II. IL FAUT ANTICIPER UNE DÉGRADATION DE LA CONJONCTURE

Votre rapporteur regrette que les économies sur les aides personnelles au logement aient résulté seulement de la bonne tenue de l'économie en 2000 et 2001 (baisse du chômage, croissance des revenus, augmentation des cotisations des employeurs).

Un éventuel ralentissement économique aurait son plein impact seulement sur le budget 2003 du fait du décalage d'un an de la « base ressources » qui permet de calculer les allocations (pour les aides personnelles en 2002, ce sont les revenus 2001 qui sont pris en considération), ce qui explique sans doute le peu d'empressement du gouvernement à agir.

Toutefois, dès 2002, les contributions des employeurs qui dépendent de la masse salariale pourraient être moins fortes que ce qui est anticipé (+ 5,6 % selon les hypothèses retenues par les comptes de la sécurité sociale) et un accroissement du chômage majorerait les allocations (les chômeurs peuvent bénéficier d'un abattement de 30 % sur l'évaluation de leurs revenus). Au total, dès 2002, l'aléa à la hausse porte sur un montant de l'ordre de 400 millions de francs.

A. IL EST NÉCESSAIRE DE FAIRE DES ÉCONOMIES

1. Des propositions d'économies sur les aides personnelles n'ont pas été retenues

La réforme des aides personnelles a coûté très cher, 6,5 milliards de francs, alors que le montant des aides personnelles est déjà très élevé. Elle a été heureusement compensée par des économies de constatation, ce qui a masqué l'effort budgétaire consenti. Pour garantir un financement pérenne, et préparer des jours moins favorables, il faudrait cependant trouver des mesures d'économies.

Pour gager les dépenses, des pistes ont été examinées par la conférence de la famille :

- l'intégration de l'allocation parentale d'éducation dans la base ressources : la proposition consistait à intégrer l'allocation parentale d'éducation dans la base ressources (prise en compte à hauteur de 72 %), un abattement de 30 % sur les revenus de la personne qui s'arrête de travailler pour s'occuper d'un enfant de moins de trois ans étant en même temps mis en place. L'économie sur les aides à la personne aurait été à l'horizon de cinq ans, de 2,2 milliards de francs.

- l'adaptation des aides fiscales au logement des jeunes et de leur famille : les familles des jeunes et principalement des étudiants peuvent actuellement cumuler avantage fiscal (lié au rattachement ou au versement d'une pension alimentaire) et aide au logement pour le jeune qui décohabite. La délégation à la famille a élaboré une proposition consistant à affirmer le principe « d'une seule aide au logement par foyer fiscal ». Le mode de calcul des aides au logement serait modifié :

- si les parents bénéficient d'un avantage fiscal au titre de l'enfant, l'aide sera calculée sur la base du revenu des parents (et du jeune) ; un abattement pour double résidence serait appliqué à ces ressources dans le cas où le jeune aurait un logement autonome (cet abattement, existant aujourd'hui en APL, serait revalorisé) ;

- si aucun lien fiscal ou de logement n'existe entre parents et jeune, on considérera qu'il y a deux foyers autonomes, en matière de fiscalité comme de droit aux aides personnelles.

L'économie brute engendrée aurait été d'environ 5 milliards de francs provenant essentiellement de moindres dépenses fiscales ; une amélioration de l'aide au logement des étudiants modestes fiscalement autonomes et la revalorisation de l'abattement pour double résidence aurait pu réduire à 1 milliard de francs l'économie globale.

La direction de la législation fiscale et la direction du budget se sont opposées à cette proposition au motif que contrairement à l'aide au logement versée aux étudiants, le quotient familial ne constituait pas une aide à l'enfant mais une aide à la famille destinée à compenser forfaitairement les différentes charges, qui ne se limitaient pas aux frais de logement induites par l'entretien des enfants concernés. Le même raisonnement s'appliquerait à la déduction d'une pension alimentaire dont le versement constitue une obligation légale.

Au-delà des aspects techniques et juridiques qui empêcheraient de prendre en compte une seule aide au logement par foyer fiscal, votre rapporteur rappelle que la réflexion sur les aides personnelles versées aux étudiants doit se poursuivre afin d'adapter réellement ces aides à leur situation. Si, comme l'ont révélé des études récentes, un certain nombre d'étudiants sont en grande difficulté financière, les 650.000 étudiants recevant une aide au logement pour un total de 6 milliards de francs ne sont pas tous dans la même situation. Il importe donc que leur situation soit appréciée au regard du contexte économique et familial dans lequel ils évoluent.

2. D'autres sources d'économies ne sont pas difficiles à trouver, notamment sur l'épargne-logement

Les propositions du groupe de travail à la conférence de la famille n'ont pas été retenues. Mais d'autres sources d'économies auraient pu être envisagées.

Votre rapporteur observe ainsi une distorsion croissante entre l'encours des dépôts de l'épargne-logement et l'encours des prêts.

L'utilisation des plans d'épargne logement (en milliards de francs)

au 31 décembre

1995

1996

1997

1998

1999

2000

encours des dépôts

895,98

1 087

1 223,64

1 333,98

1.429,42

1.440,7

encours des prêts

283,59

293.5

279,77

246,46

201,45

177,31

dispo./encours des dépôts

68,4%

73%

77,1%

81,5%

85,9%

87,69%

Source : Direction du Trésor

La diminution continuelle du ratio de prêts constatée depuis plusieurs années s'explique principalement par la baisse d'attractivité des prêts d'épargne-logement au regard des taux libres pratiqués sur le marché et, à l'inverse, par l'attractivité du taux de rémunération des plans d'épargne-logement, notamment pour les anciennes générations.

Année

Nombre

Montant total

Répartition de ce montant (en %)

d'attribution

de prêts

des prêts (MdF)

Ancien

Neuf

Travaux

1993

650 000

74,6

50%

25%

25%

1994

773 000

67,7

56%

18%

26%

1995

716 000

63,8

53%

20%

25%

1996

843 000

78,9

53%

24%

23%

1997

761.000

47,3

50%

24%

26%

1998

528.300

30,0

42%

24%

34%

1999

585 020

23,6

38,48%

17,8%

43,7%

2000

678 931

32,18

50,71%

15,90%

33,39%

Source : Direction du Trésor

Les fonds versés sur un plan d'épargne logement sont rémunérés depuis le 1er juillet 2000 au taux de 4,5%, dont 5/7ème à la charge des établissements de crédit et 2/7ème à la charge de l'Etat sous forme de prime. Cette prime est plafonnée à 10.000 F. Les crédits nécessaires au versement de la prime figurent à la section budgétaire des charges communes.

Compte tenu de la faiblesse des prêts octroyés, il serait envisageable de lier l'octroi de la prime et du prêt. Des économies substantielles pourraient être réalisées sur l'épargne-logement en liant le prêt au logement et la prime et en révisant les taux des PEL, mais ces propositions se heurtent à la difficulté de réformer cette forme d'épargne populaire.

Votre rapporteur spécial note que, dans son récent rapport sur le logement social (juin 2001), son collègue député Jean-Louis Dumont rejoint l'analyse qu'il a développé à plusieurs reprises . Le rapporteur spécial des crédits du logement à l'Assemblée nationale a estimé « qu'il était souhaitable de s'interroger sur l'impact réel de l'épargne logement sur la politique du logement au regard de son coût en termes de primes d'Etat et d'exonération fiscale des intérêts servis . Son encours, d'environ 1.400 milliards de francs, représente globalement la moitié de l'épargne administrée alors que l'épargne logement n'est pas exempte de critiques : elle est socialement aveugle à l'égard de l'épargnant et constitue un produit d'épargne attractif pour les gros revenus avec un taux de 4,25% et un plafond de dépôt de 400.000 francs pour les plans. Le mécanisme du plan d'épargne logement (PEL) avantage donc les épargnants en mesure de mobiliser une épargne financière abondante et stable ; il constitue en cela une niche fiscale d'autant plus spacieuse que les revenus du ménage sont élevés. Elle est également socialement aveugle à l'égard de l'emprunteur et les analyses montrent que la mobilisation du prêt d'épargne logement est d'autant plus fréquente que le revenu est élevé . »

Votre rapporteur spécial note qu'un simple « recadrage » de l'épargne-logement, dont le coût s'élève pour l'exonération des intérêts perçus par les épargnants et pour les primes versées en fin de période d'épargne à 15 milliards de francs par an, permettrait de dégager de substantielles économies. Ces mesures ne seraient pas suffisantes pour financer les aides personnelles, qui devront elles aussi faire l'objet d'aménagements pour les rendre plus efficaces en faveur du logement des personnes défavorisées. Toute politique doit en effet être évaluée à l'aune de ses résultats économiques et sociaux.

En conclusion, le gouvernement ne prépare pas l'avenir et notamment n'exploite pas les nombreuses sources d'économies potentielles aussi bien pour les aides personnelles que pour d'autres domaines
: la révision des conditions de ressources notamment pour les étudiants, la remise à plat des frais des caisses d'allocations familiales qui sont trop élevés, comme l'a souligné la Cour des comptes, la réforme de l'épargne-logement qui consisterait à lier l'octroi de la prime à l'obtention du prêt au logement.

Au total, votre rapporteur regrette que la priorité donnée aux aides à la personne, qui a inévitablement un coût, ne s'accompagne pas des mesures structurelles indispensables à la pérennisation de l'effort en faveur des aides personnelles. Si la réforme a été heureusement rendue possible par une conjoncture économique très favorable, il serait regrettable que des évolutions moins favorables fassent de nouveaux peser des menaces dès 2003, par exemple, sur la revalorisation du barème des aides.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page