Rapport n° 174 (2001-2002) de MM. Francis GIRAUD , Gérard DÉRIOT et Jean-Louis LORRAIN , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 16 janvier 2002

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N° 174

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 janvier 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé,

Par MM. Francis GIRAUD, Gérard DÉRIOT

et Jean-Louis LORRAIN,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Valérie Létard, MM. Jean Louis Masson, Serge Mathieu, Mmes Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3258 , 3263 et T.A. 705

Sénat : 4 (2001-2002)

Santé publique.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des Affaires sociales ne peut que se réjouir de pouvoir débattre de questions de santé car l'ambition initiale des lois de financement de la sécurité sociale n'a pas été atteinte dans ce domaine. Tant le dispositif de ces lois que le rapport d'orientation qu'elles comprennent n'ont pas permis de poser la question : « Quels moyens pour quelle politique de santé ? » ni a fortiori d'y répondre.

Elle se réjouit également que le Gouvernement soit prêt aujourd'hui à débattre de dispositifs que le Sénat a déjà examinés sous la forme d'amendements ou de propositions de loi sans que le ministre au banc ni l'Assemblée nationale acceptent alors de nouer le dialogue.

Ainsi, le 28 mars 2001, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, le Sénat avait-il adopté un amendement disposant que « Nul n'est recevable à demander une indemnisation du seul fait de sa naissance » .

De même, le 26 avril 2001, le Sénat avait-il adopté une proposition de loi très complète relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale.

Enfin, le 9 mai 2001, avait-il adopté dans le cadre de l'examen du projet de loi de modernisation sociale un amendement améliorant le dispositif de formation continue des médecins.

Ces initiatives, toutes trois dues à M. Claude Huriet au nom ou avec l'avis favorable de votre commission des Affaires sociales, sont ou seront des éléments essentiels de la future loi relative aux droits des malades et à la qualité des soins.

Le Gouvernement avait jugé alors que le débat venait trop tôt.

De fait, le présent projet de loi annoncé en juin 1999 n'a été déposé qu'en septembre dernier.

Mais, à partir du moment où il se montre prêt à débattre, le Gouvernement n'entend pas que les choses traînent : le projet de loi a été examiné en séance publique à l'Assemblée nationale dès le 2 octobre 2001 et assorti immédiatement de l'urgence.

Votre commission déplore que, sur un texte de cette nature et de cette importance, une navette normale n'ait pas été recherchée. La « très large concertation » dont aurait fait l'objet le projet du Gouvernement ne dispense pas à l'évidence ce dernier de laisser au Parlement le temps d'en débattre de façon approfondie.

Votre commission, dont l'activité a été monopolisée tout au long de l'automne par le projet de loi de financement de la sécurité sociale et une série d'autres textes sociaux dont un projet proprement monstrueux de 224 articles, (projet dit de modernisation sociale), n'a pu procéder, dans les quelques jours de janvier avant l'examen du rapport, à toutes les auditions qui lui semblaient indispensables. Elle a dû renvoyer à ses rapporteurs le soin d'entendre les nombreux points de vue qui, en dépit de la « très large concertation » conduite précédemment par le Gouvernement, souhaitaient s'exprimer.

La diversité des dispositions du présent projet de loi ne justifie guère un long exposé général qui ne serait que le rappel fastidieux de la teneur de ses différents chapitres. Tout au plus, s'agit-il à ce stade de formuler quelques observations.

*

* *

Vos rapporteurs constatent, en premier lieu, que l'examen d'un texte sur « les droits des malades et la qualité du système de santé » se greffe sur des « fondamentaux » qui sont inquiétants.

Notre système de santé est d'abord menacé par la persistance de lourds déficits de l'assurance maladie. Il y a quelques semaines, à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, votre commission a vivement condamné les prélèvements que le Gouvernement a opérés sur les recettes de cette branche de la sécurité sociale pour financer la coûteuse politique des trente-cinq heures.

Cette politique creusant les déficits de la branche et alourdissant son endettement demeure incompréhensible et rend illusoire toute action tendant à demander un quelconque effort de maîtrise des équilibres aux différents acteurs de notre système de santé, gestionnaires des caisses, établissements et professionnels de santé ou assurés sociaux.

Il n'est guère étonnant dans ce contexte que les relations des pouvoirs publics avec les professionnels de santé connaissent une crise particulièrement grave, dont témoigne le mouvement des généralistes.

Aujourd'hui le Gouvernement estime qu'il appartient à la CNAM de négocier. La démarche serait acceptable si elle ne s'inscrivait pas dans une politique qui a gravement affaibli le principe même de la gestion paritaire des caisses et qui a accru la confusion des responsabilités dans le domaine de l'assurance maladie.

La démarche serait compréhensible si elle n'intervenait pas quelques semaines après la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale qui comporte un objectif national des dépenses d'assurance maladie voté solennellement sinon par le Parlement, du moins par l'Assemblée nationale.

En quelque sorte, c'est un « projet relatif aux fondements et à l'organisation du système de santé » dont il aurait été prioritaire que le Parlement puisse débattre tant il est vrai que le premier droit du malade est de pouvoir accéder à un système de santé efficient.

*

* *

En dépit du retard, en dépit de l'urgence imposée, en dépit du contexte inquiétant dans lequel il s'inscrit, votre commission a souhaité, comme elle le fait toujours, aborder le présent projet de loi sans a priori avec la volonté d'améliorer le dispositif et de parvenir à un accord avec l'Assemblée nationale.

Se faisant l'écho des débats au sein de la commission, vos rapporteurs expriment toutefois une inquiétude quant à la tonalité d'ensemble du projet de loi dont le titre premier a pour ambition de rétablir l'équilibre dans la relation patient-médecin.

Or, à leurs yeux, c'est la confiance mutuelle sur laquelle repose cette relation si particulière qu'il importe avant tout de préserver, voire de rétablir.

Si l'on devait résumer l'essentiel de l'activité médicale, il conviendrait, en reprenant les mots du Professeur René Mornex, de rappeler qu'elle consiste à donner du bonheur à son prochain, soit en le rassurant, soit en le guérissant, en le soulageant ou en l'accompagnant. C'est bien ce qui se passe au cours de la relation privilégiée qui s'établit entre un souffrant et un soignant, la rencontre d'une confiance et d'une conscience dont témoigne le colloque singulier.

Le présent projet de loi, malgré sa volonté affirmée de rééquilibrer la relation patient-médecin, comporte en réalité le risque de créer un déséquilibre et de contribuer à la judiciarisation, déjà de plus en plus marquée, des relations entre patients et professionnels de santé.

Il n'est pas évident en effet que l'on puisse multiplier à l'infini les obligations faites aux professionnels sans risquer de déséquilibrer le système et de le dénaturer.

Respecter les droits du malade est à l'évidence un impératif ; mais il faut aussi tenir compte de la complexité de l'acte médical, dans lequel l'absence de risque n'existe pas, pour lequel le médecin se confronte, en conscience, à des choix commandés par des examens et des symptômes qui ne sont pas toujours convergents, et pour lequel il n'a qu'une obligation de moyens et non de résultats.

Il n'est d'ailleurs pas sans signification que, dans le présent projet de loi, l'affirmation d'un droit des malades ne s'accompagne pas, en miroir, de l'énoncé, sinon des « obligations », du moins des responsabilités des patients ou « usagers » afin d'accéder, comme cela est annoncé dans son exposé des motifs, à « un équilibre harmonieux des responsabilités entre les usagers, les professionnels, les institutions sanitaires et l'Etat ».

A cet égard, l'utilisation de la terminologie « usager du système de santé » , qui se substitue au « patient » ou au « malade » tend à accréditer l'idée que le système de santé ne serait, au fond, qu'un service comme les autres, comparable par exemple au service des transports.

Or, il y a, dans l'acte médical, dans la relation patient-malade, une spécificité irréductible que le projet de loi s'efforce trop souvent de nier.

L'acte médical ne saurait être assimilé à une simple prestation de services comme une autre.

L'analyse formulée par l'Académie de médecine dans son avis, adopté à l'unanimité le 9 octobre dernier, témoigne de l'inquiétude que suscite une telle évolution « De grands mots tels que « démocratie sanitaire », « droits fondamentaux de la personne », « responsabilité des usagers du système de santé » ne sauraient suffire à dissimuler l'inspiration de ce texte qui se veut le reflet de l'incontestable évolution qui marque en notre société la relation médecin-malade. Notre tradition humaniste est profondément ébranlée par l'évolution scientifique et technique de la médecine, qui conduit à des attitudes consuméristes vis-à-vis du médecin qui tend à devenir prestataire de services mais aussi par les récentes et nouvelles peurs qui conduisent à des revendications sécuritaires et indemnitaires ».

Votre commission a souhaité, sans bouleverser l'économie du texte, proposer un certain nombre d'amendements de principe qui témoignent de cette préoccupation.

Le titre premier du projet de loi comporte également un dispositif destiné à « aménager la procédure d'élaboration de la politique de santé de manière à mieux y associer la représentation nationale ».

Vos rapporteurs rappellent qu'il s'agit là d'une préoccupation ancienne de votre commission. Dans un rapport de juin 1999 1 ( * ) , elle avait formulé un double constat : la notion de priorité de santé n'a de sens que dans un cadre pluriannuel ; le rapport d'orientation annexé à la loi de financement de la sécurité sociale, à l'expérience, n'a pas permis de donner un « contenu en santé » au débat annuel sur les finances sociales.

Aussi proposait-elle que le Parlement puisse débattre à intervalles réguliers de lois d'orientation assorties de programmes pluriannuels de santé publique. Il appartiendrait à la loi de financement, chaque année, de prévoir les voies et moyens permettant la mise en oeuvre de ces programmes et au Parlement, à cette occasion, d'en vérifier l'état d'exécution et les résultats.

De fait, la proposition de loi organique, issue de ces travaux et déposée le 5 avril, relative aux lois de financement de la sécurité sociale 2 ( * ) , articule une telle architecture.

Force est de constater que le présent projet de loi, de par sa nature peut être de loi ordinaire, reste très en deçà d'une telle ambition.

Aussi vos rapporteurs ont-ils souhaité tout au moins :

- affirmer l'horizon pluriannuel des priorités de santé publique ;

- mieux distinguer l'expertise technique, qui est du ressort du Haut conseil de la santé, et la prise de décisions politiques en vue de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui appartient au Gouvernement ;

- conserver au Parlement toute sa place dans le nouveau dispositif de santé publique : il ne peut être un acteur « passif » de la santé publique, intervenant seulement en aval ; il convient de lui donner la possibilité, par exemple, de saisir la Conférence nationale de santé et le Haut conseil de la santé ;

- donner un rôle majeur à un Haut conseil de la santé, aux missions élargies, outil d'expertise placé auprès des pouvoirs publics, organe chargé de l'évaluation annuelle de la politique de santé, s'appuyant notamment sur les travaux des conseils régionaux de santé.

De la même manière, pour le titre II, vos rapporteurs observent que, sous un intitulé ambitieux, les dispositions du présent projet de loi ne constituent pas, loin s'en faut, un programme cohérent d'amélioration de la qualité de notre système de santé. Elles apparaissent bien plus comme un catalogue de mesures disparates.

Certes, ces mesures sont souvent utiles et étaient, pour beaucoup, attendues.

Il serait toutefois illusoire d'y chercher les réponses de fond à la question de la nécessaire modernisation de notre système de santé.

Aussi, ce n'est sans doute pas un hasard si l'intitulé envisagé à l'origine pour le projet de loi, qui était « Modernisation du système de santé », a été finalement modifié. Ce glissement sémantique témoigne en définitive d'une révision à la baisse des objectifs initiaux. Vos rapporteurs le regrettent.

Quant au titre III consacré à la réparation des conséquences des risques sanitaires, vos rapporteurs se félicitent qu'il tente enfin d'apporter une réponse législative à la très délicate question de l'aléa médical et de son indemnisation.

Ils souscrivent donc largement à son économie générale tant il était nécessaire d'unifier et de stabiliser le droit applicable, d'origine essentiellement jurisprudentielle, en matière de responsabilité en cas d'accident médical et de définir un nouveau droit à indemnisation en cas d'aléa thérapeutique.

Il n'en reste pas moins que le dispositif proposé apparaît indéniablement complexe et présente certaines faiblesses et imprécisions qu'il importe de corriger.

*

* *

Enfin, prenant acte de la volonté du Gouvernement de poursuivre, dans le présent projet de loi, le débat sur l'arrêt Perruche, vos rapporteurs ont souhaité introduire un titre additionnel nouveau consacré à la « solidarité envers les personnes handicapées » .

A l'issue d'un débat particulièrement riche et d'une haute tenue, votre commission, à l'unanimité, a entendu clairement affirmer quatre principes :

- le droit, pour toute personne handicapée, quelle que soit la cause de sa déficience, à la compensation de celle-ci par la solidarité de la collectivité nationale ;

- l'absence de préjudice du seul fait de la naissance ;

- la confirmation du droit à réparation en cas de faute médicale ayant provoqué directement le handicap ;

- l'indemnisation du préjudice moral des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée.

Votre commission souhaite que ces principes, fondés sur le respect des personnes handicapées et l'équité à l'égard des médecins, puissent rencontrer un large consensus.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE ADDITIONNEL AVANT LE TITRE PREMIER
-
SOLIDARITÉ ENVERS LES PERSONNES HANDICAPÉES

Article additionnel avant le titre premier
Solidarité envers les personnes handicapées

Prenant acte de la volonté du Gouvernement de poursuivre dans le présent projet de loi le débat sur l'arrêt Perruche, votre commission vous propose d'introduire un titre additionnel nouveau avant le titre premier consacré à la « solidarité envers les personnes handicapées » , comportant un article unique.

Ce titre et l'article qu'il comporte posent quatre principes :

- le droit pour toute personne handicapée, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de la collectivité nationale ;

- l'absence de préjudice du seul fait de la naissance ;

- le droit à réparation en cas de faute médicale ayant provoqué directement le handicap ;

- l'indemnisation du préjudice moral des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée.

C'est sur ce dernier point que le texte que votre commission vous propose diffère essentiellement de celui adopté par l'Assemblée nationale dans le cadre de la proposition de loi relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicaps congénitaux 3 ( * ) . Les députés ont en effet prévu la possibilité d'une indemnisation des titulaires de l'autorité parentale destinée à la personne handicapée, correspondant aux charges particulières découlant, tout au long de sa vie, de son handicap.

Votre commission a, pour sa part, estimé que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne répondait en rien au problème soulevé par l'arrêt Perruche puisqu'il ne faisait que transférer de l'enfant aux parents l'indemnisation du handicap, dans le droit fil de la jurisprudence du Conseil d'Etat issue de l'arrêt Quarez (1997).

Elle a considéré pour sa part que lorsque la responsabilité d'un médecin est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute, rien ne justifiait de faire porter sur le médecin fautif l'indemnisation, tout au long de la vie de l'enfant, des charges résultant de ce handicap. Le médecin n'est pas à l'origine de ce handicap ; il n'a pas commis de faute vis-à-vis de l'enfant et sa responsabilité à l'égard des parents ne peut être engagée qu'à hauteur du préjudice moral que ceux-ci ont subi.

Votre commission a jugé que la jurisprudence Perruche aboutissait à créer une inégalité choquante entre deux types de handicapés : ceux qui seraient indemnisés parce qu'une faute avait pu être commise par un médecin lors du diagnostic prénatal et ceux pour lesquels aucune faute n'était intervenue et qui ne bénéficieraient donc jamais d'une quelconque compensation.

Estimant qu'il était du devoir de la société d'apporter une réponse adaptée aux déficiences de certains de ses membres, votre commission a jugé qu'il revenait à la solidarité nationale de prendre en charge l'ensemble des personnes handicapées, quelle que soit l'origine de leur handicap.

En conséquence, la rédaction que vous propose votre commission pour cet article additionnel comporte quatre paragraphes.

Le premier alinéa du I reprend, en le modifiant, le texte adopté au premier alinéa de l'article premier de la proposition de loi relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicaps congénitaux, adoptée par l'Assemblée nationale le 10 janvier dernier.

Il a pour objet d'affirmer que « le seul fait » de la naissance ne peut en soi constituer un préjudice.

Il rend irrecevable toute action en responsabilité uniquement fondée sur le seul fait d'être né. Il empêche ainsi un enfant de se retourner contre ses parents pour l'avoir fait naître. En revanche, il n'empêche pas une action en responsabilité qui serait fondée sur les circonstances qui ont entouré et la conception et la naissance elle-même, comme par exemple l'action en réparation du préjudice de l'enfant issu d'un viol ou d'un inceste, ou encore celle de l'enfant dont le handicap résulte des blessures causées volontairement ou involontairement pendant la grossesse.

Votre commission a souhaité supprimer le membre de phrase « fût-il né handicapé » , introduit par l'Assemblée nationale, qu'il a jugé stigmatisant à l'égard des personnes handicapées.

Le deuxième alinéa reprend sans le modifier le deuxième alinéa du texte figurant à l'article premier de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.

Il a pour objet, dans le cadre général de la responsabilité médicale à laquelle il n'est pas dérogé, de préciser les conditions de l'action en réparation du handicap par la personne handicapée elle-même.

La personne née handicapée ne peut obtenir réparation de son handicap que si la faute commise par un professionnel de santé a, soit provoqué son handicap, soit, alors que le handicap existait, l'a aggravé ou a empêché de l'atténuer, voire de le guérir.

La responsabilité médicale, comme la responsabilité civile en général, suppose, pour être engagée, une faute, un dommage, un lien de causalité entre la faute et le dommage. Dans l'hypothèse traitée par cet alinéa, le lien de causalité doit être entendu strictement. Le dommage doit avoir été directement provoqué par la faute, ou aggravé ou non atténué par celle-ci. Il peut s'agir, par exemple, d'une mauvaise exécution d'une intervention chirurgicale créant une infirmité ou d'une intervention chirurgicale sur une femme enceinte qui atteint l'enfant, ou encore d'une erreur fautive de médication à la mère qui intoxique l'enfant et lui crée des lésions.

Le troisième alinéa du I du texte proposé par votre commission a pour objet de préciser l'étendue du préjudice dans le cas spécifique où la faute médicale a été commise au cours du diagnostic prénatal et n'a pas permis de déceler le handicap. Il répond donc à la situation particulière évoquée dans l'arrêt Perruche.

Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-vis des parents, les titulaires de l'autorité parentale peuvent demander une indemnisation liée à la charge particulière résultant du handicap de l'enfant et obtenir une indemnité destinée à cette fin.

Il ne s'agit pas d'un droit de l'enfant à agir contre l'auteur de la faute (contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation), mais dans la mesure où cette indemnité concerne la personne handicapée elle-même, cette indemnité lui est affectée.

Cette indemnité correspond aux charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de son handicap, déduction faite du montant des allocations et prestations dont cette personne bénéficie au titre de la solidarité nationale ou de la sécurité sociale. Les organismes sociaux ne peuvent exercer de recours à l'encontre de l'auteur de la faute pour obtenir le remboursement des allocations et prestations versées.

A l'opposé du choix fait par l'Assemblée nationale, la rédaction que vous propose votre commission limite l'indemnisation des parents au seul préjudice moral, constitué par la perte de choix qu'a occasionnée la faute de diagnostic. Par cette faute, le médecin a en effet privé les parents de la possibilité d'interrompre cette grossesse.

Le troisième alinéa du I du texte proposé par votre commission prévoit ainsi que, lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents ne peuvent demander une indemnité qu'au titre de leur préjudice moral.

Votre commission a donc souhaité que cette indemnisation ne soit ouverte qu'aux seuls parents, et non aux titulaires de l'autorité parentale qui, s'ils ne sont pas les parents, n'ont pas subi de préjudice moral.

Elle a entendu couvrir tous les cas de handicap et non, comme dans le texte de l'Assemblée nationale, les handicaps « d'une particulière gravité » .

Elle a également visé la faute caractérisée et non, comme dans le texte de l'Assemblée nationale, la faute lourde.

Le dernier alinéa du texte proposé par votre commission vise à régler, comme le fait le texte de l'Assemblée nationale, l'application des dispositions nouvelles aux procédures en cours et reprend à l'identique le texte adopté par l'Assemblée nationale : les dispositions du présent paragraphe sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation.

Le II du texte proposé par votre commission affirme solennellement le principe que toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale.

Le III reprend l'article 2 du texte voté par l'Assemblée nationale et crée, dans des conditions définies par décret, un Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées, chargé d'observer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes.

Le IV rend applicable le présent article en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre et Miquelon et à Mayotte.

Il convient de souligner que cet amendement a été adopté par la commission à l'unanimité , à l'issue d'un débat particulièrement riche.

Votre commission vous propose en conséquence d'adopter cette division additionnelle et cet article additionnel.

TITRE PREMIER
-
DÉMOCRATIE SANITAIRE
CHAPITRE PREMIER
--
Droits de la personne

Article premier
(art. L. 1110-1 à L. 1110-6 nouveaux du code de la santé publique)
Droits fondamentaux

Objet : Cet article insère un chapitre préliminaire avant le chapitre I er du titre I er du livre I er de la première partie du code de la santé publique, relatif aux droits de la personne.

Art. L. 1110-1 du code de la santé publique
Droit à la protection de la santé

I - Le dispositif proposé

L'article L. 1110-1 affirme en priorité le droit à la protection de la santé, droit reconnu par le Préambule de la Constitution de 1946 et qui constitue dès lors un principe commun à toute législation concernant la santé.

Cet article prévoit que les acteurs de la santé doivent employer tous les moyens à disposition pour mettre en oeuvre ce droit à la santé, et au bénéfice de toute personne.

La mise en oeuvre de ce droit passe par le développement de la prévention, l'égal accès de chaque personne aux soins les plus appropriés à son état de santé, la continuité des soins, la sécurité sanitaire.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements à cet article présentés par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur :

- le premier est rédactionnel ;

- le second tend à introduire les organismes d'assurance maladie dans la liste des différents intervenants concourant à la mise en oeuvre du droit à la protection de la santé.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement rédactionnel.

Art. L. 1110-2 du code de la santé publique
Droit au respect de la dignité

L'article L. 1110-2 affirme le droit de la personne malade au respect de sa dignité.

Le droit de la personne au respect de sa dignité auquel le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle, et qui figure aussi dans le code civil, est désormais inscrit dans le code de la santé publique comme un des droits fondamentaux de la personne.

Une première reconnaissance de ce droit dans le code de la santé publique avait d'ailleurs été introduite dans le cadre de la loi sur les soins palliatifs, dont l'initiative revient à M. Lucien Neuwirth, ancien rapporteur de votre commission.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 1110-3 du code de la santé publique
Principe de non-discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins

I - Le dispositif proposé

L'article L. 1110-3 introduit dans le code de la santé publique un principe général de non-discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins.

Il reprend la définition de la discrimination énoncée et sanctionnée par le code pénal dont l'article 225-1 dispose : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs moeurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une race ou une religion déterminée. »

Il y ajoute deux motifs supplémentaires pour lesquels toute discrimination sera interdite :

- les caractéristiques génétiques, en raison des risques nouveaux que les évolutions en ce domaine peuvent comporter pour les droits des personnes ;

- l'orientation sexuelle.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement présenté par le rapporteur tendant à une nouvelle rédaction qui supprime l'énumération des motifs de discrimination et préfère l'affirmation d'un principe général de non-discrimination dans l'accès à la prévention ou aux soins.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 1110-4 du code de la santé publique
Secret médical

I - Le dispositif proposé

Cet article conforte les règles du droit positif, et notamment celles posées par la jurisprudence, en matière de respect de la vie privée et de confidentialité des informations médicales relatives à un patient.

Le premier alinéa affirme tout d'abord que toute personne prise en charge par le système de santé a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations qui la concernent.

Institué dans l'intérêt du malade, le secret médical s'impose aux professionnels de santé, médecins et membres de l'équipe médicale, ceux-ci étant soumis au secret professionnel pénalement sanctionné par l'article 226-13 du code pénal.

Le deuxième alinéa rappelle que le secret couvre toutes les informations, médicales ou non, venues à la connaissance du professionnel de santé comme le précise l'article 4 du code de déontologie médicale qui dispose que « Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris. ».

Il précise ensuite, conformément à la jurisprudence, que le secret s'impose au professionnel, même à l'égard de ses collègues.

Par dérogation à cette règle, le troisième alinéa organise « le secret partagé ».

En effet, les évolutions de la prise en charge, la spécialisation et la nécessité de conforter les réseaux de soins multiplient les échanges d'informations concernant le malade entre les professionnels.

De même, à l'hôpital, la prise en charge est collective. La pluridisciplinarité des équipes soignantes, les missions d'enseignement ou les activités liées à la médicalisation du système d'information conduisent à ce que différents professionnels de santé ont à connaître des informations concernant le patient, qui sont théoriquement couvertes par le secret. De même, les échanges d'informations entre services sont indispensables pour le bon déroulement du séjour hospitalier.

Cet alinéa reconnaît donc dans la loi la possibilité du partage du secret entre professionnels, mais à la double condition que ces informations leur soient nécessaires et que l'échange d'information ait pour but l'efficacité et la continuité de la prise en charge.

L'intéressé pourra toujours s'y opposer mais, dans l'établissement de santé, ces informations sont réputées confiées à l'équipe de soins, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat selon laquelle, dans ce cas, « c'est à l'ensemble du personnel médical que, sauf prescription particulière de la part de ce malade, le secret médical est confié ».

Le quatrième alinéa vise à garantir la confidentialité de ces informations lorsqu'elles sont conservées sur support informatique ou transmises par voie électronique. Il précise également, de manière restrictive par rapport au reste de l'article, que ces règles spécifiques s'appliquent, non à l'ensemble des informations mais aux informations médicales.

Le code de déontologie médicale (article 35) oblige les médecins, en cas de pronostic grave, à prévenir les proches du malade, sauf si celui-ci s'y est opposé. Le cinquième alinéa autorise la levée du secret professionnel dans ce cas « pour apporter un soutien à la personne malade ». Les informations visées concernent donc l'issue de la maladie plus que les causes de celle-ci qui restent couvertes par le secret médical.

Enfin, le sixième alinéa organise l'accès des ayants droit aux informations concernant le défunt. Le secret médical ne disparaissant pas avec le décès de la personne, cet alinéa énonce de façon limitative les cas dans lesquels ils auront accès aux informations nécessaires : pour connaître les causes de la mort, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt. Il consacre ainsi les dérogations au secret médical qui ont été posées par le juge en faveur des ayants droit.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article trois amendements présentés par le rapporteur tendant respectivement à :

- étendre à l'ensemble des professionnels en contact avec les patients le respect du secret médical ;

- préciser les règles garantissant la confidentialité des données médicales informatisées ;

- permettre au médecin, en cas de diagnostic grave, d'informer les proches de la personne malade ou la personne de confiance.

Elle a également adopté un amendement présenté par MM. Marc Laffineur, Jean-François Mattei et plusieurs de leurs collègues tendant à prévoir que toutes les personnes qui interviennent dans la filière de santé doivent être tenues au secret professionnel, qui ne s'impose pas aux seuls professionnels de santé.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter à cet article trois amendements :

- le premier est rédactionnel ;

- le deuxième ramène de 20.000 euros à 15.000 euros l'amende encourue en cas de violation des règles définies dans l'article, conformément au quantum habituellement prévu par le code pénal ;

- le troisième corrige une erreur matérielle.

Art. L. 1110-5 du code de la santé publique
Accès à des soins de qualité

I - Le dispositif proposé

Cet article pose le droit pour toute personne de recevoir des soins adéquats et de bénéficier des thérapeutiques les plus efficaces, puis en définit les principes.

Il précise ainsi que le droit pour toute personne de recevoir les soins les plus appropriés à son état doit s'apprécier en fonction de l'urgence et au regard des connaissances médicales avérées.

Il donne ensuite une valeur légale au principe de proportionnalité entre le bénéfice thérapeutique et le risque encouru consacré par l'article 40 du code de déontologie selon lequel « Le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié ».

Enfin, il affirme de façon générale le droit à une prise en charge de la douleur.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article deux amendements présentés par le rapporteur apportant des précisions rédactionnelles.

Elle a également adopté un amendement présenté par M. Jean-Michel Dubernard qui prévoit que « chacun a droit à une mort digne. »

III - La position de votre commission

Si votre rapporteur partage naturellement les principes définis par cet article, la disposition prévoyant que « chacun a droit à une mort digne » soulève en revanche de nombreuses difficultés.

Si l'on conçoit ce que doit être une vie digne, on voit mal, en revanche, ce qu'est une mort digne et en quoi la mort pourrait avoir une quelconque dignité.

Cette disposition pourrait en outre être interprétée, même si ce n'est pas la volonté de ses auteurs, comme une légalisation de l'euthanasie, ce qui serait, pour votre rapporteur, inacceptable.

Pour ces raisons, votre rapporteur vous propose d'adopter une nouvelle rédaction de cet alinéa, qui prévoit que « les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort. »

Votre commission vous propose en outre d'adopter à cet article deux autres amendements :

- le premier est rédactionnel ;

- le second vise à substituer à la notion de « connaissances médicales avérées » celle de « données acquises de la science », conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation. La formulation « données acquises de la science » est de longue date consacrée par la jurisprudence. Elle a d'ailleurs été récemment confirmée par la Cour de Cassation. Ses contours sont définis et connus.

Art. L. 1110-5-1 du code de la santé publique
Suivi scolaire des enfants hospitalisés

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le rapporteur, tendant à insérer un article L. 1110-5-1 qui prévoit que, dans la mesure où leurs conditions d'hospitalisation le permettent, les enfants en âge scolaire ont droit à un suivi scolaire adapté délivré au sein des établissements de santé.

Votre rapporteur ne peut que souscrire pleinement à cette disposition.

Art. L. 1110-6 du code de la santé publique
Prise en compte du respect des droits des malades pour l'accréditation

Cet article introduit le respect des droits des malades parmi les éléments pris en compte dans l'évaluation des soins et l'accréditation des établissements de santé. Les agences régionales de l'hospitalisation devront également être informées des actions mises en oeuvre dans ce domaine et des résultats obtenus.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous proposé d'adopter cet article sans modification.

Votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du présent article premier ainsi amendé.

Article premier bis (nouveau)
(art. 16-13 nouveau du code civil)
Principe de non-discrimination
en raison des caractéristiques génétiques

Objet : Cet article, qui modifie le code civil, le code pénal et le code du travail, vise à prohiber les discriminations effectuées au titre des caractéristiques génétiques des personnes.

I - Le dispositif proposé

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, résulte d'un amendement présenté par MM. Denis Claeys, Bernard Charles et Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Il introduit, dans le présent projet de loi, l'article premier du projet de loi relatif à la bioéthique, actuellement examiné en première lecture par l'Assemblée nationale.

Cet article se propose de combler une lacune de la législation relative à l'interdiction des discriminations en modifiant tout à la fois le code civil, le code pénal et le code du travail.

Un principe d'interdiction des discriminations est actuellement édicté par les articles 225-1 à 225-4 du code pénal ainsi que par l'article L. 122-45 du code du travail, mais ces dispositions ne prennent pas en compte le nouveau facteur de discrimination à l'égard des personnes que peut constituer la connaissance de leurs caractéristiques génétiques.

Or, les risques potentiels liés à une utilisation discriminatoire des résultats des examens génétiques tendent à croître, dans des domaines tels que ceux du contrat d'assurance ou du contrat de travail. En effet, en raison des progrès intervenus en matière de tests génétiques, les prédispositions à des pathologies susceptibles d'être révélées sont de plus en plus nombreuses. En outre, on assiste à l'apparition d'une offre de dispositifs de tests dont la nature n'exclut pas qu'ils puissent échapper à l'avenir au cadre de la prescription et de la mise en oeuvre par des professionnels de santé.

Il convient de rappeler qu'un principe de prohibition des discriminations fondées sur les caractéristiques génétiques des personnes a été énoncé par des instruments internationaux récents tels que la convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'Homme et la biomédecine, dans son article 11, et la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'Homme, dans son article 6.

De même, les caractéristiques génétiques sont expressément mentionnées, en tant que source possible de discrimination, dans le principe de non-discrimination figurant à l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Le I du présent article insère au chapitre III du titre I er du livre I er du code civil, qui contient les garanties de protection en matière d'examen des caractéristiques génétiques d'une personne, un article 16-13 stipulant que nul ne peut faire l'objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques.

Le II étend le délit de discrimination défini aux articles 225-1 et 225-2 du code pénal aux discriminations opérées à raison des caractéristiques génétiques des personnes et précise la portée de la dérogation prévue au 1° de l'article 225-3 en ce qui concerne les discriminations fondées sur l'état de santé. La répression de telles discriminations, lorsqu'il s'agit de prendre en compte les résultats des test prédictifs d'une maladie future ou d'une prédisposition génétique à une maladie, est maintenue.

Enfin, le III complète l'article L. 122-45 du code du travail en étendant l'interdiction des discriminations en matière de recrutement, de sanction et de licenciement qui y figure aux discriminations fondées sur les caractéristiques génétiques.

II - La position de votre commission

Votre commission partage naturellement les objectifs poursuivis par cet article. Elle regrette cependant que l'Assemblée nationale ait souhaité dissocier cet article du projet de loi relatif à la bioéthique, anticipant de la sorte sur un débat plus global.

Cet article avait, à l'évidence, davantage vocation à être examiné à la lumière des autres dispositions dudit projet de loi.

Sous réserve de cette observation, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article premier ter (nouveau)
(art. L. 6111-1 du code de la santé publique)
Prise en compte des questions éthiques

Objet : Cet article inclut dans les missions des établissements de santé la réflexion sur les questions éthiques posées par l'accueil et la prise en charge médicale.

I - Le dispositif proposé

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, résulte d'un amendement présenté par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur de la commission.

Il complète l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, relatif aux missions des établissements de santé, afin de prévoir que ceux-ci mènent, en leur sein, une réflexion sur les questions éthiques posées par l'accueil et la prise en charge médicale.

II - La position de votre commission

Votre commission partage les objectifs poursuivis par cet amendement. La dimension éthique est effectivement une composante essentielle de la réflexion que les établissements de santé doivent conduire afin d'améliorer les conditions de prise en charge des personnes qu'ils accueillent.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 2
(art. L. 315-1 du code de la sécurité sociale)
Accès des médecins conseils à des données de santé à caractère personnel

Objet : Cet article donne une base légale à l'accès des médecins conseils aux données de santé à caractère personnel.

I - Le dispositif proposé

Les articles 2, 3 et 4 du présent projet de loi autorisent, compte tenu des missions qui leur sont confiées, d'autres médecins que ceux qui prennent en charge le malade à accéder à des données normalement couvertes par le secret médical : médecins conseils de l'assurance maladie -c'est l'objet du présent article-, médecins experts de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) (article 3) et médecins de l'Inspection générale des affaires sociales (article 4) .

Le présent article complète l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale qui définit, d'une part, la nature du contrôle médical et, d'autre part, les missions du service du contrôle médical.

Il précise que les médecins conseils du contrôle médical et les personnes placées sous leur autorité ont accès aux données de santé à caractère personnel nécessaires à l'exercice de leurs missions.

Pour exercer leur mission de contrôle médical, les médecins conseils des organismes d'assurance maladie sont en effet amenés à consulter des données personnelles relatives aux malades qui sont couvertes par le secret médical. Cette nécessité se heurte au secret professionnel qui s'impose aux professionnels de santé détenteurs de ces informations, même à l'égard de leurs collègues.

En l'état actuel de la réglementation, l'article L. 1112-1 du code de la santé publique leur ouvre l'accès aux informations médicales contenues dans les dossiers médicaux hospitaliers.

Pour l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des professionnels de santé exerçant en ville, leurs prérogatives ne résultent que de l'article R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale selon lequel :

« Lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé en application du IV de l'article L. 315-1, il peut se faire communiquer, dans le cadre de cette mission, l'ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à cette activité.

« Dans le respect des règles de la déontologie médicale, il peut consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l'objet de soins dispensés par le professionnel concerné au cours de la période couverte par l'analyse. Il peut, en tant que de besoin, entendre et examiner ces patients après en avoir informé le professionnel. »

Le présent article a donc pour objet de donner une base légale générale à l'accès des médecins conseils aux données de santé à caractère personnel.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement présenté par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur, tendant à mieux encadrer, par une nouvelle rédaction, la levée du secret médical que suppose l'exercice du contrôle médical.

L'amendement adopté prévoit ainsi que les praticiens conseils du service du contrôle médical et les personnes placées sous leur autorité n'ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l'exercice de leur mission, dans le respect du secret médical.

III - La position de votre commission

Votre commission approuve la modification apportée par l'Assemblée nationale qui est de nature à mieux encadrer la dérogation ainsi prévue au principe du secret médical.

Elle vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 3
(art. L. 1414-4 du code de la santé publique)
Accès des médecins experts de l'ANAES
à des données de santé à caractère personnel

Objet : Cet article autorise l'accès des médecins experts de l'ANAES aux données de santé à caractère personnel.

I - Le dispositif proposé

Cet article complète l'article L. 1414-1 du code de la santé publique relatif à la possibilité pour l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) de s'assurer la collaboration d'experts afin de développer l'évaluation des soins et des pratiques professionnelles et de mettre en oeuvre la procédure d'accréditation.

Il prévoit, pour ces médecins experts, une disposition similaire à celle prévue pour les médecins conseils de la sécurité sociale par l'article 2.

Il précise que les médecins experts de l'Agence ont accès aux données de santé à caractère personnel nécessaires à l'exercice de leur mission d'accréditation lors de leurs visites dans les établissements de santé.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement présenté par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur, similaire à celui adopté à l'article 2 et qui tend donc à mieux encadrer, par une nouvelle rédaction, la levée du secret médical que suppose l'exercice de la mission d'accréditation.

L'amendement adopté prévoit ainsi que les médecins experts de l'agence n'ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l'exercice de leur mission d'accréditation lors de leur visite sur les lieux, dans le respect du secret médical.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 4
(art. 42 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996)
Accès des membres de l'IGAS
à des données de santé à caractère personnel

Objet : Cet article autorise l'accès des membres médecins de l'IGAS aux données de santé à caractère personnel.

I - Le dispositif proposé

Cet article complète le II de l'article 42 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire, relatif au contrôle par l'Inspection générale des affaires sociales du compte d'emploi des sommes collectées auprès du public par les associations faisant appel à la générosité publique, afin de vérifier la conformité des dépenses engagées par ces organismes aux objectifs poursuivis.

Il prévoit, pour les médecins membres de l'IGAS, une disposition similaire à celle prévue pour les médecins conseils de la sécurité sociale par l'article 2 et pour les médecins experts de l'ANAES par l'article 3.

Il précise ainsi que les membres de l'Inspection générale des affaires sociales titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre permettant l'exercice en France de la profession de médecin ont accès aux données de santé à caractère personnel nécessaires à l'exercice de cette mission de contrôle lors de leur visite sur les lieux.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement présenté par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur, similaire à ceux adoptés aux articles 2 et 3 et qui tend donc à mieux encadrer, par une nouvelle rédaction, la levée du secret médical que suppose l'exercice de cette mission de contrôle.

L'amendement adopté prévoit ainsi que les médecins membres de l'IGAS n'ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l'exercice de leur mission lors de leur visite sur les lieux, dans le respect du secret médical.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement rédactionnel.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 5
Dispositions de coordination

Objet : Cet article comporte des dispositions de coordination avec l'article premier du projet de loi.

I - Le dispositif proposé

L'article premier ayant introduit un nouveau chapitre en tête du code de la santé publique relatif aux droits fondamentaux des personnes, cet article intègre dans ce nouveau chapitre les articles L. 1111-1, L. 1111-3, L. 1111-4 et L. 1111-5 actuels du code qui comportent également des dispositions relatives à des principes généraux (libre- choix du praticien, accès aux soins palliatifs, accompagnement des personnes en fin de vie par des bénévoles).

Dans un souci probable de perfection esthétique, la numérotation de ces articles est modifiée : les articles L. 1111-1, L. 1111-3, L. 1111-4 et L. 1111-5 deviennent respectivement les articles L. 1110-7, L. 1110-8, L. 1110-9 et L. 1110-10.

Cet article abroge en outre l'article L. 1111-2 qui prévoit que « la personne malade peut s'opposer à toute investigation ou thérapeutique » , disposition devenue redondante avec l'article L. 1111-3 nouveau relatif aux règles du consentement, figurant à l'article 6 du projet de loi.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut que regretter une nouvelle fois le choix ainsi fait de renuméroter des articles du code de la santé publique.

Une telle démarche est contraire à toute lisibilité de la loi et toute sécurité juridique pour ceux qui s'y réfèrent. Ainsi, il appartiendra aux « usagers » des articles L. 1111-1, L. 1111-3, L. 1111-4 et L. 1111-5 du code de la santé publique de s'apercevoir que ces articles ne sont plus ce qu'ils étaient mais que leur contenu se dissimule désormais sous les articles L. 1110-7, L. 1110-8, L. 1110-9 et L. 1110-10.

En réalité, cette vision de la codification relève d'une sorte de « syndrome du pont de la rivière Kwaï » déjà dénoncé par votre commission : la perfection formelle de l'ouvrage l'emporte sur l'usage qui en est fait.

Votre rapporteur avait envisagé un moment de s'opposer à cette renumérotation ; il y a finalement renoncé car cette décision aurait conduit à modifier, dans le texte du projet de loi, la numérotation de très nombreux articles du code, gênant considérablement la navette parlementaire.

Sous réserve de cette observation, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE II
-
Droits des usagers

L'exposé des motifs du projet de loi indique qu'il s'agit avec ce chapitre de « rééquilibrer les relations entre le professionnel de santé et le malade, en faisant de ce dernier un véritable acteur de santé ».

Selon le Gouvernement, « ce chapitre vise à tirer les conséquences de l'évolution de la relation entre malade et médecin dans notre société. Cette évolution est souhaitée tant par les malades et leurs associations que par les professionnels de santé eux-mêmes. La notion de patient au sens de personne passive soumise aux décisions médicales doit être dépassée. La relation repose davantage sur la responsabilité, faisant du malade un véritable acteur de sa santé, partenaire des professionnels. Une relation plus équilibrée doit s'établir entre le professionnel de santé et le malade. »

Pour votre rapporteur, c'est moins l'équilibre qui compte en la matière que la confiance mutuelle sur laquelle repose cette relation si particulière entre le malade et son médecin.

Or, ce texte, malgré sa volonté affirmée de rééquilibrer la relation patient-médecin, risque en réalité de créer un déséquilibre au profit du patient et de contribuer à la judiciarisation, déjà de plus en plus marquée, des relations entre patients et professionnels de santé.

L'examen du présent projet de loi intervient de surcroît dans un climat peu favorable, marqué par la dégradation extrême des relations entre le Gouvernement et les principaux acteurs du monde de la santé et par une multiplication des mises en cause de responsabilité qui inquiètent légitimement les professionnels de santé.

Il est apparu à votre rapporteur significatif et regrettable que, dans le projet de loi, l'affirmation d'un droit des malades ne s'accompagne pas, en miroir, de l'énoncé des « obligations » ou du moins des responsabilités des patients et usagers afin d'accéder, comme cela est annoncé dans l'exposé des motifs, à « un équilibre harmonieux des responsabilités entre les usagers, les professionnels, les institutions sanitaires et l'Etat ».

Pour ces raisons, sans bouleverser l'économie de ce texte, votre rapporteur proposera au présent chapitre un certain nombre d'amendements de principe, qui témoigneront des préoccupations de votre commission.

Le premier de ces amendement consiste à modifier son intitulé afin de rappeler solennellement que les droits ainsi reconnus aux usagers du système de santé sont autant de responsabilités nouvelles pour eux.

Votre commission vous propose en conséquence d'adopter un amendement rédigeant comme suit l'intitulé de ce chapitre : « Droits et responsabilités des usagers ».

Art. 6
(art. L. 111-1 à L. 111-7 du code de la santé publique)
Information des usagers du système de santé
et expression de leur volonté

Objet : Cet article consacre deux principes étroitement liés : celui de l'information du malade sur son état de santé ainsi que sur les actes ou les traitements qui lui sont proposés et celui de son consentement à ces actes et traitements.

Article additionnel avant l'article L. 1111-1
du code de la santé publique (nouveau)
Responsabilités des usagers du système de santé

Votre commission vous propose d'adopter un amendement insérant avant l'article L. 1111-1 du code de la santé publique un article additionnel stipulant que « les droits reconnus aux usagers s'accompagnent de responsabilités particulières de nature à garantir la pérennité de notre système de santé et des principes sur lesquels il repose. »

Les usagers du système de santé n'ont en effet pas que des droits : ils ont aussi des obligations et des responsabilités particulières.

Art. L. 1111-1 du code de la santé publique
Droit à l'information des usagers du système de santé

I - Le dispositif proposé

Cet article opère une synthèse du droit positif en inscrivant, dans le code de la santé publique, le principe général d'une information des usagers du système de santé.

L'information du patient est aujourd'hui une obligation déontologique pour les professionnels de santé. Elle est ainsi consacrée par l'article 35 du nouveau code de déontologie médicale pour les médecins : « Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. »

La jurisprudence de la Cour de cassation a progressivement défini les modalités de délivrance des informations au patient et en a tiré des conséquences en matière de responsabilité du professionnel et d'indemnisation de la victime.

Par ailleurs, la loi prévoit, d'ores et déjà dans certains cas, une information approfondie de la personne. Il en est ainsi en matière de don d'organe ( loi du 22 décembre 1976 ), d'interruption volontaire de grossesse ( article L. 2212-3 du code de la santé publique ), de recherche biomédicale ( article L. 1122-1 du code de la santé publique ) et de prélèvement d'organe sur une personne vivante en vue d'un don ( article L. 1231-1 du code de la santé publique ).

Le présent article prévoit donc d'abord un droit général pour toute personne à être informée par les professionnels de santé sur son état de santé et aussi sur les soins qui lui sont proposés, sur leurs conséquences et les risques éventuels qu'ils comportent mais également sur les solutions alternatives et sur les conséquences éventuelles d'un refus de sa part.

L'objectif est de permettre à la personne de disposer de toutes les données nécessaires à la compréhension de sa situation et d'éclairer sa prise de décision, afin qu'elle soit en mesure de consentir de manière libre et éclairée aux actes médicaux et traitements envisagés à son égard.

L'obligation d'information est également prescrite lorsque les risques liés à des actes de soins ou de prévention sont identifiés postérieurement à la réalisation de ces actes.

Parallèlement, l'article préserve la volonté du malade de ne pas être informé : ce principe du droit de ne pas savoir, posé notamment dans la Convention européenne sur la biomédecine, est le corollaire du droit de savoir. Une exception est prévue lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission, par exemple infectieuse ou génétique : dans ce cas, il faut que le malade puisse exercer sa responsabilité vis-à-vis d'autrui.

Des dispositions spécifiques sont prévues pour les mineurs et majeurs sous tutelle qui, outre les dispositions légales relatives à l'autorité parentale ou à la tutelle, doivent recevoir une information adaptée.

Afin de guider les professionnels dans l'exercice de cette mission, des références professionnelles seront définies par l'ANAES.

Enfin, l'article consacre la solution jurisprudentielle du problème de la charge de la preuve en précisant qu'elle incombe aux professionnels de santé ; cette preuve peut être apportée par tout moyen.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article cinq amendements présentés par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur, tendant respectivement à :

- préciser que toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé ;

- prévoir que cette information incombe à tout professionnel de santé ;

- préciser que la volonté du patient de ne pas être informé doit être respectée, quelle que soit la gravité de son état ;

- supprimer le renvoi aux codes de déontologie pour déterminer les modalités d'application des règles relatives à l'information ;

- préciser qu'en cas d'hospitalisation dans un établissement de santé, l'obligation d'information repose sur l'établissement et non le médecin.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter un amendement réintroduisant dans le texte la référence aux codes de déontologie, supprimée par l'Assemblée nationale.

Il serait ainsi précisé que les modalités d'application du présent article sont fixées pour les professionnels de santé par leur code de déontologie respectif et, pour les établissements et réseaux de santé ou tout autre organisme concerné, par décret en Conseil d'Etat.

Art. L. 1111-2 du code de la santé publique
Droit à l'information sur les frais découlant des soins

I - Le dispositif proposé

Le droit à l'information porte également sur les coûts occasionnés par les soins, qu'il s'agisse des frais incombant à la personne elle-même ou des modalités habituelles de remboursement par les régimes obligatoires d'assurance maladie : c'est l'objet de l'article L. 1111-2.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement de précision présenté par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement supprimant une disposition redondante.

Art. L. 1111-3 du code de la santé publique
Consentement du patient aux décisions concernant sa santé

I - Le dispositif proposé

L'article L. 1111-3 vise à renforcer le droit au consentement libre et éclairé du patient.

Des dispositions sur le consentement existent déjà dans des textes de nature différente : la Convention européenne sur les droits de l'homme et la biomédecine consacre un chapitre entier au consentement ; le code de déontologie médicale lui fait une place privilégiée, mais il s'agit toutefois dans ce cadre davantage d'un devoir du médecin que d'un droit du malade ; la charte du patient hospitalisé rappelle également l'importance de ce principe.

La loi du n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales en a fait une pierre angulaire de son dispositif. Une des lois de bioéthique du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain a introduit dans le code civil l'obligation de recueillir le consentement de la personne préalablement à toute intervention thérapeutique. Les conséquences de ce principe du consentement sont ensuite tirées dans l'ensemble des dispositions du code de la santé publique relatives à la bioéthique (assistance médicale à la procréation, don d'organe, médecine prédictive...).

L'article L. 1111-3 consacre sur un plan général l'évolution des relations entre malade et médecin en posant le principe que la personne prend les décisions concernant sa santé, compte tenu des informations que lui donnent les professionnels de santé et des choix qu'ils préconisent.

Il fixe les éléments de la notion de consentement éclairé comme manifestation de la volonté et de la responsabilité de la personne.

Le droit de refuser des soins fait l'objet de précisions, notamment sur l'obligation faite au médecin d'informer le malade des conséquences de son choix qui doit en tout état de cause être respecté.

Le souci de privilégier dans toute la mesure du possible la recherche du consentement inspire également la disposition, proche de celle existant dans le code de déontologie médicale, subordonnant toute intervention ou investigation devant être effectuée sur une personne se trouvant dans l'incapacité de s'exprimer à la consultation d'un tiers susceptible d'éclairer l'équipe médicale sur la volonté du malade : personne de confiance (instituée par l'article L. 1111-5), famille ou membre de l'entourage direct. Seule l'urgence ou l'impossibilité de joindre ces tiers peut justifier que cette obligation ne soit pas respectée.

Sans préjudice des règles habituelles relatives à l'autorité parentale et à la représentation légale, des dispositions spécifiques sont également prévues pour les mineurs et les majeurs sous tutelle afin de sauvegarder, de façon adaptée à leur situation, leur droit de participer aux décisions les concernant.

Enfin, l'article précise que l'examen de la personne dans le cadre d'un enseignement clinique requiert son consentement. Il est également prévu qu'un tel enseignement, comportant l'examen de malades, intègre une information sur l'obligation de respecter les droits des malades.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article trois amendements présentés par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur : deux sont rédactionnels, le troisième supprime le renvoi aux codes de déontologie pour déterminer les modalités d'application de l'article.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter trois amendements à cet article.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit ainsi que toute personne prend, compte tenu des informations et préconisations des professionnels de santé, les décisions concernant sa santé.

Cette rédaction ne paraît pas adaptée à la spécificité de la relation qui unit le malade et le médecin. Le malade ne prend jamais ses décisions seul : il est accompagné et conseillé par le médecin.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement mettant précisément l'accent sur le caractère partagé de la décision médicale et selon lequel toute personne participe , compte tenu des informations et préconisations des professionnels de santé, aux décisions concernant sa santé.

Elle vous propose également d'adopter deux amendements tendant respectivement à :

- prévoir que le médecin peut passer outre le consentement du mineur lorsque la vie de celui-ci est en danger ;

- préciser que les modalités d'application du présent article sont fixées pour les professionnels de santé par leur code de déontologie respectif et, pour les établissements et réseaux de santé ou tout autre organisme concerné, par décret en Conseil d'Etat.

Art. L. 1111-4 du code de la santé publique
Consentement des mineurs et information
du titulaire de l'autorité parentale

I - Le dispositif proposé

L'article L. 1111-4 vise en premier lieu à apporter une réponse à certaines situations rares mais qui peuvent entraîner des difficultés graves dans la prise en charge des adolescents.

Aussi, par dérogation aux règles du code civil, lorsqu'un mineur désire garder le secret quant à sa santé à l'égard de ses parents, le médecin peut, après avoir tenté de le convaincre d'informer ses parents et de recueillir leur consentement, intervenir sans consentement parental pour sauvegarder la santé du mineur, c'est-à-dire lorsque l'absence de soins risquerait d'entraîner des conséquences graves pour la santé du malade.

Le consentement du mineur est requis et l'accompagnement par une personne référente majeure est recherché, comme c'est désormais le cas en matière d'accès à l'IVG.

L'article vise également à mettre en cohérence les dispositions relatives aux mineurs et celles de la loi relative à la couverture maladie universelle (CMU) concernant les mineurs de plus de seize ans.

Ces derniers, lorsqu'ils sont en rupture avec leur famille, peuvent en effet bénéficier personnellement de la CMU et de la protection complémentaire en matière de santé. Dès lors qu'ils ont acquis leur totale autonomie au niveau de la prise en charge sociale, l'article leur accorde l'autonomie en ce qui concerne le consentement.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement rédactionnel présenté par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 1111-5 du code de la santé publique
Désignation par le malade d'une personne de confiance

I - Le dispositif proposé

L'article L. 1111-5 vise les situations dans lesquelles la personne malade se trouve hors d'état d'exprimer son consentement.

Afin de préserver son droit, cet article lui ouvre la possibilité de désigner au préalable une personne de confiance, habilitée à être informée et consultée dans une telle situation, et plus généralement, à l'accompagner dans son parcours au sein du système de santé.

Il prévoit ainsi que lors d'une hospitalisation, la désignation de la personne de confiance est proposée au malade : cette désignation pourra s'effectuer lors des formalités d'admission.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement rédactionnel présenté par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur, sous-amendé par le Gouvernement afin de préciser que la personne de confiance peut être un parent, un proche ou le médecin traitant.

III - La position de votre commission

La désignation d'une personne de confiance est naturellement surtout pertinente en cas d'hospitalisation. Toutefois, cette possibilité gagnerait à être offerte également hors de l'hôpital, ce qui pourrait être utile en cas d'hospitalisation en urgence d'une personne qui n'est pas en état de s'exprimer.

Votre commission vous propose par conséquent d'adopter un amendement prévoyant que toute personne majeure peut désigner une personne de confiance, qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, chargée de l'accompagner dans ses démarches concernant sa santé et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment.

L'amendement précise également que, lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Cette désignation est valable pour la durée de l'hospitalisation, à moins que le malade n'en dispose autrement.

Cet amendement répond à la recommandation exprimée par le Comité consultatif national d'éthique dans un rapport de septembre 1998 consacré au consentement éclairé. Le Comité souhaitait notamment que la personne malade ait la possibilité de désigner quelqu'un qui ne soit pas seulement une « personne à prévenir » mais qui, informé des volontés et des préférences de la personne malade, puisse être consulté par les soignants.

Art. L. 1111-6 du code de la santé publique
Accès direct au dossier médical

I - Le dispositif proposé

L'article L. 1111-6 traite de l'accès de toute personne aux informations médicales détenues par des professionnels ou établissements de santé : il s'agit notamment du dossier médical.

D'ores et déjà, certains textes précisent les conditions de la communication aux personnes d'informations médicales les concernant, dans différentes circonstances : loi hospitalière ( actuel article L. 1112-1 du code de la santé publique ) s'agissant des dossiers médicaux dans les établissements de santé, loi « informatique et libertés » s'agissant des informations contenues dans des fichiers, règles d'accès aux documents administratifs s'agissant de documents détenus par des administrations publiques.

Tous ces textes ont en commun de prévoir que la communication à la personne intéressée des informations ou des documents à caractère médical la concernant se fait par l'intermédiaire d'un médecin désigné par elle.

L'article L. 1111-6 consacre, de façon générale, un droit d'accès direct de la personne aux informations qui ont été recueillies et formalisées concernant sa santé : comptes rendus, résultats d'examens, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels. Ces informations peuvent prendre des formes diverses : documents de toute sorte, dossiers, fichiers informatiques.

L'article préserve toutefois la confidentialité des informations concernant des tiers ou recueillies auprès de tiers autres que les professionnels participant à la prise en charge du malade.

Une fois supprimée la médiation obligatoire par un médecin, qui visait à protéger le malade contre les effets de la découverte brutale d'informations, qui peuvent être d'autant plus traumatisantes que leur technicité peut donner lieu à des interprétations erronées, il est cependant apparu nécessaire au Gouvernement de prévoir des modalités qui limitent ces risques, en particulier l'accompagnement par une tierce personne, recommandé mais, sauf exception, non imposé. Une procédure particulière est à cet égard prévue pour les personnes hospitalisées sans leur consentement, qui nécessitent une protection spécifique.

De même, s'agissant des mineurs, l'article prévoit, dans certaines situations familiales difficiles, qu'ait lieu, si le mineur le souhaite, la médiation par un médecin lorsque les titulaires de l'autorité parentale accèdent au dossier.

Le dossier des personnes décédées est couvert par le secret médical : l'accès de leurs ayants droit aux informations les concernant obéit pour sa part aux règles définies dans l'article L. 1110-4 créé par l'article 2 du projet de loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article quatre amendements présentés par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur, tendant respectivement à :

- fixer le délai de consultation du dossier médical à huit jours, ce délai étant porté à deux mois lorsque le dossier date de plus de cinq ans ;

- préciser que le refus par le patient de se faire accompagner ne fait pas obstacle à la communication des informations du dossier médical ;

- prévoir que la consultation sur place des informations est gratuite.

- améliorer la lisibilité du texte.

Elle a également adopté un amendement de précision présenté par M. André Aschieri, Mme Marie-Hélène Aubert et plusieurs de leurs collègues.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter à cet article trois amendements de précision.

Art. L. 1111-6-1 (nouveau) du code de la santé publique
Défenseur des droits des malades

I - Le dispositif proposé

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement insérant un article L. 1111-6-1 qui institue un défenseur des droits des malades.

Placé auprès du ministre chargé de la santé, il aurait pour mission de promouvoir les droits des malades et des usagers du système de santé. Il pourrait être saisi par toute personne malade ou tout usager qui rencontre des difficultés dans l'exercice de ses droits, ainsi que par les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation instituées par l'article 58 du projet de loi.

II - La position de votre commission

Votre commission s'interroge sur la mission et l'utilité de ce « défenseur des droits des malades », dont le titre paraît injurieux à l'égard des professionnels de santé : contre qui, en effet, faut-il défendre les malades ? Contre ceux qui ont pour mission de le soigner ? Contre eux-mêmes ?

Pour ces raisons, elle vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. L. 1111-7 du code de la santé publique
Modalités d'application

I - Le dispositif proposé

Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation des conditions d'application de l'ensemble des dispositions du chapitre sur les droits des usagers. Ce décret fixera des délais pour la délivrance des informations.

En outre, l'ANAES, dans le cadre de sa mission d'élaboration et de validation de recommandations des bonnes pratiques, définira celles-ci en matière d'accès aux informations et d'accompagnement éventuel de l'intéressé.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement de coordination présenté par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du présent article 6 ainsi amendé.

Art. 7
(art. L. 1112-1, L. 1112-5 et L. 1112-6 du code de la santé publique,
art. 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
et art. 5-1 et 6 de la loi ° 78-753 du 17 juillet 1978)
Dispositions de coordination

Objet : Cet article comporte des dispositions de coordination avec les nouvelles règles relatives à l'information des usages prévues à l'article 6.

I - Le dispositif proposé

Cet article opère les coordinations rendues nécessaires par la modification des règles relatives à l'information des usagers, prévues à l'article 6.

Le I tire les conséquences des règles posées par l'article L. 1111-6 en matière d'accès au dossier médical sur celles déjà existant dans le code pour le dossier hospitalier et qui figurent à l'article L. 1112-1.

Le a) supprime donc l'intermédiation obligatoire par un praticien pour la consultation du dossier et précise que le choix est laissé à l'intéressé.

Le b) fait obligation aux établissements de mettre en place un accompagnement médical à la disposition des personnes qui le souhaiteraient pour accéder à leur dossier.

Le c) est de précision.

Le 2°) du I renumérote l'article L. 1112-5 en raison de l'introduction par l'article 9 du projet d'un nouvel article relatif aux associations de bénévoles.

Le II supprime l'intermédiation obligatoire du médecin pour l'accès aux données médicales mentionnées à l'article 40 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le III fait de même dans l'article 5-1 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article deux amendements présentés par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur de la commission :

- le premier précise que les établissements proposent un accompagnement médical aux personnes qui le souhaitent lorsqu'elles demandent l'accès aux informations les concernant ;

- le second introduit un paragraphe I bis ajoutant aux missions de l'ANAES l'élaboration de bonnes pratiques en matière d'information des usagers.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article de coordination sans modification.

Art. 8
(art. L. 1112-3 du code de la santé publique)
Commissions des relations avec les usagers
et de la qualité de la prise en charge

Objet : Cet article institue des commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge dans les établissements de santé.

I - Le dispositif proposé

L'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée a instauré la participation des usagers au conseil d'administration des établissements publics de santé.

Elle a également institué des commissions de conciliation « chargées d'assister et d'orienter toute personne qui s'estime victime d'un préjudice du fait de l'activité de l'établissement et de lui indiquer les voies de conciliation et recours dont elle dispose » ( article L.1112-3 du code de la santé publique ).

Le Gouvernement estime que le bilan mitigé de ces commissions rend leur réforme nécessaire.

Le présent article modifie le deuxième alinéa de l'article L. 1112-3 du code de la santé publique afin de substituer à ces commissions de conciliation des « commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge ».

Les missions de ces nouvelles commissions seront désormais centrées sur les fonctions en amont du précontentieux (dialogue, régulation, information) et sur les actions visant à améliorer la qualité de la prise en charge.

Elles perdent ainsi toute fonction de conciliation : parallèlement en effet, l'article 58 du projet de loi confie cette fonction, dans le cadre des litiges liés aux accidents médicaux, aux commissions régionales de conciliation qui sont créées à l'article L. 1142-5 du code de la santé publique.

Les commissions prévues au présent article auront d'abord pour mission « de veiller au respect des droits des usagers. ». L'idée du Gouvernement semble être d'en faire un lieu de dialogue à l'intérieur des établissements de santé. Pour cela les commissions « facilitent les démarches » et veillent à ce que les usagers « puissent exprimer leurs griefs ».

La commission a pour deuxième mission de « contribuer à l'amélioration de la qualité de l'accueil des personnes malades et de leurs proches et de la prise en charge. »

La commission sera ainsi consultée sur la politique menée dans l'établissement en ce domaine. Elle sera informée des plaintes formées par les usagers de l'établissement. L'article ouvre à ses membres l'accès aux données médicales personnelles qui y sont relatives, sauf opposition de l'intéressé.

Enfin, le conseil d'administration de l'établissement sera tenu de délibérer annuellement, sur la base du rapport de la commission, de la politique de l'établissement quant aux droits des usagers et à la qualité de l'accueil et de la prise en charge. Rapport et conclusions du débat seront transmis à l'agence régionale d'hospitalisation et au conseil régional de santé.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article deux amendements présentés par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur de la commission :

- le premier précise que les commissions sont également informées des réclamations formées par les usagers de l'établissement ;

- le second est de précision.

III - La position de votre commission

Votre commission juge bien sévère l'appréciation portée par le Gouvernement sur le bilan des commissions de conciliation. Ces dernières ont souvent donné lieu à des initiatives intéressantes au niveau local et ont montré la nécessité d'un lieu de dialogue dans les établissements de santé.

Sous réserve de cette observation, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 9
(art. L. 1112-5 du code de la santé publique)
Intervention des bénévoles dans les établissements de santé

Objet : Cet article définit les conditions d'intervention des associations de bénévoles dans les établissements de santé.

I - Le dispositif proposé

L'article 10 de la loi du 9 juin 1999 visant à garantir l'accès aux soins palliatifs, dont l'initiative revient à notre ancien collègue Lucien Neuwirth, a organisé l'intervention des associations des bénévoles dans le cadre de ces soins.

Le présent article élargit la reconnaissance du rôle de ces associations, en termes d'accompagnement du malade, d'aide et de réconfort du patient et à ses proches, en incitant les établissements de santé à faciliter leur intervention.

Il insère à cet effet dans le code de la santé publique un article L. 1112-5 qui prévoit que les établissements de santé facilitent l'intervention des associations de bénévoles qui peuvent apporter un soutien à toute personne accueillie dans l'établissement, à sa demande ou avec son accord, ou développer des activités au sein de l'établissement.

Ces associations devront respecter les règles posées par le nouvel article L. 1110-10 qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 1111-5, lequel codifiait l'article 10 de la loi du 9 juin 1999 4 ( * ) .

Elles devront par conséquent se doter d'une charte définissant les principes que doivent respecter les bénévoles. Ces principes comportent notamment le respect des opinions philosophiques et religieuses de la personne accompagnée, le respect de sa dignité et de son intimité, la discrétion, la confidentialité, l'absence d'interférence dans les soins.

Les associations devront également conclure avec les établissements concernés une convention déterminant les modalités de leur intervention.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'être très favorable à cet article qui étend le champ d'une disposition dont elle est à l'origine.

Elle vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 9 bis (nouveau)
Substitution à la dénomination « ordre » de la dénomination « conseil »

Objet : Cet article modifie la dénomination des ordres professionnels des professions médicales et pharmaceutique qui deviennent des conseils.

I - Le dispositif proposé

Les articles 9 bis , 9 ter et 9 quater , introduits par l'Assemblée nationale, ont le même objet : transformer la dénomination des ordres professionnels des professions médicales et pharmaceutiques qui deviennent des conseils.

L'article 9 bis résulte d'un amendement présenté par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur de la commission, sous-amendé par MM. Dubernard, Accoyer, Bardet et plusieurs de leurs collègues.

L'amendement de la commission remplaçait dans un certain nombre d'articles du code de la santé publique le terme d'« ordre » par celui de « collège ».

Le sous-amendement adopté à cet amendement a préféré finalement l'appellation de « conseil », l'ordre national des médecins devenant ainsi par exemple le conseil national des médecins .

Lors d'une seconde délibération, le Gouvernement a fait adopter deux amendements insérant les articles 9 ter et 9 quater qui viennent compléter le « balayage » effectué par l'article 9 bis dans le code de la santé publique et dans le code de la sécurité sociale.

Les articles 9 bis , 9 ter et 9 quater ne sont donc que trois morceaux d'un même dispositif visant à substituer dans l'ensemble du droit en vigueur au mot : « ordre » le mot « conseil ».

Ces dispositions s'appliquent aux trois ordres des professions médicales (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes) et à l'ordre des pharmaciens.

II - La position de votre commission

Après avoir envisagé de transformer les ordres en « collèges », l'Assemblée nationale a choisi le vocable de « conseil ».

Ce choix au caractère très idéologique se révèle malheureux ; sa motivation n'apparaît d'ailleurs pas clairement.

Cette nouvelle dénomination causerait, dans la pratique, une gêne considérable et introduirait une grande confusion. On serait ainsi amené à parler de « conseil du conseil » : le conseil départemental de l'ordre des médecins deviendrait par exemple le conseil départemental du conseil des médecins.

Il en résulterait une véritable perte de sens pour ces institutions. Sous le même vocable, seraient tout à coup confondus l'institution, dans sa globalité, et les différents organes collégiaux qui en sont les composantes partielles.

Un cadre vide de tout sens spécifique (conseil) prendrait la place d'une institution bien connue (l'ordre) dont le nom indique clairement la vocation régulatrice et organisatrice que la loi lui confie. L'institution ne se distinguerait plus d'innombrables « conseils » privés qui ont pu voir le jour dans tous les domaines, sans aucune vocation de service public.

Il est d'ailleurs à noter que seules les professions médicales et pharmaceutique sont concernées par ce changement d'appellation : les autres professions qui en sont dotées conservent leur ordre (avocats, architectes...). Faut-il en déduire dès lors que les ordres des professions médicales et pharmaceutique auraient particulièrement démérité pour se voir ainsi privés de leur identité ?

Votre rapporteur souligne à cet égard que les conseils nationaux des quatre ordres concernés (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens) ont fait part de leur opposition à ce changement de dénomination.

Il observe enfin que le mot « ordre » n'a pas nécessairement que des relents d'autoritarisme et invite aussi parfois au voyage, par des réminiscences baudelairiennes...

Dans ces conditions, votre commission vous propose de revenir sur cette modification de dénomination que rien ne semble devoir justifier.

Elle vous propose par conséquent d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 9 ter (nouveau)
Dispositions de coordination

Objet : Cet article poursuit la modification de dénomination des ordres professionnels des professions médicales et pharmaceutique qui deviennent des conseils.

L'article 9 ter, comme l'article 9 quater, vient compléter le balayage des articles entrepris par l'article 9 bis , l'objectif étant toujours de remplacer, dans l'ensemble du droit en vigueur, le mot « ordre » par le mot « conseil ».

Il répare en quelque sorte, de manière d'ailleurs très incomplète, les « oublis » de l'article 9 bis .

On remarquera d'ailleurs que, prenant acte des difficultés sémantiques générées par cette substitution, l'article fait carrément disparaître la référence au conseil en tant qu'institution pour éviter de faire figurer dans le code « un conseil national du conseil ».

Du même coup, dans une confusion législative extrême, certains articles du code de la santé publique, déjà modifiés par l'article 9 bis , sont une nouvelle fois modifiés par l'article 9 ter : ainsi, par exemple, dans l'article L. 4121-2, le conseil national de l'ordre devient, du fait du 1° du I de l'article 9 bis , le conseil national du conseil. Toutefois, le 8° de l'article 9 ter vient modifier cette appellation en prévoyant qu'au même article le conseil national de l'ordre devient en réalité le conseil national... Les articles 9 bis et 9 ter proposent donc deux rédactions différentes de l'article L. 4121-2. Cet exemple pourrait être multiplié.

Pour les raisons qui ont été développées dans le commentaire de l'article 9 bis , votre commission vous propose par coordination d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 9 quater (nouveau)
Dispositions de coordination

Objet : Cet article poursuit la modification de dénomination des ordres professionnels des professions médicales et pharmaceutique qui deviennent des conseils.

L'article 9 quater, comme l'article 9 ter, vient compléter le balayage des articles entrepris par l'article 9 bis , l'objectif étant toujours de remplacer, dans l'ensemble du droit en vigueur, le mot « ordre » par le mot « conseil ».

Pour les raisons qui ont été développées dans le commentaire de l'article 9 bis , votre commission vous propose par coordination d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 10
(art. L. 4122-2, L. 4122-3, L. 460 et L. 4123-2 du code de la santé publique)
Création d'une chambre disciplinaire nationale
et renforcement des droits des plaignants

Objet : Cet article crée, au sein des ordres des professions médicales, une chambre disciplinaire nationale et tend à renforcer les droits des plaignants.

I - Le dispositif proposé

Cet article vise à réformer au niveau national l'organisation et le fonctionnement de la compétence disciplinaire des ordres des professions médicales (médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes). Il est complété par l'article 30, qui concerne le niveau régional.

Aujourd'hui, le contentieux disciplinaire de ces professions relève, en première instance, des conseils régionaux des ordres et, en appel, de la section disciplinaire que les conseils nationaux nomment en leur sein. Il est donc exercé en parallèle des attributions administratives que les conseils nationaux et régionaux assument par ailleurs.

Le présent article (au niveau national) et l'article 30 (qui concerne le niveau régional) visent à réformer l'organisation et le fonctionnement de la compétence disciplinaire afin que les ordres s'acquittent de cette mission de façon plus adaptée.

A cette fin, les instances disciplinaires, qui seront présidées par un magistrat, en application des articles 30 et 43, sont séparées des instances administratives tant au niveau national que régional.

En outre, la procédure est rénovée par la reconnaissance de droits nouveaux aux plaignants qui seront désormais partie à l'instance.

Le présent article distingue les instances administratives et disciplinaires des conseils nationaux, en érigeant en chambre disciplinaire séparée ce qui n'était qu'une section disciplinaire créée au sein du conseil et permet au plaignant, usager du service de santé, de la saisir en appel.

Le I modifie l'intitulé du chapitre pour y faire apparaître à côté du conseil national, la nouvelle chambre disciplinaire nationale.

Le II tire les conséquences de cette création sur l'affectation de la cotisation dont les professions médicales s'acquittent auprès de leur ordre. Une quotité de celle-ci sera affectée au fonctionnement des chambres disciplinaires nationales.

Le III ( article L.4122-3 du code de la santé publique ) remplace les sections disciplinaires par des chambres disciplinaires séparées et à cette occasion clarifie les compétences.

Une distinction est opérée entre ce qui relève du conseil national au titre de ses attributions administratives, c'est-à-dire les recours hiérarchiques formés contre les décisions des conseils régionaux en matière d'inscription au tableau de l'ordre ou certaines suspensions d'exercice en cas de danger pour les patients (qui relevaient jusqu'ici aussi des sections disciplinaires alors qu'il s'agit de décisions administratives) et ce qui relève de la procédure juridictionnelle qui est désormais dévolue aux chambres disciplinaires.

Dans ce dernier cas, la possibilité de faire appel des décisions de l'instance régionale auprès de la chambre disciplinaire est ouverte au plaignant Seuls le ministre, le préfet, le procureur de la République, le directeur départemental de la santé, le conseil départemental de l'ordre ou le professionnel intéressé se voyaient auparavant reconnaître cette possibilité. Le plaignant se voit donc reconnaître le statut de partie à l'instance alors qu'il était simple témoin.

En outre, ces fonctions seront désormais incompatibles avec d'autres fonctions ordinales.

Enfin, les conseils de l'ordre n'auront plus à connaître du contentieux électoral, dans lequel ils sont juges et parties, qui relève selon le droit commun du juge administratif.

Le IV réserve au conseil départemental (et non plus au conseil national) la saisine de l'instance régionale afin qu'il prononce une suspension temporaire d'exercice dans le cas de danger pour les patients de l'exercice par le professionnel.

Le V modifie l'article L. 4123-2 du code de la santé publique afin de renforcer encore les droits du plaignant.

Il crée ainsi pour le conseil départemental réceptionnaire de la plainte, l'obligation de conduire une procédure de conciliation. Il entoure également de garanties la transmission de la plainte par le conseil départemental à l'instance régionale : accusé de réception au plaignant, délai de trois mois pour la transmission de la plainte, possibilité de saisine du conseil national en cas de carence du conseil départemental.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article trois amendements présentés par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur :

- le premier tend, au II de l'article L. 4122-3 du code de la santé publique, à supprimer le caractère suspensif de l'appel dans les cas où le professionnel concerné expose ses patients à un danger grave ;

- le deuxième complète le V afin de prévoir que le président du conseil national doit répondre à la demande d'un plaignant dans le délai d'un mois ;

- le troisième tire les conséquences du choix de l'Assemblée nationale de transformer les ordres médicaux en « conseils ».

III - La position de votre commission

Votre commission s'étonne du choix fait par le Gouvernement de dissocier les articles 10 et 30 qui sont pourtant complémentaires. Peut-être faut-il voir là le souci de ne pas faire apparaître trop distinctement la volonté du Gouvernement de réformer le fonctionnement des ordres médicaux ?

Sur le fond, votre commission ne peut pourtant qu'approuver la réforme ainsi proposée.

Elle vous propose d'adopter à cet article trois amendements de coordination avec la position exprimée aux articles 9 bis à 9 quater , rétablissant la dénomination d' « ordre ».

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 11
(art. L. 3211-11-1 nouveau du code de la santé publique
et art. 375-9 nouveau du code civil)
Hospitalisation sans consentement

Objet : Cet article réforme le régime de l'hospitalisation des personnes souffrant de troubles mentaux.

I - Le dispositif proposé

Cet article comporte un certain nombre de dispositions visant à mieux garantir les droits des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux.

Le 1° du I de cet article insère dans le code de la santé publique un article L. 3211-11-1 visant à reconnaître et à encadrer la pratique des autorisations de sortie de courte durée qui peuvent être accordées aux personnes hospitalisées sans leur consentement. Aujourd'hui, seules les sorties à l'essai font l'objet d'une réglementation.

Ces sorties de courte durée pourront être autorisées pour motif thérapeutique et pour que le malade effectue des démarches extérieures nécessaires, c'est-à-dire remplisse des obligations administratives ou légales pour lesquelles sa présence est requise.

La durée de la sortie sera au maximum de douze heures et le malade devra être accompagné par un membre du personnel de l'établissement.

Pour les malades hospitalisés sur demande d'un tiers, la décision d'autoriser la sortie revient au directeur de l'établissement. Il prend cette décision après avis favorable du psychiatre chef de service.

En cas d'hospitalisation d'office, la décision revient au représentant de l'Etat dans le département à qui le directeur de l'établissement transmet les informations relatives à la demande et l'avis du psychiatre.

Il convient de rappeler qu'aujourd'hui l'hospitalisation des personnes atteintes de troubles mentaux peut, soit être libre, soit sans consentement. L'hospitalisation sans consentement peut être effectuée à la demande d'un tiers ou d'office.

Les 2°, 3° et4° du I modifient les conditions de l'hospitalisation d'office.

L'hospitalisation d'office, prévue à l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, est prononcée par les préfets à l'égard des personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des personnes. Cette notion d'ordre public entraîne une confusion sur la nature des indications de l'hospitalisation d'office en psychiatrie. En outre, ne figure pas, dans l'article L. 3213-1 la référence à un état nécessitant des soins qui seule peut justifier une hospitalisation dans un service de psychiatrie.

Le 3° du I précise donc, dans l'article L. 3213-1, qu'une hospitalisation d'office ne peut être décidée qu'en cas d'atteinte « de façon grave » à l'ordre public. En outre, cette notion ainsi que l'atteinte à « la sûreté des personnes » sont complétées par un critère complémentaire, celui de « troubles nécessitant des soins », ce critère étant cumulatif de chacun des deux premiers.

Cette modification de l'article L. 3213-1 entraîne, par voie de conséquence, la modification identique des articles L. 3212-9 -c'est l'objet du 2°-, L. 3213-6 et L. 3213-7- c'est l'objet du 4°-, qui font référence à l'ordre public.

Le 1° du II aligne les règles applicables à l'élaboration du règlement intérieur des établissements psychiatriques sur celles applicables aux autres établissements de santé. L'approbation du règlement intérieur par le préfet qui figurait au dernier alinéa de l'article L. 3222-3 du code de la santé publique est supprimée.

Les règles de droit commun trouveront donc à s'appliquer : délibération du conseil d'administration et transmission au directeur de l'ARH qui, le cas échéant, pourra saisir le juge pour la contester.

Le représentant de l'Etat qui joue un rôle important en matière d'hospitalisation psychiatrique n'est pas, pour autant, totalement écarté de la procédure. En effet, le III prévoit qu'il sera consulté sur les délibérations relatives au règlement intérieur par le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation.

Les 2°, 3° et 4° du II traitent des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques, chargées de garantir le respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes hospitalisées pour troubles mentaux, et plus particulièrement de celles hospitalisées sans leur consentement.

Dans ce cadre, ces commissions sont chargées d'examiner, en tant que de besoin, les situations personnelles, et obligatoirement celles des personnes dont l'hospitalisation sur demande d'un tiers se prolonge au-delà de trois mois.

Or, si les établissements de santé sont tenus de répondre à toutes les demandes d'information qu'elles formulent, aucune information d'ordre médical ne peut leur être délivrée, ce qui entrave leur mission de protection des personnes hospitalisées, notamment sans leur consentement.

Le 2° du II introduit donc à l'article L. 3223-1 du code de la santé publique une dérogation afin de leur autoriser cet accès lorsqu'elles le demanderont à l'établissement de santé.

En outre, la composition actuelle de ces commissions (deux médecins psychiatres, un magistrat et un représentant d'une organisation représentative des familles des personnes atteintes de troubles mentaux) ne leur permet pas de remplir pleinement leurs missions (notamment les visites d'établissements, dont le nombre minimum est fixé par décret), car il s'agit de commissions non permanentes, composées de membres ayant des problèmes de disponibilité professionnelle.

Le 3° du II complète donc la composition de ces commissions, fixée à l'article L. 3223-2, par un médecin généraliste et un représentant d'une organisation représentative d'usagers du système de santé. Ces dispositions ont pour objet d'améliorer la reconnaissance des droits des personnes souffrant de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement et d'établir un lien plus étroit avec les médecins généralistes, qui rédigent la plupart du temps les certificats d'admission.

Enfin, dans le but de résoudre les difficultés rencontrées dans certaines zones rurales où il est parfois difficile de recruter des candidats pour cette instance, il est prévu de permettre, dans ce cas, de solliciter des personnalités dans les départements limitrophes.

Le III complète l'article L. 6143-4 du code de la santé publique par une disposition selon laquelle le directeur de l'ARH, après réception de la délibération, doit saisir le préfet pour avis.

Le IV complète le code civil par un article 375-9, afin d'appliquer aux décisions du juge ordonnant l'hospitalisation d'un mineur dans un établissement de santé accueillant des malades atteints de troubles mentaux des principes généraux analogues à ceux des hospitalisations sous contraintes régies par le code de la santé publique : expertise médicale obligatoire avant toute hospitalisation, limitation de la durée de l'hospitalisation, renouvellement de celle-ci après avis médical.

Le V constitue une mesure transitoire fixant les conditions dans lesquelles les personnes qui seront déjà, à la date de publication de la loi, hospitalisées d'office pourront demeurer hospitalisées jusqu'à la date antérieurement fixée, sauf décision contraire.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement présenté par Mme Catherine Genisson supprimant la virgule figurant entre les mots : « nécessite des soins » et les mots « et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public » dans le texte proposé par le 4° du I pour les articles L. 3213-6 et L. 3213-7 du code de la santé publique.

La portée de cet amendement n'apparaît pas clairement puisque la suppression de cette virgule, certes inélégante d'un point de vue grammatical, n'apporte pas de modification quant au fond de la disposition : les conditions prévues restent cumulatives.

III - La position de votre commission

Votre commission partage les motivations exprimées par cet article. Elle vous propose d'adopter un amendement confirmant dans la loi la présence dans les commissions départementales des hôpitaux psychiatriques des associations représentant les familles de personnes atteintes de troubles mentaux, comme c'est le cas aujourd'hui.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

CHAPITRE III
-
Participation des usagers au fonctionnement du système de santé

Art. 12
(art. L. 1114-1, L. 1114-2, L. 1114-3 nouveaux
et L. 5311-1 du code de la santé publique)
Renforcement de la place des usagers dans le système de santé

Objet : Cet article rassemble des dispositions ayant pour objet de créer un cadre pour l'expression et la participation des usagers du système de santé.

I - Le dispositif proposé

Le I insère un chapitre IV nouveau dans le titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, intitulé « Participation des usagers au fonctionnement du système de santé » , comprenant les articles L. 1114-1 à L. 1114-3.

Art. L. 1114-1
Agrément des associations de personnes malades
et d'usagers du système de santé

L'article L. 1114-1 institue des associations agréées de personnes malades et d'usagers du système de santé qui ont vocation à représenter les usagers.

Il définit la procédure d'agrément pour ces associations, qui seront appelées à proposer des représentants des usagers dans les instances de consultation ou de délibération existant dans le domaine de la santé.

Les conditions de cet agrément, qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat, seront notamment fondées sur le caractère effectif et public de l'activité de l'association en faveur des malades et des usagers, sur ses actions de formation et d'information, sur sa représentativité et sur son indépendance.

Art. L. 1114-2 du code de la santé publique
Action en justice des associations agréées

L'article L. 1114-2 donne aux associations agréées, comme c'est le cas notamment pour les associations agréées de consommateurs ou les associations agréées oeuvrant pour la protection de l'environnement, la possibilité d'action en justice pour défendre les intérêts collectifs des usagers du système de santé.

Art. L. 1114-3 du code de la santé publique
Congé de représentation des membres des associations agréées

L'article L. 1114-3 a pour objet de conférer aux représentants des usagers un véritable statut : lorsqu'ils sont membres du conseil d'administration d'un établissement public de santé, d'une instance consultative régionale ou nationale ou d'un établissement public national, ils bénéficient du congé de représentation prévu à l'article L. 225-8 du code du travail.

Les pertes de revenus qui résultent de ce congé non rémunéré sont compensées, selon le cas, par l'établissement de santé, par l'Etat ou par l'établissement national concerné.

Le II modifie les dispositions de l'article L. 5311-1 relatif aux relations de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSPS) avec les associations d'usagers, afin de les harmoniser avec les nouvelles dispositions concernant les associations d'usagers.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article trois amendements présentés par M. Jean-Jacques Denis, rapporteur de la commission :

- le premier précise que l'agrément des associations pourra se faire au niveau régional, et non départemental ;

- les deux autres sont rédactionnels.

III - La position de votre commission

Le projet de loi prévoit le bénéfice d'un congé de représentation pour les représentants des usagers appelés à siéger dans les conseils d'administration, commissions et instances statutaires des établissements de santé publics.

En revanche, rien n'est prévu pour les usagers appelés à intervenir dans les instances des établissements privés participant au service public hospitalier et privés à but lucratif.

Votre commission vous propose par conséquent d'adopter à cet article trois amendements :

- le premier est rédactionnel,

- les deux autres ont pour objet d'étendre le congé de représentation aux représentants des usagers siégeant dans les instances et conseils des établissements de santé privés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 13
(art. L. 1421-1 du code de la santé publique)
Contrôle du respect des textes sur les droits des malades

Objet : Cet article introduit, parmi les missions des corps de contrôle en matière sanitaire, le contrôle de l'application des textes relatifs aux droits des personnes malades et des usagers du système de santé.

Cet article inscrit, dans les missions d'inspections confiées aux corps de contrôle en matière sanitaire et énumérées à l'article L. 1421-1 du code de la santé publique, l'application des lois et des règlements relatifs aux droits des malades.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE IV
-
Responsabilité des professionnels de santé

Art. 14
(art. L. 1413-13, L. 1413-14, L. 1413-15, L. 6111-1 et L. 6111-4
du code de la santé publique)
Déclaration des accidents médicaux et rappel des intéressés

Objet : Cet article définit les modalités de déclaration des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales et de rappel des personnes concernées.

I - Le dispositif proposé

Des impératifs de santé publique ou relatifs à la santé d'une personne peuvent nécessiter de rechercher des personnes qui ont subi des examens ou des actes curatifs, diagnostiques ou préventifs. Cette hypothèse générale vise aussi bien la recherche de personnes susceptibles d'avoir été exposées à un risque de contamination lors d'une intervention chirurgicale que l'identification de personnes ayant fait l'objet d'analyses biologiques réalisées selon de mauvaises pratiques, ou la recherche de personnes soumises à des examens de dépistage aux résultats erronés. Les autorités sanitaires doivent être habilitées à faire en sorte que les mesures de rappel nécessaires soient effectivement prises. C'est l'objet du présent article.

Le II insère deux nouveaux articles L. 1413-13 et L. 1413-14 dans le code de la santé publique.

L'article L. 1413-13 a pour objet de permettre au ministre chargé de la santé d'adresser une mise en demeure aux professionnels et établissements de santé après avoir constaté une carence de leur part dans l'information et le rappel des personnes exposées à un risque pour leur santé.

L'article L. 1413-14 prévoit que tout professionnel ou établissement de santé ayant constaté ou suspecté la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène, d'une infection nosocomiale ou d'un événement indésirable associé à un produit de santé doit en faire la déclaration à l'autorité administrative compétente.

On rappellera que l'obligation de déclarer les éventuels accidents médicaux existe déjà dans diverses circonstances qui répondent chacune à un dispositif spécifique :

- l'article L. 6111-4 pour les infections nosocomiales et les affections iatrogènes qui est abrogé par le IV du présent article.

- les articles L. 5121-30 ( produits pharmaceutiques, dont les produits dérivés du sang ), L. 5212-2 ( dispositifs médicaux ), L. 1211-7 ( éléments et produits du corps humain...) concernant les effets indésirables des produits de santé.

L'article L. 1413-14 donne une base législative commune à l'obligation de déclaration afin de faciliter la mise en place d'un dispositif cohérent. En conséquence le I de l'article complète le nouvel article L. 1413-15 ( ancien article L. 1413-13 ) pour que le décret en Conseil d'Etat que cet article prévoit porte aussi sur les événements devant être déclarés et les modalités de la déclaration.

La formulation générale de l'article L. 1413-14 permettra de couvrir des effets indésirables des produits de santé dont la déclaration ne serait pas aujourd'hui prévue.

L'article étend en outre l'obligation de déclaration aux professionnels de santé eux-mêmes quand ce n'était pas le cas (pour les infections nosocomiales notamment).

Le III modifie l'article L. 6111-1 du code de la santé publique pour y rectifier la référence aux infections nosocomiales et aux affections iatrogènes qui confondait les deux.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Afin de faciliter la compréhension de ce dispositif, votre commission a souhaité proposer, à l'article 58 du projet de loi, une définition législative de l'accident médical, de l'affection iatrogène et de l'infection nosocomiale.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 15
(art. L. 1421-3-1 nouveau du code de la santé publique)
Obligations déontologiques des membres des conseils placés auprès des ministres de la santé et de la sécurité sociale

Objet : Cet article impose aux membres des commissions ou des conseils placés auprès des ministres de la santé ou de la sécurité sociale des obligations déontologiques.

Cet article insère dans le code de la santé publique un article L. 1421-3-1 nouveau.

Afin d'éviter d'éventuels conflits d'intérêt, cet article impose aux membres des commissions ou des conseils placés auprès des ministres de la santé ou de la sécurité sociale des obligations déontologiques qui sont celles existant pour les agences sanitaires (ANAES, InVS, AFSSAPS et AFSSA) :

- obligation de déclarer les liens entretenus avec les entreprises qui fabriquent ou exploitent des produits de santé ;

- interdiction de prendre part aux délibérations et de participer aux votes s'ils ont un intérêt dans l'affaire examinée.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 16
(art. L. 4113-6, L. 4163-1 et L. 4163-2 du code de la santé publique)
Renforcement des règles interdisant la perception d'avantages par les professions médicales

Objet : Cet article a pour but de renforcer le dispositif « anti-cadeaux ».

I - Le dispositif proposé

L'article L. 4113-6 du code de la santé publique interdit aux professionnels de santé (professions médicales, pharmaciens et certains auxiliaires médicaux) de recevoir des avantages de toute nature, de la part de l'industrie pharmaceutique, à l'exception de ceux qui serait prévus, par convention, dans le but de procéder à des activités de recherche, par exemple. Cette interdiction est assortie de sanctions pénales qui sont définies par l'article L.4263-2 du même code.

Le I du présent article modifie ce dispositif pour renforcer la réglementation applicable sur trois points :

- l'interdiction pour les professionnels de santé de recevoir des avantages d'entreprises est étendue à toutes celles produisant ou commercialisant des produits de santé, que ceux-ci soient remboursés ou non (1° du I) ;

- l'interdiction pour les professions de santé de percevoir des avantages est assortie de l'interdiction pour les industriels de les procurer (2° du I). En conséquence, le IV du même article applique aux industriels les sanctions fixées pour les professionnels de santé (deux ans d'emprisonnement et 76.225 euros d'amende) et prévoit une série de sanctions en cas de mise en cause de leur responsabilité morale.

- les modalités du contrôle effectué sur les médecins sont renforcées (3° du I). Celui-ci relève, d'abord des conseils départementaux de l'ordre qui sont consultés sur le contenu des conventions prévues à titre dérogatoire par l'article L. 4113-6, sauf lorsque celles-ci sont nationales. Il est prévu qu'un décret en Conseil d'Etat fixera désormais les modalités de transmission et les délais ouverts aux conseils pour se prononcer. Surtout, tout avis défavorable du conseil sur les conventions devra être transmis aux médecins par l'entreprise concernée.

Le II précise la qualité des personnes habilitées à constater les infractions à cette réglementation et la nature de leurs pouvoirs (ceux prévus par le code de la consommation en matière de contrôle de la conformité et de la sécurité des produits).

Le III opère une modification de coordination dans l'article relatif aux sanctions pénales.

Le V adapte le dispositif prévu par l'article L. 4113-6 pour les auxiliaires médicaux (infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes et orthoptistes) en prenant en compte la nouvelle organisation de ces professions résultant de la création de l'office des professions paramédicales. Celui-ci se verra confier le soin de contrôler les conventions comme le font les ordres pour les professions médicales et les pharmaciens.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article deux amendements de coordination résultant du choix qu'elle a effectué de transformer les ordres professionnels et l'office des professions paramédicales en « conseils ».

III - La position de votre commission

Votre commission partage naturellement les objectifs de moralisation poursuivis par cet article.

Il souhaite cependant attirer l'attention du Gouvernement sur une difficulté juridique.

Le présent article étend le champ d'application de la loi dite « anti-cadeaux » à l'ensemble des « produits de santé » et non plus simplement aux produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale.

Or, les produits de santé ne sont juridiquement définis par aucun texte. L'article L. 5311-1 du code de la santé publique, relatif aux missions de l'AFSSAPS, fixe certes une liste des produits à finalité sanitaire mais il est précisé que cette liste n'est pas limitative.

La substitution de l'expression « produits de santé » à celle de « produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale » fait donc difficulté en ce qu'elle ne permet pas de délimiter avec précision le champ des entreprises visées par l'interdiction de procurer des avantages aux professionnels de santé. Ce problème se pose avec une particulière acuité dans la mesure où le principe d'interdiction des avantages est encadré par des sanctions pénales.

Votre commission vous propose par conséquent, à titre conservatoire, d'adopter deux amendements supprimant dans cet article l'extension de la loi « anti-cadeaux » à l'ensemble des produits de santé, dans l'attente d'une définition juridique et précise de ces produits.

Elle vous propose également d'adopter un amendement prévoyant qu'à défaut d'avis rendu par l'ordre des médecins sur les conventions liant les praticiens aux laboratoires pharmaceutiques dans les délais impartis, l'avis des instances ordinales est présumé favorable. Il s'agit là d'une mesure de simplification administrative puisque aujourd'hui 95 % des avis rendus sont favorables.

Votre commission vous propose enfin d'adopter deux amendements de coordination qui tirent les conséquences de la proposition que formule votre commission de revenir à la dénomination d'« ordre ».

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 17
(art. L. 4113-13 nouveau du code de la santé publique)
Obligation de transparence lors de déclarations publiques
sur les produits de santé

Objet : Cet article impose aux membres des professions médicales des obligations de transparence lorsqu'ils s'expriment publiquement sur des produits de santé.

I - Le dispositif proposé

Cet article crée, dans un souci de transparence, une obligation déontologique nouvelle pour les professions médicales.

Il insère dans le code de la santé publique un article L. 4113-13 prévoyant que les professionnels, qui interviendront sur des produits de santé lors d'une manifestation publique ou par voie de presse, devront faire connaître au public leurs liens éventuels avec des entreprises fabriquant ou exploitant des produits de santé.

Le contrôle de cette obligation est confié aux instances ordinales, chargées de sanctionner les éventuels manquements.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement de coordination résultant du choix de revenir à la dénomination d'« ordre ».

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 18
(art. L. 4221-17 et L. 4223-4 nouveau du code de la santé publique)
Modalités d'application aux pharmaciens des règles interdisant la perception d'avantages et des obligations de transparence

Objet : Cet article adapte les dispositions « anti-cadeaux » au cas particulier des pharmaciens et rend applicables à ceux-ci les dispositions de l'article 17.

I - Le dispositif proposé

Cet article adapte aux pharmaciens les règles posées par les articles 16 et 17.

Le I étend aux pharmaciens les obligations de transparence posées par l'article L. 4113-13 du code de la santé publique, créé par l'article 17 du projet de loi.

Il porte, ensuite, sur l'interdiction de la perception d'avantages par les pharmaciens. Cette règle leur est applicable depuis la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale mais des adaptations restaient nécessaires.

C'est ainsi que sont écartés du champ d'application de l'interdiction les remises ou les avantages commerciaux consentis aux pharmaciens par leurs fournisseurs, en application de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale.

Le contrôle des conventions admises par dérogation aux règles interdisant les avantages est ensuite organisé en fonction des structures de l'ordre des pharmaciens, qui sont différentes de celles des médecins pour lesquels elles avaient été initialement prévues.

Le II étend aux pharmaciens les sanctions pénales dont l'interdiction d'accepter des avantages est assortie.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement de coordination résultant du choix de revenir à la dénomination d'« ordre ».

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 19
(art. L. 1421-3-2 et L. 1425-2 nouveaux du code de la santé publique)
Application aux membres des conseils placés auprès des ministres des règles « anti-cadeaux » et des règles de transparence

Objet : Cet article étend aux membres des commissions ou des conseils placés auprès des ministres de la santé ou de la sécurité sociale les règles posées par les articles 16 et 17 du projet de loi.

Les articles 19 à 22 obéissent à une même logique : ils prévoient l'application des articles 16 ( dispositions « anti-cadeaux ») et 17 ( obligations de transparence en cas de déclarations publiques sur les produits de santé ), respectivement, aux membres des commissions consultatives placées auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, aux membres des commissions et conseils siégeant auprès de l'AFSSA, de l'ANAES et de l'AFSSAPS ainsi qu'aux personnes collaborant occasionnellement à leurs travaux.

Le présent article étend aux membres des commissions ou des conseils placés auprès des ministres de la santé ou de la sécurité sociale les règles posées par les articles 16 et 17 du projet de loi, c'est-à-dire :

- l'interdiction de percevoir des avantages de la part des industriels des produits de santé et l'interdiction pour ceux-ci de leur en proposer selon les règles fixées par l'article L. 4113-6 du code de la santé publique ;

- l'obligation de transparence lors des déclarations publiques sur les produits de santé.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 20
(art. L. 1323-9 et L. 1324-5 nouveau du code de la santé publique)
Application aux collaborateurs de l'Agence française
de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) des règles « anti-cadeaux »
et des règles de transparence

Objet : Cet article étend aux collaborateurs occasionnels et aux membres des commissions et des conseils de l'AFSSA les règles posées par les articles 16 et 17 du projet de loi.

Cet article étend aux collaborateurs occasionnels et aux membres des commissions et des conseils de l'AFSSA les règles posées par les articles 16 et 17 du projet de loi, c'est-à-dire :

- l'interdiction de percevoir des avantages de la part des industriels des produits de santé et l'interdiction pour ceux-ci de leur en proposer selon les règles fixées par l'article L. 4113-6 du code de la santé publique ;

- l'obligation de transparence lors des déclarations publiques sur les produits de santé.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 21
(art. L. 1414-4 et L. 1418-1 nouveau du code de la santé publique)
Application aux collaborateurs de l'Agence nationale d'accréditation
et d'évaluation en santé (ANAES) des règles « anti-cadeaux »
et des règles de transparence

Objet : Cet article étend aux collaborateurs de l'ANAES les règles posées par les articles 16 et 17 du projet de loi.

Cet article étend aux collaborateurs, même occasionnels, de l'ANAES les règles posées par les articles 16 et 17 du projet de loi, c'est-à-dire :

- l'interdiction de percevoir des avantages de la part des industriels des produits de santé et l'interdiction pour ceux-ci de leur en proposer selon les règles fixées par l'article L. 4113-6 du code de la santé publique ;

- l'obligation de transparence lors des déclarations publiques sur les produits de santé.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 22
(art. L. 5323-4 et L. 5451-4 nouveau du code de la santé publique)
Application aux collaborateurs de l'Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)
des règles « anti-cadeaux » et des règles de transparence

Objet : Cet article étend aux collaborateurs occasionnels et aux membres des commissions et des conseils de l'AFSSAPS les règles posées par les articles 16 et 17 du projet de loi.

Cet article étend aux collaborateurs occasionnels et aux membres des commissions et des conseils de l'AFSSAPS les règles posées par les articles 16 et 17 du projet de loi, c'est-à-dire :

- l'interdiction de percevoir des avantages de la part des industriels des produits de santé et l'interdiction pour ceux-ci de leur en proposer selon les règles fixées par l'article L. 4113-6 du code de la santé publique ;

- l'obligation de transparence lors des déclarations publiques sur les produits de santé.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 23
(art. L. 1323-2, L. 1413-3, L. 1414-1 et L. 5311-1
du code de la santé publique)
Organisation d'auditions publiques par les institutions sanitaires

Objet : Cet article prévoit l'obligation pour les établissements nationaux de veille et de sécurité sanitaire d'organiser des auditions publiques sur des thèmes de santé publique.

Cet article prévoit l'obligation pour les deux agences de sécurité sanitaire - Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)- ainsi que pour l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) et pour l'Institut de veille sanitaire (InVS) d'organiser des audiences publiques sur des thèmes de santé publique, analogues à celles prévues par l'article 24 pour la Conférence nationale de santé.

L'objectif est, selon le Gouvernement, de faire de ces organismes des instances du débat démocratique sur les questions de santé.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 23 bis (nouveau)
(art. 706-2 nouveau du code de procédure pénale)
Pôles de compétences spécialisés pour les infractions en matière sanitaire

Objet : Cet article crée des pôles de compétences spécialisés pour les infractions en matière sanitaire.

Cet article introduit par l'Assemblée nationale résulte d'un amendement présenté par le Gouvernement.

Il prévoit la mise en place de pôles de compétences spécialisés pour les infractions en matière sanitaire, à l'image des pôles économiques et financiers institués depuis 1994.

Il tend à insérer dans le livre IV du code de procédure pénale, qui traite « de quelques procédures particulières », un titre nouveau consacré à la poursuite, à l'instruction et au jugement des infractions en matière sanitaire, comprenant un article 706-2.

Le I de l'article 706-2 du code de procédure pénale prévoit que la compétence territoriale d'un tribunal de grande instance peut être étendue pour la poursuite, l'instruction et le jugement de certaines infractions dans les affaires relatives à un produit de santé ou un produit destiné à l'alimentation de l'homme ou de l'animal « qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité ».

Les infractions pour lesquelles le tribunal de grande instance à compétence élargie devrait être saisi seraient les atteintes à la personne humaine au sens du titre II du code pénal, les infractions prévues par le code de la santé publique et les infractions prévues par le code rural ou le code de la consommation.

Le II de l'article 706-2 prévoit que l'activité des « pôles de santé » pourra être facilitée par le recrutement d'assistants spécialisés en matière sanitaire, qui seraient recrutés parmi les fonctionnaires de catégorie A ou B relevant des ministres chargés de la santé, de la recherche et de l'agriculture ainsi que parmi les personnes justifiant d'une qualification professionnelle définie par décret et d'une expérience professionnelle minimale de quatre années.

Les assistants spécialisés dans les « pôles de santé » exerceront les mêmes missions que celles dévolues aux assistants spécialisés dans les juridictions économiques et financières.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE V
-
Orientations de la politique de santé

Comprenant un seul article, l'article 24, le chapitre V se donne pour mission, si l'on en croit l'exposé des motifs, d'aménager « la procédure d'élaboration de la politique de santé de manière à mieux y associer la représentation nationale » .

C'est très tôt et sans a priori que votre commission des Affaires sociales s'est penchée sur le bilan que l'on pouvait tirer de la réforme constitutionnelle et organique de 1995-96 portant création des lois de financement de la sécurité sociale. En constituant un groupe de travail autour de M. Charles Descours 5 ( * ) , votre commission avait abouti à deux conclusions qui restent plus que jamais d'actualité : d'abord, la nécessité d'une meilleure articulation entre les lois de financement et les orientations de la politique de santé ; ensuite une indispensable adaptation des calendriers, des procédures et des moyens à ce rendez-vous majeur qu'est le débat devant le Parlement consacré aux finances sociales.

Le rapport de votre commission des Affaires sociales rappelait tout d'abord l'ambition poursuivie dans ce domaine par la réforme Juppé.

La « chaîne vertueuse » souhaitée par les ordonnances de 1996 était la suivante : travaux d'expertise du Haut comité de santé publique (HCSP) conduits très en amont, professionnels réunis au sein de la Conférence nationale de santé (CNS) « s'appropriant » le travail des experts, rapport au mois de mai de la CNS préfigurant le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale, déposé début octobre par le Gouvernement devant le Parlement.

Ce rapport annexé, introduit par la loi organique du 22 juillet 1996, a pour objet, selon le I de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, de présenter « les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale » . Lors de la discussion de la loi organique, le Sénat n'avait pas caché son scepticisme devant l'intérêt d'un rapport annexé devenu « amendable » pour répondre au souhait de l'Assemblée nationale de l'époque.

Dans les faits, la « chaîne vertueuse » imaginée n'a pas fonctionné : le HCSP et la CNS ont travaillé chacun de leur côté, se répartissant de manière pragmatique les sujets à traiter, le calendrier n'a jamais véritablement permis que des orientations dégagées par la conférence nationale de santé de l'année n-1 soient repris dans le corps normatif de la loi de l'année n .

De fait, le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale, après avoir repris en catastrophe la première année (loi de financement de la sécurité sociale pour 1997) les « dix priorités » de santé publique arrêtées par la CNS, s'est transformé au fil du temps en panégyrique de la politique gouvernementale, rappelant davantage les « bienfaits » de celle-ci que les orientations de la politique de santé, et s'adressant ainsi plus au passé qu'au futur.

Dépourvu de normativité, en raison de la jurisprudence « Rouquette » du Conseil d'Etat 6 ( * ) , sa discussion a été reléguée à l'Assemblée nationale à une heure tardive, à l'issue de la discussion des articles, alors que son contenu était censé « éclairer » les choix du dispositif législatif. La loi de financement de la sécurité sociale bénéficiant d'un temps de discussion très réduit, le Gouvernement transformant les projets de loi de financement de la sécurité sociale en projets de loi « à tout faire », le lien entre les orientations de la politique de santé et les décisions prises en matière d'assurance maladie est devenu trop ténu et artificiel pour susciter un quelconque intérêt.

A l'issue de ce constat, votre commission proposait dès 1999 de remplacer le rapport annexé par des lois pluriannuelles de santé publique . Elle évoquait un rythme « quinquennal », à la suite de réflexions conduites par M. Joël Ménard, alors directeur général de la santé.

L'article 24 du projet de loi entend répondre à l'ensemble des critiques portées sur l'absence de lien entre orientations de santé publique et assurance maladie, ainsi que sur le caractère quelque peu opaque de la définition de la politique de santé publique. Les solutions qu'il apporte apparaissent néanmoins décevantes.

Art. 24
(art. L. 1411-1 et art. L. 1411-1-1 à L. 1411-1-4 nouveaux
du code de la santé publique)
Elaboration de la politique de santé au niveau national

Objet : Cet article redéfinit les rôles du Haut comité de la santé publique, de la Conférence nationale de santé, du Gouvernement et du Parlement au regard de l'élaboration de la politique de santé.

Le I de cet article procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 1411-1 du code de la santé publique.

Art. L. 1411-1
Rapport sur la politique de santé

I - Le dispositif proposé

Cet article remplace l'actuel rapport au Gouvernement de la Conférence nationale de santé, par un autre rapport du Gouvernement sur la politique de santé de l'année suivante , préparé chaque année compte tenu de priorités pluriannuelles et élaboré avec le concours du Haut comité de la santé publique, au vu de l'application de la politique de santé dans les régions établi, avant le 1 er mars, par les conseils régionaux de la santé et au vu des propositions qu'ils formulent.

Le rapport est ensuite transmis, après avis de la Conférence nationale de santé, à l'Assemblée nationale et au Sénat au plus tard le 15 mai suivant.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements, le premier tendant à remplacer la désignation de « Haut comité de la santé publique » par celle de « Haut conseil de la santé », le second précisant que le rapport ferait l'objet d'un débat au Parlement.

III - La position de votre commission

Cet article ne répond en rien aux critiques adressées à l'absence de lien entre la politique de santé et la politique d'assurance maladie, c'est-à-dire l'absence de « contenu en santé publique » qui caractérise aujourd'hui l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

Il est vrai qu'une véritable réforme nécessiterait une modification de la loi organique du 22 juillet 1996, et donc l'adoption d'une loi organique correctrice. C'est dans cet esprit que la majorité de votre commission a déposé une proposition de loi en avril dernier 7 ( * ) , qui prévoyait la suppression du rapport annexé et son remplacement par un rapport du Gouvernement, non amendable par les parlementaires, spécifiquement consacré à l'évolution de l'ONDAM. Un tel rapport justifierait l'évolution proposée pour l'année de cet objectif au regard notamment de l'évolution spontanée des dépenses, rappellerait l'impact des dispositions figurant dans le projet de loi et chiffrerait le financement des priorités de santé publique mises en oeuvre.

En revanche, le texte proposé par cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique passe l'essentiel presque sous silence : des priorités de santé publique ne peuvent être déterminées que selon un horizon pluriannuel. Or, le Parlement semble totalement exclu de la définition de ces priorités, puisqu'il ne débattrait que d'un rapport annuel sur la politique de santé, tandis que le Gouvernement tandis que le Gouvernement « déterminerait » de son seul chef des priorités pluriannuelles... Or, ce sont ces priorités pluriannuelles qui constituent le véritable « débat ».

Votre commission estime que le Gouvernement devrait avoir pour tâche de préparer des « lois pluriannuelles de santé publique », solennellement adoptées par le Parlement. Créer de telles lois n'est pas du ressort de la loi ordinaire, mais de la loi organique. Cependant, la simple volonté politique du Gouvernement suffirait pour qu'il présente régulièrement, de sa propre initiative, ces « lois pluriannuelles de santé publique », à l'image des « lois d'orientation » qui se sont succédé dans le domaine agricole sans fondement constitutionnel ou organique. L'exemple des « lois de programmation militaire » montre également toute l'inventivité de la pratique de la V ème République.

Dans ces conditions, votre commission vous propose un amendement procédant à une rédaction globale de cet article, en mettant en avant la nécessité de définir la politique de santé selon des priorités pluriannuelles. Les conseils régionaux de santé et le Haut conseil de santé auraient à charge d'évaluer annuellement l'application de cette politique de santé. La mission d'expertise revient au Haut conseil de santé, à travers un rapport annuel qui sera un rapport « objectif ».

Le Gouvernement, au vu de ces travaux, remettrait un rapport au Parlement, précisant les orientations de la politique de santé qu'il retient en vue de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année suivante. Ce rapport disposerait ainsi d'un contenu « concret », permettant d'éclairer le débat du PLFSS.

La Conférence nationale de santé, instance des « professionnels », se prononcerait par la voie d'un avis sur le rapport du Gouvernement.

Le Gouvernement aurait alors toute latitude d'organiser un débat annuel au Parlement. Ce dernier au demeurant peut lui-même en prendre l'initiative, par l'intermédiaire de l'organisation d'une série de questions orales avec débat.

En revanche, prévoir ce débat dans la loi, comme semble l'avoir indiqué le Conseil d'Etat et comme l'a rappelé M. Claude Evin à l'Assemblée nationale 8 ( * ) , apparaît inconstitutionnel.

Le II de cet article insère dans le code de la santé publique deux nouveaux articles, devenus quatre à la suite de la discussion du projet de loi par l'Assemblée nationale.

Art. L. 1411-1-1
Missions de la Conférence nationale de santé

I - Le dispositif proposé

Cet article énumère de manière désormais limitative les missions de la Conférence nationale de santé :

- analyser les données relatives à la situation sanitaire de la population ainsi que l'évolution des besoins de celle-ci : cette mission est déjà prévue par l'actuel article L. 1411-1 du code de la santé publique ;

- donner un avis au Gouvernement sur le rapport annuel sur la politique de santé ainsi que sur toute autre question qu'il lui soumet : la Conférence nationale de santé avait jusqu'alors pour mission d'élaborer un rapport annuel au Gouvernement « dont il est tenu compte pour l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale » ; il n'est pas explicitement prévu que le nouvel avis soit rendu public ;

- élaborer un rapport annuel, rendu public, sur le respect des droits des usagers du système de santé sur la base des rapports établis par les conseils régionaux de santé : cette mission est nouvelle ;

- faire des propositions aux pouvoirs publics et aux professionnels de santé en vue d'améliorer le fonctionnement du système de santé, la prise en charge des personnes malades et la réponse aux besoins de la population : cette mission, d'une particulière ampleur, apparaît en quelque sorte « nouvelle » : cependant, la Conférence nationale de santé dispose aujourd'hui de compétences non limitatives ;

- participer à l'organisation de débats publics permettant l'expression des citoyens sur des questions de santé ou d'éthique médicale : cette mission est également une nouveauté.

En conséquence, une des compétences de la Conférence nationale de santé disparaît ; elle a aujourd'hui « notamment » pour mission de « proposer les priorités de la politique de santé publique et des orientations pour la prise en charge des soins compte tenu de l'évolution des techniques préventives, diagnostiques et thérapeutiques » .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, l'Assemblée nationale a souhaité que la mission de « participation » à l'organisation de débats publics se transforme en obligation, puisque la Conférence nationale de santé aurait désormais pour tâche « d'organiser » de tels débats.

III - La position de votre commission

Votre commission rappelle qu'elle a constamment auditionné le président de la Conférence nationale de santé sur tous les projets de loi de financement de la sécurité sociale qui se sont succédé. Le contenu des rapports présentés a suscité un grand intérêt de la part de ses membres.

Dans le cadre du projet de loi, qui voit la composition de la Conférence élargie aux usagers et fait évoluer cet organisme vers une instance de dialogue entre professionnels de santé et « usagers » du système de santé, la mission consistant à rendre un rapport en amont du projet de loi de financement de la sécurité sociale devient sans objet.

Votre commission vous propose d'adopter quatre amendements :

- un amendement tendant à donner la possibilité aux présidents des assemblées de saisir la Conférence nationale de santé sur toute question jugée utile ;

- deux amendements rédactionnels, visant à alléger le texte proposé, souvent redondant ;

- un amendement tendant à revenir au texte présenté par le Gouvernement : il n'apparaît pas souhaitable que la Conférence nationale de santé « organise » des débats publics permettant l'expression des citoyens sur des questions de santé ou d'éthique médicale. Une telle solution risque d'être réductrice : d'autres instances, à commencer par le Gouvernement ou le Parlement, peuvent souhaiter initier de tels débats, qui s'appuieraient bien évidemment sur la Conférence. Par ailleurs, la charge administrative pour organiser de tels débats, ou le consensus nécessaire des membres de la Conférence pour décider de leur organisation, risquent de paralyser l'initiative.

Art. L. 1411-1-2
Composition de la Conférence nationale de santé

I - Le dispositif proposé

Cet article précise que la Conférence nationale de santé comprend des professionnels de santé et des établissements de santé ou d'autres structures de soins ou de prévention, des représentants des conseils régionaux de santé, des usagers et des personnalités qualifiées.

Les usagers et les personnalités qualifiés font ainsi leur entrée « officielle » dans la composition de la Conférence ; rien n'interdit à l'heure actuelle leur participation, puisque le texte de l'article L. 1411-1 indique que la Conférence est composée « notamment » de représentants des professionnels, institutions et établissements de santé et de représentants des conférences régionales de santé.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, l'Assemblée nationale a souhaité compléter la composition de la Conférence par la présence de représentants des industries des produits de santé et des organismes d'assurance maladie.

III - La position de votre commission

Votre commission estime que les modifications introduites par l'Assemblée nationale sont particulièrement pertinentes. Elle se contente de proposer un amendement purement rédactionnel : il importe de préciser en effet, par parallélisme avec les autres catégories de personnes ou d'institutions composant la Conférence nationale de santé, que les organismes d'assurance maladie et les usagers siègent à la Conférence par le biais de « représentants ». Seules les personnalités qualifiées échappent, compte tenu de leur statut, à la nécessité d'une représentation.

Art. L. 1411-1-3
Missions du Haut conseil de la santé

I - Le dispositif proposé

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, décrit les missions du Haut conseil de la santé.

Ce Haut conseil de la santé se substitue à l'actuel Haut comité de la santé publique, dont les missions étaient jusqu'à présent précisées par le décret du 3 décembre 1991.

Le Haut conseil de la santé aurait toujours pour compétence de « contribuer à la définition des objectifs de la politique de santé » . Alors qu'il était jusqu'à présent chargé de rédiger un rapport annuel destiné à la Conférence nationale de santé et au Parlement, il apportera son concours au Gouvernement sur l'élaboration du rapport prévu à l'article L. 1411-1 et pourra donner « toute recommandation qu'il juge nécessaire en vue d'améliorer les politiques de santé » . Enfin, il peut être consulté par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale sur toute question concernant l'organisation du système de santé, « en particulier sur les évolutions du système de soins liées aux objectifs de la politique de santé » .

II - La position de votre commission

Si la consécration législative du Haut comité de la santé publique, devenu par l'évolution du langage politico-administratif « Haut conseil de la santé », recueille le consensus, votre commission considère qu'il serait dommage d'amputer les compétences du nouveau Haut conseil par rapport à celles dont dispose aujourd'hui le Haut comité.

En effet, selon le décret du 3 décembre 1991, le Haut comité a pour mission d'observer l'état de santé de la population. Il apparaît difficile de « contribuer à la définition des objectifs de la politique de santé » sans exercer ce rôle d'observation et d'expertise.

En conséquence, votre commission vous propose l'adoption d'un amendement procédant à une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L. 1411-1-3.

Votre commission souhaite également que le Haut conseil dispose d'une mission de « vigie » en matière de prévention ; à cette fin, il serait souhaitable que le nouvel établissement public « Institut national de prévention et de promotion de la santé », créé à l'article 54 du projet de loi, soit placé sous son autorité scientifique.

Enfin, votre commission vous propose l'adoption d'un amendement au second alinéa de cet article, tendant à prévoir la possibilité pour les présidents des commissions chargées des Affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat de saisir le Haut conseil de toute question concernant l'organisation du système de santé. L'outil d'expertise du Haut conseil de la santé publique sera ainsi à la disposition de l'ensemble des pouvoirs publics.

Art. L. 1411-1-4
Composition du Haut conseil de la santé

I - Le dispositif proposé

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, précise la composition du Haut conseil de la santé, qui comprendrait des membres de droit et des personnalités qualifiées dont la compétence est reconnue sur les questions de santé.

Cette composition serait ainsi sans changement par rapport au droit existant, puisque le Haut comité de la santé publique comprend actuellement six membres de droit - le directeur général de la santé, le directeur des hôpitaux, le directeur de la sécurité sociale, le directeur de la CNAMTS, le directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et le directeur de l'Ecole nationale de santé publique - et vingt membres nommés par arrêté en raison de leur compétence dans le domaine de la santé.

L'innovation que constitue cet article est que, désormais, le président du Haut conseil ne sera pas le ministre de la santé, mais sera « élu par les membres » .

II - La position de votre commission

Souhaitant que le Haut conseil soit un outil indépendant d'expertise au bénéfice des pouvoirs publics, votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à préciser que le président est élu parmi les personnalités qualifiées.

Enfin, le III de cet article dispose que le présent article entrera en vigueur à la date de nomination des membres de la Conférence nationale de santé et des membres du Haut conseil de la santé. Il sera donc nécessaire d'attendre les décrets d'application, et les arrêtés de nomination, pour que le dispositif prévu du « rapport » fonctionne.

Votre rapporteur observe que, par arrêté du ministre délégué à la santé en date du 15 octobre 2001, paru au Journal officiel du 23 octobre, le mandat des membres du Haut Comité de la santé publique a été prorogé d'un an à compter du 31 décembre 2001.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé .

CHAPITRE VI
-
Organisation régionale de la santé

Ce chapitre, relatif à « l'organisation régionale de la santé », regroupe en fait des dispositions disparates : si la création des « conseils régionaux de santé », à l'article 25, répond à l'intitulé ambitieux du chapitre, l'article 30 -relatif à l'organisation régionale des ordres médicaux- s'explique en raison de la réforme de ces ordres et non d'une quelconque « régionalisation ».

Art. 25
(art. L. 1411-3, art. L. 1411-3-1 à L. 1411-3-3 nouveaux
du code de la santé publique)
Création des conseils régionaux de santé

Objet : Cet article crée de nouvelles instances consultatives compétentes en matière de santé au niveau régional, les conseils régionaux de santé.

I - Le dispositif proposé

Le I de cet article procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 1411-3 du code de la santé publique, qui était jusqu'alors relatif aux conférences régionales de santé, créées par les ordonnances de 1996.

Les conférences régionales de santé seraient ainsi remplacées par des conseils régionaux de santé , ayant pour mission de « contribuer à la définition et à la mise en oeuvre des politiques régionales de santé » . Ces conseils régionaux de santé siègeraient en formation plénière ou en sections spécialisées.

Le deuxième alinéa de cet article précise que le représentant de l'Etat dans la région ou dans la collectivité territoriale de Corse et le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation assistent sans voix délibérative aux travaux des conseils régionaux de santé.

Le II de cet article insère, après l'article L. 1411-3 du code de la santé publique, trois nouveaux articles, les articles L. 1411-3-1 à L. 1411-3-3.

L'article L. 1411-3-1 énumère les missions que doit assurer le conseil régional dans le cadre de ses réunions en formation plénière :

- l'analyse de l'évolution des besoins de santé et l'examen des données relatives à la situation sanitaire et sociale de la population de la région ;

- le bilan de l'application de la politique de santé dans la région et la proposition de priorités de santé publique et d'organisation des soins pour l'année suivante ;

- l'examen, à travers un rapport de synthèse, de la qualité des actions de prévention et des soins dans la région ;

- l'évaluation des conditions dans lesquelles sont appliqués et respectés les droits des personnes malades et des usagers, à travers un rapport spécifique ;

- l'organisation éventuelle de « débats publics permettant l'expression des citoyens sur des problèmes de politique de santé et d'éthique médicale » .

En dehors des deux dernières, ces missions ne sont pas nouvelles par rapport au champ de compétences dont disposent aujourd'hui les conférences régionales de santé. Une mission est même « en retrait » par rapport à la rédaction de l'actuel article L. 1411-3 du code de la santé publique ; en effet, cet article prévoit que la conférence régionale de santé « établit les priorités de santé publique de la région qui peuvent faire l'objet de programmes dont l'élaboration et la mise en oeuvre sont coordonnées par le représentant de l'Etat dans la région » , alors que la nouvelle rédaction se borne à prévoir que le conseil régional de santé formulera des propositions dans ce domaine.

Les différents rapports des conseils régionaux de santé sont transmis au ministre chargé de la santé, à la Conférence nationale de santé, au représentant de l'Etat dans la région, à l'agence régionale de l'hospitalisation, à l'union régionale des caisses d'assurance maladie, à l'union régionale des médecins exerçant à titre libéral et à l'office des professions paramédicales créé par le projet de loi à l'article 49.

Les conseils régionaux de santé voient leur composition peu modifiée par rapport à celle des actuelles conférences régionales de santé 9 ( * ) : les « représentants de l'Etat » disparaissent en tant que tels, et symboliquement, les « représentants des collectivités territoriales » apparaissent en premier. Par ailleurs, le président du conseil régional de santé est élu « en son sein » , cette élection n'est pas prévue par l'actuel article L. 1411-3 du code de la santé publique.

L'article L. 1411-3-2 décrit la compétence des sections spécialisées des conseils régionaux.

Cette compétence est uniquement consultative. Elle s'exprime, par la voie d'avis, sur :

- les projets de carte sanitaire et de schéma régional d'organisation sanitaire, ainsi que sur les projets de décisions d'organisation sanitaire relevant des compétences des agences régionales de l'hospitalisation ; ces avis est aujourd'hui donné par la section sanitaire des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale ;

- les projets d'expérimentation de réseaux de soins prévus dans le cadre du code de la sécurité sociale en remplacement du conseil d'orientation des filières et réseaux de soins expérimentaux (« comité Soubie ») ;

- les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS) créés par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ;

- les programmes régionaux de santé (PRS), réformés par le nouvel article L. 1411-3-3 (cf. infra) .

L'article L. 1411-3-3 réforme les programmes régionaux de santé. Ces derniers, mis à place à titre expérimental dans quelques régions dès 1994, ont été officialisés par les ordonnances d'avril 1996. Ils permettent (cf. circulaire DGS 97-731 du 20 novembre 1997) , avec l'ensemble des acteurs concernés, « d'élaborer les objectifs et de mettre en oeuvre les activités les plus à même de diminuer l'importance des problèmes de santé prioritaires pour chaque région » . Ils sont la réponse à des besoins identifiés, soit au niveau national, soit au niveau régional.

Il existe désormais un grand nombre de programmes, les thèmes le plus souvent retenus étant la prévention du suicide, l'alcoolisme et le cancer. Certaines régions en sont déjà à la « deuxième génération » des PRS.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements :

- le premier, à l'article L. 1411-3-1, pour insérer la prévention au sein des propositions formulées par le conseil régional de santé ;

- le deuxième, au même article, à l'initiative de Mme Jacqueline Fraysse et des membres du groupe communiste et apparentés, pour rendre obligatoire « l'organisation de débats publics permettant l'expression des citoyens sur des problèmes de santé ou d'éthique médicale » ;

- le troisième pour apporter une amélioration rédactionnelle à l'article L. 1411-3-2 ;

- le quatrième, au même article, pour créer une section spécialisée compétente pour donner un avis au représentant de l'Etat dans la région sur les programmes régionaux statistiques et d'études dont il coordonne l'élaboration et la mise en oeuvre.

III - La position de votre commission

Cet article procède à une réforme pragmatique de la politique régionale de santé : regrouper au sein de la même instance des compétences jusqu'alors remplies par des organismes disparates mérite tout particulièrement d'être salué.

Pour autant, cet article, qui entérine et améliore une déconcentration davantage qu'il n'organise celle-ci, est muet sur la question fondamentale de la compétence, ou plus exactement de l'absence de compétence, de la collectivité régionale. Il repose ainsi un problème de principe auquel la France n'a pas pu apporter de réelle solution depuis cent cinquante ans : peut-on organiser une déconcentration sans opérer une décentralisation, au moins partielle ?

Par exemple, le président du conseil régional de santé, dans l'esprit de la loi, sera un des représentants des collectivités territoriales ; un représentant d'un conseil régional, voire son président, sera le mieux placé pour revendiquer cette fonction. A la tête du conseil régional de santé, forme de « parlement régional de la santé », il sera ainsi l'interlocuteur légitime de l'agence régionale de l'hospitalisation, forme -certes inachevée, en l'absence de transformation des ARH en ARS (agences régionales de santé)- « d'exécutif » de la santé en région. Cette présidence aura nécessairement des conséquences sur l'évolution future des compétences des collectivités territoriales.

A l'évidence, le dispositif proposé suscite des problématiques qui dépassent de loin la compétence de votre commission des Affaires sociales. C'est pour cette raison qu'elle en approuve sa philosophie générale, tout en appelant l'attention sur son caractère transitoire.

Votre rapporteur souhaite, de manière générale, préciser le texte, afin notamment d'articuler les missions des conseils régionaux de santé avec les orientations de la politique de santé prévues par l'article 24 du projet de loi et de faire mieux apparaître, au même rang que la politique de soins, la politique de prévention.

Après l'adoption d'un amendement rédactionnel au texte proposé pour l'article L. 1411-3 du code de la santé publique , permettant de s'assurer de l'existence d'un conseil régional de santé par région, votre rapporteur vous propose l'adoption de cinq amendements au texte proposé pour l'article L. 1411-3-1 du code de la santé publique :

- le premier articule la définition des priorités régionales de santé publique avec celles retenues sur le plan national et permet de mettre davantage en avant l'horizon pluriannuel des priorités de santé publique proposées par les conseils régionaux de santé. Ces priorités porteront à la fois sur la politique de soins et sur la politique de prévention et seront à l'origine des programmes régionaux de santé déterminés par le préfet ;

- le deuxième précise le contenu du rapport annuel des conseils régionaux de santé : il porte sur l'application et l'évaluation des priorités définies de manière pluriannuelle. Il est consacré à l'organisation, à la qualité des soins et à la prévention. Son caractère est également prospectif, à travers des propositions. Ainsi, le rapport ad hoc de synthèse sur la qualité des actions de prévention et des soins dans la région n'a plus lieu d'être : son contenu est intégré dans le rapport annuel. Alors que le texte prévoit actuellement trois rapports du conseil régional de santé, votre rapporteur propose de n'en conserver que deux : le rapport annuel et le rapport spécifique consacré à l'évaluation des conditions dans lesquelles sont appliqués et respectés les droits des personnes malades et des usagers ;

- le troisième supprime l'obligation introduite par l'Assemblée nationale d'organiser des débats publics permettant l'expression des citoyens sur des problèmes de santé ou d'éthique médicale ; cette obligation, qui n'est pas précisée et reste dépourvue de toute sanction en cas d'abstention, soulève un certain nombre de difficultés ;

- le quatrième permet d'assurer la publicité des rapports du conseil régional de santé et d'étendre la liste de leurs destinataires ;

- le cinquième inclut des représentants du Conseil économique et social régional au sein de la formation plénière du conseil régional de santé.

A l'article L. 1411-3-2 du code de la santé publique , votre rapporteur vous propose l'adoption de deux amendements.

Le premier tire les conséquences de l'adoption des articles 35 et 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui ont respectivement abrogé les dispositions concernant les réseaux « Soubie » et prévu que les conseils régionaux de santé donneront un avis au préfet de région sur la définition des zones rurales ou urbaines où est constaté un déficit en matière d'offre de soins.

Le second est un amendement rédactionnel, qui rappelle qu'il ne peut y avoir plusieurs programmes d'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies (PRAPS) par région, mais un seul.

A l'article L. 1411-3-3 du code de la santé publique , votre rapporteur souhaite préciser, par la voie d'un amendement, que le représentant de l'Etat rendra compte de la réalisation des programmes régionaux de santé au conseil régional de santé, dans un délai respectant la contrainte représentée par la mission de « bilan » que doit effectuer, avant le 1 er mars de chaque année, le conseil régional de santé.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 25 bis (nouveau)
(art. L. 6115-3 du code de la santé publique)
Suppléance des directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation

Objet : Cet article permet aux directeurs des ARH de disposer d'une délégation de signature du ministre.

I - Le dispositif proposé

Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement.

Il modifie l'avant-dernier alinéa de l'article L. 6115-3 du code de la santé publique, en donnant la possibilité aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale de déléguer leur signature aux directeurs des agences régionales de l'hospitalisation.

Par ailleurs, il complète cet article en précisant que le directeur adjoint ou, lorsque cette fonction n'existe pas, le secrétaire général, supplée de droit le directeur en cas de vacance momentanée, d'absence ou d'empêchement.

Comme M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, l'a indiqué devant l'Assemblée nationale, cet article s'explique en raison de l'impossibilité pour les directeurs d'ARH de représenter l'Etat devant les tribunaux administratifs, et donc de la « perte » de plusieurs instances pour ce seul motif.

II - La position de votre commission

Cet article est certainement très utile et remédie à une légère « malfaçon » de l'ordonnance n° 96-344 du 24 avril 1996.

Votre rapporteur se borne à constater que son adoption renforce le caractère de « DMOSS » (diverses mesures d'ordre sanitaire et social) de ce projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 26
(art. L. 1411-5 du code de la santé publique)
Programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS)

Objet : Cet article supprime le « comité PRAPS » compte tenu des compétences du nouveau conseil régional de santé.

I - Le dispositif proposé

Cet article, qui est de conséquence par rapport à l'article 25, modifie le troisième alinéa de l'article L. 1411-5 du code de la santé publique, dont l'origine est l'article 71 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Un « programme régional d'accès à la prévention et aux soins » (PRAPS) comporte des actions coordonnées de prévention et d'éducation à la santé, de soins, de réinsertion et de suivi qui sont mises en oeuvre chaque année, dans chaque département, pour améliorer la santé des personnes démunies.

Ce programme, aujorud'hui, est établi après consultation d'un comité, dénommé « comité PRAPS ». Compte tenu de la compétence donnée à une section spécialisée du conseil régional de santé, le « comité PRAPS » ne se justifie plus. L'article ne modifie pas la composition de ce comité, en dehors des représentants des services de l'Etat et de l'agence régionale de l'hospitalisation, qui se borneront désormais à participer aux travaux de la section.

Cette « participation » laisse demeurer une ambiguïté, que votre rapporteur vous propose de lever par la voie d'un amendement ; il convient de préciser que les représentants de l'Etat présents dans cette section y assisteront sans voie délibérative, par parallélisme avec le texte prévu pour le deuxième alinéa de l'article L. 1411-3 du code de la santé publique (cf. art. 25) .

En revanche, une précision par rapport au droit existant, selon laquelle « Le représentant de l'Etat dans la région coordonne l'élaboration des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins » , est introduite par cet article. L'utilisation d'un pluriel laisserait entendre qu'il existe plusieurs PRAPS par région, ce qui ne semble pas être le cas.

Au-delà, les PRAPS ne sont pas « élaborés » en tant que tels par le conseil régional de santé, mais bien par le représentant de l'Etat dans la région ou le représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse, qui disposent déjà de cette compétence, prévue au premier alinéa de l'article L. 1411-5 du code de la santé publique, qui n'est pas modifié par le projet de loi.

Aussi votre rapporteur vous propose-t-il de supprimer, par voie d'amendement, cet ajout au droit existant, qui s'avère inutile et inexact.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 27
(art. L. 1516-1, L. 6114-2, L. 6114-3, L. 6115-4, L. 6115-9, L. 6121-8, L. 6121-9, L. 6121-10, L. 6121-11, L. 6121-12, L. 6122-10, L. 6122-12
et L. 6122-13 du code de la santé publique)
Dispositions de cohérence

Objet : Cet article modifie par cohérence l'ensemble des dispositions faisant référence aux conférences régionales de santé et aux comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale.

I - Le dispositif proposé

Cet article tire les conséquences de la création, à l'article 25, des conseils régionaux de santé, qui remplacent les conférences régionales de santé, et de la création d'une section spécifique en leur sein, qui reprend les attributions des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur vous propose, à cet article, l'adoption de sept amendements :

- le premier supprime le 1° de cet article, qui modifie l'article L. 1516-1 du code de la santé publique, relatif à la collectivité territoriale de Mayotte. Or, les dispositions relatives à cette collectivité territoriale ne doivent pas être visées par cet article, puisque les modifications nécessaires pour l'adaptation de la présente loi à Mayotte seront fixées, en application de l'article 74 du présent projet de loi, par ordonnance ;

- le deuxième modifie le 3° de cet article, afin de rétablir la bonne compréhension de l'article L. 6115-4 du code de la santé publique ;

- le troisième supprime le 9° de cet article, qui entend ajouter un député et un sénateur à la liste des membres du comité national d'organisation sanitaire et sociale ; or, leur présence est prévue, héritage de l'histoire ou de la codification, à l'article L. 6121-10, alors que la composition du CNOSS est déclinée à l'article L. 6121-9 : sans être « sourcilleux » sur les prévenances dues aux parlementaires, la rédaction proposée par le 9° de l'article 27 conduirait à placer les représentants de la Nation en queue d'une longue liste de membres ;

- le quatrième insère un 9° bis , afin de compléter le « toilettage » de l'article L. 6121-9 du code de la santé publique : cet article sera désormais réservé au seul Comité national de l'organisation sanitaire et sociale, et non aux comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale ;

- le cinquième supprime, par coordination avec le troisième amendement, le 10° de cet article ;

- le sixième et le septième amendements achèvent de tirer les conséquences de la création d'une section « comité régional de l'organisation sanitaire et sociale » au sein du conseil régional de santé.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 28
(art. L. 312-3-1 nouveau, L. 311-5, L. 312-1, L. 312-2, L. 312-3, L. 312-4, L. 313-3, L. 313-7, L. 313-8, L. 313-11
du code de l'action sociale et des familles)
Création des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale

Objet : Cet article crée, en conséquence de la disparition des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale, des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale.

I - Le dispositif proposé

Le I de cet article insère au chapitre II du titre I er du livre III du code de l'action sociale et des familles un article L. 312-3-1 créant les comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale .

Ce nouvel article du code de l'action sociale et des familles indique la composition de ces comités, précise qu'ils sont présidés par un magistrat du corps des conseillers des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs ou du corps des conseillers de chambres régionales des comptes et leur donne la possibilité de siéger conjointement avec les sections de l'organisation sanitaire des conseils régionaux de santé. Il fait enfin référence à un décret en Conseil d'Etat pour fixer la composition et les modalités de fonctionnement des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale.

Le II de cet article modifie un certain nombre d'articles du code de l'action sociale et des familles, afin de remplacer l'appellation de « comité régional de l'organisation sanitaire et sociale » par celle de « comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale », et à supprimer la référence à l'article L. 6121-9 du code de la santé publique, puisque le nouveau comité régional, dont la compétence est limitée au médico-social, est désormais englobé dans le code de l'action sociale et des familles.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant que les personnes morales gestionnaires d'établissements et de services sociaux et médico-sociaux seront représentées au sein des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale, et non les établissements.

III - La position de votre commission

Cet article tire les conséquences de l'article 25, relatif aux conseils régionaux de santé. Les actuels « comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale » (CROSS), comportant aujourd'hui deux types de sections, une section sanitaire et une section sociale, sont ainsi éclatés entre :

- la composante « sanitaire », qui devient une section spécialisée du conseil régional de santé ;

- la composante « médico-sociale », qui reste en dehors du conseil régional de santé.

Il semble que la composante médico-sociale souhaite le maintien d'une structure spécifique. Cependant, ce « découplage » par rapport au sanitaire présente des inconvénients ; du reste, les rédacteurs du projet de loi, lorsqu'ils ont laissé la possibilité d'une session commune entre ces nouveaux comités régionaux et la section sanitaire du conseil régional de santé, l'ont pressenti.

On peut estimer que la logique conduira, si la réforme de la régionalisation remplit ses promesses, à la dilution des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale au sein d'une section spécifique des conseils régionaux de santé.

Compte tenu de l'adoption de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, postérieure à la première lecture du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, votre rapporteur vous propose un amendement procédant à une rédaction globale de cet article, permettant d'assurer la cohérence des deux textes législatifs.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 29
Date d'application de la nouvelle organisation régionale

Objet : Cet article prévoit que les dispositions des articles 25 à 28 entreront en vigueur de manière différée.

I - Le dispositif proposé

Cet article précise que « les dispositions des articles 25 à 28 entreront en vigueur six mois après la publication de la présente loi » . Il convient en effet de maintenir en vigueur, jusqu'à l'adoption et la promulgation des décrets d'application, les dispositions actuelles concernant les conférences régionales de santé, les CROSS et les comités PRAPS.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur vous propose l'adoption d'un amendement tirant les conséquences de l'adoption de l'article 25 bis : cet article peut entrer tout de suite en vigueur, puisqu'il ne nécessite qu'une possibilité de délégation de signature des ministres chargés de la santé et des affaires sociales aux directeurs des agences régionales de l'hospitalisation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 30
Organisation régionale des ordres médicaux

Objet : Cet article réforme l'organisation et le fonctionnement des instances régionales des ordres des professions médicales.

I - Le dispositif proposé

Cet article a pour objet de réformer les instances régionales des conseils de l'ordre compétents à l'égard des trois professions médicales (médecins, chirurgiens-dentistes et sages femmes), en parallèle des modifications introduites pour les instances nationales par les articles 10 et 43.

Il vise à distinguer les instances administratives de l'ordre au niveau régional (ou au niveau interrégional pour les sages-femmes) de ses instances disciplinaires.

Le I de cet article procède à des modifications de l'article L. 4112-4 du code de la santé publique liées à la création des chambres disciplinaires nationales.

Le II substitue aux conseils régionaux (interrégionaux pour les sages-femmes) d'une part des chambres disciplinaires de première instance et, d'autre part, des conseils régionaux ou interrégionaux administratifs.

Le III supprime les deux derniers alinéas de l'article L. 4123-11 du code de la santé publique, qui donnaient au conseil régional ou interrégional la compétence de juge des élections des conseils départementaux, compte tenu de la compétence générale donnée au juge administratif par le IX.

Le IV modifie l'intitulé du chapitre relatif aux instances régionales, afin de tirer les conséquences de la « dualité » proposée.

Le V crée les chambres disciplinaires de première instance, au niveau régional, en reprenant les règles qui s'appliquaient aux sections disciplinaires en matière de délai (six mois pour se prononcer) et de sanction de ce délai (transfert à une autre chambre régionale).

Le VI modifie l'article L. 4124-6 relatif aux peines disciplinaires afin d'y introduire la possibilité d'assortir de sursis les interdictions temporaires d'exercice. Cette disposition est de nature à éviter des drames personnels, l'interdiction -même temporaire- d'exercice étant toujours très durement ressentie par les professions médicales.

Le VII rédige un nouvel article L. 4124-7 du code de la santé publique, qui confie la présidence des chambres disciplinaires à un magistrat de l'ordre administratif et interdit aux membres de ces chambres de cumuler ces fonctions avec d'autres fonctions ordinales.

Le VIII , en insérant un article L. 4124-11 au code de la santé publique, fixe les missions des conseils régionaux ou interrégionaux : fonctions de représentation de l'ordre dans la région et de coordination des conseils départementaux, appel des décisions des conseils départementaux concernant les demandes d'inscription au tableau (actuel article L. 4112-4 du code) , ainsi que prise en compte du rôle confié dans le cadre de l'article L. 4113-14... qui n'existe pas encore puisqu'il est inséré par l'article 32 du projet de loi.

Le IX confie au juge administratif le contentieux des élections aux instances régionales comme cela a été fait par l'article 10 pour le contentieux électoral national.

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements de rectification d'erreurs matérielles dans le travail de coordination.

II - La position de votre commission

Sur le plan des principes, votre rapporteur considère que la réforme est positive.

La présidence de la chambre disciplinaire de première instance par un membre en fonction ou honoraire du corps des conseillers de tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel désigné par le vice-président du Conseil d'Etat représente ainsi un progrès indéniable.

Les magistrats de l'ordre administratif considèrent que ces nouvelles missions sont logiques et souhaitables, au regard de la nécessité d'opérer un travail juridique de bonne qualité et de la compétence traditionnelle de l'ordre administratif à l'égard des ordres professionnels. Mais ils soulignent que la charge de travail supplémentaire représentée par cet article -et par le projet de loi dans son ensemble- est importante. Compte tenu des chiffrages réalisés par les syndicats de magistrats administratifs, il est clair que le ministère de la santé semble avoir sous-estimé cette question au demeurant totalement passée sous silence par l'étude d'impact dont est assorti le projet de loi 10 ( * ) . Par ailleurs, cette affaire intervient dans le contexte « 35 heures », qui réussit l'exploit de peser à la fois sur la compétitivité des entreprises privées, sur la qualité du dialogue social et sur nos services publics.

Cependant, votre rapporteur doit-il, en quelque sorte, anticiper sur la mauvaise application de la loi par le Gouvernement ?

Si le Parlement a décidé que les magistrats administratifs présideraient ces chambres disciplinaires de première instance, le Gouvernement devra prendre ses responsabilités pour que cet article soit appliqué dans de bonnes conditions, et dégager ainsi les moyens supplémentaires jugés nécessaires.

En tout état de cause, et compte tenu des règles constitutionnelles qui s'attachent à l'initiative parlementaire concernant l'augmentation des dépenses publiques, votre rapporteur a pour seule possibilité d'appeler solennellement le Gouvernement à créer des postes de magistrats administratifs.

Sous le bénéfice de cette observation, votre rapporteur vous propose l'adoption de quatre amendements rédactionnels :

- le premier vise à opérer une rédaction plus simple du I de cet article, qui modifie l'article L. 4112-4 du code de la santé publique ;

- le deuxième a pour objet de remédier, par l'intermédiaire d'un ajout au 2 du II de cet article, à une inexactitude du texte de l'article L. 4125-4 du code de la santé publique, qui laisse aujourd'hui supposer que les membres de tous les conseils départementaux, régionaux ou interrégionaux des ordres médicaux sont élus pour neuf ans, puisqu'un tirage au sort détermine ceux des membres dont le mandat vient à expiration dans les délais de trois, six ou neuf ans. Or, les membres des conseils départementaux des trois ordres, et des conseils interrégionaux de l'ordre des sages-femmes sont élus pour six ans : il faut donc prévoir la possibilité d'un tirage au sort pour désigner les membres dont le mandat vient à expiration dans un délai de deux, quatre ou six ans ;

- le troisième tend à modifier le VIII de cet article, afin de prévoir la compétence du conseil régional ou interrégional pour prononcer la suspension d'un professionnel, même en l'absence d'urgence ou lorsque l'urgence n'a pas été constatée par le représentant de l'Etat. Cette compétence résulte aujourd'hui d'un texte de nature réglementaire, ce qui semble être une base juridique pour le moins incertaine. La compétence du conseil régional ou interrégional pour se prononcer sur la suspension d'activité en cas d'infirmité ou d'état pathologique à la suite d'une décision prise par le préfet, à titre conservatoire, en raison de l'urgence et du danger grave encouru par les patients, qui est mentionnée à l'article 32 du projet de loi (art. L. 4113-4 du code de la santé publique) , est une compétence « spécifique ». Il est donc préférable d'introduire ce principe de compétence générale ;

- le quatrième précise en conséquence que le décret en Conseil d'Etat, prévu au VIII de cet article, devra fixer non seulement la composition du conseil régional ou interrégional, les modalités d'élection de ses membres et son fonctionnement, mais également les règles de procédure qu'il devra respecter.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 31
Entrée en vigueur des dispositions relatives
aux conseils des ordres médicaux

Objet : Cet article prévoit une entrée en vigueur spécifique des dispositions relatives à la réforme des ordres médicaux.

I - Le dispositif proposé

Cet article reporte l'entrée en vigueur de la réforme des conseils de l'ordre (nationaux à l'article 10, régionaux à l'article 30) afin que celle-ci intervienne après le renouvellement des conseils.

Les élections devront avoir lieu dans les six mois suivant la parution du décret relatif aux modalités d'élection, à la composition et au fonctionnement (et donc peut-être des règles de procédure) des conseils régionaux ou interrégionaux.

Seule la possibilité d'assortir de sursis l'interdiction temporaire d'exercice (VI de l'article 30)... n'est pas assortie de sursis : elle entrera en vigueur dès la promulgation de la loi.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Il est de bon sens de prévoir une entrée en vigueur différée, puisque la réforme s'appliquera pour les prochains conseillers régionaux et interrégionaux.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II
-
QUALITÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ
-CHAPITRE PREMIER
--
Compétence professionnelle

Art. 32
(art. L. 4113-14 nouveau du code de la santé publique)
Suspension immédiate, en cas de danger grave pour les patients, de l'activité d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste ou d'une sage-femme par le représentant de l'Etat dans le département

Objet : Cet article institue une procédure de suspension temporaire du droit d'exercer une profession médicale, à l'initiative du préfet, en cas d'urgence et de danger grave.

I - Le dispositif proposé

Cet article tend à insérer un nouvel article L. 4113-14 dans le code de la santé publique, au sein du chapitre relatif aux règles d'exercice des professions médicales.

Il introduit une nouvelle procédure d'urgence permettant une suspension temporaire du droit d'exercer des professions médicales en cas de danger grave pour le patient.

A l'heure actuelle, lorsque la poursuite de leur exercice expose les patients à un danger grave, les membres des professions médicales peuvent faire l'objet d'une suspension du droit d'exercer prononcée par les instances ordinales.

Il peut d'abord s'agir d'une mesure disciplinaire, l'interdiction ayant alors une portée temporaire ou définitive. Il peut également s'agir d'une mesure administrative, lorsque le danger est dû à une infirmité ou à un état pathologique du professionnel.

Toutefois, dans les deux cas, la procédure actuelle ne prend pas en considération l'urgence et la nécessité de garantir au plus vite la sécurité des patients. Les délais s'écoulant entre le déclenchement de la procédure et la suspension effective apparaissent en effet très longs. Ainsi, en matière disciplinaire, le délai de traitement moyen d'une affaire était de près de neuf mois en 2000.

La nouvelle procédure proposée par cet article cherche à mieux prendre en compte l'urgence pour renforcer la sécurité des patients.

Ainsi elle autorise le représentant de l'Etat dans le département à suspendre immédiatement, et de sa propre initiative, le droit d'exercer d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste ou d'une sage-femme à une double condition : l'urgence et le risque d'un danger grave pour les patients. La durée maximale de cette suspension est de cinq mois.

Le préfet doit alors saisir immédiatement les instances ordinales qui doivent statuer définitivement dans un délai de quatre mois.

La procédure est ici fonction de la nature du danger.

Si celui-ci est lié à une infirmité ou à un état pathologique du professionnel, le président du conseil régional ou interrégional, informé par le préfet, saisit ce même conseil qui a deux mois pour statuer. En l'absence de décision dans ce délai, l'affaire est portée devant le conseil national qui a, à son tour, deux mois pour statuer.

Si le danger est d'une autre origine, le président du conseil régional ou interrégional, informé par le préfet, saisit la chambre disciplinaire de première instance qui a deux mois pour statuer. A l'issue de ce délai, et en l'absence de décision, l'affaire est portée devant la chambre disciplinaire nationale qui a également deux mois pour statuer.

Dans les deux cas, le conseil départemental est informé.

Cette nouvelle procédure prévoit en outre quelques garanties pour les professionnels dont le droit d'exercer a été suspendu.

D'une part, le représentant de l'Etat dans le département doit entendre l'intéressé dans les trois jours suivant sa décision de suspension, suspension à laquelle il peut d'ailleurs mettre fin à tout moment.

D'autre part, si les instances nationales n'ont pas statué dans un délai global de quatre mois, la mesure de suspension est automatiquement levée.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a, sur proposition de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, et en accord avec le Gouvernement, adopté deux amendements.

Le premier modifie les conditions de saisine des instances ordinales. Il supprime l'intervention du président du conseil régional et charge le président du conseil départemental, initialement simplement informé par le préfet, de saisir le conseil régional ou interrégional ou la chambre disciplinaire.

Le second prévoit, pour le préfet, une obligation d'information de la caisse primaire d'assurance maladie dont dépend le professionnel concerné par la décision de suspension.

III - La position de votre commission

Votre commission ne peut que s'associer à l'économie générale de cette nouvelle procédure. Elle considère en effet nécessaire de mieux prendre en compte les exigences de l'urgence pour garantir la sécurité des patients face à des professionnels pouvant les exposer à des dangers graves.

Pour autant, elle estime que la rédaction actuelle ne permet sans doute pas d'atteindre l'équilibre optimal entre les deux exigences qui sont ici à concilier : la sécurité des patients et les garanties accordées aux professionnels.

A l'inverse de M. Bernard Charles, rapporteur de l'Assemblée nationale, qui juge que cet article « propose une solution législative au problème dit des « médecins dangereux », protégeant les patients tout en préservant les professionnels concernés d'une procédure abusive » 11 ( * ) , votre commission considère que les garanties prévues par cet article contre les procédures abusives sont insuffisantes.

On peut craindre en effet que les préfets ne soient saisis d'un grand nombre de demandes de suspension et que, du fait de leur connaissance imparfaite des professions médicales et dans un souci d'application large du principe de précaution, ils ne soient tentés de recourir très largement à la suspension du droit d'exercer.

Or le préjudice est considérable pour les professionnels concernés qui ne peuvent exercer leur activité pendant une durée pouvant aller jusqu'à cinq mois et qui sont traduits devant les instances ordinales.

Il est d'autant plus important que l'Assemblée nationale, à l'article 10 du présent projet de loi, a introduit une nouvelle disposition prévoyant la suppression du caractère suspensif de l'appel des décisions des chambres disciplinaires dans le cadre de cette procédure d'urgence.

Certes, ceux-ci peuvent, en application du régime de droit commun applicable aux décisions administratives, saisir le juge administratif d'une demande en annulation de la décision préfectorale. Mais l'encombrement actuel des tribunaux administratifs réduit d'autant les garanties offertes par la procédure contentieuse de droit commun.

Ceux-ci peuvent également saisir le juge des référés pour suspendre la décision dans l'attente du jugement comme le prévoient les nouvelles dispositions du livre V du code de justice administrative.

Il reste que, dans le cas présent et en l'absence de toute précision, cette procédure de référé demeure juridiquement fragile. On ne sait en effet s'il s'agirait de la procédure de droit commun prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative qui ne fixe aucun délai pour que le juge se prononce en référé ou de celle visée à l'article L. 521-2 qui n'accorde que 48 heures au juge pour se prononcer lorsque la sauvegarde d'une liberté fondamentale est en cause. Or, on ne sait en effet pour l'instant avec certitude, en l'absence de toute jurisprudence, si la suspension du droit d'exercer sa profession serait considérée comme une atteinte à une liberté fondamentale.

Dans ces conditions et pour lever toute ambiguïté, votre commission vous propose un amendement autorisant expressément la possibilité de saisine du juge administratif en annulation de la décision préfectorale, le juge statuant alors en référé dans un délai maximal de quarante-huit heures.

Votre commission considère également nécessaire de préciser, par amendement , la procédure prévue en cas de suspension de la suspension.

Dans sa rédaction actuelle, le présent article prévoit que le préfet doit informer le conseil départemental ou régional de l'ordre des médecins lorsqu'il met fin à sa décision de suspension du droit d'exercer d'un médecin en cas de danger grave et d'urgence.

Cette rédaction n'est pas satisfaisante.

D'une part, l'information doit également viser les chambres disciplinaires compétentes et les organismes d'assurance maladie.

D'autre part, la rédaction proposée laisse suggérer que seule la procédure administrative (en cas d'infirmité ou de pathologie du professionnel) se poursuit et non la procédure disciplinaire, alors que la procédure doit logiquement se poursuivre devant toutes les instances ordinales qu'elles soient administratives ou disciplinaires, poursuite de la procédure qu'il n'est d'ailleurs pas nécessaire de préciser dans la loi.

Par ailleurs, votre commission juge souhaitable de mieux encadrer, par amendement , le champ du décret d'application du présent article.

Il est en effet prévu qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les règles de procédures nécessaires à l'application de ce nouveau dispositif de suspension administrative du droit d'exercer d'un médecin.

Mais, s'agissant d'une procédure visant une liberté fondamentale, c'est à la loi de fixer ces règles de procédure. Elles sont d'ailleurs suffisamment précisées par le présent article et par les autres modifications que vous propose votre commission pour qu'il ne soit pas, sur ce point, nécessaire de recourir au décret.

En revanche, le décret pourrait préciser les autres modalités d'application de l'article.

Votre commission vous propose enfin d'adopter un amendement visant à préciser le champ des organismes d'assurance maladie informés par le préfet de sa décision de suspension. Cette information ne peut se limiter aux seules caisses primaires d'assurance maladie, mais doit logiquement concerner l'ensemble des organismes gestionnaires des régimes de base d'assurance maladie en relation avec le professionnel.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 33
(art. L. 4121-2 du code de la santé publique)
Attribution aux ordres nationaux des médecins,
des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes
d'une mission de garantie des compétences des professionnels

Objet : Cet article vise à confier aux ordres des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, la nouvelle mission de veiller à la compétence des professionnels médicaux.

I - Le dispositif proposé

Cet article tend à compléter l'article L. 4121-2 du code de la santé publique qui définit les missions générales des ordres des professions médicales.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 4121-2 prévoit que les trois ordres « veillent au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine, de l'art dentaire ou de la profession de sage-femme(...) ».

Le présent article adjoint à ces principes, au maintien desquels les ordres sont chargés de veiller, celui de compétence.

Il a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

II - La position de votre commission

Votre commission observe que cette mission, pour les ordres, de veiller à la garantie des compétences, n'est pas nouvelle. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant, tant la compétence médicale apparaît être la première exigence de la morale professionnelle.

Ainsi, l'article 11 du code de déontologie des médecins dispose que « tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances », alors que l'article L. 4121-2 charge l'ordre de veiller à l'observation des règles édictées par le code de déontologie.

De fait, le présent article a principalement pour objet de donner une valeur législative à cette exigence d'entretien et de perfectionnement de la compétence professionnelle 12 ( * )

Une telle disposition apparaît néanmoins cohérente avec l'extension du rôle que serait amené à jouer l'ordre dans le nouveau dispositif de formation continue prévu à l'article 40 du présent projet de loi.

Votre commission constate également que le présent article confie à l'ordre la mission de veiller au maintien du « principe de compétence », et non celle de veiller au maintien de la compétence. Une telle distinction ne semble pourtant pas devoir impliquer de conséquences pratiques.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 33
(Article L. 4231-1 du code de la santé publique)
Attribution à l'ordre national des pharmaciens
d'une mission de garantie des compétences

Objet : Cet article additionnel vise à confier à l'ordre national des pharmaciens la nouvelle mission de veiller à la compétence des pharmaciens.

L'article 33 du présent projet de loi charge les ordres des professions médicales de veiller au maintien de la compétence de ses membres.

De la même manière, l'article 49 du présent projet de loi confie au nouvel office des professions paramédicales la tâche de veiller au maintien des connaissances professionnelles.

Dès lors, il apparaît pour le moins étonnant que, par cohérence, le projet de loi n'étende pas également expressément cette mission à l'ordre national des pharmaciens dont les missions générales sont définies à l'article L. 4231-1 du code de la santé publique.

Le présent article additionnel vise à corriger cet oubli.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. 33 bis (nouveau)
(art. L. 4321-1 du code de la santé publique)
Possibilité accordée aux masseurs-kinésithérapeutes
de prescrire des dispositifs médicaux

Objet : Cet article vise à autoriser les masseurs-kinésithérapeutes à prescrire des dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de leur profession.

I - Le dispositif proposé

Cet article additionnel, issu d'un amendement présenté par le Gouvernement, a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale. On observera à ce propos que M. Bernard Charles avait présenté, lors de l'examen du projet de loi par la commission des Affaires culturelles, un amendement similaire qui, bien qu'adopté par la commission, n'a pas été examiné en séance publique.

Il modifie l'article L. 4321-1 du code de la santé publique qui dispose, dans son dernier alinéa, que « lorsqu'ils agissent dans un but thérapeutique, les masseurs-kinésithérapeutes ne peuvent pratiquer leur art que sur ordonnance médicale ».

Le présent article ne revient pas sur l'exigence d'une ordonnance médicale pour les interventions à but thérapeutique. Il introduit simplement, pour les masseurs-kinésithérapeutes, un droit de prescription, dans leur champ de compétence, des dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de leur profession.

Les dispositifs médicaux concernés seraient, selon les propos de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, « le matériel, les produits et les petits appareils requis pour les soins que dispense le professionnel paramédical en l'absence du médecin ». 13 ( * )

La liste de ces dispositifs sera fixée par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de l'Académie nationale de médecine.

II - La position de votre commission

Jusqu'à présent, le droit de prescription reste une prérogative réservée aux médecins, aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes et, dans une moindre mesure, aux pédicures-podologues.

Il n'est pourtant pas illogique d'étendre ce droit aux masseurs-kinésithérapeutes pour les dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de leur profession.

C'est un moyen, pour les professionnels concernés, d'améliorer leur participation au fonctionnement du système de santé et de mieux voir reconnaître leur rôle et leurs compétences.

On peut ainsi légitimement penser que les masseurs-kinésithérapeutes sont souvent plus en mesure que les médecins de connaître les dispositifs nécessaires au rétablissement du patient.

C'est également, pour les patients, une mesure utile de simplification car ils n'auront pas à retourner chez le médecin pour se faire prescrire les dispositifs adaptés.

Votre commission observe d'ailleurs que cette disposition reprend une des propositions formulées dans le rapport de Mme Anne-Marie Brocas, en 1998, sur l'exercice libéral des professions paramédicales :

« Sauf indication expresse du médecin, le paramédical prescrit les matériels, produits et petits appareils requis par les soins qu'il dispense (tels sondes, pansements, appareils de contention, pommades...). Cette prescription, faite aujourd'hui par le médecin, n'est pas toujours à même de déterminer ce qui sera le mieux adapté aux soins que le paramédical effectue et au malade qui les reçoit ».

Votre commission ne peut donc qu'être favorable au dispositif proposé.

Pour autant, elle vous propose d'adopter un amendement de précision afin de mieux définir le champ de ce nouveau droit de prescription.

Certes, la liste des dispositifs sera fixée par arrêté, après avis de l'Académie nationale de médecine.

Il semble pourtant souhaitable, au-delà de cette délimitation très générale, d'introduire une possibilité de délimitation de ce droit pour chaque cas particulier en fonction des pathologies rencontrées et des particularités de chaque patient, sous le contrôle du médecin traitant.

Votre commission vous propose alors de n'ouvrir ce droit de prescription des masseurs-kinésithérapeutes qu'après avis du médecin qui serait justifié par la situation du patient.

M. Bernard Kouchner semble d'ailleurs partager cette analyse puisque, lors des débats à l'Assemblée nationale, il a indiqué que ce droit de prescription du masseur-kinésithérapeute est ouvert « sauf indication expresse du médecin » 14 ( * ) . Il vous est donc proposé d'introduire cette précision dans la loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 34
(art. L. 1414-1, L. 1414-2, L. 1413-3-1 et L. 1414-3-2 nouveaux,
L. 1414-6, L. 1414-9 du code de la santé publique)
Elargissement de la mission d'évaluation de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES)
et modification de la composition de son conseil d'administration

Objet : Cet article a un double objet. D'une part, il élargit les missions de l'ANAES. D'autre part il prévoit une représentation des usagers au conseil d'administration de l'agence.

I - Le dispositif proposé

A sa création en 1996, l'ANAES s'est vu confier deux missions principales :

- mettre en oeuvre la procédure d'accréditation des établissements publics et privés de santé.

- favoriser le développement de l'évaluation des soins et des pratiques dans les secteurs hospitaliers et ambulatoires.

L'ANAES

L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) a été créée par l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée. Il s'agit d'un établissement public de l'Etat à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de la Santé. Le décret du 7 avril 1997 a précisé l'organisation, le fonctionnement, ainsi que le rôle de cette agence. L'ANAES reprend, en les élargissant, les missions de l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM).

Les missions de l'ANAES

Au titre de sa mission d'évaluation , qui concerne les domaines ambulatoire et hospitalier, elle est chargée d'élaborer ou de valider des recommandations de bonne pratique clinique et des références médicales ou professionnelles en matière de prévention, de diagnostic ou de thérapeutique, d'élaborer ou de valider des méthodes d'évaluation, de réaliser ou de valider des études d'évaluation technologique.

Elle peut également être chargée de l'évaluation d'actions et de programmes de santé publique. L'agence donne un avis sur les actes, prestations, fournitures avant leur prise en charge ou leur remboursement par l'assurance maladie, à l'exception du médicament.

Au titre de sa mission d'accréditation , elle est chargée de l'élaboration et de la validation des référentiels de qualité des soins et des pratiques professionnelles ainsi que de la mise en oeuvre de la procédure d'accréditation des établissements de santé publics et privés et des organismes mentionnés à l'article L. 710-5 du code de la santé publique (réseaux de soins et groupements de coopération sanitaire).

L'organisation de l'ANAES

L'agence est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un directeur général. Elle dispose d'un conseil scientifique et d'un collège de l'accréditation.

Le conseil d'administration adopte le budget de l'Agence, approuve les comptes et le règlement intérieur, fixe le programme annuel et pluriannuel des travaux d'évaluation et d'accréditation et en suit l'exécution. Il est composé de 32 membres titulaires, dont notamment des personnels médicaux, paramédicaux, techniques et administratifs, des représentants de l'État et des organismes d'assurance maladie et des organismes mutualistes, ainsi que des personnalités qualifiées.

Le conseil scientifique , instance d'expertise, de conseil et de proposition, veille à la cohérence de la politique scientifique de l'agence.

Il fonctionne en assemblée plénière et en sections (Évaluation et Accréditation) qui comportent chacune 18 membres titulaires, choisis notamment pour leur compétence dans le domaine de la qualité des soins et des pratiques professionnelles, de l'évaluation et de la recherche médicale.

Le collège de l'accréditation , composé de 11 membres titulaires, s'assure des conditions de mise en oeuvre du processus d'accréditation, valide les rapports d'accréditation à partir des rapports d'experts et des observations des établissements aux rapports d'experts.

Il établit chaque année un rapport annuel d'activité dans lequel il réalise notamment un bilan de la qualité dans les établissements de santé.

Source : ANAES

Le présent article tient d'abord à préciser et à élargir les missions de l'ANAES.

Le paragraphe I, qui modifie l'article L. 1414-1 du code de la santé publique, remplace la référence à l'évaluation des « soins et pratiques professionnelles » par celle à l'évaluation des « « stratégies et les actes à visée préventive, diagnostique et thérapeutique ». Il s'agit ici d'étendre la mission d'évaluation de l'agence aux actions préventives et diagnostiques, au-delà des seules actions thérapeutiques.

Le paragraphe II, qui modifie le même article du même code, confie à l'Agence, au-delà de ses deux missions traditionnelles d'évaluation et d'accréditation, une nouvelle mission « d'évaluation de la qualité de la prise en charge sanitaire de la population par le système de santé et de contribuer à son développement ».

Il s'agit ici d'une mission très générale, dépassant de beaucoup l'actuelle mission d'évaluation des soins et des pratiques professionnelles, allant jusqu'à l'évaluation globale de la qualité du système de santé en général et non de certaines pratiques en particulier. En cela, ce paragraphe constitue une base légale à un élargissement considérable de la mission d'évaluation de l'agence.

Le paragraphe III, modifiant l'article L. 1414-2 du code de la santé publique, est de coordination avec le paragraphe I.

Le paragraphe IV , qui modifie également ce même article L. 1414-2, confie à l'ANAES la possibilité de donner un avis sur « les actes, procédés, techniques, méthodes et prescriptions ainsi que sur les règles qui leur sont applicables », cette formulation passablement floue répondant visiblement au souci affiché de permettre une extension de la mission d'évaluation de l'agence.

Le paragraphe V introduit deux nouveaux articles L. 1414-3-1 et L. 1414-3-2 dans le code de la santé publique.

Le nouvel article L. 1414-3-1 précise la nouvelle mission d'évaluation générale de l'agence prévue au paragraphe II du présent article.

A ce titre, elle sera chargée :

- de participer à la mise en oeuvre d'actions d'évaluation des pratiques professionnelles ;

- d'analyser les causes pouvant expliquer « la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène, d'une infection nosocomiale ou d'un événement indésirable associé à un produit de santé » ;

- d'évaluer, à la demande du ministre chargé de la santé, la qualité des programmes de prévention, de diagnostic ou de soins.

Le nouvel article L. 1414-3-2 a, lui, trait au fonctionnement de l'agence, en favorisant le travail en réseau avec les autres organismes ayant compétence en matière de santé comme l'AFSSAPS, l'AFFSA et l'Institut de veille sanitaire.

Mais le présent article tend également à modifier la composition des organes de l'ANAES afin d'y permettre notamment une représentation des usagers.

Le paragraphe VI , qui modifie l'article L. 1414-6 du code de la santé publique, prévoit la présence de représentants des usagers, membres d'associations agréées dans le cadre de l'article 12 du présent projet de loi au conseil d'administration de l'agence.

Le paragraphe VII , qui modifie l'article L. 1414-9 du code de la santé publique, tend à modifier la procédure de nomination des membres du collège de l'accréditation, en élargissant l'avis formulé par le conseil d'administration sur les propositions du conseil scientifique à l'ensemble des membres du conseil d'administration et non à une partie d'entre eux (représentants des professions de santé et personnalités qualifiées) comme c'est le cas aujourd'hui.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission et avec l'avis favorable du Gouvernement, deux amendements.

Le premier vise à rendre obligatoire la présence de représentants des usagers au sein du conseil scientifique de l'agence.

Le second, dont la rédaction est pour le moins ambiguë, semble vouloir introduire une représentation obligatoire des usagers au sein du collège de l'accréditation, les représentants des usagers étant nommés par arrêté du ministre chargé de la santé.

III - La position de votre commission

Votre commission ne peut que s'associer au souci de renforcer la mission d'évaluation de l'ANAES en matière de santé.

Elle souhaite cependant que le nécessaire développement de cette mission d'évaluation ne se traduise pas par un nouveau ralentissement des procédures d'accréditation des établissements de santé dont votre commission a déjà souligné la lenteur du démarrage. Il semble d'ailleurs que la montée en charge de l'accréditation reste bien lente, seuls quelque 250 établissements (sur un total de près de 4.000) ayant été visités en 2000.

Elle considère également que l'extension des missions de l'ANAES exige une nouvelle réflexion sur le financement de l'agence dont l'Etat se désengage depuis la loi de finances pour 2001 pour en faire porter la charge à l'assurance maladie. Or, en la matière, l'activité de l'agence relève avant tout de la santé publique et donc de la responsabilité financière de l'Etat. Pour autant, et alors même que l'extension des missions de l'ANAES était prévue, la loi de finances pour 2002 n'a prévu qu'une simple reconduction des crédits budgétaires au titre de la subvention à l'ANAES. Dans ces conditions, et en l'absence de moyens supplémentaires, il est à craindre que l'extension des missions de l'ANAES ne soit en définitive entravée en pratique par la contrainte financière.

A l'inverse, l'institution d'une représentation obligatoire des usagers dans les organes de l'ANAES ne peut qu'entraîner un certain scepticisme de votre commission.

Elle observe ainsi que des représentants des usagers siègent déjà, en tant que personnalités qualifiées, au conseil d'administration (un représentant de la Ligue contre le cancer et un représentant des usagers) et au conseil scientifique (un représentant de la Ligue contre le cancer et un représentant de l'Association des paralysés de France).

Le droit existant n'empêche donc aucunement les usagers d'être représentés dans ces organes. Faut-il alors rendre leur représentation obligatoire ?

Votre commission estime qu'une telle obligation doit avant tout s'apprécier au regard des fonctions des différents organes.

A ce titre, il n'est pas illégitime que les usagers soient représentés au conseil d'administration, organe directeur de l'agence, à la compétence générale.

En revanche, il semble moins opportun de rendre obligatoire la représentation des usagers dans le conseil scientifique et le collège de l'accréditation, ces organes ayant principalement une vocation scientifique et technique et exigeant en conséquence des compétences adaptées.

Dès lors, votre commission vous propose d'adopter deux amendements supprimant la présence obligatoire des représentants des usagers dans ces deux organes.

Votre commission s'interroge également sur l'opportunité de modifier les conditions de désignation des membres du collège de l'accréditation.

Derrière le souci de « simplification » avancé par le Gouvernement, existe également une transformation profonde de la procédure de nomination. Certes, les membres seront toujours nommés par le ministre chargé de la santé, sur proposition du conseil scientifique de l'agence. Mais l'avis formulé jusqu'à présent par les représentants des professionnels de santé au conseil d'administration est étendu à l'ensemble des membres de ce conseil d'administration.

Or, cette nouvelle procédure, outre qu'elle oblige curieusement les représentants de l'Etat au conseil à donner leur avis sur une décision du ministre, restreint le rôle des professionnels de santé et conduit, en définitive, à transformer quelque peu la nature du collège d'accréditation.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 35
Dispositions de codification

Objet : Cet article est un simple article de coordination.

Cet article vise à introduire, dans le livre III de la sixième partie du code de la santé publique, une nouvelle division dans laquelle seront insérées les dispositions relatives à la chirurgie esthétique.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 35 bis (nouveau)
(art. L. 5322-1 du code de la santé publique)
Composition du conseil scientifique de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)

Objet : Cet article vise à rendre obligatoire la représentation des médecins, des biologistes et des pharmaciens au conseil scientifique de l'AFSSAPS.

I - Le dispositif proposé

Cet article additionnel, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, et avec l'accord du Gouvernement, a trait à la composition du conseil scientifique de l'AFSSAPS.

Il modifie l'article L. 5322-1 du code de la santé publique et prévoit que le conseil scientifique de l'agence « comprend au moins un médecin, un biologiste et un pharmacien des hôpitaux, praticiens hospitaliers et désignés par leur conseil professionnel ».

Le conseil scientifique de l'AFSAPPS

Il veille à la cohérence de la politique scientifique de l'Agence. Il émet des avis sur la politique scientifique de l'établissement. Il comprend huit présidents de commissions scientifiques siégeant auprès de l'Agence, le président du conseil scientifique de l'Institut de veille sanitaire et de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, un chercheur de l'Institut national de la santé et un chercheur du Centre national de la recherche scientifique, douze personnalités scientifiques reconnues pour leur compétence dans l'un des domaines d'activité de l'Agence. Le directeur général de la santé et le directeur de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques au ministère chargé de la santé peuvent assister aux séances du conseil scientifique avec voix consultative.

Le conseil scientifique a siégé cinq fois en 2000.

Source : rapport d'activité 2000 de l'Agence

II - La position de votre commission

Au-delà de sa place improbable dans le projet de loi (il est situé au sein de plusieurs articles relatifs à la chirurgie esthétique), cet article ne va pas sans susciter une certaine perplexité pour votre commission.

En effet, une disposition similaire avait été introduite à l'Assemblée nationale, lors de la deuxième lecture du projet de loi de modernisation sociale au printemps dernier à l'initiative de M. Bernard Charles.

Il prévoyait ainsi la présence d'un médecin, d'un biologiste et d'un pharmacien des hôpitaux au sein du conseil d'administration et du conseil scientifique de l'Agence.

A l'époque, le Sénat, à l'initiative de notre collègue Claude Huriet, rapporteur du volet sanitaire de ce texte, avait supprimé une telle disposition au motif qu'elle relevait du domaine réglementaire. Il est vrai que les règles de composition des deux conseils sont fixées par les articles R. 793-3 et R. 793-15 du code de la santé publique, tous deux issus d'un décret du 4 mars 1999.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale avait supprimé conforme une telle disposition, le rapporteur, M. Philippe Nauche, ayant retiré en séance un amendement ne visant plus que le conseil d'administration.

Bien que le présent article soit d'ampleur plus limitée puisqu'il ne concerne plus que le conseil scientifique de l'Agence, votre commission ne peut ici que réitérer la position qui était la sienne. Le présent article reste en effet du domaine réglementaire et apparaît en outre inutile car l'article R. 793-15 du code de la santé publique prévoit que le conseil scientifique est notamment composé de « 12 personnalités scientifiques reconnues pour leurs compétences dans l'un des domaines d'activité de l'Agence ».

A l'évidence, médecins, biologistes et pharmaciens ont alors vocation à faire partie de ces personnalités qualifiées.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 36
(art. L. 6322-1, L. 6322-2, L. 6322-3 nouveaux
du code de la santé publique)
Encadrement de l'exercice de la chirurgie esthétique

Objet : Cet article institue une nouvelle procédure d'autorisation préalable des installations de chirurgie esthétique et pose une obligation d'information des patients.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I de cet article tend à insérer dans le code de la santé publique un nouveau chapitre intitulé « Chirurgie esthétique » et composé de trois nouveaux articles.

Art. L. 6322-1 du code de la santé publique
Autorisation des structures pratiquant la chirurgie esthétique

A l'heure actuelle, il n'existe aucune réglementation spécifique encadrant l'exercice de la chirurgie esthétique.

Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, « l'activité de chirurgie esthétique s'effectue aujourd'hui souvent sans aucune autorisation préalable. Les dispositions législatives actuelles ne permettent de surcroît ni de contrôler la présence ou l'agencement des moyens matériels nécessaires à la pratique de cette activité, ni la qualification des praticiens, conditions indispensables pour assurer la sécurité des personnes, notamment en matière d'anesthésie. »

Le nouvel article L. 6322-1 tend alors à instituer un nouveau régime d'autorisation des installations de chirurgie esthétique, y compris celles des établissements de santé publics et privés.

Ce nouveau régime repose sur une double obligation :

- l'exigence d'une accréditation des installations.

Cette procédure d'accréditation est celle réalisée par l'ANAES en application de l'article L. 6113-3 du code de la santé publique.

- la délivrance d'une autorisation.

La création de toute installation est soumise à une autorisation préalable de l'autorité administrative territorialement compétente (en pratique, sans doute l'agence régionale d'hospitalisation).

Cette autorisation, à laquelle est subordonnée la possibilité de fonctionner, est accordée pour une durée limitée renouvelable définie par décret (cette durée pourrait être de cinq ans selon les informations obtenues par votre rapporteur).

L'autorisation est accordée après une visite de conformité menée par des inspecteurs de l'autorité administrative.

Ce nouvel article L. 6322-1 prévoit également les cas dans lesquels l'autorisation devient caduque ou est retirée ou suspendue.

Elle est réputée caduque si l'installation n'a pas commencé à fonctionner dans un délai de trois mois ou si elle cesse de fonctionner pendant plus de six mois.

Elle est suspendue ou retirée dans les conditions prévues à l'article L. 6122-13 du code de la santé publique, à savoir en cas d'urgence tenant à la sécurité des malades ou lorsque les conditions techniques de fonctionnement ne sont pas respectées ou en cas d'infraction à la réglementation sur la santé publique.

Enfin, le présent article précise que les actes de chirurgie esthétique n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie.

Art. L. 6322-2 nouveau du code de la santé publique
Information des personnes recourant à la chirurgie esthétique

Cet article tend à renforcer les garanties offertes pour les personnes concernées.

D'une part, il instaure une obligation d'information préalable sur les conditions de l'intervention, sur les risques et les éventuelles complications, mais aussi sur les tarifs pratiqués par la remise d'un devis détaillé. On rappellera à ce propos que l'arrêté du 17 octobre 1996 relatif à la publicité des prix des actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique prévoit déjà la remise au patient d'un devis détaillé, dont le contenu est d'ailleurs précisé, pour toute prestation dont le montant est supérieur à 300 euros.

D'autre part, il introduit un « délai de réflexion » entre la remise du devis et l'intervention pendant lequel aucune contrepartie et aucun engagement ne peuvent être exigés.

Art. L. 6322-3 du code de la santé publique
Décrets d'application

Cet article prévoit la fixation, par décret en Conseil d'Etat, des conditions d'autorisation des installations et, par décret simple, des conditions techniques de fonctionnement des installations et de la durée du « délai de réflexion ».

Le paragraphe II du présent article détermine les conditions dans lesquelles les installations existantes peuvent continuer à fonctionner.

Il prévoit que les responsables de ces installations bénéficient d'un délai de six mois à compter de la date de publication des décrets d'application pour déposer une demande d'autorisation et autorise ceux-ci à poursuivre leur activité jusqu'à ce qu'il soit statué sur leur demande.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur et avec l'accord du Gouvernement, a adopté un amendement au nouvel article L. 6322-1 afin d'introduire un nouveau cas de retrait de l'autorisation en cas de publicité directe ou indirecte.

III - La position de votre commission

Votre commission observe que le recours croissant à la chirurgie esthétique constaté ces dernières années ne s'est pas nécessairement accompagné d'un renforcement des conditions de sécurité dans lesquelles sont accomplies les interventions. De trop nombreux accidents sont là pour en témoigner. Il est donc légitime, dans un souci d'assurer au mieux la sécurité des patients, d'encadrer les conditions d'exercice de la chirurgie esthétique. Votre commission ne peut alors que souscrire à l'économie générale du présent dispositif.

Votre commission observe cependant que les garanties offertes par le présent dispositif sont parfois moins fortes qu'il n'y paraît, le présent article se contentant de donner force de loi à certaines dispositions pour l'instant réglementaires.

Ainsi, l'interdiction de toute publicité introduite à l'Assemblée nationale n'est pas une totale nouveauté. L'article 19 du code de déontologie médicale interdit en effet déjà la publicité pour les médecins. Il précise que « la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce » et que « sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité ».

De même, l'obligation de remise d'un devis détaillé était déjà prévue par l'arrêté du 17 octobre 1996.

Votre commission observe également que ce nouveau dispositif intervient peu après l'adoption par le Parlement d'une disposition du projet de loi de modernisation sociale ( art. 59 du texte définitif ) visant à encadrer certaines activités médicales à hauts risques.

Lors de l'examen de ce dernier texte, votre commission avait souhaité obtenir du Gouvernement des précisions quant aux actes et aux pratiques qui seraient susceptibles d'entrer dans le champ d'application de cette disposition 15 ( * ) . Il lui avait alors été répondu que la chirurgie esthétique faisait partie de ces activités.

Dès lors, le présent article ne fait en définitive que compléter les dispositions de l'article 59 de la loi de modernisation sociale. L'article 59 de la loi de modernisation sociale pose des règles relatives à la formation et à la qualification des professionnels, et aux conditions techniques de réalisation des actes mais aussi des règles de bonne pratique après avis de l'ANAES. Le présent article s'attache lui principalement à garantir la qualité et la sécurité des installations pour le seul cas de la chirurgie esthétique.

Dans ce contexte, le présent article apparaît à première vue parachever l'encadrement législatif de l'exercice de la chirurgie esthétique.

Mais, après analyse, le dispositif proposé n'en garde pas moins deux zones d'ombre.

La première concerne la définition de la chirurgie esthétique et donc le champ d'application du présent article.

Or, le présent article n'apporte sur ce point aucune précision. Certes, M. Bernard Charles s'essaie, dans son rapport précité, à une tentative d'énumération des interventions de chirurgie esthétique, précisant qu'« une liste des interventions les plus courantes (...) a été établie 16 ( * ) » sans pour autant indiquer qui a établi cette liste et sans que cette liste apparaisse exhaustive. La réglementation en vigueur, et notamment l'arrêté du 17 octobre 1996, n'évoque d'ailleurs que les actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique sans distinguer les uns des autres.

La seconde zone d'ombre concerne la place des « médecins esthétiques » dans le cadre de nouveau dispositif.

A l'heure actuelle, on estime que 3.500 médecins pratiquent des actes à visée esthétique (principalement les greffes de cheveux et les liposuccions), alors que moins de 500 chirurgiens sont qualifiés par le Conseil national de l'ordre des médecins en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique.

Or, force est de reconnaître que le présent article reste sur ce point silencieux. Si on considère que des actes comme la greffe de cheveux ou la liposuccion (qui se font sous anesthésie locale le plus souvent) relèvent de la chirurgie, les médecins pratiquant ce type d'actes seraient alors dans l'impossibilité d'exercer, quand bien même leur compétence serait inattaquable et la sécurité des patients garantie.

Il faut se reporter à l'étude d'impact annexée au projet de loi 17 ( * ) pour trouver la seule référence à ces médecins. Elle indique, en effet que « l'obligation pour les médecins ayant une activité de chirurgie esthétique d'être qualifiés en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique découlera des conditions réglementaires prévues en application du projet de texte de loi ». On ne saurait être plus vague. Non seulement l'étude d'impact n'a aucune valeur juridique, mais le présent article ne prévoit pas un tel décret.

Dans ces conditions, votre commission estime qu'il est nécessaire de préciser au sein du présent article les conditions dans lesquelles les médecins ayant une activité de chirurgie esthétique pourront poursuivre leurs activités. Elle vous présentera donc un amendement en ce sens, renvoyant à un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, le soin de déterminer ces conditions.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 37
Dispositions de codification

Objet : Cet article vise à refondre certaines divisions du code de la santé publique par coordination avec les dispositions du présent projet de loi.

Cet article tend à insérer, dans le nouveau titre II « Autres services de santé » du livre III de la sixième partie du code de la santé publique, un nouveau chapitre intitulé « Centres de santé ».

Ce chapitre comprend l'actuel article L. 6147-3 du même code, renuméroté en conséquence.

On rappellera que ce nouveau titre comporte trois chapitres :

- un chapitre Ier intitulé « Réseaux » en application de l'article 57 du présent projet de loi ;

- un chapitre II intitulé « Chirurgie esthétique » en application de l'article 36 du présent projet de loi ;

- un chapitre III créé par le présent article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 38
(art. L. 6324-1 et L. 6324-2 du code de la santé publique)
Sanctions pénales des infractions aux dispositions légales
relatives à la chirurgie esthétique

Objet : Cet article fixe les pénalités encourues en cas d'infraction aux nouvelles dispositions relatives à la chirurgie esthétique.

I - Le dispositif proposé

Cet article insère dans le titre II du livre III de la sixième partie du code de la santé publique un nouveau chapitre IV intitulé « Dispositions pénales » et comprenant deux nouveaux articles.

L'article L. 6324-1 nouveau habilite les médecins inspecteurs de la santé publique assermentés à constater les infractions aux dispositions du code de la santé publique relatives à la chirurgie esthétique, en disposant d'un pouvoir d'investigation sur pièce et sur place.

Il habilite également les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à constater les infractions aux seules nouvelles dispositions relatives à l'information des personnes et à la remise d'un devis détaillé.

L'article L. 6324-2 nouveau du même code détermine les sanctions pénales applicables aux infractions en la matière.

Le paragraphe I de cet article punit d'une amende de 150.000 euros le fait d'exercer la chirurgie esthétique sans l'autorisation prévue à l'article L. 6322-1 du code de la santé publique ou en cas de suspension ou de retraite de cette autorisation.

Le paragraphe II punit d'une amende de 30.000 euros le fait de ne pas remettre le devis détaillé, de ne pas respecter le « délai de réflexion » ou d'exiger une contrepartie pendant ce délai.

Le paragraphe III détermine les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales (c'est-à-dire des établissements) pour les infractions définies au présent article.

L'amende encourue par la personne morale est égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques.

En outre les personnes morales sont passibles d'une interdiction définitive ou temporaire d'exercer la chirurgie esthétique, d'une fermeture définitive ou temporaire de l'établissement, la confiscation des équipements et l'affichage de la décision prononcée.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission, par cohérence avec sa position à l'article 36 du présent projet de loi, ne peut être que favorable aux dispositions du présent article qui ne constitue que la conséquence sur le plan pénal des dispositions de l'article 36.

Elle vous proposera cependant d'adopter deux amendements rédactionnels.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 39
(art. L. 5126-1 du code de la santé publique)
Possibilité de création de pharmacies à usage intérieur
dans les installations de chirurgie esthétique

Objet : Cet article autorise les installations de chirurgie esthétique à se doter de pharmacies à usage intérieur.

I - Le dispositif proposé

Cet article modifie l'article L. 5126-1 du code de la santé publique relatif aux pharmacies à usage intérieur.

Il prévoit d'abord d'étendre la liste des organismes autorisés à disposer d'une pharmacie à usage intérieur aux installations de chirurgie esthétique.

Il précise ensuite que l'activité des pharmacies à usage intérieur dans les installations de chirurgie esthétique se limite à l'usage particulier des malades.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'approuver une telle mesure qui va dans le sens de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des interventions de chirurgie esthétique. Il apparaît en effet nécessaire de permettre à ces installations de pouvoir notamment délivrer les médicaments anesthésiques, réservés à l'usage hospitalier, qui sont parfois nécessaires pour pratiquer certaines interventions à visée esthétique.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 39 bis (nouveau)
(art. L. 4221-14-1 nouveau du code de la santé publique)
Conditions d'exercice de la pharmacie ee France par les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen

Objet : Cet article vise à permettre à des pharmaciens d'un autre état-membre de l'Union européenne d'exercer en France, sous conditions, sans détenir les diplômes actuellement requis.

I - Le dispositif proposé

Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, et avec l'accord du Gouvernement. Il vise à autoriser, sous conditions, les ressortissants des Etats de l'Union européenne exerçant légalement la profession de pharmacien dans ces pays à exercer cette profession en France même s'ils ne disposent pas des diplômes requis dans notre pays.

A l'heure actuelle, les conditions d'autorisation d'exercice en France des pharmaciens ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne sont principalement déterminées par les articles L. 4221-4 et L. 4221-5 du code de la santé publique.

Seuls les ressortissants titulaires d'un diplôme français de docteur en pharmacie ou de pharmacien ou d'un diplôme délivré par un autre Etat membre de l'Union européenne répondant aux exigences de formation prévues par la directive du 16 septembre 1985 de reconnaissance sectorielle des diplômes de pharmaciens sont autorisés à exercer la profession de pharmacien en France.

Or, la Cour de justice des communautés européennes considère, dans sa jurisprudence, qu'un Etat de l'Union ne peut priver un migrant de tout droit à exercer librement sa profession sur le seul fondement de la non conformité de son diplôme aux exigences des directives de reconnaissance sectorielle sans apprécier plus avant ses qualifications professionnelles.

Dès lors, la législation française n'apparaît plus conforme à la jurisprudence européenne.

De fait, la commission européenne a engagé, le 21 octobre 1999, une procédure de mise en demeure contre le Gouvernement français afin que celui-ci modifie sa législation en la matière.

Le présent article, qui introduit un nouvel article L. 4221-14-1 dans le code de la santé publique, vise alors à remettre notre législation en conformité avec le droit européen.

Il prévoit d'abord que le ministre chargé de la santé peut autoriser un ressortissant de l'Union européenne à exercer légalement la pharmacie en France s'il n'est pas titulaire d'un diplôme actuellement exigé par le code de la santé publique, mais s'il exerce légalement la profession de pharmacien dans le pays qui lui a délivré le diplôme.

Il définit ensuite la procédure d'autorisation qui s'articule autour de trois exigences :

- une comparaison de la formation suivie et des exigences minimales de formation prévue par la directive de reconnaissance sectorielle ;

- un avis du Conseil supérieur de la pharmacie ;

- une exigence d'expérience professionnelle de six mois à cinq ans.

II - La position de votre commission

Votre commission observe qu'une telle disposition était rendue nécessaire par l'évolution de la jurisprudence européenne et qu'elle s'inspire des procédures dérogatoires d'autorisation d'exercer la profession de pharmacien déjà prévues par le code de la santé publique.

Elle considère à ce titre que la solution proposée répond aux exigences posées par la jurisprudence européenne. Ainsi, elle prévoit une obligation d'examen comparatif des qualifications et une possibilité de mise à niveau. En outre, sans que cela soit expressément prévu mais en conformité avec les principes généraux de notre droit public, elle répond aux obligations de motivation de la décision et d'organisation d'une voie de recours.

Elle vous propose donc d'adopter cet article sans modification.

Art. 39 ter (nouveau)
(article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985)
Liste des personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue

Objet : Cet article vise à définir les conditions dans lesquelles l'usage du titre de psychologue est autorisé.

I - Le dispositif proposé

Cet article a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, avec l'accord du Gouvernement. Il est à noter que, bien que présenté par M. Bernard Charles en tant que rapporteur, cet article additionnel n'a pourtant pas été examiné par la commission des affaires culturelles, ni a fortiori été évoqué dans son rapport.

Il tend à compléter les dispositions législatives actuelles réglementant l'usage du titre de psychologue, en instituant un nouveau régime de déclaration.

Les règles régissant l'usage professionnel du titre de psychologue sont actuellement déterminées par l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social et par deux décrets d'application du 22 mars 1990 fixant la liste des diplômes requis et définissant les conditions dans lesquelles certaines personnes peuvent être autorisées, à titre transitoire, à faire usage du titre.

Ainsi, en application du I de l'article 44 de cette loi, « l'usage professionnel du titre de psychologue, accompagné ou non d'un qualificatif, est réservé aux titulaires d'un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle et figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat ou aux titulaires d'un diplôme étranger reconnu équivalent aux diplômes nationaux exigés ».

Le présent article tend à compléter ce I pour ajouter à cette exigence de diplôme une nouvelle obligation d'enregistrement de leur diplôme, auprès du représentant de l'Etat dans le département, dans le mois qui suit leur entrée en fonction. Cet enregistrement sert alors de base à la publication d'une liste des personnes exerçant la profession de psychologue dans le département chaque année.

II - La position de votre commission

Lors des débats à l'Assemblée nationale, M. Bernard Charles a justifié son initiative d'une double manière.

D'une part, elle permettrait d'aligner les conditions d'exercice de la profession de psychologue sur celle des professions de santé. Il est vrai que l'exercice de ces professions exige l'inscription préalable sur une liste départementale. Mais il reste que la profession de psychologue n'est pas considérée comme une profession de santé telle que définie par le code de la santé publique. Il importe donc d'éviter tout amalgame que pourrait alimenter le présent article sur ce point.

D'autre part, elle permettrait de prévenir les usurpations de titre. Déjà, le IV de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 punit de délit d'usurpation du titre de psychologue. Toutefois, ces pénalités restent difficiles à mettre en oeuvre dans la mesure où les contrôles sont délicats en l'absence de recensement des professionnels. Il n'est pourtant pas évident que l'enregistrement sur une liste départementale permette un meilleur contrôle à l'avenir.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE II
-
Formation médicale continue

Art. 40
(art. L. 4133-1 à L. 4131-9, L. 6155-1 à L. 6155-5 nouveaux
du code de la santé publique)
Institution d'une obligation de formation continue pour les médecins
ainsi que pour les biologistes, odontologistes et pharmaciens
exerçant en établissement de santé

Objet : Cet article vise à instituer un nouveau dispositif obligatoire de formation médicale continue en lieu et place de celui instauré par l'ordonnance du 24 avril 1996.

I - Le dispositif proposé

Le dispositif de formation médicale continue institué par l'ordonnance du 24 avril 1996 n'a jamais été appliqué, ses décrets d'application ayant été annulés par le Conseil d'Etat.

Le présent article tend alors à lui substituer un nouveau dispositif légal s'appliquant aux médecins libéraux et salariés, hospitaliers ou non, ainsi qu'aux biologistes, odontologistes et pharmaciens exerçant leurs fonctions dans des établissements de santé.

Le paragraphe I est relatif à l'obligation de formation médicale continue des médecins, inscrits au tableau de l'ordre, qu'ils soient libéraux ou salariés.

Il précise le contenu et l'organisation de cette formation médicale continue et procède pour cela à une réécriture complète des articles L. 4133-1 à L. 4133-9 du code de la santé publique

Dans sa nouvelle rédaction, l'article L. 4133-1 définit la formation médicale continue (FMC) qui a pour objectifs l'entretien et le perfectionnement des connaissances, y compris dans le domaine des droits de la personne, ainsi que l'amélioration de la prise en charge des priorités de santé publique.

Il prévoit que la formation médicale continue constitue une obligation pour tout médecin tenu, pour exercer sa pratique, de s'inscrire à l'ordre des médecins.

L'obligation de formation peut être satisfaite de trois manières, au choix du médecin : soit en participant à des actions de formation agréées, soit en se soumettant à une procédure d'évaluation des connaissances adaptée à chaque situation, réalisée par un organisme agréé, soit en présentant un dossier attestant de ses efforts en matière de formation. Elle fait l'objet d'une validation.

L'article L. 4133-2 institue deux conseils nationaux de la formation médicale continue : un pour les médecins libéraux et un pour les médecins salariés non hospitaliers.

Il précise les missions de ces conseils nationaux de la formation continue. Ils seront chargés :

- de fixer les orientations nationales de la formation médicale continue ;

- d'agréer les organismes formateurs sur la base des programmes proposés ;

- d'agréer, après avis de l'ANAES, les organismes aptes à effectuer les procédures d'évaluation ;

- d'évaluer la formation médicale continue ;

- de donner un avis au ministre en charge de la Santé sur toutes les questions concernant la formation médicale continue.

L'article L. 4133-3 détermine les règles d'organisation et de fonctionnement de ces conseils.

Le conseil national de la formation médicale continue des médecins libéraux et le conseil national de la formation continue des médecins salariés non hospitaliers sont composés de manière quadripartite. Ils comprennent notamment des représentants de l'ordre des médecins, des unités de formation et de recherche médicale, des syndicats représentatifs des catégories de médecins concernés, des organismes de formation, des personnalités qualifiées ainsi qu'un représentant du ministre chargé de la Santé avec voix consultative.

Les membres de ces conseils sont nommés par le ministre chargé de la Santé, sur proposition des organismes qui les constituent.

Est également créé un comité de coordination de la formation médicale continue composé à parts égales de représentants désignés par chacun de ces conseils nationaux de formation médicale continue mais aussi par le conseil national de formation médicale des praticiens hospitaliers des établissements de santé publics ou privés participant au service public hospitalier créé par le nouvel article L. 6155-2 du code de la santé publique prévu au II du présent article.

L'article L. 4133-4 institue, dans chaque région, des conseils régionaux de la formation médicale continue des médecins libéraux et des médecins salariés non hospitaliers.

Il définit également les missions des conseils régionaux de la formation médicale continue qui seront chargés :

- de déterminer les orientations régionales de la formation médicale continue en cohérence avec celles fixées au plan national ;

- de valider, tous les cinq ans, le respect de l'obligation de formation continue telle que définie à l'article L. 4133-1 ;

- de procéder à une conciliation en cas de manquement à cette obligation de formation continue et de saisir la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins en cas d'échec de cette conciliation.

L'article L. 4133-5 précise l'organisation de ces conseils régionaux, qui regroupent des représentants des mêmes catégories que celles composant les conseils nationaux et qui fonctionnent selon des modalités analogues.

L'article L. 4133-6 institue un fonds national de la formation médicale continue, doté de la personnalité morale, et placé auprès du ministre chargé de la Santé.

Ce fonds reçoit des « dotations publiques » et participe au financement des conseils nationaux et régionaux et des actions de formation. Il est composé de délégués des trois conseils nationaux de formation médicale continue, et en nombre égal de représentants de l'Etat. Il est présidé par un représentant du ministre chargé de la Santé.

L'article L. 4133-7 prévoit que les employeurs publics et privés de médecins salariés sont tenus de prendre les dispositions permettant à ces médecins d'assumer leur obligation de formation.

Pour ce qui est des employeurs visés à l'article L. 950-1 du code du travail, c'est-à-dire tout employeur à l'exception de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics à caractère administratif, les actions de formation sont financées dans le cadre des dispositions de droit commun.

Pour ce qui est des agents sous contrat de droit public ou titulaires des fonctions publiques d'Etat territoriale et hospitalière, les actions sont financées dans le cadre de la formation professionnelle selon les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

L'article L. 4133-8 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application des articles précédents, notamment la composition des conseils nationaux et des conseils régionaux de la formation médicale continue, les modalités d'organisation de la validation de l'obligation ainsi que les modalités du contrôle de l'Etat sur le fonds national de la formation médicale continue.

Le paragraphe II , qui insère de nouveaux articles L. 6155-1 à L. 6155-5 dans le code de la santé publique, procède à la même adaptation pour les praticiens des établissements de santé publics ou privés participant au service public hospitalier.

L'article L. 6155-1 pose une obligation de formation continue identique à celle des médecins non hospitaliers.

Les articles L. 6155-2 et L. 6155-3 créent des conseils nationaux et régionaux de formation continue pour ces professionnels dont les missions, l'organisation et la composition sont similaires à celles des conseils des médecins non hospitaliers.

L'article L. 6155-4 précise les conditions de financement de cette formation continue par les établissements. Leur participation ne peut être inférieure à un pourcentage de la masse salariale qui sera fixé par décret. Les établissements sont en outre autorisés à s'associer pour financer les actions de formation continue.

L'article L. 6155-5 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application des articles précédents.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre trois amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements avec l'accord du Gouvernement.

Le premier, présenté par M. Bernard Charles, rapporteur, tend à préciser les conditions de réalisation de l'obligation de formation lorsque le médecin choisit de présenter un dossier au conseil régional. Il introduit à ce titre l'obligation d'une audition du médecin par le Conseil.

Le deuxième, présenté par M. Bernard Charles, rapporteur, et M. Jean-Michel Dubernard, autorise toute personne morale de droit public ou privé à caractère lucratif ou non (on songe notamment aux entreprises de santé) à obtenir un agrément pour leur action de formation continue.

Le troisième, présenté par MM. Bernard Charles, Jean Le Garrec et Jean-Pierre Foucher, vise à rendre applicable aux pharmaciens autres que ceux exerçant dans un établissement de santé l'obligation de formation continue. Dans ce but, il complète le présent article par un paragraphe III introduisant deux nouveaux articles L. 4236-1 et L. 4236-2 dans le code de la santé publique.

III - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'être favorable à l'économie générale de ce nouveau dispositif de formation médicale continue qu'elle appelait de ses voeux depuis longtemps.

Ainsi, elle observe avec satisfaction que le dispositif proposé est très proche de celui qu'elle avait souhaité inclure, au printemps dernier, dans le projet de loi de modernisation sociale à l'initiative de M. Claude Huriet, rapporteur du volet sanitaire de ce texte.

Elle se félicite également que ce dispositif, élaboré après une large concertation avec les différentes parties prenantes à la formation, reste fidèle dans ses grandes lignes à l'architecture générale du système de formation continue de l'ordonnance du 24 avril 1996, tout en y apportant, dans un souci de pragmatisme, trois améliorations de nature à assurer sa mise en oeuvre dans les meilleures conditions.

La première amélioration tient dans la plus grande souplesse de fonctionnement du dispositif, même si on peut regretter le relatif éparpillement du système entre quatre conseils nationaux distincts.

La deuxième amélioration tient au champ plus large d'application du dispositif puisqu'il dépasse les seuls médecins pour concerner également les autres praticiens hospitaliers et les pharmaciens.

La dernière amélioration consiste en la création d'un fonds national de la formation médicale continue qui constitue une condition sine qua non de bon fonctionnement du dispositif en garantissant son financement, qu'il s'agisse du financement des différents conseils ou des actions de formation.

L'étude d'impact évalue en effet le coût annuel global de fonctionnement du dispositif à environ 130 millions d'euros, soit un montant deux fois supérieur aux sources de financement actuellement existantes.

Dès lors, il importe que ce fonds national soit suffisamment abondé chaque année afin de veiller au bon fonctionnement du dispositif. Votre commission y accordera une vigilance toute particulière.

Elle constate toutefois que le présent article reste particulièrement ambigu sur les sources d'alimentation de ce fonds, se contentant d'évoquer des « dotations publiques » dont la nature exacte n'est pas précisée. Or, le financement de ce fonds, dont la mission s'inscrit dans une logique de santé publique, ne doit pas être à la charge de la sécurité sociale et exige à l'évidence des dotations budgétaires de l'Etat.

Elle observe également que le financement du nouveau dispositif de formation continue apparaît parfois flou, notamment dans son articulation avec les dispositifs actuels de financement de la formation prévus par le code du travail ou de la formation hospitalière.

Ainsi, et en particulier pour les salariés, les formations continueront à être prises en charge par les dispositifs actuels, le fonds national n'ayant visiblement vocation qu'à intervenir en complément. Dans ces conditions, il est à craindre que la mise en place du fonds ne se traduise par une révision à la baisse de l'effort de formation des établissements et des employeurs et que la coexistence de différents statuts n'entrave en partie l'objectif d'un égal accès à la formation.

En ce sens, votre commission aurait souhaité que le projet de loi précise plus en détail les conditions d'intervention du fonds afin de prévenir certaines dérives éventuelles.

Elle souligne également que l'alignement du dispositif de formation continue des pharmaciens sur celui des médecins introduit à l'Assemblée nationale apparaît quelque peu précipité et aurait, à l'évidence, nécessité une concertation préalable plus approfondie.

Le dispositif proposé apparaît en effet largement inapplicable, son organisation étant inaboutie en l'absence de structuration territoriale et son fonctionnement étant fragilisé par l'absence de toute procédure de validation des formations et de toute possibilité de conciliation.

En outre, il est à craindre que ce dispositif ne prenne que très imparfaitement en compte la spécificité de la profession de pharmacien par rapport à celle de médecin (plus de la moitié des pharmaciens sont aujourd'hui en effet des salariés) et les réflexions déjà menées par cette profession depuis le début des années 1990, notamment au travers de la commission paritaire nationale de l'emploi de la pharmacie d'officine.

Pour autant, et à ce stade de la navette parlementaire, votre commission ne peut bien évidemment que s'associer au principe de mise en place d'une telle obligation de formation continue des pharmaciens, même si ses modalités d'application seront sans doute à préciser.

Au-delà de ces observations, votre commission, tout en souscrivant aux grandes lignes du dispositif adopté à l'Assemblée nationale, vous propose d'adopter, outre quelques amendements rédactionnels, plusieurs amendements visant à améliorer le fonctionnement du dispositif.

Un premier amendement vise à préciser la portée de l'obligation de formation, en soulignant que la méconnaissance de cette obligation est passible de sanction disciplinaire, en cas d'échec de la procédure de conciliation prévue au présent article.

Une telle disposition, qui reprend d'ailleurs le texte de l'article introduit par le Sénat dans le projet de loi de modernisation sociale à l'initiative de notre collègue Claude Huriet, devrait garantir au mieux l'application de l'obligation de formation. On rappellera qu'une telle sanction est déjà prévue par la législation existante ( art. L. 4133-1 du code de la santé publique ), et apparaît conforme au code de déontologie médicale qui pose, à son article 11, une obligation de formation médicale continue.

Cinq autres amendements visent à améliorer l'information disponible sur la réalisation de l'obligation de formation continue. Ils prévoient que les quatre conseils nationaux de formation continue et les conseils régionaux publient chaque année un rapport qui est rendu public.

Là encore, ces amendements reprennent une des propositions qu'avait formulées M. Claude Huriet à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation sociale, qui constitue une élémentaire exigence de transparence.

Un autre amendement tend à préciser les conditions de financement du fonds national de formation médicale continue. Il prévoit que les « dotations publiques » que recevra le fonds seront versées directement par l'Etat.

Un amendement vise à instituer des conseils régionaux de la formation continue pour les pharmaciens non hospitaliers, dans la mesure où l'Assemblée nationale a étendu l'obligation de formation continue pour cette profession. Il importe en effet d'assurer la cohérence de l'architecture du nouveau dispositif pour garantir son application.

Dans la même logique, deux amendements visent à préciser les conditions de fonctionnement du nouveau dispositif de formation pharmaceutique continue. Le premier institue un fonds national de la formation pharmaceutique continue, financé par crédits budgétaires et chargé de financer le conseil national et les conseils régionaux, mais pas les actions de formation continue. Un second amendement renvoie alors à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les modalités de financement des actions de formation continue des pharmaciens. Votre commission considère néanmoins que ce fonds national, à l'image de celui des médecins, doit avoir vocation à l'avenir à participer au financement des actions de formation, même si c'est sans doute pour l'instant prématuré.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé .

Art. 41
(art. L. 162-5 du code de sécurité sociale)
Abrogation de dispositions issues de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relatives à la formation médicale continue

Objet : Cet article tend à abroger les dispositions du code de la sécurité sociale relatives au financement conventionnel de la formation médicale continue.

I - Le dispositif proposé

Cet article tend à abroger le 3° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 17 de l'ordonnance du 24 avril 1996.

La disposition en question prévoit que les conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie et les médecins déterminent :

- les conditions d'indemnisation des médecins participant à des actions de formation médicale continue en application de l'article L. 4133-1 du code de la santé publique ;

- le montant de la contribution annuelle versée par les organismes d'assurance maladie au fonds d'assurance formation des médecins libéraux.

En clair, l'obligation de formation médicale continue était financée par la sécurité sociale au travers des conventions.

II - La position de votre commission

Les dispositions du code de la sécurité sociale que le présent article tend à supprimer apparaissent aujourd'hui sans objet.

D'une part, l'article 40 du présent projet de loi institue un nouveau dispositif de financement de la formation médicale continue.

D'autre part, l'article 56 de la loi du 27 juillet 1999 a légalisé la possibilité d'organiser des actions de formation distinctes de la formation médicale continue telle que prévue par le code de la santé publique, en autorisant la convention à déterminer une politique de formation professionnelle conventionnelle.

Dès lors, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « cette disposition répond au souci de clarification consistant en la séparation des formations continues conventionnelles et de la formation continue obligatoire, conformément aux recommandations de la Cour des comptes ».

Il est vrai que la Cour des comptes a été particulièrement sévère sur les difficultés d'articulation entre formation médicale continue et formation conventionnelle, comme en témoigne cet extrait de son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000 :

« La Cour a montré, dans son rapport de septembre 1999 sur l'application de la loi de financement, les critiques qu'appelle la formation continue des médecins, organisée par la loi et les conventions. Un an après, ses recommandations n'ont pas été mises en oeuvre et la situation ne s'est pas clarifiée. La loi du 27 juillet 1999 a certes légalisé la possibilité pour les partenaires conventionnels d'organiser des actions de formation, indépendamment de la formation médicale continue (FMC) mise en place sur la base de l'ordonnance de 1996. Mais la coexistence de deux systèmes risque d'être complexe et de poser des problèmes d'articulation si le dispositif de FMC, toujours bloqué, venait à être relancé et si celui de formation professionnelle conventionnelle, dont les textes d'application ne sont pas sortis, était effectivement mis en place ».

Pour sa part, votre commission était également très critique sur la coexistence de ces deux systèmes légalisée par la loi du 27 juillet 1999.

Ainsi, dans son rapport sur ce texte au nom de votre commission, notre collègue Claude Huriet observait alors qu'« en instituant un second dispositif de formation médicale continue parallèle à celui prévu aux articles L. 367-2 et suivants du code de la santé publique, cet article risque de nuire à la cohérence de l'ensemble de la politique de formation dans la mesure où aucune coordination entre les deux dispositifs n'est prévue. » 18 ( * )

Dans ces conditions, votre commission ne peut qu'être favorable aux dispositions du présent article qui apportent une certaine clarification sur la place respective de la formation médicale continue et de la formation conventionnelle, tout en observant qu'il est loin de lever toutes les ambiguïtés qui subsistent.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 42
(art. L. 11 de la loi n° 89-474 du 10 juillet 1989)
Mesure de codification

Objet : Cet article de codification est de coordination.

L'article 40 du présent projet a codifié, au nouvel article L. 6155-4 du code de la santé publique les dispositions de l'article 11 de la loi du 10 juillet 1989 sur la participation financière des établissements publics de santé à la formation médicale continue de leur personnel.

Dès lors, il convient d'abroger l'article 11 en question, abrogation que prévoit le présent article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE III
-
Déontologie et information

Art. 43
(art. L. 4126-2, L. 4132-4, L. 4132-5, L. 4142-3 et L. 4152-6
du code de la santé publique)
Composition des instances disciplinaires des ordres
des professions médicales

Objet : Cet article détermine la composition des instances disciplinaires des conseils de l'ordre des professions médicales et précise certaines règles relatives à leur fonctionnement.

I - Le dispositif proposé

Le présent article, qui complète les dispositions des articles 10 et 30 du présent projet de loi, comporte diverses dispositions relatives à l'organisation, à la composition et au fonctionnement des instances des conseils de l'ordre des professions médicales, et notamment de leurs instances disciplinaires.

Le paragraphe I , qui modifie l'article L. 4123-5 du code de la santé publique, est relatif aux conditions d'éligibilité des praticiens aux conseils de l'ordre.

Il prévoit la suppression de la condition d'âge minimal de 30 ans. Il précise également que les sanctions disciplinaires entraînant la privation du droit à éligibilité aux dits conseils sont étendues aux sanctions prononcées par les sections des assurances sociales des ordres et non plus seulement aux sanctions des instances disciplinaires.

Le paragraphe II modifie l'article L. 4126-2 du code de la santé publique qui traite des garanties de procédure accordées aux praticiens devant les instances disciplinaires.

Il étend ces garanties (possibilité de se faire représenter et assister, droit de récusation) aux plaignants et non plus aux seuls praticiens mis en cause.

Le paragraphe III , qui modifie l'article L. 4132-4 du même code, tend principalement à assouplir les conditions de désignation de conseillers d'Etat suppléants chargé d'assister, avec voix délibérative, le conseil national de l'ordre des médecins dans son instance administrative. Le nombre de ces suppléants, qui était jusqu'à présent de quatre, n'est plus précisé.

Le paragraphe IV , qui modifie l'article L. 4132-5, remplace la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins par une chambre disciplinaire nationale et en détermine les missions et la composition.

Il rappelle les missions de cette chambre (connaître en appel les décisions rendues en matière disciplinaire) déjà mentionnée à l'article 10 du présent projet de loi.

Il détermine la composition de cette chambre. Présidée par un conseiller d'Etat dont les règles générales de suppléance sont définies, elle est composée de 12 membres, élus pour six ans, parmi les membres et les anciens membres des chambres disciplinaires de première instance. On rappellera que l'article 10 du projet de loi prévoit que les membres de cette chambre ne peuvent pas appartenir aux instances administratives de l'ordre.

Le paragraphe V supprime l'assistance de l'instance disciplinaire par un conseil juridique, magistrat ou avocat, qui est actuellement prévue par l'article L. 4132-9 du code de la santé publique.

Le paragraphe VI supprime les dispositions de l'article L. 4132-10 du même code relatives à l'élection des présidents des conseils régionaux.

Les paragraphes VII, VIII, IX et X tendent à appliquer aux conseils de l'ordre des chirurgiens-dentistes respectivement les dispositions des paragraphes III, IV, VI et V relatives à l'ordre des médecins.

Les paragraphes XI, XII, XIII et XIV tendent, eux, à appliquer aux conseils de l'ordre des sages-femmes respectivement les dispositions des mêmes paragraphes III, IV, V et VI.

Le paragraphe XV est de coordination. Il tire les conséquences de la création des chambres disciplinaires nationales et régionales des ordres et modifie en conséquence le code de la sécurité sociale.

Le paragraphe XVI précise les conditions d'entrée en vigueur des dispositions du présent article. Il prévoit que les élections des membres de la chambre disciplinaire nationale interviendront dans les six mois suivant la publication du décret en conseil d'Etat fixant les conditions de fonctionnement de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins. Les dispositions du présent article n'entreront alors en vigueur qu'après ces élections.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission tient tout d'abord à s'élever contre la très médiocre lisibilité des dispositions du présent projet de loi relatives aux ordres des professions médicales et notamment à la réforme de leurs instances disciplinaires. Eparpillée au sein de trois articles (les articles 10, 30 et 43) eux-mêmes disséminés dans deux titres différents du projet de loi, la présentation formelle de ces nouvelles dispositions manque de la plus élémentaire cohérence et nuit en conséquence à l'intelligibilité globale de la loi.

Sur le fond, le présent dispositif ne peut en outre que susciter les mêmes interrogations, voire les mêmes réserves, que celles formulées par votre commission à l'article 30 du projet de loi, notamment sur les conditions de présidence des chambres disciplinaires des professions médicales par des conseillers d'Etat, même si cette question se pose ici sans doute avec moins d'acuité.

Dans ces conditions, il importe avant tout, pour assurer une mise en oeuvre satisfaisante de cette réforme, de garantir un fonctionnement satisfaisant des chambres disciplinaires.

En ce sens, votre commission juge souhaitable d'assouplir les conditions de suppléance du président de la chambre disciplinaire, mais aussi du conseiller d'Etat assistant les conseils nationaux.

Votre commission observe ainsi que, pour les ordres des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, cet article renvoie la fixation du nombre des suppléants des conseillers d'Etat à un décret en Conseil d'Etat.

Il apparaît pourtant plus simple et plus cohérent d'aligner cette fixation sur les modalités prévues par cet article pour l'ordre des médecins et par l'article 49 pour l'office des professions paramédicales.

Votre commission vous propose donc d'adopter, outre plusieurs amendements de précision, quatre amendements en ce sens.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 44
(art. L. 4221-18 nouveau du code de la santé publique)
Suspension immédiate de l'activité d'un pharmacien
par le représentant de l'Etat dans le département
en cas de danger grave pour ses patients

Objet : Cet article institue une procédure de suspension temporaire du droit d'exercer pour un pharmacien, à l'initiative du préfet, en cas d'urgence et de danger grave pour le patient.

I - Le dispositif proposé

Cet article, qui insère un nouvel article L. 4221-18 dans le code de la santé publique, introduit une nouvelle procédure de suspension de l'activité d'un pharmacien par le préfet en cas d'urgence et de danger grave pour les patients.

Cette procédure est identique à celle prévue à l'article 32 du projet pour les médecins.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Par coordination avec la position qu'elle a adoptée à l'article 32, l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Bernard Charles et avec l'accord du Gouvernement, a adopté un amendement prévoyant que le préfet informe la caisse primaire d'assurance maladie de la suspension du pharmacien.

III - La position de votre commission

Votre commission ne peut ici que relever, une nouvelle fois, les incertitudes entourant la structuration du présent projet de loi. Ainsi, alors que les dispositions relatives à la procédure d'urgence pour les médecins sont introduites à l'article 32 du projet de loi dans le chapitre Ier, relatif à la « compétence professionnelle » du présent titre, les mêmes dispositions s'appliquant aux pharmaciens sont, elles, curieusement introduites par le présent article au sein du chapitre III relatif à la « déontologie et à l'information » . La logique d'une telle structuration échappe à votre commission.

Votre commission, par cohérence avec sa position à l'article 32 du présent projet de loi, approuve néanmoins cette disposition et vous propose d'adopter, outre trois amendements de coordination, un amendement analogue à celui présenté audit article qui prévoit une possibilité de saisine en référé du juge administratif pour annulation de la décision préfectorale, le juge statuant alors dans un délai de quarante-huit heures.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 45
(art. L. 4231-4 et L. 4233-3 du code de la santé publique)
Création d'une section H des pharmaciens hospitaliers au sein de l'ordre des pharmaciens

Objet : Cet article vise à créer une septième section réservée aux pharmaciens hospitaliers au sein de l'ordre national des pharmaciens et à modifier la représentation des pharmaciens salariés au sein de son conseil national.

I - Le dispositif proposé

L'organisation de l'ordre national des pharmaciens, codifiée aux articles L. 4232-1 à L. 4232-16 du code de la santé publique, remonte pour l'essentiel à l'ordonnance du 5 mai 1945 qui a créé cette institution.

Elle a pour particularité de comporter six sections correspondant chacune aux différentes catégories de pharmaciens (titulaires d'officine, fabricants, grossistes, pharmaciens salariés, biologistes, pharmaciens des départements et des territoires d'outre-mer). Chaque section est administrée par un conseil central qui désigne ses représentants au conseil national de l'ordre des pharmaciens. Seule la section A des titulaires d'officine comporte également des conseils régionaux.

Selon l'exposé des motifs du présent projet de loi, le présent article vise, « sans remettre en question l'ensemble de l'organisation de l'ordre », à « adapter celle-ci au développement du secteur hospitalier depuis plusieurs années ». Il prévoit en conséquence la création d'une nouvelle section H afin « de valoriser la fonction de pharmacien hospitalier et de reconnaître sa spécificité ».

Il est vrai que la démographie des pharmaciens a profondément évolué depuis 1945 comme en témoigne le tableau ci-dessous :

Evolution entre 1945 et 2000 du nombre de pharmaciens inscrits au tableau de l'ordre et de leur représentation au Conseil national

1945

2000

Nombre de pharmaciens inscrits

Représentation au Conseil national

Nombre de pharmaciens inscrits

Représentation au Conseil national

Titulaires d'officine

A

13.000

8

27.290

8

Fabricants

B

1.800

4

499

4

Grossistes

C

1.000

2

186

2

Salariés

D

2.900

3

29.279

3

dont Assistants

860

25.287

dont Hospitaliers

390

3.853

dont Mutualistes et Miniers

90

139

dont Biologistes

1.560

Biologistes

G

inexistant

7.845

3

DOM

E

inexistant

1.121

1

TOM

F

inexistant

TOTAL

18.700

66.220

Source : Ordre national des pharmaciens.

Le nombre de pharmaciens d'officine a ainsi, sur la période, été multiplié par 3,5, le nombre de pharmaciens salariés étant, lui, multiplié par plus de 10.

Le présent article apporte plusieurs modifications à l'organisation de l'ordre national des pharmaciens.

Le paragraphe I, qui modifie l'article L. 4231-4 du code de la santé publique relatif à la composition du conseil national de l'ordre des pharmaciens, est de conséquence.

Il prévoit que trois pharmaciens de la section H siègent au conseil national et que le nombre de pharmaciens élus représentant la section D à ce conseil national passe de trois à cinq.

Il précise également que les membres élus au conseil sont renouvelables par moitié tous les deux ans.

Le paragraphe II modifie l'article L. 4232-1 du même code relatif à l'organisation en sections de l'ordre des pharmaciens.

Il introduit une section H supplémentaire comprenant les pharmaciens hospitaliers, c'est-à-dire les pharmaciens exerçant dans les pharmacies à usage intérieur, dans les établissements de transfusion sanguine, dans les dispensaires antituberculeux, dans les centres de planification et d'éducation familiale et dans les centres spécialisés de soins aux toxicomanes.

En conséquence, ces pharmaciens ne sont plus regroupés dans la section D.

Le paragraphe III modifie l'article L. 4232-9 qui a trait à la composition du conseil central de la section D.

Il modifie la composition de ce conseil central en supprimant la représentation des pharmaciens hospitaliers, en portant de huit à douze le nombre de représentants des pharmaciens salariés et en ajoutant un pharmacien gérant de pharmacie de société de secours minière.

Le paragraphe IV est de coordination.

Le paragraphe V introduit un nouvel article L. 4232-15-1 dans le code de la santé publique relatif à la composition du conseil central de la nouvelle section H.

Il prévoit que ce conseil central est composé de 14 membres, nommés ou élus pour quatre ans. Il comprend un professeur, un pharmacien inspecteur de santé publique qui est chargé de représenter le ministre de la santé et qui n'a que voix consultative et douze pharmaciens hospitaliers.

Le paragraphe VI est de coordination.

Le paragraphe VII modifie l'article L. 4233-3 du code de la santé publique pour augmenter le nombre de suppléants aux différents conseils afin qu'un suppléant soit désigné pour chaque titulaire.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, a profondément modifié la rédaction de cet article, le Gouvernement s'en remettant à la sagesse des députés.

Dans sa nouvelle rédaction, le présent article ne prévoit plus la création d'une nouvelle section H et ne reprend que le paragraphe VII du texte initial présenté par le Gouvernement.

Il se contente de renforcer la représentation de la section D au conseil national en portant de trois à huit le nombre de ses représentants 19 ( * ) , dont au moins trois pharmaciens hospitaliers.

L'Assemblée nationale a donc suivi sur ce point la position de M. Bernard Charles qui a considéré que « la section D doit être mieux représentée au sein du conseil national et rassembler l'ensemble des salariés du public ou du privé ».

III - La position de votre commission

Votre commission ne peut d'abord que s'étonner de l'attitude du Gouvernement qui, après avoir proposé une réforme de l'organisation de l'ordre des pharmaciens, n'a même pas cherché à défendre sa position lors de l'examen du présent article à l'Assemblée nationale.

Votre commission observe également que la rédaction issue de l'Assemblée nationale se limite à renforcer très sensiblement la représentation des pharmaciens salariés, et en particulier des pharmaciens hospitaliers, au sein du conseil national de l'ordre.

Elle considère, pour sa part, que l'économie générale du texte initialement présenté par le Gouvernement était sans doute satisfaisante car elle répondait aux deux principaux objectifs que doit viser une réforme de l'organisation de l'ordre des pharmaciens : améliorer la représentation des pharmaciens salariés, et notamment des assistants dont les effectifs ont considérablement augmenté, et reconnaître la spécificité des pharmaciens hospitaliers.

Sur ce dernier point, elle observe que le présent projet de loi tend, par ailleurs, à renforcer cette spécificité en prévoyant par exemple un dispositif de formation continue distinct de celui des autres pharmaciens à son article 40.

Dans ces conditions, elle vous propose d'adopter un amendement prévoyant une nouvelle rédaction de cet article. Il s'inspire largement de la rédaction initiale de cet article, mais prend également en compte les apports de l'Assemblée nationale en matière d'amélioration de la représentation de pharmaciens salariés au sein du conseil national.

Votre commission considère en effet souhaitable de rétablir la nouvelle section H afin de garantir la spécificité des pharmaciens hospitaliers et d'assurer leur meilleure représentation au moment où leur nombre est sans doute appelé à augmenter.

Elle observe d'ailleurs qu'une mesure identique était intervenue en 1977 lorsqu'une nouvelle section G avait été créée pour les biologistes qui avaient alors quitté la section D. Cette réforme semble aujourd'hui avoir donné satisfaction, la représentation des pharmaciens biologistes ayant été renforcée et leur spécificité même prise en compte, tandis que la section D a préservé sa cohérence.

Pour autant, votre commission considère qu'une telle réforme n'a de sens que si elle s'accompagne d'une meilleure représentation des différentes catégories de pharmaciens au sein du conseil national , leur représentation actuelle n'ayant que très imparfaitement pris en compte les évolutions démographiques.

Aussi, elle propose que la section D désigne 8 membres pour siéger au conseil national (contre 3 aujourd'hui), afin d'assurer une parité avec la section A conforme aux effectifs respectifs de ces sections. La section H désignerait, elle, 3 membres au conseil national.

Une telle solution, qui dépasse les propositions du Gouvernement et de l'Assemblée nationale, apparaît équilibrée et de nature à garantir une représentation équitable des différentes catégories de pharmaciens au conseil national de l'ordre 20 ( * ) comme en témoigne le tableau ci-dessous.

Représentation des sections au sein du Conseil national

Effectifs en 2000

Nombre de représentants au Conseil national

Droit actuel

Projet de loi initial

Rédaction de l'AN

Proposition de la commission

Section A

27.290

8

8

8

8

Section B

499

4

4

4

4

Section C

166

2

2

2

2

Section D

29.279

3

5

8

8

- Dont assistants

25.287

- Dont hospitaliers

3.854

Section E

1.121

1

1

1

1

Section F

144 (1)

-

-

-

-

Section G

7.845

3

3

3

3

Section H

-

-

3

-

3

Total

66.220

21

26

26

29

(1) en 1999

Votre commission vous propose enfin, dans cet amendement, de modifier légèrement la composition du conseil central de la nouvelle section H . Il convient en effet de ne pas prévoir une surreprésentation automatique au sein de ce conseil des pharmaciens hospitaliers exerçant dans les établissements publics. Le projet de loi initial prévoyait en effet que, sur douze pharmaciens hospitaliers, au moins quatre doivent exercer à temps plein et deux à temps partiel dans des établissements publics et au moins deux doivent exercer dans les établissements privés. Votre commission propose de ramener à un effectif minimum de deux pour chacune de ces trois catégories afin de mieux refléter leur poids démographique respectif.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article additionnel après l'article 45
(art. L. 4232-14 du code de la santé publique)
Conditions de fonctionnement de l'ordre national des
pharmaciens pour les questions relatives à l'outre-mer

Objet : Cet article additionnel vise à simplifier les conditions de fonctionnement de l'ordre national des pharmaciens pour les affaires relatives à l'outre-mer en supprimant l'obligation de faire siéger deux conseils centraux pour examiner ces questions.

L'article L. 4232-14 du code de la santé publique prévoit que le conseil central de la section E (outre-mer) est complété, selon la nature de l'affaire portée à son examen, par les membres du conseil central compétent pour les affaires de cette nature.

Cette disposition oblige alors à faire siéger systématiquement deux conseils centraux pour toute question relative à l'outre-mer.

Cette procédure ancienne apparaît aujourd'hui source de lourdeur inutile, alors même que la section E est en mesure de traiter seule ces affaires.

Le présent article additionnel tend alors à supprimer cette obligation.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. 46
(art. L. 4234-6, L. 4234-10 nouveau du code de la santé publique)
Diverses dispositions concernant l'organisation
de la profession de pharmacien

Objet : Cet article vise à modifier certaines dispositions relatives à l'organisation de la profession de pharmacien. Il prévoit ainsi d'introduire la possibilité d'assortir d'un sursis les sanctions prononcées par les instances disciplinaires de l'ordre, de modifier la composition des conseils lorsqu'ils statuent en formation disciplinaire et de transformer le titre de « pharmacien assistant » en celui de « pharmacien adjoint ».

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I , qui modifie l'article L. 4234-6 du code de la santé publique, introduit la possibilité pour les chambres de discipline d'assortir d'un sursis l'interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée maximum de cinq ans.

Une disposition identique est prévue à l'article 30 du présent projet de loi pour les professions médicales.

Le paragraphe II , qui insère un nouvel article L. 4234-10 dans le même code, porte sur la composition des différents conseils statuant en matière disciplinaire.

Il prévoit d'exclure les représentants de l'Etat de la composition de ces conseils lorsqu'ils statuent en matière disciplinaire sur saisine du ministre de la santé ou du préfet.

Le paragraphe III tend à substituer le terme de « pharmacien adjoint » à celui de « pharmacien assistant » dans l'ensemble du code de la santé publique.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Ces dispositions, qui sont pour les deux premières de nature à améliorer les garanties accordées aux intéressés lors des instances disciplinaires, n'appellent pas d'observation particulière de la part de votre commission. Elle se bornera ici à observer que la nouvelle appellation de « pharmacien adjoint », principalement d'ordre symbolique, n'emporte pas de conséquences normatives.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 47
Dispositions transitoires relatives à l'élection
visant le renouvellement de l'ensemble des membres
des conseils de l'ordre national des pharmaciens

Objet : Cet article organise les élections en vue du renouvellement des membres des conseils de l'ordre national des pharmaciens.

I - Le dispositif proposé

Cet article tend à organiser le déroulement des prochaines élections des membres des conseils régionaux, centraux et national des pharmaciens.

Il prévoit ainsi de prolonger le mandat des membres de ces conseils jusqu'à ces élections.

Il précise également que leur date sera fixée par arrêté.

Il détermine en outre les conditions d'établissement des listes électorales, qui sont établies par les conseils centraux de chaque section, le conseil de la section D étant chargé d'établir celle de la future section H.

Il prévoit par ailleurs que, dans les sections D et H, qui sont renouvelables par moitié, un tirage au sort désignera la moitié des membres qui seront renouvelables au bout de deux ans.

Il détermine enfin les conditions de transition pour les dossiers soumis à la section D qui relèveront de la future section H.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Ces dispositions très techniques apparaissent, pour votre commission, de nature à permettre l'organisation des élections dans les meilleures conditions et donc à garantir le bon fonctionnement ultérieur de l'ordre. Elle y est donc favorable, regrettant que de telles dispositions n'aient pas été prévues dans le passé pour d'autres ordres dont le fonctionnement est aujourd'hui parfois paralysé.

Votre commission observe également que l'Assemblée nationale, bien qu'ayant supprimé la nouvelle section H à l'article 45 du présent projet de loi, n'a pas jugé bon de supprimer les références à la section H prévues par le présent article. Elle ne peut manquer d'y voir là le signe d'une réticence finalement très faible de l'Assemblée nationale à la création d'une telle section.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 48
Date d'application de certaines dispositions législatives du présent projet relatives à la profession de pharmacien

Objet : Cet article précise la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions du projet de loi relatives aux pharmaciens.

Cet article prévoit que la réforme de l'ordre des pharmaciens prévue à l'article 45 du présent projet de loi et le changement de dénomination des pharmaciens assistants prévu à l'article 46 seront applicables dès la proclamation des résultats des élections prévues à l'article 47.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre commission vous propose également d'adopter cet article sans modification.

Art. 48 bis (nouveau)
(art. L. 4234-1 du code de la santé publique)
Saisine de l'ordre des pharmaciens par les particuliers

Objet : Cet article vise à autoriser les particuliers à saisir les instances disciplinaires de l'ordre des pharmaciens en cas de faute ou de manquement.

I - Le dispositif proposé

Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, M. Bernard Charles, avec l'accord du Gouvernement.

Il insère un nouvel article L.4234-1-1 dans le code de la santé publique qui autorise tout particulier à saisir les instances disciplinaires de l'ordre national des pharmaciens en cas de faute ou de manquement.

II - La position de votre commission

Votre commission est favorable à la possibilité, pour les particuliers, de saisir les instances disciplinaires de l'ordre, même si une telle disposition apparaît de nature réglementaire.

L'article R.5016 du code de la santé publique, qui détermine les personnes susceptibles de saisir les instances disciplinaires de l'ordre contre un pharmacien, ne mentionne pas en effet les particuliers.

Il semble néanmoins nécessaire de coordonner, par amendement , les conditions de cette saisine avec celles déjà prévues par le code de santé publique.

La saisine de l'instance disciplinaire ne se fait, dans le droit existant, qu'en cas de faute professionnelle et non de faute ou de manquement. Il convient alors de s'en tenir à cette formulation précise dans cet article pour éviter toute ambiguïté et prévenir toute difficulté d'application ultérieure.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 49
(art. L. 4391-1 à L. 4398-5 nouveaux du code de la santé publique)
Office des professions d'infirmier ou d'infirmière, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste

Objet : Cet article vise à instituer un office regroupant les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes et les pédicures-podologues, exerçant à titre libéral, dont les missions sont similaires à celles dévolues aux ordres professionnels.

I - Le dispositif proposé

Les professions paramédicales se caractérisent aujourd'hui par l'absence de toute structuration effective au sein d'instances professionnelles, à l'inverse de ce qui existe pour les professions médicales et la profession de pharmacien.

Ainsi, le rapport Brocas précité observait : « Aucune structure propre aux professions paramédicales ne remplit les fonctions actuellement dévolues à l'ordre des médecins et aux Unions régionales de médecins libéraux. Seule instance professionnelle à intervenir, l'ordre des médecins siège en formation particulière (assurant la représentation de la profession concernée) pour contrôler les fautes, abus et fraudes relevés à l'encontre d'un paramédical à l'occasion des soins donnés aux assurés sociaux. » 21 ( * )

Certes, plusieurs initiatives législatives ont été prises ces dernières années pour mieux organiser ces professions. Mais elles sont restées lettre morte ou n'ont jamais été appliquées.

Ainsi, la loi n° 80-527 du 12 juillet 1980 modifiant certaines dispositions relatives à l'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière et de certaines autres professions d'auxiliaires médicaux prévoyait l'établissement de règles professionnelles pour les infirmiers et instituait des chambres disciplinaires chargées de les contrôler et de sanctionner leur non-respect. Ces chambres n'ont pourtant jamais été mises en place.

Un projet de loi instituant un dispositif analogue pour l'ensemble des professions paramédicales a également été déposé en 1991. Mais il n'a jamais été examiné par le Parlement.

La loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social , complétée par la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 , a, elle, créé un ordre des masseurs-kinésithérapeutes et un ordre des pédicures-podologues.

Toutefois, et alors même que les décrets du 21 janvier 1997 et ceux du 16 mai 1997 précisaient les modalités d'application de cette loi et que l'arrêté du 27 mai 1997 fixait les dates d'élection aux conseils de ces nouveaux ordres, ces dispositions n'ont jamais été appliquées, un arrêté du 15 juillet 1997 ayant abrogé celui du 27 mai 1997 et ayant ainsi rendu impossible la mise en place de ces instances.

Il est à noter que le Conseil d'Etat a lourdement sanctionné l'Etat pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour organiser ces élections dans deux décisions du 29 novembre 1999 pour les masseurs-kinésithérapeutes et du 3 décembre 2001 pour les pédicures-podologues, le Conseil d'Etat prononçant d'ailleurs une astreinte de 1.000 francs par jour de retard pour l'inexécution de ces décisions.

Dans ce contexte, deux récents rapports ont souligné la nécessité et l'urgence de structurer les professions paramédicales au sein d'un office.

En 1998, le rapport Brocas précité estimait ainsi qu' « une instance professionnelle serait incontestablement utile pour proposer aux pouvoirs publics des règles encadrant l'exercice des professions paramédicales et pour en contrôler le respect ».

Il précisait alors que « la solution la plus rationnelle en termes de gestion serait la création d'une structure commune à l'ensemble des professions d'infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes et orthoptistes dans laquelle chaque profession disposerait d'une section propre. Il est proposé d'appeler cette structure : Office des professions paramédicales ».

En 2000, le rapport 22 ( * ) présenté par M. Philippe Nauche, député de la Corrèze, à la demande du Premier ministre, concluait dans un sens identique. Il proposait également la création d'un Office des professions paramédicales (OPP) national et régional :

« La création d'un OPP paraît être une mesure rationnelle pour réaliser les objectifs fixés (règles communes, représentation nationale et régionale des professions, promotion de la qualité du service rendu) en permettant une représentation collégiale et unifiée des professionnels paramédicaux.

« Son organisation devrait comporter un niveau régional et une instance nationale avec, tous deux, des collèges professionnels et une assemblée plénière. La mise en place d'un procédé qui tienne compte du poids démographique respectif de chaque profession et en assure une représentation équilibrée, serait nécessaire ».

Reprenant largement les propositions de ces deux rapports, le présent article, qui tend à insérer 31 nouveaux articles dans le code de la santé publique, vise à organiser les professions d'infirmier, de masseur-kinésithérapeute, d'orthophoniste et d'orthoptiste, exerçant à titre libéral, en créant un office de ces professions.

Art. L. 4391-1 à L. 4391-6 nouveaux du code de la santé publique
Dispositions générales

Ces articles définissent les missions générales, la structure et les conditions de présidence de l'office créé par l'article L. 4391-1 et doté de la personnalité morale. Ils déterminent d'abord les missions générales de l'office .

M. Philippe Nauche, dans son rapport au Gouvernement de juin 2000, avait préconisé de confier six grandes fonctions à cet office :

- la gestion de l'autorisation d'exercer les professions médicales ;

- la déontologie ;

- la contribution à l'élaboration de bonnes pratiques professionnelles, leur diffusion et l'évaluation collective ;

- la labellisation de la formation continue ;

- la conciliation, la discipline et l'évaluation individuelle ;

- la représentation des professions paramédicales auprès des pouvoirs publics et auprès des instances internationales.

L' article L. 4391-2 du code de la santé publique reprend largement ces missions.

De fait, comme l'observe l'exposé des motifs du projet de loi, l'office exerce « à la fois des fonctions traditionnellement dévolues aux ordres professionnels et des fonctions comparables à celles des unions régionales des médecins libéraux ».

On observe toutefois que deux des missions préconisées par M. Philippe Nauche ne sont plus guère mentionnées.

Ainsi, la fonction de représentation des professions est écartée, celle-ci relevant en effet principalement des organisations professionnelles et syndicales.

De même, la mission de labellisation de la formation continue n'est plus évoquée.

Ces dispositions précisent également, au nouvel article L. 4391-3 , l'organisation générale de l'office .

Celui-ci est structuré à un double niveau.

Au niveau national, il se compose d'une assemblée interprofessionnelle et d'une chambre disciplinaire d'appel.

Au niveau régional, il comprend une assemblée interprofessionnelle, des collèges professionnels et une chambre disciplinaire de première instance.

On observera que l'article L. 4394-1 prévu par le présent article évoque des sections professionnelles au niveau national sans pour autant que celles-ci soient mentionnées au présent article.

Les articles L. 4391-4 et L. 4391-5 prévoient enfin les conditions de présidence du nouvel organisme.

Ils précisent que la fonction de président de l'assemblée interprofessionnelle nationale est incompatible avec une fonction de direction d'un syndicat ou d'une association de nature professionnelle comme c'est actuellement le cas pour les présidents des ordres des professions médicales.

Ils instituent également une possibilité pour le président de déléguer ses pouvoirs à des membres de l'assemblée interprofessionnelle nationale ou régionale.

Art. L. 4392-1 et L. 4392-2 du code de la santé publique
Election aux instances

L'article L. 4392-1 détermine les modalités d'élection aux instances régionale et nationale de l'office, tandis que l'article L. 4392-2 renvoie à un décret en conseil d'Etat les conditions d'application de ces dispositions.

Il détermine d'abord les conditions d'électorat qui se résument à une simple inscription au fichier de l'office.

Il précise ensuite les conditions d'éligibilité des candidats.

Deux conditions apparaissent ici prépondérantes. D'une part, tout candidat doit justifier d'une ancienneté minimale de trois ans d'inscription au fichier de l'office 23 ( * ) . D'autre part, aucune liste de candidats à l'élection à l'assemblée interprofessionnelle régionale ne peut comporter plus de la moitié de candidats inscrits aux élections aux collèges professionnels.

Il prévoit également les modalités d'élection des membres des différentes instances de l'office : ceux-ci sont élus, par un scrutin de liste, par collège professionnel pour une durée de cinq ans. Il organise en outre les conditions de suppléance.

Il détermine enfin les modalités d'élection des présidents des différentes instances. Les présidents des collèges professionnels sont élus pour cinq ans par les membres de chaque collège. En revanche, s'agissant de la présidence des assemblées interprofessionnelles, la durée du mandat du président est de un an afin d'instituer une présidence annuelle tournante de l'office par chacune des professions qui le compose.

Art. L. 4393-1 à L. 4393-3 du code de la santé publique
Attributions et fonctionnement des instances régionales

Ces articles définissent les attributions et le fonctionnement des instances régionales de l'office.

L'article L. 4393-1 concerne le collège professionnel. Il exerce cinq missions principales :

- inscription au fichier de l'office ;

- conciliation en cas de litiges entre professionnels ;

- suspension d'exercice d'un professionnel en cas de danger lié à une infirmité ou à une pathologie ;

- diffusion auprès des professionnels des bonnes pratiques ;

- évaluation de ces pratiques.

Les attributions de l'assemblée interprofessionnelle, précisées à l'article L. 4393-2 , sont les suivantes :

- représentation de l'office auprès des autorités compétentes dans la région ;

- coordination de l'activité des collèges professionnels ;

- conciliation en cas de litige entre professionnels de collèges différents ou entre un usager et un professionnel.

La chambre disciplinaire de première instance, dont les missions sont définies à l'article L. 4393-3 , est chargée de l'exercice du pouvoir disciplinaire. Elle est divisée en sections professionnelles, chaque section étant chargée de régler les questions relatives à sa profession. Lorsque le litige dépasse le champ d'une seule profession, une formation mixte de la chambre disciplinaire est chargée de statuer. Une représentation spécifique des usagers est garantie lorsqu'ils sont parties au litige.

Il est également prévu d'étendre aux chambres disciplinaires régionales de l'office les règles instituées par le présent projet de loi pour des instances disciplinaires de l'ordre des médecins : séparation de l'administratif et du disciplinaire, présidence de l'instance disciplinaire par un magistrat administratif.

Art. L. 4394-1 à L. 4394-3 du code de la santé publique
Attributions et fonctionnement des instances nationales

Ces articles déterminent les attributions et le fonctionnement des instances nationales de l'office.

L'assemblée interprofessionnelle nationale a une triple fonction, fonction qu'elle peut d'ailleurs déléguer à des sections :

- elle est consultée par le ministre pour toutes les questions intéressant l'office ;

- elle participe à l'élaboration des règles de bonnes pratiques en liaison avec l'ANAES ;

- elle statue sur les recours en matière d'inscription au fichier et de suspension du droit d'exercer.

La chambre disciplinaire nationale, présidée par un conseiller d'Etat, est saisie en appel des décisions des chambres disciplinaires de première instance. Son fonctionnement est identique au leur.

Art. L. 4395-1 et L. 4395-2 du code de la santé publique
Dispositions financières et comptables

Ces articles précisent certaines dispositions financières et comptables.

L'assemblée interprofessionnelle nationale est ainsi chargée de déterminer les cotisations de chaque professionnel, identique pour chaque professionnel, et d'assurer « une répartition équitable des ressources entre les régimes ».

Elle est également chargée de surveiller la gestion des instances régionales.

Il est en outre précisé que les comptes de l'office sont certifiés par un commissaire aux comptes.

Art. L. 4396-1 à L 4396-2 du code de la santé publique
Inscription au fichier professionnel

Ces articles sont relatifs aux conditions d'inscription au fichier professionnel.

Ces conditions reprennent largement les conditions actuelles d'exercice pour les professions concernées :

- justifier d'une inscription sur une liste préfectorale ;

- justifier des diplômes requis ;

- ne pas être atteint d'une infirmité ou d'un état pathologique incompatible avec l'exercice de la profession.

Il est en outre prévu que ce fichier soit rendu public.

Art. L. 4397-1 à L 4397-8 du code de la santé publique
Conciliation et discipline

Ces articles sont relatifs à la conciliation et à la discipline. Ils précisent la procédure applicable en la matière.

Ils prévoient notamment l'obligation d'une conciliation préalable, la chambre disciplinaire n'étant saisie de l'affaire par le président de l'assemblée interprofessionnelle qu'en cas d'échec de la procédure de conciliation.

Ils déterminent également les délais dans lesquels les instances disciplinaires doivent statuer et les garanties accordées aux parties.

Ils introduisent en outre une procédure spécifique pour les professionnels salariés visés par une sanction disciplinaire de leur employeur. A cette sanction, la chambre disciplinaire peut ajouter une interdiction d'exercer à titre libéral.

Ils définissent enfin les sanctions disciplinaires applicables, qui peuvent être assorties de sursis pour l'interdiction temporaire d'exercer.

Ces dispositions disciplinaires sont très largement analogues à celles prévues pour les professions de santé par le présent projet de loi.

Art. L. 4398-1 à L. 4398-5 du code de la santé publique
Dispositions communes aux membres de l'office

Ces articles regroupent diverses dispositions applicables aux membres de l'office.

Ils prévoient ainsi la publication d'un code de déontologie, le contrôle par le juge administratif des élections aux instances de l'office, la mise en place d'une procédure administrative d'urgence de suspension temporaire du droit d'exercer du professionnel en cas de danger grave pour le patient (procédure proche de celle prévue à l'article 32 du présent projet de loi) et le contrôle du fonctionnement et de la gestion de l'office par l'Inspection générale des affaires sociales.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté dix amendements à cet article dont neuf avec l'avis favorable du Gouvernement.

Elle a ainsi substitué, à l'initiative de son rapporteur, l'appellation de « conseil » à celle « d'office » que prévoyait le projet de loi initial afin de répondre « au voeu de toux ceux qui souhaitent une égalité de traitement » pour l'organisation des professions de santé, selon les propos de M. Bernard Charles 24 ( * ) .

Elle a supprimé, par amendement de M. Bernard Charles, la référence à la notion de dévouement, jugée superfétatoire, parmi les principes auxquels l'office est chargé de veiller.

Elle a restreint, à l'initiative de M. Bernard Charles, les conditions d'incompatibilité entre l'exercice de fonction de présidence de l'une des instances de l'office et celle de direction d'un syndicat ou d'une association professionnelle, en les limitant aux seules fonctions de présidence d'un tel syndicat ou d'une telle association, au motif que certaines professions ne disposent que d'effectifs réduits et ne seraient donc pas forcément en mesure de présenter des candidats pour la présidence des instances régionales.

Elle a adopté un amendement de précision de M. Bernard Charles sur les conditions d'élection des membres des instances de l'office.

Elle a en outre introduit, à l'initiative de son rapporteur et de M. Jean-Pierre Foucher, la possibilité de renouveler le mandat du président de l'assemblée interprofessionnelle de l'office si une majorité qualifiée se dégage en ce sens.

Elle a adopté un amendement de M. Jean-Luc Préel, le Gouvernement s'en remettant à la sagesse de l'Assemblée nationale, visant à confier aux collèges professionnels régionaux la mission de donner un avis sur la démographie paramédicale et la formation continue.

Elle a également, à l'initiative de MM. Bernard Charles et Jean-Pierre Foucher, précisé les conditions dans lesquelles les collèges professionnels régionaux évaluent les pratiques des professionnels et surveillent la diffusion des bonnes pratiques.

Elle a supprimé, à l'initiative de M. Bernard Charles, l'obligation d'une cotisation unique des membres de l'office, quelle que soit leur profession.

Elle a précisé, par amendement de M. Bernard Charles, la procédure d'appel applicable en cas de suspension préfectorale du droit d'exercer. En cas de carence de la chambre disciplinaire de première instance, l'affaire est portée devant la chambre disciplinaire nationale, et non devant l'assemblée interprofessionnelle nationale, si la suspension est liée à des motifs disciplinaires.

Elle a enfin précisé, par coordination avec sa position à l'article 32 du présent projet de loi, les conditions d'information des organismes d'assurance maladie en cas de suspension préfectorale du droit d'exercer.

III - La position de votre commission

Votre commission attache une importance toute particulière à la structuration des professions paramédicales.

Leur organisation au sein d'instances professionnelles lui apparaît en effet indispensable aussi bien pour renforcer les garanties accordées aux patients faisant appel à ces professions que pour améliorer la place de ces professions au sein de notre système de santé.

Les professions visées par le présent article occupent en effet une place centrale au sein de notre système de santé avec près de 450.000 professionnels.

Les effectifs des professions de l'office

Infirmiers - Infirmières 370.000

Masseurs-kinésithérapeutes 50.000

Orthophonistes 13.70

Orthoptistes 2.100

Pédicures-Podologues 8.500

Total 444.3000

Source : Rapport Nauche

Votre commission y porte une attention d'autant plus soutenue que le Sénat est à l'origine de la principale tentative législative de structuration de ces professions. C'est en effet le Sénat, à l'initiative de notre collègue Charles Descours et avec l'avis favorable de votre commission dont le rapporteur était alors M. Claude Huriet, qui a introduit, le 17 novembre 1994, les dispositions relatives à la création des Ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social.

Votre commission reste aujourd'hui fidèle aux principes qui avaient guidé sa démarche en 1994 : la structuration des professions médicales reste une nécessité et devrait conduire, à l'idéal, à la constitution d'ordres propres à chaque profession.

Il n'en demeure pas moins qu'elle doit également prendre acte, à regret, de l'échec de l'application des dispositions de la loi de 1995 -échec qui repose d'ailleurs principalement sur la carence de l'action gouvernementale-, mais aussi des propositions souvent fort pertinentes des rapports Brocas et Nauche, rédigés à l'issue d'une large concertation avec les professions concernées.

Dans ces conditions, et dans un souci de pragmatisme, elle propose de se rallier aux principales conclusions de ces rapports et donc de s'inscrire assez largement dans le dispositif proposé par le présent article sous réserve d'une double précision.

D'une part, elle estime nécessaire de transformer l'office en un ordre à part entière puisqu'il en exerce la plénitude des fonctions aussi bien administratives que disciplinaires. On ne peut donc se contenter d'une appellation au rabais pour cette nouvelle structure, qui serait fortement dévalorisante pour ces professions et qui ne répondrait pas au souci d'une structuration cohérente des différentes professions de santé.

D'autre part, elle persiste à croire que la création d'ordres professionnels reste l'objectif à atteindre à terme. Dès lors, la création d'un ordre interprofessionnel ne peut apparaître que comme un premier pas, destiné à expérimenter et à garantir la crédibilité d'une organisation ordinale de ces professions, et exige en conséquence une réelle autonomie des différents collèges professionnels au sein de cette structure interprofessionnelle. Il n'en reste pas moins qu'à ce stade, il est souhaitable d'assurer une réelle interprofessionnalité de ces professions, dont les enjeux sont pour une bonne part de nature interprofessionnelle, alors même qu'aujourd'hui la seule instance permettant une telle représentation interprofessionnelle fonctionne mal, le conseil supérieur des professions paramédicales créé par le décret du 14 septembre 1973 n'assurant que très imparfaitement cette mission.

Dans cette perspective, votre commission vous propose d'adopter plusieurs séries d'amendements à cet article.

Un premier amendement vise à modifier l'appellation de l'office pour l'intituler ordre.

Une telle transformation apparaît en effet indispensable.

Elle prolonge les modifications apportées à l'Assemblée nationale qui, en rebaptisant l'office en conseil, l'alignait sur l'appellation des structures ordinales des professions médicales elles-mêmes rebaptisées conseils par l'Assemblée nationale. L'amendement ne fait alors que confirmer « l'égalité de traitement » évoqué par M. Bernard Charles et instituée à l'Assemblée nationale.

Elle assure en outre la cohérence entre les missions de la structure et son appellation. Dans son rapport de juin 2000, M. Philippe Nauche écartait l'appellation d'ordre au motif que « les compétences dévolues aux ordres sont plus restreintes que celles envisagées pour l'office des professions paramédicales » .

Or, si cet argument était alors justifié, le présent projet de loi le rend très largement obsolète en renforçant les missions actuelles des ordres, notamment en matière de garantie de compétences, d'évaluation des bonnes pratiques ou de formation continue, pour les aligner quasiment sur celles de l'office. Dès lors, la similitude des missions doit entraîner une analogie des appellations.

Une autre série d'amendements vise à élargir la représentation des professionnels concernés au sein de l'ordre, quel que soit le mode d'exercice de la profession . Il importe d'y associer les salariés et pas seulement les libéraux.

On voit mal en effet pourquoi exclure les salariés alors que l'ordre a, par nature, vocation à organiser et à contrôler l'ensemble de la profession, quelque soit le mode d'exercice des professionnels.

On comprend mal également pourquoi, alors que le présent article vise justement à organiser ces professions, se contenter d'un dispositif partiel et déséquilibré tendant à vider cet article de sa substance.

La déontologie, les bonnes pratiques, l'évaluation des connaissances, les conditions d'exercice, la garantie de compétences apparaissent en effet comme des exigences communes aux salariés et aux libéraux.

Votre commission ne peut donc ici que s'associer aux conclusions du rapport Nauche, pour lequel « il apparaît également essentiel que puisse être associé l'ensemble des modes d'exercice salarié ou libéral de ces professions » . Ce rapport se concluait en effet par le paragraphe suivant dont votre commission partage pleinement l'analyse :

« De plus, ce rapport met en avant la nécessité de donner aux libéraux et aux salariés une instance commune, car même si selon leur mode d'exercice les professionnels ne sont pas soumis aux mêmes contraintes, ils exercent le même métier, doivent respecter les mêmes règles déontologiques, ont des pratiques communes. Il est nécessaire qu'exercice libéral et exercice salarié puissent suivre une évolution harmonieuse, adaptée à leurs besoins et contraintes respectifs ».

Votre commission s'est également interrogée sur l'opportunité d'étendre le champ de l'ordre à d'autres professions paramédicales.

Il est vrai que son champ d'application fait débat.

Le rapport Brocas préconisait un office regroupant quatre professions : les infirmiers , les masseurs-kinésithérapeutes , les orthophonistes et les orthoptistes .

Le rapport Nauche y ajoutait trois professions supplémentaires : les pédicures-podologues , les ergothérapeutes et les psychomotriciens .

Le projet de loi n'en retient en définitive que cinq : les infirmiers , les masseurs-kinésithérapeutes , les orthophonistes , les orthoptistes et les pédicures-podologues .

Les raisons avancées par le Gouvernement pour limiter le champ de l'ordre n'apparaissent guère convaincantes pour votre commission.

L'exposé des motifs indique en effet que « les cinq professions concernées sont celles qui présentent entre elles le plus de similitudes en ce qui concerne le niveau de formation et les relations avec les patients. Elles ont toutes une part importante d'exercice libéral ».

Pour sa part, votre commission juge plus pertinente la logique du rapport Nauche :

« Dès lors, la formule la mieux adaptée est sans doute celle retenant les professions de soins de plein exercice présentant une homogénéité au niveau de formation et du cursus diplômant soit les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes, les pédicures-podologues, les ergothérapeutes et les psychomotriciens.

« Les autres professions paramédicales pourraient être ultérieurement associées à certains travaux et aux réflexions d'intérêt commun ».

Pour autant, dans un souci pragmatique d'assurer une mise en place rapide de l'ordre et de garantir un fonctionnement efficace dès sa mise en place, votre commission juge préférable à ce stade de s'en tenir aux professions visées par le projet de loi. Elle considère toutefois que les autres professions paramédicales ont naturellement vocation à intégrer l'ordre dans les meilleurs délais.

Aussi, et afin de favoriser ce rapprochement ultérieur, elle se contentera de vous proposer un amendement prévoyant d'associer dès à présent ces professions aux travaux des assemblées interprofessionnelles de l'ordre de manière à préparer dans les meilleures conditions leur intégration à venir.

Une autre série d'amendements vise à préciser les missions de l'ordre.

Il importe d'abord de préciser les missions de l'ordre en matière de formation continue.

L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, a déjà cherché à renforcer les missions de l'assemblée interprofessionnelle nationale, en lui confiant la « mission de réfléchir sur la formation continue des professions paramédicales ». Votre commission estime nécessaire d'aller plus loin en chargeant cette instance de rédiger un rapport sur les conditions de formation continue, ce rapport devant déboucher sur la définition des conditions de mise en place d'une obligation de formation continue et de son contenu, à l'instar de ce que prévoit le projet de loi pour les professions médicales et les pharmaciens.

De la même manière, et afin d'alimenter la réflexion de l'instance interprofessionnelle nationale en la matière, il apparaît nécessaire de confier aux collèges professionnels régionaux la tâche d'évaluer les actions de formation continue.

Il est ensuite nécessaire de mieux définir les compétences respectives des différentes instances en matière d'évaluation des bonnes pratiques et d'étude de la démographie paramédicale.

La rédaction issue de l'Assemblée nationale est en effet pour le moins imprécise. Au niveau national, l'assemblée interprofessionnelle participe à l'élaboration des règles de bonnes pratiques, avec l'ANAES. Au niveau régional, les collèges professionnels diffusent ces règles et en assurent l'évaluation, à la demande des professionnels, en liaison avec l'ANAES.

Dans un souci de cohérence, il est souhaitable de transférer aux collèges professionnels nationaux la fonction de participer à l'élaboration de règles de bonnes pratiques.

A l'inverse, il appartient plus à l'assemblée interprofessionnelle nationale qu'aux différents collèges régionaux de se prononcer sur la démographie paramédicale. Celle-ci exige en effet une vision prospective nationale et interprofessionnelle, même si les collèges régionaux ont naturellement vocation à alimenter la réflexion de cette assemblée en la matière.

Une autre série d'amendements vise à préciser l'organisation de l'ordre.

Le projet de loi, contrairement aux recommandations du rapport Nauche, ne prévoit pas expressément la création de collèges professionnels au niveau national. Il se contente d'évoquer, à l'article L. 4394-1, la possibilité de créer des « sections » auxquelles l'assemblée interprofessionnelle peut déléguer ses pouvoirs.

Cette organisation est trop imprécise. Il convient donc de prévoir expressément, par cohérence avec l'organisation régionale, la création de collèges professionnels nationaux et d'en préciser les missions et le fonctionnement. Seuls, en effet de tels collèges professionnels -et non sections- seront à même d'assurer le maintien de la spécificité de chaque profession et, comme l'observait M. Philippe Nauche dans son rapport « d'éviter l'hégémonie d'une profession et donner une place suffisante aux professions les moins nombreuses ». Ces collèges sont notamment chargés d'élaborer les règles de bonnes pratiques, de participer à la définition des règles déontologiques et de représenter la profession auprès de l'assemblée interprofessionnelle.

Dès lors, l'assemblée interprofessionnelle, outre ses missions spécifiques, doit être chargée de coordonner l'activité des différents collèges professionnels nationaux, comme le fait par exemple le conseil national de l'ordre des pharmaciens pour l'activité des différentes sections.

En outre, il semble souhaitable de permettre aux professions de s'organiser sur une base interrégionale et non pas obligatoirement régionale. Il apparaît en effet probable que, dans certaines régions, les professions à faibles effectifs ne puissent présenter suffisamment de candidats pour être convenablement représentés.

D'autres amendements visent à modifier les conditions de fonctionnement de l'ordre.

Ainsi, votre commission juge nécessaire de revenir sur la disposition introduite à l'Assemblée nationale tendant à supprimer l'obligation d'une présidence annuelle tournante de l'ordre. Elle considère en effet que seul ce type de présidence est de nature à garantir le caractère réellement interprofessionnel de l'ordre.

Elle estime également souhaitable de prévoir que les assemblées interprofessionnelles se réunissent au moins quatre fois par an, comme c'est le cas par exemple pour les instances de l'ordre des pharmaciens. Une telle disposition lui paraît en effet de nature à éviter que ces instances, garanties de l'interprofessionnalité, ne se transforment en « coquilles vides ».

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 50
(art. 4311-15, 4311-16, 4311-18, 4311-22, 4311-24, 4311-25, 4311-26, 4311-27, 4311-29 nouveau, 4321-2, 4321-10, 4321-20, 4321-21, 4321-9, 4321-13 à 4321-19, 4321-22, 4322-2, 4322-7 à 4322-16, 4341-2 et 4342-2 du code de la santé publique)
Modification des dispositions législatives concernant les professions d'infirmier ou d'infirmière, masseur-kinésithérapeute,
pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste
rendues nécessaires par la création de l'office

Objet : Cet article tend à tirer les conséquences de la création de l'office institué à l'article 49 du présent projet de loi et à modifier en conséquence plusieurs dispositions du code de la santé publique. Il introduit également de nouvelles dispositions relatives aux conditions d'exercice de certaines professions paramédicales.

I - Le dispositif proposé

Cet article comporte « diverses mesures de « toilettage » tenant compte de la création de l'office », selon l'exposé des motifs.

Il modifie ainsi 43 articles du livre du code de la santé publique relatif aux « auxiliaires médicaux ».

Les paragraphes I et II sont relatifs à la profession d'infirmier ou d'infirmière.

Ils modifient certaines dispositions relatives à l'enregistrement des diplômes et à l'inscription au fichier de l'office, qui deviennent en outre autant de conditions pour l'exercice de la profession.

Ils suppriment les références aux commissions de discipline, remplacées par les instances disciplinaires de l'office.

Ils introduisent en outre une nouvelle procédure d'urgence, à l'initiative du préfet, lorsqu'un employeur est amené à prendre une mesure disciplinaire contre une infirmière salariée, suite à un danger grave pour les patients.

Le paragraphe III est relatif à la profession de masseur-kinésithérapeute.

Il supprime tout d'abord les dispositions, issues de la loi du 5 février 1995, relatives à l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.

Il étend également à cette profession les procédures d'inscription sur une liste départementale et de suspension préfectorale du droit d'exercer pour les salariés prévues par le présent article pour les infirmières.

Il rend enfin applicables à cette profession les dispositions « anti-cadeaux » modifiées par le présent projet de loi.

Le paragraphe IV est relatif aux pédicures-podologues.

Il étend à cette profession les procédures d'inscription obligatoire sur une liste préfectorale et de suspension préfectorale du droit d'exercer prévues pour les infirmières.

Il supprime en outre les dispositions relatives à l'ordre des pédicures-podologues issues de la loi du 5 février 1995.

Le paragraphe V est relatif aux orthophonistes.

Il étend à cette profession les procédures d'inscription obligatoire sur une liste préfectorale et de suspension préfectorale du droit d'exercer prévues par le présent article pour les infirmières.

Le paragraphe VI est relatif aux orthoptistes.

Il apporte les mêmes modifications que celles visant les orthoptistes.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission observe que cet article dépasse le simple « toilettage » du code de la santé publique. Il introduit en effet de nouvelles exigences d'inscription sur une liste préfectorale des professionnels souhaitant exercer la profession de masseur-kinésithérapeute, de pédicure-podologue, d'orthophoniste ou d'orthoptiste pour être habilités à exercer.

Elle est favorable à une telle disposition qui permettra d'uniformiser les conditions d'exercice des différentes professions du nouvel ordre et de mieux les encadrer dans un souci de garantie de la qualité des soins dispensés.

Elle vous propose en outre d'adopter plusieurs amendements afin d'assurer la coordination entre les dispositions de cet article et les modifications qu'elle a proposées à l'article 49 du présent projet de loi.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 51
Mesures d'application des dispositions portant création de l'office des professions d'infirmier ou d'infirmière, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste

Objet : Cet article détermine les conditions d'éligibilité aux premières élections du nouvel office institué à l'article 49 du présent projet de loi et précise les dates d'entrée en vigueur des articles 49 et 50 de ce même projet de loi.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I détermine les conditions d'éligibilité aux élections nécessaires à la mise en place de l'office des professions d'infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes.

Il prévoit que seuls seront éligibles les professionnels inscrits sur la liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de résidence professionnelle.

Il prévoit également que ces élections seront organisées par les préfets de région.

Le paragraphe II est relatif à la date d'entrée en vigueur des dispositions des articles 49 et 50 du présent projet de loi.

Elles n'entreront en vigueur qu'après la fin de ce processus électoral, sauf celles relatives à la suppression des dispositions actuelles du code de la santé publique relatives aux commissions de discipline des infirmières et aux ordres des masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues qui seront applicables dès la publication de la loi.

Le paragraphe III tend à accorder un délai de six mois aux professionnels concernés, après l'achèvement du processus électoral de l'office, pour demander leur inscription au fichier de l'office.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de M. Bernard Charles et avec l'accord du Gouvernement, outre un amendement rédactionnel de précision, un amendement prévoyant le dépôt au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur le fonctionnement du nouvel office.

III - La position de votre commission

Votre commission se félicite que cet article cherche à établir des règles claires pour la mise en place du nouvel ordre. C'est en effet une condition nécessaire pour garantir sa création rapide et pour prévenir toute tentation de manoeuvre dilatoire, fondée sur une éventuelle contestation de la régularité du corps électoral, destinée à retarder le processus.

Elle se félicite également du rapport qu'a introduit l'Assemblée nationale. Elle estime à cet égard que sa remise pourrait notamment constituer l'occasion d'examiner l'opportunité d'étendre le champ du nouvel ordre à d'autres professions paramédicales si son fonctionnement donne satisfaction.

Mais, au-delà de ces satisfactions de principe, votre commission craint que cet article ne soit cependant, dans sa rédaction actuelle, encore trop imprécis pour garantir une mise en place transparente et rapide du nouvel ordre.

Elle observe ainsi que cet article se contente de déterminer les conditions d'éligibilité aux instances de l'ordre, et non celles d'électorat. Or, on se rappelle que la mise en place des ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues avait justement été bloquée par le Gouvernement au motif invoqué de difficultés à déterminer le corps électoral.

Elle remarque également que cet article reporte, à l'issue du processus électoral, l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'obligation pour les professionnels d'être inscrits sur une liste départementale établie par le préfet.

Dans ces conditions, votre commission vous propose d'adopter, outre un amendement de coordination, deux amendements afin de lever ces incertitudes et de prévenir tout risque.

Le premier amendement tend à préciser le champ du corps électoral. Seront ainsi considérés comme électeurs l'ensemble des professionnels inscrits sur les listes préfectorales.

Le second amendement prévoit que les dispositions relatives à l'obligation d'une inscription des professionnels sur une liste préfectorale entrent en vigueur dès la publication du présent projet de loi. C'est en effet indispensable si l'on veut que ces listes servent de fondement pour déterminer l'électorat et l'éligibilité pour les élections à l'ordre.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 52
(art. L. 145-4, 145-5-1 à L. 145-5- nouveaux, L. 145-7-1 à L. 145-7-4 nouveaux, L. 145-9-1 et L. 145-9-2 nouveaux
du code de la sécurité sociale
Contentieux du contrôle technique de la sécurité sociale
concernant les membres des professions
entrant dans le champ de l'office

Objet : Cet article vise à rendre applicables aux membres des professions paramédicales entrant dans le champ de l'office les dispositions du code de la sécurité sociale relatives au contentieux du contrôle technique des professions médicales.

I - Le dispositif proposé

Le chapitre V du titre IV du livre premier du code de la sécurité sociale est relatif au contentieux du contrôle technique. Il comporte trois sections traitant respectivement des dispositions générales, de l'organisation des juridictions et de la procédure.

Le présent article en modifie profondément l'architecture pour introduire de nouvelles dispositions applicables aux membres des professions entrant dans le champ de l'office prévu à l'article 49 du présent projet de loi.

Le paragraphe I qui modifie l'article L. 145-4 du code de la sécurité sociale, est de coordination.

Le paragraphe II tend à introduire cinq nouveaux articles L. 145-5-1 à L. 145-5-5 dans la section première de ce chapitre.

Ces nouveaux articles confient à une section spécifique de la chambre disciplinaire de première instance ou, en appel, de la chambre disciplinaire nationale de cet office la charge de statuer sur les « fautes, abus, fraudes ou divers faits intéressant l'exercice de la profession » à l'occasion des soins dispensés aux assurés sociaux.

Ils établissent en outre pour ces fautes une échelle de sanctions analogue à celle prévue par les professions médicales.

Le paragraphe III tend, lui, à introduire quatre nouveaux articles L. 145-7-1 à L. 145-7-4 dans la deuxième section de ce même chapitre relative à l'organisation des juridictions.

Ces articles organisent les sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de l'office sur le modèle des sections correspondantes des ordres des professions médicales.

Ces sections, au niveau régional et national, sont présidées par un magistrat administratif et composées en nombre égal d'assesseurs représentant les professionnels et les organismes de sécurité sociale.

Trois différences sont toutefois introduites par rapport à l'organisation des mêmes instances disciplinaires des professions médicales.

Il est ainsi précisé que ces sections siègent en formation différente selon la profession concernée.

Il est également prévu que les assesseurs représentant les organismes de sécurité sociale ne peuvent avoir été chargés du contrôle des actes du professionnel concerné.

Il est enfin précisé que les membres de ces sections ne peuvent siéger s'ils ont eu à connaître des faits en leur qualité de membre de la chambre disciplinaire.

Le paragraphe IV tend à introduire deux nouveaux articles L. 145-9-1 et L. 145-9-2 dans la troisième section de ce même chapitre relative à la procédure.

Ils prévoient que cette procédure est contradictoire et précisent les prérogatives particulières du président de la section des assurances sociales.

Ces dispositions sont similaires à celles applicables pour les professions médicales.

Le paragraphe V précise que ces dispositions seront applicables à compter du jour de la proclamation des résultats des élections de l'ensemble des chambres disciplinaires de l'office.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté, outre un amendement rédactionnel, un amendement supprimant l'obligation, pour qu'un représentant des organismes de sécurité sociale puisse siéger en tant qu'assesseur à cette section des assurances sociales, de ne pas avoir contrôlé au préalable les actes du professionnel concerné.

III - La position de votre commission

Votre commission ne peut que s'associer à cette disposition rendue nécessaire par la création d'un ordre des professions paramédicales.

Elle observe en outre qu'elle devrait avoir pour effet de désengorger les sections des assurances sociales de l'ordre des médecins, qui sont actuellement chargées de ce contentieux.

Elle regrette toutefois la modification apportée à l'Assemblée nationale.

Si elle peut comprendre les motifs ayant justifié cette modification visant une « source inutile de complexité », elle observe toutefois que la disposition supprimée par l'Assemblée nationale apporte une incontestable garantie de procédure pour les professionnels concernés, en évitant qu'un membre de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire puisse à la fois être juge et partie. Dès lors, l'exigence d'un procès équitable doit à l'évidence l'emporter sur le souci d'une simplification administrative de la procédure. Elle vous propose donc, sur ce point, de rétablir par amendement la rédaction initiale du Gouvernement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 52 bis (nouveau)
Exercice de l'ostéopathie et de la chiropractie

Objet : Cet article tend à reconnaître dans la loi l'ostéopathie et la chiropractie, tout en encadrant les conditions de leur exercice professionnel.

I - Le dispositif proposé

Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement.

A l'heure actuelle, l'exercice de l'ostéopathie et de la chiropractie reste, en droit, réservé aux docteurs en médecine.

L'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962, toujours en vigueur, précise en effet que ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine « tous les traitements dits d'ostéopathie, de spondylothérapie (ou vertébrothérapie) et de chiropractie ».

Le présent article tend à modifier la réglementation existant en la matière, même si elle n'est plus guère appliquée 25 ( * ) .

Il institue un titre d'ostéopathe et de chiropracteur, réservé aux titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation technique en la matière dans un établissement de formation inscrit sur une liste établie par décret, une procédure spécifique étant prévue pour le titulaire d'un diplôme étranger. Dès lors, l'exercice de l'ostéopathie ne serait plus, en droit, réservé aux seuls médecins.

Il prévoit en outre d'autoriser les praticiens en exercice à poursuivre leur activité, dans les conditions de formation et d'expérience précisées par décret, en leur reconnaissant ledit titre.

II - La position de votre commission

Votre commission regrette que le Parlement soit amené à se prononcer, dans la précipitation, sur la question de l'ostéopathie et de la chiropractie, au détour d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale.

A l'évidence, ce sujet mériterait au préalable une évaluation globale et approfondie. Or, s'il existe certes des travaux déjà réalisés en la matière, la plupart des rapports officiels n'ont pas été rendus publics.

Ainsi, ni le rapport rédigé par le Professeur Guy Nicolas en 1995, au nom du Haut comité de santé publique à la demande du secrétaire d'Etat à la santé, sur les « médecines alternatives », ni les travaux du groupe de travail présidé par le même Guy Nicolas, conseiller médical du directeur des hôpitaux, et auquel M. Bernard Kouchner avait confié, le 1 er juillet 1999, le soin de « déterminer l'intérêt d'une reconnaissance des pratiques ostéopathiques et chiropratiques » , n'ont jamais été publiés. Votre commission le regrette, considérant que la publication de ces travaux aurait permis d'éclairer utilement le débat public sur une pratique qui reste encore mal connue.

Le nombre d'ostéopathes et de chiropracteurs exerçant aujourd'hui en France n'est en effet toujours pas clairement établi.

M. Bernard Charles, dans son rapport, estime ainsi qu' « aujourd'hui plus de 4.000 professionnels pratiquent régulièrement l'ostéopathie. Moins de la moitié seulement sont médecins. Les autres se répartissent pour moitié entre les kinésithérapeutes d'une part, et les ostéopathes, ni médecins, ni kinésithérapeutes, formés dans les écoles spécialisées de l'autre».

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, il faudrait également ajouter à ce chiffre environ 12.000 praticiens épisodiques de l'ostéopathie (ayant un diplôme en la matière) et de 500 à 1.000 chiropracteurs (dont moins de 400 auraient un diplôme spécialisé).

En outre, les méthodes pratiquées restent également en débat. Ainsi, l'Académie nationale de médecine, auditionnée par votre rapporteur, considère que l'ostéopathie est une pratique dont l'efficacité est bien prouvée dans certains cas, mais dont l'innocuité est loin d'être garantie en l'absence de tout diagnostic médical préalable.

Pour autant, votre commission ne peut ignorer que l'ostéopathie constitue aujourd'hui, à tort ou à raison, « un fait ancré dans notre société » , comme le soulignait M. Bernard Charles dans son rapport. Nombre de nos concitoyens y ont régulièrement ou épisodiquement recours. Le juge ne condamne plus d'ostéopathes non médecins pour exercice illégal de la médecine, les parquets n'engageant plus de poursuites. Nos voisins européens sont de plus en plus nombreux à légiférer en la matière.

Dans ces conditions, il lui a donc semblé prioritaire, dans un souci de santé publique et de sécurité des patients, d'encadrer strictement les conditions actuelles d'exercice de l'ostéopathie et de la chiropractie pour prévenir les risques d'accidents qui peuvent être extrêmement graves et pour mettre fin à certaines « pratiques sauvages » tout à fait condamnables.

Votre commission s'inscrit donc ici dans le droit fil des observations et des interrogations, formulées par le professeur Bernard Hoerni, président du Conseil national de l'ordre des médecins, qui se demandait lors de son audition par votre commission, si « la reconnaissance réglementée de la profession de chiropracteur n'est pas préférable à ce que l'on peut appeler un exercice « sauvage » ? »

Il reste que l'encadrement des conditions d'exercice de ces pratiques qu'a introduit l'Assemblée nationale apparaît notoirement insuffisant, celui-ci se contentant de viser la seule formation initiale.

Votre commission vous propose donc d'adopter, par amendement , une nouvelle rédaction de cet article, afin de renforcer très significativement l'encadrement des conditions d'exercice de l'ostéopathie et de la chiropractie que l'Assemblée nationale n'a fait qu'esquisser.

Elle vous propose d'abord de renforcer les exigences de formation initiale des praticiens.

A ce titre, il apparaît nécessaire que ceux-ci possèdent un « pré-requis » médical avant de pouvoir se spécialiser en ostéopathie dans un établissement de formation spécialisé. Ainsi, votre commission suggère que l'accès à ces établissements soit réservé aux personnes ayant effectué le premier cycle d'études médicales (d'une durée de deux ans), premier cycle où ils suivent notamment un enseignement en anatomie, en histologie et en physiologie, autant de disciplines dont la connaissance constitue un préalable indispensable.

Il apparaît également souhaitable d'instituer un agrément, par le ministre chargé de la santé, des établissements de formation spécialisés. Certes, le texte adopté à l'Assemblée nationale prévoyait que ces établissement ne sont habilités à délivrer un diplôme ouvrant droit à l'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur que s'ils figurent sur une liste établie par décret. La solution de l'agrément apparaît néanmoins plus pertinente : l'agrément est en effet donné ou retiré plus facilement que n'est modifié un décret.

Il est aussi nécessaire de préciser le programme et la durée des formations afin de garantir la qualité et la cohérence de l'enseignement dispensé dans ces établissements de formation. Ces précisions seront apportées par voie réglementaire.

Votre commission vous propose également d'introduire une obligation de formation continue , dont les conditions seront définies par décret. Il s'agit d'une exigence indispensable pour assurer l'entretien et l'approfondissement des compétences des professionnels et donc de garantir la qualité des pratiques dans la durée.

Elle vous propose aussi, toujours dans ce souci de garantir la sécurité des patients, de charger l'ANAES d'élaborer et de valider les bonnes pratiques en la matière. L'ANAES, dont la compétence en matière d'évaluation des pratiques est unanimement reconnue et qui a déjà une expérience s'agissant des recommandations professionnelles non médicales, apparaît en effet comme l'acteur incontournable pour l'élaboration et la validation de référentiels professionnels destinés à garantir la qualité des pratiques. Ces bonnes pratiques auront naturellement vocation à être diffusées lors de la formation initiale et de la formation continue.

Elle vous propose encore de renvoyer à un décret la définition des actes que les praticiens sont autorisés à effectuer et des conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir . Votre commission considère que certains actes, parmi les plus dangereux, ne doivent être autorisés que dans les conditions les plus strictes. Elle pense notamment aux manipulations du rachis cervical. Elle considère en outre que certaines pathologies ne peuvent relever de l'ostéopathie et de la chiropractie. On songe, par exemple, aux effets dévastateurs que peut avoir pour le patient toute manipulation sur des métastases naissantes. Dès lors, certains actes ne pourraient être effectués qu'après un diagnostic médical et sur prescription du médecin.

Elle vous propose enfin d'instituer une obligation d'inscription des praticiens sur une liste départementale tenue par le préfet pour être autorisé à exercer, à l'instar de ce qui existe déjà pour les professions de santé et qu'étend le projet de loi. Une telle obligation de recensement constitue d'ailleurs le moyen le plus efficace pour s'assurer que les dispositions du présent article sont bien respectées et pour prévenir les « pratiques sauvages ».

Au total, cette nouvelle rédaction permettrait de poser un cadre strict pour l'exercice de l'ostéopathie et de la chiropractie. Elle renvoie largement au décret le soin de le préciser. A cet égard, votre commission forme le voeu que ces décrets soient élaborés après une très large concertation de l'ensemble des professionnels concernés. Un avis préalable de l'Académie nationale de médecine serait notamment tout particulièrement souhaitable.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 53
(art. L. 162-1-11 nouveau du code de la sécurité sociale)
Attribution aux caisses d'assurance maladie d'une mission générale d'information des assurés sociaux

Objet : Cet article vise à confier aux organismes d'assurance maladie une mission générale d'information des assurés sociaux.

I - Le dispositif proposé

A l'heure actuelle, comme l'observe l'exposé des motifs, « l'interprétation des règles relatives au secret professionnel et à l'interdiction déontologique de publicité » a pu faire obstacle à l'information des assurés par les caisses d'assurance maladie sur les établissements et les professionnels.

Cet article, qui introduit un nouvel article L. 162-1-11 dans le code de la sécurité sociale, confie alors expressément aux organismes d'assurance maladie une mission générale d'information des assurés sociaux.

Il précise ainsi -sans être pour autant exhaustif- l'objet de cette mission d'information : « faciliter d'accès aux soins et à la protection sociale », « permettre de connaître les conditions dans lesquelles les actes de prévention, de diagnostic ou de soins sont pris en charge ».

Il précise également -sans être là non plus exhaustif- le contenu des informations que peuvent obtenir les assurés sociaux : « tarifs applicables », « taux de remboursement », « conditions de prise en charge des services et des produits de santé », « bon usage des soins ou de ces produits », « services assurés par les établissements de santé » « situation des professionnels au regard des dispositions conventionnelles ou réglementaires » .

Il prévoit enfin les moyens par lesquels les caisses pourront exercer cette mission : mise en place de services de conseils administratifs ou d'orientation, actions interrégimes sur la base de convention.

II - Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements à cet article avec l'avis favorable du Gouvernement.

Le premier, présenté par MM. Bernard Charles et Jean-Michel Dubernard, est de cohérence : il étend cette mission d'information aux autres organismes gestionnaires des régimes de base que les seules caisses d'assurance maladie.

Le second, présenté par M. Bernard Charles, est de conséquence : il autorise ces organismes à s'associer à cette mission par voie de convention.

III - La position de votre commission

Votre commission n'est pas hostile à une telle disposition qui devrait contribuer à renforcer la transparence de notre système de santé et éclairer les usagers. A ce titre, une telle disposition aurait sans doute plus logiquement sa place dans le titre Ier que dans le présent titre II.

Elle regrette toutefois la relative imprécision du contenu de cette mission générale d'information.

A l'évidence, les informations que pourront obtenir les assurés sociaux doivent se limiter aux seules informations de nature administrative ou financière et non à celles de nature strictement médicale, couvertes par le secret professionnel. Elles doivent également se borner aux seules données objectives et dûment validées et non prendre la forme d'appréciations qualitatives.

Dès lors, on aurait pu souhaiter que le présent article institue parallèlement un dispositif de contrôle de la nature et de la qualité des informations diffusées par les organismes d'assurance maladie.

En l'absence d'un tel dispositif, votre commission ne peut donc que faire appel à la responsabilité et à la vigilance des organismes d'assurance maladie sur ce point.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 53 bis (nouveau)
(art. L. 1223-1 et L. 174-19 nouveau du code de la santé publique)
Activités de laboratoire d'analyses de biologie médicale exercées par les établissements de transfusion sanguine

Objet : Cet article vise à instituer une procédure d'autorisation pour permettre aux établissements de transfusion sanguine d'exercer des activités de laboratoire d'analyse de biologie médicale et préciser que ces activités sont couvertes par l'assurance maladie.

I - Le dispositif proposé

Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission.

A l'heure actuelle, et alors même que le code de la santé publique permet aux établissements de transfusion sanguine d'exercer des activités de laboratoire d'analyse de biologie médicales, certains organismes d'assurance maladie ne remboursent pas les actes effectués à ce titre aux établissements.

Le présent article vise à mettre fin à cette situation.

Le paragraphe I , qui modifie l'article L. 1223-1 du code de la santé publique relatif aux établissements de transfusion sanguine, prévoit que ces établissements ne peuvent exercer, à titre accessoire, des activités de laboratoire d'analyse de biologie médicale que s'ils y ont été autorisés par l'autorité compétente de l'Etat dans le département, cette autorisation valant autorisation de dispenser des soins remboursables aux associés sociaux.

Le paragraphe II , qui introduit un nouvel article L. 174-19 dans le code de la sécurité sociale, autorise alors la prise en charge par les régimes d'assurance maladie des dépenses afférentes à ces activités.

II - La position de votre commission

Cette disposition, que M. Bernard Kouchner avait qualifié « d'extrême technique » lors des débats à l'Assemblée nationale, vise en réalité à résoudre un problème simple : celui du possible non-remboursement par l'assurance maladie des analyses pratiquées par les établissements de transfusion sanguine pour les assurés sociaux.

La solution proposée par cet article apparaît raisonnable, même si votre commission souligne que les établissements de transfusion sanguine n'ont bien entendu pas vocation à se substituer aux laboratoires d'analyses.

Votre commission se contentera donc de proposer un simple amendement rédactionnel.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 53 ter (nouveau)
(art. L. 6147-3-1 nouveau du code de la santé publique)
Création d'une instance nationale de concertation
et de réflexion sur les centres de santé

Objet : Cet article vise à créer une instance nationale de concertation et de réflexion sur les centres de santé.

I - Le dispositif proposé

Cet article, qui modifie l'article L. 6147-3 du code de la santé publique, a été introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Muguette Jacquaint et des membres du groupe communiste, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission.

Il institue une instance de concertation, présidée par le ministre chargé de la santé, ayant pour mission de donner un avis sur les dispositions réglementaires et de réfléchir aux projets innovants pour les centres de santé.

Il renvoie la composition précise et les modalités de fonctionnement de cette nouvelle instance à un décret en Conseil d'Etat.

II - La position de votre commission

Cet article n'appelle pas d'observation particulière de la part de votre commission, si ce n'est qu'il crée, une fois encore, une nouvelle instance.

Il reste que la situation actuelle des centres de santé appelle très certainement une réflexion approfondie sur ces établissements.

Votre commission n'est donc pas défavorable à cette nouvelle instance, ou à tout le moins, à une réflexion sur les centres de santé et se contentera donc de vous proposer d'adopter un amendement rédactionnel et un amendement modifiant la codification de cet article.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

-CHAPITRE IV
-
Prévention et promotion de la santé

« La prévention est le parent pauvre de la santé » . Cette constatation, comme le rappelle un expert autorisé 26 ( * ) , fait partie des lieux communs. Entre la médecine curative et la médecine préventive, le dialogue reste inégal : « d'un côté une action qualitative sur les comportements, des recommandations aux effets incertains, de l'autre l'application de protocoles thérapeutiques éprouvés, des ordonnances aux prescriptions rassurantes » .

Pourtant, la prévention a été le socle des premières politiques de santé, l'objectif étant, à défaut de guérir, d'éviter la maladie : les législations du XIX ème siècle et du début du XX ème siècle fixent des règles d'isolement, de quarantaine ou d'interdiction de déplacement afin de prévenir les épidémies ou d'en limiter les conséquences, puis prévoient l'établissement de règlements sanitaires afin de faire cesser les maladies transmissibles, posent le principe de la déclaration obligatoire de certaines maladies et généralisent l'obligation de la vaccination antivariolique.

Les progrès de la médecine curative et la disparition des grandes épidémies vont éclipser l'action préventive au cours du XX ème siècle.

Mais ce désintérêt s'explique aussi en raison de la difficulté de procéder à une évaluation, entre autres financière, de la politique de prévention. Une politique de prévention ne peut produire ses effets que des années après qu'une disposition a été prise : le « temps » de la prévention s'accorde mal au « temps » d'urgence médiatique qui caractérise souvent nos sociétés démocratiques.

Le chapitre IV du titre II du projet de loi présente pour ambition de réformer en profondeur l'organisation de la prévention. Pourtant, il est symptomatique que ces dispositions n'aient pas été rattachées, dans l'architecture du texte, au chapitre V du titre I, relatif aux orientations de la politique de santé : la politique de prévention resterait-elle reléguée au second plan ?

Votre rapporteur observe en outre que ce chapitre ne modifie en rien les compétences -particulièrement enchevêtrées- des différents acteurs de la prévention :

- le pouvoir de police sanitaire relève des maires (loi de 1902), des préfets notamment « en cas d'épidémies ou d'un autre danger imminent pour la santé publique » (article L. 1311-4 du code de la santé publique) et du Gouvernement ;

- en vertu de l'article L. 1423-1 du code de la santé publique, le département est responsable de la protection sanitaire de la famille et de l'enfance, de la lutte contre la tuberculose, de la lutte contre le cancer, de la lutte contre la lèpre et enfin de la prophylaxie et du traitement des maladies vénériennes ;

- les caisses d'assurance maladie sont investies d'une mission générale de prévention et d'information. Le Fonds national de prévention, de l'éducation et de l'information sanitaire, doté pour 2001 de près de 290 millions d'euros, rassemble l'essentiel des crédits dédiés aux actions de prévention de l'assurance maladie. Il finance des actions de communication, d'éducation pour la santé, des campagnes de vaccination ou de dépistage, un programme de prévention bucco-dentaire, ainsi que les centres d'examens de santé ;

- l'Etat dispose de compétences de prévention sanitaire au niveau central : lutte contre le SIDA, maladies mentales, tabagisme, alcoolisme, toxicomanies ; au niveau déconcentré, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales exercent un certain nombre de missions ;

- des services ministériels ont un rôle directement préventif : la médecine scolaire placée sous l'égide du ministère de l'éducation, la médecine du travail sous celle du ministère de l'emploi, etc.

Il n'en demeure pas moins que ce chapitre constitue la première tentative de définir la prévention : en effet, le droit positif est aujourd'hui muet sur cette question.

Des travaux conduits notamment sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont permis de définir le champ de la prévention et la nature des actions et programmes qu'elle recouvre.

Selon une définition désormais traditionnelle, la prévention apparaît ainsi comme l'ensemble des actions tendant à éviter l'apparition, le développement ou la complication d'une maladie ou la survenue d'un accident. L'OMS distingue la prévention individuelle, qui vise à modifier les comportements par des obligations (vaccination obligatoire, interdiction de fumer, ...) ou des incitations (dépistage, vaccination recommandée, éducation pour la santé, ...) et la prévention collective, qui tend à réduire les facteurs de risque liés à l'environnement (mesures de sécurité sanitaire concernant l'eau, l'air, les rayonnements ionisants, ...).

S'agissant des activités de prévention, une distinction communément admise a été établie par l'OMS : la prévention primaire désigne l'action portant sur les facteurs de risque des maladies avant leur survenue (prévention de la transmission ou de l'infection), la prévention secondaire vise à dépister les maladies et à éviter l'apparition des symptômes cliniques ou biologiques et la prévention tertiaire qui a pour vocation de limiter les complications et séquelles d'une maladie.

Cependant, l'évolution de la définition de la santé, proposée par l'OMS, présente pour conséquence une évolution du concept de prévention, devenu « prévention et promotion de la santé ». Ayant déserté la politique de prévention, la France semble avoir également perdu la bataille du vocabulaire, une telle expression appelant de multiples interrogations sur son sens exact.

La définition de la santé proposée par l'OMS

« État de bien-être complet sur le plan physique, mental et social, et non simplement l'absence de maladie ou d'infirmité » .

L'emploi généralisé de cette définition démontre clairement que la perception de la santé dépasse le modèle médical qui a prévalu pendant la majeure partie du siècle. La notion de santé est passée de « l'absence de maladie » à un concept beaucoup plus vaste.

La définition proposée par l'OMS suggère que :

- la santé est multidimensionnelle -elle est liée au bien-être physique, mental et social ;

- la santé est tributaire de nombreux déterminants -elle est influencée par un grand nombre de facteurs, dont les pratiques et convictions spirituelles, le soutien social, les rapports avec la paix, la justice, l'économie, le revenu, l'environnement, les politiques, la participation des citoyens au processus décisionnel ;

- la santé est dynamique -elle change librement et souvent ;

- la santé est subjective -les expériences liées à la santé varient grandement d'une personne à l'autre, même quand les « données extérieures » semblent les mêmes.

Même si la majorité des intervenants en promotion de la santé s'accordent pour dire que la santé est bien plus que l'absence de maladie, on peut facilement comprendre que certaines personnes aient critiqué le manque de rigueur. L'inclusion dans la définition de la notion de bien-être mental et social accorde en effet aux intervenants une latitude presque illimitée quant aux options de prévention et de traitement de la « mauvaise santé ».

Source : Réseau canadien de la santé, http://www.canadian-health-network.ca/

L'OMS a proposé ainsi une définition de la « promotion de la santé » : « processus qui consiste à habiliter les personnes à accroître leur contrôle sur leur santé et à améliorer celle-ci » .

« L'essence » et « la forme » de la promotion de la santé

La promotion de la santé peut être représentée par trois cercles concentriques.

1. Le cercle le plus à l'intérieur est le modèle médical. Le rôle de ce modèle dans la promotion de la santé est d'identifier clairement la maladie, puis de mettre en place les mesures appropriées pour la gérer.

2. Le cercle du milieu est le mode de vie ou l'approche comportementale. Cette approche porte sur la gestion des pratiques liées au mode de vie qui peuvent représenter des facteurs de risques pour la santé, par exemple : l'alimentation, l'activité physique, le stress, la consommation d'alcool, le tabagisme.

3. Le cercle extérieur, qui englobe les deux autres, est le modèle du milieu physique et social. Ce modèle intègre les grands déterminants de la santé, tels le milieu physique et l'isolement.

Chacun, selon son point de vue, ses objectifs et ses ressources, peut considérer l'un ou l'autre de ces domaines, ou tous ces domaines, comme le lieu où survient la « véritable » promotion de la santé.

La « forme » que prend la promotion de la santé se rapporte à la dimension de contrôle ou d'habilitation mentionnée plus haut.

Certaines activités sont entreprises à grande échelle et font parfois appel au modèle « descendant », c'est-à-dire qu'elles partent du haut et vont vers le bas. Dans ce modèle, les collectivités et les citoyens ordinaires participent peu à la prise de décisions.

D'autres activités utilisent plutôt le modèle « ascendant ». Dans ce cas, les collectivités et les citoyens ordinaires, qui sont directement concernés, décident eux-mêmes de la façon d'aborder le problème ou de saisir l'occasion.

Bien entendu, il existe un large éventail de variantes entre ces deux pôles.

Source : Réseau canadien de la santé, http://www.canadian-health-network.ca/

Selon l'OMS, « la promotion de la santé » consiste à encourager les particuliers et les collectivités à faire des choix de modes de vie sains, tandis que la définition de la prévention, entendue au sens strict, serait de prévenir les maladies et les blessures.

Afin de tenter de dépasser le degré conceptuel, trois exemples montrent rapidement les « limites » de la distinction entre « prévention » et « promotion » :

- encourager la position dorsale a permis de réduire considérablement le risque de mort subite du nourrisson : il s'agit ainsi de « prévention » ;

- lutter contre l'alcoolisme et le tabagisme est une politique de « prévention », puisque cette politique vise à prévenir l'apparition à long terme d'un grand nombre de maladies imputables à ces deux fléaux : mais il s'agit, pour un public jeune et qui se sent peu concerné, d'une politique de « promotion » ;

- favoriser la consommation de fruits et légumes, afin de lutter à long terme sur notamment les cancers du côlon, est aujourd'hui une politique de « promotion », puisqu'elle s'adresse à tous : mais on peut considérer que si elle est couronnée de succès, elle aura été une politique de « prévention ».

Aussi votre rapporteur, sans nier tout l'intérêt des travaux menés par l'OMS sur la promotion de la santé, préfère-t-il entendre la « prévention » au sens large, et intituler le chapitre IV « Politique de prévention ». Dans son esprit, la « promotion de la santé » fait partie de cette politique.

Votre commission vous propose d'adopter cet intitulé ainsi amendé.

Art. 54
(art. L. 1417-1 à L. 1417-9 nouveaux du code de la santé publique)
Prévention et promotion de la santé

I - Le dispositif proposé

Le I de cet article insère au titre I er du livre IV de la première partie du code de la santé publique, un chapitre VII intitulé « Prévention et promotion de la santé », comprenant neuf articles.

Art. L. 1417-1 du code de la santé publique
Définition de la prévention et de la promotion de la santé

Cet article s'attache à définir la politique de prévention (premier alinéa) et la promotion de la santé (second alinéa). En effet, aucune définition de la prévention ne figure aujourd'hui dans le droit positif.

Il décrit ensuite les « actions individuelles et collectives » à travers lesquelles s'exerce la politique de prévention et de promotion de la santé.

Art. L. 1417-2 du code de la santé publique
Détermination des priorités de santé publique

Cet article précise que « les objectifs et programmes prioritaires nationaux de prévention et de promotion de la santé sont fixés par l'Etat après consultation des caisses nationales d'assurance maladie et de la Conférence nationale de santé » .

Art. L. 1417-3 du code de la santé publique
Comité technique national de prévention

Cet article crée un « comité technique national de prévention », présidé par le ministre de la santé, qui a pour objet d'assurer la coordination des actions de prévention et de leur financement. Ce comité réunit des représentants des ministères concernés (santé, sécurité sociale, jeunesse et sports, travail, environnement, équipement) , des différentes agences (Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Institut de veille sanitaire, Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, Institut national de prévention et de promotion de la santé créé par l'article L. 1417-4, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) , de l'assurance maladie, des collectivités territoriales et des personnalités qualifiées.

Art. L. 1417-4 du code de la santé publique
Institut national de prévention et de promotion de la santé

Cet article a pour objet de créer un établissement public administratif, dénommé « Institut national de prévention et de promotion de la santé » (INPSS), qui a pour mission de promouvoir des comportements et des habitudes de vie favorables à la santé. Doté d'une fonction d'expertise et de conseil, il est également chargé d'assurer le développement de l'éducation pour la santé et de mettre en oeuvre « les programmes et actions de prévention et de promotion de la santé » , dans le cadre des programmes prioritaires prévus par l'article L. 1417-2. Il s'appuie sur un réseau national de prévention et de promotion de la santé, constitué par ses correspondants publics et privés.

L'INPPS remplacerait le Comité français d'éducation pour la santé (CFES), créé en 1952 sous le nom de « Comité national d'éducation sanitaire et sociale » sous la forme d'une association régie par la loi de 1901, et qui gère un budget de 350 millions de francs en 2001, ce qui apparaît un montant aujourd'hui incompatible avec le maintien d'un statut associatif, même si le CFES est curieusement placé « sous le haut patronage du ministère de la santé » et soumis à un certain nombre de contrôles.

Art. L. 1417-5 du code de la santé publique
Missions de l'institut

Cet article énumère les missions de l'institut, qui sont très diverses :

- constituer un réseau national documentaire spécialisé sur les théories et pratiques relatives aux domaines de la prévention et de la promotion de la santé ;

- établir des critères de qualité pour les actions, les outils pédagogiques et les formations d'éducation thérapeutique et d'éducation pour la santé, développer, valider et diffuser des référentiels de bonnes pratiques dans ces domaines ;

- émettre un avis à la demande du Gouvernement sur tout outil et programme de prévention et de promotion de la santé ;

- concevoir et produire les différents supports des programmes nationaux de prévention, d'éducation thérapeutique et d'éducation pour la santé ;

- identifier, soutenir, effectuer ou participer à des formations, études, recherches et évaluations en rapport avec ses missions ;

- favoriser et soutenir le développement de réseaux locaux de prévention et de promotion de la santé, ainsi que celui des associations ;

- participer à l'action européenne et internationale de la France.

Art. L. 1417-6 du code de la santé publique
Organisation de l'institut

Cet article prévoit que l'établissement public est doté d'un conseil d'administration, comprenant, outre son président, des représentants de l'Etat, de l'assurance maladie, d'organismes ou personnalités qualifiées dans les domaines de compétence de l'institut, des représentants d'usagers et des représentants du personnel, et est dirigé par un directeur général.

Le président du conseil d'administration et le directeur général de l'institut sont nommés par décret sur proposition du ministre chargé de la santé.

L'Institut est également doté d'un conseil scientifique, dont le président est désigné par le ministre chargé de la santé. Ce conseil scientifique veille à la cohérence de la politique scientifique de l'institut.

Art. L. 1417-7 du code de la santé publique
Statut des agents de l'institut

Cet article prévoit, de manière classique, que l'établissement public peut employer des agents des trois fonctions publiques, des agents contractuels de droit public et des agents contractuels de droit privé.

Art. L. 1417-8 du code de la santé publique
Ressources de l'institut

Cet article énumère les ressources de l'institut, dont les principales seront :

- une subvention de l'Etat ;

- une dotation des régimes d'assurance maladie ;

- des subventions de collectivités publiques, de leurs établissements publics, des organismes d'assurance maladie, des organismes mutualistes, de la Communauté européenne ou des organisations internationales.

Art. L. 1417-9 du code de la santé publique
Modalités d'application

Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'application des articles L. 1417-1 à L. 1417-8.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, et de plusieurs de ses collègues membres du groupe socialiste, l'Assemblée nationale a souhaité préciser, à l'article L. 1417-1 du code de la santé publique, que les actions d'information et d'éducation pour la santé comprenaient notamment « des actions de prévention et de dépistage des maladies sexuellement transmissibles et du sida, d'information à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse » .

L'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Georges Colombier et de plusieurs de ses collègues, a également adopté un amendement procédant à une rédaction globale de l'article L. 1417-4 du code de la santé publique, et visant notamment à préciser que cet institut disposerait de délégations régionales.

A l'initiative de MM. Marc Laffineur et Georges Colombier, l'Assemblée nationale, malgré un avis de sagesse du Gouvernement, a adopté un amendement prévoyant que l'institut accréditerait les organismes de prévention et de promotion de la santé, publics ou privés, qui en feraient la demande sur la base d'un cahier des charges rendu public (6° de l'article L. 1417-5 du code de la santé publique).

Enfin, un amendement rédactionnel de M. Bernard Charles, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale a été adopté au troisième alinéa (2°) de l'article L. 1417-8 du code de la santé publique.

III - La position de votre commission

Dans le cadre des auditions organisées le 9 janvier par votre commission des Affaires sociales 27 ( * ) , plusieurs interlocuteurs ont insisté sur le caractère inachevé, à la fois sur la forme et sur le fond, de cet article.

Si les orientations générales ne sont pas en cause, les responsabilités des différents organismes ainsi que le sens des concepts utilisés sont marqués parfois par une grande confusion.

Aussi votre rapporteur vous propose-t-il une série d'amendements tendant essentiellement à clarifier le texte de l'article L. 1417-1 :

- ce ne sont pas les comportements individuels et collectifs, en tant que tels, qui doivent être favorisés, mais l'apprentissage des comportements individuels et collectifs qui peuvent contribuer à réduire le risque de maladie ou d'accident ; cet apprentissage des comportements peut contribuer à réduire non seulement le risque de maladie, mais également d'accident (premier alinéa) ;

- « la politique de promotion de la santé » , qui correspond de fait à l'éducation pour la santé, fait partie intégrante de la politique de prévention et n'a donc pas à en être isolée (premier alinéa) ;

- les handicaps ou les facteurs de risques ne font pas l'objet de programmes de dépistage et ne sauraient être confondus dans le même alinéa avec les actions de prophylaxie (3°, sixième alinéa) ;

- il est préférable (5°, huitième alinéa) de ne pas chercher à écrire dans la loi toutes les actions d'information et d'éducation pour la santé possibles les actions de prévention et de dépistage des maladies sexuellement transmissibles et du SIDA sont naturellement essentielles : se limiter à cette référence apparaît incomplet.

A l'article L. 1417-2 , votre rapporteur propose un amendement procédant à une rédaction globale.

Son objet principal est d'articuler les outils nécessaires à la politique de prévention (objectifs et programmes prioritaires nationaux) avec les orientations de la politique de santé adoptées dans le cadre pluriannuel évoqué à l'article 24 (article L. 1411-1) , et donc de relier la politique de prévention à la politique de santé. Ces programmes prioritaires nationaux pourraient être d'ailleurs adoptés dans le cadre de lois pluriannuelles de santé publique, appelées de ses voeux par la commission des Affaires sociales du Sénat. L'amendement vise également à prévoir la consultation du Haut conseil de la santé pour déterminer les objectifs et programmes prioritaires nationaux de prévention, ainsi que l'information, dans l'attente de lois pluriannuelles, des commissions chargées des Affaires sociales des deux assemblées.

A l'article L. 1417-4 , votre rapporteur propose d'adopter un amendement substituant à la dénomination « Institut national de prévention et de promotion de la santé » celle d' « Institut national d'éducation pour la santé » , cette formulation étant compréhensible par tous et n'entraînant pas de bouleversement par rapport à celle existante pour le CFES.

Par ailleurs, afin de s'assurer de la cohérence de la « politique scientifique » de l'institut, il est souhaitable de le placer sous l'autorité scientifique du Haut conseil de la santé : ainsi, un lien organique est créé entre le monde de l'expertise de la santé publique et celui de l'expertise de la prévention.

En revanche, il convient d'exclure toute mission qui donnerait un caractère par trop général, ou « autonome » à cet institut, qui n'est qu'un « outil technique ».

Enfin, il est préférable de se contenter de la formule souple de « délégués régionaux » , retenue par le projet de loi initial, plutôt que de créer des « délégations régionales » qui risqueraient de représenter une charge lourde, dans le cadre de la transformation de cette association en établissement public administratif.

A l'article L. 1417-6 , votre rapporteur propose d'adopter deux amendements de conséquence : la présidence de cet institut serait confiée au président du Haut conseil de santé, tandis que son conseil scientifique serait composé de membres désignés de cet organisme.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 55
(art. L. 321-1, L. 221-1 et L. 322-3 du code de la santé publique)
Prise en charge des actes et traitements liés à la prévention

Objet : Cet article bascule sur le « risque » le financement des actes et traitements liés à la prévention.

I - Le dispositif proposé

Le 1° du I de cet article modifie le 6° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, jusqu'alors limité aux frais afférents d'examen prénuptial, afin d'y inclure les frais relatifs aux actes réalisés dans le cadre des programmes prioritaires de prévention définis en application du nouvel article L. 1417-2 du code de la santé publique (cf. article 54) . Il en simplifie par ailleurs la rédaction, en regroupant dans le même alinéa, la couverture des frais de vaccination et des examens de dépistage effectués dans le cadre des programmes arrêtés en application des dispositions de l'article L. 1411-2, jusqu'alors prévus aux 7° et au 8°.

En conséquence, ces frais relatifs aux actes réalisés dans le cadre des programmes prioritaires de prévention seront pris en charge par l'assurance maladie.

Le 2° du I supprime par cohérence les 7° et 8° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale.

Le II de cet article précise à l'article L. 221-1 du code de la sécurité sociale que l'action de la CNAMTS en matière de prévention tient compte des programmes prioritaires nationaux et du programme fixé par la convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'Etat et la CNAMTS en vertu de l'article L. 227-1 du code de la sécurité sociale.

Le III procède à une modification du 16° de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, relatif à l'exonération du ticket modérateur, par cohérence avec celle introduite à l'article L. 321-1 du même code.

Le IV précise que les dispositions du présent article entreront en vigueur le 1 er janvier 2003. En dehors d'une telle disposition, cet article, ayant des conséquences sur les comptes de l'assurance maladie, n'aurait pas été recevable dans le cadre d'une loi ordinaire, mais aurait nécessité son adoption dans le cadre d'une loi de financement de la sécurité sociale. Par ailleurs, il convient que l'Etat et la CNAMTS puissent modifier la convention d'objectifs et de gestion, par l'intermédiaire d'un avenant, pour déterminer les programmes prioritaires nationaux pris en compte.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Un article apparemment technique peut cacher une grande innovation : les actes de prévention réalisés dans le cadre des programmes prioritaires seront soumis au même régime de financement que les actes de soins. Cette prise en charge ne sera plus assurée dans le cadre des crédits limitatifs d'un fonds, mais sur l'ensemble des consultations et prescriptions remboursées par la Sécurité sociale.

Et un « observateur » enthousiaste de conclure 28 ( * ) : « La symétrie établie, pour la première fois, entre le financement de la prévention et celui des soins pourrait induire un rééquilibrage progressif de l'organisation du système de santé. C'est en tout cas le voeu que l'on peut former après l'adoption de ces dispositions » .

Votre rapporteur estime, pour sa part, que la question du financement est inextricable de celle de l'enchevêtrement des compétences : Etat, départements, assurance maladie, etc. Seules des clarifications nécessaires, absentes du projet de loi, permettront d'induire ce « rééquilibrage progressif » de l'organisation du système de santé.

Dans cette attente, il se borne à proposer un amendement rédactionnel au II de cet article : ce sont les programmes prioritaires nationaux qui détermineront l'action de prévention menée par la CNAMTS, et non la convention d'objectifs et de gestion, qui ne fera qu'en décliner les conséquences.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 56
(art. L. 1411-2 du code de la santé publique)
Encadrement du dépistage

Objet : Cet article a pour objet d'encadrer les pratiques de dépistage.

Cet article tend à revoir la rédaction du cinquième alinéa de l'article L. 1411-2 du code de la santé publique, qui dispose aujourd'hui qu'un « décret fixe la liste des examens et tests de dépistage qui ne peuvent être réalisés que par des professionnels et des organismes ayant souscrit à la convention-type mentionnée au troisième alinéa » , en précisant que les examens et tests de dépistage effectués dans le cadre d'une démarche individuelle de recours au soins sont également concernés.

Cette modification est justifié selon l'exposé des motifs du projet de loi par le niveau d'exigence dans le cadre des examens de dépistage. En fait, il s'agit de « redonner vie » à une disposition du code de la santé publique déjà existante, et de pouvoir fixer par décret les dispositions du troisième alinéa, resté inchangé :

« Les professionnels et organismes qui souhaitent participer à la réalisation des programmes susmentionnés s'engagent contractuellement auprès des organismes d'assurance maladie, sur la base d'une convention-type fixée par arrêté interministériel pris après avis de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, à respecter les conditions de mise en oeuvre de ces programmes. Celles-ci concernent notamment l'information du patient, la qualité des examens, des actes et soins complémentaires, le suivi des personnes et la transmission des informations nécessaires à l'évaluation des programmes de dépistage dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés » .

Ainsi, la nécessité de cet article n'est pas très claire : s'agit-il seulement d'une disposition d'affichage ?

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE V
-
Réseaux

Art. 57
(art. L. 6321-1 nouveau, L. 6113-4, L. 6114-2, L. 6114-3, L. 6143-1, L. 6144-1, L. 6411-16, L. 6412-1, L. 6414-14, L. 6121-5
du code de la santé publique)
Création des réseaux de santé

Objet : Cet article tend à créer des « réseaux de santé » en remplacement des « réseaux de soins ».

I - Le dispositif proposé

Le I de cet article insère dans le titre II du livre III de la sixième partie du code de la santé publique un chapitre I er , comprenant un seul article, l'article L. 6321-1, consacré aux réseaux de santé.

L'article L. 6321-1 comprend trois alinéas :

- le premier définit l'objet des réseaux de santé : ils favorisent l'accès aux soins, la coordination, la continuité ou l'interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment de celles spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires ;

- le deuxième précise que ces réseaux sont constitués entre les professionnels de santé libéraux, des établissements de santé, des institutions sociales ou médico-sociales et des organisations à vocation sanitaire ou sociale;

- le troisième dispose que les réseaux de santé qui satisfont à des critères de qualité, ainsi qu'à des conditions d'organisation, de fonctionnement et d'évaluation fixés par décret, peuvent bénéficier de subventions de l'Etat, ainsi que de subventions de l'assurance maladie.

Le II procède à des coordinations de renvois d'articles du code de la santé publique : la référence aux « réseaux de soins » et à l'article L. 6125 est remplacée par la référence aux « réseaux de santé » et à l'article L. 6321-1.

Par voie de conséquence, le III abroge l'article L. 6125 du code de la santé publique.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements :

- à l'initiative de Mme Muguette Jacquaint et des membres du groupe communiste et apparentés, les centres de santé ont été inclus parmi les participants éventuels des réseaux ;

- à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, les représentants des usagers ont également été intégrés ;

- à l'initiative du Gouvernement, le financement des réseaux a été modifié de manière notable : des subventions de collectivités territoriales, ainsi que des financements compris dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) sont désormais possibles ;

- à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, et de M. Claude Evin, un article L. 6321-2 du code de la santé publique a été ajouté, créant les « réseaux coopératifs de santé », « sociétés de prise en charge pluridisciplinaire répondant aux critères de la définition des réseaux de santé tels que définis à l'article L. 6321-1 ». Selon les auteurs de cet amendement, il s'agit d'élargir le champ des possibilités de définition juridique offertes aux réseaux, qui se constituent actuellement souvent sous la forme d'une association régie par la loi de 1901, et de leur donner le choix de recourir à une forme coopérative, régie par la loi de 1947 sur les coopératives. Une telle solution serait adaptée pour « certains réseaux, comme les réseaux de bassins de vie ou les maisons de santé pour les urgences » 29 ( * ) .

III - La position de votre commission

Les réseaux de soins disposaient jusqu'à présent de deux cadres juridiques bien distincts :

- le cadre des réseaux de soins expérimentaux de l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale , issu de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 : il s'agit « des actions expérimentales menées dans le domaine médical ou médico-social, en vue de promouvoir, avec l'accord du bénéficiaire de l'assurance maladie concernée, des formes nouvelles de prise en charge des patients et d'organiser un accès plus rationnel au système de soins ou de prévention » , pouvant consister à mettre en oeuvre des « filières de soins organisées à partir des médecins généralistes, chargés du suivi médical et de l'accès des patients au système de soins » , « des réseaux de soins expérimentaux permettant la prise en charge globale de patients atteints de maladies lourdes ou chroniques » et de tous autres dispositifs répondant aux objectifs énoncés ;

- le cadre des réseaux de soins de l'article L. 6121-5 du code de la santé publique , issu de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, relatif aux réseaux de soins spécifiques à certaines installations et activités de soins, constitués par les établissements de santé. Ces derniers peuvent participer aux actions expérimentales visées à l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale.

Dans le premier cas (réseaux expérimentaux) , un mécanisme d'agrément délivré par le ministère de la santé a été mis en place, après avis du conseil d'orientation des filières et réseaux de soins, appelé « commission Soubie ».

Ce mécanisme d'agrément s'est révélé inadapté, compte tenu du peu d'empressement de la « commission Soubie » à se mettre à la tâche, des hésitations du nouveau Gouvernement issu des élections de 1997 et de la lenteur de la procédure nationale. Ainsi, le bilan est tout à fait catastrophique : très peu de réseaux expérimentaux fonctionnent aujourd'hui réellement.

Intervenant après une longue apathie, dénoncée régulièrement par votre commission des Affaires sociales lors de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a heureusement prévu une déconcentration de la procédure.

Dans le second cas (réseaux de soins) , les conventions constitutives sont agréées par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation.

Le dispositif proposé par le Gouvernement, qui remplace les réseaux de soins du code de la santé publique par des réseaux de santé , apparaît dans un premier temps ambigu, puisqu'il ne réforme pas en apparence le cadre des réseaux de soins expérimentaux.

En fait, il ne peut se comprendre sans la lecture de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui a supprimé les dispositions de l'article L. 162-32-1 du code de la sécurité sociale à son article 28, et qui a introduit à son article 36 les articles L. 162-43 à L. 162-46 du code de la sécurité sociale. Ces articles prévoient notamment la création d'une dotation nationale de développement des réseaux, qui sera constituée par des dotations régionales décidées conjointement, dans le cadre des priorités pluriannuelles de santé, par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation et le directeur de l'union régionale des caisses d'assurance maladie.

Ainsi, il n'existera désormais qu'un seul cadre juridique, celui des réseaux de santé , défini par le code de la santé publique, et dont les modalités de financement et de dérogation aux dispositions du code de la sécurité sociale (rémunération forfaitaire des professionnels, par exemple) sont précisées par ce même code : la distinction entre réseaux de soins expérimentaux et réseaux de soins n'a plus lieu d'être.

Ce cadre est assoupli, puisque la procédure d'agrément disparaît en tant que telle : un décret fixera les critères de qualité et les conditions d'organisation et d'évaluation que devront remplir les réseaux pour être éligibles au financement public.

Votre rapporteur constate qu'il aura fallu beaucoup de temps au Gouvernement pour reconnaître l'une de ses erreurs majeures dans le domaine de l'assurance maladie. La mise en sommeil de l'une des dispositions les plus innovantes de la réforme Juppé, tendant à mieux soigner pour un moindre coût, est de son entière responsabilité.

Il observe qu'il aura fallu à ce même Gouvernement trois étapes législatives (loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, projet de loi « droits des malades et qualité du système de santé ») pour enfin donner des orientations claires.

Sous réserve d'amendements rédactionnels et de coordination, votre rapporteur ne peut que se féliciter de ce « chemin de Damas ».

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

CHAPITRE VI
-
Dispositions diverses

Constatant l'adoption par l'Assemblée nationale d'un certain nombre de dispositions ayant un rapport très lointain avec la notion de « réseaux » qui fonde le chapitre V, votre rapporteur vous propose d'insérer au titre II un chapitre additionnel, intitulé « Dispositions diverses », comprenant les articles 57 bis à 57 septies.

Votre commission vous propose d'insérer, par voie d'amendement, cette division nouvelle et son intitulé.

Art. 57 bis (nouveau)
(art. L. 6133-1 et L. 6133-2 du code de la santé publique)
Groupements de coopération sanitaire

Objet : Cet article vise à faciliter la création de groupements de coopération sanitaire.

I - Le dispositif proposé

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, a pour objectif d'améliorer les outils de coopération entre les divers établissements de santé. Les « groupements de coopération sanitaire » , créés par les ordonnances Juppé, constituent l'un de ces outils ; existent également les conférences sanitaires de secteur, les syndicats interhospitaliers, les conventions de coopération et les fédérations médicales interhospitalières.

Le I de cet article modifie les deux premiers alinéas de l'article L. 6133-1 du code de la santé publique, en prévoyant qu'un groupement de coopération sanitaire peut être constitué par deux ou plusieurs établissements de santé publics ou privés : dans l'état actuel de la rédaction de cet article, pour qu'il y ait groupement de coopération sanitaire, il faut qu'il y ait nécessairement un établissement privé. Or, un établissement public peut avoir un intérêt à constituer un tel groupement avec un établissement privé participant au service public hospitalier ou même un autre établissement public.

Le II de cet article complète l'article L. 6133-1 du code de la santé publique, en permettant à l'agence régionale de l'hospitalisation d'autoriser le groupement, à la demande des établissements de santé membres, à assurer lui-même les activités de soins d'un coût élevé ou nécessitant des dispositions particulières dans l'intérêt de la santé publique.

Le III de cet article complète le troisième alinéa de l'article L. 6133-2, en prévoyant une disposition « secours » ; dans le cas où l'activité mise en oeuvre directement ou indirectement par le groupement ne permet pas le rattachement à l'un de ses membres, notamment dans le cas de la mise en place d'une activité d'urgence, le statut du patient et les modalités spécifiques de financement sont déterminés par décret en Conseil d'Etat.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur constate que ces dispositions répondent à un véritable souci juridique, constaté par plusieurs directeurs d'ARH, et permettront davantage de.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 57 ter (nouveau)
(art. L. 6163-1 à L. 6163-10 du code de la santé publique)
Coopératives hospitalières de médecins

Objet : Cet article rend possible la création de sociétés coopératives hospitalières de médecins.

I - Le dispositif proposé

Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Bernard Charles, rapporteur, et Claude Evin, cet article insère, au titre VI du livre I er de la sixième partie du code de la santé publique, un chapitre III consacré aux coopératives hospitalières de médecins ne comprenant pas moins de dix articles (articles L. 6163-1 à L. 6163-10) .

L'article L. 6163-1 , relatif à l'objet et aux dispositions légales, introduit la loi particulière qui fonde ces coopératives hospitalières. Le cadre général qui préside à leur existence est celui de la loi n° 47-775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération qui, dans son article 2, dispose que « les coopératives sont régies par la présente loi sous réserve des lois particulières à chaque catégorie d'entre elles » .

Cet article rappelle l'impératif de libre choix des associés et l'égalité de leurs droits. Il précise par ailleurs les dispositions légales auxquelles sont soumises ces sociétés.

L'article L. 6163-2 , relatif à l'inscription et à la dénomination de ces sociétés coopératives hospitalières de médecins, leur fait obligation de s'inscrire au tableau de l'ordre des médecins. Cette obligation découle du fait qu'il s'agit d'une société d'exercice professionnelle qui exerce la médecine. L'inscription à l'ordre est également un préalable aux deux procédures habituelles d'autorisation de l'établissement de santé par l'agence régionale de l'hospitalisation et de son inscription au registre du commerce et des sociétés.

Cet article précise également la dénomination que les sociétés coopératives hospitalières de médecins doivent obligatoirement adopter pour les actes et documents qui en sont issus.

L'article L. 6163-3 , relatif à la forme juridique, précise que les sociétés coopératives hospitalières de médecins sont des sociétés à capital variable qui peuvent prendre les formes juridiques suivantes : société à responsabilité limitée, société anonyme ou société par actions simplifiée. La variabilité du capital correspond à la logique d'activité de la société coopérative et permet d'ajuster la contribution des sociétaires à leur faculté contributive réelle. Il est logique de contribuer à la hauteur de son activité dans la mesure où les besoins de financement de la coopérative sont inévitablement en relation avec cette activité : cette opportunité, classique pour d'autres professions, n'était pas jusqu'à présent ouverte aux médecins.

L'article L. 6163-4 , relatif aux catégories d'associés, distingue entre les « associés coopérateurs » et les « associés non coopérateurs ».

Les associés coopérateurs sont tenus d'apporter leur activité à la société, sauf dérogation prévue par les statuts. De façon classique en droit coopératif, ils ne peuvent travailler que s'ils ont versé leur part de capital.

Les associés non coopérateurs peuvent être des salariés de la coopérative, de ses filiales ou des organismes auxquels elles adhèrent, ou toute autre personne physique ou morale contribuant à son objet « dans le cadre de l'économie de la santé » .

Des règles sont prévues pour éviter que les associés coopérateurs perdent le contrôle de la société, ou que la société échappe à l'autorité professionnelles médicale. Les associés coopérateurs non-médecins et les associés non coopérateurs ne peuvent ensemble détenir plus de 49 % des droits de vote. Par ailleurs, les associés non coopérateurs seuls ne peuvent détenir plus de 35 % des droits de vote. Enfin, aucun associé non coopérateur ne peut disposer ou représenter plus de 10 % des voix.

L'article L. 6163-5 , relatif aux tiers non associés, prévoit la possibilité pour les sociétés coopératives hospitalières de médecins de recourir à des interventions ponctuelles de professionnels d'origine diverse (remplaçants, consultants, médecins en période d'essai...). L'activité des tiers non associés n'est pas soumise à versement en capital ; elle est strictement plafonnée à 20 % du chiffre d'affaires annuel de la société.

L'article L. 6163-6 , relatif au capital social, distingue ce dernier en fonction de sa détention (associés coopérateurs ou associés non coopérateurs). Il prévoit, comme il est d'usage en société coopérative, le remboursement du capital lors de la cessation d'activité.

Dans la logique coopérative, le principe posé est que le capital n'est pas rémunéré, sauf dérogation statutaire. La participation au capital n'a pas de but spéculatif : elle est une contribution à l'investissement collectif. Les revenus obtenus sont tirés de l'activité professionnelle, et non d'un placement en capital.

Les règles de détermination du montant en capital sont publiques et assises sur l'activité ou les revenus générés par l'activité professionnelle. L'assemblée générale fixera, par ses statuts, ces règles générales.

L'article L. 6163-7 , relatif à la direction salariée, prévoit que le conseil d'administration ou le directoire de la société coopérative nomme un directeur salarié par contrat, dont les pouvoirs sont précisés par les statuts, mais qui assiste de droit aux réunions du bureau, du conseil d'administration ou, selon le cas, du directoire ou du conseil de surveillance ainsi qu'aux assemblées générales.

L'article L. 6163-8 est relatif au projet d'établissement. Il fait obligation à l'assemblée générale d'adopter un tel projet. Afin de ne pas en multiplier les définitions, il renvoie à l'article L. 6143-2 du code de la santé, qui précise le contenu du projet d'établissement dans un établissement public de santé, sa compatibilité avec le projet d'organisation sanitaire et sa durée maximale de cinq ans. Il est complété d'une obligation de traduction dans le règlement intérieur de l'établissement.

L'article 6163-9 , relatif aux honoraires versés aux associés coopérateurs, définit les flux de revenus dans les sociétés coopératives hospitalières de médecins. Tous les règlements sont adressés à la coopérative. Cependant, afin de bien connaître ces apports individuels, ils sont regroupés sur des comptes nominatifs. L'assemblée générale doit fixer les règles qui président aux versements de ces honoraires ou de ces revenus, en paiement des apports faits par ses sociétaires. Ces derniers ont ainsi la possibilité de changer ou de ne pas changer ces règles, de payer à l'acte, ou sous forme de forfaits décidés en assemblée générale (où seuls les associés coopérateurs ont droit de vote), ou sous toute autre forme encore.

Néanmoins, ces règles doivent avoir un minimum de stabilité : à cette fin, elles sont communiquées à l'agence régionale de l'hospitalisation et au conseil départemental des médecins.

Comme il est d'usage en régime coopératif, ces prix payés par la coopérative hospitalière de médecins sont de fait des prix provisoires, tant que l'arrêté des comptes n'a pas eu lieu. Si un excédent est constaté, il donne lieu, après constitution des réserves, à versement d'une éventuelle ristourne aux associés coopérateurs.

L'article L. 6163-10 est relatif à la continuité de la personnalité morale. Cette continuité est affirmée entre la société d'origine et la société transformée en société coopérative hospitalière de médecins. En cas de transformation d'un établissement de santé exploité sous forme de société commerciale, la décision de transformation est subordonnée au respect de deux conditions :

- le montant de la situation nette doit être au moins égal au capital social ;

- l'intégralité des réserves légales ou conventionnelles doit être incorporée au capital, préalablement à la transformation.

II - La position de votre commission

L'extension du champ coopératif aux sociétés d'exercice professionnel de la médecine est évoquée depuis de longues années.

Résultat d'une réflexion engagée par des professionnels de santé, réunis au sein d'un groupe de travail lancé à la suite de la table ronde dite du « Grenelle de la Santé » (janvier 2001), cet article n'appelle pas d'observations majeures de votre rapporteur.

Les établissements de santé n'ont pas d'accès spécifique, aujourd'hui en France, au droit coopératif. La médecine salariée existe depuis longtemps en établissement de santé. Quant à la médecine libérale, la dimension « métier » et ses spécificités professionnelles ont toujours été reconnues, voire promues, au moyen notamment de sociétés d'exercice professionnel.

Or, comme toute activité de production, l'activité de production de soins en établissement devrait pouvoir se faire selon trois approches : celle du salariat, celle de la sous-traitance contractuelle et celle de la coopération. Si la loi a consacré depuis longtemps la notion de « coopérative agricole », « prolongement de la ferme », l'établissement de santé « prolongement du cabinet médical » n'a pas encore de fondement juridique.

Dans ce contexte, le groupe de travail à l'origine de ces propositions a l'espoir que le droit coopératif permettra de dépasser certains « blocages » que connaissent les praticiens libéraux qui travaillent en clinique. Ces blocages sont d'ordre juridique, la distinction traditionnelle entre le contrat hospitalier (clinique) et le contrat médical (médecins libéraux) étant de plus en plus mal comprise, inopérante et mal respectée, et d'ordre financier, les cliniques souffrant, comme de nombreuses PME, d'une sous-capitalisation chronique.

De telles dispositions ne devraient guère générer d'objection de la part du corps médical, car il s'agit d'une nouveauté qui est offerte, et qui ne lèsera en rien ceux, individus et structures hospitalières, qui ne seront pas intéressés.

Dans ces conditions, votre commission constate que cette « possibilité », offerte aux professionnels de santé, sera jugée davantage sur ses réalisations plutôt que sur son contenu même, qui apparaît correctement défini.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 57 quater (nouveau)
(art. L. 6321-3 nouveau du code de la santé publique)
Prise en charge psychologique des enfants victimes de maltraitance
ou présentant des risques de suicides par les réseaux de santé

Objet : Cet article rend possible la prise en charge psychologique des enfants et adolescents victimes de maltraitance, ou présentant des risques de suicide, dans le cadre de réseaux de santé.

I - Le dispositif proposé

Cet article, résultant d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, tend à insérer, après l'article L. 6321-2 du code de la santé publique (nouvel article créé par l'article 57 du projet de loi modifié par l'Assemblée nationale) , un article L. 6321-3, donnant la possibilité de créer des réseaux de santé pour assurer la prise en charge psychologique des enfants et adolescents victimes de maltraitance.

Dans ce cadre, les prises en charge psychothérapeutiques assurées par des psychologues, à la demande des professionnels de santé, sont assurées sur une base forfaitaire.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'être sensible au douloureux problème de la prise en charge psychologique des enfants et adolescents victimes de maltraitance, ou présentant des risques de suicide. La constitution de réseaux de santé peut être, effectivement, une réponse intéressante au défi posé par cette prise en charge.

Votre rapporteur partage sans restriction le souci exprimé par le ministre de « favoriser la prise en charge psychologique de ces jeunes à travers les réseaux tels qu'ils sont définis dans les dispositions portant création de ces derniers ».

De fait, la loi prévoit le cadre général des réseaux de santé, tel que fixé à l'article 57 du projet ; elle n'a pas pour objet de décrire des « exemples » de réseaux de santé.

Aussi votre rapporteur vous propose-t-il de supprimer cet article, dont l'adoption aurait pour conséquence de conduire le législateur à définir dans le texte législatif toutes les possibilités ouvertes par les réseaux.

Votre commission a adopté un amendement de suppression de cet article.

Art. 57 quinquies (nouveau)
(art. L. 162-2-1 A nouveau du code de la santé publique)
Promotion de la gynécologie médicale

Objet : Cet article tend à promouvoir la gynécologie médicale.

I - Le dispositif proposé

Cet article résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, et plusieurs de ses collègues, sous-amendé en séance par Mme Jacqueline Fraysse, députée des Hauts-de-Seine.

Le I de cet article prévoit la création d'un diplôme d'études spécialisées de gynécologie médicale dont les conditions de formation pratique et théorique sont fixées par arrêté signé par le ministre de la santé et le ministre en charge de l'enseignement supérieur.

Le II dispose que « tout assuré peut consulter librement un gynécologue médical de son choix » . Il précise, à la demande du sous-amendement de Mme Jacqueline Fraysse, « le coût des consultations et soins s'y rapportant est pris en charge par l'assurance maladie dans les conditions prévues par les dispositions conventionnelles ou réglementaires » .

II - La position de votre commission

Cet article ne représente pas une « innovation », tant son sujet a été débattu, à de nombreuses reprises, par l'Assemblée nationale et par le Sénat.

Le débat mélange à la fois des éléments objectifs et des craintes quelque peu irrationnelles.

La « gynécologie médicale » est une spécialité française, qui s'enseignait par la voie d'un certificat d'études spéciales (CES) d'une durée de trois ans.

Créée en 1965, elle a permis d'obtenir des résultats sanitaires tout à fait appréciables. Depuis trente ans, le dépistage et la prévention des cancers féminins ont été très nettement améliorés. De bons résultats ont été également obtenus dans la prévention des maladies sexuellement transmissibles, des infections, de l'hystérectomie et des ostéoporoses. Les chiffres du PMSI montrent indubitablement qu'il y a deux fois plus d'hystérectomies en Suisse et trois fois plus au Québec que dans notre pays.

De manière générale, les femmes apparaissent attachées à la gynécologie médicale, qui leur permet de consulter un médecin différent de celui de leurs pères, maris, compagnons ou fils. Une telle constatation n'est toutefois exacte que pour le milieu urbain.

Le CES de gynécologie médicale a été supprimé au milieu des années quatre-vingt, comme tous les CES, dans le cadre de la réforme de l'internat. Compte tenu de la directive européenne de 1993 sur la reconnaissance mutuelle des diplômes, le rétablissement d'un CES de gynécologie médicale aurait pour effet de former des gynécologues qui n'auraient pas le droit d'exercer ailleurs qu'en France.

Par voie de conséquence, depuis treize ans, la gynécologie médicale n'est plus enseignée ; aujourd'hui, au nombre de 1.920, dont 87 % de femmes, ces spécialistes ne seront plus que 1.000 en 2015 et 500 en 2020.

Compte tenu de la mobilisation du comité de défense de la gynécologie médicale, et saisi par de nombreux parlementaires, le Gouvernement a souhaité étudier le problème, à travers une commission mise en place par M. Bernard Kouchner, puis transformée en « comité de suivi » présidé par le professeur Guy Nicolas. Ce comité a conduit à la création d'un nouveau diplôme d'études spécialisées de gynécologie-obstétrique et gynécologie médicale, par arrêté du 17 août 2000. Il restaure, au sein d'une filière unique de formation à la gynécologie, un enseignement spécifique à la gynécologie médicale.

Accessible aux étudiants dès la rentrée 2000, le diplôme d'études spécialisées de gynécologie-obstétrique et gynécologie médicale comporte trois années de tronc commun, suivies de deux années de formation optionnelle soit à la gynécologie médicale, soit à la gynécologie-obstétrique. Pour ce qui est de la formation pratique des internes choisissant l'option gynécologie médicale, ces derniers n'ont que deux semestres obligatoires à effectuer en obstétrique ou en chirurgie. Sur les huit autres semestres de stages pratiques qu'ils ont à valider, trois sont à libre choix. L'étudiant peut choisir de les valider dans un service exerçant une tout autre spécialité.

Le Comité de défense de la gynécologie médicale souhaite, pour sa part, la création d'un diplôme d'études spécialisées de gynécologie médicale, distinct de la gynécologie-obstétrique.

Votre rapporteur est réticent à suivre une telle argumentation : comme l'a indiqué M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, « la position des gynécologues obstétriciens, et leur volonté d'organiser une unicité du diplôme, est plus que respectable : elle est juste » 30 ( * ) . Aussi convient-il de trouver un « point d'équilibre » entre les gynécologues médicaux et les gynécologues obstétriciens, alors même que cette discipline, particulièrement exigeante, est en butte à des évolutions déstabilisantes.

Votre rapporteur estime que, dans le cadre d'un diplôme unique, des souplesses peuvent être trouvées. La recherche de ces souplesses, et la perfection de leur détail, incombent au ministère et aux professionnels concernés.

Il constate également que la description des missions de la gynécologie médicale ne fait pas l'unanimité.

Dans ces conditions, il est préférable de se contenter d'indiquer qu'il est créé un diplôme d'études spécialisées. Votre rapporteur observe du reste que cette création n'est pas du domaine législatif, ce qui laisse au Gouvernement le soin de procéder à la « délégalisation » de cette disposition, par l'utilisation de l'article 37 alinéa 2 de la Constitution.

Il apparaît toutefois difficile de ne pas supprimer le deuxième paragraphe de cet article : l'entériner serait laisser croire qu'un assuré ne peut consulter aujourd'hui librement un gynécologue médical de son choix, ce qui est inexact, la création du médecin référent n'ayant jamais eu pour objet de mettre fin à cette liberté de choix du praticien.

Laisser cette disposition serait même dangereux, car un a contrario signifierait que seul un gynécologue pourra demain être consulté librement. Votre rapporteur rappelle les premiers mots du code de la santé publique (article L. 1111) : « Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire » .

De même, à l'issue du débat en commission, est-il proposé de simplifier le I de cet article afin de faire l'économie dans le dispositif lui-même des motifs qui le justifient.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Art. 57 sexies (nouveau)
Création du groupement d'intérêt public dans le domaine de la coopération internationale sociale

Objet : Cet article crée un groupement d'intérêt public dans le domaine de la coopération internationale

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Claude Evin, rapporteur, dispose qu'un groupement d'intérêt public, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, peut être constitué entre l'Etat et d'autres personnes morales de droit public ou de droit privé pour exercer ensemble, pendant une durée déterminée, des activités d'assistance technique ou de coopération internationale dans les domaines de la santé et de la protection sociale.

Lors de la réunion de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, M. Claude Evin a expliqué que cette proposition faisait suite au rapport qu'il avait remis au Premier ministre sur le thème de la lutte contre la pauvreté et du développement de la protection sociale comme enjeux internationaux pour la France.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 57 septies (nouveau)
Rapport sur les conditions de départ à la retraite des techniciens de laboratoires hospitaliers et des conducteurs ambulanciers

Objet : Cet article prévoit un rapport du Gouvernement sur les conditions de départ à la retraite des techniciens de laboratoires hospitaliers et des conducteurs ambulanciers.

I - Le dispositif proposé

Cet article, résultant d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, et plusieurs de ses collègues membres du groupe socialiste, prévoit que le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai de trois mois après la publication de la loi, un rapport exposant les conditions dans lesquelles les techniciens des laboratoires hospitaliers et les conducteurs ambulanciers pourraient être classés en catégorie B active de la fonction publique hospitalière.

II - La position de votre commission

Cette question a déjà été plusieurs fois débattue devant l'Assemblée nationale et le Sénat (projet de loi de modernisation sociale, loi de financement de la sécurité sociale pour 2002).

Les techniciens des laboratoires hospitaliers et les conducteurs ambulanciers souhaitent pouvoir partir à la retraite à 55 ans, et demandent leur classement en catégorie B active de la fonction publique hospitalière. Le Gouvernement objecte qu'il a confié au conseil d'orientation des retraites le soin d'étudier toutes les questions relatives à l'avenir des régimes de retraite publics, ce qui permettra de prendre en compte la pénibilité et les risques particuliers inhérents à certaines professions.

Il est à noter qu'un dispositif similaire avait été adopté, à l'initiative du Sénat, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Mais le Conseil constitutionnel, se saisissant d'office de l'article 33, a considéré, à juste titre, que cet article, « qui n'a pas d'incidence sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base, n'a ni pour objet, ni pour effet d'améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale » n'avait pas « sa place dans la loi déférée » .

Un tel rapport, dont on peut se demander -compte tenu du calendrier politique de 2002- s'il sera effectivement remis, trouve davantage sa place dans les « dispositions diverses » d'un projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dernier texte « social » de la législature.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 57 septies
Ratification de l'ordonnance du 15 juin 2000
relative à la partie législative du code de la santé publique

Objet : Cet article additionnel vise à ratifier l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique.

La loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999 a porté habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, dont le code de la santé publique.

L'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 a été prise sur le fondement de cette loi d'habilitation. Elle nécessite, pour des raisons de meilleure sécurité juridique, une ratification explicite. En effet, de très nombreux articles de ce code ont été modifiés par la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002 et la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

Le présent article additionnel reprend ainsi le texte du projet de loi, adopté par le Conseil des ministres du 12 juillet 2000 et déposé devant le Sénat ( n° 461 - 1999-2000 ).

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Article additionnel après l'article 57 septies
Expertise proposée et prise en charge par le conseil de prévention
et de lutte contre le dopage

Objet : Cet article additionnel prévoit, en cas de doute, la possibilité d'une expertise médicale, prise en charge par le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.

Votre rapporteur propose de compléter les dispositions de l'article L. 3634-3 du code de la santé publique par deux alinéas.

Le premier alinéa rend possible, à la demande d'un sportif susceptible d'être sanctionné ou de sa propre initiative, une expertise, afin de déterminer si l'intéressé a respecté les dispositions de l'arrêté fixant la liste des substances et produits dopants. Naturellement, le sportif peut refuser de se soumettre à cette expertise. Quant au conseil de prévention et de lutte contre le dopage, il ne fera recours à cette expertise que s'il ne s'estime pas suffisamment éclairé au vu des pièces du dossier.

Le second alinéa prévoit que l'expert réalisant l'expertise sera choisi par le sportif intéressé sur une liste établie par le conseil de prévention et de lutte contre le dopage. Les résultats seront communiqués au conseil et à l'intéressé, qui pourra présenter des observations.

Enfin, les frais de l'expertise sont à la charge du conseil.

Ces dispositions permettent ainsi d'assurer à la fois de meilleures garanties aux sportifs soupçonnés et de donner un outil supplémentaire au conseil de prévention et de lutte contre le dopage.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

TITRE III

RÉPARATION DES CONSÉQUENCES
DES RISQUES SANITAIRES

Le titre III de ce projet de loi, consacré à la réparation des conséquences des risques sanitaires, était sans doute le plus attendu -dans tous les sens du terme- de ce projet de loi.

Il apporte en effet -on serait tenté de dire enfin- une réponse législative à la délicate question de l'aléa médical et de sa réparation, qui revêt aujourd'hui une particulière acuité.

L'acte médical, qu'il soit à finalité diagnostique ou thérapeutique n'échappe pas à l'imprévisible, à l'aléa : même parfaitement réalisé, il peut échouer, blesser, voire même entraîner la mort.

L'aléa médical peut être défini comme un événement dommageable au patient sans qu'une maladresse ou une faute quelconque puisse être imputée au praticien, et sans que ce dommage se relie à l'état initial du patient ou à son évolution prévisible.

Cette définition implique que l'accident ait été imprévisible au moment de l'acte, ou qu'il ait été prévisible mais connu comme tout à fait exceptionnel, de sorte que le risque était justifié au regard du bénéfice attendu de la thérapie.

Un cas typique est celui du patient qui subit des examens médicaux justifiés par son état, réalisés conformément aux données acquises de la science et après que son consentement éclairé ait été recueilli. Cet examen entraîne chez lui un dommage majeur, telle une paralysie.

La question de l'aléa médical et de sa réparation revêt aujourd'hui une particulière acuité.

En effet, les victimes des accidents médicaux sont confrontées à une fatalité doublée d'une incohérence puisque, frappées dans leurs chairs, les victimes -ou leurs ayants droit- se voient parfois opposer un refus d'indemnisation du fait de l'actuelle inadaptation du droit positif français. Ainsi, selon que l'aléa se sera produit dans le cadre du service public hospitalier ou dans un établissement privé, il sera indemnisé dans des conditions très différentes.

Cette hétérogénéité du droit positif, source d'une inégalité difficilement supportable pour les victimes, est inadmissible.

La question de l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, très largement débattue, a fait l'objet de nombreux projets et propositions de loi dont aucun n'a abouti, faute d'accord sur une solution satisfaisante pour l'ensemble des partenaires concernés et compte tenu, depuis l'apparition des contaminations par le virus de l'hépatite C, de l'importance des masses financières en jeu.

Les rapports, projets et propositions de loi sur la responsabilité médicale et l'indemnisation de l'aléa thérapeutique n'ont pas manqué depuis trente ans. Tous convergent sur une même conclusion : l'intervention du législateur est devenue indispensable.

Au cours des dix dernières années, les colloques se sont multipliés, plusieurs rapports ont été rédigés sur le sujet, une vingtaine de propositions de loi ont été déposées sans être discutées par le Parlement et plusieurs projets de loi ont été mis en chantier par les différents gouvernements sans voir le jour.

Le professeur Tunc a été le premier, à la fin des années 60, à envisager une indemnisation automatique extra-judiciaire des accidents médicaux. Le rapport Mac Aleese sur le traitement des conflits individuels entre médecins et patients paru en juillet 1980 avait été à l'origine du décret du 15 mai 1981 instituant des conciliateurs médicaux, annulé par le Conseil d'Etat comme relevant du domaine législatif car impliquant des atteintes au secret médical. Après le rapport établi en 1991 par la chancellerie sur la responsabilité médicale et l'indemnisation du risque thérapeutique, M. Bernard Kouchner, ministre de la santé, avait chargé, en 1992, M. Ewald d'établir un rapport complémentaire sur « le problème français des accidents thérapeutiques- enjeux et solutions » qui avait servi de base à la rédaction d'un avant-projet de loi. En 1993, le journal Le Monde titrait une interview du ministre délégué à la santé, M. Douste Blazy, en reprenant ses propos selon lesquels « le seul moyen de sauvegarder la relation médecin-malade est d'adopter une loi sur l'aléa thérapeutique ». Un projet de loi était annoncé comme devant être discuté par le Parlement à l'automne 1994.

L'article 14 de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux prévoyait la remise au Parlement, avant le 31 décembre 1998, d'un « rapport sur le droit de la responsabilité et de l'indemnisation applicable à l'aléa thérapeutique ».

Ce rapport, établi conjointement par l'inspection générale des services judiciaires et par l'inspection des affaires sociales en septembre 1999, a été remis au Parlement le 17 novembre 1999.

Il préconise de garder la faute comme fondement de la responsabilité médicale et d'instituer un fonds national d'indemnisation des accidents thérapeutiques graves et non fautifs n'incluant toutefois pas les risques de contamination par les produits défectueux, notamment les contaminations par le virus de l'hépatite C. Des commissions régionales d'indemnisation permettraient dans tous les cas un accès facilité à une expertise précontentieuse collégiale et favoriseraient les règlements amiables. Le rapport propose enfin d'unifier sous la compétence judiciaire l'ensemble du contentieux lié à l'activité médicale.

Maintes fois promise, la réponse législative à l'insatisfaction des usagers qui s'estiment mal indemnisés lorsque survient un accident médical, comme à celle des professionnels de santé qui craignent une dérive « à l'américaine », était cependant toujours différée.

Du fait de l'absence d'initiative des pouvoirs publics, le juge, disposé à améliorer de manière significative le sort de la victime, se voyait dès lors conduit à adopter des constructions jurisprudentielles qui bousculent les règles traditionnelles de la responsabilité civile.

Seule une modification de la loi était en réalité à même d'offrir enfin aux uns et aux autres cette réponse dans de brefs délais.

Cette analyse avait conduit notre ancien collègue Claude Huriet à déposer et à faire adopter le 26 avril 2001 par notre assemblée une proposition de loi relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale, qui constituait une première avancée.

Il est heureux, qu'après de longs atermoiements, le Gouvernement se soit enfin décidé à présenter au Parlement le titre III de ce projet de loi consacré à la réparation des conséquences des risques sanitaires.

Ce titre a en effet pour objectif, dans son article 58, d'unifier et de stabiliser les règles en matière de responsabilité en cas d'accident médical, d'une part, et de définir un nouveau droit à indemnisation en cas d'aléa thérapeutique, d'autre part.

Il est ainsi rappelé que la responsabilité des professionnels ou des établissements doit reposer essentiellement sur la notion classique de faute, dès lors que le projet de loi permet aux victimes d'accidents graves non fautifs d'être indemnisées.

Il est parallèlement institué une obligation d'assurance responsabilité civile qui s'impose à tous les professionnels de santé exerçant à titre libéral, à tous les établissements exerçant des activités de soins ainsi qu'aux producteurs et fournisseurs de produits de santé.

De manière plus originale, le projet de loi crée un dispositif de règlement amiable et d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes et d'infections nosocomiales, selon une procédure non contentieuse et non obligatoire, reposant sur des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation

Dans leurs avis, qu'elles doivent rendre dans un délai de six mois, les commissions se prononcent sur l'étendue des dommages subis par la victime et sur la responsabilité éventuelle d'un professionnel ou d'un établissement de santé.

En cas de faute, il revient à l'assureur du professionnel ou de l'établissement de santé d'indemniser la victime.

Dans le cas d'un aléa médical, la victime est indemnisée par un office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes, établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre de la santé et dont le financement est assuré pour l'essentiel par l'assurance maladie.

Ce dispositif s'accompagne en outre d'une réforme de l'expertise médicale avec la création d'une liste nationale d'experts constituée par une commission nationale. L'accès à l'expertise sera gratuit dans le cadre de la procédure devant les commissions régionales.

Le mécanisme proposé par le Gouvernement apparaît donc indéniablement complexe ; il présente en outre certaines faiblesses que votre commission vous proposera de corriger par voie d'amendement.

Ainsi, votre commission juge nécessaire d'inscrire dans la loi une définition des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales.

Il convient également de réaffirmer avec force que, sauf dans le cas des infections nosocomiales, les professionnels et établissements de santé ne sont responsables qu'en cas de faute. En revanche, les établissements restent tenus à une obligation de sécurité de résultat et sont donc responsables des dommages résultant des infections nosocomiales, sauf s'ils apportent la preuve d'une cause étrangère.

De même, votre commission vous proposera de fixer dans la loi un plafond pour le taux d'incapacité permanente, qui sert de seuil d'entrée dans le mécanisme de règlement amiable, afin d'éviter qu'un taux trop élevé ne soit finalement retenu par le décret, ce qui exclurait de nombreuses victimes du bénéfice de l'indemnisation.

Elle vous proposera également de limiter, dans les contrats d'assurance en responsabilité civile professionnelle des établissements et professionnels de santé, les montants et la durée de la garantie. Une telle disposition est de nature à apaiser les inquiétudes des assureurs médicaux et des professionnels de santé.

Il semble en outre parallèlement nécessaire de limiter le montant de l'amende civile susceptible d'être infligée en cas d'offre insuffisante de l'assureur à ce qui est strictement prévu par la loi dite Badinter du 5 juillet 1985 dont s'inspire directement le dispositif proposé par le Gouvernement.

Il convient par ailleurs de prévoir que l'expertise médicale sera systématique et contradictoire et d'encadrer plus strictement les dispositions transitoires concernant les experts médicaux afin d'éviter que la réforme de l'expertise prévue par le projet de loi ne soit vidée de toute portée.

Enfin, le mécanisme proposé par le Gouvernement présente une grave lacune à laquelle votre commission ne peut pas remédier : il n'apporte pas de véritable réponse à la situation des personnes contaminées par l'hépatite C.

Certes, le projet de loi veut faciliter l'indemnisation par les juridictions de victimes d'hépatites C dues à des transfusion anciennes, qui rencontrent souvent des difficultés à apporter la preuve de l'imputabilité de leur contamination à une transfusion. Il crée à cette fin un régime de preuve spécifique : c'est le juge qui formera sa propre conviction au vu des éléments apportés par chaque partie et des mesures d'expertise dont il prendra l'initiative ; en cas de doute, celui-ci profitera à la victime.

Il n'y a là cependant rien de véritablement nouveau : le projet de loi ne fait qu'inscrire dans la loi la jurisprudence désormais établie de la Cour de cassation.

Cet aspect est incontestablement le plus décevant du titre III de ce projet de loi. Votre rapporteur juge pour sa part qu'une prise en charge par la solidarité nationale de l'indemnisation des personnes contaminées par ce virus aurait été nettement préférable.

Art. 58
(Art. L. 1141-1 à L. 1142-28 nouveaux du code de la santé publique)
Réparation des conséquences des risques sanitaires

Objet : Cet article crée dans le livre Ier de la première partie du code de la santé publique un titre  IV relatif à la réparation des conséquences des risques sanitaires.

Ce titre IV nouveau est constitué de deux chapitres : le premier chapitre traite de l'accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès, le second des risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé.

TITRE IV

RÉPARATION DES CONSÉQUENCES DES RISQUES SANITAIRES

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Claude Evin, rapporteur, complétant l'intitulé de ce titre pour viser la réparation des conséquences des risques sanitaires et non la réparation des risques sanitaires, comme cela figurait dans le projet de loi initial.

CHAPITRE I ER
Accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès

Section 1
Tests génétiques

Art. L. 1141-1 du code de la santé publique
Emploi des tests génétiques par les entreprises
et organismes d'assurances

Cet article prévoit que les entreprises et organismes qui garantissent les risques d'invalidité ou de décès ne doivent pas tenir compte de résultats d'examens des caractéristiques génétiques des personnes ni poser des questions concernant des tests génétiques. Les organismes visés sont les mutuelles, les compagnies d'assurance et les institutions de prévoyance.

De la même façon, les informations transmises par l'assuré ne pourront être prises en compte dans l'hypothèse où elles seraient communiquées par la personne elle-même ou avec son accord.

Ces dispositions protectrices existent déjà pour toute protection complémentaire en matière de santé. En effet, l'article 62 de la loi portant création d'une couverture maladie universelle interdit aux organismes d'assurance de « tenir compte des résultats de l'étude génétique des caractéristiques d'une personne demandant à bénéficier d'une protection complémentaire en matière de santé, même si ceux-ci leur sont apportés par la personne elle-même ».

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement présenté par M. Claude Evin, rapporteur, prévoyant une sanction pénale d'un an d'emprisonnement à l'encontre des assureurs qui ne respecteraient pas ces règles.

Section 2
Risques aggravés

Art. L. 1141-2 du code de la santé publique
Validation législative de la convention relative à l'assurance des personnes exposées à un risque de santé aggravé

Une convention entre des associations de malades, les représentants des entreprises d'assurance et de crédit et les pouvoirs publics a été récemment négociée, pour la mise en place d'un dispositif visant à faciliter l'accès à l'assurance décès des crédits immobiliers ou professionnels et des crédits à la consommation, pour les personnes présentant des risques aggravés du fait de leur état de santé.

Cet article vise à pérenniser cette convention en lui donnant un cadre législatif.

Cette convention a pour précédent la convention de septembre 1991 conclue entre l'Etat et les fédérations professionnelles de l'assurance organisant les conditions d'assurance des personnes séropositives au VIH et de traitement des données médicales les concernant par leurs compagnies d'assurance. Le dispositif concernait l'assurance en cas de décès couvrant le remboursement d'un emprunt pour l'acquisition d'un logement ou de locaux et matériels professionnels.

Ce dispositif, outre son champ restreint, n'a répondu que de façon très partielle aux attentes qu'il avait suscitées. Les ministres de l'économie du budget, de l'emploi et de la santé ont donc confié en juillet 1999 à M. Jean-Michel Belorgey, conseiller d'Etat, une mission de réflexion sur la convention, afin d'améliorer la situation face à l'assurance des personnes séropositives au VIH et, également, afin de l'étendre aux personnes atteintes d'autres maladies graves. A la suite du rapport rendu en mai 2000, une nouvelle convention a été élaborée entre les représentants des professions de l'assurance et du crédit, des associations de malades et des administrations concernées.

Cette nouvelle convention s'adresse non seulement aux personnes séropositives au VIH mais également à toute personne « présentant du fait de son état de santé ou de son handicap » un risque de santé aggravé. Dans la mesure où les personnes malades ou handicapées ont une probabilité plus forte que le risque indemnisable se réalise, l'accès à l'assurance leur est soit fermé, soit rendu particulièrement onéreux notamment en cas de demande de prêt.

Le troisième alinéa de cet article prévoit en outre des garanties en matière de protection des données à caractère personnel de nature médicale recueillies dans le cadre des opérations de prêt et d'assurance. Le dispositif prévoit la consultation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. La CNIL aura à donner son avis sur la conformité des dispositions conventionnelles organisant le recueil, la circulation et le traitement des données personnelles médicales à la loi n° 78-77 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Enfin, dans l'hypothèse d'un échec du dispositif conventionnel, le quatrième alinéa prévoit que la confidentialité des données à caractère personnel de nature médicale recueillies dans le cadre d'opérations de prêt ou d'assurance puisse être toujours préservée, dans des conditions définies par voie réglementaire, après avis de la CNIL.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Art. L. 1141-3 du code de la santé publique
Parties à la convention et comité de suivi

Cet article définit les parties à la convention et institue un comité de suivi.

La convention est tripartite : Etat, associations de personnes malades ou handicapées et représentants des assureurs, des établissements de crédit des mutuelles et des institutions de prévoyance.

Il est parallèlement créé un comité de suivi, chargé de veiller à la bonne application de la convention. Le président de ce comité est nommé par les ministres chargés de l'économie et de la santé.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

CHAPITRE II
Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé

Le chapitre II du titre IV nouveau du livre Ier de la première partie du code de la santé publique concerne les risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé, c'est-à-dire les accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales.

Le dispositif prévu comporte d'une part, des principes généraux qui consacrent le principe de la responsabilité médicale fondée sur la faute et définissent un nouveau droit à indemnisation en cas d'aléa thérapeutique (section I), d'autre part, une procédure non contentieuse pour régler à l'amiable les cas d'accidents médicaux d'une certaine gravité (section II). Enfin, il précise les modalités d'indemnisation (section III).

Section additionnelle avant la section 1 (nouvelle)
Définitions

Votre commission vous propose d'adopter un amendement insérant en préambule de ce chapitre une section nouvelle intitulée « Définitions », comportant un article unique qui inscrit dans la loi une définition de l'accident médical, de l'affection iatrogène et de l'infection nosocomiale.

Article additionnel avant l'article L. 1142-1 du code de la santé publique
Définition de l'accident médical, de l'affection iatrogène
et de l'infection nosocomiale

Cet article additionnel que vous propose d'adopter votre commission par voie d'amendement précise que l'on entend par :

- accident médical, tout événement imprévu causant un dommage accidentel ayant un lien de causalité certain avec un acte médical ;

- affection iatrogène, tout dommage subi par un patient, directement lié aux soins délivrés ;

- infection nosocomiale, toute infection qui apparaît au cours ou à la suite d'une hospitalisation alors qu'elle était absente à l'admission dans l'établissement de santé.

Dans la mesure où le chapitre II fait référence, de manière permanente, aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales, il paraît nécessaire de définir ces concepts : cela apportera à la loi une meilleure intelligibilité.

Section 1
Principes généraux

La section I de ce chapitre II traite des principes généraux : l'article L. 1142-1 pose les principes de la responsabilité et de l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, l'article L. 1142-2 institue une obligation d'assurance responsabilité civile à tous les professionnels de santé et aux établissements de santé, l'article L. 1142-3 traite du cas des recherches biomédicales.

Art. L. 1142-1 du code de la santé publique
Droit à l'indemnisation des accidents médicaux graves non fautifs

I - Le dispositif proposé

Le I de cet article fait reposer la responsabilité des professionnels et des établissements de santé sur la notion classique de faute.

Votre commission n'entend pas revenir ici sur la problématique générale de la responsabilité médicale et de l'aléa thérapeutique : elle vous renvoie à cet égard au rapport présenté le 19 avril 2001 par M. Claude Huriet, au nom de votre commission, sur la proposition de loi relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale, adoptée par le Sénat le 26 avril 2001 31 ( * ) .

Le principe de la faute énoncé au I de l'article L. 1142-1 s'applique aux dommages causés par les activités des professionnels ou des établissements de santé, à l'exclusion des cas où la responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé.

Le présent article ne modifie donc pas les règles de responsabilité du fait des produits défectueux définis par la loi n° 93-389 du 19 mai 1998.

Le II de l'article L. 1142-1 crée un droit à l'indemnisation au titre de la solidarité nationale des accidents médicaux graves non fautifs.

Il précise les conditions de cette indemnisation, qui s'inspirent de la jurisprudence en les élargissant.

Premièrement, il doit s'agir d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale générateur d'un dommage sans lien avec l'état de santé du patient ni avec l'évolution prévisible de celui-ci et présentant un certain caractère de gravité.

Deuxièmement, les préjudices doivent être « directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ». Il s'agit donc des dommages directement générés par ces actes, ce qui exclut a contrario ceux résultant des autres aspects de l'activité hospitalière globalement considérée (hôtellerie, soins non médicaux...)

En vue de sa réparation, le dommage directement imputable à ces actes médicaux doit répondre à deux conditions :

- il doit être sans lien avec l'état de santé initial du patient et son évolution prévisible, afin de ne pas être confondu avec un échec thérapeutique ;

- il doit présenter un caractère de gravité prévu au premier alinéa de l'article L. 1142-8 nouveau, créé par le projet de loi.

L'article L. 1142-8 dispose que ce caractère de gravité sera fixé par décret en Conseil d'Etat, « en tenant compte du taux d'incapacité permanente, ou du taux et de la durée de l'incapacité temporaire ».

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement présenté par M. Claude Evin, rapporteur, complétant le I de cet article pour prévoir que les professionnels et établissements de santé ne sont responsables qu'en cas de faute « ou de manquement quels que soient, selon l'appréciation du juge compétent, la nature ou le mode d'établissement de cette faute ou de ce manquement, prouvé ou présumé. »

Cet amendement visait, selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, à « bien préciser que ces infections nosocomiales sont des accidents fautifs. »

Par coordination, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Claude Evin, rapporteur, supprimant les infections nosocomiales du champ de l'aléa médical puisqu'elles seraient désormais toujours fautives.

III - La position de votre commission

Votre commission approuve les dispositions de cet article qui reprennent d'ailleurs les deux principes fondateurs de la proposition de loi de M. Claude Huriet, adoptée par le Sénat le 26 avril 2001 : responsabilité pour faute et indemnisation de l'aléa médical.

Elle s'interroge cependant sur la signification exacte de l'ajout effectué par l'Assemblée nationale, qui pourrait être interprétée comme « diluant » quelque peu le principe fort de la responsabilité pour faute. En outre, la rédaction retenue manque à l'évidence de clarté.

En conséquence, votre commission vous propose d'adopter à cet article six amendements, dont certains sont particulièrement importants.

Le premier vise à revenir au texte initial du projet de loi et à réaffirmer que, sauf pour les infections nosocomiales, qui font l'objet de l'amendement suivant, les professionnels et établissements de santé ne sont responsables qu'en cas de faute.

Le deuxième amendement précise que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Il consacre ainsi dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation concernant les infections nosocomiales.

Il reprend d'ailleurs pour l'essentiel les termes de l'article 2 de la proposition de loi de M. Claude Huriet, adoptée par le Sénat le 26 avril 2001. Même si elles se rejoignent sur le fond, cette rédaction paraît plus précise et plus intelligible que celle adoptée par l'Assemblée nationale.

Le troisième amendement est purement rédactionnel.

Le quatrième réintroduit, par coordination, les infections nosocomiales dans le champ potentiel de l'indemnisation de l'aléa, pour couvrir le cas toujours possible où la responsabilité de l'établissement serait dégagée du fait d'une cause étrangère.

Le cinquième amendement vise à définir le caractère de gravité du dommage permettant une indemnisation au titre de la solidarité nationale dès l'article qui pose les principes de la responsabilité. Il transfère donc, en les fusionnant, les dispositions qui figuraient aux deux premiers alinéas de l'article L. 1142-8 afin de prévoir que les accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales ouvrent droit à la réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale s'ils présentent un caractère de gravité, fixé par décret en Conseil d'Etat, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou du taux et de la durée de l'incapacité temporaire.

Le sixième amendement traite du seuil d'entrée dans le dispositif. Il s'agit là d'un point essentiel. S'il revient au pouvoir réglementaire de déterminer le taux d'incapacité permanente au-dessus duquel la victime bénéficiera de l'indemnisation de l'aléa médical, il apparaît en revanche indispensable de fixer dans la loi un plafond pour ce taux, afin d'éviter qu'un taux trop élevé ne soit finalement retenu, ce qui exclurait de nombreuses victimes du bénéfice de ce dispositif.

L'amendement que vous propose votre commission prévoit par conséquent que le taux d'incapacité permanente ouvrant droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale ne peut être supérieur à 25 %. Le taux de 25 % proposé correspond, à titre d'exemple, à la perte d'un oeil.

Art. L. 1142-2 du code de la santé publique
Obligation d'assurance pour les professionnels de santé libéraux
et les établissements de santé

I - Le dispositif proposé

L'article L. 1142-2 institue une obligation d'assurance en responsabilité civile qui s'impose à tous les professionnels de santé exerçant à titre libéral, aux établissements et services de santé et à tout autre organisme exerçant des activités individuelles de prévention, de diagnostic ou de soins.

Sont ainsi visées toutes les activités qui comportent le risque d'entraîner un accident médical ou une affection iatrogène, à l'exclusion par exemple des activités de prévention collective telles des campagnes d'information ou d'éducation sanitaire.

Cette obligation d'assurance s'impose également aux producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé.

Seul l'Etat est, comme il est de règle générale, dispensé de l'obligation d'assurance.

Ce mécanisme d'assurance obligatoire a pour objectif avant tout la protection des victimes, comme c'est le cas en matière d'accidents de la circulation depuis la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Le Gouvernement estime qu'il sera de peu de conséquences pour les professionnels libéraux, qui sont actuellement très massivement assurés.

S'agissant des établissements de santé, quelques gros établissements publics - tels que l'AP-HP - ne recourent pas à l'assurance, car ils ont un volume d'activité et un budget qui leur permettent de faire face aux conséquences financières des accidents dont ils peuvent être déclarés responsables.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement de précision présenté par le rapporteur.

III - La position de votre commission

Votre commission est favorable à cet article qui reprend d'ailleurs les principes fixés par l'article 6 de la proposition de loi de M. Claude Huriet, adoptée par le Sénat le 26 avril 2001.

Cet article a cependant suscité une certaine inquiétude parmi les assureurs des professionnels et établissements de santé qui font valoir les risques financiers qu'entraînerait pour eux cette obligation d'assurance. Il serait en effet inutile de prévoir une obligation d'assurance si aucun assureur n'est plus disposé à couvrir un tel risque.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement prévoyant que ces contrats d'assurance peuvent comporter des limitations quant aux montants et à la durée de la garantie. Les limitations minimales de garanties seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

Une telle disposition est de nature à limiter sensiblement les engagements résultant pour les assureurs de cette obligation d'assurance.

Votre commission vous propose d'adopter également à cet article un amendement rédactionnel et un amendement de coordination.

Art. L. 1142-3 du code de la santé publique
Régime de responsabilité particulier pour la recherche biomédicale

L'article L. 1142-3 est relatif au régime de responsabilité particulier applicable à la recherche biomédicale.

Le premier alinéa assure une coordination avec le régime légal d'indemnisation en cas de recherche biomédicale. Les règles générales d'assurance et de responsabilité spécifique de ce régime subsistent. L'article 1er de la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales et ses conséquences sur les essais en matière d'innovation thérapeutique médicamenteuse codifié à l'article L. 1121-7 du code de la santé publique dispose en effet que « pour les recherches biomédicales sans bénéfice individuel direct, le promoteur assume, même sans faute, l'indemnisation des conséquences dommageables de la recherche pour la personne qui s'y prête ».

Le deuxième alinéa permet, d'une part, aux victimes d'avoir accès aux commissions d'indemnisation et aux expertises et, d'autre part, à l'office national d'indemnisation d'indemniser la victime au titre de la solidarité nationale, en cas de recherche avec bénéfice individuel direct et dans l'hypothèse où la responsabilité du promoteur n'est pas engagée.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rectifiant une erreur matérielle.

Section 2
Procédure de règlement en cas d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales

Art. L. 1142-4 du code de la santé publique
Droit à l'information pour toute personne
s'estimant victime d'un accident médical

L'article L. 1142-4 instaure le droit, pour toute personne s'estimant victime d'un dommage imputable aux soins d'être informée par les professionnels de santé sur les circonstances et les causes de cet accident, dans un délai maximum de quinze jours.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Claude Evin, précisant que l'information de la victime doit être une obligation pour le professionnel ou l'établissement de santé.

Art. L. 1142-5, L. 1142-6, L. 1142-7, L. 1142-8, L. 1142-9
du code de la santé publique
Commissions régionales de conciliation et d'indemnisation

I - Le dispositif proposé

Les articles L. 1142-5 à L. 1142-9 ont trait aux commissions régionales de conciliation et d'indemnisation.

L'article L. 1142-5 crée des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation, qui sont chargées de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux ainsi que des autres litiges entre usagers et professionnels ou établissements.

L'article L. 1142-6 indique la composition et les principes de fonctionnement des commissions régionales.

Celles-ci, présidées par un magistrat, comprennent des représentants des usagers, des professionnels et des établissements et services de santé ainsi que des représentants de l'office et des entreprises d'assurance. Les moyens de fonctionnement des commissions sont supportés par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes.

L' article L. 1142-7 précise les conditions et les effets de la saisine de la commission.

Cette dernière peut être saisie directement par toute victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins. Afin de préserver les droits des victimes en cas d'échec de la conciliation, les délais de prescription et de recours contentieux sont suspendus. Au cas où des procédures contentieuses sont conduites parallèlement, la victime a une obligation d'information afin d'éviter de doubles indemnisations.

L'article L. 1142-8 précise le rôle des commissions régionales et la première étape de la procédure prévue : l'avis émis par la commission sur les accidents graves dont elle est saisie.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, « la loi vise à régler le problème des accidents graves : l'objectif est de permettre aux victimes de dommages corporels graves, qui sont souvent dans une situation de grande détresse du fait de l'atteinte à leur intégrité physique et des répercussions économiques de leur accident, d'accéder à une indemnisation rapide. L'efficacité sociale du dispositif serait compromise si ces commissions, qui auront une lourde tâche, étaient encombrées par une masse de dossiers d'accidents mineurs qui peuvent être traités par les voies de droit commun. C'est pourquoi est défini un seuil d'entrée par un taux d'incapacité permanente ou d'incapacité temporaire qui sera fixé (ainsi que la durée dans le cas de l'incapacité temporaire) par voie réglementaire. »

L'article L. 1142-9 prévoit les informations que la victime doit, dans le cas des accidents médicaux, fournir à la commission régionale en ce qui concerne son affiliation à la sécurité sociale ainsi que l'existence d'autres tiers payeurs éventuels afin de préserver les droits des caisses ou de ces autres tiers payeurs et d'éviter une double indemnisation pour le même préjudice.

Cet article précise la suite de la procédure : la commission peut diligenter une expertise, obtenir communication des documents nécessaires ; enfin, elle émet son avis dans un délai de six mois.

Le projet de loi précise que l'avis de la commission ne peut être contesté qu'à l'occasion d'une action au fond, afin d'éviter des procédures contentieuses parallèles.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements présentés par M. Claude Evin, rapporteur.

A l'article L. 1142-5, elle a précisé que la commission siège en formation de règlement amiable des accidents médicaux et en formation de conciliation afin de bien distinguer ces deux missions distinctes.

A l'article L. 1142-8, elle a prévu que le caractère de gravité mentionné pour l'accès au dispositif de règlement amiable était également apprécié au regard des conséquences sur la vie privée et professionnelle pour la personne concernée.

Au même article, elle a adopté un amendement contraignant la commission régionale à saisir l'autorité compétente si elle constate des manquements relevant d'une sanction disciplinaire.

A l'article L. 1142-9, elle a entendu renforcer le caractère contradictoire de la procédure au sein de la commission régionale et a prévu que le rapport d'expertise serait joint à la transmission de l'avis de la commission aux parties intéressées.

III - La position de votre commission

La commission régionale aura un double rôle : le règlement amiable des litiges et la conciliation.

Compte tenu de l'importance de la mission de règlement amiable des litiges, votre commission se demande si la commission régionale disposera du temps nécessaire pour se consacrer à sa mission de conciliation.

Elle vous propose par conséquent d'adopter un amendement visant à développer la médiation médicale et qui prévoit, à l'article L. 1142-5, la possibilité pour la commission de déléguer une partie de ses compétences de conciliation à des médiateurs.

Souhaitant en outre privilégier autant que possible la procédure ainsi instituée de règlement amiable devant les commissions régionales, votre commission vous propose d'adopter un amendement à l'article L. 1142-7 prévoyant que la saisine de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation suspend tout recours contentieux, et ce afin d'éviter que ne se développent deux procédures parallèles : l'une devant la commission régionale, l'autre devant la justice.

Elle vous propose d'adopter à l'article L. 1142-8 un amendement de coordination avec le choix effectué par votre commission de transférer à l'article L. 1142-1 les critères de gravité du dommage permettant l'accès au dispositif de règlement amiable.

Outre un amendement de coordination, votre commission vous propose d'adopter à l'article L. 1142-9 un amendement rendant obligatoire le recours à l'expertise par les commissions régionales dès lors qu'en première analyse, la commission considère que les conditions prévues par la loi, notamment le critère de gravité, sont réunies.

Art. L. 1142-10, L. 1142-11, L. 1142-12
du code de la santé publique
Réforme de l'expertise médicale

I - Le dispositif proposé

Les articles L. 1142-10, L. 1142-11, L. 1142-12 traitent de l'expertise médicale.

Conformément aux recommandations du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des services judiciaires, le projet de loi engage une réforme importante et bienvenue de l'expertise médicale, en prévoyant en premier lieu une expertise spécifique en matière d'accidents médicaux.

L'article L. 1142-10 instaure une liste nationale sur laquelle l'inscription des experts sera prononcée par une commission nationale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat.

La commission nationale est également chargée d'établir des recommandations sur la conduite des expertises, de veiller à une application homogène de la loi et de remettre un rapport annuel d'évaluation du dispositif.

L'article L. 1142-11 fixe les conditions d'inscription sur la liste nationale des experts en accidents médicaux. Ces experts doivent justifier d'une qualification vérifiée par une évaluation des connaissances et des pratiques professionnelles. L'inscription est valable cinq ans et son renouvellement subordonné à une nouvelle évaluation.

Ces experts, qui sont à la disposition des juridictions comme des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation, sont des experts judiciaires déjà inscrits sur une des listes prévues par la loi du 29 juin 1971, sous réserve de la disposition transitoire prévue à l'article 63 du présent projet.

Le projet de loi prévoit également, comme dans la loi de 1971, une procédure de radiation assortie de garanties et la protection du titre d'expert agréé par la commission nationale des accidents médicaux.

L'article L. 1142-12 précise la procédure d'expertise dans le cadre des commissions régionales. Cette expertise est, en règle générale et sauf exception, collégiale. Les experts agissant dans ce cadre auront accès, comme dans le cadre d'une expertise judiciaire, à toute information ou document nécessaire à l'accomplissement de leur mission. L'expertise est contradictoire.

Dans le cadre de cette procédure non contentieuse, l'expertise est gratuite pour les victimes : les frais sont pris en charge par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes, sous réserve d'un éventuel remboursement par l'assureur si une responsabilité est ultérieurement admise.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'article L. 1142-10, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements.

Le premier, présenté par MM. Jean-Luc Préel, Jean-Pierre Foucher et plusieurs de leurs collègues, prévoit que l'inscription sur la liste nationale se ferait après une évaluation des connaissances et que les experts seraient soumis à une obligation de formation.

Le second, présenté par le rapporteur, précise que le rapport de la commission nationale des accidents médicaux est également remis au Parlement.

III - La position de votre commission

Outre un amendement de coordination, votre commission vous propose d'adopter à l'article L. 1142-12 un amendement visant à prévoir plus explicitement le caractère contradictoire de l'expertise.

Section 3
Indemnisation des victimes

Art. L. 1142-14, L. 1142-15 et L. 1142-16 du code de la santé publique
Indemnisation en cas d'avis de la commission concluant
à l'existence d'une responsabilité

I - Le dispositif proposé

La section 3, qui traite de l'indemnisation des victimes, comporte les articles L. 1144-14 à L. 1144-16 32 ( * ) .

Les articles L. 1142-14 et L. 1142-15 fixent les modalités d'indemnisation dans le cas où l'avis de la commission régionale conclut à l'existence d'une responsabilité.

L'assureur de la personne désignée responsable doit faire une offre d'indemnisation dans un délai de quatre mois à compter de la réception de l'avis de la commission qui, conformément aux règles de la responsabilité civile, doit viser la réparation intégrale des préjudices subis. L'évaluation doit tenir compte de chaque chef de préjudice ainsi que des autres prestations indemnitaires reçues ou à recevoir ; elle peut aussi n'avoir qu'un caractère provisionnel en l'absence de consolidation.

L'acceptation de la victime vaut transaction ; dans ce cas, l'assureur doit verser l'indemnité dans un délai d'un mois, sous peine d'intérêts de retard, et rembourser l'office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes des frais d'expertise.

L'Etat est soumis aux mêmes obligations que l'assureur, au titre de ses propres activités de soins.

Toutefois, il est apparu nécessaire au Gouvernement d'envisager les hypothèses suivantes : silence, refus de l'assureur, absence d'assurance. Ainsi, dans de tels cas, l'office est substitué à l'assureur et procède comme le ferait celui-ci : évaluation financière de tous les préjudices, offre d'indemnisation et paiement dans les mêmes délais.

Après acceptation de l'offre par la victime, l'office est subrogé dans les droits de celle-ci à l'égard du responsable de la faute : le juge saisi fixe l'indemnité et condamne, le cas échéant, le responsable ou son assureur à verser à l'office une pénalité civile, qui peut atteindre 30 % de l'indemnité allouée. Toutefois, quelle que soit la décision du juge, la victime conserve les indemnités reçues.

La victime peut saisir le juge compétent si elle refuse l'offre faite par l'assureur. De même, l'assureur qui, après avoir indemnisé la victime, estime que le dommage relève de l'aléa peut se retourner contre l'office.

L'article L. 1142-16 envisage le cas où la victime n'a pas informé la commission régionale des prestations versées ou à recevoir d'autres tiers payeurs que les organismes de sécurité sociale : dans cette hypothèse, les tiers payeurs ont un recours contre la victime, dans les limites de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, c'est-à-dire que ce recours ne peut porter sur la part d'indemnité de caractère personnel correspondant aux souffrances physiques ou morales, au préjudice esthétique et d'agrément, ou, s'il y a lieu, au préjudice moral des ayants droit.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à ces articles deux amendements rédactionnels et un amendement formel.

III - La position de votre commission

Outre un amendement rédactionnel, votre commission vous propose d'adopter à l'article L. 1142-14 deux amendements.

Le premier prévoit que la rente accordée à la victime est revalorisée chaque année du taux de revalorisation des pensions de retraite du régime général.

Le second vise à limiter sensiblement le montant de l'amende civile susceptible d'être infligée en cas d'offre insuffisante de l'assureur. Il prévoit que cette amende sera au plus égale à 15 % de l'indemnité allouée par le juge (et non 30 % comme le stipule le projet de loi), à l'instar de ce qui figure dans la loi dite Badinter du 5 juillet 1985 dont s'inspire directement le dispositif proposé par le Gouvernement.

Par coordination, elle vous propose d'adopter un amendement identique à l'article L. 1142-15.

Art. L. 1142-17 du code de la santé publique
Indemnisation en cas d'avis concluant à l'existence
d'un aléa thérapeutique

Le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale en cas d'aléa thérapeutique, qui a été défini au II de l'article L. 1142-1, est mis en oeuvre à l'article L. 1142-17.

Les règles d'indemnisation concernent le patient, ou ses ayants droit lorsque celui-ci est décédé sans qu'il ait pu entamer la procédure ou en cours de procédure, et visent à la réparation intégrale des préjudices.

L'office doit faire une offre d'indemnisation dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis de la commission. L'évaluation doit tenir compte de chaque chef de préjudice, déduction faite des autres prestations indemnitaires, même en l'absence de consolidation. L'évaluation et le paiement doivent se faire dans les mêmes délais que ceux qui s'imposent à l'assureur. L'acceptation de l'offre vaut également transaction

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Art. L. 1142-18 nouveau du code de la santé publique
Indemnisation en cas de partage entre responsabilité et aléa

L'article L. 1142-18 envisage l'hypothèse d'un partage entre responsabilité et aléa thérapeutique.

La commission régionale évalue la quotité de la part de responsabilité. Les règles d'indemnisation suivent alors, pour une partie, les modalités prévues en cas de responsabilité et, pour l'autre part, celles fixées en l'absence de responsabilité, c'est-à-dire en cas d'aléa.

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement présenté par M. Claude Evin, rapporteur, visant à substituer à la notion de partage de responsabilité celle de partage de l'imputabilité du préjudice.

Art. L. 1142-19, L. 1142-20 et L. 1142-21 du code de la santé publique
Procédures juridictionnelles parallèles

L'article L. 1142-19 impose à la victime d'informer respectivement l'office ou le juge, selon le cas, de la procédure amiable ou contentieuse simultanément en cours.

L'article L. 1142-20 prévoit que la victime ou ses ayants droit disposent d'un droit d'action en justice contre l'office, si aucune offre ne lui est présentée ou si elle a refusé l'offre qui lui a été faite.

L'article L. 1142-21 précise la procédure devant la juridiction compétente saisie des compétences dommageables d'un acte de prévention, de diagnostic ou de soins : l'office national d'indemnisation est appelé en la cause s'il ne l'a pas été initialement. La compétence juridictionnelle est bien entendu déterminée selon les règles habituelles, en fonction de la nature du fait générateur.

L'Assemblée nationale a adopté à l'article L. 1142-20 un amendement de précision.

Art. L. 1142-22 et L. 1142-23 du code de la santé publique
Office national d'indemnisation des accidents médicaux,
des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

Les articles L. 1142-22 et L. 1142-23 instituent l'office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes, établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre de la santé et chargé de l'indemnisation des accidents médicaux qui n'engagent aucune responsabilité ainsi que des hypothèses où l'assureur fait défaut.

Son financement est assuré essentiellement par l'assurance maladie.

Le conseil d'administration de l'office sera notamment composé, outre son président, pour moitié de représentants de l'Etat et pour moitié de représentants des usagers, des professionnels et établissements de santé, d'organismes d'assurance maladie et du personnel ainsi que de personnalités qualifiées. Le président du conseil d'administration et le directeur seront nommés par décret.

L'Assemblée nationale a adopté à l'article L. 1142-23 un amendement de précision.

Art. L. 1142-24 du code de la santé publique
Indemnisation des transfusés et des hémophiles

L'article L. 1142-24 précise que les indemnités accordées au titre des risques sanitaires ne peuvent se cumuler avec celles dues par le fonds d'indemnisation des transfusés et des hémophiles, pour les mêmes préjudices.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Section 4
Dispositions pénales

Art. L. 1142-25, L. 1142-26 et L. 1142-27 du code de la santé publique
Dispositions pénales

La section 4 regroupe les dispositions pénales.

Les articles L. 1142-25 et L. 1142-26 concernent le manquement à l'obligation d'assurance qui est puni d'une amende de 45.000 euros ; des peines complémentaires sont également prévues à l'égard des personnes physiques ainsi que les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales.

L'article L. 1142-27 punit de la peine prévue à l'article 433-17 du code pénal, c'est-à-dire un an d'emprisonnement et 100.000 F d'amende, les personnes qui feraient usage de la dénomination d'expert agréé par la commission nationale des accidents médicaux, sans être inscrits sur la liste concernée.

L'Assemblée nationale a adopté aux articles L. 1142-25 et L. 1142-26 deux amendements présentés par M. Claude Evin, rapporteur, précisant que l'interdiction d'exercer est portée à la connaissance de organismes d'assurance maladie.

CHAPITRE III
Dispositions communes

Art. L. 1142-28 du code de la santé publique
Modalités d'application

Cet article prévoit que les modalités d'application du présent titre sont déterminées, sauf dispositions contraires, par décret en Conseil d'Etat.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement formel renumérotant l'article L. 1142-28 en un article L. 1143-1, conformément aux règles de numérotation du nouveau code de la santé publique.

Votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du présent article 58 ainsi amendé.

Art. 58 bis (nouveau)
(titre III, livre Ier du code des assurances, chapitre III)
Accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès

Objet : Cet article inscrit dans le code des assurances les dispositions prévues à l'article 58 relatives à l'accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès.

Cet article introduit par l'Assemblée nationale résulte d'un amendement présenté par M. Claude Evin, rapporteur.

Il vise à inscrire dans le code des assurances -qui serait « code suiveur »- un chapitre III intitulé « Accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès » , comprenant un article unique L. 133-1 qui reproduit les articles L. 1141-1 à L. 1141-3 du code de la santé publique, désignés comme « code pilote », tels qu'ils résultent de l'article 58 du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 58 ter (nouveau)
Prescription décennale pour les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels et établissements de santé

Objet : Cet article fixe à dix ans le délai de prescription pour les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels ou des établissements de santé à l'occasion d'actes ou de soins médicaux.

Cet article introduit par l'Assemblée nationale résulte d'un amendement présenté par M. Claude Evin, rapporteur.

Il vise à unifier les délais de prescription de la responsabilité des médecins ou des établissements de santé à l'occasion d'actes ou de soins médicaux.

Ce délai est actuellement de trente ans en matière contractuelle, de dix ans en matière délictuelle et de quatre ans en matière administrative, ce qui génère, pour les victimes, une inégalité insupportable.

Un délai uniforme de prescription de dix ans devrait permettre de stabiliser les règles de mise en oeuvre de la responsabilité civile des professionnels de santé.

Une disposition similaire figurait à l'article 3 de la proposition de loi de M. Claude Huriet relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale, adoptée par le Sénat le 26 avril 2001.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 59
(titre VI nouveau du livre II du code des assurances)
Obligation d'assurance et bureau central de tarification

Objet : Cet article introduit dans le code des assurances l'obligation d'assurance en responsabilité civile médicale et crée un bureau central de tarification.

I - Le dispositif proposé

Cet article crée un titre VI au livre II dans le code des assurances.

Le chapitre Ier de ce nouveau titre, relatif à « l'obligation de s'assurer » , comporte l'article L. 261-1 qui reprend, en tant que code « suiveur », les dispositions de l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, créé à l'article 58 du projet de loi, sur l'obligation d'assurance.

Le chapitre II, relatif à l'obligation d'assurer et au bureau central de tarification comporte un article L. 262-1 qui tire les conséquences de l'obligation de s'assurer en créant un bureau de tarification chargé de « fixer le montant de la prime moyennant laquelle l'entreprise d'assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé. »

Ce système permet de régler les cas de professionnels rencontrant des difficultés pour s'assurer Après deux refus, les professionnels concernés pourront saisir cet organisme qui fixera la prime et désignera l'organisme d'assurance.

Il existe aujourd'hui trois bureaux communs de tarification pour l'assurance automobile (L. 212-1 du code des assurances), pour les catastrophes naturelles (L. 125-6 du même code) et pour l'assurance construction (L. 243-4).

Le chapitre II comporte également un article L. 262-2 prévoyant des sanctions administratives pour les entreprises qui maintiendraient leur refus même après intervention du bureau de tarification.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter à cet article trois amendements de coordination avec les amendements adoptés à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 60
Date d'application

Objet : Cet article introduit une date d'application rétroactive du dispositif d'indemnisation.

I - Le dispositif proposé

Le premier alinéa de cet article prévoit que les dispositions de l'article 58 s'appliqueront aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées au plus tôt six mois avant la publication de la loi. Toutefois, cette rétroactivité ne concerne pas :

- les dispositions relatives aux tests génétiques ;

- la convention conclue entre l'Etat, les associations de malades et les organismes représentant les entreprises d'assurances ;

- l'obligation d'assurance des professionnels et des établissements ;

- les dispositions pénales.

Toutes ces dispositions s'appliqueront aux accidents postérieurs à l'entrée en vigueur des dispositions correspondantes.

Le deuxième alinéa prévoit que l'interdiction de tenir compte des résultats de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne, dans le cadre des contrats d'assurance, s'applique aux contrats en cours à la date de parution de la loi.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement de coordination avec l'insertion par l'Assemblée nationale de l'article 58 ter , relatif à la prescription décennale pour les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels et établissements de santé.

Cet amendement précise que les dispositions de l'article 58 ter sont également applicables aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées au plus tôt six mois avant la publication de la loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 61
Contamination par le virus de l'hépatite C

Objet : Cet article crée une présomption d'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C suite à une transfusion sanguine ou à une injection de produits dérivés du sang, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi.

I - Le dispositif proposé

Le présent article a pour vocation d'établir le principe d'une présomption d'imputabilité lors d'une contamination par le virus de l'hépatite C suite à une transfusion sanguine ou à une injection de produits dérivés du sang.

Cette disposition ne concerne naturellement que les contaminations passées, les futures contaminations -elles sont heureusement aujourd'hui très rares- auront vocation à être prises en charge dans le cadre du dispositif prévu par l'article 58.

Le présent article prévoit que, une fois prouvée l'existence d'une transfusion précédant la contamination, il incombe à l'organisme fournisseur des produits sanguins responsable de la transfusion s'il le croit fondé, de prouver que celle-ci n'est pas à l'origine de la contamination. Il est par ailleurs expressément prévu que, en cas de doute, celui-ci profite à la victime.

Cette disposition devrait faciliter les recours contentieux des victimes et accélérer les procédures juridictionnelles.

Il vient stabiliser une jurisprudence récente de la Cour de cassation, (9 mai 2001) visant à renverser la charge de la preuve. En effet, selon la Cour, lorsqu'une personne démontre, d'une part, que la contamination virale dont elle est atteinte est survenue à la suite de transfusions sanguines, d'autre part, qu'elle ne présente aucun mode de contamination qui lui soit propre, il appartient au centre de transfusion sanguine, dont la responsabilité est recherchée, de prouver que les produits sanguins qu'il a fournis étaient exempts de tout vice.

Le Conseil d'Etat (AP-HP/Mme Sandes 15 janvier 2001) a en revanche rejeté le principe d'une telle inversion de la charge de la preuve.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Cet article est sans doute le plus décevant de ce titre III puisqu'il n'apporte pas de véritable réponse à la situation des personnes contaminées par l'hépatite C.

Certes, la disposition prévue par le présent article va indubitablement faciliter les actions en justice menées par les victimes pour obtenir une indemnisation. Il n'y a là cependant rien de véritablement nouveau : le projet de loi ne fait qu'inscrire dans la loi la jurisprudence désormais établie de la Cour de cassation.

Votre rapporteur juge pour sa part qu'une prise en charge par la solidarité nationale de l'indemnisation des personnes contaminées par ce virus aurait été nettement préférable.

Le Gouvernement semble avoir reculé devant le coût financier d'une telle solution et se contente avec cet article d'une mesure symbolique : il était en effet politiquement difficile pour lui de présenter un dispositif consacré à l'indemnisation de l'aléa médical sans prévoir une disposition spécifique pour les victimes de l'hépatite C.

Pour sa part, votre commission vous proposera d'adopter un amendement substituant aux mots : « qui laissent supposer que cette contamination » les mots : « qui permettent de présumer que cette contamination » . Cette rédaction permettra aux victimes de faire plus aisément prévaloir leurs droits.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 62
(art. L. 311-9 du code de la santé publique)
Réparation d'un dommage imputable à une vaccination obligatoire

Objet : Cet article confie à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales l'indemnisation des victimes d'accidents consécutifs à une vaccination obligatoire.

La loi n° 64-643 du 1 er juillet 1964 a institué un régime d'indemnisation de plein droit pour les dommages imputables à une vaccination obligatoire.

Ainsi, l'article L. 3111-9 du code de la santé publique dispose que « sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire (...) est supportée par l'Etat » .

Le présent article complète cet article par un alinéa précisant que cette réparation est désormais versée pour le compte de l'Etat par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, dans des conditions définies par une convention conclue avec l'Etat.

Le financement de cette réparation restera in fine à la charge de l'Etat.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 62
(art. L. 311-9 du code de la santé publique)
Indemnisation des professionnels de santé vaccinés contre l'hépatite B

Votre commission vous propose d'adopter un amendement qui tend à insérer un article additionnel après l'article 62 afin d'étendre le mécanisme d'indemnisation par l'Etat des accidents causés par une vaccination obligatoire, prévu par l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, aux personnels hospitaliers et assimilés auxquels la vaccination contre l'hépatite B a été imposée, notamment sur la base d'une circulaire du ministère de la Santé en date du 15 juin 1982 (bulletin officiel le 14 août 1982).

Il résulte d'une demande exprimée par M. Bernard Stasi, Médiateur de la République, auprès de votre rapporteur.

A l'heure actuelle en effet, seuls bénéficient du droit à indemnisation institué par l'article L. 3111-9 précité les professionnels de santé victimes d'une affection provoquée par une vaccination postérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 1991, puisque c'est l'article premier de ce texte (aujourd'hui codifié sous l'article L. 3111-4 du code de la santé publique) qui a rendu cette vaccination obligatoire pour les intéressés. Une interprétation bienveillante a permis d'étendre le droit à indemnisation aux professionnels de santé vaccinés avant la date précitée, mais ayant fait l'objet d'un rappel de vaccination postérieur.

Ne se trouve cependant toujours pas pris en compte le cas particulier des personnels hospitaliers qui ont agi en conformité avec la circulaire susvisée, laquelle leur recommandait « fortement » la vaccination en cause, dès lors qu'ils n'ont pas fait l'objet d'un rappel postérieur à la date d'entrée en application de la loi du 18 janvier 1991.

Les éléments concordants dont dispose votre rapporteur montrent que, dans la réalité, cette forte recommandation a été systématiquement interprétée comme une obligation de fait. Il apparaît dès lors injustifié et contraire au principe d'équité de continuer à exclure les personnes concernées du dispositif l'indemnisation par l'Etat.

Votre rapporteur vous propose en conséquence de prévoir que les dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique sont applicables aux personnes visées à l'article L. 3111-4 du même code qui ont été vaccinées contre l'hépatite B avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. 63
Disposition transitoire concernant la liste nationale d'experts
en accidents médicaux

Objet : Cet article comporte des dispositions transitoires relatives aux experts en accidents médicaux .

I - Le dispositif proposé

Cet article prévoit la possibilité d'inscrire sur la liste nationale d'experts en accidents médicaux, dans les trois premières années suivant la promulgation de la loi, des experts qui ne seraient pas déjà inscrits sur une liste d'experts judiciaires. Cette disposition transitoire vise à renouveler et à élargir le corps d'experts.

Ces experts devront pour être maintenus sur la liste nationale au-delà de cette période transitoire, obtenir dans l'intervalle leur inscription sur une liste d'experts judiciaires.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de votre commission

Aux yeux de votre rapporteur, le délai de trois ans fixé pour la période transitoire paraît trop long et de nature à vider de toute portée la réforme de l'expertise prévue par le projet de loi.

Il vous propose par conséquent d'adopter un amendement ramenant ce délai de trois ans à un an.

Votre rapporteur estime en outre qu'il serait souhaitable que les experts inscrits à titre dérogatoire sur la liste nationale d'experts en accidents médicaux obtiennent rapidement une inscription sur l'une des listes d'experts judiciaires : un délai de deux ans paraît à cet égard préférable à un délai de trois ans et il vous propose d'adopter un amendement en ce sens.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER
-CHAPITRE PREMIER
-
Départements d'outre-mer

Les départements d'outre-mer n'ont pas été formellement consultés sur les dispositions de ce projet de loi. Une telle consultation intervient généralement lors de la préparation des décrets d'application. Votre commission observe à cet égard que le délai laissé aux départements d'outre-mer pour examiner ces projets de décret n'est pas toujours suffisant pour rendre cette consultation effective. Cette remarque de plusieurs sénateurs des DOM devrait amener le Gouvernement à mieux organiser le dialogue entre les institutions nationales et les collectivités territoriales de l'outre-mer.

Art. 64
(art. L. 4211-8, L. 4212-6, L. 4221-15, L. 4311-9, L. 4311-10, L. 4321-7,
L. 4322-6, L. 4362-7 et L. 4362-8 du code de la santé publique)
Dispositions de coordination

Objet : Cet article abroge neuf articles du code de la santé publique devenus inutiles qui fixaient des dispositions dérogatoires aux conditions d'exercice de certaines professions de santé dans les départements d'outre-mer.

I - Le dispositif proposé

Le présent article abroge neuf articles du code de la santé publique qui fixaient des dispositions dérogatoires aux conditions de droit commun d'exercice de certaines professions de santé dans les départements d'outre-mer. Comme le souligne le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi, ces articles « ont été nécessaires dans les années 1960 et 1970 pour pallier le manque de professionnels de santé installés localement ou permettre à un certain nombre de personnes non qualifiées de continuer à exercer leur profession ». 33 ( * )

L'article L. 4211-8 autorisait dans les DOM « à titre exceptionnel » des non-pharmaciens à détenir, sous conditions, des médicaments en dépôt.

L'article L. 4212-6 prévoyait les sanctions dont était passible le non-respect des dispositions de l'article L. 4211-8 précité.

L'article L. 4221-15 également n'a plus lieu d'être puisqu'il autorisait les titulaires du diplôme de pharmacien local à exercer leur vie durant dans les mêmes conditions que les pharmaciens pourvus du diplôme d'Etat.

Les problèmes d'effectifs concernaient également les professions d'infirmiers, de masseurs, de pédicures-podologues et d'opticiens lunetiers. C'est pourquoi les articles L. 4311-10, L. 4321-7, L. 4322-6, L. 4362-7 et L. 4362-8 prévoyaient des dérogations permettant l'exercice de ces professions, sous réserve d'une expérience suffisante.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Si des circonstances exceptionnelles ont pu justifier en leur temps des dérogations aux conditions de l'exercice de certaines professions de santé, il va de soi que ces dispositions n'avaient pas vocation à perdurer.

Votre commission vous propose par conséquent d'adopter cet article sans modification.

Art. 65
(art. L. 4124-12 et L. 4121-13 nouveaux du code de la santé publique)
Adaptation aux départements d'outre-mer
des dispositions du présent projet relatives
à l'organisation régionale des ordres médicaux

Objet : Cet article vise à adapter aux départements d'outre-mer l'article 30 du présent projet de loi qui prévoit la constitution d'un conseil régional de l'ordre des médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes chargé de le gestion des fonctions administratives de chacun de ces ordres.

I - Le dispositif proposé

L'article 30 du présent projet de loi qui a pour objet de réformer les instances régionales des conseils de l'ordre compétents à l'égard des trois professions médicales doit être adapté aux départements d'outre-mer.

Le présent article insère à cette fin deux nouveaux articles dans le code de la santé publique. L'article L. 4124-12 est relatif à la Réunion tandis que l'article L. 4124-13 traite des Antilles et de la Guyane.

Pour réaliser cette adaptation, le Gouvernement a choisi de reprendre l'économie de l'organisation des anciens conseils régionaux des ordres des professions de santé (cf. art. L. 4124-9 et L. 4124-10 du code de la santé publique) que le présent projet de loi transforme en chambres disciplinaires de première instance.

Compte tenu du nombre de praticiens exerçant localement rapporté à la superficie de ces régions monodépartementales, le Gouvernement propose de conserver l'organisation actuelle prévoyant un conseil régional de l'ordre pour les Antilles-Guyane et la compétence du conseil régional de l'ordre de la région Ile-de-France pour la Réunion. Ces adaptations sont de nature législative car elles dérogent aux dispositions législatives du code de la santé publique, aucune région d'outre-mer n'étant dotée d'un conseil régional de l'ordre. Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, cette position a été confirmée par le Conseil d'Etat lors de son examen des ordonnances n° 2000-189 du 2 mars 2000 et n° 2000-548 du 15 juin 2000.

Art. L. 4124-12 du code de la santé publique
Conseil régional de l'ordre compétent pour la Réunion

Cet article institue le conseil régional de l'ordre compétent pour la Réunion.

En vertu du premier alinéa, les médecins de la Réunion sont soumis à la compétence du conseil régional de l'ordre des médecins de la région Ile-de-France.

En vertu du deuxième alinéa, les chirurgiens-dentistes de la Réunion sont soumis à la compétence du conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes de la région Ile-de-France.

En vertu du troisième alinéa, les sages-femmes de la Réunion sont soumises à la compétence du conseil interrégional de l'ordre des sages-femmes de la région Ile-de-France.

En vertu du quatrième alinéa, les membres du conseil départemental de l'ordre des médecins, de l'ordre des chirurgiens-dentistes et de l'ordre des sages-femmes de la Réunion participent à l'élection des délégués des conseils départementaux de Paris au conseil régional ou interrégional de la région Ile-de-France de chacun de ces ordres.

Art. L. 4124-13 du code de la santé publique
Ordre régional compétent pour les Antilles-Guyane

Cet article institue l'ordre compétent pour les Antilles-Guyane.

En vertu du premier alinéa, les médecins et les chirurgiens-dentistes de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique sont soumis à la compétence d'un conseil interrégional de l'ordre des médecins et d'un conseil interrégional de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Antilles-Guyane dont les modalités d'élection et de fonctionnement, les attributions et les compétences sont identiques à celles des conseils régionaux de métropole de ces deux ordres.

En vertu du deuxième alinéa, les sages-femmes de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique sont soumises à la compétence du conseil interrégional de l'ordre des sages-femmes de la région Ile-de-France. Elles participent à l'élection des délégués des conseils départementaux de Paris au conseil interrégional de la région Ile-de-France de cet ordre.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a modifié cet article à deux reprises. Une première fois elle a substitué la notion de « conseil » à celle d' « ordre » dans tous les alinéas concernés en coordination avec la modification adoptée dans les autres articles du texte. Puis, au cours d'une seconde délibération, elle a adopté un amendement présenté par le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Denis, qui supprime la notion de conseil.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose de rétablir dans l'ensemble de cet article la notion d'« ordre » pour chacune des professions médicales par coordination avec ce qu'elle vous a proposé dans les autres articles du présent projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article 65 ainsi amendé.

Art. 65 bis (nouveau)
(art. L. 4132-1 du code de la santé publique)
Représentation des départements d'outre-mer
au Conseil national des médecins

Objet : Cet article additionnel prévoit que chaque département d'outre-mer est représenté au Conseil national de l'ordre des médecins.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a introduit cet article issu d'un amendement présenté par le gouvernement qui tend à améliorer la représentation des régions d'outre-mer, de préférence à un amendement ayant un objet proche, présenté par M. Alfred Marie-Jeanne, député de la Martinique.

Cet article vise à modifier l'article L. 4132-1 du code de santé publique relatif à la composition du Conseil national de l'ordre des médecins. Il porte de deux à quatre le nombre des représentants des départements d'outre-mer, c'est-à-dire un pour chacun de ces départements.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve de modifications rédactionnelles, de précision.

Il convient en effet de prévoir que, compte tenu du doublement de la représentation des départements d'outre-mer, les effectifs du Conseil national de l'ordre sont portés de trente-huit à quarante membres. Par ailleurs, il semble logique de doubler également le nombre des membres suppléants des membres titulaires issus des départements d'outre-mer.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé .

Art. 66
(art. L. 4393-4, L. 4393-5 et L. 4396-3 nouveaux du code de la santé publique)
Adaptation aux départements d'outre-mer
des dispositions du présent projet relatives
à la création de l'office des professions paramédicales

Objet : Cet article prévoit les modalités d'adaptation des dispositions du projet de loi concernant l'office de certaines professions paramédicales aux départements d'outre-mer.

I - Le dispositif proposé

Cet article adapte aux départements d'outre-mer les modalités d'application de l'article 49 du présent projet de loi, qui porte création d'un office des professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, orthophoniste, orthoptiste et pédicure-podologue.

Au demeurant, le nombre limité de praticiens y exerçant suppose la mise en oeuvre d'adaptations les rattachant à des organismes régionaux métropolitains.

A cette fin, il insère dans le code de la santé publique trois articles L. 4393-4, L. 4393-5 et L. 4396-3 nouveaux.

Art. L. 4393-4 du code de la santé publique
Conditions de constitution des instances de l'office

Cet article détermine les conditions de constitution des instances de l'office, et, lorsque cela n'est pas possible, les conditions de rattachement des professions concernées à des organismes régionaux métropolitains.

Le premier alinéa dispose que l'office des professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste ne peut être constitué dans chacun des départements d'outre-mer que lorsque le nombre de praticiens de chacune des professions représentées remplissant chacune les conditions d'éligibilité prévues à l'article L. 4392-1 nouveau du code de santé publique (être inscrit sur le fichier de l'ordre depuis trois ans au moins) est au moins le double de l'effectif minimal prévu pour les représentants de ces professions, titulaires et suppléants, au sein d'une assemblée interprofessionnelle régionale.

Le second alinéa prévoit, qu'aussi longtemps que ces conditions ne sont pas réunies, les professions concernées de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion sont soumises à la compétence de l'assemblée interprofessionnelle, des collèges professionnels et de la chambre disciplinaire de première instance de la région Ile-de-France.

Art. L. 4393-5 du code de la santé publique
Représentation de l'Etat et des usagers des départements d'outre-mer
au sein des assemblées professionnelles régionales

Cet article détermine les conditions de représentation de l'Etat et des usagers des départements d'outre-mer au sein des assemblées professionnelles régionales les concernant.

A cette fin, il prévoit que le représentant de l'Etat dans chacune des régions d'outre-mer ou son représentant ainsi que des usagers qu'il désigne dans les conditions prévues par l'article L. 4393-2 nouveau du code de la santé publique (les représentants des usagers sont désignés par le représentant de l'Etat dans la région sur proposition des associations agrées mentionnées à l'article L. 1114-1 de ce code) assistent aux séances de l'assemblée professionnelle régionale avec voix consultative.

Art. L. 4396-3 du code de la santé publique
Accès aux fichiers de l'office des professions d'infirmier,
masseur-kinésithérapeute, orthophoniste, orthoptiste
et pédicure-podologue

Cet article détermine les conditions dans lesquelles le représentant de l'Etat dans chaque région d'outre-mer a accès au fichier de l'office.

L'alinéa unique de cet article prévoit que le représentant de l'Etat dans chaque région d'outre-mer a un droit permanent d'accès au fichier de l'office concernant les professionnels exerçant dans sa région et a le droit d'en obtenir une copie. Il publie cette liste une fois par an et la tient à la disposition du public.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sous réserve d'une modification de dénomination : par coordination avec la terminologie qu'elle a retenue à l'article 49, elle a remplacé la notion d'office par celle de conseil.

III - La position de votre commission

Par coordination avec sa propre position sur l'article 49, votre commission vous propose de faire référence à l'ordre compétent pour les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues, les orthophonistes et les orthoptistes. Par voie de conséquence, elle vous proposera de faire référence au « tableau de l'ordre » en lieu et place du « fichier du conseil ».

Votre commission vous propose d'adopter le présent article 66 ainsi amendé.

CHAPITRE II

Collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon

La collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon n'a pas été formellement consultée sur les dispositions de ce chapitre, comme l'a confirmé le sénateur Victor Reux à votre rapporteur. Il n'existe pas, en effet, d'obligation de consultation préalable pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

Art. 67
(art. L. 4124-14 nouveau du code de la santé publique)
Adaptation à Saint-Pierre-et-Miquelon
des dispositions du présent projet relatives
à l'organisation régionale des ordres médicaux

Objet : Cet article vise à adapter à Saint-Pierre-et-Miquelon les dispositions du présent projet de loi qui prévoient la constitution d'un conseil régional de l'ordre des médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes chargé de le gestion des fonctions administratives de chacun de ces ordres.

I - Le dispositif proposé

Le texte du projet de loi propose d'adapter à Saint-Pierre-et-Miquelon la constitution d'un conseil régional des ordres des médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes chargé de la gestion des fonctions administratives de chacun des ordres telle qu'elle résulte des dispositions de l'article 30 du présent projet de loi.

A l'instar de la solution retenue pour les départements d'outre-mer, le Gouvernement a choisi de reprendre l'économie de l'organisation des anciens conseils régionaux des ordres de professionnels de santé en y ajoutant une adaptation permettant l'exercice à un niveau local des fonctions de représentation dévolues aux conseils régionaux par l'article L. 4124-11 nouveau du code de la santé publique créé par l'article 30 précité.

A cette fin, le présent article insère, à la fin du chapitre IV du titre II du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique, un article L. 4124-14 nouveau.

En vertu du premier alinéa de cet article, les médecins de Saint-Pierre-et-Miquelon sont soumis à la compétence du conseil régional et de la chambre de discipline de première instance de l'ordre des médecins de la région Basse-Normandie.

En vertu du deuxième alinéa, les chirurgiens-dentistes de Saint-Pierre-et-Miquelon sont soumis à la compétence du conseil régional et de la chambre de discipline de première instance de l'ordre des chirurgiens-dentistes de la région Basse-Normandie.

En vertu du troisième alinéa, les sages-femmes de Saint-Pierre-et-Miquelon sont soumises à la compétence du conseil interrégional et de la chambre de discipline de première instance de l'ordre des sages-femmes de la région Basse-Normandie.

En vertu du quatrième alinéa, jusqu'à la constitution d'un conseil de l'ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes à Saint-Pierre-et-Miquelon, un praticien y exerçant, désigné par la délégation prévue à l'article L. 4123-15 en ce qui concerne les médecins, l'ensemble des praticiens de la profession considérée y exerçant en ce qui concerne les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, participent à l'élection des délégués des conseils départementaux du Calvados au conseil régional ou au conseil interrégional et de la chambre de discipline de première instance de Basse-Normandie de chacun de ces trois ordres.

En vertu du quatrième alinéa, la fonction de représentation de l'ordre prévue à l'article L. 4124-11 est exercée dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon par le conseil de l'ordre de l'archipel. En l'absence d'un tel conseil, elle est exercée par la délégation de trois médecins prévue à l'article L. 4123-15, par un chirurgien-dentiste et par une sage-femme désignés par le préfet de la collectivité territoriale après avis du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ou des sages-femmes.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au cours d'une première délibération, l'Assemblée nationale a remplacé le terme « ordre » par le terme « conseil » dans l'intitulé de l'organe chargé d'examiner les questions disciplinaires relatives aux professions médicales. L'expression « chambre de discipline de première instance du conseil des médecins » a ainsi remplacé l'expression « chambre de discipline de première instance de l'ordre ».

Au cours d'une seconde délibération, l'Assemblée nationale a procédé à de nouvelles modifications terminologiques supprimant une référence à un « conseil » qui apparaissait redondante dans les dénominations comme « conseil national du conseil » (cf. commentaire de l'article 9 bis ci-dessus).

III - La position de votre commission

Par coordination, avec ce qu'elle vous a proposé pour les autres articles de ce projet de loi, votre commission vous propose de rétablir le terme d'« ordre » à la place de celui de « conseil » dans chacun des alinéas concernés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 68
(art. L. 4133-8 nouveau du code de la santé publique)
Conseil régional de la formation médicale continue
territorialement compétent

Objet : Cet article vise à permettre que la formation médicale continue à Saint-Pierre-et-Miquelon relève d'un conseil régional métropolitain compte tenu des effectifs concernés.

Cet article permet au décret pris en application de l'article L. 4133-8 nouveau du code de la santé publique, créé par l'article 40 du présent projet de loi, de préciser quel conseil régional de la formation médicale continue est compétent pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

A cette fin, il ajoute à l'article L. 4133-8 précité, relatif aux organes de la formation médicale continue, la mention du conseil régional compétent pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

En effet, la taille de l'archipel et le faible nombre de médecins y exerçant rendent difficile l'organisation de la formation continue à l'échelon local. Il est donc nécessaire que celle-ci fasse l'objet d'une prise en charge par une structure métropolitaine.

D'après les informations fournies par le Gouvernement, c'est la région Basse-Normandie qui devrait être retenue. En effet, la plupart des natifs de l'archipel venant faire des études en métropoles sont orientés vers cette région lorsque les cursus universitaires qu'ils souhaitent poursuivre y sont représentés.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 69
(art. L. 4393-6, L. 4393-7, L. 4393-8, L. 4396-4 et 4396-5 nouveaux
du code de la santé publique
Adaptation à Saint-Pierre-et-Miquelon
des dispositions du présent projet relatives
à la création de l'office des professions paramédicales

Objet : Cet article prévoit les modalités d'adaptation des dispositions du présent projet de loi concernant l'office de certaines professions médicales à Saint-Pierre-et-Miquelon dans les mêmes conditions que l'article 66 pour les départements d'outre-mer.

I - Le dispositif proposé

Cet article adapte à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les mêmes conditions que les départements d'outre-mer à l'article 66 du présent projet de loi, les modalités d'application de l'article 49 du présent projet, qui porte création d'un office des professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, orthophoniste, orthoptiste et pédicure-podologue.

Le nombre limité de praticiens y exerçant suppose la mise en oeuvre d'adaptations les rattachant à des organismes régionaux métropolitains. A cette fin, cet article insère dans le code de la santé publique cinq articles L. 4393-6, L. 4393-7, L. 4393-8, L. 4396-4 et 4396-5 nouveaux.

Le I de cet article complète le chapitre III du titre IX du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique par les articles L. 4393-6, L. 4393-7 et L. 4393-8 nouveaux.

Art. L. 4393-6 du code de la santé publique
Conditions de constitution des instances de l'office

Cet article détermine les conditions de constitution des instances de l'office, et, lorsque cela n'est pas possible, les conditions de rattachement des professions concernées à des organismes régionaux métropolitains.

Le premier alinéa dispose que l'office des professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste ne peut être ne peut être constitué dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon que lorsque le nombre de praticiens de chacune des professions représentées remplissant les conditions d'éligibilité prévues à l'article L. 4392-1 nouveau du code de la santé publique (être inscrit sur le fichier de l'ordre depuis trois ans au moins) est au moins le double de l'effectif minimal prévu pour les représentants de ces professions, titulaires et suppléants, au sein d'une assemblée interprofessionnelle régionale.

Le second alinéa prévoit qu'aussi longtemps que ces conditions ne sont pas réunies, les professions concernées de Saint-Pierre-et-Miquelon sont soumises à la compétence de l'assemblée interprofessionnelle, des collèges professionnels et de la chambre disciplinaire de première instance de la région Ile-de-France.

Art. L. 4393-7 du code de la santé publique
Représentation de l'Etat et des usagers
de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon
au sein de l'assemblée professionnelles régionale

Cet article détermine les conditions de représentation de l'Etat et des usagers au sein de l'assemblée professionnelle les concernant.

A cette fin, il prévoit que le représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ou son représentant ainsi que des usagers qu'il désigne dans les conditions prévues par l'article L. 4393-2 nouveau du code de la santé publique -les représentants des usagers sont désignés par le représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale sur proposition des associations agréées mentionnées à l'article L. 114-1 de ce code- assistent aux séances de l'assemblée professionnelle régionale avec voix consultative.

Art. L. 4396-8 du code de la santé publique
Détermination par un décret en Conseil d'Etat
des conditions d'application du présent chapitre

Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions d'application du présent chapitre.

Le II de cet article insère au chapitre VI du titre IX du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique les articles L. 4396-4 et L. 4396-5 nouveaux.

Art. L. 4396-4
Accès au fichier de l'office des professions d'infirmier,
masseur-kinésithérapeute, orthophoniste, orthoptiste
et pédicure-podologue

Cet article détermine les conditions dans lesquelles le représentant de l'Etat dans l'archipel accède au fichier de l'office des professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, orthophoniste, orthoptiste et pédicure-podologue.

Le représentant de l'Etat dans la collectivité locale de Saint-Pierre-et-Miquelon a un droit d'accès permanent au fichier de l'office concernant les professionnels exerçant dans la collectivité territoriale et le droit d'en établir une copie.

Il publie cette liste une fois par an, assure sa mise à jour et la tient à la disposition du public.

Art. L. 4396-5
Dispositions réglementaires

Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions d'application du présent article après consultation de la commission nationale de l'informatique et des libertés.

Cette consultation concerne les fichiers des offices mentionnés aux articles 49 (offices métropolitains), 66 (offices d'outre-mer) et au présent article (office de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon) du présent projet de loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Par coordination, l'Assemblée nationale a remplacé les termes « de l'office » par ceux « du conseil ».

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose, par coordination également, d'adopter un amendement qui substitue aux termes « du conseil » l'expression « de l'ordre » ainsi qu'un amendement qui vous propose de substituer au terme « fichier » celui de « tableau ».

Par ailleurs, elle vous proposera d'adopter un amendement qui supprime la référence au terme « paramédicales » pour désigner certaines professions, qualificatif considéré par les professions concernées comme péjoratif.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 70
(ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977
portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon
de diverses dispositions relatives aux affaires sociales
Attribution à la caisse d'assurance maladie
d'une mission générale d'information des assurés sociaux

Objet : Cet article adapte à Saint-Pierre-et-Miquelon les conditions d'application de l'article 28 du présent projet de loi relatif à la mission d'information des assurés reconnue aux caisses de sécurité sociale.

Cet article adapte à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon les dispositions de l'article 28 du présent projet de loi qui insère dans le code de la sécurité sociale un article L. 162-1-11 ayant pour objet d'attribuer aux caisses de sécurité sociale une mission générale d'information des assurés.

Afin d'appliquer les dispositions de cet article à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, il y a lieu de le préciser et de l'adapter.

De fait, l'archipel dispose d'un régime de protection sociale qui lui est propre et qui ne reçoit pas l'application de l'ensemble des dispositions du code de la sécurité sociale. Il n'existe qu'une caisse de sécurité sociale, la caisse de prévoyance sociale qui gère de nombreux risques (maladie, retraite, accidents du travail...).

Le présent article insère dans l'ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales un article 8-3 relatif à l'article L. 162-1-11 du code de la sécurité sociale.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 71
(art. L. 531-6 du code de l'action sociale et des familles)
Comité régional de l'organisation de l'action sociale et médico-sociale

Objet :Cet article vise à adapter l'article 28 à Saint-Pierre-et-Miquelon dans ses dispositions relatives au Comité régional de l'organisation de l'action sociale et médico-sociale.

Cet article adapte à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon le transfert des missions dévolues à la section sociale des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale à de nouvelles instances dénommées « comités régionaux de l'organisation de l'action sanitaire et sociale » effectué par l'article 28 du présent projet de loi.

A cet effet, il ajoute à l'article L. 531-6 du code de l'action sociale et des familles, qui prévoit la précision par décret des conditions d'application de ce code à la collectivité territoriale Saint-Pierre-et-Miquelon, la mention du comité régional de l'organisation de l'action sanitaire et sociale.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 72
(art. L. 1142-13 du code de la santé publique)
Adaptation à Saint-Pierre-et-Miquelon
des dispositions relatives à la commission régionale de conciliation
et d'indemnisation des accidents médicaux

Objet : Cet article prévoit la compétence de la commission régionale de Basse-Normandie en matière de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux.

Cet article adapte à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon les dispositions de l'article 58 du présent projet de loi portant création de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux.

Cette collectivité ne connaissant pas d'organisation administrative régionale, il est nécessaire de préciser que la commission régionale de Basse-Normandie exerce cette compétence.

A cette fin, le présent article complète la section 2 du chapitre II du titre IV du livre I er de la première partie du code de la santé publique un article L. 1142-13 nouveau.

Cet article prévoit que, pour leur application à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, les compétences dévolues par l'article L. 1142-5 à la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sont exercées par la commission régionale de Basse-Normandie.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 73
(loi n° 71-948 du 29 juin 1971 modifiée relative aux experts judiciaires)
Adaptation à Saint-Pierre-et-Miquelon
des dispositions de la loi n° 71-948 du 29 juin 1971 modifiée
relative aux experts judiciaires

Objet : Cet article rend applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires afin de permettre l'application à cette collectivité des dispositions du présent texte relatives à la réparation des accidents médicaux.

Cet article rend applicables à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon les dispositions de la loi n° 71-948 du 29 juin 1971 modifiée relative aux experts judiciaires. Cette application est nécessaire pour la mise en oeuvre dans l'archipel des dispositions du présent projet de loi relatives à la réparation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales.

A cet effet, il ajoute à la loi précitée du 29 juin 1971 un article 8 prévoyant l'application de ses dispositions à Saint-Pierre-et-Miquelon et que, pour son application à cette collectivité, les attributions dévolues à la Cour d'appel sont exercées par le tribunal supérieur d'appel.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE III

Mayotte, territoires d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie

Art. 74
Application des dispositions
du présent projet de loi à Mayotte, aux territoires d'outre-mer
et à la Nouvelle-Calédonie

Objet : Cet article vise à autoriser le Gouvernement à étendre par ordonnance les dispositions du présent projet de loi à Mayotte, aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie.

I - Le dispositif proposé

Cet article a pour objet d'autoriser le Gouvernement à étendre par ordonnances les dispositions du présent projet de loi à Mayotte, aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie.

A cet égard, il convient de rappeler que l'ordonnance concernée ne peut en aucun cas intervenir dans les matières relevant de la compétence des institutions propres de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, notamment la santé publique ou la réglementation des professions et des établissements de santé. Elle n'étend donc dans ces deux collectivités que des dispositions relatives au droit civil ou pénal et aux juridictions ordinales qui sont de la compétence de l'Etat.

Le I de cet article prévoit que, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, et dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnances, à Mayotte, dans les territoires des îles Wallis et Futuna, et des Terres australes et antarctiques françaises et, en tant qu'elles concernent les compétences de l'Etat, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les mesures législatives nécessaires à :

1° L'extension et l'adaptation des dispositions de la présente loi ;

2° L'actualisation des dispositions du code de la santé publique intéressant les ordres des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens ;

3° La création de sections des assurances sociales des chambres de discipline des ordres des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens.

Le II dispose qu'un projet de loi de ratification de ces ordonnances devra être déposé devant le Parlement au plus tard six mois à compter de l'expiration du délai de douze mois mentionné au I ci-dessus.

II- Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a, par coordination, remplacé le terme « ordres » par le terme « conseils ».

III - La position de votre commission

Si la collectivité départementale de Mayotte n'a pas été consultée sur le contenu de ce projet de loi, ce n'est pas le cas d'autres territoires, comme la Polynésie française qui en a été saisie. Lors de sa séance du 20 décembre 2001, l'assemblée de la Polynésie française a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article « dans la mesure où sa rédaction ne préserve pas suffisamment les compétences dévolues » 34 ( * ) par la loi statutaire.

Cet avis doit être interprété comme l'expression d'une vigilance légitime.

Il appartiendra au Parlement de veiller, lors de la ratification des dispositions adoptées par voie d'ordonnance, à être attentif aux prérogatives de ce territoire.

Sous réserve de ce rappel, votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel qui rétablit le terme « ordres » en lieu et place de celui de « conseils » introduit par l'Assemblée nationale.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

*

* *

Votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 17 janvier 2002, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Francis Giraud, Gérard Dériot et Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi n° 4 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

(Première réunion tenue dans la matinée) M. Nicolas About, président , a formulé trois observations liminaires.

Il a, tout d'abord, exprimé une satisfaction, celle de pouvoir débattre de questions de santé, alors que les lois de financement de la sécurité sociale n'ont pu atteindre leur ambition initiale : répondre à la question : « Quels moyens pour quelle politique de santé ? ».

Il a fait part, en second lieu, d'un regret : le projet de loi, annoncé en juin 1999 mais qui n'a été déposé qu'en septembre 2001, fait désormais l'objet d'une discussion au Parlement sous le régime de l'urgence ; la commission n'a pu ainsi procéder à toutes les auditions qu'elle estimait nécessaires notamment des associations de malades ; les rapporteurs ont toutefois pu entendre toutes les personnes qui l'avaient souhaité.

Il s'est fait l'écho enfin d'une inquiétude ; il a observé que le débat actuel sur les droits du malade se déroulait alors que les « fondamentaux » de notre système de santé apparaissent menacés par la persistance de lourds déficits de l'assurance maladie et la très grave crise de confiance qui frappe les professions de santé.

Il a en outre informé la commission de la volonté du Gouvernement que le débat sur l'« arrêt Perruche » se poursuive dans le cadre de l'examen du présent projet de loi et de l'intention, dans ces conditions, des trois rapporteurs de proposer une nouvelle rédaction de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicapés congénitaux.

M. Francis Giraud, rapporteur du titre premier, a indiqué que les chapitres I à IV du titre premier visaient à reconnaître et préciser les droits des personnes malades et plus largement de toute personne dans ses relations avec le système de santé.

Il a considéré que le regroupement dans un texte unique de dispositions déjà existantes dans le droit positif, à travers le code de déontologie ou la jurisprudence, était louable.

Précisant que l'objet du projet de loi était de rétablir l'équilibre dans la relation patient-médecin, il a estimé que ce qui importait d'abord était la confiance mutuelle sur laquelle repose cette relation si particulière. Il a craint que le projet de loi ne crée un déséquilibre au profit du patient et ne contribue à la « judiciarisation », déjà de plus en plus marquée, des relations entre les patients et les professionnels de santé. Il a observé qu'il convenait de tenir compte de la complexité de l'acte médical, dans lequel l'absence de risque n'existe pas, pour lequel le médecin est confronté, en conscience, à des choix commandés par des examens et des symptômes qui ne sont pas toujours convergents, pour lequel, enfin, il n'a qu'une obligation de moyens et non de résultats. Il a ajouté que l'examen de ce texte intervenait dans un climat peu favorable, marqué par la dégradation extrême des relations entre le Gouvernement et les principaux acteurs du monde de la santé et par une multiplication des mises en cause de responsabilité qui inquiètent légitimement les professionnels de santé.

M. Francis Giraud, rapporteur du titre premier, a considéré qu'il n'était pas sans signification que, dans le projet de loi, l'affirmation d'un droit des malades ne s'accompagne pas, en miroir, de l'énoncé des « obligations » ou du moins des responsabilités des patients et usagers afin d'accéder, comme cela est annoncé dans l'exposé des motifs, à « un équilibre harmonieux des responsabilités entre les usagers, les professionnels, les institutions sanitaires et l'Etat ». Il s'est refusé à assimiler l'acte médical à une simple prestation de services comme une autre. Il a annoncé qu'il proposerait, sans bouleverser l'économie du projet de loi, un certain nombre d'amendements souvent de principe.

Abordant l'examen du chapitre V, il a rappelé que ce dernier avait pour objet, selon l'exposé des motifs, d'aménager « la procédure d'élaboration de la politique de santé de manière à mieux y associer la représentation nationale ». Il a constaté que ce chapitre entendait répondre à l'ensemble des critiques portées sur l'absence de lien entre orientations de santé publique et assurance maladie, ainsi que sur le caractère quelque peu opaque de la définition de la politique de santé. Il a estimé que les solutions apportées apparaissaient néanmoins décevantes, puisque le projet de loi se borne à instaurer un « rapport du Gouvernement » sur la politique de santé de l'année suivante, débattu au printemps par le Parlement.

Il a précisé que l'amendement qu'il proposerait à la commission aurait pour objets d'affirmer l'horizon pluriannuel des priorités de santé publique, de mieux distinguer entre l'expertise technique et la prise de décisions politiques et de donner au Parlement toute sa place dans le nouveau dispositif d'élaboration et d'évaluation de la politique de santé.

S'agissant du chapitre VI, relatif à l'organisation régionale de la santé, il a estimé que seule la création des « conseils régionaux de santé », à l'article 25, répondait à l'ambition de l'intitulé du chapitre. Il a considéré que cet article procédait à une réforme pragmatique de la politique régionale de santé, en regroupant au sein de la même instance des compétences jusqu'alors exercées par des organismes disparates. Il a observé, en revanche, que cet article restait muet sur la question de la compétence, ou plus exactement de l'absence de compétence, de la collectivité régionale.

Abordant le titre II relatif à la qualité du système de santé, M. Gérard Dériot, rapporteur pour le titre II , a estimé que ces dispositions apparaissaient largement indissociables des deux autres volets du projet de loi mais a regretté la très faible lisibilité du texte et l'absence de logique évidente présidant à la répartition des diverses dispositions entre les différents titres.

Il a considéré qu'en dépit de leur intitulé ambitieux, les dispositions de ce titre II ne constituaient pas un programme cohérent d'amélioration de la qualité de notre système de santé, mais plutôt un catalogue de mesures disparates. Il a toutefois précisé qu'au-delà de leur diversité, ces mesures étaient souvent intéressantes et méritaient d'être étudiées avec attention.

Il a observé que l'Assemblée nationale n'avait modifié qu'à la marge ce volet, se contentant essentiellement d'adopter quelques amendements de précision et d'introduire quelques articles additionnels, sans en modifier l'équilibre d'ensemble.

Il a indiqué que les trois premiers chapitres de ce titre II concernaient les professions de santé.

Observant que, parmi ces dispositions, le seul chapitre véritablement cohérent était celui sur la formation médicale continue, il a précisé que le dispositif proposé en la matière par le projet de loi était très proche de celui qu'avait souhaité introduire le Sénat dans le projet de loi de modernisation sociale pour remplacer le dispositif de formation issu de l'ordonnance du 24 avril 1996 qui n'avait jamais été appliqué. Il a donc estimé que le Sénat ne pouvait être que favorable à son économie générale, même s'il était nécessaire d'y apporter certaines précisions.

Il a rappelé que les dispositions des chapitres premier et III tendaient pour l'essentiel à mieux encadrer les conditions d'exercice des professionnels de santé dans un souci de sécurité des patients.

Il a notamment insisté sur l'article 32 qui institue une nouvelle procédure de suspension administrative du droit d'exercer pour les professions de santé, en cas d'urgence et de danger grave pour les patients, sur l'article 33 confiant aux ordres professionnels la mission de garantir les compétences des praticiens, sur l'article 36 instituant une nouvelle procédure d'autorisation préalable des installations de chirurgie esthétique et sur l'article 52 bis cherchant à encadrer l'exercice de l'ostéopathie. Il a alors indiqué qu'il proposerait à la commission de préciser ces nouvelles procédures dans un double souci de sécurité des patients et de renforcement des garanties offertes aux professionnels.

Il a également observé que ces deux chapitres poursuivaient la réforme des structures ordinales, tout en regrettant que cette réforme soit éclatée au sein de deux titres différents.

Il a souligné que cette réforme concernait l'ordre des médecins, avec notamment la séparation des instances administratives des instances disciplinaires, mais aussi l'ordre des pharmaciens avec la création d'une nouvelle section H pour les pharmaciens hospitaliers, ou la création d'un office pour certaines professions paramédicales, office qui est en réalité un ordre sans en avoir pour autant le nom. Sur ces points, il a souligné qu'il proposerait, là encore, de préciser la portée de ces réformes tout en s'inscrivant dans leur logique.

Abordant le chapitre V relatif à la prévention, il a regretté que la politique de prévention reste encore le « parent pauvre » des politiques de santé publique. Il a précisé que ce chapitre constituait une première tentative de définition de la prévention, tout en regrettant le caractère inachevé de ce volet du texte qui avait notamment pu être mis en évidence lors des auditions organisées par la commission. Il a notamment regretté la grande confusion sur les responsabilités des différents organismes et sur le sens des concepts utilisés. Il a également jugé essentiel de mieux articuler les outils nécessaires à la politique de prévention que sont les objectifs et les programmes prioritaires nationaux aux orientations de la politique de santé adoptées dans le cadre pluriannuel institué à l'article 24 du projet de loi. Il a ainsi estimé que ces programmes prioritaires pourraient être adoptés dans le cadre de lois pluriannuelles de santé publique.

Rappelant que le chapitre V était relatif aux réseaux de santé, il a considéré que ce chapitre constituait un effort tardif, mais louable, du Gouvernement pour simplifier le droit existant.

Il a également observé que ce chapitre V avait été complété à l'Assemblée nationale par toute une série de dispositions diverses.

En conclusion, M. Gérard Dériot, rapporteur, a précisé que la centaine d'amendements qu'il proposerait à la commission d'adopter sur ce titre visait essentiellement à renforcer la portée de ces dispositions allant, pour la plupart, dans le bon sens ou à en préciser les procédures applicables.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur des titres III et IV, a indiqué que le titre III apportait une réponse à la délicate question de l'aléa médical et de sa réparation.

Il a rappelé que l'aléa médical pouvait être défini comme un événement dommageable au patient sans qu'une maladresse ou une faute quelconque puisse être imputée au praticien, et sans que ce dommage se relie à l'état initial du patient ou à son évolution prévisible. Il a précisé que les victimes des accidents médicaux se voyaient parfois opposer un refus d'indemnisation du fait de l'actuelle inadaptation du droit positif français. Il a observé que cette question, très largement débattue, avait fait l'objet de nombreux projets, dont aucun n'avait abouti, faute d'accord sur une solution satisfaisante pour l'ensemble des partenaires concernés. Il a mentionné l'adoption par le Sénat, au printemps 2001, d'une proposition de loi relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale, due à l'initiative de M. Claude Huriet, qui constituait une avancée remarquable.

Il a présenté les objectifs du titre III : unifier et stabiliser les règles en matière de responsabilité en cas d'accident médical, d'une part, et définir un nouveau droit à indemnisation en cas d'aléa thérapeutique, d'autre part.

Il a précisé que l'article 58 rappelait que la responsabilité des professionnels ou des établissements devait reposer essentiellement sur la notion classique de faute et qu'il instituait une obligation d'assurance responsabilité civile s'imposant à tous les professionnels de santé exerçant à titre libéral, à tous les établissements exerçant des activités de soins ainsi qu'aux producteurs et fournisseurs de produits de santé.

Il a souligné que le projet de loi créait, de manière plus originale, un dispositif de règlement amiable et d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes et d'infections nosocomiales, selon une procédure non contentieuse et non obligatoire, reposant sur des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation. Il a ajouté que les commissions devraient se prononcer, dans un délai de six mois, sur l'étendue des dommages subis par la victime et sur la responsabilité éventuelle d'un professionnel ou d'un établissement de santé et qu'en cas de faute, il revenait à l'assureur du professionnel ou de l'établissement de santé d'indemniser la victime.

Il a expliqué que, dans le cadre d'un aléa médical, la victime serait indemnisée par un office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes, établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre de la santé et dont le financement serait assuré pour l'essentiel par l'assurance maladie.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur des titres III et IV, a considéré que le mécanisme proposé par le Gouvernement était indéniablement complexe et présentait certaines faiblesses qu'il convenait de corriger.

Il a proposé d'inscrire dans la loi une définition des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales, et de réaffirmer avec force que, sauf dans le cas des infections nosocomiales, les professionnels et établissements de santé ne seraient responsables qu'en cas de faute. Il a précisé qu'en revanche, les établissements resteraient tenus à une obligation de résultat de sécurité et seraient donc responsables des dommages résultant des infections nosocomiales, sauf s'ils apportent la preuve d'une cause étrangère.

Il a proposé de fixer dans la loi un plafond pour le taux d'incapacité permanente, qui sert de seuil d'entrée dans le mécanisme de règlement amiable, afin d'éviter qu'un taux trop élevé ne soit finalement retenu par le décret, ce qui exclurait de nombreuses victimes du bénéfice de l'indemnisation. Il a également souhaité limiter, dans les contrats d'assurance en responsabilité civile professionnelle des établissements et des professionnels de santé, les montants et la durée de la garantie, une telle disposition semblant de nature à apaiser les inquiétudes des assureurs médicaux et des professionnels de santé. Il lui est paru nécessaire de limiter le montant de l'amende civile susceptible d'être infligée en cas d'offre insuffisante de l'assureur à ce qui est strictement prévu par la loi dite Badinter du 5 juillet 1985 dont s'inspire directement le dispositif proposé par le Gouvernement.

Il a proposé de prévoir une expertise médicale systématique et contradictoire et d'encadrer plus strictement les dispositions transitoires concernant les experts médicaux afin d'éviter que la réforme de l'expertise prévue par le projet de loi ne soit vidée de toute portée.

Il a constaté que le mécanisme proposé par le Gouvernement présentait une grave lacune, puisqu'il n'apportait pas de véritable réponse à la situation des personnes contaminées par l'hépatite C. Il a observé que le projet de loi, en créant à cette fin un régime de preuve spécifique, souhaitait faciliter l'indemnisation par les juridictions de victimes d'hépatites C dues à des transfusions anciennes, qui rencontrent souvent des difficultés à apporter la preuve de l'imputabilité de leur contamination à une transfusion, mais qu'il ne faisait qu'inscrire dans la loi la jurisprudence désormais bien établie de la Cour de cassation.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur des titres III et IV, a précisé enfin que le titre IV rassemblait des dispositions relatives à l'outre-mer.

M. Alain Gournac a considéré qu'il convenait d'être vigilant afin d'éviter une judiciarisation excessive des rapports entre médecins et patients à l'image de ce que l'on peut observer aux Etats-Unis. Il a estimé que le terme patient était préférable à celui d'usager. Il a insisté sur le fait que le métier de médecin ne devait pas être banalisé.

M. Bernard Cazeau a souligné que le projet de loi comprenait un certain nombre de réformes qui étaient très attendues par les professions médicales. Evoquant le titre I, il a observé que les attentes des patients avaient changé et que ceux-ci souhaitaient maintenant obtenir de plus amples informations quant à leur dossier médical et aux soins qui pouvaient leur être prodigués. Il a estimé que la réforme de la formation médicale continue prévue par le titre II était tout à fait indispensable. Il a insisté également sur la nécessité de développer une politique ambitieuse de prévention en particulier en ce qui concerne le dépistage et le traitement des cancers.

M. André Lardeux a souhaité que la relation de confiance qui lie le médecin et son patient soit préservée et, donc, que l'on n'encourage pas la judiciarisation. Evoquant l'arrêt Perruche, il a fait part des craintes exprimées par de nombreuses associations à l'égard du texte adopté par l'Assemblée nationale. Il a appelé à la prudence concernant l'ostéopathie en observant qu'un acte médical ne pouvait être décidé que par un médecin. Il a insisté enfin sur la nécessité d'accroître les efforts en direction de la politique de prévention.

M. Guy Fisher a observé que le débat à l'Assemblée nationale avait été assez consensuel, ce qui permettait d'escompter la possibilité d'un accord, même si de nombreuses dispositions continuaient à faire l'objet d'un débat. Il a considéré que le risque d'une judiciarisation des relations entre patients et médecins ne devait pas être grossi.

Il a en revanche déploré l'accroissement des inégalités en matière d'accès au système de soins. Il a considéré comme indispensable le volet relatif à la formation médicale continue.

M. Dominique Leclerc a estimé que le projet de loi était important car les patients étaient en droit de disposer d'une meilleure information. Il a regretté que la médecine ait pu perdre un peu de son caractère humain et a insisté sur la nécessité de restaurer la confiance entre le patient et son médecin. Il a considéré qu'il existait aujourd'hui un fossé entre la population et les institutions et que la dégradation du dialogue social constituait un obstacle supplémentaire dans la restauration de la confiance. Il a observé que la qualité du système de soins avait déjà commencé à se dégrader. Il a fait part de sa préoccupation devant le tarissement des vocations et les désillusions des personnels médicaux.

M. Paul Blanc a estimé que le projet de loi venait à un moment fort opportun pour le Gouvernement compte tenu des échéances électorales à venir. Il a regretté que l'urgence ait été demandée et a considéré que les problèmes de santé auraient sans doute mérité mieux qu'un débat hâtif.

M. Jean Chérioux s'est inquiété de la détérioration perceptible de la relation qui lie le médecin au malade. Celle-ci trouve son origine dans le fait que le malade est devenu quelqu'un qui croit savoir et met en doute la décision du médecin. Il a indiqué que le sentiment de méfiance envers le médecin se développait, ce qui était préjudiciable au malade lui-même.

M. Louis Souvet a considéré que les médecins hospitaliers n'étaient pas assez rémunérés compte tenu de leurs responsabilités. Evoquant l'ostéopathie, il a souhaité que cette discipline soit strictement encadrée ou, à défaut, interdite. Il a observé que l'arrêt Perruche illustrait le caractère difficile des relations qu'entretiennent aujourd'hui le monde médical et la justice.

Mme Michelle Demessine a observé tout d'abord que notre système de santé restait fortement marqué par le plan Juppé que le gouvernement actuel n'avait pas remis en cause. Elle a considéré ensuite que le débat actuel portait plus sur le droit des médecins que sur celui des malades. Etant personnellement concernée par la question des enfants handicapés, Mme Michelle Demessine a indiqué combien l'absence d'informations pouvait être vécue comme une injustice par les parents mais elle a considéré qu'il fallait restaurer le lien de confiance qui unit le malade à son médecin et éviter la judiciarisation.

En réponse aux intervenants, M. Francis Giraud, rapporteur pour le titre premier , a estimé que l'évolution de la relation entre le patient et le médecin était réelle et qu'elle devait bénéficier en particulier au patient.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour le titre II , a considéré que les dispositions relatives à la formation médicale continue devraient permettre de la faire véritablement fonctionner ce qui n'avait pas été possible depuis 1996. Il a insisté sur la nécessité de prévoir une formation médicale minimum pour l'exercice de l'ostéopathie.

M. Jean-Louis Lorrain , rapporteur pour les titres III et IV , a observé que le texte devait permettre une réparation même lorsqu'il n'était pas possible de circonscrire la responsabilité de la faute dont pouvait être victime un patient.

La commission a alors abordé l'examen des articles du projet de loi.

Avant le titre premier , la commission a examiné deux amendements présentés par M. Francis Giraud, rapporteur.

M. Nicolas About, président , a précisé que ces deux amendements avaient été préparés par un travail commun des trois rapporteurs qui avaient bien voulu l'associer à leurs réflexions. Aussi, ces amendements, présentés par M. Francis Giraud, seraient-ils naturellement co-signés par MM. Jean-Louis Lorrain et Gérard Dériot.

M. Francis Giraud, rapporteur, a expliqué que, prenant acte de la volonté du Gouvernement de poursuivre dans le présent projet de loi le débat sur l'arrêt Perruche, il proposait, en parfait accord avec M. Nicolas About, président, d'introduire un titre additionnel nouveau avant le titre premier consacré à la « solidarité envers les personnes handicapées » et composé d'un article.

Après avoir donné lecture des deux amendements, il a souligné que ce titre additionnel et l'article qu'il comportait posaient quatre principes :

- le droit pour toute personne handicapée, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de la collectivité nationale ;

- l'absence de préjudice du seul fait de la naissance ;

- le droit à réparation en cas de faute médicale ayant provoqué directement le handicap ;

- l'indemnisation du préjudice moral des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée.

Il a fait observer que c'était sur ce dernier point que le texte qu'il proposait différait essentiellement de celui adopté par l'Assemblée nationale puisque les députés avaient prévu la possibilité d'une indemnisation des parents au titre des charges particulières qu'entraîne l'enfant handicapé tout au long de sa vie.

M. Nicolas About, président, a souligné que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne répondait en rien au problème soulevé par l'arrêt Perruche puisqu'il ne faisait que transférer de l'enfant aux parents l'indemnisation du handicap, dans le droit fil de la jurisprudence du Conseil d'Etat issue de l'arrêt Quarez (1997). Il a jugé que la jurisprudence Perruche aboutissait à créer une inégalité choquante entre deux types de handicapés : ceux qui seraient indemnisés parce qu'une faute avait pu être commise par un médecin et ceux pour lesquels aucune faute n'était intervenue et qui ne bénéficieraient donc d'aucune compensation.

Estimant que c'était la société elle-même qui créait le handicap en refusant d'apporter une réponse adaptée aux déficiences de certains de ses membres, il a jugé qu'il revenait à la solidarité nationale de prendre en charge l'ensemble des personnes handicapées, quelle que soit l'origine de leur handicap.

M. Jean Chérioux a qualifié de remarquable la solution proposée par les rapporteurs et le président et a considéré que toute inégalité dans la façon de traiter les handicapés serait choquante.

Mme Michelle Demessine a souligné que la jurisprudence Perruche avait causé des dégâts moraux considérables dans le monde des handicapés et de leurs familles. Faisant observer que le droit à la différence était le problème de la société et non de la justice, elle a regretté que la société réponde insuffisamment à la question de la prise en charge de la différence, conduisant certaines familles au désespoir et, finalement, à la saisine de la justice.

Qualifiant la loi du 30 juin 1975 sur les personnes handicapées de grand progrès, elle a jugé que celle-ci méritait aujourd'hui d'être modernisée. Elle a considéré que l'arrêt Perruche constituait un énorme retour en arrière par rapport à l'esprit de cette loi et ouvrait en quelque sorte la voie à une privatisation de certains handicaps. Elle a souligné qu'en matière de handicap, l'argent ne résolvait rien : une rente ne permettait pas d'intégrer le système scolaire ou le monde professionnel.

Elle a estimé que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale était très proche de la logique de l'arrêt Perruche à cette différence près que c'étaient les parents et non l'enfant qui percevaient l'indemnisation. Elle a considéré que la solution au problème du handicap ne résidait pas dans un texte de loi mais dans le regard des autres.

M. Paul Blanc a rappelé qu'il plaidait depuis longtemps pour une révision rapide de la loi de 1975.

La commission a ensuite examiné le texte de l'amendement proposé par le rapporteur tendant à insérer un article additionnel avant le titre premier .

M. Francis Giraud, rapporteur, a expliqué qu'il avait entendu reprendre les deux premiers alinéas du texte adopté par l'Assemblée nationale, en supprimant cependant le membre de phrase « fût-il né handicapé » qu'il a jugé stigmatisant à l'égard des personnes handicapées.

M. André Lardeux a rappelé que les départements jouaient un rôle important en matière de prise en charge des personnes handicapées.

M. Bernard Seillier a mis l'accent sur le risque de commercialisation de la réparation du handicap que comportait la jurisprudence Perruche.

Un large débat où sont intervenus, outre le président et les rapporteurs, MM. Bernard Seillier et Gilbert Barbier, Mme Michelle Demessine , MM. Claude Domeizel, Paul Blanc, Jean-René Lecerf et André Lardeux, s'est alors instauré sur le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement, la question de la qualification de la faute et le choix d'ouvrir aux deux parents ou de limiter à la mère seulement la reconnaissance du préjudice moral.

M. Nicolas About, président, a suggéré que la commission se prononce sur l'amendement proposé en l'état et profite des prochains jours pour en affiner la rédaction si besoin en était.

La commission a ensuite adopté les deux amendements à l'unanimité.

(Seconde réunion tenue dans l'après-midi), la commission a abordé le titre I er du projet de loi et a adopté une série d'amendements proposés par M. Francis Giraud, rapporteur.

A l'article premier (droits de la personne), la commission a adopté sept amendements :

- à l'article L. 1110-1 du code de la santé publique, elle a adopté un amendement rédactionnel ;

- à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, elle a adopté un amendement rédactionnel, un amendement rectifiant une erreur matérielle et un amendement limitant à 15.000 euros l'amende encourue en cas de violation des dispositions prévues par l'article ;

- à l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, elle a adopté trois amendements : le premier est rédactionnel, le deuxième tend à substituer à la notion de « connaissances médicales avérées » celle de « données acquises de la science », le troisième prévoit que les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort.

La commission a ensuite adopté les articles 2 (accès des médecins-conseils à des données de santé à caractère personnel), et 3 (accès des médecins experts de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) à des données de santé à caractère personnel), sans modification.

A l'article 4 (accès des membres de l'Inspection générale des affaires sociales -IGAS-) à des données de santé à caractère personnel), elle a adopté un amendement rédactionnel.

Elle a ensuite adopté l'article 5 (dispositions de coordination) sans modification.

Avant l'article 6 , elle a modifié l'intitulé du chapitre II du titre premier afin de rappeler solennellement que les droits ainsi reconnus aux usagers du système de santé constituent pour eux autant de responsabilités nouvelles.

A l'article 6 (information des usagers du système de santé et expression de leur volonté), elle a adopté onze amendements :

- elle a adopté un article additionnel avant l'article L. 1111-1 disposant que les droits reconnus aux usagers s'accompagnent de responsabilités particulières de nature à garantir la pérennité de notre système de santé et des principes sur lesquels il repose ;

- à l'article  L. 1111-1 du code de la santé publique, elle a adopté un amendement visant à réintroduire la référence aux codes de déontologie ;

- à l'article  L. 1111-2 du code de la santé publique, elle a adopté un amendement rédactionnel ;

- à l'article  L. 1111-3 du code de la santé publique, elle a adopté trois amendements tendant à prévoir respectivement que toute personne participe, compte tenu des informations et préconisations des professionnels de santé, aux décisions concernant sa santé, que le médecin peut passer outre le consentement du mineur lorsque la vie de celui-ci est en danger et que les modalités d'application de l'article sont fixées pour les professionnels de santé par leur code de déontologie respectif ;

- à l'article  L. 1111-5 du code de la santé publique, elle a adopté un amendement ouvrant la possibilité de désigner une personne de confiance dans les autres cas que la seule hospitalisation ;

- à l'article  L. 1111-6 du code de la santé publique, elle a adopté trois amendements de précision ;

- elle a supprimé l'article  L. 1111-6-1 du code de la santé publique, qui institue un défenseur des droits des malades.

La commission a adopté sans modification les articles 7 (dispositions de coordination), 8 (commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge), et 9 (intervention des bénévoles dans les établissements de santé).

A l'article 9 bis (nouveau) (substitution à la dénomination « ordre » de la dénomination « Conseil), elle a adopté un amendement de suppression de cet article.

A l'article 9 ter (nouveau) (dispositions de coordination), la commission a adopté un amendement de suppression de cet article.

A l'article 9 quater (nouveau) (dispositions de coordination), elle a adopté un amendement de suppression de cet article.

A l'article 10 (création d'une chambre disciplinaire nationale et renforcement des droits des plaignants), elle a adopté trois amendements de coordination.

A l'article 11 (hospitalisation sans consentement), elle a adopté un amendement confirmant dans la loi la présence dans les commissions départementales des hôpitaux psychiatriques des associations représentant les familles de personnes atteintes de troubles mentaux.

A l'article 12 (renforcement de la place des usagers dans le système de santé), elle a adopté un amendement rédactionnel et deux amendements ouvrant le bénéfice du congé de représentation aux personnes membres des conseils et instances des établissements de santé privés.

La commission a adopté sans modification les articles 13 (contrôle du respect des textes sur les droits des malades), 14 (déclaration des accidents médicaux et rappel des intéressés), 15 (obligations déontologiques des membres des conseils placés auprès des ministres de la santé et de la sécurité sociale).

A l'article 16 (renforcement des règles interdisant la perception d'avantages par les professions médicales), elle a adopté deux amendements supprimant l'extension de la loi « anti-cadeaux » à l'ensemble des produits de santé, un amendement prévoyant qu'à défaut d'avis rendu par l'ordre des médecins sur les conventions liant les praticiens aux laboratoires pharmaceutiques dans les délais impartis, l'avis des instances ordinales était présumé favorable, ainsi que deux amendements de coordination.

A l'article 17 (obligation de transparence lors de déclarations publiques sur les produits de santé), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 18 (modalités d'application aux pharmaciens des règles interdisant la perception d'avantages et des obligations de transparence), elle a adopté un amendement de coordination.

La commission a adopté sans modification les articles 19 (application aux membres des conseils placés auprès des ministres des règles « anti-cadeaux » et des règles de transparence), 20 (application aux collaborateurs de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) des règles « anti-cadeaux » et des règles de transparence), 21 (application aux collaborateurs de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) des règles « anti-cadeaux » et des règles de transparence), 22 (application aux collaborateurs de l'Association française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS) des règles « anti-cadeaux et des règles de transparence), 23 (organisation d'audiences publiques par les institutions sanitaires) et 23 bis (poursuite, instruction et jugement des infractions en matière sanitaire).

A l'article 24 (élaboration de la politique de santé au niveau national), la commission a adopté :

- à l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, un amendement procédant à une rédaction globale, afin de mettre l'accent sur l'horizon pluriannuel des priorités de santé publique et de mieux préciser l'évaluation de cette politique de santé ainsi que quatre amendements de clarification ;

- à l'article L. 1411-1-2 du code de la santé publique, un amendement rédactionnel ;

- à l'article L. 1411-1-3 du code de la santé publique, deux amendements étendant les compétences du Haut conseil de la santé ;

- à l'article L. 1411-1-4 du code de la santé publique, un amendement rédactionnel.

A l'article 25 (création des conseils régionaux de santé), la commission a adopté :

- à l'article L. 1411-3 du code de la santé publique, un amendement rédactionnel ;

- aux articles L. 1411-3-1 à L. 1411-3-3 nouveaux du code de la santé publique, outre plusieurs amendements rédactionnels, un amendement permettant de préciser le contenu du rapport annuel des conseils régionaux de santé, un amendement supprimant l'obligation pour les conseils régionaux de santé d'organiser des débats publics sur des problèmes de santé ou d'éthique médicale, un amendement incluant le conseil économique et social régional au sein de la formation plénière du conseil régional de santé et un amendement donnant compétence au conseil régional de santé pour donner un avis au représentant de l'Etat dans la région pour déterminer les zones rurales ou urbaines donnant droit à une aide financière aux professionnels de santé qui s'y installent.

La commission a adopté sans modification l'article 25 bis (nouveau) (suppléance des directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation).

A l'article 26 (programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins -PRAPS-), la commission a adopté un amendement de précision.

A l'article 27 (dispositions de cohérence), la commission a adopté sept amendements rédactionnels, de conséquence ou de coordination.

A l'article 28 (création des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale), elle a adopté un amendement dont l'objet est de rendre cohérent le texte de cet article avec celui de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

A l'article 29 (date d'application de la nouvelle organisation régionale), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 30 (organisation régionale des ordres médicaux), elle a adopté quatre amendements rédactionnels.

La commission a ensuite adopté sans modification l'article 31 (entrée en vigueur des dispositions relatives aux conseils des ordres médicaux).

La commission a alors abordé le titre II (qualité du système de santé) et a adopté une série d'amendements sur proposition de M. Gérard Dériot, rapporteur.

A l'article 32 (suspension immédiate, en cas de danger grave pour les patients, de l'activité d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste ou d'une sage-femme par le représentant de l'Etat dans le département), la commission a adopté quatre amendements tendant à préciser la procédure applicable et à renforcer les garanties offertes aux professionnels.

La commission a adopté sans modification l'article 33 (attribution aux ordres nationaux des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes d'une mission de garantie des compétences des professionnels).

Après l'article 33 , elle a adopté un amendement visant à confier à l'ordre national des pharmaciens une mission de garantie de compétences de ses membres.

A l'article 33 bis (nouveau) (possibilité accordée aux masseurs-kinésithérapeutes de prescrire des dispositifs médicaux), après un débat où sont intervenus MM. Claude Domeizel, Paul Blanc, Bernard Cazeau et Dominique Leclerc , elle a adopté un amendement de précision de la procédure.

A l'article 34 (élargissement de la mission de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) et modification de la composition de son conseil d'administration), elle a adopté deux amendements supprimant l'obligation d'une représentation des usagers au sein du conseil scientifique et du collège de l'accréditation de l'ANAES.

La commission a ensuite adopté sans modification l'article 35 (dispositions de codification).

A l'article 35 bis (nouveau) (composition du conseil d'administration et du conseil scientifique de l'Association française de sécurité sanitaire et des produits de santé -AFSSAPS-), elle a adopté un amendement de suppression de cet article.

A l'article 36 (encadrement de l'exercice de la chirurgie esthétique), elle a adopté un amendement précisant les futures conditions d'exercice des médecins non qualifiés en chirurgie esthétique, mais pratiquant des interventions à visée esthétique.

La commission a ensuite adopté sans modification l'article 37 (dispositions de codification).

A l'article 38 (sanctions pénales des infractions aux dispositions légales relatives à la chirurgie esthétique), elle a adopté deux amendements rédactionnels.

La commission a ensuite adopté sans modification les articles 39 (possibilité de création de pharmacies à usage intérieur dans les installations de chirurgie esthétique), 39 bis (nouveau) (conditions d'exercice de la pharmacie de France par les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen) et 39 ter (liste des personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue).

A l'article 40 (institution d'une obligation de formation continue pour les médecins ainsi que pour les biologistes, odontologistes et pharmaciens exerçant en établissement de santé), outre plusieurs amendements de coordination ou de précision, elle a adopté des amendements visant à :

- préciser la portée de l'obligation de formation médicale continue ;

- améliorer l'information sur le fonctionnement de ce nouveau dispositif de formation ;

- préciser les conditions de financement du fonds national de la formation médicale continue ;

- préciser l'organisation des structures de formation continue des pharmaciens ;

- instituer un fonds national de la formation pharmaceutique continue.

La commission a ensuite adopté sans modification les articles 41 (abrogation de dispositions issues de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relatives à la formation médicale continue) et 42 (mesure de codification).

A l'article 43 (composition des instances disciplinaires des conseils des professionnels de santé), elle a adopté, outre deux amendements de précision et de coordination, quatre amendements visant à préciser les conditions de suppléance des conseillers d'Etat siégeant dans les instances administratives et disciplinaires des ordres des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes.

A l'article 44 (suspension immédiate de l'activité d'un pharmacien par le représentant de l'Etat dans le département en cas de danger grave supporté par ses patients), la commission a adopté quatre amendements de coordination avec la position qu'elle avait adoptée à l'article 32.

A l'article 45 (création d'une section H des pharmaciens hospitaliers supplémentaire au sein de l'ordre des pharmaciens), elle a adopté un amendement tendant à rétablir la création d'une nouvelle section H pour les pharmaciens hospitaliers, à améliorer la représentation des pharmaciens salariés au sein du conseil national de l'ordre et à modifier les règles de composition de la section H.

Après l'article 45 , elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à faciliter les conditions de fonctionnement de l'ordre national des pharmaciens pour les questions relatives à l'outre-mer.

La commission a ensuite adopté sans modification les articles 46 (diverses dispositions concernant l'organisation de la profession de pharmacien), 47 (dispositions transitoires relatives à l'élection visant le renouvellement de l'ensemble des membres des conseils de l'ordre national des pharmaciens) et 48 (date d'application de certaines dispositions législatives du présent projet relatives à la profession de pharmacien).

A l'article 48 bis (nouveau) (saisine de l'ordre des pharmaciens par les particuliers), elle a adopté un amendement de précision.

A l'article 49 (office des professions d'infirmier ou d'infirmière, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste), la commission a adopté, outre plusieurs amendements de coordination :

- aux articles L. 4391-1 à L. 4391-6, du code de la santé publique, un amendement transformant l'office en un ordre, un amendement visant à intégrer les salariés de ces cinq professions paramédicales au sein de l'ordre, un amendement renforçant les compétences de l'assemblée interprofessionnelle nationale en matière de formation continue, un amendement instituant les collèges professionnels nationaux et un amendement précisant les conditions d'association des professions paramédicales ne faisant pas partie de l'ordre à ces travaux ;

- aux articles L. 4392-1 et L. 4392-2, du code de la santé publique, un amendement transformant le fichier de l'office en tableau de l'ordre et un amendement rétablissant le texte initial du Gouvernement pour l'élection du président de l'ordre ;

- aux articles L. 4393-1 à L. 4393-3 du code de la santé publique, un amendement renforçant les prérogatives du collège professionnel régional en matière de formation continue, un amendement précisant les conditions d'évaluation des bonnes pratiques par ces collèges régionaux, un amendement prévoyant un nombre annuel minimal de réunions pour l'assemblée interprofessionnelle régionale et un amendement autorisant les instances régionales de l'ordre à s'organiser sur une base interrégionale ;

- aux articles L. 4394-1 à L. 4394-3 du code de la santé publique, cinq amendements précisant les compétences respectives de l'assemblée interprofessionnelle nationale et des collèges professionnels nationaux ;

- à l'article L. 4398-1 du code de la santé publique, un amendement précisant les conditions de participation des différents collèges professionnels à l'élaboration du code de déontologie.

A l'article 50 (modification des dispositions législatives concernant les professions d'infirmier ou d'infirmière, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste rendues nécessaires par la création de l'office), la commission a adopté sept amendements de coordination.

A l'article 51 (mesures d'application des dispositions portant création de l'office des professions d'infirmier ou d'infirmière, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste), elle a adopté un amendement précisant la composition du corps électoral pour les prochaines élections au nouvel ordre et un amendement modifiant les dates d'entrée en vigueur des diverses dispositions du projet de loi sur ce nouvel ordre.

A l'article 52 (contentieux du contrôle technique de la sécurité sociale concernant les membres des professions entrant dans le champ de l'office), elle a adopté un amendement rétablissant le texte initial du Gouvernement.

A l'article 52 bis (nouveau) (exercice de l'ostéopathie et de la chiropraxie), la commission a adopté, après un large débat dans lequel sont intervenus MM. Nicolas About, président, Bernard Cazeau, André Lardeux, Francis Giraud, Paul Blanc, Jean-Claude Etienne, Jean-René Lecerf et Bernard Seillier , un amendement visant à renforcer très sensiblement les conditions d'encadrement de l'exercice de l'ostéopathie et de la chiropraxie.

La commission a ensuite adopté sans modification l'article 53 (attribution aux caisses d'assurance maladie d'une mission générale d'information des assurés sociaux).

A l'article 53 bis (nouveau) (activités de laboratoire d'analyses de biologie médicale exercées par les établissements de transfusion sanguine), elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 53 ter (nouveau) (création d'une instance nationale de réflexion sur les centres de santé), elle a adopté un amendement de coordination et un amendement rédactionnel.

Avant l'article 54 , la commission a adopté un amendement modifiant l'intitulé du chapitre IV.

A l'article 54 (prévention et promotion de la santé), elle a adopté, outre plusieurs amendements de précision :

- à l'article L. 1417-2 du code de la santé publique, un amendement permettant l'articulation des outils nécessaires à la politique de prévention avec les orientations de la politique de santé définie à l'article 24 du présent projet de loi ;

- à l'article L. 1417-4 du code de la santé publique, deux amendements redéfinissant les missions de l'institut national de prévention et de promotion de la santé qu'elle a dénommé « institut national d'éducation pour la santé » et un amendement plaçant cet institut sous l'autorité scientifique du Haut conseil de la santé ;

- à l'article L. 1417-6 du code de la santé publique, deux amendements tendant à modifier les conditions de présidence, de direction et de fonctionnement de l'institut ;

- à l'article L. 1417-8 du code de la santé publique, un amendement supprimant la possibilité pour l'institut de recourir à l'emprunt.

Elle a enfin adopté un amendement tendant à éviter que le nouvel établissement public s'acquitte de droits fiscaux lors de sa constitution.

A l'article 55 (prise en charge des actes et traitements liés à la prévention), la commission a adopté un amendement de précision.

La commission a adopté sans modification l'article 56 (encadrement du dépistage).

A l'article 57 (création des réseaux de santé), elle a adopté, outre plusieurs amendements rédactionnels ou de coordination, un amendement de clarification supprimant la référence aux seuls réseaux de soins.

Après l'article 57 , elle a adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle intitulée « dispositions diverses » compte tenu de l'adjonction par l'Assemblée nationale d'un certain nombre d'articles à l'objet disparate après cet article 57.

La commission a ensuite adopté sans modification les articles 57 bis (nouveau) (groupements de coopération sanitaire) et 57 ter (coopératives hospitalières de médecins).

A l'article 57 quater (nouveau) (prise en charge psychologique des enfants victimes de maltraitance ou présentant des risques de suicide par les réseaux de santé), elle a adopté un amendement de suppression de cet article, sans portée normative.

A l'article 57 quinquies (nouveau) (promotion de la gynécologie médicale), elle a adopté un amendement simplifiant la rédaction de cet article.

Elle a adopté l'article 57 sexies (nouveau) (création du groupement d'intérêt public dans le domaine de la coopération internationale sociale) sans modification.

Après l'article 57 sexies , elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de ratifier l'ordonnance du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique.

La commission a ensuite adopté sans modification l'article 57 septies (nouveau) (rapport sur les conditions de départ à la retraite des techniciens de laboratoires hospitaliers et des conducteurs ambulanciers).

Après l'article 57 septies , elle a adopté un amendement portant article additionnel visant à préciser la procédure disciplinaire applicable aux sportifs contrôlés positifs lors de contrôles antidopages.

Enfin, la commission a abordé l'examen des titres III (réparation des risques sanitaires) et IV (outre-mer). Elle a adopté à ces titres une série d'amendements, sur proposition de M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur .

A l'article 58 (réparation des risques sanitaires), la commission a adopté vingt-trois amendements. Outre plusieurs amendements rédactionnels ou de coordination, elle a adopté :

- avant l'article L. 1142-1 nouveau du code de la santé publique, un amendement introduisant un nouvel article dans le code de la santé publique tendant à définir dans la loi l'accident médical, l'affection iatrogène et l'infection nosocomiale ;

- à l'article L. 1142-1 nouveau du code de la santé publique, un amendement visant à préciser que les professionnels et établissements de santé ne sont responsables, sauf pour les infections nosocomiales, qu'en cas de faute, un amendement tendant à consacrer dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux infections nosocomiales, un amendement tendant à définir le caractère de gravité du dommage permettant une indemnisation au titre de la solidarité nationale et un amendement fixant dans la loi un plafond pour le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) au-dessus duquel la victime bénéficiera de l'indemnisation de l'aléa médical ;

- à l'article L. 1142-2 nouveau du code de la santé publique, un amendement visant à limiter, dans les contrats d'assurance en responsabilité civile professionnelle des établissements et professionnels de santé, les montants et la durée de la garantie ;

- à l'article L. 1142-5 nouveau du code de la santé publique, un amendement introduisant la possibilité pour la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de déléguer une partie de ses compétences de conciliation à des médiateurs ;

- à l'article L. 1142-7 nouveau du code de la santé publique, un amendement prévoyant que la saisine de cette commission suspend tout recours contentieux ;

- à l'article L. 1142-9 nouveau du code de la santé publique, un amendement visant à rendre obligatoire le recours à l'expertise par les commissions régionales ;

- à l'article L. 1142-12 nouveau du code de la santé publique, un amendement tendant à prévoir explicitement le caractère contradictoire de l'expertise ;

- à l'article L. 1142-14 nouveau du code de la santé publique, un amendement précisant les conditions de revalorisation annuelle de la rente accordée à la victime et un amendement tendant à limiter le montant de l'amende civile susceptible d'être infligée en cas d'offre insuffisante de l'assureur.

La commission a adopté sans modification les articles 58 bis (nouveau) (accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès) et 58 ter (nouveau) (prescription décennale pour les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé et des établissements).

A l'article 59 (obligation d'assurance et bureau central de tarification), la commission a adopté trois amendements de coordination.

A l'article 60 (date d'application), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 61 (contamination par le virus de l'hépatite C), elle a adopté un amendement permettant aux victimes de faire plus aisément prévaloir leurs droits.

La commission a ensuite adopté sans modification l'article 62 (réparation d'un dommage imputable à une vaccination obligatoire).

Après l'article 62 , la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à étendre le mécanisme d'indemnisation par l'Etat des accidents causés par une vaccination obligatoire aux personnels hospitaliers et assimilés auxquels la vaccination contre l'hépatite B avait été imposée par une circulaire de 1982.

A l'article 63 (disposition transitoire concernant la liste nationale d'experts en accidents médicaux), elle a adopté deux amendements, le premier visant à ramener à un an le délai pendant lequel la commission nationale des accidents médicaux peut inscrire comme experts médicaux des experts qui ne sont pas aujourd'hui experts judiciaires, le second ramenant à deux ans le délai pendant lequel les experts inscrits à titre dérogatoire sur les listes nationales d'experts en accidents médicaux peuvent être inscrits sur une des listes d'experts judiciaires.

La commission a adopté, sans modification, l'article 64 (dispositions de coordination).

A l'article 65 (adaptation aux départements d'outre-mer des dispositions du présent projet relatives à l'organisation régionale des ordres médicaux), elle a adopté un amendement rédactionnel, par coordination visant à remplacer le terme « conseil » par « ordre ».

A l'article 65 bis (nouveau) (représentants des départements d'outre-mer au Conseil national des médecins), elle a adopté un amendement rédactionnel précisant la nomination de quatre suppléants, au lieu de deux dans le texte de l'Assemblée nationale, pour les membres titulaires représentant les quatre départements d'outre-mer au conseil national de l'ordre des médecins.

A l'article 66 (adaptation aux départements d'outre-mer des dispositions du présent projet relatives à la création de l'office des professions paramédicales), elle a adopté deux amendements rédactionnels, par coordination, remplaçant, pour l'un, le terme de « conseil » par celui d'« ordre » et pour l'autre, celui de « fichier » par celui de « tableau ».

A l'article 67 (adaptation à Saint-Pierre-et-Miquelon des dispositions du présent projet relatives à l'organisation régionale des ordres médicaux), elle a adopté un amendement rédactionnel, par coordination, remplaçant le terme de « conseil » par celui d'« ordre ».

La commission a ensuite adopté sans modification l'article 68 (conseil régional de la formation médicale continue territorialement compétent).

A l'article 69 (adaptation à Saint-Pierre-et-Miquelon des dispositions du présent projet relatives à la création de l'office des professions paramédicales), elle a adopté trois amendements. Le premier remplace, par coordination, le terme « conseil » par celui d'« ordre », le deuxième remplace le terme « fichier » par celui de « tableau » et le troisième est un amendement rédactionnel.

La commission a ensuite adopté sans modification les articles 70 (conseil régional de la formation médicale continue territorialement compétent), 71 (comité régional de l'organisation de l'action sociale et médico-sociale), 72 (adaptation à Saint-Pierre-et-Miquelon des dispositions relatives à la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux) et 73 (adaptation à Saint-Pierre-et-Miquelon des dispositions de la loi n° 71-948 du 29 juin 1971 modifiée relative aux experts judiciaires).

A l'article 74 (application des dispositions du présent projet de loi à Mayotte, aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie), elle a adopté un amendement rédactionnel, par coordination, remplaçant le terme de « conseils » par celui d'« ordres ».

La commission a adopté le projet de loi ainsi amendé .

SOMMAIRE

Pages

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 5

I. AUDITION DE M. BERNARD KOUCHNER, MINISTRE DÉLÉGUÉ À LA SANTÉ (MARDI 8 JANVIER 2002) 7

II. AUDITIONS DU MERCREDI 9 JANVIER 2002 43

A. AUDITION DU PROFESSEUR BERNARD HOERNI, PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS 43

B. AUDITION DU PROFESSEUR MARC BRODIN, PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DE SANTÉ 57

C. AUDITION DU PROFESSEUR ROLAND SAMBUC, VICE-PRÉSIDENT DU HAUT COMITÉ DE SANTÉ PUBLIQUE, ACCOMPAGNÉ DU DOCTEUR ANNE TALLEC, RAPPORTEUR GÉNÉRAL 64

D. AUDITION DE M. FRANÇOIS DE PAILLERETS, PRÉSIDENT DU COMITÉ FRANÇAIS D'ÉDUCATION POUR LA SANTÉ ET DE MME BERNADETTE ROUSSILLE, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE 74

E. AUDITION DE M. PIERRE SARGOS, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION 84

F. AUDITION DE M. ETIENNE CANIARD, SECRÉTAIRE DU COMITÉ NATIONAL D'ORIENTATION DES ETATS GÉNÉRAUX DE LA SANTÉ 95

ÉTUDE D'IMPACT PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS DES MALADES ET À LA QUALITÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ 105

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES35 ( * )

• M. Bernard KOUCHNER, Ministre délégué à la santé

• Professeur Bernard HOERNI, Président du Conseil national de l'Ordre des médecins

• Professeur Marc BRODIN, Président de la Conférence nationale de santé

• Professeur Roland SAMBUC, vice-président du Haut comité de santé publique, accompagné du Docteur Anne TALLEC, rapporteur général

• M. François de PAILLERETS, Président du Comité français d'éducation pour la santé et de Mme Bernadette ROUSSILLE, déléguée générale

• M. Pierre SARGOS, Président de la chambre sociale de la Cour de cassation

• M. Etienne CANIARD, secrétaire du Comité national d'orientation des Etats généraux de la santé

I. AUDITION DE M. BERNARD KOUCHNER, MINISTRE DÉLÉGUÉ À LA SANTÉ (MARDI 8 JANVIER 2002)

M. Nicolas ABOUT, président - Monsieur le ministre, mesdames et messieurs, mes chers collègues, je vous adresse tous mes voeux en ce début d'année.

Notre commission ouvre aujourd'hui une série d'auditions publiques sur le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

En bonne logique, il nous a semblé nécessaire et souhaitable d'entendre d'abord le ministre, que je remercie de sa présence.

La commission a désigné trois rapporteurs : Francis Giraud, Gérard Dériot et Jean-Louis Lorrain, respectivement pour le titre I sur la démocratie sanitaire, le titre II sur la qualité du système de santé et, pour les titres III et IV sur la réparation des conséquences des risques sanitaires et les dispositions relatives à l'outre-mer.

Par ailleurs, la commission des Lois s'est saisie pour avis de ce texte. Je salue la présence de notre collègue Pierre Fauchon, rapporteur pour avis.

Je voudrais brièvement faire part d'une inquiétude : le projet de loi qui nous occupe n'est pas, à mon avis, examiné dans d'excellentes conditions !

D'une part, sa discussion intervient dans un contexte difficile, qui se caractérise par la persistance de déficits importants pour l'assurance maladie, la multiplication des ponctions sur ses recettes au profit du fonds de financement au profit des 35 heures et, par conséquent, le climat fort dégradé des relations avec les professionnels de santé, comme on le voit aujourd'hui avec les généralistes.

Ce sont en quelque sorte les fondements mêmes de notre système de santé qui sont ainsi menacés, et cela ne peut que fragiliser les intentions louables du projet de loi qui nous occupe.

De fait, l'étude d'impact, au demeurant fort lacunaire, dont est assorti le texte, montre au moins une chose : que ce soit en matière de prévention ou d'indemnisation, les financements reposent essentiellement sur l'assurance maladie !

En second lieu, la discussion du projet de loi ne se déroule pas dans de bonnes conditions techniques : annoncé en juin 1999, le texte a été déposé le 5 septembre 2001 !

Je rends hommage à la très large concertation dont le projet de loi a fait l'objet pendant toute cette période ; toutefois, je regrette que, lorsque vient ce que vous appelez, monsieur le ministre, la « phase parlementaire », la machine s'emballe !

Déclaration d'urgence, examen à l'Assemblée nationale dès les premiers jours d'octobre, navettes précipitées par la suite, alors que l'automne a été neutralisé non seulement par la loi de financement de la sécurité sociale, mais également par une série de textes sociaux, dont une sorte de monstre de 224 articles : le projet de loi dit de modernisation sociale.

Il reste que nous sommes d'accord sur un point : il est important de discuter du texte que nous allons examiner avec attention, de le clarifier, de l'améliorer, et je souhaite pour ma part qu'en dépit du contexte et de la procédure que j'évoquais, nous puissions parvenir à un accord avec l'Assemblée nationale !

J'ajoute que votre audition, et celle des personnalités que nous entendrons demain, font l'objet non seulement d'une retransmission sur la chaîne parlementaire, mais également d'un compte rendu intégral qui sera annexé au rapport.

Voilà, monsieur le ministre, les conditions dans lesquelles tout ceci va se dérouler.

Je vous laisse la parole.

M. Bernard KOUCHNER, ministre délégué à la santé - Merci, monsieur le président. Merci également à la commission des Lois. Votre solidarité m'est précieuse.

Monsieur le président, avant de vous présenter brièvement ce projet de loi, je voudrais répondre encore plus brièvement aux critiques ou remarques que vous avez formulées.

Oui, c'est un peu précipité mais, pour ma part, depuis près de dix ans, je m'attache tout particulièrement aux dispositions législatives qui vous sont aujourd'hui proposées.

Il est vrai que le calendrier parlementaire et l'abondance des textes exigent de vous proposer l'urgence sur ce texte. Je crois qu'il s'agit d'un texte très attendu.

Seconde remarque à propos du contexte que vous avez souligné.

Je ne parlerai pas ici du contexte de la sécurité sociale. Nous nous en sortons mieux que les autres pays -nous aurons l'occasion d'en débattre- mais notre système moderne et performant coûte de plus en plus cher, même si nous ne nous en sortons pas parfaitement.

Ce que je voudrais souligner, ce n'est pas le contexte de la grève des médecins généralistes, ni celui d'une rupture de la confiance entre les patients et les médecins, mais le contexte général d'une conception très différente et d'une évolution de la profession qui m'inquiète et qui vous inquiète aussi, je le sais.

L'essentiel, je vous le dis du fond du coeur, parce que vous savez l'attachement que j'ai pour ce métier, ce sont ces conditions particulières qui me permettent d'insister sur l'importance de ce texte.

C'est ici, au Sénat, que se sont enracinés les divers textes d'amélioration du système de soins.

La transformation profonde de notre système de soins, nous l'avons entamée ; elle ne sera pas terminée avec ce texte, mais elle doit permettre de rétablir la confiance indispensable dans la période particulière que nous connaissons avec la grève des généralistes.

Cela va s'arranger : je suis sûr que, des négociations, sortiront des résultats positifs, mais je comprends très bien ces inquiétudes, cette angoisse.

Vous auriez pu citer l'arrêt Perruche, monsieur le président, et je sais que nous en parlerons.

Plus la performance est grande dans notre système de soins et plus l'inquiétude se fait jour, car on en demande de plus en plus ; plus on en a à demander, et plus on insiste pour en demander davantage.

C'est un hommage rendu au système, mais c'est évidemment un grand danger. Certains se découragent, et je comprends la lassitude d'un certain nombre de médecins.

Je voulais insister sur ces points mais, pour être très bref, je suis très heureux d'être devant vous pour présenter ce texte auquel le Gouvernement attache une importance particulière -je le crois personnellement- parce qu'il est très attendu par les malades et les acteurs du système de santé.

Je veux, je le répète, rétablir la confiance nécessaire, indispensable, entre les malades et les médecins.

En effet, les droits des malades, la qualité des soins, le développement de la prévention, l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, autant de sujets essentiels auxquels nous nous consacrons depuis des années qui, grâce à ce texte et à vous-mêmes, j'en suis certain, arrivent enfin à leur terme !

Ce projet de loi présente une réforme d'ensemble du fonctionnement du système de santé, afin de le démocratiser, d'en poursuivre sa modernisation et d'établir de nouveaux rapports de confiance.

Il fallait en effet prolonger et compléter par une loi d'ensemble les changements importants que j'ai soulignés tout à l'heure, intervenus dans ce domaine, afin d'en poursuivre la modernisation, une modernisation qui ne ferait pas des médecins les otages des malades mais, au contraire, des partenaires retrouvés, comme le renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, auxquels votre commission a apporté une contribution décisive, la lutte contre les exclusions dans le domaine de la santé, la mise en place de la CMU, qui assure la gratuité des soins pour les personnes les plus démunies, le développement des soins palliatifs, la réforme de la législation sur l'interruption volontaire de grossesse, la réforme des études médicales.

Par ailleurs, d'importants progrès thérapeutiques ont été réalisés ces dernières années. Des espoirs formidables sont nés pour le traitement du cancer ou des maladies de la vieillesse -j'en passe.

Dans le même temps, je partage votre sentiment : le malaise hospitalier, la crise d'identité des professionnels libéraux -on le voit aujourd'hui avec le mouvement des médecins généralistes visant à une meilleure reconnaissance de leur place dans le système de soins, mais aussi, plus largement, de leur place dans la société- la revendication d'un nouveau rôle pour les associations s'expriment aujourd'hui avec force. Je les comprends !

Enfin, le drame du sang a mis en lumière la conséquence tragique des dérives possibles de la médecine et la nécessité d'une politique déterminée de sécurité sanitaire.

Il faut aussi prendre en compte ces évolutions, mais bien plus encore ces aspirations, ces doutes, ces remises en cause et, devrais-je ajouter, ces progrès. Car c'est parce que nous sommes bons, en France, que l'on en demande d'autant plus. Avec le niveau moyen de la radiologie et de l'échographie aux Etats-Unis, on n'en demanderait pas autant ! Plus on connaît et plus on exige davantage et presque du 100 %. Ce n'est pas possible !

C'est pourquoi ce projet de loi était nécessaire.

La préparation de ce projet de loi a été annoncée par le Premier ministre lors de la clôture des états généraux de la santé, qui se sont déroulés de l'automne 1998 à fin juin 1999, et qui ont mobilisé un grand nombre de participants.

Il ne s'agit pas ici de saluer le rôle du Premier ministre, mais de rappeler les quelque 1.000 réunions qui ont été organisées dans ce cadre et qui furent un formidable exercice de démocratie. Elles ont toutes traduit la même demande du public, et notamment des associations de malades et d'usagers, en faveur d'une médecine plus humaine et d'une politique de santé plus complète et plus globale.

La critique ne visait pas les médecins, même si ceux-là, de temps en temps, se sont sentis interpellés, mais le système et non les professionnels !

Les conclusions de ces états généraux de la santé, ainsi que les réflexions engagées par les pouvoirs publics sur d'autres aspects du fonctionnement du système de santé ont servi de base à la rédaction de ce projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant la Haute Assemblée.

Ce projet répond aux attentes légitimes des malades, de la population, mais aussi des professionnels et j'insiste sur ce point encore une fois, trop souvent négligé par les commentaires : l'insécurité des médecins ne protège jamais les malades !

C'est parce que l'on donne davantage de droits aux malades que l'on protège mieux les médecins, notamment en définissant les conditions d'un équilibre harmonieux des responsabilités entre les usagers, les professionnels, les institutions sanitaires et l'Etat.

Ce texte a pour objectif de développer la démocratie sanitaire, d'améliorer la qualité du système de santé, de mieux réparer les risques sanitaires.

La discussion, à l'Assemblée nationale, a été l'occasion de compléter et d'améliorer le projet de loi du Gouvernement. Il reste perfectible et je suis certain que les débats permettront de poursuivre ce travail, afin d'aboutir à un texte très attendu par les malades, mais aussi et surtout, aujourd'hui, par les professionnels de santé.

Le titre premier, relatif aux droits des personnes, tend à poser les conditions de cette démocratie sanitaire. Il consacre ou étend les droits de la personne malade, particulièrement nécessaires dans le contexte de grande vulnérabilité personnelle liée à la maladie.

Il affirme notamment le droit à la dignité, à la protection contre les discriminations, y compris en raison de caractéristiques génétiques, au respect de la vie privée, à la prévention et à la qualité des soins.

Il établit de manière claire le droit de prendre les grandes décisions concernant sa propre santé, notamment par le biais d'un concept que la médecine connaît bien : le consentement libre et éclairé.

Il pose le principe du droit de chaque malade à accéder directement, seul ou accompagné, aux informations médicales le concernant.

Il institue enfin un défenseur des droits des malades qui aura pour mission, au côté du ministre en charge de la santé, de promouvoir ces droits et de les faire respecter.

Il encadre de manière plus stricte les modalités selon lesquelles sont prononcées les hospitalisations sans consentement pour troubles mentaux.

En particulier, la liste des critères permettant aux préfets de prononcer des hospitalisations d'office est modifiée : désormais, le critère de la nécessité des soins sera indispensable et prioritaire pour prononcer une hospitalisation d'office et ceux ressortant de la sécurité publique, s'ils ne sont pas écartés, sont restreints aux atteintes à l'ordre public présentant un critère de gravité.

Je sais qu'il y a beaucoup de maires ici. Cela veut dire que, s'il n'y a pas de nécessité de soins, ce n'est pas à l'hôpital psychiatrique qu'il faut s'adresser, mais à la prison ! Il ne faut pas laisser stationner les gens des mois en hôpital psychiatrique pour qu'ils aillent ensuite en prison !

Il y aura une période de 72 heures durant laquelle les psychiatres pourront se déterminer de bonne façon. Il ne s'agit pas être laxiste, au contraire. Les consignes du Conseil de l'Europe en la matière sont d'ailleurs beaucoup plus souples, et celui-ci nous a jugés beaucoup trop sévères.

Ce texte crée également un statut nouveau des associations représentant les malades et usagers qui remplissent certaines conditions d'activité et de représentativité. Il leur reconnaît une place et un rôle dans toutes les instances participant à l'élaboration et à la gestion des politiques de santé, ainsi qu'un droit renforcé d'agir en justice.

Il aménage et clarifie les modalités selon lesquelles les professionnels et les établissements de santé sont tenus de déclarer les accidents médicaux, les affections iatrogènes, les infections nosocomiales.

Il prévoit également les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut mettre en demeure les professionnels et les institutions sanitaires de procéder à l'information des personnes en cas d'anomalie survenue lors d'un traitement ou d'une investigation médicale -sujet brûlant.

Il comporte par ailleurs un certain nombre de dispositions visant à préciser et à étendre les obligations déontologiques des professionnels de santé et des experts, qui sont consultés par le ministre chargé de la santé ou les agences de sécurité sanitaire, afin de permettre à l'administration de vérifier que l'indépendance professionnelle des intéressés est préservée.

Il prévoit de même que les agences de sécurité sanitaire sont tenues d'organiser tous les ans des débats publics sur des thèmes de santé du même nom.

Nous avons par ailleurs introduit une disposition importante au cours du débat parlementaire : la création d'un pôle santé-justice comme il en existe dans les finances, afin de permettre aux juges de traiter des dossiers souvent très complexes et qui exigent un certain professionnalisme et les experts dont nous avons souvent parlé ensemble.

Ces pôles permettront aux juges de s'adjoindre cette compétence d'assistance technique -médecins, vétérinaires, pharmaciens, etc.

Par ailleurs, le texte fait de la région le socle des politiques de santé en instituant un conseil régional de la santé, qui se substitue aux instances consultatives actuelles -conférences régionales de santé, CROS, etc.

Enfin -et ce n'est pas le moindre de ses mérites- il prévoit en amont de la loi de financement de la sécurité sociale, et à partir de l'analyse des besoins au niveau des régions, l'élaboration d'un projet de politique de santé par le Gouvernement qui transmet au Parlement, où ce texte est soumis à un débat public.

Ce serait donc en juin et on saurait enfin à quoi il faudrait consacrer les sommes habituelles et éventuellement les sommes nouvelles.

Deuxième titre : il comporte un certain nombre de dispositions visant à améliorer la qualité du système de santé.

Certaines tendent à garantir les compétences des professionnels. Elles visent par exemple à permettre la suspension, décrétée par le préfet, d'un praticien dangereux -cela nous est tous arrivé dans nos régions- et à encadrer celle des activités de chirurgie esthétique qui, aujourd'hui, se déroulent hors de tout contrôle sanitaire, en créant un système d'autorisation pour les structures de cette chirurgie esthétique.

Dans le même esprit, les dispositions concernant l'ANAES visent à développer sa mission d'évaluation des stratégies et des actes de prévention et de soins et à créer une mission nouvelle d'évaluation de la qualité de la prise en charge sanitaire de la population et des pratiques présentant des risques sérieux pour la santé des personnes, pouvant conduire à des accidents médicaux.

L'obligation de formation médicale continue est affirmée. Le dispositif actuel, tout le monde le sait, est inapplicable : nous avons essayé de l'appliquer tous ensemble !

Ces dispositions sont étendues à l'ensemble des médecins, qu'ils soient libéraux, hospitaliers ou salariés d'autres organismes que l'hôpital.

Le texte modernise profondément les ordres des professions médicales, en créant des chambres disciplinaires indépendantes des structures administratives, présidées par un magistrat et permettant aux patients d'être partie dans les procédures disciplinaires.

Il permet ainsi de mieux garantir les droits des plaignants et d'assurer un fonctionnement transparent des juridictions disciplinaires.

L'Assemblée nationale a souhaité que cette réforme profonde de l'Ordre des médecins, élaborée en pleine collaboration avec le Conseil national de l'Ordre des médecins, s'accompagne d'un changement de nom de cette institution, afin de signifier qu'il s'agit d'une transformation importante, la plus importante depuis la création de l'Ordre.

L'Assemblée nationale a par ailleurs étendu cette modification à l'Ordre des pharmaciens, par analogie.

Un Office des professions paramédicales est créé. Cet Office, devenu Conseil après la première lecture à l'Assemblée nationale, est une structure interprofessionnelle.

Il est chargé, pour les cinq professions essentielles que sont les infirmiers, les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes et les pédicures-podologues, de fonctions disciplinaires, administratives et professionnelles.

Cet Office est destiné aux seuls professionnels ayant un exercice libéral, les salariés étant par ailleurs soumis à des procédures propres à leur secteur d'activité.

Le texte pose pour la première fois les bases d'une politique de prévention globale et cohérente. Celle-ci sera coordonnée au niveau national et financée, comme les soins, par le risque maladie.

Le projet transforme également le Comité français d'éducation pour la santé en Institut national de prévention et de promotion de la santé, qui sera opérateur et centre d'expertise pour les politiques de prévention, dont la préparation incombe à la Direction générale de la santé.

Enfin, le texte donne une base légale aux réseaux de santé qui ont pour objet de favoriser l'accès aux soins et favorise leur développement, notamment en précisant leurs modalités de financement par une enveloppe fongible régionalisée, intégrant l'enveloppe « hospitalière » et l'enveloppe « ville » et en facilitant les procédures administratives : guichet unique, décision conjointe des directeurs de l'IRCAM et de l'ARH.

Il permet aussi de pouvoir rémunérer par forfait des activités non prises en compte aujourd'hui, comme l'éducation thérapeutique ou la prise en charge des mineurs en danger de suicide par exemple, sous forme de psychothérapie.

Un amendement parlementaire a également été adopté permettant la constitution de coopératives hospitalières de santé, structure juridique pouvant servir de base à ces réseaux, si on le souhaite. Il existe aussi les associations et les sociétés à responsabilité limitée.

Le titre III du projet constitue enfin une innovation sans précédent dans les législations étrangères semblables, en raison de son ampleur.

Il n'existe en effet aucun équivalent. Même les projets suédois et danois, qui sont sans doute à ce jour les plus globaux et les plus proches du projet qui vous est proposé, ne couvrent pas l'aléa thérapeutique ni, dans la plupart des cas, les accidents dus à des produits de santé.

Ce chapitre met en place une procédure amiable de règlement des litiges en cas d'accident médical, d'infections nosocomiales ou d'affections iatrogènes.

Ainsi, toute personne s'estimant victime d'un accident médical pourra saisir une commission régionale, quelle que soit l'origine du dommage -acte médical ou produit de santé- et quel que soit le lieu où ce dommage s'est produit -hôpital, clinique, cabinet libéral.

La procédure devant la commission conduira, dès lors que le préjudice présente une certaine gravité, à une offre d'indemnisation ; si celle-ci est acceptée, ceci mettra fin au litige, dans la plupart des cas en moins d'un an.

Comme vous le savez, les litiges durent depuis souvent quinze ou vingt ans ! Il s'agit de mieux indemniser, en ayant moins recours aux juges, dans un délai raccourci.

Je tiens à souligner, au sein de cette procédure, l'importance de l'avis que rendra la commission qui sera saisie. Cette commission permettra à la victime, comme aux professionnels de santé qui, souvent, hésitent, de connaître les causes de l'accident et l'importance du dommage.

Il y aura ainsi pédagogie du risque -expression et concept auxquels je tiens- transparence sur le fonctionnement du système de santé et discussion sur des faits, avant toute idée d'indemnisation.

Il était important que cette indemnisation ne soit pas le fruit d'une « boîte noire », qui aurait peut-être soulagé les attentes financières, mais qui n'aurait pas permis cette confiance, à laquelle je tiens -pardonnez-moi de me répéter.

Cette confiance est essentielle. Si nous ne la reconstruisons pas, nous aurons des dérives américaines, qui sont déjà en train de se produire.

Il convient aussi de noter que le texte n'ouvre à un droit général à indemnisation en cas d'aléa thérapeutique qu'à la seule condition que le seul préjudice présente un caractère de gravité suffisant.

Ce droit pourra être invoqué directement devant les juridictions. Les indemnités pour aléa thérapeutique, c'est-à-dire sans faute établie, seront versées par un Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales créé par la loi, et qui sera financé par l'assurance maladie.

Le coût de ce dispositif peut être évalué, en régime de croisière, à 1,5 milliard, y compris les frais d'expertises et de fonctionnement des commissions régionales. C'est bien sûr un chiffre très approximatif. Si nous rétablissons la confiance, ce sera moins cher.

Le projet réaffirme par ailleurs les principes de la responsabilité médicale, notamment l'obligation de moyens, et rénove l'expertise médicale avec une liste nationale, etc.

Il tend également à faciliter l'accès à l'assurance, obligatoire pour les professionnels. Nous y travaillons. Obligation est également faite aux personnes présentant un risque aggravé de s'assurer. L'utilisation des tests génétiques par les assureurs est par ailleurs interdite.

Trois notions caractérisent donc la philosophie et l'ambition de ce projet :

- transparence, parce que la culture du secret n'est pas de mise dans une société moderne et adulte. L'efficacité de notre médecine, son succès international, doivent nous permettre d'en affronter les limites. La richesse de notre système de santé doit nous conduire à en expliciter les choix ;

- responsabilité, parce que l'acte médical est, par nature, un acte responsabilisé, pour le professionnel, bien sûr, mais pour le malade également, parce qu'il n'y a pas de décision plus grave, plus personnelle et plus responsable que celle concernant sa propre santé ;

- confiance, enfin et surtout, parce qu'elle est la clé fondamentale de la relation médecin-malade, parce qu'elle doit inspirer l'organisation de notre système de santé, parce que, sans elle, la personne malade serait sans espoir.

Ce texte apporte, j'en suis convaincu, de nombreuses réponses aux inquiétudes des professionnels de santé qui se font jour actuellement.

C'est bien entendu le cas du titre III, qui vient hélas trop tard par rapport à la crise actuelle, mais c'est vrai aussi des dispositions sur les droits des malades qui, loin d'être tournées contre les praticiens, visent au contraire, en renforçant la confiance, à faire en sorte que les relations entre les uns et les autres ne se dégradent pas, comme cela a pu être le cas dans d'autres pays, voire s'améliorent, ce qui est mon souhait et mon espoir le plus fort.

Mesdames et messieurs les sénateurs, monsieur le président, pour conclure, je ne puis que vous dire ma satisfaction et ma fierté de pouvoir vous présenter ce projet, dans les conditions que vous avez soulignées, monsieur le président.

Je sais que vous l'attendiez et qu'il a été long à venir. Je partage avec vous ce sentiment et cette attente, mais je pense qu'il était indispensable. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT - Merci, monsieur le ministre, de cet exposé très clair.

La parole est aux rapporteurs.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Monsieur le ministre, vous comprenez bien que ce texte important, attendu, représente pour beaucoup d'entre nous -car il y a, dans cette commission, de nombreux professionnels de la santé- des situations que nous revivons en lisant ce que vous nous présentez.

Je dois dire -et vous l'avez souligné de manière appuyée- que le problème essentiel est celui de la confiance entre les citoyens et les professionnels la santé. Peut-être n'avons-nous pas toutefois la même vue, non du résultat, pour lequel nous souhaitons tous la même chose, mais de la manière d'y accéder.

A quelque groupe que nous appartenions, nous savons, ici, à la commission des Affaires sociales, que les problèmes de santé sont au-delà des positions philosophiques, partisanes ou politiques.

Mais nous nous préoccupons de nos concitoyens, et nous-mêmes avons été ou serons un jour malades !

J'ai été mandarin. Il y en a parfois de bons -pas tous- mais je dois dire que l'exercice de cette profession, que vous avez exercée, comme beaucoup d'autres ici, quel qu'en soit le mode, nous interpelle tous.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de dire au monde de la santé -il est toujours bon de le rappeler- qu'il a des obligations et des devoirs. On l'oublie vite.

Vous avez parlé, dans un débat à l'Assemblée nationale, de ce fameux pouvoir médical. Oui, il existe ! Oui, il doit être contenu et rappelé pour qu'il n'y ait pas d'abus.

Mais il semble que l'on voudrait que le monde de la santé soit équivalent à d'autres modes de fonctionnement de la société. Et les termes employés ne sont pas innocents. D'ailleurs, j'ai bien lu qu'ils ne vous convenaient pas tout à fait. On parle d'un « usager » du système de santé. Non ! Moi, je me sens usager de l'EDF, de la SNCF, de la fonction publique, de l'éducation nationale, mais pas du monde de la santé !

Je crois qu'il faut quand même marquer une nuance. C'est peut-être regrettable mais, philosophiquement, on ne peut considérer que le système de santé soit un service public comme un autre !

Droit des malades, associations : il existe beaucoup de points fort positifs dans ce texte, mais le monde de la santé peut considérer que tout ceci porte atteinte à la confiance. Entre le pouvoir divin et absolu de celui qui sait contre celui qui ne sait pas, et celui qui veut que l'on se regroupe pour se défendre, la création d'un médiateur pour les droits des malades, nous parlons bien philosophie, vie, relation humaine. C'est bien de cela qu'il s'agit !

Ma première question -et nous aurons l'occasion d'en discuter amplement tout au long de ces journées- est la suivante : n'y a-t-il pas un risque que ce projet de loi aboutisse paradoxalement à détériorer la relation de confiance entre le patient devenu usager et son médecin, à transformer -et c'est cela qui nous guette- la médecine en une simple prestation de service ?

J'ai donné des consultations de conseil génétique, et je sais ce que c'est. Les échographistes ne veulent pas être des prestataires de services. Compétents, ils le sont, mais ils ne veulent pas qu'on puisse leur reprocher ce qu'une méthode ne peut donner.

On crée donc par là le déséquilibre que vous souhaiter éviter.

Un médecin, quel qu'il soit, face à un patient, ne se pose qu'une seule question : « Il souffre, comment puis-je l'aider ? ». Un malade ne va pas dire d'emblée à son médecin : « Attention : j'ai des droits ! ». Je ne crois pas que ce soit un facteur qui favorise cette confiance que l'on recherche tous les deux, je vous le dis du fond du coeur !

Autre point : s'il y a des droits, il existe aussi des obligations. N'aurait-il pas été novateur de définir, en regard des droits des malades, les obligations des patients et usagers, afin d'accéder, comme vous l'énoncez dans l'exposé des motifs, « à un équilibre harmonieux des responsabilités entre les usagers, les professionnels, les institutions sanitaires et l'Etat » ? Pour ce faire, je crois qu'il faut rappeler aux citoyens que, comme le corps médical, comme les professionnels de santé, ils ont des responsabilités et des obligations !

Mes quatre questions suivantes sont plus simples.

Vous nous avez dit que l'on allait transformer les ordres en conseils. Ce n'est pas le Gouvernement qui avait prévu cela : c'est l'Assemblée nationale qui l'a ajouté. Dans mon esprit, cela ne veut rien dire !

Pourquoi ne dirait-on pas aux médecins qu'ils ne peuvent plus délivrer d'ordonnances mais des conseils ? La sémantique est la même !

Le président du Conseil de l'Ordre des Pharmaciens nous a fait remarquer que le Conseil des Pharmaciens s'appelait « Ordre » avant la guerre, et que Vichy l'avait transformé en « Conseil » ! Il y a donc là un problème historique, sémantique, qui n'est pas très important, mais pour lequel je voulais avoir votre avis.

Je vous ai parlé de la création du défenseur du droit des malades : c'est la même philosophie que je vous ai exposée.

Par contre, monsieur le ministre, l'article 24 du titre I prévoit un rapport sur la politique de santé. Vous nous en avez parlé. Vous nous dites qu'il est présenté chaque année au mois de mai par le Gouvernement, compte tenu des priorités pluriannuelles qu'il détermine.

Cela veut dire que c'est le Gouvernement qui détermine la politique de santé pluriannuelle, et non le Parlement. Ces priorités pluriannuelles seront-elles débattues par le Parlement ? Je suis de votre avis : une politique annuelle de santé n'a aucun sens : il faut voir plus loin. Quelle sera donc la valeur ajoutée de ce rapport annuel par rapport aux rapports annexés à la loi de financement de la sécurité sociale ? Ces rapports annuels, chacun sait qu'ils ne servent strictement à rien !

D'autre part -et je sais que vous n'êtes pas loin de penser la même chose- quand notre pays se dotera-t-il d'un ministère de la santé qui regroupe ces agences, ces experts extraordinaires que nous possédons, afin qu'il n'y ait qu'une seule voix, une seule politique -selon les alternances- et qui prévoit un plan à long terme ?

Enfin, le Gouvernement a fait part de son intention de remettre en question la jurisprudence Perruche en déposant un amendement lors de l'examen de la proposition de loi de Jean-François Mattei, jeudi prochain. Avez-vous l'intention de reprendre le texte qui sera adopté par l'Assemblée nationale sous la forme d'un amendement au présent projet de loi lors de son examen par notre assemblée ?

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. LE MINISTRE - Monsieur Giraud, je vous comprends. monsieur le rapporteur, vous n'avez pas toujours tort. Monsieur le mandarin, vous n'avez pas toujours raison, mais souvent !

Moi aussi, cela me rappelle des situations personnelles. Il est difficile d'évoquer seulement les situations personnelles que cela nous rappelle à chacun car, ce qui a évolué, c'est l'ensemble du monde médical, certes, mais aussi l'ensemble du monde de ceux que vous ne voulez pas appeler « usagers ». C'est un nom qui ne me plaît pas non plus. Je préfère les appeler les personnes malades.

Tout en partageant votre sentiment, je dois reconnaître qu'il y a maintenant des usagers, car c'est un système public auquel on recourt de plus en plus fréquemment et, me direz-vous, parfois de façon excessive, pour des raisons qui ne sont pas celles que l'on connaissait avant, ni vous, ni moi.

On peut le déplorer et se contenter -ce que j'ai tendance à faire peut-être plus encore que vous- de penser qu'avant, c'était le bon temps. Oui, c'est vrai, il y a aussi un usage du système qu'il faudrait bien transformer, mais qu'aucun pays n'est arrivé à transformer vraiment.

Je comprends votre sentiment. Je crois que c'est en réglementant obligations et devoirs que l'on arrivera à transformer ces usagers en personnes malades participantes, partenaires, je ne sais comment dire. Ce n'est pas une question facile. Ce sont des personnes malades.

Vous demandez -et votre question me trouble- si ce projet de loi est de nature à transformer la relation dans le mauvais sens, à déformer la relation ? Je ne le crois pas, mais je comprends que vous vous posiez la question.

Je pense que cela doit rétablir la confiance et que les rapports avec les personnes malades ne peuvent plus du tout se fonder sur le secret. C'est impossible. Parfois, c'est indispensable, mais ce n'est plus la mode ni l'esprit de ce fonctionnement. Il faut au contraire, pour qu'ils ne poursuivent pas de leurs exigences excessives et, parfois aussi, de leurs critiques également excessives, leur donner le plus de transparence possible. On ne peut faire autrement. Dans aucun pays du monde cela ne s'est fait. Aux Etats-Unis, c'était excessif. Tout le monde connaît des exemples.

Quand on imposait la vérité d'un cancer à un patient qui ne l'avait pas demandé, on n'évitait pas les dérives ! Je crois donc qu'il faut fournir le plus possible d'éléments qui, par ailleurs, sont en leur possession dans la plupart des cas -et peut-être même de façon plus importante encore qu'on ne l'imagine.

Je ne vous parle même pas d'Internet par rapport aux associations de malade du Sida, qui connaissent les progrès et les expérimentations cliniques avant même les professionnels et les spécialistes ! Comment voulez-vous faire ? Vous ne pouvez leur dire : « Vous en savez trop » ! Transparence : on ne peut faire autrement.

Je ne le déplore pas, mais je considère que c'est une nouveauté bouleversante par rapport à ce que j'ai appris et à ce que j'ai pratiqué, bien sûr.

Obligations des patients et des usagers : oui, d'accord, mais quelles obligations ? L'obligation d'être juste, de ne pas poursuivre en permanence ? C'est ce que nous proposons avec l'aléa thérapeutique.

Je ne parle pas des affections bénignes : je parle des maladies majeures. Les personnes sont dans un état d'infériorité qui est celui que l'on connaît quand on est malade. On ne va pas leur demander, en plus, des obligations.

Je comprends la question que vous avez posée. Il faudrait qu'ils sachent que tout ne leur est pas dû. Oui, c'est vrai, mais c'est au niveau, par exemple, de l'arrêt Perruche. Il ne faut pas qu'ils exagèrent. Je suis d'accord avec vous.

Pour répondre brièvement, le Conseil de l'Ordre, personnellement, je n'en ferai aucune maladie. Il y a eu une proposition. Cela a été accepté par les présidents, que j'ai vus. Si cela s'appelait encore « Ordre », cela ne me gênerait pas. Si cela s'appelle « Conseil », cela ne me gêne pas non plus. C'est comme vous voulez.

(On dit : « Cela s'appelle « Conseil de l'Ordre » ! »).

M. LE MINISTRE - Cela s'appelle d'ailleurs « Conseil de l'Ordre », en effet, mais le mot « Conseil » a plu à des tas de présidents.

Défenseur du droit des malades : Monsieur le rapporteur, ne nous méprenons pas. Je reçois plus de 1.000 lettres par mois, et vous aussi. De temps en temps, vous me les renvoyez. Il y a donc des problèmes.

S'il y a un défenseur du droit des malades, ce ne sera pas un type comme la défenseuse du droit des enfants. Ce ne sera pas M. Stasi. Ce sera un bureau à l'intérieur de la direction générale de la santé. Si je vous disais l'homme auquel je pense, vous seriez d'accord tout de suite !

Je veux une personnalité médicale à la retraite, qui puisse téléphoner au directeur de l'hôpital pour lui dire : « Il y a un problème à régler ». C'est tout.

Ce n'est pas un fonctionnement nouveau, avec des attributions nouvelles, un financement, etc. Je veux qu'il y ait quelqu'un qui soit une référence. Je vois, comme vous, trop de gens qui me disent : « Je vous ai écrit et vous ne m'avez pas répondu ! ». Que voulez-vous répondre ? Vous ne pouvez à chaque fois faire une enquête ! Il y aura donc un bureau exprès pour cela. Je ne veux pas d'un personnage qui tranche.

Priorités pluriannuelles : vous avez raison, elles doivent l'être. Il n'est pas question d'avoir une stratégie de santé publique sur un an, c'est ridicule !

Je vais être brutal : si, en juin, nous proposons 30.000 infirmières de plus pour l'hôpital, ce sera la CNAM qui paiera. Vous le voterez en septembre, mais on le fera sur des réalités, car vous avez raison de dire que le document attaché, personne ne le consulte jamais !

De même, un certain nombre de généralistes se plaignent en ce moment qu'ils ne peuvent se faire remplacer, mais ils ne seront pas remplacés eux-mêmes lorsqu'ils partiront ! Il faut un numerus clausus élargi, sans quoi vous ne pourrez pas ! Bien entendu, cela coûte plus cher !

Voilà ce que je voudrais.

Ministère de la santé : vous connaissez mon sentiment. Ce n'est pas le sujet, mais je pense, pour le bien de ce pays et pour une autre manière d'envisager ensemble les dépenses collectives majeures, les premières d'une Nation, qu'il conviendrait, plus tard -mais vous serez peut-être capable de le faire- d'avoir un ministre de la santé avec l'argent de l'assurance maladie dans un ministère autonome. Il n'y a aucun doute là-dessus. Je le pense depuis dix ans : je ne vais pas vous mentir en vous disant le contraire maintenant ! Personne ne l'a compris, hélas -sauf un essai qui a été écourté !

Je n'y serai plus car, après dix ans, croyez-moi, on n'a plus envie de le faire, mais je pense que si vous détachiez l'argent du ministère de l'éducation nationale pour le mettre ailleurs, vous feriez une erreur. C'est pareil : avoir la dépense d'un côté et les recettes de l'autre, c'est le prétexte à tous les affrontements !

C'est ce que je pense pour mon pays, le seul au monde qui connaisse cela. Mais attention ! C'est aussi le meilleur pays du monde pour le système de soins !

C'est devant le ministère de la santé qu'il y a le plus de manifestations -et souvent violentes. Mais c'est le meilleur système du monde ! Cet équilibre entre la revendication permanente et la satisfaction est-il mauvais ? Peut-être que non ! Et pourtant, croyez-moi, j'en pâtis !

Perruche : je pense qu'au moment où je vous parle, le Premier ministre a tranché. Le texte qui a été travaillé par les radiologues, les échographistes et le groupe que nous avons constitué au ministère de la santé est un texte équilibré, qui commence par cette phrase : « Au seul motif de sa naissance,... », qui va, je crois, donner un coup d'arrêt à ces dérives.

Il y a ensuite la reconnaissance d'un lien de causalité pour que l'on puisse demander indemnité car, en ce qui concerne les anomalies génétiques, les malformations, le médecin n'est pas responsable. C'est clairement écrit, et cela a reçu une approbation totale. J'étais encore avec eux hier soir. Ce groupe était dirigé par M. Claude Sureau et, vraiment, nous sommes d'accord.

Pour ne rien vous cacher, un autre texte s'est présenté. C'est un texte de l'Assemblée nationale, qui va plus loin encore contre l'arrêt Perruche -mais le choix a maintenant dû être arrêté. Evidemment, les professionnels ont tendance à dire : « C'est celui-là qu'il nous faut ». Je suis plus réticent, parce que l'on y considère le handicap comme un préjudice. Je crois que c'est une erreur. Les associations de handicapés ne l'accepteront pas !

Deuxièmement, on repart dans l'IVG. De grâce, on n'en est plus là ! Cela nous a déjà assez freinés. Le texte qu'a proposé Jean-François Mattei n'était pas du tout un texte attaquant l'IVG.

Troisièmement, à mon avis, il faut prévoir l'avenir, et je pense que le texte élaboré avec les professionnels permet de contrer exactement ce que vous avez demandé, monsieur Giraud.

Il y a, par exemple, trois échographistes en France qui, sur les malformations prénatales de la glande thyroïde, sont capables de dire quelque chose. Si le quatrième que l'on va consulter n'est pas capable de le dire tout de suite, va-t-on l'attaquer ? Ce n'est pas possible !

Cela étend terriblement le champ de la protection du personnel professionnel et, en même temps, limite la demande de plainte.

L'indemnisation serait versée tout au long de la vie, pour que les parents ou l'handicapé ne soient pas dans le besoin.

M. LE PRÉSIDENT - Le grand débat portait sur les deux catégories d'handicapés, les premiers qui seraient indemnisés et ceux qui ne le seraient pas.

Peut-être en reparlera-t-on tout à l'heure.

La parole est à M. Dériot.

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - Monsieur le ministre, nous allons passer au titre II, qui correspond à la qualité du système de santé, texte dans lequel un certain nombre de chapitres correspondent à ce que nous attendions, tout particulièrement sur la compétence professionnelle, qui nous semble quelque chose d'extrêmement important, et surtout sur son corollaire, qui est le problème de la formation médicale continue déjà mise en place par l'ordonnance du 24 avril 1996.

J'aimerais que vous puissiez nous dire en quoi ce nouveau dispositif de formation médicale continue que vous avez prévu dans le projet de loi paraît plus à même de fonctionner que celui institué par l'ordonnance en question.

Comment ce dispositif s'articulera-t-il avec la formation médicale conventionnelle ?

Enfin, pourriez-vous nous préciser comment sera abordé le fonds national de la formation médicale continue ?

Il faut reconnaître que dans ce titre II, un certain nombre de choses ne sont pas forcément liées les unes avec les autres mais correspondent à des améliorations de la qualité du système de santé.

En second lieu, le projet de loi prévoit la création d'un office pour les professions paramédicales.

Tout d'abord, pourquoi avoir retenu cette solution, au demeurant partielle, puisque toutes les professions auxiliaires de santé ne sont pas parties prenantes ?

Pourquoi avoir pris un Office plutôt qu'un Ordre véritable professionnel, puisqu'il y en a déjà eu de créés par la loi qui n'ont pas été mis en application, en particulier pour les kinésithérapeutes, les infirmiers, les podologues ?

Pourquoi ne pas appliquer la loi si, comme vous le dites, le terme d'« Ordre » ne vous heurte pas, alors qu'il veut bien dire ce qu'il veut dire ? Pourquoi prendre ce terme d'« Office » et ne pas faire un Ordre par profession ?

Surtout, pourquoi avoir réservé cet Office aux seuls libéraux ? L'Ordre, normalement, est fait pour retraduire le respect, l'éthique et la bonne conduite dans une profession, qu'elle soit exercée de façon salariée ou libérale.

Il me semble important que nous puissions avoir un Ordre par profession, qui regroupe toutes les personnes travaillant tant comme salariés que comme libéraux.

Par ailleurs, l'autre problème introduit par l'Assemblée nationale est un article additionnel qui tend à reconnaître l'ostéopathie dans la loi et à encadrer les conditions de son exercice.

C'est un vrai problème. Pourtant, il n'existe aucune évaluation globale et publique de cette pratique. Ne craignez-vous pas qu'une telle reconnaissance ne soit prématurée, dès lors qu'aucune véritable étude sur la qualité du travail n'a été effectuée ?

Ce problème concerne la santé publique, et l'Etat -tout au moins la République- va permettre un exercice médical sans qu'un véritable diagnostic soit établi par le professionnel qui doit exercer ce diagnostic, c'est-à-dire le médecin !

Je pense qu'il y là un véritable problème. Si l'ostéopathie est reconnue comme une activité médicale, que l'on dispense une formation de médecin ostéopathe dans les facultés de médecine ; autrement, on ne peut plus véritablement parler de la qualité du système de santé qui est basée, chez nous, sur l'action des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes, des diplômes d'Etat.

Enfin, dernière question : le projet prévoit la transformation du Comité français pour l'éducation de la santé en Institut national de prévention et de promotion de la santé. Comment s'articulent, en matière de prévention, les compétences respectives du Haut Conseil de la santé, de la Conférence nationale de la santé, du nouvel Institut et de la Direction générale de la santé ? Tout ceci me paraît constituer un puzzle un peu complexe, et nous ne voyons pas très bien comment tout cela peut marcher !

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le ministre, c'est à vous.

M. LE MINISTRE - Formation médicale continue : en quoi ce nouveau dispositif fonctionnera-t-il mieux que celui de 1996 ? La réponse est simple : celui de 1996 ne fonctionnait pas du tout ! Cela ne peut être pire, mais je ne suis pas sûr que cela puisse être mieux.

Je vous rappelle que ce texte est celui que Claude Huriet avait présenté en amendement à la loi de modernisation sociale.

Je fais confiance à notre réflexion, jointe à celle de Claude Huriet. Ce texte est en fait très proche du dispositif de 1996, qui comprenait de bonnes choses. Nous avons regardé de près les raisons de l'échec pour éviter de commettre les mêmes erreurs.

Pour l'essentiel, les raisons qui font qu'un tel dispositif fonctionnera mieux tiennent -je l'espère- à la qualité de la concertation avec les professionnels et les institutions concernées.

Cette concertation a été, cette fois, extrêmement large, très profonde, et je puis dire que, même si rien n'est jamais acquis, le projet a été bien accueilli par les institutions en question. C'est déjà cela !

En 1996, on a connu un échec des négociations sur la création du FAFML, texte représentant une base légale insuffisante.

Articulation avec la formation conventionnelle : le projet prévoit un mécanisme d'agrément des organismes de formation sur la base des formations proposées.

Cet agrément se fera à partir de critères : respect des objectifs, qualité pédagogique et scientifique, transparence financière.

A partir de là, une formation organisée dans le cadre de la formation conventionnelle, qui répond à un cahier des charges, pourra être agréée par les conseils.

Ceci ne veut pas dire que toutes les formations conventionnelles seront agréées. Par exemple, une formation centrée sur la gestion du cabinet médical n'entre a priori pas dans la formation médicale continue.

Par contre, la prise en charge du malade diabétique rentrera dans la formation médicale continue, et on verra, en fonction des critères énoncés, celles qui seront acceptées ou non.

Le fonds de formation continue sera public, abondé par de l'argent public -budget de l'Etat ou assurance maladie. Les choses ne sont pas aujourd'hui arrêtées. Cela dépendra aussi un peu de ce que cela représente. A mon avis, il devrait y avoir les deux.

Il aura pour mission première de financer le dispositif, mais aussi des formations.

Jusque là, c'est l'assurance maladie qui payait, et une part de l'argent venait des laboratoires, ce qui ne donnait pas satisfaction.

Pourquoi l'Office des professions paramédicales est-il devenu « Conseil » ? L'Office des professions paramédicales, apparemment, satisfait tout le monde. Selon le rapport Nauche, toutes les professions médicales, à l'époque, s'étaient montrées satisfaites, à l'exception des pédicures podologues.

Pourquoi ? Ceux-ci considèrent qu'ils constituent une profession médicale.

Personnellement, je n'ai pas de dogmatisme à propos du « Conseil », ni de l'« Ordre », ni des « offices ».

Une large majorité est maintenant acquise et nous remercie d'avoir installé cet office en ayant mis à leur disposition des secrétariats, etc.

Seule une profession médicale à compétences limitées n'est pas satisfaite. Ils sont prescripteurs, comme les sages-femmes, et ne sont pas contents. Ils ne sont toutefois pas extraordinairement nombreux, malgré l'importance de cette profession.

Pourquoi ne pas intégrer d'emblée les psychomotriciens, les ergothérapeutes, les diététiciens, etc. ? Ces professions n'ont pas d'activité libérale et le Conseil ne concerne, à ce stade, que les professionnels à exercice libéral. Vous savez très bien pourquoi : les syndicats n'en veulent pas !

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - C'est bien le problème !

M. LE MINISTRE - Si vous consultez les gens, comment les consultez-vous, sinon par leur syndicat ? C'est vrai pour toute la fonction publique hospitalière et pour tout le reste !

Comment faire autrement ? Nous évoluerons s'il en est besoin.

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - Ce n'est pas la même chose ! Un Ordre n'a rien à voir avec une organisation professionnelle syndicale.

M. LE MINISTRE - Je ne dis pas que vous avez tort : je dis que la réalité est celle-là. Pendant très longtemps, la représentation syndicale des infirmières ne souhaitait pas la création d'un Ordre. Voilà une réalité !

Je ne suis pas bloqué : si une évolution se fait jour dans la profession, pourquoi ne pas les représenter ? D'ailleurs, si je ne m'abuse, les médecins sont tous inscrits à l'Ordre des médecins, parce qu'ils doivent suivre obligatoirement les indications déontologiques du Conseil.

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - C'est la même chose pour les autres professions, qu'il s'agisse des kinésithérapeutes, des infirmiers, ou autres. C'est ce qui permet de s'assurer de la compétence et du bon exercice.

M. LE MINISTRE - Reconnaissance du titre d'ostéopathe. Nous sommes le dernier pays à ne pas avoir reconnu l'ostéopathie. Il y a eu beaucoup de travaux européens, en particulier au Parlement européen, pour faire reconnaître un certain nombre de médecines douces qui, à mon avis, n'ont pas le même sérieux ou la même évaluation, même si vous la jugez insuffisante.

Je partage à peu près votre sentiment, mais la réalité était la suivante : il y a aujourd'hui 4.000 professionnels qui pratiquent régulièrement l'ostéopathie et 12.000 de façon périodique, dont une minorité est d'ailleurs déjà médecin.

La majorité des praticiens qui exercent sont soit des kinésithérapeutes, soit des ostéopathes, ni médecins, ni kinésithérapeutes. Ils font six ans d'études dans des écoles extrêmement variables.

Quelle était la meilleure façon d'essayer d'y voir clair, de donner un peu de transparence et d'efficacité, voire de maîtriser les dangers ? Bien entendu, en validant leur formation !

De toutes façons, nous étions dépassés par les événements. Les conseils de l'Ordre qui portaient encore plainte ne voyaient pas les Parquets donner suite à ces plaintes. Nous étions dans un domaine de non-droit et, en réalité, nous acceptions tout ! Moi, je n'aime pas les lois qui ne sont pas appliquées !

Je n'ai pas de sentiment particulier. J'ai rencontré des ostéopathes très sérieux, dont des médecins, mais également des non-médecins, des gens qui prennent des précautions élémentaires. Vous n'avez pas tort : il faut les évaluer. C'est ce que nous allons faire.

C'est une approche qui va nous permettre d'évaluer leurs pratiques et la formation. Il y a des instituts qui vont fermer, car nous ne les validerons pas. Il y aura peut-être une spécialité d'ostéopathie qui, vous le savez, à l'Hôtel-Dieu, se pratique depuis longtemps.

Nous n'avons pas entendu trop de contestations. Cela a été fait dans bien des pays. Aux Etats-Unis, les ostéopathes ont pignon sur rue depuis longtemps. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'incidents, mais je partage votre sentiment : il faut se méfier et établir le plus de barrières et de garanties.

M. LE PRÉSIDENT - Aux Etats-Unis, un audit extrêmement sévère a quand même été réalisé avant.

M. LE MINISTRE - Si vous le souhaitez, nous ferons un audit.

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - Il me semble que la moindre des choses, quand on a la responsabilité de la santé publique dans un pays, c'est de s'assurer que, dans quelque domaine que ce soit, la pratique, quelle qu'elle soit, est dispensée par des professionnels qui ont reçu une formation dispensée par l'Etat. A partir de là, on a un minimum de sécurité !

M. LE MINISTRE - Vous n'avez pas tort, monsieur le rapporteur mais, pour contrôler, lorsque la rétorsion ne suffit pas -et elle ne suffisait plus- il faut reconnaître.

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - Si la loi n'est pas appliquée par la justice !

M. LE MINISTRE - Il y avait tellement de plaintes qu'il n'y avait plus de poursuites !

M. LE PRÉSIDENT - C'est ce qui se passe pour la drogue !

M. LE MINISTRE - Ce n'est pas de même nature !

Prévention : cet institut n'est un qu'opérateur. Il ne peut en aucun cas être comparé aux autres organismes cités qui ne participent pas, par leur avis, à l'élaboration des politiques publiques.

Dans le cadre de l'élaboration de la politique de santé, un rapport gouvernemental sera préparé par le Haut Conseil de la santé avec la Direction générale de la santé et soumis pour avis à la conférence nationale de santé avant d'être présenté devant le Parlement et discuté.

Ce rapport, qui identifiera les priorités à partir des analyses des conseils régionaux, traitera bien entendu des priorités sur plusieurs années.

Enfin, la DGS assurera, comme elle le fait pour tous les établissements publics, la coordination de la tutelle de l'Institut.

M. LE PRÉSIDENT - La parole est à monsieur Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - L'intervention de M. le ministre a été, comme d'habitude, brillante et nous a stimulés.

Toutefois, si j'avais un article à écrire, je dirais aujourd'hui qu'on a « la peur au ventre ». Vous évoquez le principe de responsabilité. On ne peut exercer cette responsabilité lorsqu'on a peur et je crois que les précautions lorsqu'elles deviennent excessives, elles limitent les gestes utiles au malade. Je pense que cela va à l'encontre des intérêts du malade.

Vous avez rappelé la notion de confiance, mais ce n'est pas la loi qui va créer la confiance. C'est un ensemble d'éléments, c'est un climat.

Il est vrai que ce texte est attendu, et je crois que nous devrons y répondre. Peut-être la confiance sera-t-elle en partie acquise lorsqu'on aura donné un cadre, en particulier en ce qui concerne l'information des malades, mais quelle information, dans quelles limites ?

On pourra peut-être ensuite mieux définir l'ensemble des bonnes pratiques qui permettent aussi d'avoir des repères.

Le troisième point que vous avez abordé, c'est la notion de transparence. Vous évoquez la pédagogie du risque.

Où va-t-elle s'exercer ? Elle va s'exercer dans ces commissions régionales que nous évoquons ! Il faut savoir que nombre de magistrats et d'assureurs ont exprimé quelques réticences vis-à-vis de ces commissions régionales. Par contre, au niveau des associations, l'écoute était importante.

Pour entrer dans le vif du sujet, ma question portera sur les infections nosocomiales. On a l'impression, à écouter l'Assemblée nationale, qu'il y a un amalgame sur les affections nosocomiales, qui ont été largement définies par l'Académie de médecine.

On a tous les éléments d'appréciation nécessaires. Or, le texte adopté par l'Assemblée semble prévoir que ces infections relèveraient systématiquement de la faute. J'aimerais savoir si vous le confirmez.

Autre question : quelle réponse apportez-vous aux craintes exprimées par les assureurs médicaux quant aux conséquences financières que serait susceptible d'avoir pour eux le dispositif du titre III du projet de loi, notamment l'obligation d'assurance en responsabilité civile pour tous les professionnels des établissements de santé ?

Je me suis permis de rajouter une question : faut-il fixer un taux pour l'entrée dans le dispositif de la commission de conciliation et d'indemnisation ? On a parlé d'une borne qui correspondrait à 30 % de l'IPP. Ne vous paraît-il pas utile de l'introduire dans la loi ?

Ma quatrième question porte sur l'indemnisation de l'hépatite C. S'il y a eu inversion de la charge de la preuve, on ne peut être insensible aux appels de la multitude de personnes touchées par ce phénomène. J'aimerais avoir votre position.

Enfin, ce projet de loi comportera-t-il un texte concernant l'arrêt Perruche ? Les professionnels de santé attendent d'être rassurés en ce qui concerne leur exercice -et je ne m'étendrai pas sur le coût des primes d'assurance qui vont être appelées à évoluer de manière exorbitante.

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le ministre, vous avez là l'occasion de répondre à la question que posait tout à l'heure le professeur Giraud.

M. LE MINISTRE - Sur les infections nosocomiales, les professionnels ne sont responsables qu'« en cas de faute ou manquement, quelle que soit, selon l'appréciation du juge compétent, la nature ou le mode d'établissement de cette faute ou de ce manquement prouvé ou présumé ».

Cet amendement ne fait que reprendre les termes de la jurisprudence actuelle sur les infections nosocomiales. Il ne va pas au-delà, mais ne revient pas en arrière non plus. Il est le même.

De fait, aujourd'hui, la quasi-totalité des infections nosocomiales relève de la faute ou d'un manquement à une obligation de résultat -puisqu'il s'agit de matériel et non d'individus- selon l'appréciation des juges.

Evidemment, c'est injuste, sauf si on a le courage de dire qu'il y aura tout le temps des infections nosocomiales à l'hôpital parce qu'on ne peut faire autrement. Or, on ne peut le dire !

M. LE PRÉSIDENT - A moins de retourner à la théorie des pavillons !

M. LE MINISTRE - Exactement ! Tant que vous aurez ces circuits d'air très particulier, sur lesquels nous faisons un grand travail au ministère de la santé, qui brassent l'air, avec des filtres qui ne sont absolument pas suffisants, on ne pourra faire autrement. Il faut que les établissements, un par un, fassent des efforts en ce sens.

Un retour en arrière serait inacceptable pour les associations de victimes, déresponsabilisant pour les établissements de santé, impraticables en droit civil. C'est impossible ! Que diraient les gens qui poursuivent depuis 15 ans ?

Cela ne me satisfait pas non plus, car cela veut dire que les hôpitaux modernes accueillent et pérennisent des dangers dont il faut tenir compte.

Second point : les assurances médicales. Aujourd'hui, l'obligation d'assurance ne change pas fondamentalement la situation. C'est une situation de crise. L'assurance « responsabilité médicale » traverse une crise due à des facteurs de fond et anciens, comme l'instabilité de la jurisprudence, et à des éléments de contexte, dont la crise actuelle et, en particulier, les conséquences de l'arrêt Perruche.

Les assureurs, sous la pression de réassureurs, que j'ai rencontrés, très fragilisés par la situation internationale, dans le contexte du 11 septembre, dénoncent les contrats pour augmenter les prix, en particulier pour les professions à risques que sont l'obstétrique, l'anesthésie, la chirurgie et l'échographie.

Or, il est vrai que l'obligation d'assurance peut se heurter à l'étroitesse d'un marché, dont je répète qu'elle préexiste à la loi.

L'importance de cette difficulté doit être relativisée, les praticiens, établissements ou producteurs, étant pour l'essentiel assurés.

La question du refus d'assurance, et donc du recours au bureau central de tarification, ne devrait concerner qu'une fraction très minoritaire, mais nous les aiderons.

Il y aura non seulement une obligation, mais une pression, comme nous l'avons fait pour les centres de transfusion sanguine. Les assureurs assureront !

Deuxièmement, l'absence de limitation aux garanties apparaît totalement aux assureurs avec l'obligation d'assurance.

En l'état actuel du texte, les assureurs et réassureurs prédisent un assèchement total du marché en France. Ils demandent que soient inscrites dans la loi les limitations dans le temps et en termes de montant des garanties, voire des clauses d'exclusion.

Sur la limitation dans le temps, une mission composée de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des services judiciaires, suite à l'annulation partielle par le Conseil d'Etat de l'arrêté de 1980 limitant la garantie dans le temps des centres de transfusion sanguine, dont je parlais, est actuellement en cours.

Il est donc difficilement envisageable de légiférer sur ce point avant les conclusions de cette mission.

Sur la limitation du montant, il apparaît indispensable d'introduire dans la loi le principe d'un plafond de garanties, que ce soit pour les professionnels, les établissements ou les entreprises.

Des amendements vous seront proposés en ce sens lors du débat. Nous avons besoin d'un plafond, c'est clair. Le taux sera fixé par décret.

Hépatite C : j'ai déjà répondu que les multiples milliards que cela aurait nécessité auraient rendu impossible cette loi sur le droit des malades. Nous avons dit que, six mois avant l'acceptation de la loi, seront prises en compte une par une toutes les demandes d'indemnisation pour avoir contracté l'hépatite C dans des circonstances qui seront examinées par la commission. Une indemnisation sera proposée avant.

Les affaires devant les tribunaux se poursuivent, comme vous le savez, et comme il s'agit de l'Etablissement français du sang, c'est également le même financement.

Vous savez que la preuve doit être faite qu'il n'y a pas eu d'infection par le sang contaminé. Cela va faciliter les choses.

Hélas, je sais qu'il y a des gens, en France, qui ne connaissent même pas leur séropositivité ou leur séronégativité. Nous avons fait une grande campagne sur l'hépatite C. Cela ne suffit pas.

Il y a aussi des gens qui ne veulent pas connaître leur statut. Nous avons vu, vous et moi, des amis mourir à l'hôpital qui, évidemment, présentaient un tableau de sclérose hépatique ou de cancer du foie qui était en fait la conséquence d'une hépatite C qu'ils ne connaissaient pas !

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Ne pourrait-on prendre les cas lourds en considération?

M. LE MINISTRE - Maintenant, on peut les prendre en charge. Il fallait que l'on mette une limite dans le temps, car cela représentait entre 25 et 30 milliards. Je ne pouvais raisonnablement espérer faire passer cela. Je me suis beaucoup battu. Un arbitrage a été rendu. Je le condamne personnellement, mais je le comprends. C'était cela, ou l'on n'avait pas ce fonds d'indemnité !

Cela a été bien accepté par les associations de malades. Bien sûr, tout le monde me dit, comme vous, monsieur Lorrain : « Et l'hépatite C, pourquoi ne l'avez-vous pas prise en charge ? ». Parce qu'on ne le pouvait pas !

Concernant l'arrêt Perruche...

M. LE PRÉSIDENT - Peut-être pourrait-on donner la parole à Pierre Fauchon avant que vous ne vous exprimiez sur ce sujet, monsieur le ministre ?

M. LE MINISTRE - Bien volontiers, monsieur le président.

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez la parole, en vous remerciant une nouvelle fois de participer à ces auditions avec nous.

M. Pierre FAUCHON, rapporteur pour avis - Monsieur le président, vous n'avez pas à me remercier, étant donné le très grand intérêt de cette audition !

Monsieur le ministre, je voudrais dire combien j'ai le sentiment que ce texte représente potentiellement une grande avancée sur la situation du droit et du droit des malades, qui est une question incontestablement légitimement attendue.

Je suis de ceux qui souhaitent que ce texte porte les fruits que vous en attendez. C'est l'avenir qui nous le dira, bien entendu.

Sur le texte lui-même, je poserai deux questions.

La première est la suivante : étant donné l'importance de cette question du taux, qui définit la possibilité d'obtenir ou non indemnisation dans les hypothèses où n'il n'y a pas de faute, pensez-vous que l'on puisse s'en tenir à une appréciation par un décret en Conseil d'Etat ? N'appartient-il pas au législateur de définir ce taux ? Peut-on s'abriter derrière une décision réglementaire, alors que cela va fixer le droit ? Je me demande même si ce serait constitutionnel !

Autre question : vous avez imaginé une procédure dont vous attendez qu'elle soit de nature, avec les commissions régionales, à faciliter le règlement de ces litiges, mais souvenons-nous que ces litiges portent par définition sur les affaires graves, dont les enjeux financiers ne seront pas mineurs !

Ces commissions auront à trancher des questions d'ordre judiciaire classiques, notamment la distinction entre la faute et l'absence de faute. Ou c'est l'assurance qui paiera ou c'est l'Etat tout entier et la solidarité nationale, question importante pour des intérêts importants !

Pouvez-vous attendre de la création de ces organismes parallèles des résultats réellement supérieurs à ceux que vous pouvez attendre du fonctionnement habituel de la justice, étant entendu que, dans ce domaine, actuellement, dans les deux ordres de juridiction, que ce soit la juridiction administrative ou la juridiction judiciaire, le développement des procédures de référé fait que les délais se comptent non en années, mais en mois ?

Avec le référé ordinaire, vous avez des experts en un mois ; avec le référé provision, à partir du dépôt du rapport des experts, vous avez une décision provisionnelle dans les deux mois.

Vous êtes dans des délais opérationnels. Or, l'expérience prouve que les décisions rendues à titre professionnel par un magistrat qui présente toutes les garanties de voies de recours sont plus facilement respectées par ceux qu'elles concernent, victimes ou les assurances, que les décisions prises par des commissions qui n'ont ni les mêmes titres, ni la même autorité !

M. LE PRÉSIDENT - En d'autres termes, monsieur le ministre, ajoute-t-on des délais aux autres délais ?

M. LE MINISTRE - Si je devais vous répondre positivement, il serait stupide de présenter ce projet de loi !

J'ai bien entendu ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur pour avis, et je vous remercie de vos appréciations.

Doit-on légiférer ou un décret en Conseil d'Etat sera-t-il suffisant ? Franchement, je n'ai pas de certitudes sur cette affaire. On y a beaucoup réfléchi. Je pense que c'est la manière dont seront prises en compte ces affaires pénibles pour chacun qui compte. On verra bien à partir de quel taux d'invalidité ou de quelle importance on proposera une indemnisation.

Quelques chiffres : il y environ 1.000 accidents par an, dont 50 % sont non fautifs. C'est beaucoup mais, dans tous les cas, on peut recourir aux tribunaux. N'importe quel citoyen, à n'importe quel moment de la procédure amiable, peut se présenter devant un tribunal. Il y aura donc peut-être plus de cas portés devant les tribunaux, mais je ne le crois pas. Dans les pays où cela a été appliqué, au contraire, il y a eu moins de conflits portés devant les tribunaux. C'est cela, le rétablissement de la confiance !

Nous proposons de considérer que la mise en place du dispositif suscitera une augmentation des contentieux par un effet d'appel. Nous sommes vraiment très grands seigneurs, car je pense le contraire, mais cela a été constaté dans certains pays ; dans d'autres, cela a été le contraire.

Retenons l'hypothèse d'une augmentation de 75 %, soit 87.500 non fautifs par an dans les premières années. C'est énorme. Nous partons du principe que ne sont indemnisés que les accidents graves, c'est-à-dire une catastrophe individuelle. A partir de quand ? Il faut que l'on voie. Je ne peux vous le dire maintenant. Bien malin qui peut dire à partir de quel moment et pour quel individu. Cela dépend quand même des individus !

Le taux minimal d'incapacité permanente partielle -IPP- retenu sur cette hypothèse est de 25 % minimum. Il nous reste de la marge ! On prend beaucoup de cas.

Données statistiques. Aléas : dècès estimés à 20 % : 1.700. IPP estimée à 4 % de plus de 50 % : 350. 25 % jusqu'à 50 % : 350. Nombre d'incidents non fautifs pris en charge par les commissions : 2.400 aléas. Fautifs plus aléas : 5.000 par an.

Estimation du coût : décès : 0,3 million de francs par 1.700, soit 510 millions de francs. IPP jusqu'à 50 % : 420 millions de francs - 25 % à 50, soit 140 millions de francs. Cela fait donc un peu plus d'un milliard. C'est pourquoi j'ai parlé de 1 à 1,5 milliard de francs. Ce sont les chiffres sur lesquels nous nous sommes fondés : en France, les assurances, et un peu à l'étranger.

Je ne peux pas vous dire plus pour le moment. J'ai ici une courbe qui représente l'évolution des sinistres corporels déclarés entre 1991 et 2000. Il était temps de faire quelque chose !

M. LE PRÉSIDENT - Loi ou décret, monsieur le ministre ?

M. LE MINISTRE - Nous avons tranché pour le décret, parce que cela me semble très difficile de dire maintenant comment faire dans la loi.

Vous avez évoqué des délais de trois ans. Il y en a aussi de quinze ans ! C'est ce que l'on veut éviter : que traînent les rancunes.

Les délais sont raccourcis mais surtout, l'expertise est transformée. Les experts ne seront plus contestés. Chaque expert sait comment cela se passe dans les affaires médicales. Ce n'est plus possible !

M. Pierre FAUCHON, rapporteur pour avis de la commission des Lois - La partie « expertise » est l'une des meilleures du texte ! J'ai oublié de le dire.

M. LE MINISTRE - Voici le texte qui a été beaucoup travaillé. Je vous le donne, parce qu'il n'y a pas de raisons que je vous le cache, mais je ne sais pas ce que le Premier ministre a décidé : « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.

« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap, l'a aggravé ou n'a pas permis de prendre les mesures pour l'atténuer ».

M. LE PRÉSIDENT - Qu'est-ce que cela veut dire « atténuer ». Le faire disparaître ?

M. LE MINISTRE - Non ! Cela veut dire qu'il n'a pas conseillé à la mère telle ou telle conduite. Il n'a pas à conseiller l'IVG ! C'est autre chose.

Troisième paragraphe : « Lorsque le handicap, en raison d'une faute, n'a pas été décelé pendant la grossesse, les parents peuvent demander une indemnité, destinée à la personne handicapée, correspondant aux charges particulières découlant, tout au long de sa vie, de son handicap, déduction faite du montant des allocations et prestations, de quelque nature qu'elles soient, dont cette personne bénéficie, au titre de la solidarité nationale ou de la sécurité sociale.

« Les organismes sociaux ne peuvent exercer de recours à l'encontre de l'auteur de la faute pour obtenir le remboursement des prestations versées ».

Dernier paragraphe : « Les dispositions de la présente loi sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation ».

Nous avons beaucoup travaillé ce texte. Je ne sais ce qui a été proposé, mais j'ai fait ce que j'ai pu !

Il y a un autre texte. Je vous le lis pour votre culture générale, car il n'y en aura pas deux. C'est celui de la commission : « Un enfant né handicapé ne peut obtenir la réparation par un professionnel ou un établissement de santé du préjudice résultant de son handicap, du seul fait que les fautes commises par ce professionnel ou cet établissement ont empêché la mère de l'enfant d'exercer son droit d'interrompre sa grossesse ».

C'est exactement ce que pourraient souhaiter les professionnels si l'on s'en tenait à l'arrêt Perruche, mais c'est, à mon avis, beaucoup moins large que ce que nous avons fait. Si cela se trouve, le Premier ministre a tranché pour celui-là. Je n'en sais rien.

M. LE PRÉSIDENT - Je reviens à ce que j'évoquais tout à l'heure. La rédaction de ce texte me paraît profondément choquante dans les deux propositions ! Il ne peut y avoir d'enfant handicapé ayant une indemnité du fait de ce handicap ou du fait qu'on n'a pas provoqué un avortement, et d'autres enfants handicapés qui n'ont pas d'indemnité !

C'est la société qui crée le handicap en ne s'adaptant pas aux capacités de certaines personnes. Il appartient donc à la solidarité nationale de faire face au handicap que l'Etat a lui-même constitué, puisque le handicap, c'est l'incapacité de l'ensemble de la Nation à faire face aux déficiences de certains d'entre nous ! Chacun ayant les mêmes droits, il appartient à la solidarité nationale de permettre à tout le monde d'exercer ses droits : se rendre à tel ou tel endroit, vivre, etc.

C'est la solidarité nationale qui doit s'exprimer, et il est trop simple, à travers ce type de dispositif, de faire retomber, pour une partie des enfants handicapés, la charge sur les assurances et, à travers elles, sur les cotisations d'un certain nombre de professionnels !

Voilà ce que je voulais exprimer et je puis vous dire que beaucoup de familles de handicapés ressentent aussi ces propositions comme une véritable provocation et une souffrance.

M. LE MINISTRE - J'écoute non seulement avec intérêt mais aussi émotion ce que vient de dire le président : je ne vois rien de tout cela ! Nous partions de cet arrêt Perruche et de l'émotion suscitée par cette procédure particulière qui a permis de faire retomber sur l'assurance personnelle du médecin ce qui devrait être pris en charge par la société du fait du handicap.

Je partage ce sentiment, mais c'est justement ce que l'on dit ! C'est un rapport de causalité.

M. LE PRÉSIDENT - Je ne parle pas du premier, mais du second paragraphe.

M. LE MINISTRE - En droit, vous ne pouvez empêcher les parents de porter plainte !

M. LE PRÉSIDENT - Je trouve normal que le médecin soit condamné à payer une sorte de praetium doloris , mais cela n'a pas de rapport avec une indemnité qui serait versée à l'enfant handicapé toute sa vie, alors que d'autres enfants qui naissent handicapés n'ont pas le droit à une indemnisation !

M. LE MINISTRE - Il faudrait qu'ils y aient droit, mais...

M. LE PRÉSIDENT - Non, il faut que la solidarité nationale s'exprime pour tous les enfants handicapés !

M. LE MINISTRE - Je comprends ce que vous voulez dire, mais vous ne pouvez empêcher les gens de porter plainte. Les autres auront droit à la solidarité nationale !

M. LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Paul Blanc.

M. Paul BLANC - Je partage tout à fait le point de vue de notre président.

Qu'est-ce qui a motivé la plainte des parents ? Ils ont eu peur que leur enfant handicapé n'ait pas, dans l'avenir, les moyens d'avoir une vie décente !

Si votre texte est adopté, vous allez avoir une grande inégalité entre les enfants qui seront handicapés et dont les parents n'auront pas porté plainte et ceux dont les parents auront porté plainte puisque, vous l'avez dit, ils auront plus que ceux qui auront les indemnités « handicapés ». Il y a là une très grande injustice !

M. LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Vasselle, rapporteur général de la commission.

M. Alain VASSELLE - Monsieur le Président, ce n'est pas tant en qualité de rapporteur général qu'en qualité de membre de la commission que je pose la question, mais je vous remercie de souligner cette fonction.

Je partage le point de vue exprimé par le président et par Paul Blanc. Je crois qu'il sera difficile d'admettre qu'il puisse exister dans notre société deux catégories d'handicapés : ceux qui bénéficieront d'une indemnité parce qu'une procédure a été engagée pour essayer de prouver qu'il y a eu faute professionnelle, et une seconde série de situations qui peuvent résulter du fait des familles qui auront fait le choix, en fonction de leurs convictions propres, philosophiques ou religieuses, de procéder à l'IVG ou de ne pas y procéder, ceux qui seront libérés de leur handicap parce qu'ils n'ont pas d'état d'âme sur la suppression de la vie à un moment donné, et ceux qui décideront de garder cet enfant handicapé, qui résulte d'une faute ou non et qui n'auront pas le droit à indemnisation.

Cela pose des problèmes philosophiques majeurs, en dehors de toute sensibilité politique d'ailleurs, car je pense que c'est très courant.

Il y a là un problème fondamental auquel il n'est pas facile d'apporter une réponse, celle-ci étant, je crois, plus du ressort de notre société, dans le cadre de l'expression de la solidarité nationale, que de l'indemnisation, par le biais des assurances.

Je pense que vous avez raison, monsieur le ministre, de dire qu'il faut que nous procédions à une lecture attentive du texte avant de nous prononcer d'une manière un peu radicule sur les solutions à prendre, mais je crois qu'il faut que nous essayons de construire ensemble une solution qui réponde à l'attente de l'ensemble de ces familles !

Je crois qu'il y a un consensus général sur la première partie du texte, et je pense que nous pourrons certainement trouver une position unanime.

C'est sur la seconde partie du texte que nous nous posons un certain nombre de questions, et c'est là où il faut peut-être affiner la rédaction pour éviter des quiproquos et des malentendus.

M. LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Sellier, puis à M. Leclerc, sur un autre sujet, ainsi qu'à M. Fischer.

M. Bernard SEILLIER - Monsieur le ministre, ne peut-il y avoir, sur ce paragraphe II, organisation après coup, ayant constaté à la naissance ce handicap, d'une procédure vicieuse, en quelque sorte connivence entre les parents et les médecins alors qu'il n'y aurait pas eu de constatations, pour obtenir le bénéfice de la solidarité nationale, puisqu'on ouvre une porte à ce type de dérive ?

C'est une question qui me vient à l'esprit spontanément, après la lecture de ce paragraphe.

M. Guy FISCHER - Monsieur le ministre, la difficulté qui est soulevée montre bien la nécessité d'avoir ce débat. Il va avoir lieu à l'Assemblée nationale cette semaine. Est-ce que ce sera intégré dans le texte ?

M. LE MINISTRE - Je ne sais si ce sera intégré ou non. Théoriquement, c'est une proposition de loi de Jean-François Mattei. Cela suit donc la procédure habituelle, mais je suis très attentif à tout ce que vous dites.

M. Dominique LECLERC - Monsieur le ministre, l'article 45 de votre projet initial prévoit la création d'une section H des pharmaciens hospitaliers dans le cadre de l'Ordre. Cela n'a pas été retenu par l'Assemblée nationale. Quelle est la réaction du Gouvernement sur ce point ?

M. LE PRÉSIDENT - Mme Desmarescaux va poser la dernière question.

Mme Sylvie DESMARESCAUX - Cette question est celle de M. Gournac, qui a dû s'absenter.

Monsieur le ministre, l'article 36 du projet de loi prévoit de renforcer l'encadrement des conditions d'exercice de la chirurgie esthétique en instituant notamment une obligation d'autorisation des installations.

Comment, dans ce cadre, sera prise en compte la situation particulière des quelque 3.000 médecins qui exercent actuellement des activités de chirurgie esthétique, sans être pour autant qualifié par l'Ordre à ce titre ?

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur Fischer, une dernière question...

M. Guy FISCHER - Monsieur le ministre, le problème des médecins à diplôme extra-communautaire va-t-il être traité définitivement ? Je suis ici loin du texte, mais le problème existe néanmoins !

M. LE MINISTRE - Je n'ai pas de réponse à cette question. Il existe une obligation de posséder un diplôme français. Je sais qu'ils sont mal payés, qu'ils sont utilisés tout le temps. Trouvez-moi la solution : je l'appliquerai ! Je crois que j'ai fait plus que tout le monde réuni pour leur permettre d'accéder aux PAC, puis aux postes d'EPH.

Sur 8.000, plus de 7.000 sont régularisés. J'ai fait tout ce que j'ai pu, mais pour ceux-là, je ne peux rien faire ! Il y a là une vraie loi. Il faut que je change la loi.

Aurait-on le droit d'exercer, en France, avec un diplôme non français ? Pour le moment, on ne l'a pas ! Cela ouvre quand même la porte à un certain nombre de perspectives sur lesquelles il faut réfléchir.

Je partage votre sentiment sur l'injustice que cela constitue mais, pour le moment, monsieur Fischer, je n'ai pas de solution !

Madame, c'est justement parce qu'il y a au moins 3.000 personnes qui exercent cette activité de chirurgie dite esthétique dans des conditions qui ne sont pas raisonnables que nous allons légiférer.

Nous allons bien sûr édicter, par décret mais aussi grâce à un certain nombre d'inspections, des réglementations qui, dans les cabinets et ailleurs, vont permettre d'exercer selon des modalités que réclament eux-mêmes les chirurgiens esthétiques.

Rétablir la section H ou non : franchement, je n'y comprends rien ! J'ai honte ! Il y a une querelle que je n'arrive pas à surmonter. J'écouterai avec intérêt vos propositions.

M. LE PRÉSIDENT - Je n'arrive pas à croire que vous n'y compreniez rien, monsieur le ministre ! Je pense que vous comprenez trop bien !

M. LE MINISTRE - C'est exact !

Sur le fond, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous dites, et je comprends bien l'idée. On vous prévient d'une malformation ; votre choix philosophique ou religieux vous pousse à maintenir la grossesse ; la femme ne veut pas avoir recours à l'IVG ; l'enfant handicapé, puisqu'on l'a prévenue, n'aura pas les mêmes chances d'indemnisation s'il poursuit, puisqu'il n'a rien à poursuivre. Je comprends.

Evidemment, celles qui auront souhaité interrompre la grossesse sont légitimement fondées à le faire, puisqu'il y a une loi pour cela. Je comprends.

En ce qui concerne la poursuite, n'est-ce pas le cas dans tous les incidents de la vie ? Aux termes de la Constitution même, on ne peut interdire de porter plainte !

Vous me dites qu'il y aurait donc trois catégories de personnes avec un handicap. Je pense que la réponse est dans la solidarité nationale.

Je pense que cette réponse doit prendre en compte votre proposition, mais comment manifester cette solidarité nationale ? Il faut y réfléchir.

C'est ma position personnelle et il faut que j'y réfléchisse, car je n'y ai pas assez réfléchi, mais il y handicap et handicap. Il y a un certain nombre de choses qui sont bien difficiles à raisonner comme cela : malformations bénignes, trisomie, etc.

M. Paul BLANC - Comment faire le diagnostic prénatal d'un autisme ?

M. LE MINISTRE - Il faut qu'on en reparle au cours du débat mais, indépendamment des présupposés ou des attitudes, que je respecte de la part des uns et des autres concernant l'IVG en cas de handicap prévisible majeur, j'ai le sentiment de faire avec cette loi plus pour la transparence, pour le progrès et pour la prise en charge des gens, y compris avec cette correction de l'amendement Perruche.

La proposition de loi de Jean-François Mattei -que je respecte, bien que je ne pense pas la même chose que lui- n'allait pas jusque-là. La proposition Mattei, c'était : « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du fait de sa naissance ». J'ai précisé « seul » -ce qui est beaucoup plus important juridiquement. Tout le reste, nous l'avons ajouté ! Il ne faut donc pas nous accuser de ne pas vouloir voter cette proposition de loi. Il fallait au contraire la préciser. Peut-être ne l'avons-nous pas précisé assez dans ce domaine, mais qu'allez-vous proposer ? Que nous soyons beaucoup plus attentifs en général à la prise en charge des handicaps ? C'est ce à quoi l'on va aboutir.

Jusque-là, nous éclairons les femmes et leur permettons de choisir. C'est la réponse la plus sincère dont je suis capable pour le moment. Poursuivons ! Je n'ai pas de réponse toute faite.

Je comprends la position de quelqu'un qui a sur l'IVG une attitude différente de la mienne...

M. LE PRÉSIDENT - Il n'y a pas que cela ! Il y a toutes les familles dans lesquelles naît un enfant handicapé...

M. LE MINISTRE - C'est la troisième catégorie !

M. Paul BLANC - C'est la grande majorité, monsieur le ministre.

M. LE PRÉSIDENT - ... Et qui se retrouvent démunies !

Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais vous remercier du temps que vous nous avez accordé sur ce texte très important, qui touche à l'essentiel.

Votre dimension humaine apporte toujours beaucoup à ces débats, et je vous remercie beaucoup, avec la simplicité qui est la vôtre, d'accepter ces discussions en nous faisant part du fond de votre pensée, même si vous ne vous conformez peut-être pas toujours aux obligations strictes de vos responsabilités.

Vous parlez ici aussi en tant qu'homme, et je vous en remercie profondément.

Nous aurons bien sûr à en reparler. Nous allons suivre ce qui va se faire à l'Assemblée nationale. Au-delà de ces deux rédactions, il y en aura peut-être une troisième qui sera la proposition du Sénat.

Je pense que ce sera très difficile ; nous le ferons néanmoins les uns et les autres avec l'intime conviction que l'on ne travaille ni pour un camp, ni pour l'autre, mais dans l'intérêt de nombreux Français, qui sont dans des situations très difficiles.

Ce sera sans esprit partisan, vous le savez bien sûr comme moi.

Merci encore.

M. LE MINISTRE - Merci à vous tous.

II. AUDITIONS DU MERCREDI 9 JANVIER 2002

A. AUDITION DU PROFESSEUR BERNARD HOERNI, PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS

M. Nicolas ABOUT, président - Après avoir entendu hier Bernard Kouchner, ministre délégué chargé de la santé, la commission des Affaires sociales poursuit ses auditions en entendant quelques acteurs majeurs de notre système de santé : le Conseil national de l'Ordre des médecins, la Conférence nationale de santé et le Haut Comité de santé publique. Ils sont intéressés à double titre par notre projet de loi et peuvent donc apporter un double éclairage à notre commission : sur la philosophie du texte tout d'abord, au regard des réflexions qu'ils ont pu formuler sur le fonctionnement de notre système de santé, sous l'angle notamment des relations entre les professionnels et les personnes malades, sur l'évolution qu'entraîne le projet de loi sur le rôle ou le statut des institutions ensuite.

Nous sommes très heureux de vous recevoir ce matin, Président Bernard Hoerni. Vous étiez, en qualité de président du Conseil national de l'Ordre des médecins, parmi les toutes premières personnalités que nous souhaitions entendre.

Professeur Bernard HOERNI - Je vous remercie de bien vouloir m'écouter à propos de cette loi en discussion au Parlement, car elle est riche en données très diverses, voire parfois un peu hétérogènes, et concerne de multiples aspects correspondant aux attributions de l'Ordre des médecins. Je crois qu'après les discussions que nous avons eues au Conseil national, et dont je tâcherai de me faire le fidèle rapporteur, on peut porter un avis global positif sur cette loi dont nous souhaitons la promulgation prochaine, en espérant toutefois qu'interviendront un certain nombre de modifications que je vais avoir l'occasion de vous exposer maintenant.

Je voudrais tout d'abord faire quelques remarques préliminaires sur les deux versants principaux de cette loi : les droits des patients et la qualité du système de santé, en laissant à la discussion la question des aléas médicaux. Le Conseil national, qui partage avec vous le mode d'élection à deux échelons, a discuté, avec l'ensemble de ses membres, de ces différents sujets lors de sa session de la mi-décembre et je vais vous faire part des propos qui ont, pour l'essentiel, été échangés.

Les droits des malades sont des droits anciens qui, après avoir été réaffirmés, sont à présent légalisés, et cela ne manquera pas de leur donner une force accrue. Je remarque au passage que la population adresse aux médecins de plus en plus de personnes en bonne santé, c'est-à-dire plutôt des patients que des malades, ce qui nous inclinerait à plaider pour le remplacement progressif du terme de « malades » par celui de « patients », sans aller toutefois jusqu'à parler « d'usagers ». Ce changement de vocable a d'ailleurs largement été accompli dans le code de déontologie médicale publié en 1995 sous la signature du Premier ministre de l'époque. Le fait qu'un large chapitre de la loi concerne la prévention milite également dans le sens de l'utilisation du terme « patient ».

Les nombreux droits des patients vont donc, comme cela est déjà le cas en matière de soins palliatifs, être désormais inscrits dans la loi. Des instances seront chargées de leur respect, Je vous rappelle en outre qu'une série de textes faisant référence à des droits des malades existe déjà :

• le texte de l'OMS pour l'Europe au sujet de la promotion des droits des patients de 1994 ;

• le texte de l'Association médicale mondiale actualisé en 1995 à Lisbonne ;

• la Charte du patient hospitalisé (circulaire de début mai 1995 signée par le ministre et le secrétaire d'Etat de l'époque, Mme Veil et M. Douste-Blazy) ;

• le code de déontologie médicale (décret de 1995).

Les droits des patients sont renforcés sur plusieurs plans :

• l'information ;

• l'accès au dossier médical ;

• le secret médical, dont nous apprécions qu'il soit renforcé avec la légalisation de la notion de secret partagé entre soignants et contribuants aux soins d'un même patient ;

• l'agrément donné aux associations de patients ou d'usagers, ce qui accroîtra la représentativité de ces différentes instances ;

• la prévention et la promotion de la santé, l'article 55 reprenant en cela l'article 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui avait été mise au point à Biarritz le 14 octobre 2000 et ratifiée lors du sommet européen de Nice début décembre 2000.

Nous regrettons que les mesures pour la prévention soient un peu restrictives et trop exclusivement consacrées aux questions de santé. Nous suggérerions que, lorsque l'on parle à deux reprises de « conditions de vie », on évoque, par exemple, les aspects sportifs ou culturels, dont on connaît la contribution à la santé.

La qualité du système de santé dépend au premier chef de l'organisation des professions de santé, encore que nous aimerions savoir, même si toute définition s'avère délicate, ce que l'on entend par « professions de santé ».

Nous reviendrons sans doute sur la question de l'appellation de l'Ordre des médecins. Le Conseil national s'est prononcé très nettement en faveur de la conservation de cette appellation.Les médecins ont exprimé leur volonté de ne pas subir ce qui pourrait être considéré comme une brimade inutile au regard du traitement dont bénéficient d'autres professions libérales.

Nous souhaiterions par ailleurs que tous les médecins soient égaux vis-à-vis des instances disciplinaires, alors que l'article 4124.2 du code de la santé publique met un peu à part les médecins du secteur public.

Il est également souhaitable d'assurer la gestion des compétences d'une façon plus claire que celle prévue par le texte actuel, mais je pense que ce sera sans doute l'objet de textes d'application.

Il faudra veiller à la formation continue, dont nous souhaiterions qu'elle fasse l'objet d'un seul collège, et non pas d'une fragmentation en trois collèges.

En ce qui concerne les chambres disciplinaires, nous sommes réservés, pour ne pas dire plus, sur leur présidence par un magistrat, même si c'est déjà le cas au niveau du Conseil national, qui est présidé par un conseiller d'Etat. Nous craignons par ailleurs que des juges médecins ou professionnels à la retraite ou en passe de l'être ne se trouvent déconnectés des pratiques médicales les plus modernes, ce qui ne manquerait pas de soulever des ambiguïtés préjudiciables.

Nous avons également souhaité que le recouvrement de la cotisation ordinale soit plutôt opéré au niveau départemental, comme c'est le cas aujourd'hui. Nous plaidons aussi pour que soit prévue une indemnisation des conseillers ordinaux de toute catégorie, afin de bénéficier du concours de médecins en activité, à l'égal de ce qui se passe dans certaines activités syndicales, et comme c'est prévu dans la loi pour les représentants des patients. Il n'y a pas de raison pour que les médecins ne puissent pas bénéficier de dispositions similaires, notamment sur le plan fiscal.

Concernant en outre les relations entre médecins et industriels de santé, les dispositions préalables et modifiées sont relativement complexes, et nous aurions aimé qu'elles soient simplifiées.

En ce qui concerne les autres professions, le Conseil national est tout à fait réservé, pour ne pas dire opposé, à l'officialisation des chiropracteurs et ostéopathes, car elle crée une confusion avec la médecine manuelle pratiquée par des médecins. Nous sommes sans doute condamnés en France à accepter la libre-circulation des personnes et des professionnels en Europe, il ne faut toutefois pas laisser le champ libre à des professionnels diplômés dans d'autres pays dans ces disciplines pour exercer dans notre pays.

Je ferai aussi une remarque accessoire au sujet du libre-choix des gynécologues médicaux : cette disposition est tout à fait étonnante, car on ne voit pas pourquoi on pourrait choisir librement son gynécologue médical et pas les autres types de médecins spécialistes. En fait, le libre-choix des praticiens est tout à fait général.

En ce qui concerne enfin l'Administration, nous ne pouvons naturellement qu'approuver l'orientation nationale et régionale des politiques de santé, puisqu'elle correspond à ce que nous avions préconisé au Conseil national dans la plate-forme ordinale qui a été portée à la connaissance du public il y a deux ans de cela. Nous appuyons également toutes les mesures visant à accroître la qualité et la sécurité des soins des systèmes de santé, notamment avec un renforcement de l'accréditation, de l'évaluation des compétences ou de la gestion des compétences. Dans ce dernier domaine, le rôle de l'Ordre des médecins devrait être précisé, pour éviter de susciter, comme par le passé, des confusions préjudiciables.

Nous ne pouvons qu'approuver les dispositions visant les installations de chirurgie esthétique, en sachant toutefois qu'il existe des professionnels non-chirurgiens qui pratiquent la médecine esthétique et qu'il ne faudrait pas laisser un vide juridique à leur sujet, car cela risquerait de créer des dérives. Nous apprécions également les exercices regroupés favorisés par des réseaux dont le financement est enfin prévu. Il en va de même pour les coopératives hospitalières de médecins.

Nous souhaitons, pour finir, que soit introduit un nouvel article sur la notarisation des données de santé informatisées, afin que les « infomédiaires » qui interviennent dans le domaine de la santé puissent être considérés comme sûrs et indépendants au regard de la protection des données médicales de l'ensemble des patients, à l'égal de ce qui se pratique aux Etats-Unis. La collecte de données médicales sur les patients est un domaine considéré aujourd'hui comme porteur, pour ne pas dire lucratif. Il est la proie de nombreux intérêts vis-à-vis desquels il convient certainement de protéger nos contemporains.

M. LE PRESIDENT - Merci beaucoup monsieur le président. Votre style est, pour ceux qui vous connaissent, toujours direct, clair et efficace.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Lors de son audition, le ministre délégué à la santé a beaucoup insisté, à propos du texte qu'il nous présentait, sur le problème de la relation médecin/malade. Il a évoqué, à juste titre, le climat de confiance qui doit s'instaurer entre les citoyens et les professionnels de santé. Rappeler, comme le fait ce texte, les devoirs et obligations des médecins est sûrement une excellente chose, car le fait de revisiter le code de déontologie afin d'en réaffirmer les principes constitue sans aucun doute une bonne mesure. En contrepartie apparaissent pour la première fois dans la loi les droits des malades. C'est donc bien la relation entre le citoyen et la médecine qui se trouve institutionnalisée et, dans une large mesure, modifiée. Si je conçois qu'il faille réexaminer ces relations de confiance à la lumière des évolutions de la société, je souhaiterais connaître votre sentiment, même si vous avez laissé entendre dans votre propos préliminaire que vous y étiez assez favorable, concernant les nouveaux droits. Ne pensez-vous pas que cet équilibre assez fragile pourrait être malmené par le fait que l'on institue des droits des malades alors que nulle part il n'est fait mention des obligations du citoyen vis-à-vis de la santé ? Si l'on veut préserver un équilibre harmonieux entre différents systèmes, il convient de donner aux médecins et aux patients autant de droits et d'obligations.

Par ailleurs, le texte de loi va conduire peu ou prou à assimiler le monde de la santé publique à un service public, au sens noble du terme. N'y a-t-il pas dès lors un danger de voir le citoyen s'adresser aux professionnels de la santé en qualité « d'usager » ? Il me semble que le domaine de la santé ne peut être tout à fait assimilé à une activité de service public, au même titre que la RATP ou la SNCF. Ce projet ne risque-t-il donc pas de détériorer, paradoxalement, la relation entre le patient devenu usager et son médecin, et de transformer la médecine en une simple prestation de services ? Ne risque-t-on pas de susciter, d'assister in fine à une multiplication des procédures contentieuses contre les praticiens, ce qui est un phénomène tout à fait normal, à partir du moment où les droits des malades sont clairement proclamés.

Professeur Bernard HOERNI - Vos propos, qui sont ceux d'un expert en la matière, ne peuvent être que totalement approuvés. Bien que la société ait évolué, on n'a pas constaté, au cours des vingt ou trente dernières années, d'accentuation majeure ou préoccupante -quoi que le « carnaval médiatique » puisse tenter de nous faire accroire- des procédures contentieuses, sauf dans quelques domaines rares et particuliers. Cela dit, nous ne sommes certainement pas à l'abri, avec ou sans loi, d'une telle inflation. Nous ne verrions pas d'obstacle, dans cette optique, à ce que soient précisés les devoirs des patients à l'égard de la médecine.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Nous pensons que le Conseil national de l'Ordre ne verra pas d'objection à ce que son titre ne soit pas changé en « Conseil ». Il nous semble en effet que le problème de sémantique, dont nous connaissons tous l'histoire, n'est plus fondé à partir du moment où d'autres organisations conservent le titre « d'Ordre ». En outre, un changement d'appellation amènerait les médecins à ne plus pouvoir délivrer des ordonnances, mais donner des conseils.

Nous avons demandé au ministre de nous exposer sa conception des droits des malades, puisqu'il en est un ardent promoteur, et nous voudrions connaître la vôtre.

Concernant l'accès direct au secret médical, nous sommes bien entendu soucieux de défendre le patient. A cet égard, le problème du secret médical possède, dans la tradition française, une connotation très forte, de sorte que tout ce qui pourrait y porter atteinte doive être évité.

Professeur Bernard HOERNI - Je confirme que le changement d'appellation de l'Ordre en « Collège » puis en « Conseil » a effectivement surgi de manière assez inattendue et intempestive lors de discussions initiales à l'Assemblée nationale. Nous avons eu le temps depuis de procéder à une large concertation sur ce point au sein de la profession. Il en ressort que le Conseil national exprime très nettement son souci de ne pas créer une turbulence supplémentaire à ce sujet.

En ce qui concerne le défenseur des droits des malades, il s'agirait à nos yeux que d'un médiateur de plus. Comme vous le savez mieux que moi, les médiateurs ont proliféré au niveau national, y compris dans les hôpitaux puisqu'y ont été institués, au cours des années 80, une commission de conciliation et un conciliateur, dont d'ailleurs la nouvelle loi entraîne la disparition justifiée. Tout dépend en cette matière de la volonté politique avec laquelle sont appliquées les réformes.

J'évoquerai rapidement la question de la transmission et de l'accès direct au dossier médical, au sujet duquel j'ai précédemment rédigé un rapport. Il faut savoir que les malades se voient remettre, aujourd'hui déjà, une quantité faramineuse de documents d'ordre médical (comptes rendus, prises de sang, échanges de lettres, etc.). Les médecins doivent d'ailleurs être conscients du fait que tout ce qu'ils enregistrent et communiquent entre eux pourra être remis au malade. Cette obligation ne peut à mon sens qu'améliorer la teneur du dossier médical. Dans la mesure où ce dernier comporte également des éléments concernant des tiers malades ou informateurs, il faudra les protéger. Aussi restons-nous favorables au maintien d'un médecin intermédiaire, afin de vérifier que les documents soient effectivement transmissibles et bien compris, et cela même si le caractère bénévole de la mission de médecin intermédiaire lui enlève beaucoup de portée. Cette disposition incitera surtout, selon nous, les médecins à renforcer la communication et les échanges avec les patients, si bien que la demande de communication d'un dossier médical ne devrait finalement être qu'exceptionnelle. Les associations de patients commencent cependant à être sensibilisées au fait que ces dispositions puissent conduire à délier les médecins du secret médical et que ceux-ci risquent de se voir demander explicitement par des tiers la communication de dossiers médicaux en vue de les transmettre à des employeurs ou des assurances, bref à des personnes dont les intérêts ne convergent pas toujours avec l'intérêt des malades. Il faudra, le cas échéant, que des décrets d'applications prévoient des dispositions préventives, puisque la Cour de Cassation a elle-même rappelé qu'il fallait éviter la circulation d'informations iatrogènes, comme cela est prescrit par le code de déontologie .

M. Gérard DERIOT, rapporteur - L'article 36 du projet de loi prévoit un encadrement plus strict des conditions d'exercice de la chirurgie esthétique. Quelles sont vos observations sur ce nouveau dispositif ? Comment doit être prise en compte la situation particulière des 3.000 médecins exerçant actuellement des activités de médecine esthétique, sans être pour autant reconnus par l'Ordre ? Quelle appréciation portez-vous sur le dispositif de formation continue prévu par le projet de loi, notamment en ce qui concerne le rôle de l'Ordre en la matière ? Vous paraît-il de nature à être plus efficace que celui qui a été institué par l'ordonnance de 1996 ? A quelles conditions ?

Professeur Bernard HOERNI - En ce qui concerne la chirurgie esthétique, on peut considérer à certains égards qu'il s'agit d'une discipline un peu en marge de la médecine. Cela ne signifie pas que l'on ne doive pas s'en occuper, mais qu'elle a été certainement, au même titre que certains patients non-malades, victime de pratiques dont on peut espérer qu'elles ne se reproduiront pas. La loi vise expressément les installations et non pas les praticiens et il sera sans doute souhaitable de compléter le dispositif en l'étendant aux qualifications des chirurgiens et des médecins. Cela dit, l'agrément des installations et l'interdiction de faire de la publicité sont des dispositions qui nous paraissent aller dans le bon sens.

Concernant la formation médicale, il s'agira de la troisième loi sur le sujet, puisque les deux premières n'ont pas été suivies d'effet. L'Ordre, qui devrait désormais être aussi le garant de la compétence des médecins, souhaiterait également être impliqué dans ce domaine, pour y jouer un rôle modérateur et afin d'éviter que les blocages rencontrés dans le passé ne se reproduisent. L'obligation de la formation médicale continue est inscrite dans le code de déontologie depuis sa version de 1979. La grande majorité des médecins suivent cette formation, mais ne voient pas vraiment ce qui justifie la séparation en trois collèges, même si des compartimentages pragmatiques peuvent être envisagés au besoin.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Vous avez déclaré que vous étiez opposé à la présidence de l'instance délibérative du Conseil régional de l'Ordre par un conseiller d'Etat. Votre avis est-il le même au sujet des instances délibératives nationales, puisqu'il est prévu que leur présidence soit assurée par un magistrat administratif ?

Professeur Bernard HOERNI - J'ai indiqué en effet que le Conseil national s'était prononcé contre la présidence par un magistrat des chambres disciplinaires régionales, puisque bon nombre de conseillers d'Etat président déjà les séances au niveau national et ont à ce titre un rôle éminent à nos côtés. La coupure entre les instances disciplinaires et les instances administratives que je préside nous inquiète car elle risque d'introduire un décalage entre ce que l'on pourrait appeler des juges professionnels, qui risqueraient en outre d'être en fin de carrière, voire à la retraite, et donc d'être moins en phase avec les réalités de notre profession. Nous souhaiterions que ces juges restent insérés dans le milieu professionnel, plutôt qu'ils soient détachés aux instances disciplinaires. En disant cela, je me fais non seulement l'écho du Conseil national, mais également du conseiller d'Etat principal, M. Michel Morizot. Ce dernier apprécie beaucoup, lorsqu'il est amené à intervenir, d'avoir affaire à des personnes connaissant bien la pratique médicale.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Il s'agit là d'un problème majeur, dans la mesure où il a été introduit par le biais d'un amendement à l'Assemblée nationale et qu'il pose le problème de l'exercice d'une pratique qui touche à la santé publique. Or celle-ci pourrait être confiée à une personne ne possédant aucune formation médicale reconnue et délivrée par l'Etat.

Professeur Bernard HOERNI - Comme vous le savez, bon nombre de professions dites « paramédicales » ont vu leurs prérogatives s'accroître régulièrement, comme c'est le cas par exemple des infirmières. En ce qui concerne les chiropracteurs, il s'agirait effectivement de la reconnaissance d'une nouvelle profession et je ne peux que répéter que le Conseil national s'est prononcé en sa défaveur. Nous avons eu un débat au cours duquel nous avons aussi tenu compte de la libre-circulation des professionnels au sein de l'espace européen. Nous étions aussi conscients du fait que ces professionnels ne pratiquent pas toujours, à l'image de certains chirurgiens esthétiques, dans des conditions très conformes à la loi. Dans ce contexte, la reconnaissance réglementée de la profession de chiropracteur n'est-elle pas préférable à ce que l'on peut appeler un exercice « sauvage » ?

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Les dispositions des titres III et IV portant sur les aléas thérapeutiques sont attendues depuis maintenant une dizaine d'années, voire davantage. Quel est votre avis au sujet de l'indemnisation de l'aléa ? Qu'est-ce que le texte apporte selon vous en matière d'expertise médicale ? Il est en effet constaté que l'expertise médicale, lorsqu'elle rejoint trop évidemment l'avis des assurances, peut susciter quelques doutes. Le corps médical pourra-t-il occuper sa juste place en cas de mise en place des commissions régionales de conciliation ? Ne craignez-vous pas de voir s'installer une juridiction à part ? Il serait aussi important pour nous de savoir s'il n'est pas nécessaire de préciser des normes en matière de faute, de bonne pratique et d'information du malade. Vous semble-t-il justifié d'assimiler les infections nosocomiales à une faute ?

Professeur Bernard HOERNI - Le risque médical est en effet l'objet d'un débat très ancien, à propos duquel le Conseil de l'Ordre s'est déjà prononcé aux niveaux national, régional et départemental. Nous souhaitons effectivement que des dispositions législatives encadrent ce domaine. S'il n'est pas question pour nous de nous soustraire à l'indemnisation des conséquences d'une faute, nous refusons de nous voir imputer les conséquences d'accidents qui surviendraient en l'absence de faute. Dans ce dernier cas, la solidarité nationale devra intervenir, comme le prévoyait la proposition de loi faite récemment par le sénateur Huriet. Les médecins redoutent un peu, instruits par l'expérience, que les instances de l'assurance maladie ne soient amenées à se retourner systématiquement contre les médecins, de façon à faire prendre en charge les indemnisations par les assurances professionnelles des médecins, qui d'ailleurs, et c'est souhaitable, vont devenir obligatoires.

Concernant les experts, nous pensons qu'ils doivent avoir des qualifications, une pratique et une formation médicale continue améliorées, afin de servir efficacement de support aux décisions des juristes. Un encadrement plus strict dans ce domaine est certainement souhaitable, compte tenu des développements récents.

La commission de conciliation régionale va se substituer aux médiateurs, conciliateurs et autres commissions de conciliation. Je pense que le dispositif prévu fonctionnera comme les hommes et les femmes qui en auront la charge le feront fonctionner. Les médecins sont tout à fait habitués aux conciliations, aussi bien entre les médecins eux-mêmes qu'entre des plaignants et des médecins, et ils savent combien la conciliation peut régler et désamorcer en amont certains contentieux. Nous ne pouvons donc qu'approuver ce souci d'explication et d'échange.

J'abonde dans votre sens au sujet des bonnes pratiques, même si des progrès ont été accomplis ces dernières années, avec la conduite de conférences de consensus, de méta-analyses ou de colloques internationaux. Mon prédécesseur, le président Glorion, avait d'ailleurs demandé aux sociétés savantes de se prononcer en 1997, après l'arrêt Hedreul sur l'information des malades, de se pencher sur les règles d'information. Cette loi, qui concerne aussi les soins, devrait inciter les médecins à mieux préciser leurs pratiques.

Les infections nosocomiales sont, dans le texte actuel, associées aux accidents médicaux et aux affections iatrogènes. A mon sens, les infections nosocomiales sont inévitables, bien qu'elles doivent être évitées dans toute la mesure du possible. Les comités de lutte contre les infections nosocomiales ont vocation à traiter ce problème récurrent. Il appartient aussi aux établissements et aux cabinets médicaux libéraux de veiller à ce que le risque soit réduit au maximum. Les indemnisations ne devraient survenir que lors de véritables accidents, et non pas lors d'infections que je qualifierais presque de naturelles, à la suite d'une hospitalisation ou d'un traitement. Un décret devra fixer un seuil de préjudice au-delà duquel une indemnisation sera accordée. Le Conseil de l'Ordre souhaite d'ailleurs être consulté lors de la préparation des décrets d'application.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Le principe de l'indemnisation ne devrait-il pas être inscrit dans la loi ?

Professeur Bernard HOERNI - C'est au législateur de le dire, et je me garderai d'empiéter sur vos prérogatives.

M. Louis SOUVET - Dans la mesure où je ne suis pas médecin, je vous prie par avance de m'excuser du caractère éventuellement déplacé de mes questions. J'ai lu dans une note que vous avez rédigée : « Les conditions de reconnaissance de l'ostéopathie et de la chiropractie ne sont pas de nature à régler les problèmes d'une offre en soins que l'on voudrait de qualité ». Après avoir étudié ces questions, il m'apparaît que les chiropracteurs et les ostéopathes sont des professionnels que leurs patients -leurs clients si vous préférez- appellent souvent « médecins ». Je me demande dès lors pourquoi le Conseil que vous présidez reste étranger à cette profession, alors que son implication pourrait permettre de la réguler. Pourquoi, par exemple, ne pas imposer une formation adéquate, avec un régime de spécialisation ?

Vous semblez craindre une « invasion » des « spécialistes » issus des pays nordiques ou néerlandais. Comment va-t-on y faire face ?

J'ai cru déceler chez vous un ton condescendant à l'égard de l'article 36 et de la chirurgie esthétique. Or il est fréquent que la chirurgie esthétique soigne des malformations ou des suites d'accident. Comment envisagez-vous de rétablir des relations convenables avec la chirurgie esthétique ?

Professeur Bernard HOERNI - J'espère ne pas avoir été condescendant à l'égard de la chirurgie esthétique, car il est incontestable qu'elle rend des services précieux pour reconstruire des organes blessés ou mutilés, dans le cadre d'une médecine ordinaire. Une régularisation est en revanche éminemment souhaitable pour éviter que des professionnels peu scrupuleux, et qui ne sont d'ailleurs pas toujours des médecins, n'abusent de la confiance de non-malades. La chirurgie esthétique, étant donné les obligations de résultats auxquelles elle est presque tenue lorsqu'il s'agit de corriger des défauts mal vécus par leurs propriétaires, mérite certainement de faire l'objet d'agréments de contrôles, comme de nombreuses autres professions médicales.

En ce qui concerne les chiropracteurs, vous savez comme moi que, depuis la loi de 1803, la pratique illégale de la médecine est réprimée, mais qu'elle fait néanmoins l'objet de tolérance de la part de notre société. La loi de 1892 a cherché à réaffirmer, avec la suppression des officiers de santé, la possibilité de poursuivre les « guérisseurs », sans toutefois que cela entraîne un réel accroissement des poursuites pour exercice illégal de la médecine.

Vous avez donc tout à fait raison de souligner les risques, pour notre corps de santé, des infiltrations en provenance d'autres pays. Nous sommes en effet préoccupés par l'élargissement de l'Europe, car on voit aujourd'hui déjà affluer des médecins diplômés de faculté de l'Europe orientale désireux de changer de sous-continent. Le fait que leur diplôme soit en passe de devenir européen constitue une réelle préoccupation pour notre Ordre, car il dispose de peu de moyens pour juger de la qualité des compétences diplômées.

M. Gilbert BARBIER - Le monde médical est confronté depuis très longtemps au problème de la chirurgie esthétique. On peut se demander d'ailleurs s'il appartient à votre Ordre de définir la limite entre la chirurgie esthétique et la chirurgie réparatrice ou reconstructive, auquel cas il serait souhaitable que vous nous fassiez des suggestions dans ce domaine. Cette question ne concerne pas seulement les établissements puisque le projet de loi définit les conditions dans lesquelles l'ensemble des praticiens aura à préciser les éventuelles conséquences de leurs gestes chirurgicaux ou le devis correspondant. Il en est de même en ce qui concerne les chiropracteurs : vous condamnez ces praticiens sans dire pour autant comment nous devrions traiter leur cas. Que pensez-vous de la création des « coopératives hospitalières des médecins » ? Enfin, concernant les commissions régionales susceptibles d'examiner les dommages subis par les patients, comment définir le caractère de gravité qui justifiera le suivi d'une procédure ou d'une autre ? L'intervention d'un seul expert vous semble-t-elle suffisante ? Ne peut-on en effet estimer que là où il y a expertise, il puisse y avoir contre-expertise ?

Professeur Bernard HOERNI - J'avais cru comprendre, sans doute hâtivement, que la loi prévoyait que les niveaux d'indemnisation seraient fixés ultérieurement par des décrets en Conseil d'Etat.

Je voudrais vous rassurer quant aux inquiétudes que vous exprimez sur l'absence de l'Ordre, car ses attributions sont en l'occurrence limitées : il ne nous appartient pas, par exemple, de décider comment les écoles de chiropracteurs seront régies. De même, il incombe à la loi de prévoir l'agrément et la reconnaissance des installations valables pour la chirurgie esthétique. Nous ne sommes pas opposés au fait d'avoir dans ce domaine de nouvelles attributions, mais pour l'instant nous sommes tenus de nous borner à celles qui nous ont officiellement été confiées.

M. Jean-Pierre FOURCADE - L'article 54 prévoit la légalisation des réseaux de santé, mais je le trouve très timoré et en retard par rapport à l'évolution actuelle. En tant que maire de grande ville, je ne pourrais pas travailler de manière sérieuse, bien que je n'aie pas de compétences en matière de santé, si je n'avais pas constitué, autour de commissions extra-municipales, des réseaux de santé. Or ceux-ci sont aujourd'hui préoccupés par deux questions : l'insuffisance des effectifs de professionnels autres que les médecins d'une part, et notamment des infirmières, et j'aimerais connaître la réflexion de l'Ordre sur ce thème, et les problèmes de gardes d'autre part. L'Ordre est-il favorable à la création, avec le financement des collectivités territoriales, de maisons médicales ouvertes le soir et le week-end, afin de soulager un peu les services d'urgence ?

Professeur Bernard HOERNI - L'Ordre s'est très clairement exprimé en faveur de la création de maisons médicales, lorsque cela est nécessaire. Les réseaux ont existé avant d'être officialisés par les ordonnances d'avril 1996, et les ajouts qui figurent dans la présente loi sont à certains égards en retrait par rapport aux pratiques existantes, car les professionnels de santé n'ont pas attendu des lois pour s'organiser entre eux : il n'est que de citer les hôpitaux à domicile apparus dans les années 1970. En ce qui concerne la question de ces réseaux, nous sommes plutôt en faveur de ce qui peut promouvoir des collaborations entre professionnels de santé. En principe les contrats entre médecins, ou impliquant des médecins, sont transmis à l'Ordre qui en juge la déontologie. Les coopérations entre les différents secteurs de santé, qu'ils soient publics ou privés se sont beaucoup développées au cours des dernières années, afin de permettre de mieux répondre aux besoins de la population et de réguler l'utilisation des soins d'urgence.

M. Bernard CAZEAU - Je note que le débat au Conseil national a manifestement été très animé au sujet de la chirurgie esthétique et de la chiropractie. J'ai compris que vous laissiez au législateur le soin de statuer sur cette question. J'aimerais cependant connaître la position du Conseil sur les limites existant entre la chirurgie esthétique et la médecine esthétique.

Professeur Bernard HOERNI - Toutes ces pratiques sont bien entendu du ressort des réflexions et des communications de l'Ordre, même s'il ne lui incombe pas de les réglementer. Nous avons souvent l'occasion de transmettre des remarques à l'autorité ministérielle, mais la difficulté à laquelle nous nous heurtons réside largement dans l'instabilité des autorités de tutelles -mon prédécesseur a connu pas moins de sept ministres délégués ou secrétaires d'Etat en huit ans de mandat. Or, il va sans dire qu'une décision pertinente sur des questions délicates demande un diagnostic relativement approfondi...

M. André LARDEUX - La prévention est un droit auquel la population aspire, mais force est de constater qu'elle fonctionne très mal actuellement, à cause d'un manque de moyens et d'une organisation peu adaptée. A votre sens, qui doit être le pilote dans l'avion de la prévention ? L'Etat, l'assurance maladie ou les départements ? Je vous rappelle notamment que l'Etat a décidé le dépistage généralisé du cancer du sein, en se retournant vers la CNAM pour son financement, celle-ci s'adressant à son tour aux départements...

Professeur Bernard HOERNI - Je suis particulièrement sensible à vos remarques puisque nous avons été confrontés, au centre anti-cancéreux de Bordeaux, à cette espèce d'incohérence entre la généralisation d'un dépistage et l'inexistence des moyens correspondants. Il ne m'appartient pas d'empiéter sur vos prérogatives pour savoir si les professionnels -auquel cas l'Ordre est prêt à remplir la mission qui lui sera attribuée-, l'assurance maladie, le Gouvernement ou les autorités départementales ou régionales doivent être en charge de la politique de prévention. Il serait souhaitable que les attributions des uns ou des autres soient clairement identifiées. Il faut que nous sortions du système actuel où, pour 1.000 euros dépensés pour les soins, il y en a 25 pour la prévention et un pour l'éducation sanitaire, alors que le rôle de cette dernière est essentiel. J'ai par ailleurs évoqué le sport ou les bibliothèques pour détourner les jeunes de pratiques à risques comme la toxicomanie.

M. Guy FISCHER - Vous vous êtes félicité de la légalisation, dans le cadre de cette loi, du droit des malades, et du fait qu'un renforcement de l'accès au dossier et de la reconnaissance des associations d'usagers soit prévu. Pensez-vous que le texte soit assez précis en matière d'information des familles ?

Professeur Bernard HOERNI - La loi n'est pas faite pour régler les myriades de relations entre les médecins et les malades. Il me semble que les médecins vont heureusement, dans leur pratique, beaucoup plus loin que la loi.

M. Guy FISCHER - Etant donné que 7.000 des 8.000 médecins à diplômes étrangers ont vu leur situation récemment réglée, pensez-vous que cette question est réglée ?

Professeur Bernard HOERNI - Les problèmes dans ce domaine sont en voie de règlement, mais ils ne sont pas tous réglés. Comme nous parlions de prévention, il aurait été judicieux que la puissance publique évite que ces questions apparaissent.

M. Jean-Claude ETIENNE - Je voudrais en revenir à la question de l'ostéopathie et de la chiropractie. Nous savons tous qu'il a toujours existé de par le monde une médecine dite « classique », marquée par le cartésianisme, et des médecines empiriques. Personnellement, je ne fais pas partie de ces universitaires qui rejettent a priori les médecines empiriques. Je ne vois pas pourquoi nous ne prendrions pas en compte ces pratiques, au nom justement, de l'éthique. Cela suppose d'éclairer le malade afin de lui indiquer où sont les risques, de sorte que les pratiques empiriques répondent aux exigences de précaution permettant au malade un vrai choix. La notion de confiance aveugle doit être remplacée, grâce aux textes réglementaires, par une notion de confiance éclairée, et l'affirmation du droit des malades en fournit l'opportunité. A nous de faire en sorte que nous agissions en parfaite cohérence avec la réalité que nous sommes susceptibles d'appréhender, et non pas à partir de la pression des malades satisfaits mais ignorants du fait que l'effet placebo explique 40 % du résultat thérapeutique et que certaines douleurs apparaissent et disparaissent de manière cyclique. Ayant participé à la création des diplômes universitaires de médecine physique, je ne voudrais plus voir de malades ayant des métastases débutantes être confiés à des manipulateurs physiques. Il est par conséquent nécessaire de prendre acte de certaines réalités techniques dans le cadre d'enseignements structurés, sans abandonner la médecine physique à une prolifération incontrôlée.

Professeur Bernard HOERNI - Je ne peux que partager la teneur de vos propos, car je suis très attaché au fait de protéger les malades contre les escrocs. Lorsque j'avais été approché il y a quatre ou cinq ans, alors que cette loi sur les droits des patients était déjà en gestation, j'avais indiqué au législateur que les patients avaient déjà presque tous les droits sauf celui d'être protégés contre des bonimenteurs, surtout lorsqu'ils sont malades ou en difficulté. Si ce principe n'est pas introduit dans la loi, c'est parce que nous sommes en démocratie et qu'il y règne un légitime souci de liberté

B. AUDITION DU PROFESSEUR MARC BRODIN, PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DE SANTÉ

M. Nicolas ABOUT, président - Professeur Brodin, vous présidez la Conférence nationale de santé, et c'est à ce titre que nous souhaitions vous entendre aujourd'hui. Je vous laisse donc la parole.

Professeur Marc BRODIN - La Conférence nationale de santé a travaillé cette année sur deux espaces. L'un concerne le système de soins proprement dit, alors que le second porte sur les préoccupations prioritaires des régions.

Nous avons fait, à la fin de l'année 2000, le tour des 26 régions françaises pour leur demander quels ont été, au cours des cinq dernières années, leurs thèmes prioritaires et quel serait celui qu'elles retiendraient en premier. Il en ressort plusieurs groupes de réponses :

• un tiers des régions françaises sont préoccupées par des questions de suicides, de dépression et de santé mentale ;

• 3 à 4 régions sont préoccupées par la question de la dépendance des personnes âgées ;

• 3 régions sont préoccupées avant tout par des problèmes de périnatalité.

Les autres thèmes récurrents sont :

• la démographie des problèmes de santé ;

• l'habitat et l'environnement ;

• les accidents et les risques de l'alcoolisme ;

• l'échec scolaire et sa prévention ;

• le thème des maladies transmissibles (particulièrement dans les régions d'outre-mer).

Le rappel de ces thèmes permet de comprendre la distinction entre la prévention s'exerçant dans le système de soins et celle qui doit se développer avant l'entrée dans le système de soins. Ainsi, évoquer la prévention des accidents de la circulation renvoie à des axes de préoccupation tels que l'alcool distribué dans les maisons de jeunes, les toxicomanies, la prise de tranquillisants, etc., alors qu'au contraire la vaccination et le dépistage sont des éléments qui impliquent directement le système de soins.

La France est en retard en matière de prévention en amont du système de soins. Quand un Français ou une Française a atteint l'âge de 65 ans, son espérance de vie est la plus longue d'Europe, alors qu'en deçà elle est une des moins bonnes. Ce fait s'explique par l'inégalité selon les âges ou le sexe, selon les espaces géographiques, selon les situations sociales et professionnelles des familles. L'ensemble de ces facteurs conduit à ce qu'un jeune de moins de 25 ans ait deux fois plus de chance de mourir en France qu'en Suède ou en Angleterre.

Lorsque l'on sollicite les associations familiales et les réseaux d'usagers et de consommateurs, comme cela a été le cas lors des états généraux de la santé, il s'avère que la prévention les préoccupe davantage que la qualité du système de soins.

C'est la Conférence nationale de santé qui a introduit, en collaboration avec le Haut comité de la santé publique, le débat sur le panier de biens et services (le panier de soins) et la question de l'harmonisation européenne. Parmi les préoccupations du système de soins qui concernent aussi les régions, on trouve la démographie de l'ensemble des professionnels de santé, les questions d'aménagement du territoire ainsi que la problématique de l'aléa thérapeutique et les sujets qui tournent autour des systèmes d'information, de la communication et de la confidentialité. N'oublions pas que les professionnels français ont une propension à mettre l'accent sur les questions de sécurité des soins, plutôt que sur la prévention en dehors du système de soins.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Le projet de loi qui nous est soumis apporte quelques bouleversements, à mon avis trop timides, à l'organisation de la santé en France. La Conférence nationale de santé que vous présidez avait une place à côté du Haut comité de la santé publique, de la Direction générale de la santé et de multiples agences, mais il semble que les articles du projet de loi introduisent des modifications substantielles dans les missions de ces différentes structures. Comment percevez-vous, dans le futur, une fois adopté ce projet de loi, la place de la Conférence nationale de santé ? En effet, depuis 1996, votre organisme devait rendre un rapport afin d'éclairer les choix retenus par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or, selon l'article 24 du présent projet de loi, le Gouvernement rédigerait désormais chaque année un rapport sur lequel se prononcerait la Conférence par la voie d'un avis. Entre la fonction d'expertise, désormais du ressort du Gouvernement, et la fonction de débat du Parlement, que reste-t-il à la Conférence nationale de santé ?

Professeur Marc BRODIN - Le Haut comité de santé publique, ou l'institution qui prendrait la relève, est chargé de mobiliser l'expertise, ce qui constitue un réel progrès. Le rôle de la Conférence nationale de santé, tel qu'il se dessine au terme de ses six premières réunions, consiste à mener le débat professionnel. En effet, les 78 membres sont pour un quart des professionnels hospitaliers, pour un quart des libéraux, pour un tiers des représentants des régions, et pour 20 % des personnes dites qualifiées qui représentent plutôt le monde de la santé publique et le monde des associations familiales. L'apport de la Conférence nationale de santé a donc consisté à relire les travaux d'experts pour essayer d'en voir les adaptations dans le système de soins proprement dit et d'adopter un point de vue consensuel à leur propos. Cette année par exemple, des travaux ont concerné la démographie médicale et l'aménagement du territoire et nous avons dégagé des consensus autour de la question des rémunérations, des évolutions de carrière et des passerelles entre professionnels.

Il est proposé dans le projet de loi d'ajouter des groupes professionnels jusque-là absents du débat, à l'instar des industriels, des financeurs et des représentants explicites de la société civile.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Vous étiez venu devant la commission des Affaires sociales le 16 octobre. Vous aviez déclaré à cette occasion que les textes réglementaires devaient préciser les moyens humains et financiers mis en oeuvre, la place réservée aux usagers au sein de la Conférence nationale de santé, ainsi que l'implication éventuelle d'autres ministères que celui de la santé. Pouvez-vous nous en dire davantage aujourd'hui ?

Professeur Marc BRODIN - Nous sommes, dans ce pays, très doués pour créer des institutions dépourvues de moyens. Il est évident que si une institution fait appel à des usagers en imposant « de fait » des prélèvements sur le budget familial, leur participation sera extrêmement gênée. Le texte stipule que la future Conférence nationale de santé devra donner un avis sur le programme annuel du Gouvernement, sans pour autant remettre en question les missions qui lui étaient précédemment confiées. Il en résulte un problème de moyens, puisque le budget dont dispose notre institution se limite à une ligne budgétaire de 300.000 francs, c'est-à-dire juste ce qu'il faut pour organiser une conférence annuelle de trois jours. Si cette faiblesse financière devait persister, l'autonomie de projet et de saisine de la Conférence nationale de santé n'existerait pas dans les faits.

La question de l'implication des autres ministères se pose parce que les préoccupations nationales exprimées cette année concernent à la fois le ministère des transports, le ministère de l'éducation et le ministère du logement. Il convient donc d'impliquer ces derniers, comme cela se pratique dans d'autres pays européens. Dans la mesure où toute politique publique envisagée à l'échelle européenne doit désormais être appréhendée à la lumière de ses conséquences sur la santé, il est dommage que la Conférence nationale de santé ne soit pas organisée dans cette optique.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Il est prévu, dans la future organisation de la politique de la santé, de donner un horizon pluriannuel aux priorités de santé publique. Qui déciderait ? Le ministre, le Parlement ou des comités d'expertises ? De quelle manière pensez-vous qu'il serait approprié de définir cette politique pluriannuelle ? Quel serait le rôle de votre organisme dans ce processus ?

Professeur Marc BRODIN - La Conférence nationale de santé peut intervenir dans la définition d'un horizon pluriannuel en donnant le point de vue des professionnels sur la mise en oeuvre des politiques publiques. Si l'on se place à l'échelle européenne, ce sont les pays beveridgiens qui ont des politiques publiques, dans le domaine de la prévention, relativement efficaces, plutôt que les pays bismarkiens qui, eux, sont globalement plus performants dans l'offre de soins. La synthèse des deux cultures s'observe par exemple dans des pays tels que les Pays-Bas, dans la mesure où leurs ressortissants acceptent la notion de programmation par objectifs et de rigueur normative, alors que le système d'offre de soins est entièrement privatisé, dans un cadre de réglementation toutefois assez fort.

Les responsables de soins des services cliniques ou universitaires se donnent des objectifs, par exemple en évaluant l'efficacité des traitements contre le cancer grâce à la mesure de la demi-vie. En revanche, on ne se fixe pas d'objectif dans le domaine de la santé publique, en dehors de quelques disciplines comme la périnatalité. Il y a peu de chances de réaliser des programmes pluriannuels si l'on ne se fixe pas d'intentions explicites. Nous avons démontré sur certains sujets que nous étions capables d'ambitions de longues durée, reste à savoir si nous le voulons vraiment. La vie des régions et les programmes régionaux de santé montrent déjà que des plans d'une durée de quatre années en moyenne sont concevables.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Le titre II du projet de loi est consacré à la qualité du système de santé. Or vous avez regretté, lors de votre venue dans notre commission en octobre dernier, l'absence d'une véritable réflexion sur les liens qui devraient unir les problématiques de santé et l'organisation du système de santé. Considérez-vous que ce projet de loi apporte une première réponse à votre préoccupation?

Professeur Marc BRODIN - Cela dépend des domaines considérés. Je répondrai par l'affirmative au sujet de l'aléa thérapeutique, des compétences professionnelles ou du fonctionnement en réseau, c'est-à-dire la capacité à allier des libéraux et des institutions dans un projet commun. Je suis en revanche moins satisfait de constater l'absence de solutions cohérentes apportées aux problèmes soulevés au sein du système de soins proprement dit au cours de ces derniers mois. Les Français excellent lorsqu'il s'agit d'établir des constats ou d'affiner des diagnostics, à l'aide d'outils abondants de connaissances clinique et épidémiologique (les agences). Nous n'avons toujours pas d'espace crédible de réflexion sur les liens entre ces connaissances et l'organisation du système de soins, alors que des institutions et des organismes de recherche de cette nature existent à l'étranger.

Par exemple, j'ajoute qu'il est démontré en Europe, depuis quinze ou vingt ans, que, dans les pays qui régulent la prescription d'antibiotiques en pratique libérale le taux de résistance aux antibiotiques est de 4 à 5 %, alors que dans les pays où cette régulation n'existe pas, comme en France, ce taux atteint entre 35 et 40 %. On le constate, nous disposons déjà des connaissances et des diagnostics qui pourraient nous permettre d'avancer. Nous n'en tenons pas compte.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Il s'agit là encore une fois d'une question de volonté politique. Que vous inspire la création de l'Institut national de prévention et de promotion de la santé ? Personnellement, le terme de « promotion de la santé » ne me paraît pas tout à fait adapté, puisque l'on ignore l'objet précis de celle-ci.

Professeur Marc BRODIN - Mon prédécesseur, le professeur François de Paillerets vous a expliqué qu'il était confronté au fait anormal, qu'une association selon la loi de 1901 gère 250 millions de francs de subvention publiques. La création d'une agence vise à corriger cette situation juridique. Dans la mesure où la question de la prévention en France se joue d'abord en dehors du système de soins, il serait dommage de créer une structure dont le champ d'expertise commence seulement par le dépistage. Par exemple, nous sommes trop peu attentifs à la relation existant entre les milliers handicapés de la route chaque année et les conséquences en termes de vie hospitalière, d'orthopédie ou de chirurgie. La création d'une agence de prévention ne fera donc qu'entériner cette dichotomie entre la prévention et le système de soins.

Les agences françaises n'ont pas vraiment leur équivalent à l'étranger. Certaines se consacrent plutôt à de la production d'informations et à du conseil, à l'image de l'Institut de veille sanitaire, alors que d'autres sont opérationnelles, à l'instar de l'Agence des produits de santé. Voulons-nous une agence qui puisse conduire des politiques publiques déterminées au nom du besoin de la population et de la rentabilité collective ou voulons-nous une agence qui introduise des politiques de prévention axées uniquement sur les notions de gain de chances ou de perte de chances des individus ? Dans ce dernier cas, il n'y aura pas de politique publique de prévention votre, conduite par l'Etat. Le vrai débat consiste donc à savoir si nous voulons. ou non une agence qui s'intéresse réellement à la prévention au-delà de la forme. Pour ce faire, il nous faut définir les valeurs au nom desquelles nous allons pouvoir promouvoir des politiques publiques de prévention. Je rappelle à cet égard qu'il n'existe plus de politique publique de prévention imposée depuis l'affaire de l'hépatite, et je ne pense pas qu'il en existera de nouvelle dans le climat éthique et philosophique européen actuel, puisque celui-ci privilégie le marché sur l'Etat, la logique individuelle sur la logique collective et plutôt la notion juridique de chance ou de malchance sur la rentabilité globale.

Je souligne enfin qu'il y a une forme de concurrence entre le rôle du ministère de la santé et celui de la future Agence de prévention, cette dernière présentant l'avantage de pouvoir aborder les problèmes en associant l'action de plusieurs ministères.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Le projet de loi tient-il compte, à votre avis, des propositions de la Conférence nationale de santé au sujet des réseaux de santé et de leur financement ?

Professeur Marc BRODIN - Je répondrai plutôt par l'affirmative à cette question. Bien que la Conférence nationale de santé ne se soit pas prononcée formellement sur les outils juridiques prévus, nous souhaitions notamment qu'existe une interface entre les professions libérales et les institutions publiques ou privées. Dans cette optique, la création d'institutions encourageant ces différentes entités juridiques à coopérer ensemble, en essayant d'organiser les libéraux entre eux et de prévoir la mise en commun des plateaux techniques, ne peut qu'être bien accueillie. Il reste toutefois un point à préciser, c'est celui de la gestion du capital et de l'investissement, car le mouvement coopératif maîtrise souvent mal ce domaine.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Dans votre propos liminaire, vous avez posé le problème de la sécurité des soins et évoqué un débat au sein de votre organisme sur les aléas thérapeutiques. Ne craignez-vous pas une absence d'implication dans ce domaine des universitaires, des hospitaliers ou des médecins libéraux ?

Professeur Marc BRODIN - A mon sens, la loi vise à faire converger le secteur privé vers le secteur public en matière de sécurité des soins. Dans le secteur public en effet, en dehors des situations où serait démontrée une faute professionnelle explicite, c'est la responsabilité morale de l'institution qui est mise en oeuvre, en puisant dans le budget de l'assurance maladie, alors que dans le secteur privé ce sont des assurances privées qui interviennent, que ce soit à titre professionnel ou institutionnel, à titre individuel ou collectif ; c'est cela qui suscite les débats actuels.

S'agissant de l'implication des professionnels salariés des institutions dans cette démarche, elle porte plutôt sur la qualité des processus de soins dans les établissements publics : le secteur privé se focalise sur la question des assurances et de la gestion des risques.

M. Gilbert BARBIER - Vous avez écrit, dans le rapport que vous avez publié au printemps, qu'il y avait trop de médecins dans notre pays, en particulier dans un secteur comme la psychiatrie. Comment entendez-vous proposer une régulation dans ce domaine ? Faut-il réduire le numerus clausus ? Faut-il arrêter de valider les médecins étrangers ?

Pensez-vous par ailleurs que l'échelon régional est pertinent pour élaborer des programmes de prévention ? Ne faut-il pas envisager des actions interrégionales ?

Professeur Marc BRODIN - Il ne me semblait pas avoir écrit qu'il y avait trop de médecins en France. En fait, La Conférence nationale de santé ne s'est pas prononcée sur l'effectif global des médecins en France. Cela dit, si nous voulons rester au seuil actuel observé dans les départements les moins bien dotés, il nous faut former 5.000 médecins par an dès aujourd'hui. Si nous voulons en revanche garder l'effectif actuel, soit en moyenne 300 médecins pour 100.000 habitants, voire 330 médecins pour 100.000 habitants si l'on tient compte de l'Ile-de-France et de la Picardie, il faut faire rentrer dès cette année 7.500 médecins dans les écoles de médecine.

Outre ce constat sur les effectifs, la Conférence nationale de santé s'est penchée sur l'aspect qualitatif, en rappelant tout d'abord que ce ne sont pas les 53 spécialités enregistrées au Conseil national de l'Ordre des médecins qui posent problème, mais seulement 6 ou 7 d'entre elles. Ainsi, la France dispose-t-elle, à l'échelle européenne, de l'effectif le plus élevé de psychiatres. De même, c'est nous qui avons une des plus importantes prescriptions de tranquillisants d'Europe. La Conférence rappelle, qu'au-delà des exemples de la pédiatrie, de la gynéco-obstétrique ou de l'ophtalmologie, c'est d'abord la chirurgie qui, à terme, pose le plus de problèmes. Nous regrettons qu'on ne précise pas les différents types de prestations et de plateaux techniques que l'on estime devoir proposer à terme, dans ce domaine, à la population des villes de 100.000 habitants environ. Une chose est sûre, on ne forme plus dans les CHU les chirurgiens généralistes d'autrefois.

Chacune des cinq ou six spécialités connaît des difficultés spécifiques. En matière d'anesthésie, nous avons des politiques de prévention, consistant par exemple à imposer une rencontre avec un anesthésiste une semaine avant tout acte chirurgical, ce qui représente plusieurs millions d'actes d'une durée minimum de 10 minutes, ce qui suppose la mobilisation d'un nombre considérable d'anesthésistes. Or, malgré l'ampleur de ce programme, il n'est prévu aucune évaluation de cette politique publique. On comprend dans ces conditions que nous manquions d'anesthésistes.

Concernant la régionalisation, vous savez comme moi que l'harmonisation européenne ne se fait pas au niveau des Etats, mais des régions et parfois même des régions transfrontalières. Face à cela nos régions françaises, qui comptent entre 400.000 et 12 millions d'habitants, paraissent en net surnombre. Il reste que l'on peut tout à fait mener des politiques de prévention à l'échelon régional ou interrégional. A cet égard, un des effets bénéfiques des conférences régionales de la santé réside dans la mobilisation des énergies autour de projets spécifiques permettant de déboucher sur des programmes avec une gestion par objectif.

C. AUDITION DU PROFESSEUR ROLAND SAMBUC, VICE-PRÉSIDENT DU HAUT COMITÉ DE SANTÉ PUBLIQUE, ACCOMPAGNÉ DU DOCTEUR ANNE TALLEC, RAPPORTEUR GÉNÉRAL

M. Nicolas ABOUT, président - Monsieur le professeur, madame Tallec, vous savez que ce projet est à nos yeux très important, et c'est pourquoi nous avons nommé trois rapporteurs. Beaucoup de choses sont en jeu, dont la relation médecin/malade, l'organisation des professions de santé et l'indemnisation de l'aléa thérapeutique.

Professeur Roland SAMBUC - Ce projet de loi nous a paru, dans son ensemble, très riche puisqu'il propose des avancées notables sur un certain nombre de questions sur lesquelles le Haut comité s'était penché dans ses rapports, depuis plusieurs années. Je pense en particulier au droit des malades à être informés, au droit au respect des patients, à la participation des usagers et à tous les problèmes qui touchent à la prévention et à la promotion de la santé. Nous sommes sensibles aussi aux orientations proposées au niveau de la politique de santé, tant aux niveaux national que régional, et nous saluons au passage l'effort qui est fait pour résoudre le problème de l'indemnisation des malades en cas d'aléa thérapeutique.

Mme Anne TALLEC, rapporteur général - Concernant le titre I, nous nous sommes particulièrement penchés sur les éléments qui concernent les trois premiers chapitres, et plus spécifiquement les usagers. Si le projet nous paraît dans l'ensemble extrêmement positif, nous attirons votre attention sur l'article 110-1, car il faudrait à notre avis mettre davantage l'accent sur l'égal accès à la prévention et non plus seulement aux soins. Les données dont nous disposons en termes d'analyse de l'état de santé de la population, notamment en ce qui concerne le retard de notre pays sur le plan de la mortalité prématurée évitable, nous indiquent clairement que des progrès pourraient être réalisés à ce niveau.

Le système de santé n'est pas le seul en cause, puisque des champs aussi divers que l'environnement ou les transports interagissent avec lui.

Dans une optique de respect des droits de la personne, nous allons évoquer, dans notre rapport triennal qui va paraître dans quelques semaines, les pratiques qui concernent non seulement les soins, mais la réadaptation et la réinsertion des malades. Dans le cas des personnes âgées, les problèmes qui touchent à la vue, à l'audition, ou aux douleurs sont encore insuffisamment pris en compte aujourd'hui. Si l'on peut obtenir une véritable prise en charge des maladies, il conviendrait de tenir compte des pathologies non guérissables, mais cependant importantes au regard de la qualité de vie ou de la santé psychologique, comme la malvoyance des personnes âgées.

A la lecture du chapitre II, Roland Sambuc et moi-même avons regretté que le terme de « responsabilités » ait été modifié en « droits des usagers », alors qu'il aurait été préférable d'écrire « droits et responsabilités des usagers ». En effet, un certain nombre de passages du texte renvoient à la notion de responsabilité, par exemple lorsqu'il évoque la nécessité, pour un médecin, d'expliquer les conséquences d'un refus de soin.

Concernant la participation des usagers abordée au chapitre III, les dispositifs que l'on peut mettre en place, qu'ils soient de type associatif ou représentatif sont extrêmement importants, mais ils ne pourront s'inscrire dans la réalité sans une mobilisation collective de l'ensemble de la population ou des élus, ce qui suppose un plus grand partage des enjeux de santé publique. Ainsi, les associations d'usagers d'un hôpital n'auront une réelle influence que si les usagers eux-mêmes sont plus conscients de leurs droits et leurs devoirs.

Professeur Roland SAMBUC - Je voudrais maintenant évoquer les chapitres 5 et 6 du titre II sur les politiques de santé aux plans régional et national. L'organisation régionale nous semble apporter une grande visibilité des institutions, dans la mesure où la création du Conseil régional de santé permettrait de regrouper les missions du Comité régional d'organisation sanitaire et sociale, du Comité régional des politiques de santé et de la Conférence régionale de santé. Cela répond à un souci de simplification des institutions, une orientation prônée par le Haut comité depuis longtemps. On peut toutefois s'interroger sur le fait que les attributions du CROSS dans le domaine sanitaire et le social n'aient pas été dévolues au Conseil régional de santé.

Nous regrettons le manque de liaison qui existe entre les instances régionales de santé et les instances politiques régionales, à savoir les conseils régionaux et généraux. Il serait souhaitable que le Conseil régional de santé puisse faire régulièrement des exposés sur la politique de santé de chaque région au sein de ces assemblées d'élus.

Nous souhaiterions que la loi et ses futurs décrets d'application accordent au Conseil régional de santé des moyens à la mesure de la variété de ses missions, afin qu'il préserve une relative indépendance à l'égard des services extérieurs de l'Etat. L'effort budgétaire devra aussi tenir compte des projets régionaux de santé qui structurent la politique régionale pendant plusieurs années, au moyen si possible d'un système de guichet unique.

Le niveau national nous a laissés perplexes, dans la mesure où le texte nous apparaît moins abouti dans ce domaine qu'au niveau régional. La modification du rôle de la Conférence nationale de santé ne doit pas amener une remise en cause de sa mission qui consiste à proposer des priorités de santé et à faire remonter tous les éléments qui concernent la mise en application du droit des malades dans les structures hospitalières.

Afin de distinguer le futur Haut conseil de la santé, qui se substituera à l'actuel Haut comité de la santé publique, de la Conférence nationale de santé, on peut souligner que cette dernière est plutôt composée d'un tissu de professionnels de la santé, alors que le Haut conseil est davantage un comité d'experts chargé de conseiller de Gouvernement et le Parlement en matière législative. S'agissant de son appellation, nous prônons le maintien du libellé « Haut conseil de la santé publique », afin de le différencier nettement de la Conférence nationale de santé et de marquer le fait que son champ d'expertise ira au-delà du champ de la santé.

Nous nous interrogeons sur le rôle du Haut conseil de la santé, puisqu'au moment où on lui donne plus d'indépendance en précisant qu'il n'est plus présidé par le ministre mais par un de ses membres élus, on prévoit sa participation à l'élaboration du rapport d'orientation du Gouvernement sur le projet de financement de la sécurité sociale. D'autre part, il n'est pas dit grand chose sur les missions du Haut comité de la santé publique par rapport aux missions actuelles du Haut comité de la santé publique, à savoir, selon le décret, « outre la contribution aux objectifs de la politique de santé publique, les propositions de renforcement dans le domaine de la prévention, le développement de l'observation de l'état de santé, la définition d'indicateurs et l'élaboration de rapports triennaux sur l'évolution de la santé en France ».

Concernant la formation, il nous semble aberrant, compte tenu de l'état actuel des finances publiques, que l'on crée un nombre de conseils nationaux de formation égal à celui du nombre de corps professionnels. Ainsi va-t-il être institué un conseil de formation pour les médecins hospitaliers publics, pour les médecins du privé salariés, pour les médecins d'exercice libéral etc. Il est évident que le texte a beaucoup emprunté aux préoccupations corporatistes et il revient selon nous aux sénateurs et aux députés d'imposer une meilleure utilisation des deniers publics. Il nous semblerait à cet égard très utile de fédérer ces conseils, au niveau national, en une instance unique.

Quant au passage de la loi qui prévoit un élargissement du système de santé et de soins en réseaux, il appelle nécessairement une collaboration entre tous ces professionnels. Celle-ci devrait impliquer des exercices mixtes entre le public, le privé et les libéraux : comment imaginer que ces professionnels puissent ne pas être formés en même temps ? La qualité du système de santé dépend de la qualité des interfaces entre les structures actuelles et les professionnels, et cela doit commencer par la formation.

Mme Anne TALLEC - Le chapitre 7 du titre II semble largement améliorable. S'il est extrêmement positif en soi que figure pour la première fois un chapitre « prévention et promotion de la santé » dans le code de la santé publique , sa rédaction me paraît à ce jour tout à fait contestable. Du point de vue formel, beaucoup d'éléments m'ont choquée : on y parle de « favoriser des comportements individuels ou collectifs » alors qu'à mon sens on ne favorise pas des comportements, mais l'acquisition de compétences qui favorisent des comportements ; parfois le style est franchement confus, en particulier quand il est question de « dépistage du handicap »... Nous ne pouvons pas nous permettre d'être aussi faibles sur une partie du texte qui institue pour la première fois un élément important de notre système de santé.

A mon sens, les six axes des politiques de prévention et de promotion sont à mon avis très hétérogènes, puisqu' y coexiste la réduction des inégalités sociales de santé, qui constitue un problème de grande portée, et l'information sur l'interruption de grossesse. Aller jusqu'à préciser certaines infections ou problèmes de santé dans ce texte me semble surprenant, pour ne pas dire davantage.

Les points 3 et 4 des objectifs affichés sont extrêmement confus. Quand on écrit « à entreprendre des dépistages de maladies », veut-on signifier que cet institut de prévention gère la question du dépistage du cancer du sein ? Une articulation avec les compétences de l'ANAES doit manifestement être mieux définie.

Le chapitre consacré à la prévention de la santé évoque de manière extrêmement floue le rôle de fédérateur des délégations régionales qui est conféré à l'institut qui est créé. On ignore d'ailleurs les moyens et les outils dont seront dotées ces délégations régionales. La mutation des CRES (comités régionaux d'éducation pour la santé) en délégations régionales leur confère une organisation que l'on peut deviner à géométrie variable. On ne sait pas si ces délégations seront intégrées aux DRASS comme les CIRES de l'INVS ou si elles seront autonomes. Il n'est pas précisé non plus quel sera le devenir des CODES, alors qu'il est essentiel que la prévention et la promotion de la santé soient relayées sur le terrain.

Je me suis également interrogée sur la suppression, dans cette version du texte, du rapport annuel rendu public de l'Institut de prévention, car il me semblait utile et riche. Il est important, du point de vue de la démocratie, de cultiver la transparence en matière d'activité publique.

Enfin, concernant le Comité technique national de prévention, il s'agit de la seule tentative de promouvoir une réelle coordination entre différents domaines hors et dans le champ de la santé. Force est pourtant de constater que ses missions sont très vagues, puisqu'il ne figure aucun renvoi à un texte ultérieur qui préciserait ses objectifs et son fonctionnement.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Il est peu habituel que nous ayons une audition d'un organisme dont le texte que nous analysons annonce la mort programmée. Effectivement, le Haut comité de la santé publique doit disparaître et être transformé au niveau national en Haut conseil de la santé. L'analyse que vous avez faite du texte qui nous est proposé me semble très importante. Vous avez souligné les aspects positifs de ce texte sur lequel votre institution a travaillé depuis longtemps, en insistant notamment sur le rôle et la place des usagers dans le système de santé. Je partage en outre avec vous le souci de désigner non seulement les droits des malades, mais également leurs responsabilités. Cet équilibre ne peut être occulté pour quelque motif que ce soit.

On nous a rappelé à quel point le fait que le Haut comité soit aujourd'hui présidé par le ministre nous amène à nous interroger sur l'autonomie dont bénéficiera réellement le futur Haut conseil et sur la réalité d'un regroupement de la politique de santé. En clair, le fait que le Haut conseil de la santé sera désormais présidé par un de ses membres élu est-il d'ordre anecdotique, ou marque-t-il une évolution profonde ? Le Haut conseil doit-il être placé directement sous la responsabilité du Gouvernement ou pourrait-il devenir une forme d'autorité administrative indépendante, selon le modèle des agences, afin que son impartialité et son expertise ne soient pas remises en cause ?

Vous avez souligné le problème de la participation du Haut conseil au rapport du Gouvernement. Celui-ci favorise-t-il l'autonomie de l'Institution ou au contraire sa dépendance ? Comment envisageriez-vous la définition de programmes pluriannuels dans le nouveau cadre ?

Je suis enfin très sensible aux remarques qui viennent d'être faites à propos de l'Institut national de prévention et de promotion de la santé. Il est évident pour nous tous que sa création ne peut pas être indépendante de la définition de la politique de santé. Il n'aurait aucun sens d'instituer un organisme qui ne serait pas relié, dans tous les domaines de la vie de notre société, à la définition réelle de la politique. Que pensez-vous de l'apport de ce texte au regard d'une clarification de l'organisation de la santé en France ?

Professeur Roland SAMBUC - Nous constatons, au plan de l'organisation nationale, une certaine perte de lisibilité. En effet, si au niveau régional, le Comité régional de la santé propose des priorités de santé pluriannuelles parmi lesquelles les représentants de l'Etat dans la région décident celles qui seront retenues, il n'existe plus, au niveau national, de force de proposition de priorités de santé. Cette mission incombait auparavant à la Conférence nationale de santé, mais elle a disparu. Nous nous trouvons dans une situation où le Gouvernement devra, en concertation avec le Haut conseil de la santé, décider des priorités de santé sans qu'elles aient fait l'objet d'une proposition préalable.

Quant au fonctionnement du Haut conseil de la santé, le président n'est en effet plus le ministre, ce qui renforce son indépendance. Il est toutefois nécessaire de préciser davantage le positionnement de cet organisme à l'égard du Gouvernement en matière de production d'avis. Il est privé de la possibilité qu'avait le Haut comité de la santé publique de produire chaque année, pour le Parlement et pour la Conférence nationale de santé, un rapport sur l'organisation du système de santé, avec éventuellement des propositions de priorité. Il me paraît important de transmettre au Haut conseil cette force de proposition, en toute indépendance, comme c'est le cas actuellement, malgré le fait que sa présidence soit exercée par le ministre. On peut même avancer que la collaboration avec les services du ministère s'avère extrêmement importante et qu'il faut la préserver. En effet, une assemblée d 'experts ne bénéficie jamais du degré d'expertise des personnels des ministères et des hauts fonctionnaires sur les modalités concrètes de fonctionnement des institutions.

Le Haut comité s'est souvent ému du caractère très comptable du vote du PLFSS et de ses enveloppes. Nous sommes bien conscients du fait dee la nécessité d'établir des bilans annuels, comme c'est prévu dans l'ensemble des organes de l'Etat, mais nous suggérons que la politique de santé soit fondée sur des objectifs structurés en programmes pluriannuels, à l'instar de ce qui est prévu dans le texte au niveau régional, et cela indépendamment de la variabilité de l'enveloppe globale de l'ONDAM. C'est en développant cette approche pluriannuelle que l'on pourra moderniser la politique de santé.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Nous avons bien noté toutes les remarques que vous nous avez faites, en particulier sur le titre II. Nous avons compris que vous souhaitiez éviter une parcellisation de la politique de formation, et cela nous semble relever du bon sens.

Professeur Roland SAMBUC - Il n'est pas dans notre idée de regrouper tous les financements en matière de formation. Nous proposons que chaque organisme garde ses financements, mais qu'en revanche les programmes de formation soient élaborés de manière globale et, si possible, en relation avec les universités.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Le chapitre sur l'aléa thérapeutique n'est sans doute pas au centre de vos préoccupations...

M. LE PRESIDENT - Je rappelle tout de même que le professeur Sambuc est un spécialiste des maladies nosocomiales.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Dans la mesure où le ministre nous a interpellés sur ce thème, je voudrais vous demander si vous estimez que les infections nosocomiales et les fautes professionnelles doivent faire l'objet du même traitement, comme il me semble que c'est l'orientation actuelle du texte ?

Professeur Roland SAMBUC - Peut-être n'ai-je pas saisi correctement le sens de votre question, car il me semblait au contraire que le texte avait, par ses différents titres, une grande cohérence, dans la mesure où il affirme l'obligation de communiquer en amont au patient l'information sur les risques qu'il peut encourir dans le système de soins, ainsi que sur les événements iatrogènes indésirables qui se sont produits lors d'une intervention. Le texte prévoit enfin un mécanisme d'indemnisation qui fait la part de l'aléa thérapeutique et de la responsabilité. Si je reconnais que le Haut comité n'a pas été en mesure dans ce domaine d'approfondir la faisabilité des mécanismes complexes d'indemnisation, il me semblait qu'une certaine cohérence d'approche avait été maintenue dans l'ensemble du texte. Cette cohérence permet d'ailleurs de déculpabiliser les acteurs de soins à l'égard d'événements qui sont le plus souvent inévitables et indépendants de toute faute. La déclaration obligatoire des infections nosocomiales telle qu'elle est prévue me paraît irréaliste si elle ne s'accompagne pas d'une information systématique du patient.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Je trouvais que la notion d'infections nosocomiales était trop systématiquement associée à celle de faute. En tout état de cause, il faudra définir le contenu de l'information obligatoire des patients, puisque son non-respect peut permettre de caractériser une faute.

Professeur Roland SAMBUC - Il est en effet nécessaire que le texte indique clairement le fait que certains accidents peuvent être le résultat d'un mécanisme purement aléatoire ou même résulter de la faute du patient. Par exemple, refuser un examen des narines susceptible de déceler la présence de germes induit un risque opératoire dont il faut faire comprendre l'importance. D'autre part, combien de germes sont importés dans l'hôpital par des visiteurs ? Bien des infections nosocomiales sont en réalité des infections communautaires.

M. Dominique LECLERC - Le président de la CNAM a expliqué, au cours d'une récente émission de télévision, avec la suffisance qu'on lui connaît, qu'il fallait impliquer encore davantage la CNAM dans tout le système évaluatif et de contrôle des connaissances et des pratiques médicales. Je ne sors pas d'une faculté de médecine, mais j'avoue ne pas être de cet avis. Je ne comprends pas comment vous pouvez accepter qu'après avoir fait sept ans d'études, quatre ans d'internat, trois ans de clinicat et obtenu la possibilité, honoré du titre de spécialiste, d'exercer un art médical, on vienne conditionner votre droit d'exercer à une formation continue. Comment pouvez-vous tolérer une telle remise en cause de vos acquis à la sortie d'un cursus aussi long ?

Professeur Roland SAMBUC - Votre incompréhension est partagée par les professionnels de santé, comme en témoignent les difficultés que l'on rencontre dans la mise en oeuvre de la formation continue. Le fait qu'il soit prévu qu'un praticien puisse s'acquitter de ces obligations en allant présenter un petit rapport à l'Ordre départemental achève de décrédibiliser cette approche. Il reste que l'accélération du progrès thérapeutique figure parmi les grandes tendances caractérisant le système de santé et cela aussi bien au niveau des techniques ou des technologies que des avancées de la médecine fondées sur les preuves. Dans ce contexte évolutif nous sommes obligés, à l'instar des pilotes d'avions ou des ingénieurs, de nous former en permanence. Le concept même de formation continue, s'il est moins axé sur des contrôles de connaissances que sur la mise en oeuvre de nouvelles techniques ou méthodes de raisonnement diagnostique ou thérapeutique, me paraît honorer les professionnels. Dans cette optique, il est essentiel que les professionnels prennent en charge eux-mêmes, sinon le contenu même des programmes, du moins le déroulement de ces formations. Cela pourra se faire, non pas par le biais de l'assurance maladie, mais plutôt au niveau de l'ANAES, puisqu'elle est bien acceptée par les praticiens, notamment du fait de sa composition largement professionnelle.

Je voudrais insister également sur la nécessaire émergence des pratiques de prévention dans le système de santé. De ce point de vue, la décision récente de mettre en oeuvre des programmes nationaux de dépistages des cancers du sein, de l'utérus et du colon constitue l'officialisation d'une approche recherchant le maximum de bénéfices pour le patient avec le minimum de risques. La généralisation de ces programmes de prévention par les praticiens de terrain va montrer la nécessité d'être accrédité pour accomplir parfaitement tel geste de prévention ou tel examen radiologique. Cette initiative entraînera sûrement une meilleure adhésion à la formation permanente et à l'accréditation des professionnels, y compris, à terme, dans des domaines autres que la prévention.

M. André LARDEUX - Au risque d'être provocateur, je rappellerai que le principal droit du citoyen est le droit à la lisibilité des institutions qu'il a en face de lui. A cet égard, quelle instance, parmi les cinq que nous auditionnons aujourd'hui est, à votre avis, en surnuméraire ?

La prévention ne fonctionne pas bien en France parce que l'Etat décide de campagnes que la CNAM et les conseils généraux financent. Qui doivent être, selon vous, le décideur et le financeur dans ce domaine ?

Professeur Roland SAMBUC - Au sujet de l'information du citoyen et de la multiplicité des institutions, je rappelle que l'un des objectifs lointains, et presque utopique, du Haut comité de la santé publique est l'amélioration de l'appropriation par le citoyen des problèmes de santé. De ce point de vue, des lieux de débat tels que les états généraux de la santé peuvent être aussi efficaces que des organes de presse.

La multiplication des institutions chargées de prévention et de gestion des problèmes de santé publique n'est pas souhaitable. Il faut parvenir à réduire le nombre des institutions afin de simplifier le système actuel. Il existe plus d'une centaine de régimes d'assurance maladie alors que l'on pourrait très bien envisager d'unifier et de globaliser les administrations qui les gèrent. Il y a là des gains de productivité évidents à réaliser. De même, des structures fédératives comme les ARH ont été créées au niveau régional, sans que pour autant on supprime les DRASS ou certains organes de l'assurance maladie. On assiste, un peu comme dans l'évolution biologique, à un empilement progressif des centres nerveux.

Concernant la différence entre le Haut comité de la santé publique et la Conférence nationale de santé, il me semble que le premier est davantage le représentant des professionnels, alors que la seconde réunit plutôt des experts. Il faut, pour renforcer la prise en compte des problèmes de santé, parvenir à créer des relations fonctionnelles entre les différents ministères. La prévention des accidents de la route ne peut être conçue sans une participation du ministère de l'intérieur ou des Ponts et Chaussées. Pour ce faire, il faudrait donner plus d'importance au ministère de la santé en ne le rattachant plus au ministère de l'emploi ou du travail. Au niveau local, il faudrait que toute question débattue dans les collectivités territoriales (projets autoroutiers, industriels, etc.) soit également envisagée sous l'aspect de la santé.

Le système qui délègue aux conseils généraux des pouvoirs de financement en matière de prévention et de prise en charge des personnes âgées ne cadre pas avec la logique d'ensemble de la loi. Il est toutefois concevable que ces programmes puissent être conduits sur la base d'un cofinancement entre les conseils généraux et l'assurance maladie par le biais d'un guichet unique.

En matière de prévention, je pense que l'Etat doit conserver son rôle central, sur la base des conseils de l'ANAES ou des sociétés savantes, en matière d'élaboration des programmes de dépistage. Ces programmes doivent ensuite être mis en application par des professionnels accrédités, par exemple par l'ANAES. Les citoyens doivent quant à eux être informés, par le futur institut ou les instances régionales, de l'avantage qu'ils ont à participer à ces programmes. Enfin, ces programmes doivent être évalués et supervisés. Or il manque, à ce niveau essentiel, d'acteurs pertinents capables de juger des résultats effectifs des campagnes initiées, afin notamment de faire évoluer les outils mis en oeuvre en fonction des besoins (numerus clausus, autorisation de lits d'hôpitaux ou de cliniques). Il me paraît en effet justifié qu'à chaque niveau de la politique de prévention correspondent des institutions spécialisées.

M. Jean-Claude ETIENNE - Vous nous avez fait part de votre souci à propos de l'absence de lien entre les problématiques de santé et le niveau régional. Que peuvent faire, selon vous, les instances locales et les collectivités territoriales dans cette perspective, pour éviter de se borner à contribuer à diffuser l'information auprès des citoyens ?

Professeur Roland SAMBUC - Je suis très heureux que vous partagiez mon souci d'associer davantage les élus à la gestion des problèmes de santé. Je rappelle que les maires président les conseils d'administrations des hôpitaux, ce qui constitue une responsabilité considérable. La loi aujourd'hui en discussion prévoit que le Conseil régional de santé comporte en son sein des représentants des conseils généraux et régionaux. C'est un pas important, dans la mesure où la sensibilisation des élus en matière de santé doit aller de pair avec celle du citoyen. Il faut que l'on débatte aussi simplement de la santé que lorsqu'il s'agit de décider de l'implantation ou non d'un troisième aéroport en Ile-de-France. Nous devons oeuvrer contre l'existence de tabous dans notre domaine, surtout lorsque l'on connaît la masse des dépenses publiques qui est en jeu.

M. LE PRESIDENT - Monsieur le professeur, madame le rapporteur général, nous avons apprécié vos témoignages et compris au travers de vos explications que vous vous exprimiez non seulement au nom du Haut comité de santé publique, mais en tant que grands professionnels. Votre audition était nécessaire, et je ne manquerai pas de vous convier pour d'autres occasions devant la commission des Affaires sociales, afin que vous nous fassiez part de vos lumières.

D. AUDITION DE M. FRANÇOIS DE PAILLERETS, PRÉSIDENT DU COMITÉ FRANÇAIS D'ÉDUCATION POUR LA SANTÉ ET DE MME BERNADETTE ROUSSILLE, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE

M. Nicolas ABOUT, président - Monsieur le président, après avoir écouté monsieur Bernard Kouchner, ministre délégué chargé de la santé, notre commission a poursuivi ses auditions en entendant quelques acteurs majeurs de notre système de santé, le Conseil national de l'Ordre des médecins, la Conférence nationale de santé et le Haut comité de santé publique. Nous avons le plaisir de vous accueillir à présent, avec le délégué général, Mme Bernadette Roussille, pour que vous nous donniez le sentiment du Comité français d'éducation pour la santé.

Tous ces avis nous intéressent beaucoup dans la mesure où nous avons besoin de votre éclairage, d'abord sur la philosophie du texte, au regard des réflexions qui ont pu être formulées sur notre système de santé et des relations entre les professionnels et les personnes malades, ensuite quant à l'évolution qu'entraîne le projet de loi sur le rôle ou le statut des institutions, et en particulier de l'institution que vous représentez.

Nous nous livrerons, après votre exposé introductif, au jeu des questions et réponses, avec nos rapporteurs, M. le Professeur Giraud, M. Dériot et M. Lorrain, et avec les membres de la commission.

M. François de PAILLERETS - Je vous remercie de prendre la peine de nous entendre, mesdames et messieurs les rapporteurs. J'ai à mes côtés Bernadette Roussille qui est Délégué général du CFES. Elle a un parcours consacré à la santé, en tant qu'inspecteur général des affaires sociales ; je suis moi même pédiatre.

Je vais tout d'abord vous présenter le CFES, sa structure, ses missions. Le CFES est une association de 1901, de type particulier dans la mesure où elle est sous tutelle du ministre de la santé. Née il y a trente ou cinquante ans, selon que l'on donne ou non de l'importance au sigle de cette association, elle a en tout cas pris un essor considérable depuis sept ans, puisque son personnel a doublé, atteignant presque cent salariés, que son budget a triplé, dépassant 350 millions de francs pour l'exercice passé, et que son activité a été encore relativement plus importante.

Quelles sont ses principales missions ? La plus connue, importante en temps, en compétences et en budget, concerne les campagnes réalisées en faveur des grandes causes de la santé. Ce sont avant tout des campagnes médiatiques, mais dont on s'est aperçu qu'il fallait, pour être réellement et durablement efficaces, qu'elles soient accompagnées d'actions sur le terrain. De ce point de vue, les Comités régionaux et départementaux d'éducation pour la santé sont des auxiliaires, et même des acteurs précieux. Lorsque l'on parle du Comité français d'éducation pour la santé, on parle aussi de son réseau de comités.

Une autre mission du CFES est d'ailleurs d'appuyer et de soutenir le réseau, sur le plan du conseil pédagogique, du conseil méthodologique, par le biais de séminaires organisés à l'attention des responsables du réseau.

Nous avons une importante activité d'édition et de diffusion puisque nous diffusons plus de 40 millions de documents par an. Cela complète la mission d'expertise du CFES, qui se veut un centre expert en matière d'éducation pour la santé. Le Comité agit ici en essayant de conduire des actions de recherche à partir d'une réflexion scientifique, en sciences de la santé, mais aussi en sciences humaines (communication, pédagogie...), et d'une réflexion éthique. Je crois d'ailleurs que nous avons beaucoup progressé sur ce dernier aspect.

Cette dimension est indispensable parce que l'éducation pour la santé consiste essentiellement à modifier des comportements de santé, lesquels reposent sur des croyances et sur des désirs profonds, qui font l'intimité de chacun d'entre nous. Pour les manipuler, il faut du savoir, du savoir-faire, du temps, d'autant que les effets bénéfiques d'un changement de comportement ne s'observent que des années plus tard.

Ce travail est difficile, mais il est très important. La médecine moderne scientifique, bien souvent, ne trouve son efficacité que si elle est accompagnée d'une démarche humaniste, au centre de laquelle se situe justement l'éducation pour la santé. En outre, l'émergence de plus en plus fréquente des maladies chroniques rend notre travail indispensable. L'éducation thérapeutique du patient, à qui il faut apprendre à gérer sa maladie aux côtés du médecin, est un élément majeur de la réussite.

Enfin, il faut tenir compte d'une exception française qui veut que si notre pays est champion en matière d'espérance de vie, il affiche en même temps de très mauvaises performances pour ce qui est de la surmortalité prématurée. Or nous savons que, dans plus de deux tiers des cas, cette surmortalité est due à un comportement défavorable à la santé. La logique est donc d'agir sur les comportements.

Voilà ce que je voulais vous dire à propos du Comité français, dont j'ai la responsabilité depuis sept ans. Je précise que l'essentiel du travail est réalisé par la Déléguée générale et son équipe de direction, ce qui me permet de dire tout le bien que je pense de ce Comité.

Pour terminer, je voudrais me pencher sur les évolutions qui sont envisagées pour notre Comité. Dans la situation actuelle, la structure associative donne une certaine souplesse à notre action et à la maîtrise de notre budget. Les marchés publics comportent en effet des règles qui sont plus rigides pour les établissements publics que pour les structures associatives. Pour autant, une association loi 1901 reste fragile, surtout lorsqu'il faut gérer plus de 350 millions de francs d'argent public. En tant que président du conseil d'administration du CFES, je trouve que cette responsabilité est parfois lourde. Notre position est également fragile face à des interlocuteurs publics qui pèsent lourd, qu'il s'agisse de la Direction générale de la santé ou de la CNAM, et cela malgré la qualité des hommes que l'on trouve au sein du Comité. Au fond, notre légitimité provient de notre compétence.

C'est à partir de cette analyse que nous pouvons dire notre position vis-à-vis de la transformation programmée du CFES en un Institut national de prévention et de promotion de la santé.

Mme Bernadette ROUSSILLE - J'ajoute que le statut d'association, intéressant par ailleurs sur certains points, crée également une difficulté sur le plan du financement, dans le sens où nous sommes essentiellement financés sur programme et très peu pour le fonctionnement, si bien que notre activité est découpée thématiquement en programmes. Cela ne nous donne pas les moyens de creuser l'expertise et de développer l'infrastructure de base de l'éducation pour la santé, c'est-à-dire ce qui a trait à la recherche, à la formation, à la méthodologie, à l'évaluation. Nous devons nous contenter, sur ces points, de travailler à l'intérieur des programmes. C'est une fragilité dont nous espérons sortir grâce à un nouveau statut.

M. LE PRESIDENT - Je donne la parole aux rapporteurs, et en premier lieu au Professeur Giraud.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Monsieur le président, monsieur de Paillerets, vous êtes la seconde personne de la journée à évoquer, à la lecture du projet de loi qui nous est soumis, une « mort programmée » pour son organisme, c'est-à-dire une transformation de votre institution dans un cadre peut-être plus vaste, en tout cas avec des structures différentes. Mon collègue, M. Dériot, vous interrogera sur votre position par rapport à cette transformation. Pour ma part, je vous demanderai, en tant qu'acteur hospitalo-universitaire ayant fait toute sa carrière dans la pédiatrie et la santé publique, votre sentiment sur ce que ce nouveau texte propose, en particulier au niveau national, en termes d'organisation de la santé, avec la création d'un Haut Conseil de la santé, la modification des missions pour la Conférence de la santé...

Ma seconde question renvoie à votre expérience très solide en matière d'éducation de la santé. Je me suis toujours demandé comment il était possible de limiter ces actions dans le cadre d'un ministère de la santé et de ne pas l'étendre, sur un plan structurel, à l'éducation nationale. On voit mal, en effet, une éducation de la santé qui serait dissociée d'un programme plus vaste de formation du citoyen. Ce projet de loi évoquant beaucoup les droits des malades, et, à notre sens, pas assez leurs obligations, c'est peut-être par un système éducatif que les Français apprendraient à se comporter en société vis-à-vis de ces problèmes de santé. J'aimerais connaître votre avis sur ce problème de la difficulté de la liaison avec l'éducation nationale.

M. François de PAILLERETS - Tout d'abord, je prétends que la Conférence nationale de santé est un élément important du dispositif de santé, même si elle n'est pas encore prête à rendre des avis globaux, tenant compte de la totalité des problèmes, y compris l'aspect financier. Quoi qu'il en soit, la Conférence a une vertu pédagogique considérable. Si le retard en matière de culture de santé publique est en train de se combler en France, c'est, je pense, en partie du fait de la Conférence de santé et de sa composition, qui n'est pas limitée aux seules professions de santé. Je le dis depuis longtemps, et pas uniquement parce que j'ai été amené à participer à la conception de cette structure dans le cadre des ordonnances de 1996.

Je suis pour le reste, après avoir hésité, favorable à la transformation du CFES. Certes, un établissement public sera plus rigide et compliquera notre tâche en partie pour ce qui concerne les appels d'offres dans les marchés de la communication. Mais parallèlement, l'institut disposera de davantage de poids face aux autres acteurs de santé. Surtout, le CFES et les réseaux apprécient le fait que, pour la première fois, la loi reconnaît l'éducation à la santé comme une mission de service public, offrant ainsi la légitimité et la reconnaissance que nous recherchions depuis des années.

Pour ce qui est des liens avec l'éducation nationale, je constate que le CFES a essayé de nouer des liens, avec peu de succès. Nous avons néanmoins le sentiment que les choses bougent depuis quelque temps ; il est ainsi à noter que le siège dédié à l'éducation nationale au sein du conseil d'administration du CFES est, depuis quelques mois, désormais occupé. Cela permet des échanges, mais les choses ne sont pas faciles : l'éducation pour la santé doit probablement être faite essentiellement par les enseignants, avec l'aide des médecins et infirmières scolaires, mais l'éducation à la santé ne s'improvise pas. Il faut donc apporter une formation réelle à ces personnels. A partir de là, la collaboration deviendra plus facile.

Mme Bernadette ROUSSILLE - L'Institut, qui a une mission plus importante de formation et de production d'outils, devrait fournir ces outils à l'éducation nationale, pour peu qu'elle veuille s'en saisir. Les collaborations restent difficiles au niveau national et il faudrait profiter de la création de l'Institut pour mettre en place davantage d'écoles promotrices en santé -domaine créé par l'OMS où notre pays a beaucoup de retard-, introduire la dimension santé dans les projets d'établissement, développer les formations supérieures en éducation pour la santé.

La mission de service public est un aspect fondamental du projet de loi. Il est fait mention, dans vos documents, de 118 comités départementaux et régionaux. Au dernier recensement, il n'y avait plus que 106 comités, ce qui est le signe d'une fragilité, d'une dépendance au bénévolat et aux bonnes volontés, d'une inégalité sur le territoire. Cela se traduit par une inégalité de qualité qui fait que l'éducation à la santé est la chose la plus inégalement répartie ; elle ne correspond pas à un service public. Je pense que l'Administration, derrière votre loi, devrait prendre au sérieux la mission qui lui est donnée de fixer des normes quantitatives et qualitatives.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Il nous a semblé extrêmement important que la prévention soit un point important de la prise en compte de la qualité du système de santé. Depuis des années, nous avons, les uns et les autres, pu répondre à la partie thérapeutique, c'est-à-dire la partie soins et traitements. Mais d'une manière générale, il faut bien reconnaître que la prévention et l'éducation à la santé ont, sinon été négligées, tout au moins prises en compte de façon discontinue. Votre organisme a notamment joué ce rôle qui a consisté à souligner la nécessité de l'éducation à la santé.

Que pensez-vous de la transformation de l'association en institut ? Vous nous avez répondu et il semble effectivement logique s'agissant de la gestion de sommes aussi considérables, de s'inscrire dans un système beaucoup plus encadré, plus « étatisé ». Cela étant, le manque de souplesse de la solution nouvelle m'inquiète quelque peu. Je crains qu'à l'avenir vous ne soyez constamment soumis à des règles de marchés publics pour les campagnes d'information, vous rendant de moins en moins efficaces à ce niveau. Je partage votre sentiment sur ce point, vous serez sans doute beaucoup moins réactifs que vous ne l'avez été jusqu'à présent. Certes, il sera possible de modifier l'organisation pour y faire face, il n'en demeure pas moins que vous aurez des délais et des temps de latence qui seront plus longs.

La mission qui vous est confiée est primordiale dans la mesure où c'est à partir de l'éducation que l'on peut éviter un certain nombre de problèmes de santé publique, qui sont justement rencontrés parce que le comportement n'est pas celui que l'on aurait pu souhaiter de la part de nos concitoyens, et parce que sans doute ils n'ont pas été éduqués correctement. J'adhère aux propos exprimés par le Professeur Giraud : c'est au niveau de l'éducation nationale qu'un premier enseignement sur les problèmes de santé s'impose, de manière à préparer dès le plus jeune âge nos jeunes concitoyens.

Le problème est d'importance. Dans notre pays, le sujet ne fait souvent qu'un feu de paille, puisqu'une fois les campagnes achevées, le relais sur le terrain n'est que rarement mis en oeuvre. Les professionnels de santé sont en partie responsables, et ils auraient peut-être dû être de meilleurs relais pour expliquer et faire comprendre. Au niveau actuel des choses, pensez-vous qu'il reste des actions et des campagnes supplémentaires à lancer auprès des professionnels de santé et de l'éducation nationale ? La mise en place d'un institut sera-t-elle plus efficace sur ce plan ? Aurez-vous davantage de poids pour mobiliser tous les acteurs en faveur de l'éducation à la santé ? Enfin, je m'interroge par rapport à l'expression « promotion de la santé » : quel en est le sens exact ? Quelles sont les actions et les méthodes à utiliser pour être encore un peu plus dans le sens de l'éducation et de la prévention ?

M. François de PAILLERETS - Qu'est-ce que la promotion de la santé ? Je me suis souvent interrogé sur la sémantique utilisée et j'ai très souvent entendu un mot employé pour un autre. Je crois pour ma part qu'il convient de distinguer deux niveaux : un niveau conceptuel, qui est celui de la santé, de la prévention, de la promotion de la santé, et un niveau relatif aux outils de cette promotion et de cette prévention de la santé. En l'occurrence, l'éducation pour la santé est un outil, à la fois pour la prévention des maladies et de leurs complications -c'est l'éducation thérapeutique du patient- et pour la promotion de la santé -c'est l'éducation à la santé du citoyen et des décideurs. Il serait une erreur que de placer l'éducation pour la santé au même niveau que la promotion et la prévention de la santé.

Quelle est la différence entre prévention et promotion de la santé ? La réponse est liée à l'évolution du concept même de santé. A la notion d'absence de maladie, notre époque actuelle y a ajouté la notion de bien-être. De même, la prévention des maladies a évolué pour intégrer aujourd'hui la promotion de la santé. Pour faire avancer ces notions, qui font appel à des domaines plus larges que le domaine médical traditionnel, nous disposons d'outils, comme la vaccination pour la prévention des maladies infectieuses. Parmi ces outils, l'éducation pour la santé me semble essentielle.

Ayant dit cela, quelle est la bonne méthode ? Je ne sais pas. En revanche, j'ai la conviction que les comportements en santé sont au centre des actions, qu'il s'agisse d'éviter les maladies, de promouvoir le bien-être, de faire en sorte que le système de santé fonctionne de manière responsable. Et il importe d'agir dès l'enfance, pour intervenir avant que les problèmes ne se posent.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Cette définition pose un problème majeur. Il y a nécessité d'associer tous ceux qui sont concernés par une responsabilité dans la vie de tous les jours, à tous les niveaux. Pour être véritablement efficace, il faut pouvoir rassembler tous les responsables, qu'ils soient responsables de l'Etat ou de collectivités locales, pour les consulter et les associer aux réflexions. Les accidents de la route, aux conséquences si dramatiques, peuvent tenir à un mauvais état des routes dans un département. En tant que présidents de conseils généraux, nous sommes en partie responsables d'une qualité des voies de circulation ; c'est vrai aussi pour l'Etat s'agissant des routes nationales, c'est vrai pour les conditions de vie dans tel ou tel domaine. Dans ces conditions, y aura-t-il, à l'intérieur de l'Institut, une véritable association de tous les acteurs qui ont une responsabilité dans les décisions ?

M. François de PAILLERETS - La coordination est le maître mot en matière de santé publique. Les efforts de prévention sont beaucoup plus importants et plus nombreux que l'on croit, mais il est vrai qu'il convient également de maîtriser un risque. La santé fait intervenir de nombreux facteurs, et pas seulement médicaux, mais il faut veiller à ce qu'à vouloir trop embrasser, on n'étreigne mal. Si l'on n'a pas une capacité de coordination importante, que ce soit au niveau national -je crois là qu'un institut devrait avoir une puissance plus importante qu'une association de 1901- ou que ce soit au niveau local -et je pense que les délégations régionales de l'Institut national doivent avoir ce rôle de coordination-, on n'aura guère progressé.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Justement, vous venez d'expliquer que ces instances régionales et départementales allaient rester sous forme associative. Elles seront donc des émanations d'un institut établissement public, mais sous forme associative.

M. François de PAILLERETS - En un mot, les comités souhaitent effectivement conserver leur structure associative, et cela me paraît légitime et important, tandis que les délégations régionales serviraient d'interface entre l'Institut national, auquel elles appartiendront, les comités et les autres acteurs de la santé. Je crois que leur rôle sera essentiellement un rôle de coordination. Elles seront en tout cas extérieures aux comités.

M. Bernard ROUSSILLE - Les CRES et les CODES sont des associations dont l'on ne peut pas « d'en haut » décréter la dissolution. Pour que des délégations régionales se substituent aux comités régionaux, il faudrait que les comités régionaux acceptent de se dissoudre. J'ajoute que l'éducation à la santé a une dimension communautaire, qui mobilise la population autour de projets : la forme associative s'y prête bien, en permettant de mobiliser des bénévoles et des acteurs issus de différents secteurs. Elle est objectivement bien adaptée au sujet. De fait, les structures locales y tiennent, même si elles souffrent d'une précarité et d'une absence de reconnaissance. Je pense que nous progresserons dans une plus grande sécurité et une plus grande égalité d'accès par la notion de service public.

Effectivement, les délégations régionales sont pour nous des structures de coordination qui sont une interface avec un réseau qui subsiste.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Comment articuler la politique de prévention entre la Direction générale de la santé, le nouvel Institut, le Haut Conseil de santé et la Conférence nationale de santé ? Tout cela ressemble à un puzzle qu'il sera difficile d'assembler.

Mme Bernadette ROUSSILLE - Nous avons la préoccupation d'inscrire, dès sa naissance, l'Institut dans son environnement administratif, pour qu'il trouve sa place par rapport à la DGS, mais aussi au Fonds de prévention de la CNAM, et éventuellement par rapport à ce que fait l'éducation nationale. En revanche, le positionnement par rapport au Haut Conseil de santé et à la Conférence de santé ne me paraît pas difficile à régler dans le sens où ce sont des instances consultatives qui vont proposer des mesures au Parlement. Il faudra néanmoins veiller à ce que l'Institut ne devienne pas une instance de proposition supplémentaire de type « politique » ; si elle joue son rôle d'opérateur qui émet des avis sur des outils et des programmes, et non sur des politiques, il ne devrait pas y avoir d'interférence avec le Haut Conseil et la Conférence de la santé.

Il peut par contre y avoir des possibilités de duplications ou de malentendus avec la DGS, celle-ci pouvant vivre la création d'une agence supplémentaire comme la dépossession d'un certain nombre de programmes, en particulier dans le domaine de la prévention médicalisée, c'est-à-dire les actions de vaccination, de dépistage et de prophylaxie, qui n'étaient pas tellement traitées jusqu'ici par le CFES. Il est donc important que les choses soient suffisamment claires dès le départ et que l'Institut reste structuré par une thématique de l'éducation pour la santé et la création d'outils et de programmes dans le domaine de l'action ; s'y ajoutera de plus en plus une mission d'expertise, d'avis et d'accréditation. A cet égard, je voudrais vous dire que certains membres du conseil d'administration et nous-mêmes nous demandons parfois s'il est bien raisonnable de donner à un même organisme des missions dans le domaine de l'action et dans le domaine de l'évaluation et de l'accréditation. L'Institut, pour ne pas être accusé d'être juge et partie, devra être très vigilant du point de vue de l'organisation interne.

Notre préoccupation est assez grande vis-à-vis de la CNAM et du Fonds national de prévention. Du point de vue du financement, le rapport de l'Assemblée nationale indique que le FNPEIS apportera la dotation globale de l'Institut, qui est évaluée à 415 millions de francs, chiffre qui coïncide avec ce que nous avons prévu. La loi fait par ailleurs référence à une dotation globale versée par l'assurance maladie, mais qui semble référer au budget du risque. Qu'en est-il ? Si c'est, comme je le crois, le risque qui va payer, le Fonds de prévention conservera son budget : qu'adviendrait-il alors des grandes campagnes ? Le Fonds de prévention continuera-t-il à en mettre en place et à avoir des grands programmes ? A qui s'adressera-t-il ? Je pense qu'il est important de clarifier cette situation, sans doute par le biais de contacts entre le ministère et la CNAM, éventuellement au niveau du décret. C'est en tout cas l'un de nos gros soucis, d'autant que la CNAM, finançant actuellement les campagnes organisées par le CFES sur programmes, est en mesure de les contrôler. Au titre de la dotation globale, cette possibilité sera pour elle réduite.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Le fil rouge qui nous conduit, dans le cadre du projet en cours, concerne l'aléa médical. Comment votre organisme se positionne par rapport à l'aléa médical ? On demande maintenant aux patients d'avoir une responsabilité économique et d'avoir une responsabilité juridique, puisqu'il doit prendre conscience des risques. On lui demande aussi d'accueillir l'information. En tant qu'organisme de communication et d'éducation, comment réagissez-vous à un texte qui traite des risques et de l'aléa médical ?

M. François de PAILLERETS - Nous n'avons pas de réflexion et de propositions spécifiques dans ce domaine. Il est vrai que nous devrons inventer une pédagogie et une éducation de la responsabilité et du risque. C'est une raison pour souhaiter que l'éducation pour la santé ait davantage de moyens et de capacités. Au-delà de ces déclarations d'intention, je ne puis vous apporter de réponses.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - La question n'est donc pas encore entrée dans les moeurs !

M. François de PAILLERETS - Ces problèmes ne sont pas encore formalisés et bien concrétisés. Ce problème n'est pas encore entré dans le champ de la santé de manière précise.

Mme Bernadette ROUSSILLE - De la même manière, nous sommes en retard en matière d'éducation thérapeutique. Nous avons pris conscience qu'il fallait faire de la pédagogie du risque, mais nous ne sommes pas encore bien outillés pour faire de la pédagogie du risque thérapeutique.

M. Guy FISCHER - Je constate que les moyens du CFES ont été en constante progression au cours de la dernière période, tant du point de vue des hommes que des moyens financiers. Je souhaiterais savoir si le CFES est bien à l'origine de la campagne portant sur l'alcoolisme et les accidents routiers.

Mme Bernadette ROUSSILLE - Nous avons effectivement initié cette campagne.

M. Guy FISCHER - Vous avez mis l'accent sur le fait que le projet de loi reconnaissait l'éducation à la santé comme une mission de service public. Sur des thèmes très difficiles comme la contraception, il est clair que le manque de volonté affirmée a conduit à certaines situations posant question, et notamment du point de vue des comportements des jeunes femmes. Nous savons qu'en matière d'éducation et de prévention, la médecine scolaire, dans notre pays, mérite des moyens supplémentaires. On peut douter que le ministère de l'éducation mette véritablement en oeuvre des moyens qui sont aujourd'hui apportés par les collectivités territoriales, notamment dans l'enseignement pré-élémentaire et élémentaire.

Dans le cadre de votre changement de statut, il semble que vous ayez une inquiétude par rapport au financement de l'Institut.

Mme Bernadette ROUSSILLE - Nous ne sommes pas inquiets en termes de niveau, mais en termes d'organisation. Nous nous demandons qui paiera quoi. En revanche, le nouveau système de dotation globale sécurisera notre fonctionnement.

M. Guy FISCHER - Est-il possible de passer à un palier supérieur si, dans le même temps, les moyens supplémentaires ne sont pas accordés, au niveau de l'éducation nationale ou de la participation des professionnels de santé ? Les enseignants ne pourront pas tout faire et l'on peut se poser la question du rôle amplifié de la médecine libérale. Finalement, en quoi cette nouvelle structure contribuera-t-elle à la mise en oeuvre d'une véritable politique d'éducation pour la santé ?

M. François de PAILLERETS - La question des moyens ne m'inquiète pas outre mesure, à condition qu'ils soient clarifiés. Je suis davantage préoccupé par le potentiel de formation. Notre pays n'a pas encore le potentiel de formation nécessaire pour sensibiliser et apprendre aux différents acteurs, enseignants ou personnels de santé, ce qui ne s'improvise pas. Je crains ensuite qu'à vouloir faire trop de choses, on ne fasse guère de choses. Je souhaite que l'éducation pour la santé soit le noyau dur de ce futur Institut pour au moins quelques années.

M. André LARDEUX - Quelle est la part apportée par le privé et les collectivités locales dans vos ressources ?

Mme Bernadette ROUSSILLE - Les partenariats privés nous apportent environ 100.000 francs de ressources et les ventes de document contribuent à 5 % de nos ressources. Les collectivités locales ne participent pas au financement du CFES, mais interviennent au niveau du réseau, avec une part de l'ordre de 30 % dans les ressources des comités. Certains comités sont d'ailleurs très liés aux conseils généraux.

M. LE PRESIDENT - D'où viennent les 350 millions de francs de budget du CFES ?

Mme Bernadette ROUSSILLE - 65 % proviennent de la CNAM et le solde nous est versé par la DGS et par la MILDT. Sur cette somme, plus de 280 millions sont affectés aux programmes qui nous sont imposés dans le cadre des financements.

M. André LARDEUX - Votre transformation en établissement public conduira peut-être les collectivités locales à modifier leurs relations avec vous et à se désengager.

Mme Bernadette ROUSSILLE - Les comités départementaux et régionaux comptent garder la forme associative et espèrent garder la confiance de leurs financeurs habituels. D'ailleurs, bon nombre de leurs actions s'inscrivent dans des projets locaux.

M. LE PRESIDENT - Je vous remercie, monsieur le président, madame la déléguée générale, d'avoir accepté de participer à nos auditions.

E. AUDITION DE M. PIERRE SARGOS, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION

M. Nicolas ABOUT, président - Mes chers collègues, je suis très heureux de recevoir en votre nom M. Pierre Sargos, président de la chambre sociale de la Cour de cassation. C'est pourtant au titre de ses fonctions précédentes à la Cour de cassation que nous avons souhaité l'entendre aujourd'hui ; M. Sargos était en effet conseiller doyen de la première chambre civile, et considéré à ce titre comme l'un des meilleurs connaisseurs des questions de responsabilité et de l'aléa médical.

Nous souhaiterions par conséquent, monsieur le président, que vous puissiez nous faire part des impressions que vous inspire, à la lumière de votre expérience, le titre III de ce projet de loi, consacré à la réparation des conséquences des risques sanitaires. Jean-Louis Lorrain, rapporteur en charge du titre III, puis éventuellement d'autres commissaires, vous poseront quelques questions à l'issue de vos propos introductifs.

M. Pierre SARGOS - Je vous remercie, monsieur le président. Je précise que si j'ai rapporté plusieurs affaires de responsabilité médicale devant la première chambre civile de la Cour de cassation, celle-ci statue à collégialité, les décisions importantes étant prises à quinze, dix-sept ou dix-neuf.

L'intégration dans le projet de loi relatif aux droits des malades de ce qu'il est convenu d'appeler la réparation de l'aléa thérapeutique ou des accidents médicaux est un point qui était attendu, sur lequel la Cour de cassation avait longuement hésité. Comme l'ont montré les travaux préparatoires qui ont abouti au projet de loi adopté le 4 octobre par l'Assemblée nationale, la doctrine jurisprudentielle de la Cour de cassation en matière de responsabilité médicale est restée fidèle, dans son principe, depuis l'arrêt Mercier de 1936, fondateur en la matière, au fait que le médecin est tenu d'une obligation de moyen. Selon la formule retenue à l'époque et consacrée dans le code de déontologie médicale en 1995, le médecin « doit donner des soins en conscience et en science ». La notion de conscience recouvre notamment une obligation d'information et l'obligation de science stipule qu'il doit soigner en fonction des données acquises de la science, obligation qui est essentiellement une obligation de moyen.

On parle beaucoup actuellement d'obligation de résultat. Sur ce terrain, il faut être très clair : la notion d'obligation de résultat dans le contrat médical, apparue suite à un arrêt de 1985, a toujours été très strictement cantonnée. L'obligation de résultat en matière d'actes d'investigation ou de soins donnés par un médecin ou un établissement de santé ne s'applique que dans deux cas uniquement. Elle s'applique, d'une part, lorsque le dommage provient, au sens large du terme, d'un dispositif médical, c'est-à-dire tous les produits, instruments, matériaux quelconques, y compris les logiciels, qui sont utilisés pour les actes d'investigation ou de soins et, d'autre part, si le dommage provient d'un de ces dispositifs médicaux, il y a obligation de sécurité et de résultat. Ce principe est une sorte d'application de la directive européenne de 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, introduite en droit français par la loi de mai 1988, la logique voulant que la personne qui utilise un produit ou instrument doit en répondre au même titre que le fournisseur ou le vendeur. Au demeurant, un arrêt du 10 mai 2001 de la Cour de justice des communautés européennes a été dans le même sens que la Cour de cassation, en retenant que le médecin devait être responsable des dommages causés par les produits qu'il utilise. Il y a donc bien une cohérence d'ensemble dans ce domaine, étant précisé, bien entendu, que, soit le médecin, soit l'établissement de santé, a une action contre le fournisseur ou le fabricant du dispositif médical concerné.

Le deuxième cas d'obligation de sécurité concerne les infections nosocomiales. Par trois arrêts du 29 juin 1999, la Cour de cassation, en utilisant une terminologie juridique propre au droit privé, a décidé d'aller dans le même sens que le Conseil d'Etat, qui l'avait déjà fait par un arrêt Cohen de décembre 1988, c'est-à-dire obligation de sécurité et de résultat pour ce qui est des infections nosocomiales. Ce sont les deux seuls domaines dans lesquels la Cour de cassation a retenu une obligation de résultat. Il en ressort une double exigence de perfection, d'une part perfection des dispositifs médicaux utilisés, d'autre part perfection des dispositifs de prophylaxie et d'asepsie au sens large, tout en étant persuadé que le risque zéro n'existe pas. Quoi qu'il en soit, la notion d'obligation de sécurité et de résultat, qui est apparue au début du XIX e siècle avec la responsabilité des transporteurs, comporte toujours une part pour laquelle le professionnel qui y est tenu n'a aucune possibilité de prévention. Mais cette part est minime. Mon propos sur ce point vise à dire que les affirmations suivant lesquelles il y aurait une obligation de résultat en matière d'examens échographiques relèvent de la plus haute fantaisie.

Le Conseil d'Etat, par son arrêt Bianchi de 1993, avait décidé, sous des conditions rigoureuses, de réparer l'accident médical ou aléa thérapeutique. Précisément, il avait décidé que le dommage, lorsqu'il était d'une exceptionnelle gravité et qu'il était indépendant de l'état du patient, pouvait donner lieu à réparation. Je précise que depuis l'arrêt Bianchi, seule une dizaine de décisions des juridictions administratives qui ont retenu cette obligation de sécurité et de résultat.

Etait-il possible pour la Cour de cassation d'aller dans le même sens ? Par un arrêt du 8 novembre 2000, la Cour de cassation a décidé que le contrat médical ne met pas à la charge du médecin l'obligation de réparer les conséquences de l'aléa thérapeutique. Nous avons estimé que le fait de mettre à la charge des médecins et des établissements de santé la réparation de l'aléa thérapeutique provoquerait une rupture dans l'équilibre conceptuel même du droit de la responsabilité, dans la mesure où la survenance de l'aléa thérapeutique, c'est-à-dire un événement qui est indépendant de toute faute et qui, s'il est connu, est en réalité imprévisible, reviendrait à mettre à la charge du médecin ou de l'établissement de santé l'équivalent de ce qu'on peut appeler la force majeure, qui est en réalité un cas d'exonération. Par ailleurs, au plan économique, la charge serait sans doute excessivement lourde dans la mesure où le droit privé n'a rigoureusement aucune possibilité de déroger au principe suivant lequel tout le préjudice doit être réparé, alors que la plasticité du droit public lui a permis d'imposer comme norme que seuls des préjudices d'une gravité exceptionnelle doivent l'être. Sur ce plan, le rapport annuel de la Cour de cassation portant sur l'année 2000 évoquait l'idée suivant laquelle seul le législateur pouvait résoudre cette difficulté. A titre personnel, je suis tout à fait heureux qu'une dialectique existe entre ce que fait le juge dans l'application de la loi et la perception qu'en a le législateur. Ce dernier a une légitimité entière pour intervenir, modifier des jurisprudences ou combler un vide jurisprudentiel et une distorsion entre le juge administratif et le juge judiciaire à propos de dommages qui sont identiques. Il est difficilement acceptable que la solution soit différente selon que le patient est soigné en hôpital public ou privé. Le projet de loi, dans son principe, me paraît donc bienvenu après une trentaine d'années de discussion et de difficultés.

Il me semble par ailleurs important que l'Assemblée nationale ait clairement décidé de maintenir les acquis jurisprudentiels actuels. Ainsi, dans le projet de texte adopté par l'Assemblée nationale, une disposition tient compte de la jurisprudence sur l'obligation de résultat liée à un produit (« hors le cas où la responsabilité est encourue en raison défaut d'un produit de santé, le professionnel... »). Sont par ailleurs maintenues les situations de responsabilité pour faute du médecin.

Contrairement à ce qui était prévu dans le projet déposé par le Gouvernement, le concept d'accident médical faisant l'objet du mécanisme d'indemnisation prévu par la loi exclut maintenant les infections nosocomiales, alors que le dispositif initial s'étendait aux accidents médicaux, aux infections iatrogènes et aux infections nosocomiales. Les débats font apparaître que les infections nosocomiales ont été supprimées de la réparation au titre de l'accident médical en raison du fait que la jurisprudence actuelle en assurait une réparation plus vaste dans le cadre de l'obligation de résultat, la loi prévoyant des seuils pour la réparation. Cette philosophie ne me choque pas, si ce n'est qu'elle laisse une difficulté non résolue, ce qui risque de poser de sérieux problèmes aux juridictions : alors que le concept d'infection nosocomiale est apparu depuis très longtemps, il n'y en a jamais eu de définition, si ce n'est à travers une circulaire du ministère de la santé de 1988, aujourd'hui abrogée. Ce texte faisait de l'infection nosocomiale une notion très large, précisant « qu'est présumée infection nosocomiale toute infection qui apparaît après 48 heures d'hospitalisation, que l'origine soit endogène ou exogène ». L'inclusion dans le concept d'infection nosocomiale des infections endogènes peut soulever des difficultés ; je crois que l'académie de médecine a étudié la question. Je me demande si cette notion ne devrait pas faire l'objet d'une définition. On peut en tout cas se demander si c'est bien le rôle du juge que de donner une telle définition. Jusqu'ici, nous n'avons pas eu à le faire dans la mesure où dans les arrêts rendus, le fait que l'infection était de nature nosocomiale n'était pas contesté. Toujours est-il que je ne suis pas certain que le juge dispose des bases médicales suffisantes le jour où la question sera posée.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Depuis un certain temps, la responsabilité médicale fait l'objet de craintes importantes. Le corps médical exprime actuellement un besoin de travailler dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Vous estimez les émotions suscitées tout à fait excessives et vos explications vont dans le bon sens. Vous avez déjà largement évoqué ma question relative aux infections nosocomiales en ce qui concerne la responsabilité professionnelle des établissements de santé.

La justice tient-elle compte de la part aléatoire que comporte l'exercice de la médecine ? Quelles réflexions vous inspire l'obligation d'assurance pour les professionnels et établissements de santé instituée par le projet de loi ? Voilà les deux questions sur lesquelles j'aimerais que vous vous exprimiez.

M. Pierre SARGOS - Plusieurs arrêts de la Cour de cassation font état du fait qu'il y a une part d'aléa inhérent à l'acte médical. L'acte médical le mieux conduit peut blesser ou tuer. Je crois que, par l'arrêt du 8 novembre 2000, la Cour de cassation en a tenu compte. Sa formule est en effet la suivante : « la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient ». Cet arrêt définit l'aléa comme étant la réalisation, en dehors de toute faute du praticien, d'un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé. Cette définition manifeste le souci de la Cour de cassation de prendre en compte cette donnée et de réserver, pratiquement toujours, le droit des obligations des médecins au titre de l'obligation de moyen, c'est-à-dire impliquant une faute démontrée, sous les réserves que j'évoquais des deux secteurs relatifs aux dommages résultant d'un dispositif médical et aux dommages résultant d'une infection nosocomiale. C'est vrai qu'il existe une part d'aléa s'agissant des infections nosocomiales ; le choix a été fait de mettre cette part d'aléa à la charge du professionnel de la santé qui intervient, ce qui est le propre de toutes les obligations de résultat. Ce choix juridique tient compte de la théorie du risque. A l'origine, l'idée de classer les infections nosocomiales dans la réparation de l'aléa n'était pas tout à fait déraisonnable, encore qu'elle aurait pu, dans un certain nombre de cas, se traduire par une diminution de la garantie des victimes : je pense en particulier à certaines situations, notamment d'infections nosocomiales au niveau des articulations, qui ont souvent des conséquences dramatiques, moins en termes d'IPP qu'en termes de durée de l'infection et de multiplicité des interventions chirurgicales. J'ai le souvenir d'un adolescent, victime d'une infection nosocomiale au niveau d'une hanche, ayant vécu un « enfer nosocomial » d'une durée de neuf ans, après avoir dû subir sept ou huit interventions chirurgicales. Enfermer la réparation d'un tel préjudice dans un chiffrage d'IPP n'a guère de sens. Fort heureusement, l'Assemblée nationale a introduit un garde-fou pour les cas particuliers.

Concernant l'assurance en responsabilité médicale, c'est une anomalie qu'actuellement, dans la longue liste des assurances obligatoires qui s'imposent aux professionnels, les médecins ne soient pas tenus à une obligation d'assurance. Dans la pratique, l'immense majorité d'entre eux est assurée. Je crois que l'obligation d'assurance est une nécessité qui s'impose à l'évidence et qui pourrait avoir l'avantage de permettre une meilleure péréquation des primes. En matière d'assurance des médecins, certaines compagnies sont spécialisées dans le risque médical. Or nous constatons que les assureurs généralistes déclinent leurs garanties pour tout ce qu'ils considèrent comme des médecins à risque et ne conservent en réalité que les médecins qu'ils estiment ne pas être générateur de grands risques. On aboutit ainsi à des situations aberrantes d'un point de vue de la mutualisation du risque, dans lesquelles des taux de cotisations d'assurance professionnelle peuvent aller de 1 000 francs par an pour un médecin considéré comme n'ayant pas d'activité à risque jusqu'à des sommes atteignant 70 ou 80 000 francs. Je suis pour ma part favorable à une obligation d'assurance qui devrait peut-être s'accompagner d'un droit pour l'autorité réglementaire d'imposer des tarifs minimum ; ce serait, je crois, un moyen d'assurer une mutualisation et d'éviter des distorsions beaucoup trop importantes entre des taux d'assurance très élevés et des taux dérisoires, qui ne sont proposés par un certain nombre d'assureurs que pour capter d'autres types d'assurance (assurance vie...) des intéressés. En outre, qui dit obligation d'assurance dit institution d'un mécanisme obligatoire qui, en cas de refus d'assurance, confierait le soin à un organisme d'imposer la nature de la garantie et le montant de la prime d'assurance, ce qui permettrait d'éviter certains effets dissuasifs de primes réclamées.

M. LE PRESIDENT - Peut-être Jean-Louis Lorrain pourrait-il aborder les trois questions qui suivent. Je proposerai ensuite à M. Fauchon, rapporteur de la commission des lois, de compléter les débats, puisque je sais qu'il est très sensible à ce type de questions.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Le projet prévoit l'instauration de commissions régionales de conciliation et d'indemnisation, chargées de déterminer si l'acte médical est fautif ou non. Une telle procédure est-elle de nature à limiter le volume des contentieux juridictionnels ? Ces structures nous paraissent quelque peu en dehors du système juridique classique, ce qui n'est peut-être pas sans inconvénient. Nous aimerions connaître votre réflexion quant à la composition de ces commissions. N'y a-t-il pas un paradoxe à ce que les dommages de faible ampleur soient renvoyés à la justice et que les dommages importants soient traités par des commissions ad hoc ?

M. Pierre FAUCHON, rapporteur pour avis de la commission des Lois - Monsieur le président, je vous remercie de bien vouloir me donner l'occasion de m'exprimer ici. Je remercie également monsieur le président Sargos de nous avoir établi une note qui, en elle-même, permet d'avoir une vue d'ensemble du sujet.

Ma question ne portera que sur l'opportunité de cette nouvelle forme de procédure ou de juridiction. Il s'agit pour elle de trancher des questions extrêmement délicates. Vous avez d'ailleurs souligné l'aspect délicat des questions relatives aux infections nosocomiales. Le projet de loi retient une solution complexe, appuyée sur un système para-judiciaire qui ne comporte pas les garanties classiques, ni dans le recrutement des juges, ni dans les voies de recours...

Face à des sujets aussi délicats, et dès lors que les commissions de conciliation n'interviendront qu'à partir du moment où les choses sont les plus graves, peut-on espérer que le système sera plus fiable et plus efficace ? Peut-on croire qu'il sera plus rapide, ce qui a été l'argument de M. Kouchner. Manifestement, M. Kouchner ignore l'existence des procédures de référés et des référés provisions ; ce sont des procédures extrêmement rapides, qui aboutissent à des décisions qui ont une très grande autorité et qui ont plus de chances d'être respectées par les malades ou les assureurs que les décisions des commissions en question, et pour lesquelles le problème des frais de financement des expertises peut être résolu. Dans ces conditions, peut-on espérer une amélioration quant à la rapidité ? La commission des Lois reste perplexe à ce sujet.

M. Pierre SARGOS - Il est vrai que le mécanisme mis en place par le texte adopté par l'Assemblée nationale peut sembler aller très loin, dans la mesure où il rend nécessaire de porter une appréciation sur le concept de faute. Ceci dit, il ne me choque pas fondamentalement et il me semble répondre à un souci qui a été manifesté depuis une trentaine d'années, à travers toute une série d'études, de commissions, de rapports, qui était de mettre en place un système de conciliation permettant d'éviter le recours systématique aux juridictions juridictionnelles.

A mon sens, le problème du recours aux juridictions ou mécanismes préalables de conciliation ne se pose pas en termes de volume. Quantitativement, le contentieux médical n'est pas si important, et la première chambre civile, sur les 2.000 arrêts qu'elle rend chaque année, n'en rend que soixante à soixante-dix concernant des affaires de responsabilité médicale. Les statistiques dans les juridictions du fond établissent que le contentieux médical n'est pas lourd ; par contre, il pèse lourd qualitativement. Ce que l'on constate, c'est que les procédures de référé expertise, pour rapides qu'elles soient, induisent un processus qui est assez long, puisqu'il implique la saisine de la juridiction au fond, avec tous les débats afférents sur l'appréciation des responsabilités.

L'idée d'un mécanisme de conciliation préalable ne me paraît pas devoir être rejeté a priori , étant précisé que je ne pense pas que cette commission a la charge de déterminer si l'acte médical est fautif ou non. Les termes employés stipulent qu'elles ont à émettre un avis. Si on institue un tel mécanisme, qui sera un filtre à la saisine de l'établissement public appelé à assurer la réparation des accidents médicaux, il est nécessaire que l'instance de conciliation émette un avis sur le caractère fautif ou non de l'acte médical incriminé. En effet, seule l'absence de faute permet de réunir les conditions pour qu'il y ait réparation par le système de réparation des accidents médicaux. Je ne pense pas qu'il faille faire un procès sur le fait que l'instance de conciliation émette un avis ; ce n'est qu'un avis, qui ne lie absolument pas les juridictions, pas plus que l'établissement public chargé d'assurer l'indemnisation.

Il est également important de souligner que le processus n'est pas obligatoire, les victimes n'étant pas tenues d'avoir recours au système qui serait prévu par la loi. Elles pourront parfaitement aller directement devant le juge judiciaire si elles le souhaitent. Une disposition du texte prévoit d'ailleurs une garantie importante, c'est-à-dire que, lorsque les magistrats auront été saisis, soit sur le terrain, d'une faute, soit sur le terrain, d'un manquement à une obligation de résultat, la juridiction devra appeler en la cause l'office pour qu'il assure la réparation si elle estime qu'il s'agit d'un accident médical. Cet article 1142-21 permet donc à la garantie judiciaire d'exister, à laquelle il faut ajouter des voies de recours. Il me semble donc qu'un équilibre est assuré et qu'il existe une passerelle entre le processus de conciliation et le processus juridictionnel, les victimes ayant une liberté entière de ne pas avoir recours à l'un et d'avoir recours à l'autre.

Pour ma part, je ne suis pas persuadé qu'il n'y ait pas un paradoxe à prévoir que seuls les dommages de faible ampleur seraient renvoyés à la justice et les dommages importants seraient traités par des commissions ad hoc . Le problème humain le plus grave trouve son origine dans les préjudices les plus importants, ceux qui altèrent gravement les fonctions vitales ou qui laissent les ayants droit des défunts dans une situation de précarité à long terme. Mettre en place un tel mécanisme, fût-ce à travers des commissions de conciliation, ne me paraît pas une solution déraisonnable. Outre les garanties et les recours ouverts, le processus me paraît pouvoir être plus rapide que le recours direct au juge judiciaire. L'expertise serait également améliorée, des délais sont imposés. Enfin, je trouve ingénieux le mécanisme consistant à inviter l'assureur du responsable à faire une offre d'indemnisation. Inspiré du mécanisme de la loi Badinter en matière d'accidents de la circulation, il offre une plus grande souplesse et moins de rigidités.

Certes, à première vue, le texte peut sembler complexe et donner des prérogatives importantes à des commissions. Mais je crois que l'encadrement par un système de garanties et par un mécanisme de recours au juridictionnel en fait un texte relativement équilibré. C'est dans une logique similaire que la loi Spinetta, en matière de dommages de construction, a mis en place un système d'assurance dommage, qui repose au départ sur un système de quasi-conciliation, avec un mécanisme d'expertise, qui permet aux victimes de malfaçons d'avoir la somme nécessaire à la réparation avant d'engager le processus de responsabilité. Dans le cas présent, on pourrait aboutir à un système permettant une réparation plus rapide et de limiter l'intervention du juge à un rôle de contrôle.

Au-delà de son apparence de complexité, ce mécanisme me semble donc ingénieux. Il constitue peut-être la moins mauvaise solution dans une situation qui n'est pas facile à gérer. Nous avons en effet encore connaissance de dommages de nature médicale dont la réparation n'est pas assurée dix à quinze ans après.

M. LE PRESIDENT - Monsieur le président, vous n'avez pas répondu sur la composition de la commission.

M. Pierre SARGOS - La présidence de la commission serait assurée par un magistrat de l'ordre judiciaire ou administratif, soit en activité, soit honoraire. En feraient partie, dans des conditions qui devraient faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat, des représentants des malades, des médecins, des assureurs. Il s'agit d'une composition pluridisciplinaire qui est de nature à apporter des garanties suffisantes, d'autant que la commission est chargée d'émettre des avis et d'avoir un rôle de conciliation. Elle est nécessairement soumise à une possibilité de recours de la part des victimes, qui peuvent décider d'aller au juridictionnel si elles estiment que le processus de conciliation ne leur donne pas satisfaction.

Monsieur Fauchon, je comprends que, dans votre esprit, les commissions de conciliation ne seraient pas nécessaires ; il y aurait plutôt une expertise ordonnée par le juge des référés, au vu de laquelle l'office se prononcerait.

M. Pierre FAUCHON, rapporteur pour avis de la commission des Lois - Le système que j'imagine reposerait sur le mécanisme des référés provisions. A Paris comme en province, il faut compter au moins quinze jours pour obtenir une expertise avec une procédure de référé -il faut d'ailleurs souligner l'apport essentiel du texte, qui est l'amélioration de l'expertise. Vient ensuite l'expertise en tant que telle, dont la durée, dans les deux cas, reste aléatoire. Cela étant fait, le référé provision a tranché un mois après le rapport d'expertise. Il n'y a rien de plus rapide. En outre, la décision du référé provision présente l'avantage d'être porteuse d'une autorité plus grande, vis-à-vis des assurances comme vis-à-vis des victimes. Dans ces conditions, et sachant que la procédure de référé provision vient d'être rendue plus facile en juridiction administrative, je ne vois pas trop l'intérêt du système prévu. J'ajoute que si les commissions ne font que donner un avis, celui-ci détermine qui devra payer, entre l'assureur du praticien et l'office national.

M. Pierre SARGOS - Il ne peut y avoir octroi d'une provision pour référé que si l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable. Or un nombre non négligeable d'expertises ne permet pas au juge des référés de dégager une responsabilité évidente.

M. Pierre FAUCHON, rapporteur pour avis de la commission des Lois - Le problème sera le même s'agissant de la commission. Elle se sentira encore moins habilitée à trancher si l'expertise n'est pas concluante. Dans tous les cas, l'une des deux parties ira saisir la juridiction ordinaire, puisque par définition, les sommes en question seront importantes.

M. Pierre SARGOS - On peut penser que la tendance sera d'aller vers une reconnaissance de l'accident médical.

M. Pierre FAUCHON, rapporteur pour avis de la commission des Lois - Je crains beaucoup que les cas difficiles ne reviennent vers la juridiction après un délai de plusieurs mois. Je ne comprends pas. Je pense qu'il s'agit avant tout d'améliorer la justice à laquelle on croit.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Les demandes d'amélioration et de clarification de la procédure de l'expertise médicale étaient fortes. Considérez-vous que le texte apporte les garanties nécessaires et une meilleure indépendance en matière d'expertise ?

M. Pierre SARGOS - Il y a effectivement eu des controverses sur la question de l'indépendance des experts, notamment au niveau local. J'ai tout de même le sentiment, pour avoir examiné des centaines d'affaires de responsabilité médicale, que ce grief date un peu. Je crois que la qualité moyenne des expertises s'améliore considérablement. En revanche, ce qui fait problème, c'est l'absence de dispositif d'évaluation de leurs compétences et de leurs connaissances au moment de leur désignation. A cet égard, le ministère de la justice a une réflexion sur la refonte des textes législatifs en matière de sélection des experts judiciaires. L'intérêt du texte voté par l'Assemblée nationale réside dans le fait qu'il met à la charge de la commission un contrôle et une formation des experts médicaux ; ne pourront être inscrits que les experts pouvant justifier d'une qualification dont les modalités, comportant notamment une évaluation des connaissances et des pratiques professionnelles, sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est peut-être dommage que ce mécanisme, si tant est que la loi voit le jour, soit réservé aux seuls experts amenés à intervenir dans le cadre du processus de conciliation et de réparation des accidents médicaux. En réalité, il faudrait que le processus d'évaluation puisse exister en matière de sélection des experts judiciaires. S'il en était ainsi, on pourrait imaginer que la catégorie des experts dans le processus de conciliation et de réparation des accidents médicaux ne soit au fond qu'une rubrique particulière des listes des Cours d'appels ou de la liste nationale de la Cour de cassation. A priori , le mécanisme de choix des experts relève d'un processus raisonnable. Je crois d'ailleurs que l'Ordre des médecins est très attentif à l'importance de l'évaluation de la qualité des experts. Là, le décret en Conseil d'Etat qui est prévu sera très important pour déterminer les modalités pratiques.

C'est en fait par son rôle par rapport à l'expertise que la commission de conciliation prendrait une grande importance et serait en quelque sorte le tuteur des experts. La réussite du système, s'il est voté, dépendra d'ailleurs de la qualité de ces experts et de la clarté des rapports qu'ils vont déposer.

M. Jean CHERIOUX - Si j'ai bien compris, cette législation vise la réparation qui n'est pas liée à la notion de faute. Or les actes médicaux importants, bien souvent, sont réalisés dans le milieu hospitalier public. Dans ce cas, qui est responsable ? Est-ce l'établissement hospitalier ou est-ce le médecin qui a pratiqué l'acte médical ? Dans le premier cas, le dossier relève d'une juridiction administrative : n'y aurait-il pas, alors, une grande différence d'appréciation et de résultat dans l'indemnisation entre tout un secteur d'actes médicaux pratiqués dans le secteur public et ceux qui sont pratiqués sur le plan libéral ?

M. Pierre SARGOS - Vous avez raison, le contentieux des dommages de nature médicale, qu'ils aient pour origine une faute ou un accident, est commandé par la séparation des pouvoirs. Dès lors que le dommage s'est produit dans un hôpital public, la responsabilité est appréciée par le juge administratif ; c'est alors la responsabilité de l'établissement hospitalier qui est engagée, à l'exception du cas dans lequel le médecin a commis une faute personnelle détachable du service. Quoi qu'il en soit, le projet de loi ne porte pas atteinte à la répartition des compétences dans ce domaine. Aussi, s'il s'agit d'un dommage médical relevant du secteur public, les recours juridictionnels seront portés devant le juge administratif ; s'il s'agit d'un dommage médical relevant du secteur privé, le juge judiciaire sera alors compétent. Le projet de loi statue, me semble-t-il, à droit constant pour ce qui est de la répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et administratives. La question de savoir s'il est normal qu'il y ait cette distorsion de compétences, selon que l'on est soigné à l'hôpital Cochin ou à l'hôpital Américain de Paris, existe au-delà de ce projet de loi. Je précise que les deux ordres de juridiction tiennent compte des positions de l'autre ordre de juridiction ; il y a un souci commun pour essayer d'éviter des distorsions d'appréciation en matière de responsabilité. C'est d'ailleurs avec regret que la Cour de cassation a estimé qu'elle ne pouvait reprendre à son compte la jurisprudence Bianchi. Dans d'autres domaines, la Cour de cassation a rejoint la jurisprudence administrative en matière d'infections nosocomiales ; de même, le Conseil d'Etat a rejoint la Cour de cassation sur les questions d'information médicale et des conséquences découlant du préjudice né du défaut d'information.

S'agissant de la dernière question, je note que le choix d'inverser la charge de la preuve dans le cas des contaminations par le virus de l'hépatite C est l'exemple le plus récent de la convergence des deux ordres de juridiction. Par un arrêt Chames rendu le 15 janvier 2000, le Conseil d'Etat avait eu une appréciation plus souple de la charge de la preuve en matière de contamination par le virus de l'hépatite C découlant d'une transfusion dans un établissement public. La Cour de cassation, par un arrêt du 9 mai 2001, a pris la même position, signifiant qu'il appartenait au centre de transfusion sanguine de prouver que le produit sanguin qu'il avait fourni était exempt de tout vice dès lors que la personne pouvait démontrer d'une part que la contamination virale dont elle était atteinte était survenue à la suite de transfusion sanguine, d'autre part qu'elle ne présente aucun mode de contamination qui lui soit propre. La loi sur la charge de la preuve confirme ces deux jurisprudences, qui me paraissent relever du bon sens et de l'équité. L'équilibre trouvé par le Conseil d'Etat et la Cour de cassation me paraît raisonnable ; il serait bon que le législateur le confirme.

M. Jean CHERIOUX - Il apparaît donc que, si la couverture est identique dans les deux cas pour le patient, la mise en oeuvre n'est pas la même, avec un fonds d'assurance dans un cas. Qu'en sera-t-il dans l'autre cas ? En principe, l'établissement public ne s'assure pas. Comment seront réparés les dommages causés dans le cadre d'un établissement hospitalier public ?

M. Pierre SARGOS - Les hôpitaux ne sont pas mis en faillite et l'Etat apporte alors une garantie. J'ajoute qu'un grand nombre d'hôpitaux publics sont aujourd'hui assurés, la grande exception étant l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris.

M. LE PRESIDENT - Monsieur le président, je vous remercie, au nom de tous mes collègues, pour cette audition très précise que vous nous avez accordée.

F. AUDITION DE M. ETIENNE CANIARD, SECRÉTAIRE DU COMITÉ NATIONAL D'ORIENTATION DES ETATS GÉNÉRAUX DE LA SANTÉ

M. Nicolas ABOUT, président - Je suis heureux d'accueillir à présent M. Etienne Caniard, secrétaire du Comité national d'orientation des états généraux de la santé. Il est tout à fait naturel que notre commission vous entende puisque vous êtes en partie à l'origine de ce projet de loi. Je rappelle en effet que vous avez présidé un groupe de travail sur la place des usagers dans le système de santé, constitué à l'issue des états généraux de la santé qui se sont déroulés de l'automne 1998 à juin 1999. Le rapport de ce groupe de travail, rendu en mars 2000, insistait sur le besoin de donner une place aux usagers, aux niveaux national et régional, dans les établissements de santé, de leur permettre d'être partie prenante dans les orientations de la politique de santé, et de favoriser le débat public et l'information des citoyens.

J'aimerais donc que vous nous fassiez part des réflexions que vous inspire ce projet de loi et que vous nous indiquiez dans quelle mesure vous retrouvez dans ce texte les préoccupations exprimées par votre groupe de travail.

M. Etienne CANIARD - Merci monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de cette invitation à m'exprimer devant vous à l'occasion de l'examen par votre Assemblée du projet de loi « Droits des malades et qualité du système de santé ».

J'interviens davantage aujourd'hui pour le rôle que j'ai joué dans l'animation des états généraux et pour le rapport que j'en ai rendu que pour les autres mandats que je peux exercer dans le monde de la santé, notamment au sein de la Mutualité française.

L'intérêt premier que je vois dans ce projet de loi tient à son titre et à son articulation. Certains ont pu y voir un projet de loi trop ambitieux et nous avions eu un débat, dès les états généraux, pour savoir s'il fallait une loi portant droit des malades, ou s'il fallait y intégrer cette démarche dans un processus général d'amélioration du système de santé. C'est cette seconde voie qui a été choisie ; l'articulation entre les trois titres le montre bien, puisqu'il est question du droit des malades, individuel ou collectif, mais aussi de nombreux autres domaines. On peut se demander si les modifications sur l'organisation du système de soins sont à la hauteur des ambitions exprimées dans le titre I ? La question de l'indemnisation de l'aléa thérapeutique est aussi un signal fort en direction des usagers, potentiellement victimes, mais aussi des professionnels de santé, puisque cela concourt à une certaine clarification sur l'origine des accidents médicaux et permet de sortir de la seule recherche de responsabilité. A mes yeux, ce point essentiel mérite d'être souligné.

Si l'on s'intéresse à la première partie du projet, qui traite de la démocratie sanitaire, tient-elle compte du rapport que j'ai remis à Mme Gillot début 2000 ? La réponse est positive, même si j'y ajouterais un certain nombre de craintes qui ne sont pas liées à la rédaction du projet de loi, mais aux conditions de sa mise en oeuvre, et qui dépendront des intentions qui seront exprimées par le législateur au cours des débats, mais aussi des décrets qui suivront. Il est très important de comprendre que la réussite des ambitions contenues dans ce projet de loi dépendra de la bonne articulation entre droit individuel et droit collectif. Il a été très difficile de trouver un équilibre entre droits et devoirs, notamment s'agissant des droits individuels, dont on peut néanmoins dire qu'ils étaient en déséquilibre au détriment des malades. Disant cela, ce n'est pas une accusation portée au corps médical, mais le constat que pendant très longtemps, le médecin, à juste titre dépositaire de la santé de son malade, et qui mettait tout en oeuvre pour essayer de lui venir en aide, s'est assez peu interrogé sur le ressenti du malade, ou en tout cas s'est peu soucié d'associer le malade aux choix thérapeutiques mis en oeuvre. Cela tient peut-être au fait que la palette des possibilités thérapeutiques n'était pas aussi large que ce qu'elle est aujourd'hui, et, peut-être aussi, au fait que l'on est passé d'épisodes souvent aigus et de nature infectieuse à des pathologies chroniques, dans lesquelles le rôle du malade n'est évidemment pas le même.

Le texte proposé est davantage une réunion d'éléments qui existaient de façon éparse dans différents domaines. Ainsi, le fait que de nombreuses phrases figurant dans ce projet de loi sont tirées et transposées du code de déontologie. Ce passage est une appropriation par les malades de ce qui était une obligation pour les médecins, mais que les malades ne connaissaient pas forcément ; c'est une des façons de passer d'une position qui pouvait être vécue comme passive par les malades à une position d'acteur et de sujet de sa maladie. Même si l'on est là dans le domaine du symbole, le progrès est important.

Pour ce qui concerne les droits collectifs, j'ai toujours l'appréhension que l'affirmation des droits individuels se transforme peu à peu en l'affirmation d'une sorte de « consumérisme médical », qui ait pour conséquence une certaine déresponsabilisation, une exigence toujours plus forte, sans que l'on s'aperçoive qu'il y a des choix collectifs qu'il convient de prendre en compte. Il est important de reconnaître le rôle des associations dans ce domaine. Je m'interroge d'ailleurs sur le terme « représentant les usagers » qui est attaché à ces associations ; on y a souvent vu une représentation au même titre que celle des élus, c'est-à-dire une légitimité pour parler « au nom de », ce qui n'est pas le cas. Ces entités sont plutôt une forme d'organisation, de corps social intermédiaire, qui a un regard différent et qui permet de jeter sur le système un oeil qui n'est pas forcément celui du professionnel ou de l'institution, et qui permet de faire émerger un certain nombre de questions. Le fait de confier aux associations à la fois un rôle individuel dans les établissements de santé, mais aussi un rôle dans le débat public, est un bon moyen, au moins en théorie, pour équilibrer les deux soucis d'approche individuelle et d'approche collective, et pour éviter de sombrer dans un consumérisme médical excessif, qui privilégierait l'aspect individuel, ou au contraire de rester dans un débat public éthéré, coupé de la réalité, sur lequel un consensus se dégagerait facilement, mais qui serait aussitôt nié par les comportements individuels que nous pouvons avoir les uns et les autres.

Cette dimension, qui est fondamentale, nécessite aussi que l'on puisse structurer le mouvement associatif. De ce point de vue, le projet de loi apporte des éléments importants : une reconnaissance du rôle social, des possibilités de formation... Je crois qu'il faudra aussi veiller à donner au groupement associatif les moyens de se structurer, ce qui ne signifie pas nécessairement des financements individuels pour chaque association, mais peut-être en leur donnant les moyens de se structurer à un niveau supérieur, comme cela existe dans le monde de la consommation, avec le Conseil national de la consommation, qui permet effectivement aux associations bénéficiant d'un agrément de trouver recours auprès d'une structure nationale. Ce point est pour moi aussi important que la question de l'indépendance des associations ; il est clair que, s'agissant d'un mouvement naissant, en cours de structuration, il existe un risque d'instrumentalisation. Dans ce cadre, il est essentiel que les pouvoirs publics assument leur rôle.

Se pose ensuite la question de l'articulation des structures qui peuvent contribuer au débat public. S'il y a une relative unanimité pour réclamer davantage de partage dans les choix de santé, notamment pour les rendre plus acceptables une fois qu'ils sont déclinés sur le terrain, et même si nous disposons maintenant de l'expérience de quelques années de fonctionnement d'outils du type des conférences régionales de santé, nous ne sommes pas face à une construction stabilisée. On y introduit, soit des organismes nouveaux, comme le Haut Conseil de la Santé, soit des missions nouvelles, ce qui est le cas de la Conférence nationale de santé. Il est très important de veiller à l'articulation non seulement des missions de ces organismes, mais aussi des calendriers selon lesquels elles s'expriment. Une des critiques majeures que l'on peut aujourd'hui faire à ces organismes est d'être en grande coupure avec les débats parlementaires et de n'avoir pas permis de nourrir ces débats, notamment autour du projet de financement de la sécurité sociale, d'un contenu de santé publique, ce qui était pourtant l'intention des ordonnances de 1996.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Monsieur le président, monsieur Caniard, vous nous avez présenté votre contribution à ce projet de loi. Le ministre, dans sa présentation, a insisté sur plusieurs points, en dehors de cette novation de droit reconnu aux malades et du rôle joué par les usagers dans le système de santé. Il a en particulier évoqué l'équilibre de la relation de confiance entre un citoyen, malade ou non, et un professionnel de la santé. Si le discours que vous tenez sur la reconnaissance du droit des malades, dont vous dites très bien qu'il existait, mais qu'il est important qu'il soit formalisé, si vous insistez également, et vous avez raison, sur le fait que l'on a revisité le code de déontologie en mettant bien en exergue les obligations et les devoirs des professionnels de santé, ma question sera une question de fond, voire une question de philosophie. Dans le cadre de l'équilibre de la relation, pourquoi n'est-il jamais fait mention de la responsabilité du citoyen à côté de ses droits ? Cela tient-il à un oubli de la part du législateur ou bien votre groupe de travail n'a-t-il pas jugé utile de signaler aux pouvoirs publics l'importance de parler de la responsabilisation d'un citoyen dans un système collectif de santé ?

Je souhaite également vous soumettre deux questions techniques. Le projet de loi prévoit, dans son article 24, que la Conférence nationale de santé sera l'instance destinée aux débats publics permettant l'expression des citoyens sur des questions de santé ou d'éthique médicale. Est-ce la meilleure solution ? S'agissant de l'article 25, qui fait obligation aux conseils régionaux de santé d'organiser des débats publics sur les mêmes questions, ne risque-t-on pas d'aboutir à une parcellisation d'un débat national en 22 débats régionaux ? Comment contrôler le respect de cette obligation ?

M. Etienne CANIARD - Je crois que personne n'a oublié les devoirs des patients. Simplement, l'énorme difficulté est d'exprimer des devoirs individuels de la même façon que l'on peut exprimer des droits individuels. En matière individuelle, les devoirs sont ceux de tout citoyen, ils existent dès lors que l'on fréquente une structure collective. C'est par exemple la nécessité de suivre la réglementation de l'établissement hospitalier dans lequel on est hébergé. Peut-être aurait-il fallu l'écrire, mais cela me paraît tellement évident.

Lorsque le groupe de travail que j'ai animé a commencé ses réflexions, j'avais prévu de rencontrer de nombreuses associations de patients, parce que je pressentais des difficultés pour trouver un terrain d'entente sur la représentativité, sur leur rôle... Mais j'ai été très surpris à la fois par la maturité de leur réflexion ainsi que par la grande inquiétude des professionnels. La principale difficulté qu'il a fallu surmonter a été de convaincre que l'affirmation des droits des malades n'était pas une machine de guerre contre les médecins, mais au contraire un moyen pour eux de mieux exercer leur métier. J'ai la conviction qu'ils ne peuvent pas se plaindre de patients qui n'ont pas assez de devoirs, et en même temps ne pas avoir de patients responsables, informés, majeurs et qui aient les moyens de s'exprimer. Je crois qu'il faut prendre les choses dans l'ordre et que la première étape est bien celle d'une accession à la citoyenneté pour le malade. Dans un second temps, cette accession à la citoyenneté entraîne tous les devoirs qui y sont attachés, et en particulier le devoir de respecter un certain nombre d'engagements, qui sont non seulement les engagements de toute vie en société, mais qui vont aussi bien au-delà. Elle participe à la réalisation des droits collectifs, par le biais du mouvement autour des associations de santé et de malades, pour leur permettre de prendre leurs responsabilités dans le débat sur les choix de société qui s'imposent.

Lorsque l'on parle de débat public, on pourrait craindre une multiplication des lieux de débat si l'on dupliquait des débats nationaux à l'infini, sans savoir qui est responsable. Cela reviendrait effectivement à ajouter de la confusion à un système qui souffre déjà d'un manque de clarté, notamment dans le partage des responsabilités. Si l'on considère, en revanche, que ces débats doivent être l'occasion d'un engagement de tous les acteurs, y compris des usagers et de leurs associations, on se trouve alors en présence d'un outil local qui se décline différemment des débats nationaux. J'ai présidé pendant trois ans la conférence régionale de santé d'Ile-de-France : comme dans toutes les régions, nous avons mis l'accent sur les problèmes d'abus d'alcool chez les jeunes et sur les conséquences qui pouvaient en découler. Si les conclusions ont été très proches dans la plupart des cas, on voit bien qu'il est important de mettre en oeuvre des moyens de réponse adaptés à l'échelon local. Ces moyens sont connus ; ce que l'on ne connaît pas, c'est la manière de faire accepter ces moyens par les jeunes. Quel meilleur moyen pour y parvenir et pour instituer un débat responsabilisant que de pratiquer un débat au plus proche du terrain, avec les personnes concernées ? Ce passage d'une situation de relative passivité à une situation d'acteur, qui nécessite automatiquement une prise de responsabilité et donc des devoirs, me semble fondamental. En ce sens, il est nécessaire de multiplier les débats locaux.

Sur la Conférence nationale de santé (CNS), le groupe de travail a relevé certaines critiques quant à son fonctionnement au bout de quatre années. Nous avons d'abord estimé que le lien avec la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale était pour le moins ténu et assez indistinct. Nous avons également déploré le manque d'articulation avec les conférences régionales de santé, le fait que 22 représentants issus des conférences régionales de santé y siègent n'y suffit pas. Enfin, la composition de la Conférence nationale de santé, à l'exception de ces 22 représentants, reflète l'histoire de cette institution, c'est-à-dire une conférence très professionnelle qui avait pour but de débattre de la faisabilité d'une politique de santé du point de vue des professionnels. Si cette étape est probablement indispensable, en tant qu'étape de validation, les missions assignées à la Conférence sont en fait plus ambitieuses. Elles le sont plus encore maintenant, puisque l'on y ajoute notamment l'organisation de débats publics. Je crois, pour ma part, que tous les acteurs doivent être présents dès l'instant qu'il y a débat public : les élus, les usagers, les professionnels de santé, les institutions. Si tel est le cas, ce lieu peut s'avérer très utile sur un certain nombre de questions dont les réponses de confrontation ne sont pas évidentes, par exemple le degré de transparence sur la communication de l'information autour des infections nosocomiales. Dans l'absolu, il est facile de dire que la transparence doit être totale ; on voit bien en même temps qu'une information non organisée ou non maîtrisée peut être contre-productive. Si une décision de diffusion de l'information est prise de manière quelque peu autoritaire, ou du moins cachée, y compris dans l'intérêt des citoyens, elle ne sera jamais acceptée, parce que l'on aura inévitablement un sentiment de suspicion. S'il y a, en revanche, un débat préalable, dans un lieu approprié et le plus ouvert possible, y compris en abordant les difficultés qu'il peut y avoir à aller trop loin dans la transparence, les associations et la population accepteront tout à fait qu'une information soit organisée. Nous savons bien que l'accès à l'information peut se faire à différents niveaux et être organisé de façon à concourir à une information utile pour la fréquentation des établissements de santé sans engendrer une inquiétude généralisée parce que l'on aura été trop loin.

Nous avons eu ce débat au sein de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, au moment de la diffusion des résultats de l'accréditation. Quel degré de transparence fallait-il donner, et à quel moment fallait-il diffuser l'information, notamment sur la procédure d'auto-évaluation ? Si l'on suit la jurisprudence de la CADA (Commission d'accès aux documents administratifs), cet acte est publiable et accessible. Il est néanmoins évident que l'accès à cette procédure d'auto-évaluation avant la fin de la procédure d'accréditation lui fait perdre une grande partie de son intérêt et risque de biaiser les résultats d'auto-évaluation. Suite à un débat au sein de l'ANAES avec les associations d'usagers, tout le monde est tombé d'accord pour dire qu'il n'était pas souhaitable de publier les résultats de l'auto-évaluation avant la fin de la procédure. Si cette décision avait été prise sans examen préalable avec les associations d'usagers, sans leur expliquer les raisons et les inconvénients de cette publication préalable, les usagers auraient légitimement pu estimer qu'on leur cachait quelque chose. Il y aurait sans doute eu une levée de bouclier devant une mesure pourtant prise dans un consensus complet et qui est de nature à améliorer le système.

M. LE PRESIDENT - La parole est à notre deuxième rapporteur, M. Gérard Dériot.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Les états généraux de la santé ont souligné les attentes de nos concitoyens en matière d'amélioration de la qualité du système de santé, qui constitue l'objet du titre II du présent projet de loi. Ces attentes concernent notamment l'information et la transparence du système de santé. Estimez-vous que les dispositions relatives aux professions de santé sont de nature à répondre à ces attentes ?

Je vous demanderai ensuite quels sont les sentiments que vous inspire le volet « prévention » de ce projet de loi.

M. Etienne CANIARD - Cette loi, limitée à l'affirmation des droits des usagers, aurait été incomplète. L'affirmation de ces droits, même si elle n'a pas forcément son pendant dans des devoirs, doit trouver en tout cas un écho dans une adaptation et dans des moyens donnés aux professionnels de santé dans l'organisation du système pour répondre à cette ambition. Est-on allé assez loin ? La réponse est effectivement négative dans l'absolu. Mais incontestablement, il existe des outils qui accompagnent cette volonté. Avec ce projet de loi, les compétences de l'ANAES sont largement étendues, dans un sens qui n'est contesté par personne dans l'absolu, mais qui suscite une inquiétude généralisée quant aux moyens de l'ANAES pour répondre à ses missions. Comment l'ANAES pourra-t-elle évaluer les pratiques professionnelles et l'efficacité des actions de prévention au vu des difficultés qu'elle rencontre à mettre en place l'accréditation conformément au calendrier qui avait été prévu ? Le simple fait de rattraper le retard que nous avions en matière d'accréditation, en formant des centaines d'experts visiteurs, et dans l'hypothèse où nous parviendrions à accréditer 1.500 établissements dans un délai de cinq ans, relevait de l'utopie. Aujourd'hui, on constate que l'ANAES répond bien à ces missions et que sa réponse à l'accréditation s'est faite en partie au détriment, sinon de l'évaluation, du moins de la diffusion des résultats de l'évaluation des recommandations de bonnes pratiques. Ma crainte, pour prendre l'exemple de l'ANAES, est simple : ne va-t-on pas surcharger le travail d'agences qui sont en phase de développement, et qui ont d'ores et déjà des difficultés à remplir leurs missions ?

Je serais moins critique dans d'autres domaines, comme la formation continue, où l'on se situe dans les intentions des ordonnances de 1996. Il suffirait là de corriger quelques défauts, à la lumière de l'expérience et des difficultés de mise en place de certains outils, notamment la gestion des fonds associés. Sur ces sujets, on a tiré les conséquences nécessaires et on a progressé. En matière de réseau, on a amélioré la procédure, qui était très centralisée, très lourde, puisqu'il fallait, avant tout un agrément ministériel, un avis des caisses locales de sécurité sociale, un avis de la CNAM, un avis de la commission dite Soubie. Cela a abouti à un résultat négatif, avec un faible nombre de réseaux agréés. La complexité de la procédure a conduit à privilégier les réseaux par pathologies, au détriment des réseaux locaux ou des réseaux de population, plus difficiles à mettre en oeuvre, mais nécessaires pour répondre aux défis de notre système de santé.

Ma réponse est donc mitigée. Oui, la plupart des dispositions contenues dans le projet de loi vont dans le bon sens. Mais serons-nous capables, à travers un certain nombre d'outils, dont l'ANAES, d'y répondre ? J'ai quelques inquiétudes à ce sujet.

J'ai volontairement omis de parler de l'Institut national de prévention dans les outils mis en oeuvre, pour en faire effectivement un sujet à part entière. Sur ce point, et au titre de responsable de la Mutualité française, j'observe que nous restons dans une logique qui, culturellement, n'intègre pas la prévention dans la pratique curative. Le fait que l'on traite la prévention de manière séparée revient en quelque sorte à l'étatiser par le biais de la création d'un Institut national de prévention. Pourrant, même en tant que président du Fonds national de prévention de la CNAMTS, je ne dirai pas, néanmoins, qu'il est scandaleux de transférer des fonds de la CNAMTS à l'Etat. Je pense que ces affaires institutionnelles sont, somme toute, assez secondaires par rapport à la question fondamentale qui est celle de l'organisation du système. De mon point de vue, le problème essentiel est moins celui d'une dotation de la CNAMTS par rapport à un financement par programme, que celui de la coupure des actions de prévention de l'action de gestion du risque, qui devrait être celle de l'assurance maladie. A la tête de la commission santé-prévention de la CNAMTS, j'ai toujours estimé que ce fonds ne devait pas financer de façon pérenne, mais qu'il devait financer des expérimentations de prévention, de dépistage, pour les intégrer ensuite dans l'activité des professionnels de santé. Avec des budgets insuffisants et des structures dédiées, on fait de la prévention un ghetto ; ce faisant, on ne lui donne pas le même statut, y compris aux yeux des malades. Par là même, on dévalorise l'action de prévention. Je crois que c'est la critique principale qui peut être faite à cette action de prévention. Je pense qu'il faut changer de logique en matière de prévention et inscrire les priorités dans la politique de santé de manière claire et entière. Au-delà, toutes les difficultés que vous connaissez subsistent. Un comité national de prévention, mis en place il y a trois ans, avait pour but d'harmoniser les pratiques de prévention entre les caisses d'assurance maladie et les ministères concernés ; il a mal fonctionné, non pas par manque de volonté, mais parce que les logiques institutionnelles ont pris le pas sur les logiques de santé publique en matière de développement des politiques de prévention. On peut craindre que ceci ne se renouvelle dans un cadre comme celui là. Il faudra également surveiller de près la coordination entre les niveaux nationaux et régionaux ; on voit bien que le choix qui est fait en matière de prévention, avec une déconcentration d'un service d'Etat au niveau régional, ne trouve pas forcément une articulation harmonieuse avec les Conseils régionaux de santé.

M. Alain VASSELLE - Ne pensez-vous pas ce texte puisse avoir des effets pervers, en donnant le sentiment à l'ensemble de nos concitoyens qu'en définitive, au regard de la loi en ce qui concerne les services de santé, ils n'ont que des droits, mais n'ont aucun devoir ou responsabilité ? Je pense en particulier à cette responsabilité qui devrait être la leur au regard des dépenses de santé qu'ils engendrent de par la consommation des services et des soins. Je pense à ces malades qui vont voir dix médecins différents parce qu'ils ne sont pas satisfaits de tel ou tel. A mon sens, il faut placer les patients à un certain niveau de responsabilité au regard des services de santé.

Avez-vous conduit une réflexion à ce niveau ? Avez-vous cherché à mesurer les conséquences d'un texte qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les comptes de la sécurité sociale ? Certes, on ne peut raisonner qu'avec une approche comptable, mais cette dimension n'en est pas moins importante. Il ne faut pas faire croire aux Français qu'ils vont pouvoir user à volonté et sans aucune responsabilité de l'ensemble des services. Un jour ou l'autre, ils devront payer une telle logique.

M. Etienne CANIARD - Cette question est importante et il ne faut pas nier l'approche comptable, que l'on en fasse un préalable ou que l'on en fasse la mesure du résultat. Il faut cesser l'hypocrisie : l'instrument comptable est l'instrument de mesure de l'effort que la Nation consacrera à la santé.

Pour autant, l'affirmation du droit des malades comporte-t-elle forcément un risque de dérive des comptes ? Je suis plus optimiste que vous ne l'êtes. Je pense tout d'abord que ce projet de loi intègre un volet de responsabilisation important, à travers notamment les corps intermédiaires que sont les associations de santé. Prenons l'exemple des maladies rares : on pourrait être dans la situation la pire en termes de demande de la part des malades, le sentiment d'isolement, d'exclusion des malades pouvant conduire les associations à développer une logique de type « toujours plus ». La réalité est tout autre et le mouvement associatif, très structuré, exerce incontestablement un effet régulateur et d'éducation très fort sur la façon de fréquenter le système de soins. Ce type d'éléments peut donc concourir à une plus grande responsabilisation par l'intermédiaire des corps associatifs et structures diverses.

Si l'on s'intéresse au phénomène du « nomadisme médical », qui existe, sans pour autant être si important que l'on peut le croire, on ne peut que regretter qu'il induise quelques examens redondants. Quand bien même son importance doit être relativisée, ce problème mérite d'être examiné. Je suis persuadé que l'accès facilité au dossier médical aura une influence sur la qualité de la tenue des dossiers médicaux. Souvent, son accès était jusque-là rendu difficile par des problèmes d'organisation, et pas seulement pour des questions culturelles. Avec un accès facilité, un dossier mieux normalisé, au sujet duquel des débats auront été organisés, pour déterminer notamment ce qui doit y figurer, voilà des éléments qui feront progresser le comportement des Français. La question des notes personnelles du médecin ne doit sans doute pas figurer dans le dossier médical. Mais il est important de poser cette question et d'essayer d'y répondre collectivement. Il est par ailleurs assez simple d'imaginer qu'il sera plus facile d'obtenir un double avis -ce qui peut être légitime dans un certain nombre de cas- sans avoir à faire à nouveau l'ensemble des examens. L'affirmation de nouveaux droits permettra aux patients d'assumer plus facilement cette demande de double avis vis-à-vis de leur médecin. Dès l'instant où cette pratique sera banalisée et ne sera plus vécue comme une situation culpabilisante, tout ira mieux.

Globalement, je pense que le projet de loi qui est proposé est un texte très important qui change profondément la logique des rapports entre patients et médecins, en affirmant des droits, mais avec un certain nombre d'éléments qui créeront les conditions d'une plus grande responsabilité de chacun. Pour terminer, la responsabilité est financière dès l'instant où l'on se place dans des choix collectifs. Dans un contexte d'allongement de la durée de vie, de progrès médical, et alors que le fait que de plus en plus d'interventions thérapeutiques ont une utilité avérée, la responsabilité financière est avant tout collective. Mais je ne crois pas tellement à une responsabilité financière individuelle. L'expérience du ticket modérateur a tourné à l'échec ; il y a une unanimité pour dire qu'il s'agit d'un ticket d'exclusion qui a conduit à mettre en place un dispositif permettant à chacun d'accéder aux soins. Nous sommes aujourd'hui dans une logique inversée, puisque, même en maintenant le ticket modérateur, on généralise le tiers payant coordonné dans tous les cas pour qu'il n'y ait plus la moindre difficulté financière d'accès aux soins. Cela montre bien que les mesures individuelles de responsabilisation n'ont pas produit d'effet positif et qu'il faut donc essayer de responsabiliser sur d'autres critères. Le développement des réseaux peut en être un, pour permettre d'imposer des contraintes du type obligation de suivre un certain nombre de recommandations pouvant toucher à la prévention, avec, en contrepartie, une meilleure prise en charge. Ces contraintes sont probablement plus efficaces qu'une contrainte financière aveugle, applicable à toute la population.

M. LE PRESIDENT - Je voudrais vous remercier au nom de tous mes collègues. Je voudrais aussi indiquer qu'il ne nous a pas été possible d'auditionner publiquement d'autres personnalités, en particulier des associations. Je le regrette, mais ceci est dû au Gouvernement, qui a prononcé l'urgence sur ce texte. Quelle que soit la « très large concertation » dont le projet de loi aurait fait l'objet en amont, je constate que la phase parlementaire a été réduite à sa plus simple expression. Nous avons essayé de compenser cette difficulté et je tiens à remercier nos trois rapporteurs, qui se sont livrés à des auditions les plus larges possibles. Je crois qu'ils ont reçu toutes les associations et personnes qui l'ont souhaité. Le Sénat, malgré l'urgence prononcée, compte tenu de l'importance de ce texte, a fait ce qu'il avait à faire. Nous allons tenter d'aboutir à un accord, et j'espère que les jours à venir nous permettront de régler, tant avec nos collègues de l'Assemblée qu'avec le Gouvernement, les dernières difficultés.

ÉTUDE D'IMPACT
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS DES MALADES
ET À LA QUALITÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ

Document transmis à M. le Président de l'Assemblée nationale
par lettre de M. le Premier ministre en date du 10 septembre 2001
et mis en distribution sous le n° AN 3258 (annexe)

TITRE I ER

DÉMOCRATIE SANITAIRE

Article premier

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Nécessité des modifications proposées

Globalement, le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé répond à une attente forte d'un rééquilibrage des rapports entre personnes malades et professionnels, entre usagers du système de santé et celui-ci. Cette attente s'est notamment manifestée lors des Etats généraux de la santé.

Les droits des personnes malades et des usagers du système de santé procèdent en droit français, soit de dispositions générales appliquées aux questions de santé (secret professionnel), soit à l'inverse de différentes dispositions, qui font application des droits fondamentaux des personnes à des aspects spécifiques de la santé publique, en termes de domaines (loi « bioéthique », loi « informatique et libertés » en matière de collecte et traitement de données personnelles à caractère médical,...) ou en termes de structures (dispositions de la loi hospitalière relative aux droits des patients hospitalisés). De surcroît, les décisions jurisprudentielles ont enrichi le droit positif de la santé, s'agissant notamment de préciser les obligations et responsabilités respectives des usagers du système de santé et des professionnels. Par ailleurs, l'absence d'unité des dispositions ayant trait aux droits de la personne malade, notamment en ce qui concerne le respect de sa vie privée, concourt à leur relative méconnaissance.

L'article premier du projet de loi introduit dans le titre premier du livre premier de la première partie du code de la santé publique un chapitre préliminaire intitulé « droit de la personne ». Ce chapitre réalise la synthèse de cet état du droit positif. Il réaffirme le droit fondamental à la protection de la santé et définit les objectifs du système de santé en termes de développement de la prévention, d'égal accès aux soins, de continuité des soins, de sécurité sanitaire. Il rassemble dans un texte unique, pour une plus grande lisibilité, et précise, tenant compte de l'état de la jurisprudence, les dispositions relatives aux droits des personnes dans leurs relations avec le système de santé : professionnels, établissements et réseaux de santé et tous autres organismes participant à la prévention et aux soins :

- respect de la dignité de la personne malade ;

- non-discrimination dans l'accès aux soins et à la prévention ;

- respect de la vie privée, respect du secret des informations relatives à la santé des personnes et portée du secret ;

- droit d'accéder aux soins les plus appropriés et principe de proportionnalité entre le bénéfice et le risque thérapeutiques ;

- droit à la prise en charge de la douleur.

1.2. Impact en termes de formalités administratives

Ces dispositions reconnaissent et établissent les droits de l'usager du système de santé. En ce sens, l'impact en termes de formalités administratives ou de leur simplification ne peut être directement mesuré, à deux exceptions près :

- les professionnels de santé devront observer des règles pour la conservation informatique et la transmission électronique des données personnelles de santé, afin de garantir leur confidentialité. Ces règles seront définies par décret en Conseil d'Etat, après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés ;

- les établissements de santé, dans le cadre de leurs obligations existantes en matière de transmissions d'informations relatives à leur activité, devront rendre compte aux agences régionales de l'hospitalisation des actions et des mesures qu'ils auront prises pour assurer le respect des droits des malades.

1.3. Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement juridique

Ces dispositions s'intègrent dans le code de la santé publique. L'organisation du code issue de l'ordonnance du 15 juin 2000 s'en trouve modifiée du fait de certaines dispositions nouvelles.

2. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

2.1. Impact sur l'emploi

Néant.

2.2. et 2.3. Impact au regard de l'intérêt général. Impact au regard des intérêts particuliers en cause

Les droits à la protection de la santé, de la vie privée, au respect de la dignité de la personne malade sont confortés par ces dispositions. Les principes jurisprudentiels, notamment en matière de secret médical, sont inscrits dans la loi.

Ces dispositions concourent à l'évolution souhaitée des comportements : meilleure prise en considération par les professionnels et les structures de santé de la personne malade, participation active de celle-ci à ses soins.

2.4. Incidences financières

Les incidences de ces dispositions seront pour l'essentiel de l'ordre du comportement.

Article 6

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Nécessité des modifications proposées

L'article 6 introduit dans le code de la santé publique un chapitre consacré à l'information des usagers du système de santé et à l'expression de leur volonté. En lien avec les dispositions du projet de loi relatives aux droits du malade, il consacre deux principes étroitement liés, celui du droit de toute personne à une formation sur son état de santé et les actes et traitements qui lui sont proposés et celui du consentement libre et éclairé à ces actes et traitements. L'information doit être délivrée dans les formes et conditions nécessaires pour l'expression du consentement. Il traite en second lieu de la question de l'accès au dossier médical.

A) Le droit à l'information du patient est reconnu par la jurisprudence. Il est également une obligation déontologique du médecin. Il est décliné dans des domaines spécifiques (le don d'organe, la participation à des protocoles de recherche biomédicale) ou en termes de structures (dispositions de la loi hospitalière relatives aux droits des patients hospitalisés). Cependant, la jurisprudence récente a redéfini le régime juridique de l'obligation d'information du médecin, notamment s'agissant de la charge de la preuve de l'information et des conséquences résultant du défaut d'information. L'évolution jurisprudentielle a suscité au demeurant des réactions parfois excessives, telles que le recueil systématique du consentement écrit, au détriment d'une information effectivement de nature à fonder le consentement de la personne malade. Il en est de même pour le principe du libre consentement, procédant en droit français du code civil qui prescrit le recueil du consentement avant toute intervention thérapeutique, et décliné dans des domaines spécifiques (assistance médicale à la procréation, don d'organe,...) ainsi que dans la charte du patient hospitalisé.

L'article 6 réalise la synthèse du droit positif en matière d'information et de consentement du patient :

- information sur les actes proposés, leur nécessité, leurs conséquences, leurs risques, due par les professionnels de santé et délivrée dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles ;

- prise en compte de la volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic grave ;

- principe du consentement préalable, libre et éclairé, révocable.

Tenant compte de l'évolution des relations entre malades et soignants, il fait du consentement la base d'une participation active de la personne malade à ses soins. Il apporte également des réponses à des problématiques particulières liées à la question de l'information et du consentement.

a) La nécessité d'informer sur des risques liés à des investigations, des soins ou des actions de prévention et identifiés a posteriori.

L'obligation d'information devant porter sur l'ensemble des risques de la pratique d'un acte d'investigation de soin ou de prévention, y compris les risques exceptionnels, et revêtant un caractère personnel, dès lors la question se posait d'informer des risques identifiés postérieurement à la réalisation de l'acte et qui pourraient mettre en jeu la santé des personnes concernées. Une obligation d'information, dans les limites du possible, est donc prévue pour ces risques identifiés postérieurement.

b) Le droit des mineurs et majeurs sous tutelle à une information adaptée

Par ailleurs associés aux décisions qui les concernent, leur consentement nécessite cette information.

c) Le consentement des mineurs et majeurs sous tutelle

Les mineurs et majeurs sous tutelle n'ont pas juridiquement la capacité de consentement. Sans remettre en question les principes régissant l'autorité parentale ou la tutelle, des dispositions spécifiques apparaissent nécessaires en considération de la sauvegarde des intérêts du mineur ou du majeur sous tutelle. L'association des mineurs ou des majeurs sous tutelle aux décisions les concernant répond à cette préoccupation.

De même, la prise en compte des intérêts du mineur ou d'un majeur sous tutelle conduit à prévoir que le médecin puisse délivrer les soins indispensables lorsque le refus d'un traitement par l'intéressé, le titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle.

Lorsqu'un mineur souhaite garder le secret sur son état de santé, le médecin tenu de recueillir le consentement des parents est confronté à une alternative difficile, trahir la confiance de son malade ou risquer que celui-ci renonce à des soins et compromette gravement sa santé. Ce problème a été largement débattu notamment par le Conseil national du SIDA en matière de séropositivité au VIH, mais aussi dans d'autres situations de détresse et de crainte d'exclusion ou de violences. Les dispositions envisagées donnent le temps au praticien de gérer cette situation difficile. Elles autorisent le médecin, après avoir tenté de le convaincre d'informer ses parents et de recueillir leur consentement, à engager les soins dont l'absence aurait des conséquences graves pour la santé du mineur, dès lors que ce dernier y consent.

Par ailleurs, la loi prévoit un cas particulier où le consentement du mineur est seul requis : il s'agit du cas des mineurs en situation de rupture avec leur famille et bénéficiant de ce fait à titre personnel de la couverture maladie universelle et de la protection complémentaire. Leur autonomie en termes de prise en charge sociale est complétée par une autonomie du consentement.

d) Les personnes dans l'incapacité d'exprimer leur consentement

Le code de déontologie médicale prévoit à ce sujet que le médecin, sauf impossibilité, consulte les proches avant d'intervenir. La situation de la personne dans l'impossibilité de s'exprimer a fait l'objet de réflexions dans d'autres pays, ainsi que du Conseil consultatif national d'éthique, qui a notamment exploré la possibilité qu'une personne dépositaire de la confiance de la personne malade soit désignée à cette fin. Dans le fil de ces préconisations, l'article 6, d'une part, confirme l'association des proches aux décisions de soins par leur consultation, d'autre part, instaure un dispositif permettant à toute personne majeure de désigner une personne de confiance qui puisse l'assister et serait consultée.

B) Par ailleurs, les modalités d'accès de toute personne aux informations la concernant et détenues par les professionnels de santé sont modifiées. Le dispositif actuel procède de dispositions spécifiques de la loi « informatique et libertés » et de la loi hospitalière. Le droit d'accès s'exerce par l'intermédiaire d'un médecin. Ce dispositif et son application défectueuse (notamment du fait d'une mauvaise interprétation de la loi) ont entretenu la suspicion entre soignants et soignés, et suscité de nombreux débats sur la propriété du « dossier médical ».

Le projet de loi répond sur ce point à une attente forte des usagers du système de santé. Parallèlement à l'accès au dossier médical par l'intermédiaire d'un médecin, le projet ouvre une possibilité d'accès direct. Il veille cependant à concilier, d'une part, le droit de chacun à disposer de ces informations, d'autre part, la nécessité d'accompagner, autant que nécessaire, la prise de connaissance d'informations :

- possibilité de recommander la présence d'une tierce personne ;

- communication par l'intermédiaire d'un médecin dans certaines situations exceptionnelles (informations liées à des hospitalisations psychiatriques sans consentement).

L'article 6 envisage deux cas particuliers :

- possibilité pour un mineur de demander que l'accès du titulaire de l'autorité parentale à son dossier ait lieu par l'intermédiaire d'un médecin ;

- accès limité des ayants droit au dossier d'une personne décédée, aux seules informations nécessaires pour connaître les causes de la mort, défendre les intérêts du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf opposition exprimée par la personne avant son décès.

Le premier cas est une conséquence logique de l'acceptation du principe qu'un mineur puisse souhaiter garder le secret sur son état de santé à l'égard du titulaire de l'autorité parentale.

Pour ce qui concerne le second cas, il convient de rappeler que le secret médical n'est pas levé après le décès de la personne concernée. La jurisprudence, confirmant ce principe, a cependant admis que, sauf intention contraire du défunt, les ayants droit pouvaient obtenir les informations strictement nécessaires soit pour faire valoir leurs intérêts (en matière d'assurance par exemple), soit pour défendre la mémoire du défunt.

1.2. Impact en termes de formalités administratives

A) Consentement éclairé et information

a) procédures formalisées par écrit :

- renvoi aux codes de déontologie et à un décret en Conseil d'Etat (établissements, réseaux de santé...) pour les modalités dans lesquelles l'information est assurée ;

- approbation par arrêté du ministre chargé de la santé des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l'information établies par l'Agence nationale de l'accréditation et l'évaluation en santé (ANAES) ;

- désignation d'une personne de confiance par une personne majeure en cas d'hospitalisation ;

- information a posteriori des personnes concernées en cas de risques liés à des investigations, soins ou actions de prévention et nouvellement identifiés.

b) droit d'accès au dossier médical

- approbation par arrêté du ministre chargé de la santé des recommandations de bonnes pratiques sur les modalités d'accès établies par l'Agence nationale de l'accréditation et l'évaluation en santé (ANAES) ;

- exercice du droit d'accès, dont les conditions seront précisées par décret en Conseil d'Etat ;

- présence, dans les hypothèses prévues par la loi, d'une tierce personne lors de la communication du dossier ;

- saisine éventuelle de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques en cas de désaccord sur la possibilité d'une communication directe (informations liées à des hospitalisations psychiatriques sans consentement).

1.3. Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement juridique

Ces dispositions s'intègrent dans le code de la santé publique.

2. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

2.1. Impact sur l'emploi

Néant.

2.2. et 2.3. Impact au regard de l'intérêt général. Impact au regard des intérêts particuliers en cause

Ces dispositions confortent les principes du consentement aux soins, de l'information de la personne malade, du droit d'accès de toute personne aux données de santé la concernant. Les principes jurisprudentiels en matière d'information incombant au professionnel de santé sont inscrits dans la loi.

Globalement, la loi répond à une attente forte d'un rééquilibrage des rapports entre personnes malades et professionnels, entre usagers du système de santé et celui-ci. Cette attente s'est notamment manifestée lors des Etats généraux de la santé.

Cette évolution des relations entre malades et médecins est déjà largement amorcée dans les faits. Les dispositions proposées consacrent cette évolution et tendent à la conforter.

Les dispositions concernant les mineurs dérogent de manière limitée et encadrée à l'exercice de l'autorité parentale. Elles ne visent pas à remettre en question celle-ci. Elles prennent en compte des situations où la santé du mineur est immédiatement en danger et maintiennent, y compris lorsque l'intéressé désire garder le secret sur son état de santé, l'obligation pour le professionnel de santé de rechercher l'association des titulaires de l'autorité parentale au processus thérapeutique qui ne peut être déconnecté des autres aspects concourant à la santé du mineur.

2.4. Incidences financières

Les incidences de ces dispositions seront pour l'essentiel de l'ordre du comportement. Pour beaucoup, la loi formalise ou aménage des obligations existantes plus qu'elle n'en crée et ne devrait pas induire de coûts nouveaux.

Article 12

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Nécessité des modifications proposées

L'article 12 introduit dans le code de la santé publique un chapitre consacré à la participation des usagers au fonctionnement du système de santé.

La participation des usagers s'est d'abord traduite par leur présence au sein des conseils d'administration des établissements de santé. De même, afin de répondre à la nécessité d'ouvrir au-delà des professionnels de santé la réflexion sur les politiques de santé et la détermination des priorités politiques, les conférences nationale et régionales de santé ont été conçues comme des lieux de confrontation des expériences et des attentes tant des professionnels de santé que des usagers. Porté par des crises de santé publique, telles que celle provoquée par le Sida, le mouvement associatif, notamment les associations de « malades », s'est structuré et a concouru à la transformation des processus d'élaboration des politiques publiques de santé.

Faute d'une légitimité juridiquement fondée des associations de malades, d'usagers ou de consommateurs, les procédures de désignation des représentants d'usagers restent imprécises, voire se limitent à la désignation de personnalités qualifiées. L'article 12 prévoit un mécanisme d'agrément, fondé sur des critères permettant de mesurer l'activité effective et publique des associations en faveur des usagers du système de santé. A l'exemple des domaines de l'environnement, ou de la consommation, il ouvre la possibilité d'une représentation légitimée des usagers dans les instances décisionnelles ou consultatives du système de santé et notamment dans les futurs conseils régionaux de santé.

Il établit également les conditions d'une représentation efficace, d'une part en reconnaissant le droit des représentants à une formation leur facilitant l'exercice de leur mandat et en élargissant le bénéfice des dispositions du code du travail relatives au congé de représentation. Par ailleurs, en conséquence de la reconnaissance des associations agréées à défendre l'intérêt collectif des usagers du système de santé, il ouvre pour les associations d'audience nationale la possibilité d'action en justice en qualité de partie civile pour certaines infractions.

1.2. Impact en termes de formalités administratives

Ces dispositions rendront nécessaires :

- la mise en place aux échelons national et départemental d'une procédure d'agrément, qui sera définie en Conseil d'Etat. Les associations concernées auront à constituer un dossier de demande ; parmi leurs obligations, devrait figurer celle d'informer régulièrement l'autorité d'agrément sur leur activité. Par ailleurs, l'agrément devrait être renouvelé périodiquement ;

- l'élaboration de procédures de désignation aux différentes instances concernées.

1.3. Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement juridique

Ces dispositions s'intègrent dans le code de la santé publique. Il convient de noter par ailleurs l'élargissement, bien que limité à certains cas, des personnes morales autorisées à se porter partie civile.

2. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

2.1. Impact sur l'emploi

Néant.

2.2. et 2.3. Impact au regard de l'intérêt général. Impact au regard des intérêts particuliers en cause

En renforçant la légitimité des associations, ces dispositions devraient concourir :

- à conforter la représentation des usagers dans les instances du système de santé et à en améliorer l'apport dans l'élaboration des politiques de santé publique ;

- à une meilleure défense des intérêts collectifs et particuliers des usagers.

2.4. Incidences financières

Pour les associations : néant. L'agrément se fonde sur une activité existante.

Le soutien financier de l'Etat aux associations de malades et d'usagers sera fonction tant des critères qui seront définis (ou redéfinis) que des crédits disponibles, notamment au titre du droit à la formation des représentants des usagers.

Pour ce qui concerne le coût induit par l'extension du congé de représentation, l'indemnisation horaire de l'éventuelle perte de salaire qui serait à la charge soit des établissements de santé, soit de l'Etat est actuellement d'environ 6 €. Pour un établissement public de santé, à raison de deux représentants des usagers au Conseil d'administration, la dépense annuelle serait ainsi inférieure à 765 €. Pour l'ensemble des instances placées auprès de l'Etat (échelons national et régional), l'hypothèse haute de 1.500 représentants des usagers conduit à un coût de l'ordre de 570.000 €. Ces estimations se fondent sur une dépense par représentant de 381 € annuels correspondant à l'utilisation complète par chaque représentant des 9 jours de congé de représentation auxquels il a droit. Dans la réalité, le coût devrait être nettement moindre. A titre d'exemple, au cours des deux dernières années, une seule demande d'indemnisation a été présentée au ministère de l'emploi et de la solidarité (secteur affaires sociales) au titre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 225-8 du code du travail (congé de représentation) pour les associations relevant de ce ministère.

TITRE II
-
QUALITÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ

Article 34
Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé

1. Situation actuelle

L'ANAES a été créée par l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée. Le décret n° 97-311 du 7 avril 1997 est venu préciser son organisation et son fonctionnement interne ainsi que les modalités de déroulement de la procédure d'accréditation.

L'ANAES a pour principales missions :

- en matière d'évaluation :

élaboration de recommandations de bonnes pratiques cliniques ;

évaluation technologique ;

évaluation des pratiques professionnelles ;

avis sur les actes en matière de nomenclature.

- élaboration et mise en oeuvre de la procédure d'accréditation.

L'ANAES a accéléré sa montée en charge depuis la fin de 1999.

En matière d'accréditation, le collège de l'accréditation a rendu ses premiers rapports au printemps 2000. A l'heure actuelle, plus de 3.000 établissements se sont engagés dans la procédure. Il est prévu d'ici fin 2001, la réalisation de 255 visites d'accréditation. Le collège d'accréditation s'est prononcé sur plus de 75 décisions d'accréditation au cours du premier semestre 2001. 60 comptes rendus d'accréditation figurent désormais sur le site Internet de l'ANAES ( www.anaes.fr ).

En matière d'évaluation, l'ANAES, en collaboration avec les URML, s'est engagée dans l'évaluation des pratiques professionnelles des médecins libéraux. Elle a en charge l'élaboration des référentiels et des méthodes ainsi que la formation et l'habilitation des médecins tandis que les URML ont en charge l'organisation de la démarche au niveau local. L'ANAES et les URML viennent de faire un communiqué de presse. L'ANAES prévoit de former 120 médecins habilités d'ici fin 2001. Les premières expérimentations devraient se dérouler début 2002 dans 4 régions : Ile-de-France, Lorraine, Nord/Pas-de-Calais, Basse-Normandie en liaison avec les URML des régions considérées.

En matière d'avis sur la nomenclature des actes, l'ANAES a élaboré une méthodologie de validation de ces actes basée sur la recherche bibliographique et le consensus d'experts. Elle a remis à l'été 2000 une première liste d'environ 250 actes sur lesquelles elle donne un avis motivé sur la proposition qu'elle fait en matière de prise en charge et sur les évaluations complémentaires qu'elle propose. Elle poursuit ses travaux et a rendu en 2001 son travail concernant les actes de neuro-chirurgie. Cette première étape permet aujourd'hui d'envisager un calendrier de validation de l'ensemble des actes et prestations existants sur une période de plusieurs années en les abordant spécialité par spécialité.

2. Contenu de la mesure

L'ANAES a donc désormais atteint un premier palier dans la montée en charge de ses missions. Il convient désormais qu'elle s'engage complètement dans une démarche d'évaluation en santé publique en :

- développant l'évaluation de la qualité de la prise en charge sanitaire de la population dans le système de santé ;

- développant un système de veille scientifique sur les pratiques professionnelles ;

- développant ses partenariats avec les autres intervenants en matière d'administration de la santé : instituts de recherche, AFSSAPS, InVS...

L'ANAES a été conçue initialement comme une institution dédiée aux professionnels et dont la gestion leur était confiée. Désormais, elle doit intégrer dans son mode de fonctionnement et dans ses problématiques les usagers du système de santé.

3. Observations

L'ANAES, de par sa compétence en matière de qualité, se voit confier de nombreuses missions dont la montée en charge devra être gérée.

4. Mise en oeuvre juridique

Décret d'application permettant de préciser notamment :

- le contenu de certaines missions,

- la présence d'usagers du système de santé au conseil d'administration de l'Agence.

Articles 36, 38 et 39
Chirurgie esthétique

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Nécessité des modifications proposées

La chirurgie esthétique est une activité médicale qui vise à améliorer l'apparence physique des personnes ne souffrant pas par ailleurs de pathologies somatiques individualisées. Les résultats qui peuvent être obtenus en termes de mieux-être sont fortement médiatisés alors que les complications, éventuellement graves, de ces interventions ne sont pas suffisamment connues. Ces faits génèrent une demande importante de la part de la population, à laquelle répond une offre de soins en constante augmentation.

Cette évolution entraîne l'apparition de nouveaux risques sanitaires, qui ne sont pas toujours maîtrisés, et des abus de la part des professionnels à l'égard des personnes insuffisamment informées. En effet, certains actes sont pratiqués en cabinet libéral, alors que la sécurité des personnes exige un environnement technique et humain et des conditions de surveillance identiques aux obligations de sécurité imposées aux établissements de santé. Le projet de loi soumet les installations pratiquant la chirurgie esthétique à des conditions d'autorisation, dans le but d'améliorer la sécurité de la pratique des actes de chirurgie esthétique. Il vise en outre à garantir une plus grande transparence de l'information que les professionnels devront fournir préalablement aux personnes en ce qui concerne les risques spécifiques et les résultats attendus, mais aussi les conditions financières des interventions pratiquées, sous peine de sanctions pénales.

1.2. Impact en termes de formalités administratives

Les modalités d'autorisation des installations de chirurgie esthétique seront fixées par décret en Conseil d'Etat. Une visite de conformité, effectuée par les services déconcentrés, aura pour but de vérifier les conditions techniques de fonctionnement fixées par décret. Celles-ci pourront notamment rendre exigibles les normes de fonctionnement applicables pour la chirurgie et la sécurité anesthésique. Ces installations feront en outre l'objet d'une accréditation dans des conditions prévues à l'article L. 6113-3 du code de la santé publique.

1.3. Impact en termes de complexité de l'ordonnancement juridique

Il s'agit d'un régime d'autorisation supplémentaire, très proche de celui qui existe actuellement pour les établissements de santé.

2. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

2.1. Impact sur l'emploi

Le projet de texte de loi devrait produire un effet de substitution d'un personnel médical et paramédical au personnel insuffisamment qualifié travaillant actuellement dans les installations non autorisées, notamment dans les cabinets médicaux aménagés.

En outre, l'obligation de disposer d'une pharmacie à usage intérieur pour la délivrance de médicaments anesthétiques pourra permettre de créer des emplois de pharmaciens à temps partiel, qui seront proportionnels au nombre d'installations de chirurgie esthétique autorisées.

2.2. Impact au regard de l'intérêt général

L'impact essentiel de ces dispositions législatives est de renforcer la sécurité sanitaire des personnes au regard des risques iatrogènes résultant des actes de chirurgie esthétique.

2.3. Impact au regard des intérêts particuliers en cause

L'obligation, pour les médecins ayant une activité de chirurgie esthétique, d'être qualifiés en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique découlera des conditions réglementaires prévues en application du projet de texte de loi. Ce projet dispose en outre que les responsables des installations existantes auront un délai de six mois à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 6322-3 du code de la santé publique pour déposer une demande d'autorisation.

2.4. Incidences financières

Les dispositions législatives n'auront pas d'effet direct sur les budgets de l'Etat et de la protection sociale, dans la mesure où le projet de texte prévoit que les prestations d'actes de chirurgie esthétique ne feront pas l'objet d'un remboursement par l'assurance maladie.

Article 40
Formation médicale continue

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Nécessité des modifications proposées

La législation relative à la formation médicale continue, instaurée par l'ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, n'a pu être mise en place en raison de nombreux blocages institutionnels consécutifs en particulier au contentieux relatif aux dispositions relatives aux modalités organisationnelles et de financement, et il est urgent de revoir l'ensemble du dispositif afin de lui donner une nouvelle base légale, certaines dispositions réglementaires ayant été annulées par le Conseil d'Etat.

Cette formation obligatoire est également étendue aux praticiens hospitaliers non médecins des établissements de santé (biologistes, pharmaciens, odontologistes).

1.2. Impact en termes de formalités administratives

Les médecins auront à constituer un dossier attestant de leurs efforts de formation ou à fournir un justificatif de la formation agréée qu'ils auront suivie, ou à se soumettre à un entretien d'évaluation de leurs connaissances.

1.3. Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement juridique

1/ Mise en place des conseils nationaux et régionaux de formation continue rassemblant les trois catégories de médecins libéraux, hospitaliers, salariés, et d'un comité de coordination ;

2/ Création d'un nouvel organisme de financement doté de la personnalité morale.

3/ En contrepartie, suppression du conseil national et des conseils régionaux actuels.

4/ Organisation de la coordination avec les formations relevant du droit du travail ou de la fonction publique ou du droit hospitalier et avec la formation conventionnelle.

2. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

2.1. Impact sur l'emploi

Eventuelles créations d'emploi découlant de l'apparition ou du développement de structures de formation continue.

2.2. Impact au regard de l'intérêt général

En raison de l'évolution accélérée des connaissances, des technologies et des pratiques, la formation médicale continue est devenue une obligation de sécurité sanitaire et de qualité des soins, affirmée pour tous les médecins en exercice. Il est en effet indispensable que les praticiens puissent tout au long de leur vie professionnelle délivrer des soins et des prestations conformes aux données nouvellement acquises de la science.

2.3. Impact au regard des intérêts particuliers en cause

Ces mesures permettront d'inscrire les médecins dans un cadre de formation de qualité, défini et garanti par la loi et le règlement. Le nombre de praticiens actualisant leurs connaissances devrait sensiblement augmenter et la formation médicale continue toucher, à terme, l'ensemble de la profession.

2.4. Incidences financières

2.4.1. Mise en place et fonctionnement des instances nationales et régionales de la formation médicale continue et du fonds de gestion

Le coût de fonctionnement des conseils nationaux et régionaux du comité de coordination et du fonds national de la formation continue est estimé à environ 20 millions de francs par an ; il est susceptible d'évoluer en fonction de la montée en charge de l'activité des conseils régionaux.

2.4.2. Coût des actions de formation médicale continue et de l'entretien d'évaluation

La formation médicale continue est aujourd'hui largement financée par l'industrie pharmaceutique. Il est prévu de maintenir la possibilité de financement par cette industrie, après qu'une convention assise sur un cahier des charges soit passée entre les représentants des industriels et les conseils nationaux. Cette convention devra au minimum prévoir la garantie d'indépendance des formateurs, la qualité pédagogique des formations, la transparence sur le financement.

Par ailleurs, le coût varie selon les modalités de formation retenues. Il peut être estimé de la façon suivante.

Le projet de loi prévoit trois modalités de reconnaissance de la formation :

premier cas : suivi de formations agréées (évaluation sur la base d'un maximum de 5 jours par an à raison de 12.500 francs pour 5 jours). Dans cette hypothèse maximale, si les 194.000 professionnels suivent une formation de 5 jours par an, cela représente un coût de 2.425 millions de francs.

deuxième cas : une journée d'évaluation tous les cinq ans (2.500 francs) ; le besoin de financement est alors de 485 millions de francs sur la période, soit 97 millions de francs par an.

troisième cas : dossier attestant des efforts du praticien : pas de coût (hormis le coût d'examen des dossiers par les conseils régionaux).

FORMATION CONTINUE

Coût d'une formation de 5 jours par an

Coût d'une journée d'évaluation

Coût de l'auto-formation

Professions

Nombre

Coût de 5 j. de formation par médecin

Total

Coût d'une journée par médecin

Total

Etalement sur 5 ans

Médecins libéraux

117.000

12.500 F

1.462.500.000 F

2.500 F

292.500.000 F

58.500.000 F

0

Médecins salariés

21.000

12.500 F

268.750.000 F

2.500 F

53.750.000 F

10.750.000 F

0

Médecins hospitaliers

55.500

12.500 F

693.750.000 F

2.500 F

138.750.000 F

27.750.000 F

0

TOTAL

194.000

2.425.000.000 F

485.000.000 F

97.000.000 F

0

Il est vraisemblable que les professionnels ne choisiront pas tous la même modalité. On peut considérer qu'un tiers des professionnels choisira l'entretien individuel, un autre tiers le suivi de formations agréées, et le dernier tiers présentant un dossier attestant de ses efforts de formation.

Dans cette hypothèse, le coût total atteint 840 millions de francs par an (808 millions de francs (soit 2.425 : 3) + 32 millions de francs (soit 97 : 3).

2.4.3. Besoin nouveau et sources de financement

Les financements résultant des dispositions déjà en vigueur sont maintenus :

- pour les salariés publics : 100 millions de francs environ actuellement,

- pour les salariés non hospitaliers : environ 80 millions de francs,

- pour les libéraux : 25 millions de francs au titre du FAF et une estimation de 25 millions de francs également pour celles des actions de la formation conventionnelle qui seront agréées, ainsi que la participation des praticiens eux-mêmes estimée à environ 200 millions de francs, dont il ne reste que 100 millions de francs à leur charge puisque la moitié de leurs frais est déduite de leurs impôts.

Le besoin nouveau de financement est donc de l'ordre de 400 millions de francs. Ce besoin pourrait être couvert par l'industrie pharmaceutique dans les conditions ci-dessus précisées (§ 2.4.2.), ce qui représente moins du quart des sommes qu'elle consacre aujourd'hui à la formation médicale (entre 2 et 4 milliards selon un rapport de l'IGAS).

Le fonds de la FMC, qui prendra en charge le coût de fonctionnement des instances nationales et régionales et le financement de certaines actions et se mettra en place à partir de 2003, doit disposer de dotations publiques qui seront déterminées dans le cadre des lois de finances.

Articles 49 à 51
Création d'un office des professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Nécessité des modifications proposées

La loi du 4 février 1995 portant diverses mesures d'ordre social avait prévu la création d'un ordre professionnel des masseurs-kinésithérapeutes et d'un ordre professionnel des pédicures-podologues. En raison de l'absence de consensus au sein de la profession quant à la mise en place de structures ordinales et de la non-exhaustivité du fichier d'enregistrement des professionnels remettant en cause la régularité de la constitution du corps électoral et partant, la validité des élections aux conseils de l'ordre, celles-ci n'ont pas été organisées. L'Etat a été condamné par le Conseil d'Etat à organiser ces élections.

Par ailleurs, la loi n° 80-527 du 12 juillet 1980 modifiant certaines dispositions relatives à l'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière avait prévu pour les infirmiers des règles professionnelles établies par décret en Conseil d'Etat et institué des chambres de discipline chargées de veiller à leur respect. Ces chambres n'ont jamais été mises en place.

Dans le cadre des travaux du groupe de concertation entre les représentants des infirmiers, des masseurs-kinésithérapeutes, des orthophonistes et des orthoptistes libéraux et des représentants du ministère de l'emploi et de la solidarité dont l'animation a été confiée à Mme Anne-Marie Brocas, la création d'un office interprofessionnel des professions paramédicales a été préconisée. Outre les missions traditionnellement dévolues aux ordres, cet office serait doté de compétences pour participer à l'élaboration de bonnes pratiques professionnelles.

Le 27 septembre 1999, le Premier ministre a chargé M. Philippe Nauche, député de la Corrèze, d'étudier la mise en place d'une telle instance interprofessionnelle pour les professions paramédicales. M. Nauche a remis son rapport au cours de l'été 2000.

L'intérêt majeur d'une telle instance est évidemment son caractère interprofessionnel propre à assurer une meilleure représentation des professions concernées en évitant l'émiettement des structures. De plus, il est devenu indispensable de promouvoir une réflexion et une action concertées des acteurs de santé dans l'intérêt de la population.

La mission de l'office consiste à assurer la promotion des règles de bonnes pratiques paramédicales, à participer à l'évaluation des pratiques professionnelles, à proposer aux pouvoirs publics des règles encadrant l'exercice des professions et à en assurer le respect par l'intermédiaire d'instances disciplinaires. Les usagers seront associés au règlement des litiges qui les concernent.

La plupart des conclusions du rapport de M. Nauche sont prises en compte dans le projet de loi relatif aux droits du malade et à la qualité du système de santé. Toutefois, seuls les professionnels libéraux seront membres de l'office, l'exercice salarié étant déjà largement encadré au sein des établissements de santé.

Il est prévu que l'office regroupe les professions suivantes : infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes et pédicures podologues, qui ont des similitudes en ce qui concerne le niveau de formation et les relations avec les patients et qui ont toutes une part importante d'exercice libéral. Pour les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues, l'office se substituera aux ordres prévus par la loi du 4 février 1995, qui n'ont pas été mis en place.

1.2. Impact en termes de formalités administratives

Actuellement, les professionnels, quelle que soit leur situation, libéraux et salariés, sont soumis à des obligations administratives différentes : soit l'enregistrement du diplôme auprès du représentant de l'Etat dans le département, soit l'inscription sur une liste départementale. Dans certains cas, la liste est publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture.

Il est proposé d'unifier les formalités pour les cinq professions concernées par l'office, en prévoyant pour tous les professionnels l'inscription sur une liste départementale.

Cette liste a vocation à permettre aux services de l'Etat de remplir leur mission de sécurité sanitaire (envoi de messages concernant la santé publique) et d'établir des statistiques nécessaires à la conception des politiques de santé (nombre de personnes à former). L'inscription sur la liste sera subordonnée au contrôle des conditions d'exercice : validité du diplôme, qui sera enregistré, connaissance de la langue française, absence d'interdiction d'exercice en France ou à l'étranger. L'inscription sur cette liste constituera une condition d'exercice de la profession.

Les professionnels libéraux devront en outre être inscrits au fichier de l'office, après justification de leur inscription sur la liste départementale.

1.4. Impact sur l'organisation administrative

De nouvelles juridictions sont créées : les chambres disciplinaires de première instance, la chambre disciplinaire nationale, les sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de première instance et la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire nationale, qui seront présidées par des magistrats de l'ordre administratif.

2. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

2.1. Impact sur l'emploi

La création d'instances au niveau régional et national va créer quelques emplois de nature administrative : secrétariat, documentation, droit, gestion.

2.2. Impact au regard de l'intérêt général

Néant.

4. INCIDENCES FINANCIÈRES

Le coût de fonctionnement de l'office sera supporté par les professionnels. Il est estimé à un peu moins de 60 millions de francs en année pleine, ce qui implique, compte tenu du nombre de libéraux exerçant dans les cinq professions, un montant annuel de cotisation d'environ 500 francs. Les premières élections seront organisées par les services déconcentrés de l'Etat. Leur coût, à la charge de l'organisme, est évalué à 3 millions de francs.

Article 55
Création de l'Institut national de prévention et de promotion de la santé

1. INTRODUCTION

En matière d'amélioration de l'état de santé de la population, les analyses du Haut Comité de santé publique, les recommandations des conférences nationales de santé successives et les attentes exprimées lors des Etats généraux de la santé plaident en faveur du développement de la prévention, basé notamment sur l'éducation pour la santé.

Pour cela, il est aujourd'hui indispensable de rendre accessible à tous, au même titre que les soins, une éducation pour la santé qui réponde aux trois critères fondamentaux d'une mission de service public, à savoir l'égalité d'accès géographique, la continuité par des mesures financées dans la durée, la qualité des actions mises en oeuvre.

Cette politique de prévention définie par l'Etat nécessite la mise en place d'un opérateur pour, d'une part, promouvoir des comportements et habitudes favorables à la santé et, d'autre part, mettre en oeuvre des actions de prévention.

Cet opérateur dénommé « Institut national de prévention et de promotion de la santé » se substituera au Comité français d'éducation pour la santé dont les missions sont aujourd'hui circonscrites au seul domaine de l'information et de l'éducation pour la santé et dont le statut associatif n'est pas satisfaisant en regard de ses missions.

2. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

2.1. Situation actuelle

« Le Comité national d'éducation sanitaire et sociale » a été créé en 1952, sous forme d'une association loi de 1901 pour gérer, pour le compte du ministre, un centre d'éducation sanitaire et sociale.

Depuis le 31 août 1972, il a pris le nom de « Comité français d'éducation pour la santé ».

Ses statuts ont été modifiés à la marge en 1979-1983-1985-1988-1990-1994.

Son régime juridique résulte de son article 1 : « Le Comité français d'éducation pour la santé est une association régie par la loi du 1 er juillet 1901 et placée sous le haut patronage du ministre chargé de la santé et de l'action sociale ».

Le CFES est donc une personne morale de droit privé. A ce titre, les contrats passés avec les partenaires privés, les contentieux, la fiscalité, le statut du personnel (rattaché à la convention collective de l'UCANSS) sont soumis au droit privé (droit du travail - droit commercial).

Cependant, son régime administratif en fait une association parapublique du fait :

- de la composition de son conseil d'administration placé en grande partie sous contrôle de l'administration. L'article 6 des statuts désigne sur 26 administrateurs :

8 membres de droit représentant les administrations,

7 représentants d'organismes de sécurité sociale et de la mutualité,

6 personnalités compétentes nommées par le ministre de la santé dont 2 issues d'associations nationales,

5 administrateurs élus par les comités départementaux et régionaux d'éducation pour la santé.

- du contrôle des délibérations du conseil d'administration par l'administration (A. 33) et de la nécessaire approbation de son budget par le ministre chargé de la santé (A. 34) ;

- du contrôle financier auquel est soumis le CFES. L'arrêté du 31 octobre 1975, paru au Journal officiel du 25 novembre 1975, fixe les conditions du contrôle financier du CFES.

2.3. Les motifs d'un changement

Comme toute association, l'existence du CFES est fragile. Elle ne repose ni sur une base réglementaire, ni sur une ligne budgétaire spécifique. Au regard des financeurs publiques, le statut associatif manque de crédibilité.

Les missions de service public de cet organisme ainsi que l'importance de son budget (282 millions de francs en budget prévisionnel pour 2001) et des marchés que passe cette institution (240 millions de francs en BP pour 2001) ont suscité une réflexion sur l'opportunité d'un changement de statuts.

Un rapport de l'IGAS (conditions d'une évolution du statut du CFES revu en octobre 1999) et un rapport interne de novembre 1998 ont listé les différentes alternatives (fondation, fédération, association reconnue d'utilité publique, GIE. GIP, EPIC, EPST, EPA et intégration à la Direction générale de la santé).

Elles ont tendu à montrer qu'en raison des missions et de la nature des activités, du CFES, le statut d'EPA maximisait les avantages.

En effet, le CFES est la seule grande institution ayant une mission d'intérêt général dans le domaine de la santé qui soit du type associatif même si elle est soumise au contrôle financier.

Le statut d'établissement public permettrait une harmonisation avec celui des nombreuses « agences » qui sont placées sous la tutelle de la Direction générale de la santé.

Ce statut public s'accompagne d'une grande stabilité qui permet à la structure d'adopter une vision très prospective de son activité et de l'inscrire dans la durée. Il confère au personnel de l'organisme un statut public.

Actuellement, le CFES compte 80,5 salariés rattachés à la convention collective de l'UNCANSS.

Pour des raisons de cohérence entre la politique de prévention et celle de l'éducation pour la santé, une définition large du champ de compétence de l'établissement est retenue. Sur le plan territorial, l'établissement aura une compétence nationale mais travaillera en réseau avec les multiples organismes existant sur le terrain.

3. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

La création de l'Institut marque la reconnaissance en France de l'importance de la prévention, déficitaire dans notre pays par rapport au secteur du soin. Elle permettra aussi que l'éducation pour la santé soit organisée sur tout le territoire et financée de manière pérenne alors qu'elle est, pour l'instant, l'objet (sauf dans les domaines où elle a été décentralisée, PMI, vaccinations, MST...) de financements aléatoires, précaires et limités et qu'elle est mise en oeuvre principalement par des associations (Ligue contre le cancer, Comité contre l'alcoolisme, Comités d'éducation pour la santé, etc.) sans faire l'objet de normes quantitatives et qualitatives.

En termes sanitaire et social, on peut en attendre, à moyen terme, un effet positif sur les comportements à risques et les déterminants de la santé en général, avec des conséquences sur la mortalité et la morbidité évitables et sur la qualité de vie chez les malades chroniques (la dimension d'éducation du patient est citée explicitement dans le projet de loi).

L'ensemble de la population française et des professionnels de la santé et de l'éducation est concerné par la mesure puisque le nouveau dispositif a pour but de développer quantitativement et qualitativement les actions visant à l'amélioration de la santé publique. Du côté des personnes morales intervenant dans le domaine, on peut espérer de la création de cet organisme des actions plus cohérentes et plus qualifiées puisque l'Institut aura un rôle de centre expert et de centre ressources au service de l'ensemble du secteur.

Le budget actuel du CFES

Pour 2001, le budget prévisionnel du CFES se compose :

- d'un budget régulier hors campagne (fonctionnement + dépenses courantes d'intervention des services) :

44,5 millions de francs financé à 54 % par l'Etat, à 12 % par les organismes de sécurité sociale (dont 11 % par la CNAMTS) et le reste sur ressources propres (dont 10 millions de francs de frais de gestion).

- d'un budget dit de campagnes, entièrement externalisé :

231 millions de francs pour les campagnes proprement dites. Elles sont financées à 68 % par la CNAMTS et à 32 % par l'Etat (22 % par la DGS et 10 % par la MILDT).

- 6,5 millions de francs pour la conférence mondiale qui fait l'objet d'un financement spécifique.

Le budget du futur Institut national de prévention et de promotion de la santé (INPPS)

Le budget du futur institut sera constitué par des recettes provenant, d'une part, de dotations de l'Etat et de l'assurance maladie et, d'autre part, de subventions affectées à des programmes mis en oeuvre par cet établissement.

Ce budget comprendra au minimum les crédits aujourd'hui affectés au CFES, crédits qui seront augmentés pour prendre en compte les nouvelles missions confiées à l'établissement.

Article 57
Réseaux

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Nécessité des modifications proposées

Le cadre juridique actuel prévu dans le code de la santé publique ainsi que dans le code de la sécurité sociale contribue de manière insatisfaisante au développement des réseaux de santé et de soins, notamment en ce qui concerne le volet médico-social ou social. Les réseaux de santé reposant sur le code de la santé publique (L. 6121-5) se caractérisent par :

- un champ d'application réduit puisque inscrit dans le cadre exclusif de la planification hospitalière, en référence à la carte sanitaire et au schéma d'organisation sanitaire ;

- une définition qui est donnée des réseaux de soins restrictive dans son approche organisationnelle ;

- une organisation qui ne favorise pas les échanges entre établissements de santé et professionnels de santé libéraux et médico-sociaux.

En outre, les dispositions du code de la sécurité sociale prévues à l'article L. 162-31-1 ne s'adressent qu'à certaines formes de prise en charge pouvant bénéficier de dérogations aux règles de droit commun de la sécurité sociale.

A côté de ce cadre juridique, des initiatives se sont également développées pour mettre en oeuvre une prise en charge de la personne axée sur un volet sanitaire global comportant, outre l'accès au soin, la prévention, l'éducation à la santé et intégrant mieux la dimension sociale de certains publics.

La présente disposition a ainsi pour objet de fixer au niveau du code de la santé publique un cadre juridique suffisamment large auquel l'ensemble des initiatives pourront faire référence, suffisamment souple pour favoriser leur extension, leur pérennisation ainsi que l'émergence de nouvelles formes de prise en charge des personnes et/ou des pathologies. A ce titre, elle décline les critères auxquels les réseaux doivent tendre en termes d'organisation, de prise en charge des personnes, de pathologie ou d'activités sanitaires dans une optique de prise en charge de la personne adaptée à ses besoins et fondée sur la qualité, la continuité et la coordination.

Les réseaux qui répondront à cette définition pourront ainsi bénéficier d'un financement de l'Etat ou de l'assurance maladie.

1.2. Impact en termes de formalités administratives

Suppression de la procédure d'agrément de l'Agence régionale de l'hospitalisation actuellement prévue à l'article L. 6121-5 du code de la santé publique.

1.3. Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement juridique

Cette disposition vient compléter la décision prise dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale de 2001 de déconcentrer au niveau des ARH le pouvoir d'agrément des réseaux et filières de soins prévus à l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale au titre du financement par l'assurance maladie.

2. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

2.1. Impact sur l'emploi

Néant.

2.2. Impact au regard de l'intérêt général

Les réseaux permettront l'initiation de nouvelles formes de prise en charge des soins et des personnes et concourront au décloisonnement de notre système de santé par l'échange entre professionnels, qu'ils soient du champ médical, social et/ou médico-social.

2.3. Impact au regard des intérêts particuliers en cause

Les personnes bénéficieront d'une prise en charge globale fondée sur la qualité, la continuité et la coordination adaptée à leurs besoins.

2.4. Incidences financières

Compte tenu de la souplesse qu'offre ce nouveau cadre juridique aux initiatives, les réseaux devraient se développer, ce qui conduira à une sollicitation accrue de l'Etat ainsi que de l'assurance maladie qu'il est aujourd'hui difficile d'évaluer.

TITRE III
-
RÉPARATION DES RISQUES SANITAIRES

Article 58
(Art. L. 1141-1 du code de la santé publique)

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Portée du dispositif prévu

Il est prévu que les entreprises et organismes qui garantissent les risques d'invalidité et de décès ne doivent pas tenir compte des résultats d'examens des caractéristiques génétiques des personnes. De même, ils ne peuvent pas poser de questions relatives à de tels tests, ni demander à quiconque sollicitant le bénéfice de ce type de garantie de s'y soumettre.

Les entreprises d'assurance ont, en 1994, décidé un moratoire sur l'utilisation des tests génétiques et ont renouvelé ce moratoire en 1999. Cet article généralise et pérennise le principe de non-utilisation de ces tests.

1.2. Avantages attendus

Le projet de loi relatif à la bioéthique adopté en conseil des ministres le 20 juin 2001 prévoit notamment la modification du code pénal, permettant de combler une lacune actuelle de la législation relative à l'interdiction des discriminations ; en effet, celle-ci ne prend pas en compte le nouveau facteur de discrimination à l'égard des personnes que peut constituer la connaissance de leurs caractéristiques génétiques, alors que, en raison des progrès intervenus en matière de tests génétiques, les prédispositions à des pathologies susceptibles d'être révélées sont de plus en plus nombreuses.

L'article L. 1141-1, introduit dans le code de la santé publique par le présent projet de loi, a ainsi pour objet de compléter la définition de l'interdiction qui ne consiste pas seulement en une discrimination, c'est-à-dire une distinction opérée entre les personnes selon des critères interdits quand on fournit un bien ou un service, mais aussi dans le fait, en amont de toute discrimination effective, de poser une question relative aux tests génétiques subis ou à demander à la personne de se soumettre à de tels tests.

L'intérêt de cette disposition résulte également de l'articulation des principes de non-discrimination avec l'article L. 113-8 du code des assurances qui impose aux personnes assurées une « obligation de loyauté », selon laquelle il peut y avoir nullité du contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part du cocontractant.

1.3. Impact en termes de formalités administratives

Néant.

2. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

2.1. Impact sur l'intérêt général

Cette mesure est de nature à compléter et conforter le principe, inscrit dans la loi dite « de bioéthique » du 29 juillet 1994, selon lequel l'examen des caractéristiques génétiques des personnes ne peut être réalisé qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique.

2.2. Incidences financières

Néant.

2.3. Impact sur l'emploi

Néant.

Article 58
(Art. L. 1141-2 et L. 1141-3 du code de la santé publique ;
accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès)

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Nécessité des modifications proposées

Les risques exposés par un groupe d'assurés sont mutualisés ; ceux de ses assurés qui subissent un sinistre (pour lesquels le risque se réalise) sont indemnisés grâce à la masse des primes collectées. Les personnes malades ou handicapées ont une probabilité plus forte que le risque indemnisable se réalise : d'une part, l'accès à l'assurance, notamment en garantie de prêts, leur est, soit fermé, soit rendu particulièrement onéreux, d'autre part, la recherche par les assureurs du moindre risque conduit à des pratiques en matière de collecte d'informations à caractère personnel et médical éventuellement non conformes aux règles de la confidentialité. Une convention a été négociée entre des associations de malades, les représentants des entreprises d'assurance et de crédit et les pouvoirs publics, pour la mise en place d'un dispositif visant à faciliter l'accès à l'assurance décès des crédits immobiliers ou professionnels, et des crédits à la consommation affectés. Par ailleurs, des règles de bonne pratique en matière de confidentialité des données personnelles recueillies dans le cadre des opérations d'assurance ont été définies. Les dispositions du présent article confortent la pérennité de cette convention, en lui donnant un cadre législatif.

1.2. Impact en termes de formalités administratives

Les dispositions législatives n'emportent pas par elles-mêmes des formalités administratives nouvelles, dans la mesure où elles ne posent qu'un cadre au dispositif conventionnel. Cependant, la loi prévoit :

- la saisine de la Commission nationale de l'informatique et des libertés afin de recueillir son avis sur la conformité des dispositions de la convention à celles de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- la désignation du président du comité de suivi, instance chargée de veiller à la bonne application de la convention par les ministres chargés de l'économie et de la santé.

1.3. Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement juridique

Le cadre légal défini ne fait que consacrer un processus conventionnel.

2. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

2.1. Impact sur l'emploi

Néant.

2.2. et 3. Impact au regard de l'intérêt général et au regard des intérêts particuliers en cause

En donnant un cadre légal au dispositif conventionnel et en prévoyant les conséquences de son échec, les dispositions devraient permettre dans un cadre souple et pragmatique de faciliter l'accès à l'assurance de prêt pour des personnes qui rencontrent des difficultés et, de ce fait, permettre de lutter contre un facteur d'exclusion légale ; elles participent de la préservation dans les opérations d'assurance du droit de toute personne à la protection de sa vie privée et des données personnelles, notamment à caractère médical, la concernant.

Elles répondent de surcroît à une attente des partenaires des pouvoirs publics dans le processus conventionnel.

2.4. Incidences financières

Les dispositions législatives n'emportent pas par elles-mêmes d'incidences financières ; elles constituent un cadre au dispositif conventionnel.

Articles 58 (Art. L. 1142-1 à L. 1142-28 du code de la santé publique),
59, 60, 62 et 63

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Nécessité des modifications proposées

Dans le domaine de l'indemnisation des accidents médicaux, le législateur n'est intervenu, à ce jour, que pour faciliter la réparation de dommages résultant de certains types particuliers d'accidents médicaux : tels les dommages imputables à une vaccination obligatoire (loi n° 64-643 du 1 er juillet 1964) et l'indemnisation des hémophiles et transfusés contaminés par le VIH (loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991).

Les règles applicables en matière d'accidents médicaux sont donc d'origine jurisprudentielle et liées à l'engagement -ou non- d'une responsabilité.

Lorsque la responsabilité du médecin, de l'établissement de santé ou du producteur (accident causé par un produit), est engagée, la victime a droit à une réparation intégrale de tous ses préjudices ; en cas de décès de la victime, cette réparation est due à ses ayants droit.

Lorsque la responsabilité n'est pas reconnue, la victime n'a droit à rien de plus que les régimes de droit commun existant en faveur des personnes handicapées (pension d'invalidité, allocation aux adultes handicapés,...).

Ainsi, en l'absence de faute et en dehors de cas particuliers soumis à des conditions restrictives, les juridictions ne considèrent pas l'aléa thérapeutique indemnisable au titre de la responsabilité. Dans le cas des hôpitaux publics, des possibilités ont été ouvertes par le Conseil d'Etat en 1993 (arrêt Bianchi) mais il ne s'agit que de cas d'une extrême gravité et soumis à ces conditions très strictes. Dans un arrêt récent du 8 novembre 2000, la Cour de cassation a confirmé que « la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient ».

Il convient par ailleurs de souligner l'augmentation des réclamations, amiables et contentieuses ainsi que celle du montant des réparations accordées. 36 ( * )

Enfin, les victimes contraintes de recourir à des procédures contentieuses se plaignent des difficultés, de la lenteur et du coût des procédures ; ainsi, notamment les expertises, dont la qualité est inégale et qui représentent une charge très lourde, sont perçues comme un obstacle important.

De très nombreux rapports, avant-projets ou propositions de loi ont été élaborés depuis une vingtaine d'années. Le plus récent est le rapport des inspections générales des affaires sociales et de services judiciaires (IGAS et IGSI) de 1999 : de nombreuses solutions préconisées par ce document, concernant notamment l'absence de réparation au titre de la solidarité nationale des accidents fondés sur la faute, l'assurance de responsabilité obligatoire, la création d'un fonds spécifique et de commissions régionales chargées de rendre un avis sur le régime d'indemnisation applicable,... ont été retenues dans le cadre du présent projet.

1.2. La portée du dispositif prévu

Le dispositif introduit par le présent projet de loi comporte les principaux objectifs suivants :

A titre préliminaire, il est précisé que ce dispositif vise à régler les difficultés rencontrées par les victimes d'accidents graves : la situation de détresse dans laquelle elles se trouvent nécessite qu'elles puissent accéder à une indemnisation d'accès facile et rapide.

L'efficacité sociale du dispositif serait compromise si ces commissions étaient encombrées par une masse de dossiers d'accidents mineurs qui peuvent être traités par la voie du droit commun. C'est pourquoi est défini un seuil d'entrée par un taux d'incapacité permanente ou temporaire qui sera fixé par voie réglementaire (ainsi que la durée dans le cas de l'incapacité permanente).

Par ailleurs, l'ensemble du titre III du projet de loi s'applique aussi bien aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales : en effet, celles-ci ne sont pas toujours des affections iatrogènes, dans la mesure où elles ne sont pas nécessairement imputables aux soins. Toutefois, cette différence technique est sans portée juridique quand il s'agit de dommages subis par les personnes malades qui ont contracté une infection au cours d'un séjour dans un établissement de santé ; cependant, pour éviter toute ambiguïté, le projet de loi mentionne de manière systématique à la fois les notions d'affections iatrogènes et d'infections nosocomiales.

Il fait clairement reposer la responsabilité des professionnels, des établissements de santé et des producteurs de produits de santé sur la notion classique de faute, dès lors qu'il permet aux victimes d'accidents graves sans faute d'être indemnisées. Ce principe s'accompagne de l'institution d'une obligation d'assurance responsabilité civile qui s'impose à tous les professionnels de santé exerçant à titre libéral, aux établissements et services de santé ainsi qu'aux producteurs de produits de santé.

Toutefois, les dispositions du projet ne remettent pas en cause la présomption de faute admise dans de nombreux cas par la jurisprudence, lorsque cette faute consiste en un défaut dans l'organisation ou le fonctionnement du service. Elles ne remettent pas non plus en cause la jurisprudence relative au manquement à l'obligation de sécurité en cas d'infection nosocomiale.

Il crée un dispositif spécifique d'indemnisation non contentieux, facile et d'accès rapide, tant en ce qui concerne les accidents engageant la responsabilité qu'en cas d'« aléa thérapeutique » : en l'absence de responsabilité, l'indemnisation sera versée par un établissement public administratif, l'office d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes, créé par le présent projet de loi.

Le dispositif ainsi institué ne constitue pas une procédure pré-contentieuse obligatoire pour les victimes. Le projet de loi prévoit seulement que, au cas où des procédures contentieuses sont conduites parallèlement, la victime a une obligation d'information afin d'éviter de doubles indemnisations ; par ailleurs, afin de préserver les droits des victimes en cas d'échec de la conciliation, les délais de prescription et de recours contentieux sont suspendus.

1.3. : en l'absence de responsabilité, l'indemnisation sera versée par un établissement public administratif, l'office d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes, créé par le présent projet de loi.

Le dispositif ainsi institué ne constitue pas une procédure pré-contentieuse obligatoire pour les victimes. Le projet de loi prévoit seulement que, au cas où des procédures contentieuses sont conduites parallèlement, la victime a une obligation d'information afin d'éviter de doubles indemnisations ; par ailleurs, afin de préserver les droits des victimes en cas d'échec de la conciliation, les délais de prescription et de recours contentieux sont suspendus.

1.3. Les avantages attendus

Le mécanisme d'assurance obligatoire a pour objectif essentiel la protection des victimes, à l'instar de ce qui existe en matière d'accidents de la circulation (loi n° 85-677 du 5 juillet 1985). De plus, les hypothèses d'absence d'assurance ou de refus de proposition d'une offre par l'assureur sont prévues par le projet de loi : dans de tels cas, l'office se substitue à l'assureur et se trouve, de ce fait, subrogé dans les droits de la victime.

La procédure non contentieuse instaurée par ce texte, encadrée par des délais précis, permet à la victime d'obtenir une indemnisation à la fois rapide et gratuite, l'expertise demandée par les commissions étant prise en charge par l'office d'indemnisation.

A cet égard, l'expertise médicale est l'objet d'une réforme importante, reposant, d'une part, sur la création d'une expertise spécifique en matière d'accidents médicaux et, d'autre part, sur l'instauration d'une liste nationale sur laquelle l'inscription des experts sera prononcée par une commission nationale des accidents médicaux.

Les victimes d'accidents médicaux non fautifs seront également indemnisées de l'ensemble de leurs préjudices au titre de la solidarité nationale par l'office d'indemnisation. A ce titre, elles bénéficient des mêmes dispositions que les victimes d'accidents fautifs (recours aux commissions régionales, expertise gratuite, encadrement de la procédure par des délais).

1.4. La mise en oeuvre du dispositif prévu

A) Obligation de responsabilité civile

L'obligation d'assurance responsabilité civile instituée par ce texte s'impose à tous les professionnels de santé exerçant à titre libéral, aux établissements et services de santé et à tout autre organisme exerçant des activités individuelles de prévention, de diagnostic ou de soins. Cette obligation d'assurance s'impose également aux producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé.

Le manquement à l'obligation d'assurance sera sanctionné pénalement, tant en ce qui concerne les personnes physiques que morales.

B) Procédure d'indemnisation

Saisine des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Celles-ci peuvent être saisies directement par toute victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins. Afin de préserver les droits des victimes en cas d'échec de la conciliation, les délais de prescription et de recours contentieux sont suspendus.

Lorsque le dommage présentera le caractère de gravité défini au niveau réglementaire, la commission pourra diligenter une expertise qui sera contradictoire, en principe collégiale et gratuite pour les victimes.

Elle devra rendre un avis, dans un délai de 6 mois, sur les circonstances les causes, la nature et l'étendue des dommages ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable.

S'agissant d'un avis, celui-ci ne sera pas directement susceptible de recours contentieux : il ne pourra être contesté qu'à l'occasion d'une action au fond.

Indemnisation

En cas d'avis concluant à l'existence d'une responsabilité, l'assureur de la personne désignée responsable (ou l'Etat, au titre de ses propres activités de soins) fait, dans un délai de quatre mois, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis, tenant compte des autres prestations indemnitaires reçues ou à recevoir ; cette offre pourra aussi n'avoir qu'un caractère provisionnel en l'absence de consolidation.

L'acceptation de la victime vaut transaction ; dans ce cas, l'assureur doit verser l'indemnité dans un délai d'un mois, sous peine d'intérêts de retard, et rembourser les frais d'expertise à l'office. Il dispose toutefois d'une action en justice contre l'office s'il estime que le dommage relève de l'aléa thérapeutique et donc de la solidarité nationale, ou contre le tiers responsable s'il estime que le dommage n'engage pas la responsabilité de la personne qu'il assure.

Toutefois, même si le dispositif ainsi prévu devrait permettre de régler de façon précontentieuse la majorité des demandes d'indemnisation, il est apparu nécessaire d'envisager les hypothèses suivantes : silence, refus de l'assureur, absence d'assurance. Ainsi, dans de tels cas, l'office se substitue à l'assureur et procède, de ce fait, comme le ferait celui-ci. Après acceptation de l'offre par la victime, l'office est subrogé dans les droits de celle-ci : le juge saisi fixe l'indemnité et condamne, le cas échéant, le responsable ou son assureur à verser à l'office une pénalité civile ; toutefois, quelle que soit la décision du juge, la victime conserve les indemnités reçues. Si la victime refuse l'offre faite par l'assureur, elle pourra saisir le juge compétent.

En cas d'avis concluant à l'existence d'un aléa thérapeutique, et lorsque le dommage présentera un caractère anormal au regard de l'acte médical et de l'état de santé du patient, l'office fera directement une offre d'indemnisation.

En cas de partage entre responsabilité et aléa, la commission évaluera la quotité de la responsabilité partielle.

1.5. L'impact en termes de formalités administratives

A) Obligation de responsabilité civile

L'instauration de cette obligation nouvelle devrait être de peu de conséquences pour les professionnels libéraux, qui sont actuellement très massivement assurés. S'agissant des établissements de santé, quelques gros établissements publics ne recourent pas à l'assurance, car ils ont un volume d'activité et un budget qui leur permettent de faire face aux conséquences financières des accidents dont ils peuvent être déclarés responsables. Il est apparu cependant préférable de généraliser l'assurance pour des raisons de rationalité économique. Seul, l'Etat est, comme il est de règle générale, dispensé de l'obligation d'assurance.

Cette obligation d'assurance s'accompagne logiquement d'un mécanisme de bureau central de tarification. Il importe en effet de régler les quelques rares cas de professionnels qui rencontrent des difficultés pour s'assurer : après deux refus, les professionnels concernés pourront saisir cet organisme qui fixera la prime et désignera l'organisme d'assurance. Les dispositions correspondantes sont insérées dans le code des assurances.

B) Procédure d'indemnisation

Le dispositif d'indemnisation amiable, s'il représente une « économie » en termes de procédures contentieuses, nécessite la création d'un établissement public administratif, d'une commission nationale et de commissions régionales mettant toutefois en oeuvre une procédure relativement simple.

Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes

Cet office sera placé sous la tutelle du ministre de la santé. Son conseil d'administration sera notamment composé, outre son président, pour moitié de représentants de l'Etat et pour moitié de représentants des usagers, des professionnels et établissements de santé, d'organismes d'assurance maladie et du personnel ainsi que de personnalités qualifiées. Le président du conseil d'administration et le directeur seront nommés par décret. Le financement sera essentiellement assuré par l'assurance maladie.

Des décrets détermineront les modalités de son fonctionnement administratif et financier.

Commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Ces commissions régionales, présidées par un magistrat, comprendront des représentants des usagers, des professionnels, des établissements et services de santé ainsi que des représentants de l'office et des entreprises d'assurance. Les moyens de fonctionnement des commissions seront supportés par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes.

Commission nationale des accidents médicaux

Cette commission, placée auprès des ministres chargés de la justice et de la santé, aura pour rôle de prononcer l'inscription des experts sur une liste nationale d'experts en accidents médicaux.

La commission nationale sera également chargée d'établir des recommandations sur la conduite des expertises, de veiller à une application homogène de la loi et de remettre un rapport annuel d'évaluation du dispositif. L'ensemble de ces missions est de nature à conférer à la commission nationale une autorité morale et scientifique qui en fera la garante de la qualité de cette expertise rénovée.

Pour pouvoir être inscrits sur la liste nationale des experts en accidents médicaux, ceux-ci devront justifier d'une qualification vérifiée par une évaluation des connaissances et des pratiques professionnelles. L'inscription sera valable cinq ans et son renouvellement subordonné à une nouvelle évaluation.

2. IMPACT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE

2.1. L'impact sur l'intérêt général

L'impact sur l'intérêt général découle des éléments exposés précédemment.

La date d'application de ces dispositions d'indemnisation (hormis l'obligation d'assurance et dispositions pénales) sera rétroactive : le dispositif s'appliquera aux accidents médicaux survenus au plus tôt six mois avant la publication de la loi.

2.2. Les incidences financières

Les deux principaux volets du dispositif que constituent l'aide aux victimes d'accidents médicaux par l'instauration de procédures spécifiques de conciliation et par la création d'un nouveau droit à indemnisation pour les accidents qui n'engagent pas la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement entraînent des charges financières nouvelles :

au titre de l'aide aux victimes, devront être financés les coûts de fonctionnement des commissions régionales, le coût des expertises et une partie des coûts de fonctionnement de l'office (correspondant à l'instruction des dossiers quand l'office se substitue à l'assureur) ;

quant à l'indemnisation des aléas thérapeutiques, la charge financière est constituée par les indemnités versées et les coûts administratifs afférents à l'instruction des dossiers et au versement des indemnités.

A) Fonctionnement du dispositif d'indemnisation

Le coût de fonctionnement de l'office et des commissions régionales serait d'environ 150 millions de francs à 170 millions de francs.

Fonctionnement des commissions régionales

A ce titre, il conviendra de rémunérer les membres des commissions et le personnel. Compte tenu de la possibilité de créer des commissions interrégionales, un effectif total de 75 agents est envisageable. Au total, le coût de fonctionnement des commissions régionales serait de 20 millions de francs à 25 millions de francs.

Fonctionnement de l'office

Celui-ci serait effectivement mis en place à compter de 2003. Le nombre total de dossiers est estimé à 10.000 par an. On peut considérer que les aléas thérapeutiques ainsi que les cas où l'office devra se substituer à l'assureur représenteront moins de la moitié de ces dossiers. Hors expertise, le coût administratif d'un dossier est de 2.000 francs environ. Soit un total pour les frais de fonctionnement de l'office d'environ 10 millions de francs à 15 millions de francs.

Expertises

A ce titre, la charge serait de l'ordre de 200 millions de francs, le coût moyen d'un dossier étant de 20.000 francs. Toutefois la moitié au moins de ces coûts seraient récupérés sur les responsables des accidents (ou leurs assureurs) : la charge réelle représenterait donc environ 100 millions de francs.

Il convient en effet d'envisager une dépense relativement élevée sur cet élément du dispositif, du fait de l'objectif de ce texte d'améliorer le traitement des accidents médicaux, fautifs ou non, en instaurant des procédures efficaces ; ainsi, la collégialité de l'expertise, source importante du renchérissement des coûts, constitue une condition de l'indépendance et de la transparence de celle-ci.

B) Indemnités versées

Le chiffrage du coût des indemnités versées par l'office dépend de différents éléments, notamment la répartition entre accidents fautifs et non fautifs et la proportion d'accidents situés au-dessus du seuil de gravité qui sera défini au niveau réglementaire.

A partir des données disponibles sur les déclarations de sinistres faites aux assureurs, et en tenant compte d'un effet d'appel plus ou moins important, la charge d'indemnisation des aléas peut être estimée de 1 à 1,5 milliard de francs, pour un nombre total de dossiers reçus par les commissions (accidents fautifs, aléas et demandes hors champ) qui seraient au maximum, selon une hypothèse très haute, de 10.000.

C) Modalités de financement

Il est prévu un financement de l'ensemble du dispositif par l'assurance maladie.

L'article 62 du projet de loi confie à l'office la mise en oeuvre de la réparation légale des accidents consécutifs à une vaccination obligatoire, sans changer les règles spécifiques de cette réparation prévue à l'article L. 3111-9 du code de la santé publique. Une convention entre l'Etat et l'office définira les modalités du financement de cette réparation, qui reste à la charge de l'Etat.

2.3. Impact sur l'emploi

La mise en place de ce dispositif sera créatrice d'emploi : le personnel de l'office et des commissions régionales devrait représenter une centaine d'agents (75 au titre des commissions et 25 au titre de l'office).

Article 61

1. IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF

1.1. Nécessité des modifications proposées

Les personnes contaminées par le V.H.C. à la suite d'une transfusion l'ont été pour la plupart à une date ancienne (avant 1990) et rencontrent, de ce fait, des difficultés pour prouver que leur contamination est imputable à la transfusion, comme c'est la règle dans une procédure civile.

1.2. Portée du dispositif prévu

L'article 61 du présent projet de loi introduit une présomption de lien de causalité entre une contamination par le virus de l'hépatite C et une transfusion sanguine ou une injection de produits dérivés du sang, applicable à la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi.

Il est prévu que c'est le juge qui devra former sa propre conviction, d'une part, au vu des éléments apportés par chacune des parties, et d'autre part, après mesures d'instruction qu'il aura lui-même ordonnées ; en cas de doute, celui-ci profitera à la victime.

1.3. Avantages attendus

Bien que les jurisprudences administrative et judiciaire aient adapté progressivement le régime de preuve applicable, par la reconnaissance d'une certaine présomption de contamination, il est souvent difficile, pour une victime d'hépatite d'origine transfusionnelle de faire valoir ses droits en raison en particulier du délai souvent très long (jusqu'à 20 ans) entre la contamination et l'apparition de la maladie.

C'est pourquoi cette mesure clarifie les règles de preuve et permettra aux victimes de bénéficier de procédures plus faciles.

1.4. Impact en termes de formalités administratives

Néant.

2. IMPACT SOCIAL, ECONOMIQUE ET BUDGETAIRE

2.1. Impact sur l'intérêt général

Cette mesure est de nature à faciliter l'indemnisation des victimes d'une contamination transfusionnelle par le V.H.C.

2.2. Incidences financières

Pour l'année 2000, en l'absence de mesure législative relative à l'imputabilité des contaminations, le nombre de dossiers ouverts a été de 260 dont 162 ont abouti dans un sens favorable à la victime, pour un coût en dommages-intérêts de 38 millions de francs.

La mesure devrait créer un effet d'appel qu'il est aujourd'hui impossible d'évaluer.

2.3. Impact sur l'emploi

Néant.

* 1 Rapport d'information n° 433 (1998-1999) fait par M. Charles Descours, au nom de la commission des Affaires sociales.

* 2 Proposition de loi organique n° 268 (2000-2001).

* 3 Texte adopté par l'Assemblée nationale n° 757 (10 janvier 2002)

* 4 On mesure là les difficultés qu'entraîne la pratique regrettable consistant à renuméroter des articles du code de la santé publique.

* 5 « Les lois de financement de la sécurité sociale : un acquis essentiel, un instrument perfectible », rapport d'information de M. Charles Descours présenté au nom de la commission des Affaires sociales (n°433, 1998-1999).

* 6 L'arrêt du 5 mars 1999 considère que « Les orientations et les objectifs présentés par le rapport accompagnant la loi de financement de la sécurité sociale ne sont pas revêtus de la portée normative qui s'attache aux dispositions de celle-ci ».

* 7 n°268 (2000-2001).

* 8 JO Débats Assemblée nationale, 1 ère séance du 4 octobre 2001, p. 5497.

* 9 Contrairement à ce que semble indiquer l'exposé des motifs (n° 3258, p. 38), les usagers étaient déjà représentés au sein des conférences régionales de santé.

* 10 Cf. tome III (annexe) du présent rapport.

* 11 Rapport n°3263, titre II, page 11.

* 12 Le code de déontologie est édicté sous la forme d'un décret en Conseil d'Etat.

* 13 Débats Assemblée nationale, 2 ème séance du 4 octobre 2001, JO p. 5520.

* 14 Débats Assemblée nationale, 2 ème séance du 4 octobre 2001, JO p. 5520.

* 15 Voir à ce propos le rapport n° 275 - Tome I (2000-2001) de notre ancien collègue Claude Huriet, p. 132.

* 16 Rapport n° 3263, précité, p. 20.

* 17 Voir tome III (annexe) du présent rapport.

* 18 Rapport n° 376, Tome II, 1998-1999, p. 63.

* 19 Le projet de loi initial la portait à cinq.

* 20 On rappellera que le conseil national comprend en outre deux pharmaciens membres de l'académie nationale de pharmacie (avec voix délibérative) et deux représentants des ministres chargés de la santé et de l'outre-mer (avec voix consultative).

* 21 Anne-Marie Brocas, « Rapport sur l'exercice libéral des professions paramédicales », 1998.

* 22 « Rapport sur la création d'un office des professions paramédicales », juin 2001.

* 23 En outre, les candidats aux élections des chambres disciplinaires doivent être de nationalité française.

* 24 JO, Débats AN, 2 e séance du 4 octobre 2001, p. 5539.

* 25 Ainsi, comme l'observe M. Bernard Charles dans son rapport, « le juge (...) ne condamne plus les ostéopathes non-médecins pour exercice illégal de la médecine ».

* 26 Didier Tabuteau, conseiller d'Etat, maître de conférences à l'Ecole polytechnique, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, in « Les nouvelles ambitions de la politique de prévention », Droit social, n°12, décembre 2001, p. 1085-1089.

* 27 Voir tome III (annexes) du présent rapport.

* 28 Droit social, décembre 2001, op. cit., p. 1089.

* 29 Cf. rapport Assemblée nationale, n°3263, titre II, p. 72-73.

* 30 JO Débats Assemblée nationale, 2 ème séance du 4 octobre 2001, p. 5556.

* 31 Rapport Sénat n° 277 (2000-2001).

* 32 On notera que, pour des raisons inconnues, il n'y a pas d'article L. 1142-13.

* 33 Projet de loi n° 3258 relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé déposé à l'Assemblée nationale, p. 71.

* 34 Journal officiel de la Polynésie française - 3 janvier 2002, p. 18.

* 35 Les comptes rendus figurant dans le présent rapport ont été adressés aux personnes auditionnées afin qu'elles puissent en valider la teneur.

* 36 Ainsi, par exemple, on constate un doublement des réclamations civiles et pénales entre 1993 et 1998 ; le coût de la responsabilité hospitalière a été multiplié par 6 entre 1988 et 1998.

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