B. LE RÔLE DU CONSEIL D'ORIENTATION DES RETRAITES : UN DISCOURS ÉVOLUTIF ET AMBIGU DU GOUVERNEMENT

Le discours du Gouvernement sur le COR présente la double caractéristique d'avoir évolué depuis un an et d'être marqué d'une profonde ambiguïté.

1. Un discours évolutif

L'évolution depuis un an est majeure : après avoir annoncé que le Gouvernement prendrait (enfin) des décisions sur la base des propositions du COR, la ministre de l'emploi et de la solidarité précise désormais que ces décisions seront prises... après les échéances électorales 27 ( * ) .

La réforme... un an après

« Je voudrais aussi souligner la qualité et l'intérêt des travaux que le conseil d'orientation des retraites, installé par le Premier ministre, a engagés. Ce conseil mène, vous le savez, une concertation active avec les élus et les partenaires sociaux et explore avec eux différents scénarios, différentes perspectives financières, compte tenu de l'évolution -heureusement positive- de la croissance et de l'emploi. Le conseil d'orientation des retraites fera des propositions sur la base des consultations qu'il mène pour tous les régimes et le Gouvernement prendra, sur ces bases, ses décisions ».

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité,
in JO Débats Sénat, 14 novembre 2000

« Dès le lendemain des élections législatives, une négociation tripartite pourra être organisée sur une réforme d'ensemble des retraites et déboucher sur des orientations à mettre en oeuvre par la loi » .

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, in JO Débats Assemblée nationale, 2 ème séance du 23 novembre 2001, p. 6445.

2. Un discours ambigu

La création de ce conseil est tout d'abord considérée par le Gouvernement comme une réussite « en soi ». Elle fait partie, avec celle du Fonds de réserve pour les retraites, d'un argumentaire « tout terrain » ayant pour objectif de rejeter les critiques portant sur son inaction.

Au-delà, le rôle que doit jouer le COR reste flou : s'agit-il de poser un diagnostic , d'engager un dialogue ou d'élaborer des décisions ?

a) Le retour du « diagnostic partagé »

Votre commission a été surprise d'assister au retour de la fonction de « diagnostic », qui lui semblait avoir été assurée par la commission Charpin.

Le 7 juin 2001, Mme Elisabeth Guigou s'exprimait ainsi devant la commission des comptes de la sécurité sociale : « Le premier acquis de ses travaux est d'avoir réduit les divergences qui pouvaient encore persister sur le diagnostic des changements démographiques et de leur incidence prévisible sur les régimes de retraite. C'est également fort judicieusement qu'il a choisi la question des liens entre âge et travail pour son premier colloque tenu en avril dernier. Car c'est certainement en éliminant sans délai les obstacles qui existent aujourd'hui à l'emploi des travailleurs âgés que l'on facilitera demain les évolutions nécessaires en matière de durée d'activité » .

Le rapport annexé au projet de loi de financement pour 2002, dans son chapitre relatif à « la politique à l'égard des personnes âgées », va un peu plus loin encore ; il indique en effet que « le premier rapport » du Conseil, « qui doit être rendu public avant la fin de l'année 2001, portera un diagnostic partagé sur les prévisions des régimes de retraite, et présentera les différentes mesures envisageables pour assurer la garantie de notre système de retraite » .

« Diagnostic partagé » : une expression ancienne

29 mai 1998 - la lettre de M. Lionel Jospin confie à M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan, le soin d'établir, sur la situation et les perspectives de notre système de retraite, « un diagnostic aussi partagé que possible par les partenaires sociaux et les gestionnaires des différents régimes ».

Rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (octobre 1998)

« Le Gouvernement entend aborder les évolutions nécessaires de nos régimes de retraite sur la base d'un diagnostic précis des problèmes auxquels ils sont confrontés. L'élaboration de ce diagnostic a été confiée au Commissariat général du Plan. Il portera sur l'ensemble des régimes de retraite. Les partenaires sociaux et les représentants des régimes sont associés à l'établissement de ce diagnostic afin que l'ensemble des hypothèses qui conditionnent l'avenir de nos systèmes de retraite soient prises en compte. C'est sur la base de ce diagnostic partagé que pourra s'ouvrir un dialogue sur les réformes à entreprendre ».

Lors de son audition par votre commission des Affaires sociales 28 ( * ) , Mme Yannick Moreau, présidente du Conseil, a pourtant bien précisé que l'expression de « diagnostic partagé » rendait méfiants les organisations syndicales, qui craignent « une forme d'instrumentalisation ».

b) Le double discours du Gouvernement

Le rôle du Conseil d'orientation des retraites serait de « présenter les différentes mesures envisageables » 29 ( * ) . Selon Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, « Ce dispositif [la loi APA] devra être complété par une réforme concernant les régimes de retraite. C'est le rôle du conseil d'orientation des retraites, mis en place par le Gouvernement l'année dernière, de réunir tous les acteurs concernés pour faire le point sur l'évolution des régimes et pour présenter des propositions sur cette indispensable réforme » 30 ( * ) .

Mais lorsque le Gouvernement est interrogé sur les réflexions du COR, sa prudence est tout à fait remarquable.

Interrogé 31 ( * ) par exemple sur l'allongement de la durée de cotisation pour les fonctionnaires, il 32 ( * ) indique : « Le conseil d'orientation des retraites, créé par le décret n° 2000-393 du 10 mai 2000, a engagé une réflexion sur l'avenir des régimes de retraite à laquelle participent divers partenaires : syndicats, parlementaires, personnalités qualifiées et représentants de l'Etat. Parmi les thèmes abordés figure effectivement l'éventualité d'un allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires pour l'aligner sur celle des salariés du secteur privé (160 trimestres). D'autres hypothèses ont également été envisagées pour préparer le régime spécial des fonctionnaires aux mutations démographiques à venir et, en l'état, aucune solution n'est privilégiée. L'objectif poursuivi est de réunir sur ce sujet essentiel le consensus le plus large possible et de concilier le respect de l'identité du régime spécial des fonctionnaires avec la notion de solidarité. En tout état de cause, les travaux du conseil d'orientation des retraites ont d'ores et déjà montré que les mesures techniques envisageables pour adapter les régimes de retraite n'étaient qu'un des éléments d'une réflexion plus vaste sur le vieillissement et les fins de carrière ».

Tout ceci n'empêche pourtant pas le Gouvernement de « faire parler » le Conseil d'orientation des retraites lorsque cela l'arrange ; ainsi, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, répondait à notre excellent collègue Joël Bourdin, lors d'une séance de questions d'actualité 33 ( * ) : « Ces évolutions - je tiens à le souligner - viennent d'être confortées par des travaux qui ont fait récemment l'objet d'une présentation devant le conseil d'orientation des retraites » .

M. le ministre délégué à la ville ne précisait pas que cette présentation avait été faite par le directeur de la sécurité sociale.

* 27 cf. infra.

* 28 cf. infra compte rendu de cette audition.

* 29 cf. rapport annexé.

* 30 JO Débats Sénat, séance du 15 mai 2001.

* 31 Question écrite n° 34340 de M. René Trégouët du 12 juillet 2001, JO Questions Sénat, page 2292.

* 32 Ministère de réponse: Fonction publique - Publiée dans le JO Questions Sénat du 6 septembre 2001, p. 2899.

* 33 JO Débats Sénat, séance du 1 er juin 2001.

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