniques et consensuelles pouvant être utiles à nos concitoyens au bénéfice de projets plus politiques et souvent sujets à controverses.

Votre rapporteur ne manquera pas de déposer une proposition de loi dans l'espoir que la situation pourra se débloquer.

En attendant, prenant acte du refus de l'Assemblée nationale de procéder à une réforme globale, votre commission vous proposera de saisir l'occasion de l'examen de la présente proposition pour réécrire à tout le moins les trois premiers chapitres du titre du code civil relatif aux successions, correspondant aux articles 718 à 767 actuels, au sein desquels sont incluses les dispositions relatives au conjoint survivant et aux enfants adultérins.

En conséquence, votre commission vous proposera de reprendre les propositions de rédaction adoptées par le Sénat en première lecture aux articles premier, 9 bis B, 9 bis C et 9 bis D . Elle vous proposera en outre de coordonner avec cette rédaction les dispositions relatives au conjoint survivant figurant aux articles 2, 2 bis, 3 et 4 de la proposition de loi.

Cette réécriture partielle permettrait de clarifier la rédaction actuelle et de moderniser des dispositions jugées archaïques telles celles relatives aux co-mourants, à l'indignité ou à la distinction entre les frères et soeurs germains, consanguins ou utérins. Elle permettrait en outre de légaliser les règles relatives à la preuve de la qualité d'héritier et de réorganiser la présentation des règles de la dévolution successorale en tenant compte des futures dispositions relatives aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins.

A. CLARIFIER L'OUVERTURE ET LA TRANSMISSION DES SUCCESSIONS

L'article 9 bis B, que votre commission vous proposera de rétablir dans le texte adopté par le Sénat en première lecture, précise les règles relatives à l'ouverture des successions, au titre universel et à la saisine.

Il clarifie la rédaction des conditions d'ouverture de la succession sans remettre en cause le principe profondément ancré dans nos moeurs selon lequel l'héritier continue la personne du défunt et acquiert, dès le décès, l'ensemble des droits et des obligations de celui-ci. Le corollaire de ce principe, l'acquisition immédiate et sans formalité de la succession par l'héritier à travers l'institution de la saisine, est donc maintenu ( art. 724 ).

Par ailleurs, est formulée expressément -ce qui n'était pas fait jusqu'à présent- la règle selon laquelle les héritiers donataires et légataires universels ou à titre universel sont tenus indéfiniment au passif ( art. 723 ).

Il est également précisé que, sauf dispositions contraires, les règles relatives aux successions légales s'appliquent aux dispositions testamentaires ( art. 724-1 ).

* 1 Le premier projet de loi avait été déposé en 1988 par M. Pierre Arpaillange au nom de M. Michel Rocard (n° 511), le second en 1991 par M. Michel Sapin au nom de Mme Edith Cresson (n° 2530) et le troisième par M. Pierre Méhaignerie au nom de M. Édouard Balladur (n° 1941).

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