II. LES PROPOSITIONS DE DÉCISION CADRE SOUMISES AU SÉNAT : DES PROGRÈS NOTABLES

Les deux propositions de décision-cadre soumises au Sénat concernent respectivement la création d'un mandat d'arrêt européen et l'harmonisation des législations en matière de terrorisme. Le Conseil européen a souhaité qu'un accord sur ces textes puisse intervenir dès la réunion du Conseil des ministres de la justice prévue les 6 et 7 décembre prochains.

A. LA PROPOSITION DE DÉCISION-CADRE RELATIVE AU MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN : METTRE FIN À DES PROCÉDURES D'EXTRADITION CONTRAIGNANTES

1. Les règles actuelles en matière d'extradition

a) La convention européenne de 1957

Les règles actuellement applicables en matière d'extradition figurent actuellement, pour l'essentiel, dans la Convention européenne d'extradition signée en 1957 dans le cadre du Conseil de l'Europe. Cette convention constitue la pièce maîtresse du droit européen de l'extradition, mais a fait l'objet de nombreuses réserves de la part des Etats membres. De nombreuses conventions bilatérales lient également certains Etats.

Les principes posés par la Convention de 1957 sont les suivants :

- l'extradition aux fins de poursuite est possible pour des faits punis par les lois de la partie requérante et de la partie requise ( principe de la double incrimination ) « d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins un an ou d'une peine plus sévère » 2 ( * ) ; la France a émis une réserve pour porter à deux ans le seuil de peine encourue à partir duquel elle accepte d'extradition ;

- l'extradition aux fins d'exécution d'une peine est possible lorsque la peine prononcée sur le territoire de la partie requérante est d'au moins quatre mois d'emprisonnement ;

- l'extradition n'est pas accordée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme une infraction politique ; de même, l'extradition n'est pas accordée pour des faits déjà jugés par la partie requise ( non bis in idem ) ou pour des faits prescrits ;

- toute partie a la faculté de refuser l'extradition de ses propres ressortissants ;

- quelques conditions de forme sont exigées : en principe, la requête doit être formulée par écrit et présentée par la voie diplomatique, mais une autre voie peut être convenue par arrangement direct entre deux ou plusieurs parties.

La requête doit être accompagnée soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force. Un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée ainsi qu'une copie des dispositions légales applicables doivent également être transmis à la partie requise ;

- en cas d'urgence, les autorités compétentes de la partie requérante peuvent demander « l'arrestation provisoire » de l'individu recherché ; les autorités compétentes de la partie requise statuent sur cette demande conformément à la loi de cette partie.

b) La procédure applicable en France

En France, la procédure d'extradition est fixée par une loi de 1927 prenant aujourd'hui en compte les principes posés par la Convention de 1957.

Les demandes d'extradition sont adressées au ministre des affaires étrangères qui les transmet au ministre de la justice, lequel « s'assure de la régularité de la requête et lui donne telles suites que de droit ». S'il décide d'engager la procédure, le ministre adresse le dossier au Procureur de la République du lieu où l'individu recherché est signalé.

Lorsque l'arrestation provisoire de la personne recherchée est demandée, une demande distincte doit être formulée, qui peut être directement transmise d'autorité judiciaire à autorité judiciaire. Un avis doit être donné par le procureur de la République au ministre de la justice et au procureur général dans les vingt-quatre heures de l'arrestation.

Un membre du parquet procède à un interrogatoire d'identité avant l'incarcération de la personne. La personne peut être remise en liberté si, par la suite, une demande d'extradition en bonne et due forme n'est pas présentée.

L'examen de la demande d'extradition comporte une phase judiciaire et une phase administrative .

Le procureur de la République compétent fait arrêter la personne recherchée sauf si une demande distincte d'arrestation provisoire a été formulée. Dans les vingt-quatre heures de l'arrestation, un membre du parquet procède à un interrogatoire d'identité de la personne.

La personne dont l'extradition est demandée comparaît devant la chambre de l'instruction dans un délai maximal de huit jours. Elle est alors interrogée sur le fond de l'affaire et peut se faire assister d'un avocat.

Si la personne consent formellement à être livrée aux autorités du pays requérant, il lui est donné acte de cette déclaration et le dossier est transmis sans retard au ministre de la justice.

Dans le cas contraire, la chambre de l'instruction donne son avis motivé sur la demande d'extradition. L'avis est défavorable si la Chambre de l'instruction estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu'il y a une erreur évidente.

Si l'avis de la chambre de l'instruction est négatif, l'extradition ne peut pas être accordée. En principe, la chambre de l'instruction statue sans recours, mais la Cour de cassation a progressivement admis la formation de pourvois.

Lorsque l'avis de la chambre de l'instruction est favorable à l'extradition, le ministre de la justice propose, « s'il y a lieu », à la signature du Premier ministre un décret autorisant l'extradition. Ce décret peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat.

Enfin, si, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'acte, l'extradé n'a pas été reçu par les agents de la puissance requérante, il est mis en liberté et ne peut plus être réclamé pour la même cause.

Les règles relatives à l'extradition sont donc actuellement complexes. Elles peuvent constituer une entrave à l'efficacité de la justice. Même dans le cas où l'intéressé accepte l'extradition, sa détention en France peut durer de nombreux mois.

* 2 Certains Etats définissent, pour chaque infraction, une « fourchette » de peines ; d'autres, dont la France depuis l'adoption du nouveau code pénal, n'établissent qu'un « plafond » de peine pour chaque infraction .La Convention exige, pour que l'extradition soit possible, que la peine « plafond » encourue soit au moins égale à un an d'emprisonnement.

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