Rapport n° 244 (2001-2002) de M. Henri de RICHEMONT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 février 2002

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N° 244

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 février 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative au nom patronymique ,

Par M. Henri de RICHEMONT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; M. Patrice Gélard, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Lucien Lanier, Jacques Larché, Gérard Longuet, Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 132 , 1012, 2709, 2911 et T.A. 639

Sénat : 225 (2000-2001)

État civil.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mardi 19 février 2002, sous la présidence de M. René Garrec, président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Henri de Richemont, la proposition de loi relative au nom patronymique (n° 225 ; 2000-2001).

Le rapporteur a souligné que les règles de dévolution du nom se caractérisaient par une grande stabilité au profit d'une priorité paternelle résultant de la coutume et de la jurisprudence, pour les enfants légitimes, et de la loi, s'agissant des enfants nés hors mariage et des enfants adoptés.

Après avoir noté la diversité des régimes de dévolution du nom dans les pays de l'Union européenne, il a indiqué que l'attachement au nom paternel demeurait ancré dans les pratiques, le modèle de la famille légitime inspirant les autres schémas familiaux (sept enfants nés hors mariage sur dix portant le nom paternel).

Il a toutefois fait valoir qu'une évolution des règles de transmission du nom s'avérait souhaitable compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme selon laquelle l'égalité des sexes constitue « un but important des Etats membres du Conseil de l'Europe ». En revanche, il s'est déclaré plus réservé à l'égard des arguments selon lesquels, d'une part, il existerait une demande massive en faveur d'un bouleversement des règles actuelles de dévolution du nom et, d'autre part, le système actuel conduirait à un appauvrissement du stock de noms en France.

Soucieux de promouvoir une évolution en douceur des règles de transmission du nom patronymique, tout en demeurant attaché à la tradition multiséculaire française et aux comportements actuels des Français, le rapporteur a jugé nécessaire d'adopter un dispositif différent du système proposé par l'Assemblée nationale , qui prévoit en particulier, en cas de désaccord entre les parents, d'attribuer à l'enfant le nom accolé des deux parents dans l'ordre alphabétique.

Sur la proposition du rapporteur, la commission des Lois soumet au Sénat 26 amendements ayant notamment pour objet de :

- conserver la triple option ouverte aux parents en cas d'accord entre eux, proposée par les députés (choix entre le nom du père, celui de la mère, double nom composé de l'accolement du nom de chaque parent dans la limite d'un nom transmis et dans un ordre choisi par eux), tout en prévoyant la transmission automatique du nom du père en cas de désaccord ou d' abstention de choix des parents , dans l'hypothèse de l'établissement simultané de la filiation ;

- décliner ce dispositif à l'enfant légitimé par mariage ou par autorité de justice, à l'enfant adopté par deux époux (dans le cas d'une adoption simple comme dans le cas d'une adoption plénière) ;

- conserver la possibilité, ouverte par la loi du 23 décembre 1985, de porter un nom d'usage, consistant à ajouter à son nom le nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien ;

- assouplir les critères autorisant la procédure administrative de changement de nom afin que la volonté d'adjoindre le nom du parent qui n'a pas transmis le sien puisse constituer un intérêt légitime ;

- rendre applicable les dispositions de la présente loi aux seuls enfants nés postérieurement à sa promulgation, à condition que les parents n'aient pas eu ensemble d'autres enfants avant cette date.

La commission a adopté la présente proposition de loi ainsi modifiée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en première lecture de la proposition de loi relative au nom patronymique adoptée en séance publique le 8 février 2001 à l'Assemblée nationale 1 ( * ) , à la suite d'une inscription à l'ordre du jour demandée par le groupe socialiste en vertu de l'article 48-3 de la Constitution.

Cette proposition de loi a pour objet de modifier le régime juridique de l'attribution du nom patronymique afin de permettre aux parents de choisir le nom dévolu à leur enfant entre trois possibilités, soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les noms accolés des deux parents dans l'ordre de leur choix.

Depuis le Moyen Age le nom, facteur d'identification, a reflété le rattachement à la cellule familiale. La prééminence paternelle s'est imposée par l'usage. En ce qui concerne les enfants légitimes, cette stabilité du droit français n'a pas été altérée par l'introduction du nom d'usage, non transmissible, consacré par la loi du 23 décembre 1985, permettant à toute personne qui le souhaite d'accoler à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. Cette innovation marqua la première étape d'une réforme des règles de dévolution du nom visant à assurer une plus stricte égalité entre les hommes et les femmes.

Votre commission des Lois partage le souci des députés de favoriser une évolution du droit en vigueur au regard des nombreuses mutations qui affectent l'institution familiale .

Force est de constater qu'une plus grande égalité entre les hommes et les femmes dans l'exercice de l'autorité parentale s'est manifestée à travers la législation comme dans les modes de vie. La jurisprudence européenne 2 ( * ) et les recommandations du Conseil de l'Europe ont amplifié ce mouvement en exigeant que les différentes législations relatives à la transmission du nom veillent à respecter le principe de non-discrimination entre les hommes et les femmes.

L'ensemble de ces considérations avait d'ailleurs conduit votre rapporteur à cosigner une proposition de loi déposée par M. Bernard Murat et les membres du groupe du Rassemblement pour la République 3 ( * ) , tendant à introduire un dispositif analogue à celui du présent texte.

Néanmoins, la réforme des règles de transmission du nom est apparue comme une question très délicate imposant la difficile conciliation entre le principe d'égalité entre hommes et femmes et le respect de la stabilité des règles de l'état civil .

Compte tenu de l'appréciation très réservée à l'égard des modalités retenues par la présente proposition de loi formulée par le garde des Sceaux lors de la discussion de ce texte en séance publique à l'Assemblée nationale 4 ( * ) , votre rapporteur a été conduit à se poser plusieurs questions de principe. Faut-il mettre en place un système de transmission à option au seul bénéfice des parents de l'enfant ? L'enfant devenu adulte ne peut-il remettre en cause le choix effectué par ses parents pour déterminer lui-même le nom qu'il portera ? A l'heure où la place du père au sein de la famille est ressentie par certains comme fragilisée, est-il souhaitable d'affaiblir le lien qui l'unit à son enfant ?

Votre commission s'est également interrogée sur l'opportunité de légiférer « à la sauvette » à l'aube de deux grandes réformes concernant la filiation et l'autorité parentale. Comme l'a indiqué Mme Marylise Lebranchu, garde des Sceaux, « il eut en effet été logique de n'aborder la modification des règles de dévolution du nom qu'après avoir rénové le droit de la filiation et de l'autorité parentale ».

Depuis l'adoption par les députés de la présente proposition de loi qui vous est soumise, d'autres aspects du droit de la famille ont toutefois été abordés, à nouveau de manière très parcellaire à travers une autre proposition de loi relative à l'autorité parentale 5 ( * ) .

Votre commission des Lois a essayé de contribuer au débat de manière dépassionnée. Pour éclairer sa réflexion sur cette question, elle a souhaité recueillir l'avis de plusieurs spécialistes ainsi que celui du garde des Sceaux, au cours d'une journée d'auditions publiques qui s'est déroulée le 20 juin dernier 6 ( * ) .

Elle a souhaité promouvoir une solution plus conforme à l'aspiration émergente d'une plus stricte égalité entre les hommes et les femmes dans les règles de dévolution du nom, sans porter une atteinte disproportionnée à la nécessaire stabilité des noms et à une tradition française multi-séculaire .

Elle vous exposera ses propositions après avoir procédé à l'analyse du contexte juridique dans lequel s'inscrit l'examen de cette proposition de loi et avoir rappelé les travaux de l'Assemblée nationale.

I. LE RÉGIME JURIDIQUE  DE DÉVOLUTION DU NOM : UN MÉCANISME ÉPROUVÉ CORRESPONDANT À DES PRATIQUES LARGEMENT MAJORITAIRES

A. UN SYSTÈME DE DÉVOLUTION DU NOM ORIGINAL, HÉRITÉ DE L'HISTOIRE ET MARQUÉ PAR LA PRIORITÉ PATERNELLE

1. Des règles de transmission du nom héritées de l'Histoire, fondées sur l'automaticité et la priorité paternelle

a) le régime actuel se fonde sur une coutume héritée de huit siècles d'histoire

En l'absence de toute réglementation d'ensemble relative à la détermination du nom, la coutume puis la jurisprudence ont défini les règles relatives à la dévolution du nom patronymique qui demeurent le fondement du régime actuel applicable à l'enfant légitime et à l'enfant légitimé par mariage.

Depuis le XI ème siècle 7 ( * ) , époque marquant la fixation des noms de famille, les enfants par un usage répété portent le nom de famille de leur père, héritage transmis de génération en génération. D'une institution sociale, le nom est devenu sous l'Ancien régime 8 ( * ) une institution de police permettant de contrôler le paiement de l'impôt et de faciliter la conscription. La Révolution française a achevé cette évolution en inscrivant le principe d'immutabilité du nom à l'article premier de la loi du 6 Fructidor an II, qui interdit de prendre un autre nom que celui exprimé dans l'acte de naissance. Bien que la prééminence paternelle n'y soit pas mentionnée explicitement, ce texte a néanmoins contribué au maintien des règles existantes et partant, au renforcement de cette coutume.

La règle selon laquelle le nom du père est automatiquement attribué à l'enfant légitime, compte tenu de son évidence, ne figure pas dans le code civil , de même que le nom ne figure pas dans l'acte de naissance 9 ( * ) . Cette règle a d'ailleurs été confirmée par la jurisprudence 10 ( * ) .

Elle se fonde sur la présomption de paternité du père de l'enfant légitime, comme le précise l'article 312 du code civil, selon lequel « l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari », reprenant la maxime ancienne pater is est . L'enfant né dans une famille légitime ne peut acquérir le nom de sa mère, à moins d'utiliser la procédure de changement de nom régie par l'article 61 du code civil, soumise à un strict régime d'autorisation.

L'enfant légitimé par le mariage de ses parents se voit conférer les mêmes droits et devoirs que l'enfant légitime, auquel il est assimilé, comme le dispose l'article 332-1 du code civil. A l'instar de l'enfant légitime, le nom du père est donc, à l'occasion de la légitimation, automatiquement transmis à l'enfant, sous réserve de son consentement s'il est majeur 11 ( * ) .

La prééminence paternelle dans les règles de transmission du nom se trouve naturellement prolongée par le fait que la femme mariée en France porte le plus souvent, à titre d'usage, le nom de son mari dans sa vie sociale. Il convient de préciser que le nom de la femme mariée, qui peut adjoindre ou substituer le nom de son conjoint, n'est qu'un nom d'usage (voir ci-après I-A-2-a). Ce nom d'usage ne peut se substituer à son nom de naissance « dit de jeune fille » qui demeure son véritable nom patronymique. Une enquête menée en 1995 12 ( * ) fait ressortir que 91 % des femmes mariées interrogées utilisaient le nom de leur mari, 7 % l'accolement des deux noms et 2 % leur nom de jeune fille. La pratique du nom du mari est donc massive chez les femmes mariées en France. L'unité du nom de famille, marquée par la prééminence masculine caractérise donc le modèle de la famille légitime.

b) l'intervention du législateur a conforté la coutume

Le législateur a complété ce régime coutumier par touches successives, en s'efforçant de suivre des règles analogues à celles prévalant pour l'enfant légitime s'agissant de l'enfant naturel, de l'enfant légitimé par décision de justice et de l'enfant adopté .

Actuellement seul l'enfant né de parents inconnus porte un nom totalement étranger à son lien de filiation, puisqu'il est déterminé par l'officier de l'état civil 13 ( * ) .

• L'enfant légitimé par une décision de justice rendue à l'égard de ses deux parents prend le nom du père, en vertu de l'article 333-5 du code civil 14 ( * ) . A contrario, une décision rendue à l'égard d'un seul parent n'emporte pas modification du nom de l'enfant 15 ( * ) .

• L'attribution du nom d'un enfant naturel est également marquée par la prééminence paternelle.

La priorité chronologique constitue la règle de principe de dévolution du nom patronymique, compte tenu de la nature divisible de la filiation naturelle. L'enfant naturel acquiert le nom du parent à l'égard de qui sa filiation a été établie en premier lieu. Cette hypothèse constitue une exception dans le régime de dévolution du nom. Le nom de la mère, comme celui du père peut donc être transmis à l'enfant naturel, l'élément déterminant résidant dans la chronologie de l'établissement de la filiation 16 ( * ) . Il existe donc une inégalité entre l'enfant naturel et l'enfant légitime pour lequel le seul nom du père s'impose.

Cette inégalité  est renforcée par la possibilité pour l'enfant né hors mariage de prendre le nom du père, par dérogation au principe de priorité chronologique. En cas de filiation établie simultanément à l'égard des deux parents, en application de l'article 334-1 du code civil, l'enfant acquiert le nom de son père. Le législateur a cherché à donner à l'enfant naturel l'apparence d'un enfant légitime dès lors que la situation familiale des parents le permettait. Contrairement à l'enfant légitime pour lequel une seule et unique règle s'impose, l'enfant né hors mariage peut donc se voir attribuer un nom soit selon le principe chronologique soit selon une règle automatique.

De plus, trois tempéraments permettent également d'assouplir le principe de priorité chronologique au bénéfice de la transmission du nom du père :

- l'article 334-2 du code civil permet aux parents de substituer le nom du père au nom maternel porté par l'enfant, par le biais d'une déclaration conjointe déposée devant le greffier en chef du tribunal de grande instance 17 ( * ) . Le consentement de l'enfant âgé de plus de treize ans est toutefois requis 18 ( * ) .

- l'article 334-3 du code civil permet aux parents en cas de conflit, ainsi qu'à l'enfant lui-même 19 ( * ) , de présenter une demande devant le juge aux affaires familiales afin de substituer le nom de l'autre parent, qu'il s'agisse du nom paternel ou du nom maternel. Cette procédure contentieuse, à la différence de la déclaration conjointe, permet une substitution sans distinction selon l'origine du nom, l'intérêt de l'enfant constituant le seul critère d'appréciation des juges du fond.

- La dation du nom ou encore « adoption en mineur », selon l'expression de M. Jean Foyer 20 ( * ) , figurant à l'article 334-5 du code civil, constitue la dérogation la plus originale à la préférence chronologique . Innovation de la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972, inspirée des législations suisse et germanique, elle permet à l'enfant naturel de porter le nom du mari de sa mère par substitution au nom maternel transmis à l'enfant . Une simple déclaration de la mère et de son mari doit être déposée au greffier en chef du tribunal de grande instance. Le consentement de l'enfant de plus de treize ans est requis. Ce dernier, dans les deux années de sa majorité, peut néanmoins demander au juge aux affaires familiales à reprendre le nom qu'il portait auparavant.

• Le régime du nom attribué à l' enfant adopté diffère selon le mode d'adoption, sous réserve d'un dénominateur commun : la prééminence paternelle .

L'adoption plénière , contrairement à l'adoption simple, ne laisse subsister aucun lien entre l'enfant adopté et sa famille d'origine. Par conséquent, le nom porté par l'enfant sera celui de l'adoptant (article 357, alinéa premier). A l'instar de l'enfant légitime, la priorité accordée au nom paternel constitue la règle de principe. D'une part, en cas d'adoption conjugale, l'adopté prendra automatiquement le nom de son père adoptif. D'autre part, la dation du nom du mari de la mère adoptive pourra également être demandée dans le cadre d'une adoption, y compris dans l'hypothèse où ce dernier serait décédé 21 ( * ) , en application du dernier alinéa de l'article 357 du code civil.

L'adoption simple , quant à elle, confère à l'enfant le nom de l'adoptant accolé an nom d'origine de l'adopté. L'adoption simple constitue donc actuellement l'unique hypothèse dans laquelle le double nom, reflet de la double appartenance familiale, est autorisé à titre officiel et mentionné dans les actes d'état civil (article 363, premier alinéa du code civil). Une dérogation en faveur d'une substitution pure et simple du nom de l'adoptant au nom d'origine de l'adopté est admise (article 363, deuxième alinéa du code civil). Elle est prononcée par le tribunal à la demande de l'adoptant, sous réserve du consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans. La prééminence paternelle dans le cas d'une adoption simple est doublement assurée :

- en cas d'adoption par deux époux, le nom du père sera selon le cas, soit accolé au nom d'origine, soit à la demande des parents, substitué à celui-ci ;

- la « dation » du nom du mari de l'adoptante 22 ( * ) , permettra au tribunal de conférer à l'adopté le nom du mari de la mère adoptive, 23 ( * ) en application de l'article 361 du code civil (par un jeu de renvoi à l'article 357).

2. Un changement de nom strictement encadré, par cohérence avec l'automaticité des règles de dévolution

Le principe de l'immutabilité du nom patronymique, déjà en vigueur sous l'ancien régime, a été clairement posé par la loi du 6 Fructidor an II après une brève période durant laquelle le changement de nom avait été largement ouvert 24 ( * ) . L'article premier de cette loi dispose qu' « aucun citoyen ne pourra porter de nom, ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance. Ceux qui les auraient quittés sont tenus de les reprendre ». Certains assouplissements permettent néanmoins de tempérer la rigueur de cette règle.

a) Le nom d'usage, un assouplissement récent du principe d'immutabilité du nom

L'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs a introduit le nom d'usage , en permettant à toute personne majeure d'« ajouter à son nom le nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien » 25 ( * ) . Les enfants mineurs, par l'intermédiaire des titulaires de l'autorité parentale sont également autorisés à exercer cette faculté,  leur consentement n'étant toutefois pas requis.

Ce nom d'usage doit donc obligatoirement comprendre le nom patronymique. Comme celui de l'homme marié 26 ( * ) ou de la femme mariée 27 ( * ) , il ne se substitue pas au nom patronymique et ne figure ni sur les registres de l'état civil, ni sur le livret de famille. A la différence du nom patronymique, il n'est pas transmissible, mais uniquement mentionné sur les documents administratifs (permis de conduire, carte de sécurité sociale). Il s'apparente à un nom d'emprunt utilisé dans la vie sociale, permettant, dans la vie quotidienne, de marquer sa double filiation, sans nécessairement recourir à un changement de nom officiel . Cette réforme n'a pas affecté l'organisation des services de l'état civil. L'ordre d'accolement des deux noms est libre. Le port du nom d'usage issu de la loi de 1985 est exclusif de l'usage du nom du conjoint 28 ( * ) . Sa portée reste limitée au pouvoir de la volonté.

Cette disposition introduite à l'initiative de Mme Denise Cacheux, rapporteure de la loi à l'Assemblée nationale, avait à l'époque constitué un des points d'achoppement des débats parlementaires. Il s'agissait avant tout de présenter une « mesure d'égalité et de justice [...] [et de] réaliser une première avancée dans [le] domaine [des règles de transmission du nom] 29 ( * ) ». Cependant au cours de la discussion, à l'instar des sénateurs, M. Robert Badinter, garde des Sceaux, tout en soulignant la légitimité d'une telle préoccupation avait soulevé un certain nombre d'objections et jugé préférable une solution plus souple ne bouleversant pas profondément le système en vigueur.

b) Les changements de nom autorisés, exceptions strictes au principe d'immutabilité du nom

• Le changement d'état d'un enfant autorise le changement de nom.

L'attribution du nom est étroitement liée à l'appartenance familiale. Le nom est un nom de famille. Une famille c'est notamment un nom. Le nom figure d'ailleurs au premier rang des éléments de la possession d'état 30 ( * ) , preuve générale de la filiation, comme le dispose l'article 311-2 du code civil. Cependant, afin de refléter le plus fidèlement possible chaque situation familiale, le nom d'un enfant peut être amené à changer automatiquement, à la suite d'une modification de son lien de filiation.

La transformation du lien de filiation peut entraîner une modification du nom de l'enfant. Elle peut être liée :

- à une destruction du lien de filiation à la suite d'une annulation de l'acte de reconnaissance d'un enfant naturel (reconnaissance mensongère) ou d'une contestation de la paternité légitime du mari de la mère 31 ( * ) ;

- à l'établissement d'un lien de filiation nouveau : la reconnaissance ultérieure d'un enfant pour lequel le secret de la naissance avait été demandé, provoque l'éviction du nom qui lui avait été donné par l'officier de l'état civil 32 ( * ) .

La loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales a néanmoins apporté un tempérament à ce principe en subordonnant le changement de nom au consentement des enfants majeurs en vertu du deuxième alinéa de l'article 61-3 du code civil 33 ( * ) .

• L'acquisition ou la réintégration de la nationalité française peut également autoriser une modification du nom de famille, en application de la loi n° 72-964 du 25 octobre 1972 relative à la francisation des noms et prénoms des personnes qui acquièrent ou recouvrent la nationalité française. La francisation du nom selon une procédure simplifiée vise à faciliter une meilleure intégration dans la communauté française des étrangers qui deviennent français.

Cette procédure est ouverte à toute personne acquérant ou recouvrant la nationalité française lorsque l'apparence, la consonance ou le caractère de son nom peut gêner son intégration dans la communauté française. Elle permet soit la traduction en langue française d'un nom, soit sa modification afin de lui faire perdre son caractère étranger, ou encore la reprise d'un nom porté par un ascendant français. La demande peut être présentée dans un délai d'un an à compter de l'acquisition de la nationalité ou de la réintégration dans la nationalité. Elle est accordée par un décret simple. Il peut être fait opposition dans un délai de deux mois, à compter de la publication de ce décret publié au Journal Officiel.

La mention du nom francisé sera portée d'office sur réquisition du procureur de la République du lieu de domicile du bénéficiaire en marge de ses actes de l'état civil, et le cas échéant de ceux de son conjoint et de ses enfants (article 12 de la loi du 25 octobre 1972). Ce nom francisé peut faire l'objet d'une procédure ultérieure de changement de nom (article 12-1). La francisation s'impose aux enfants mineurs de moins de treize ans. Au-delà de cet âge, leur consentement est requis, conformément à l'article 61-3 du code civil.

• Le changement de nom justifié par un intérêt légitime 34 ( * )

Le changement de nom, motivé par un intérêt légitime est régi par la procédure administrative prévue aux articles 61 à 61-4 du code civil, introduits par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 précitée ayant assoupli la loi du 11 Germinal an XI 35 ( * ) instaurant la possibilité pour un citoyen de changer de nom.

L'utilisation d'un nom d'usage ne saurait entraîner automatiquement une modification du nom patronymique. Malgré la réforme de 1993, la mise en oeuvre de cette procédure est strictement encadrée et se caractérise par un certain formalisme destiné à garantir le respect des règles de stabilité de l'état civil.

La demande motivée de l'intéressé est adressée au garde des Sceaux, en application du décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 et instruite par le service du Sceau 36 ( * ) . Une enquête peut être demandée par le garde des Sceaux au procureur de la République près le tribunal de grande instance du lieu de résidence de l'intéressé. En cas de difficulté, l'avis de Conseil d'État peut être recueilli 37 ( * ) . Ce changement autorisé par décret simple, en vertu de l'article 61, troisième alinéa du code civil, est rendu définitif à l'issue d'un délai de deux mois à compter de sa publication au Journal Officiel, pendant lequel une opposition peut être formée. Le refus d'admission est motivé et notifié par le garde des Sceaux au demandeur, ce qui n'exclut pas que la demande puisse être renouvelée ultérieurement.

L'autorisation du changement de nom relève donc d'une procédure discrétionnaire puisqu'il appartient au garde des Sceaux de définir ce qui constitue un intérêt légitime, sous le contrôle du Conseil d'État, compétent pour connaître en premier et en dernier ressort des oppositions aux changements de noms 38 ( * ) .

L'article 61 du code civil ne donne qu'une illustration de ce qui peut constituer un intérêt légitime, en disposant que « le changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré ». En pratique, la Chancellerie fait généralement droit aux demandes de changement de nom motivées par le désir de franciser un nom à consonance étrangère, d'abandonner un nom grotesque ou criminel, d'obtenir l'accolement d'un autre nom pour éviter la confusion avec un autre nom ou de porter un pseudonyme sous lequel une réputation a été acquise. Les cas d'admission concernant une demande affective sont en revanche plus rares. On note néanmoins une différence d'appréciation entre les demandes affectives couplées avec une autre motivation qui font l'objet d'un traitement privilégié (66 % des requêtes acceptées en 1995) et les demandes purement affectives qui aboutissent plus difficilement (un quart de ces demandes a été accordé en 1995, contre 40 % en 1990).

1.038 requêtes ont été déposées en 1995, traduisant un accroissement de 30 % par rapport à 1991 (793 requêtes), parmi lesquelles 730 ont été accordées (soit 73 % des demandes), 266 ont été rejetées (soit 27 %), et 36 dossiers ont fait l'objet d'un désistement. Le nombre des requêtes accordées en 1995 39 ( * ) (73 %) a enregistré une baisse par rapport à 1991 (79 %).

Compte tenu de « l'effet collectif » qui s'attache au nom, reflet d'une appartenance familiale, le changement de nom s'impose de plein droit aux enfants du bénéficiaire âgés de moins de treize ans (article 61-2 du code civil) ; au-delà de cet âge leur consentement est requis. Ce changement de nom ne constitue qu'un effet secondaire de la demande des parents 40 ( * ) . Les enfants majeurs sont en revanche tenus de se joindre à la requête.

Les formes du changement de nom sont variables. En 1995, les demandes de substitution ont représenté 60 % du total des dossiers, les modifications de nom 30 %, les modifications par adjonction 11 % 41 ( * ) .

La jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'homme admet l'existence de « restrictions légales [qui] puissent se justifier dans l'intérêt public afin d'assurer un enregistrement exact de la population ou de sauvegarder les moyens d'une identification personnelle et de relier à une famille les porteurs d'un nom donné ». Elle reconnaît toutefois qu'il peut exister « de véritables raisons amenant un individu à changer de nom 42 ( * ) » .

• La procédure de relèvement du nom des citoyens morts pour la France en vertu de la loi du 2 juillet 1923 permet à un descendant du défunt dans l'ordre légal et jusqu'au sixième degré de demander l'adjonction du nom du défunt à son propre nom . Contrairement à la procédure de changement de nom, ce relèvement est de droit et ne relève pas d'une appréciation discrétionnaire du garde des Sceaux. Il n'est actuellement autorisé que dans le cas d'un défunt de sexe masculin.

Seul peut être relevé le nom d'un homme, civil ou militaire, dernier représentant mâle d'une famille dans l'ordre de la descendance , mort pour la France. Il peut s'agir, comme la loi en donne quelques exemples d'un citoyen « mort à l'ennemi », « tué à l'ennemi », « soldat mort pour la France ». Le défunt ne doit avoir laissé aucune postérité. Cette disposition fortement marquée par le contexte d'après-guerre reste toujours en vigueur et trouverait à s'appliquer dans l'hypothèse d'un conflit dirigé contre la France 43 ( * ) .

B. UNE CONVERGENCE DES PRATIQUES EN FAVEUR DE LA TRANSMISSION DU NOM DU PÈRE

1. La transmission du nom du père, une pratique dominante en France

a) Le nom du père est largement choisi par les parents des enfants naturels au moment de la naissance

A l'heure actuelle, en application du principe de préférence chronologique, les parents non mariés peuvent choisir la règle régissant le nom attribué à leur enfant, soit en « jouant » sur l'ordre des reconnaissances, soit en reconnaissant simultanément ce dernier, contrairement aux parents mariés pour lesquels s'impose l'attribution automatique du nom du père à leur enfant 44 ( * ) . Le nom attribué aux enfants naturels peut donc constituer un excellent baromètre des pratiques françaises d'attribution du nom.

Il est frappant de constater que les comportements des parents non mariés sont fortement influencés par le modèle de la famille légitime . Jusqu'au début des années 1970, près des trois quarts des enfants nés hors mariage portaient le nom de leur mère à la naissance 45 ( * ) . Au contraire, en 1994, sept enfants nés hors mariage sur dix portaient le nom de leur père , le nom des trois autres enfants sur dix enregistrés sous le nom de leur mère étant en outre susceptible d'être modifié rapidement au profit du nom paternel.

Il convient de noter que les enfants nés hors mariage portant le nom maternel sont dans l'immense majorité des enfants dénués de filiation paternelle (soit 97 % en 1994) . Ceci signifie donc qu'à l'heure actuelle l'attribution du nom maternel ne fait que refléter l'absence de père.

Erreur ! Liaison incorrecte. Source : Rapport de l'INED - juillet 1999.

On constate en parallèle une recrudescence des reconnaissances prénatales effectuées conjointement par les deux parents (plus du tiers des enfants nés hors mariage en 1994), qui confirme que la plupart des naissances hors mariage surviennent dans des milieux stables. Jusque dans les années 70, a contrario, cette pratique était inexistante (1 %).

Erreur ! Liaison incorrecte.

Source : Rapport de l'INED - juillet 1999.

b) Le nom maternel transmis à l'enfant naturel, un nom instable susceptible de changer rapidement

Le nom maternel transmis à un enfant né hors mariage se caractérise par une grande instabilité , les parents utilisant largement les procédures légales de substitution. La fréquence des changements de nom visant à substituer le nom paternel au nom maternel donné dans un premier temps à l'enfant né hors mariage est élevée 46 ( * ) . Parmi les enfants portant le nom de la mère, plus de six enfants sur dix ont changé au moins une fois de nom dans les générations 1965 et 1970, plus de la moitié des enfants nés en 1975 et quatre enfants sur dix dans les générations nées en1980, 1985, cette tendance semblant se prolonger dans la génération née en 1990. La proportion d'enfants âgés d'un mois portant le nom paternel est encore plus élevée qu'à la naissance, tandis que corrélativement la proportion d'enfants âgés d'un mois portant le nom de la mère diminue.

Les causes de ces changements de nom sont diverses :

La légitimation est à l'origine de près de neuf changements sur dix dans la génération née en 1965 et en 1970, et de plus de huit sur dix dans celle de 1975 47 ( * ) . La moitié des changements de nom dans la génération née en 1990 résulte d'une légitimation, malgré une chute du nombre des légitimations principalement liée à la désaffection croissante à l'égard du mariage. Il n'en demeure pas moins que le nombre d'enfants naturels dont les parents se marient après la naissance s'accroît et devrait s'élever à 100.000 dans la génération née en 1994 48 ( * ) .

La déclaration conjointe des deux parents introduite par la loi du 3 janvier 1972 (article 334-2 du code civil) constitue une procédure utilisée assez fréquemment. Elle touchait peu les enfants nés en 1965 (3 % d'entre eux), moins de 6 % des enfants nés dans les années 1970. Mais on note un accroissement dans les générations suivantes avec 13 % dans la génération née en 1985 et 11 % dans celle née 1990.

Les demandes de dation du nom à un enfant naturel sont réduites 49 ( * ) .

Proportion d'enfants ayant changé de nom au moins une fois
à la suite d'une déclaration conjointe ou d'une dation de nom
(pour 100 enfants nés hors mariage portant le nom de leur mère
à un mois après reconnaissance par deux parents)

Année de naissance de l'enfant

Année

1965

1970

1975

1980

1985

1990

Effectif total

2,86

5,6

5,84

9,53

13,02

11,29

Source : Rapport de l'INED - juillet 1999 - p. 66.

• L'opportunité d'une substitution de nom d'un enfant naturel, en application de l'article 334-3 du code civil, est laissée à l'appréciation souveraine du juge 50 ( * ) . Il n'est pas rare que les juridictions rendent des décisions favorisant la prééminence paternelle dans l'attribution ou le maintien du nom de l'enfant. En effet, certaines juridictions paraissent soucieuses de préserver le modèle de la famille légitime et de conforter la place du père .

Dans un arrêt du 27 mai 1991, la Cour d'appel de Douai a estimé qu'il existait un avantage de principe à porter le nom du père. Des éléments comme la rupture des relations entre l'enfant et son père 51 ( * ) ou l'incarcération du père 52 ( * ) n'ont pas toujours été jugés déterminants pour autoriser une substitution du nom maternel au nom paternel, la jurisprudence cherchant souvent en ce domaine à préserver le lien qui unit le père et son enfant.

2. Une diversité des régimes européens mais une convergence des pratiques

a) Une grande diversité des régimes de dévolution du nom en vigueur à l'étranger

La France, tout comme la Belgique et l'Italie, possède un statut original, eu égard à l'ensemble des pays européens. La prééminence paternelle en matière de dévolution du nom patronymique constitue une exception en Europe où coexiste une grande diversité de règles.

Au Royaume-Uni, tout comme dans certains États des États-Unis, la liberté du nom transmis à l'enfant est totale , quelle que soit l'origine de sa filiation. Le mineur, comme l'adulte, peut porter le nom de son choix et en changer quand il le souhaite. Ce nom est inscrit sur les documents officiels et figure sur la liste électorale 53 ( * ) . Aucun extrait d'actes de l'état civil, ni papier d'identité ne sont exigés. Le mariage n'a légalement aucune conséquence sur le nom des époux.

En Allemagne, les parents ont la possibilité de choisir le nom de famille de leur enfant, qui pourra être soit le nom conjugal 54 ( * ) , soit un de leurs deux noms , sous réserve du principe d'unité de la fratrie. L'entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 1997 a rapproché le statut des enfants nés hors mariage de celui des enfants légitimes en leur permettant de ne plus porter automatiquement le nom maternel. Si l'autorité parentale est exercée conjointement, les parents auront le choix de transmettre un de leurs deux noms. Si l'autorité parentale n'est exercée que par un seul parent, c'est son nom qui sera transmis 55 ( * ) .

Au Danemark, les règles sont analogues au système germanique , avec la possibilité de donner à l'enfant un ou plusieurs noms intermédiaires placés entre le prénom et le nom 56 ( * ) .

L'Espagne connaît un régime de dévolution tout à fait spécifique, le nom de famille d'un enfant est double, constitué du nom paternel et du nom maternel , qui peuvent être reliés par la conjonction de coordination « et » (« y »). Traditionnellement, ce nom est d'abord composé du nom paternel. Mais cet ordre peut être inversé à la demande conjointe des parents ou de l'enfant devenu majeur. Le mariage n'a pas d'effet sur le nom des époux qui conservent leur nom d'origine. Cependant, seul le premier des deux noms est transmissible à la génération suivante. La filiation d'un enfant naturel établie à l'égard d'un seul parent ne fait pas échec à la règle du double nom, l'enfant portant les deux noms de ce dernier 57 ( * ) .

b) Le paradoxe des pratiques en Europe

Il est frappant de constater que, dans la plupart des pays où existe une grande liberté dans le choix du nom conjugal et du nom transmis à l'enfant, les pratiques convergent en faveur du nom du père et du mari. Les femmes mariées portent massivement le nom de leur mari en Grande Bretagne (94 %), en Allemagne (95 %), ainsi qu'au Danemark (71 %) 58 ( * ) . Le poids de la tradition joue donc un rôle fondamental dans les modalités de dévolution du nom au sein des familles légitimes. Les opinions recueillies ne s'éloignent pas des pratiques qui semblent profondément ancrées dans les mentalités. L'opinion selon laquelle il est préférable pour une femme d'utiliser le nom du mari domine : 71 % en Grande Bretagne, 64 % en Allemagne.

Dans les pays dans lesquels le nom de l'enfant fait l'objet d'un mode de dévolution automatique, les opinions ont en revanche tendance à s'écarter de la pratique. C'est le cas au Luxembourg où 54 % des personnes interrogées estiment que les femmes mariées doivent conserver leur nom de naissance ou porter un double nom, en Belgique (73 %), et en Italie (84 %) 59 ( * ) .

Le régime espagnol est cependant spécifique et combine à lui tout seul le paradoxe européen. En effet, bien que l'enfant porte le double nom de ses parents, le premier nom, seul nom transmissible à la génération suivante, est majoritairement celui du père. Derrière l'égalité des filiations se profile donc toujours une certaine forme de prééminence paternelle. Relevons en outre que le matronyme transmis à l'enfant n'est le plus souvent que le nom de son grand-père maternel, premier des noms transmis à la mère de l'enfant. Ce n'est d'ailleurs qu'en 1999 que les parents ont été autorisés à modifier l'ordre des noms à accoler et il est encore trop tôt pour mesurer l'impact d'une telle réforme. Néanmoins, il est fort probable qu'à l'instar des pays où le libre choix est possible, la priorité accordée au nom paternel restera encore profondément ancrée dans les comportements. Malgré l'absence d'obligation pour la femme qui se marie de changer de nom, plus de 30 % des Espagnols estiment préférable que cette dernière porte le nom du mari, soit par substitution, soit par adjonction.

Erreur ! Liaison incorrecte. Source : Revue Population et Sociétés, n° 367 - avril 2001.

II. UNE RÉFORME AUX JUSTIFICATIONS D'UNE INÉGALE PERTINENCE BOULEVERSANT LES RÈGLES DE DÉVOLUTION DU NOM

A. DES JUSTIFICATIONS D'UNE INÉGALE PERTINENCE

1. Des justifications légitimes

a) La recherche d'une plus grande égalité juridique entre les hommes et les femmes

Force est de constater que le principe d'immutabilité qui fonde le système français de dévolution du nom connaît un affaiblissement face à l'affirmation d'une plus grande égalité entre les hommes et les femmes . L'introduction du nom d'usage avait à l'époque constitué une première réponse à ce dilemme.

Le préambule de 1946 affirme à l'article 3 que « la loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l'homme ». Cependant, seule l'égalité d'accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux est actuellement mentionnée par l'article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958.

Si les normes constitutionnelles françaises ne remettent pas directement en cause le régime actuel de dévolution du nom patronymique, les normes et la jurisprudence internationale suscitent plus d'interrogations.

Le droit au nom constitue une caractéristique fondamentale de l'identité d'une personne, comme l'a consacré l'article 24-2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966. De même, la Convention relative aux droits de l'enfant adoptée le 20 novembre 1989 précise-t-elle que l'enfant dès sa naissance a « droit au nom » 60 ( * ) . Le Conseil de l'Europe, tout en admettant « les moeurs et les traditions locales » des régimes propres à chaque pays, a également adopté, dès 1978, de nombreuses recommandations à l'intention des États signataires afin de faire disparaître toute disposition « sexiste » dans le droit du nom 61 ( * ) , d'établir une égalité stricte entre le père et la mère pour la transmission du nom.

Malgré l'absence de disposition relative au nom figurant dans la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH), la Cour européenne dans sa décision du 22 février 1994 Burghartz contre Suisse 62 ( * ) , concernant le nom des époux et non celui de l'enfant, a constaté que la liberté de choix du nom était protégée par le droit au respect de la vie privée consacré à l'article 8 de la CEDH, ainsi que par le droit à la non discrimination consacré à l'article 14 de la CEDH 63 ( * ) . Elle a estimé qu' « en tant que moyen d'identification personnelle et de rattachement à une famille, le nom d'une personne n'en concerne pas moins la vie privée et familiale de celle-ci. »

La Cour européenne a tenu à rappeler que « la progression vers l'égalité des sexes est aujourd'hui un but important des États membres du Conseil de l'Europe ; partant, seules des considérations très fortes peuvent amener à estimer compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme une différence de traitement se fondant exclusivement sur le sexe. ». En conséquence, la Cour n'a pas jugé légitime « le souci du législateur suisse de manifester l'unité de la famille à travers celle du nom ».

Le système français de dévolution du nom n'a pas à ce jour fait l'objet d'un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme. Cependant, il ressort de la jurisprudence que la possibilité de porter « d'autres types de noms, tels le nom composé ou toute autre forme privée » ne saurait passer pour équivalent au nom patronymique 64 ( * ) ». Ainsi l'utilisation d'un nom d'usage introduit par la loi précitée du 23 décembre 1985 ne saurait gommer la prééminence paternelle caractérisant les règles de dévolution du nom. Votre commission partage pleinement le souci des députés de faire évoluer le droit français en conformité avec la jurisprudence européenne afin d'autoriser chacun des parents quel que soit son sexe à transmettre son nom à son enfant selon les modalités qui sembleront les plus appropriées.

b) La recherche d'une meilleure adéquation des règles de dévolution du nom avec la réalité sociologique

Les mutations du modèle familial sur lequel le droit au nom s'est fondé rendent légitime une adaptation des règles actuellement en vigueur. La société française se caractérise par une grande diversité des situations familiales.

L'unité du nom au sein d'une même famille ne s'impose plus comme une évidence. La montée en puissance des naissances hors mariage constitue une tendance lourde. En 1998, 738.080 naissances ont été enregistrées, dont 300.546, soit 40,7 % survenues hors mariage. Dès lors que les parents ne porte plus le même nom, il devient plus difficile d'imposer systématiquement l'un des deux noms.

Erreur ! Liaison incorrecte. Source : Rapport de l'INED - juillet 1999.

Même au sein de la famille légitime, l'unité du nom marque un certain recul. Un nombre non négligeable de femmes mariées (9 % d'entre elles) conserve son nom de naissance soit à titre exclusif, soit par accolement au nom du mari. En parallèle, un nombre croissant d'entre elles souhaite conserver son nom de naissance sur son lieu de travail ou dans sa vie sociale. Bien qu'une très grande majorité d'entre elles porte le nom de leur mari, il ressort d'un sondage publié par l'INED l'aspiration contraire, 48 % des personnes interrogées n'étant pas satisfaites par cette pratique.

La fragilisation des liens au sein du couple doit également être prise en considération. Les divorces concernent actuellement un couple marié sur trois (158.795 divorces en 1999) 65 ( * ) . Compte tenu de l'ampleur de ce phénomène, auquel se conjuguent des ruptures d'unions informelles, les séparations conduisent à une multiplication des formes familiales dites « monoparentales » , qui représentent en 1999 7,1 % du total des ménages français (dont 6 % de femmes et 1,1 % d'hommes). La possibilité d'afficher un double lien de parenté pourrait donc constituer une réponse appropriée et un bon compromis face à des situations familiales difficiles et appelées à évoluer. Il peut apparaître choquant qu'un enfant n'ayant plus aucune relation avec son père, ne puisse pas afficher officiellement un lien de filiation avec le parent le plus proche qui l'élève et le nourrit, sans pour autant éliminer toute trace du lien paternel.

Le législateur n'est d'ailleurs pas resté sourd à ces évolutions puisqu'il a, d'une part, permis l'accolement du nom de chaque parent à titre d'usage (loi du 23 décembre 1985) et, d'autre part, consacré l'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale, en substituant l'autorité parentale conjointe du père et de la mère sur leur enfant à la puissance paternelle. La loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l'autorité parentale a en effet affiché le principe de la co-parentalité en vertu duquel l'enfant devait être élevé par ses deux parents, dans la famille fondée sur le mariage, comme dans la famille créée hors mariage, que le couple soit uni ou désuni. La proposition de loi relative à l'autorité parentale, actuellement en cours de navette, va plus loin en prévoyant un renforcement de l'exercice en commun de l'autorité parentale ainsi que la mise en place de nouveaux outils destinés à permettre un exercice consensuel de l'autorité parentale partagée 66 ( * ) . Une telle évolution ne peut donc rester sans effet sur le régime de transmission du nom.

Le Haut Conseil de la population 67 ( * ) s'est d'ailleurs fait l'écho de ces mutations dans son avis rendu le 11 mai 2001 sur le nom de famille. « Cette hétérogénéité et les transformations de la vie privée et des familles qui se sont fait jour dans les premières décennies, marquées notamment par le rééquilibrage entre les sexes, peuvent expliquer que l'on recherche une adaptation du régime ancien ».

2. Des justifications plus incertaines

a) Une demande  « frémissante » en faveur du nom de la mère

Selon M. Gérard Gouzes, rapporteur à l'Assemblée nationale, la discrimination qui résulte de nos principes de transmission du nom patronymique semble « de moins en moins bien acceptée 68 ( * ) ». La prééminence du nom du père apparaît comme « une forme moderne de la loi salique, apparue sous l'époque mérovingienne ». Votre commission estime qu'un frémissement en faveur d'une évolution des règles de dévolution du nom est perceptible, tout en jugeant toutefois exagéré de faire état d'une demande massive. Il a été démontré que la transmission du nom du père est une pratique majoritaire en France, même lorsque les parents d'un enfant naturel peuvent jouer sur l'ordre des reconnaissances (cf. I-B-1-a).

Votre commission n'entend pas minimiser l'accroissement en chiffre absolu du nombre d'enfants portant le nom de leur mère (500 en 1965 contre 6.500 en 1994). Elle estime néanmoins, que ce chiffre doit être apprécié au regard de l'augmentation du nombre de naissances hors mariages (51.000 en 1965 contre 257.000 en 1994) soit 0,9 % des enfants nés hors mariage en 1965 contre 2,5 % seulement en 1994. Il demeure donc assez rare qu'un enfant reconnu par son père porte le nom maternel, mais on ne peut nier l'émergence d'une telle pratique.

Plutôt qu'une aspiration très forte à transmettre à l'enfant le nom maternel, votre commission a constaté la manifestation d' une demande frémissante. Les officiers de l'état civil entendus par votre rapporteur ont confirmé cette analyse 69 ( * ) . D'après eux, la transmission du nom de la mère à l'enfant se limiterait à des situations familiales très particulières (le plus souvent dans le cas de familles monoparentales). Ils ont toutefois fait état auprès de votre rapporteur du regret éprouvé par certains parents de ne pouvoir afficher leur double parenté en transmettant un double nom, au moment de la déclaration de naissance de leur enfant.

De plus, votre commission n'a pu rester insensible à l'accroissement notable des demandes de changement de nom 70 ( * ) visant à reprendre le nom maternel. Ceci confirme l'existence d'une certaine insatisfaction à l'égard des règles de dévolution du nom actuellement en vigueur . L'analyse des requêtes de changement de nom 71 ( * ) fait ressortir ce trait dominant. Quels que soient les motifs invoqués, les demandes de reprise du nom de la mère (par substitution ou par accolement) sont en augmentation (près de 400 requérants en 1995, soit quatre requêtes sur dix ).

Erreur ! Liaison incorrecte.

Source : Chancellerie

Le trop modeste succès des dispositions de la loi de 1985 relatives au nom d'usage confirme toutefois le constat d'une absence de demande massive quant à la modification des règles de dévolution du nom, même si le manque de publicité et la confidentialité de la mise en oeuvre de cette mesure comptent également parmi les raisons de cet échec. Entre le 1 er janvier et le 8 juin 2001, sur 2.533.000 cartes d'identité délivrées par le ministère de l'intérieur, 27.190 font état d'un nom d'usage, soit à peine 1 % 72 ( * ) .

b) La menace d'un appauvrissement du patrimoine onomastique français, une hypothèse erronée

Votre commission tient également à relativiser la menace selon laquelle la transmission automatique du seul nom du père aboutirait « à un appauvrissement du stock de noms [...] et une disparition plus rapide des patronymes les moins fréquents », comme l'a avancé M. Gouzes, rapporteur de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale 73 ( * ) . Selon lui, « il est certain que la transmissibilité du nom de la mère enrichirait le patrimoine onomastique 74 ( * ) ».

Après avoir entendu plusieurs spécialistes de l'histoire des noms, votre commission n'a pu que constater la faiblesse de cet argument. Selon une étude de M. Jacques Dupâquier, spécialiste démographique 75 ( * ) , on dénombrerait actuellement près de 900.000 noms, ce qui constitue un record mondial. Il semblerait qu'on assiste, au contraire, à un renouvellement du stock de noms grâce à l'immigration. La distribution des noms présente en revanche une grande irrégularité, 106 noms seraient portés plus de 10.000 fois 76 ( * ) contre 300.232 noms une seule fois.

B. LE DISPOSITIF DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE, UN BOULEVERSEMENT DU RÉGIME DE DÉVOLUTION DU NOM

1. Des règles d'attribution  nouvelles fondées sur le libre choix

a) La fin de l'automaticité et la généralisation du double nom en cas de désaccord

• De nouvelles règles seraient désormais définies  à l' article 57 du code civil relatif à l'établissement de l'acte de naissance d'un enfant, indépendamment de la nature de la filiation de l'enfant 77 ( * ) :

- Dans le cas d'une filiation établie simultanément à l'égard des deux parents , l' article premier de la présente proposition de loi introduit un régime de transmission du nom fondé sur le libre choix des parents , qui se substituerait à l'automaticité des règles actuellement en vigueur. Le nom choisi par les parents figurerait désormais dans l'acte de naissance et serait déterminé au moment de la déclaration de la naissance de l'enfant.

La prééminence paternelle cèderait le pas à un libre choix exercé entre trois options possibles : le nom du père (patronyme), celui de la mère (matronyme) ou l'accolement du nom de chaque parent , dans la limite d'un seul nom transmis pour chacun d'eux . A la deuxième génération, on ne dénombrerait pas moins de seize combinaisons possibles. L'affichage de la double parenté ne vaudrait que pour une seule génération, un des deux noms devant nécessairement être abandonné puisque l'enfant devenu à son tour parent ne serait autorisé à ne transmettre qu'un seul de ses deux noms.

L'hypothèse d'un désaccord entre les parents conduirait l'officier de l'état civil à conférer automatiquement à l'enfant le double nom de ses parents dans la limite d'un seul nom transmis et dans l'ordre alphabétique .

Ce nouveau régime de dévolution du nom serait décliné dans toutes les hypothèses dans lesquelles la filiation est établie simultanément à l'égard des deux parents : à la naissance de l'enfant légitime ( article premier ) ou de l'enfant naturel ( article 3 , article 334-1 du code civil ), lors d'une légitimation d'un enfant post nuptias ou par autorité de justice prononcée à l'égard des deux parents ( article 2 , article 333-5 du code civil ) ; lors d'une adoption plénière ( article 6 , article 357 du code civil ) ou dans le cadre d'une procédure de substitution du nom de l'adoptant au nom de l'adopté demandée à l'occasion d'une adoption simple d'un enfant par deux époux ( article 7 , article 363 du code civil ) .

- Dans le cas d'une filiation établie successivement à l'égard des deux parents ( article 3 , article 334-1 du code civil ), comme dans le cas d'une filiation établie à l'égard d'un seul parent, le principe de priorité chronologique actuellement en vigueur serait maintenu .

- Le principe de l'unité onomastique d'une même fratrie s'imposerait à l'ensemble des règles définies précédemment, obligeant les enfants issus des mêmes père et mère à porter un nom identique mais pas nécessairement à transmettre le même nom à leurs propres enfants.

• Les exceptions prévues à la règle de la priorité chronologique visant à substituer le nom paternel au nom maternel de l'enfant : la substitution par déclaration conjointe des deux parents d'une part ( article 4 , article 334-2 ) et la dation du nom du mari de la mère d'autre part ( article 5 , article 334-5 et article 6, article 357 ) seraient élargies par coordination avec les nouvelles règles précédemment exposées. Désormais les parents, dans ces hypothèses, auraient le choix entre la substitution du nom du père au nom de l'enfant et l'accolement de ce nom au nom d'origine quel que soit l'ordre de reconnaissance par les parents.

• L' article 10 bis de la proposition de loi, introduit en séance publique par M. Gérard Gouzes, rapporteur, étend à Mayotte l'applicabilité de l'ensemble de ces dispositions .

b) La suppression du nom d'usage

Estimant que l'entrée en vigueur du nom d'usage n'avait fait que retarder les débats sur la question du nom de famille et ne permettait pas une avancée significative des règles de transmission du nom, les députés ont supprimé l'article 43 de la loi du 23 décembre 1985 ( article 9 ).

c) Un régime transitoire destiné aux personnes nées avant l'entrée en vigueur de la réforme

L' article 10 de la proposition de loi prévoit un régime transitoire dérogatoire du droit commun autorisant toutes les personnes nées avant l'entrée en vigueur de la réforme à accoler à leur nom d'origine le nom du parent qui ne leur a pas transmis le sien . Cette faculté serait subordonnée pour les mineurs âgés de plus de treize ans, à leur consentement.

Le dispositif initial proposé par M. Gérard Gouzes prévoyait que cette demande serait portée devant le juge aux affaires familiales. Cependant compte tenu des observations formulées par le garde des Sceaux en séance publique 78 ( * ) , le rapporteur décida de renvoyer à un décret les modalités prévues pour cette procédure.

2. Des dispositions complémentaires

a) Le relèvement du nom des citoyens morts pour la France

Par coordination avec le libre choix donné au parent du nom à transmettre à leur enfant, l' article 8 de la proposition de loi vise à autoriser le relèvement du nom des citoyennes mortes pour la France , possibilité jusque-là réservée aux seuls défunts de sexe masculin. L'article 8 étend donc au nom des femmes mortes pour la France :

- le relèvement demandé par les successibles en dehors de toute volonté exprimée par le défunt ( article premier de la loi du 2 juillet 1923 ) ;

- ainsi que le relèvement obtenu en exécution de la volonté du défunt ( article 4 de la loi du 2 juillet 1923 ).

b) Une dérogation à l'obligation de déclaration des naissances et des décès auprès de l'officier de l'état civil du lieu sur lequel ils sont survenus

L' article 7 bis , introduit en séance publique à l'initiative de M. Marc Dolez, avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à permettre la déclaration des naissances et des décès survenus dans un centre hospitalier communal implanté sur le territoire d'une autre commune que celle à laquelle il est administrativement rattaché, auprès de l'officier de l'Etat civil de la commune de rattachement. Cet article pose ainsi une dérogation à la règle selon laquelle seul l'officier de l'Etat civil du lieu de naissance ou du lieu de décès est compétent pour recevoir une déclaration de naissance ou dresser un acte de décès.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION : UNE SOLUTION ALTERNATIVE A LA FOIS NOVATRICE ET RESPECTUEUSE DE LA TRADITION HISTORIQUE

A. UN DISPOSITIF ALTERNATIF ALLIANT TRADITION ET MODERNITÉ

Votre commission estime souhaitable de définir de nouvelles règles de dévolution du nom dans des modalités qui lui paraissent plus appropriées.

Les règles de dévolution se déclinent en fonction de l'existence et des modalités d'établissement de la filiation. Il paraît donc difficilement envisageable de définir ces règles indépendamment de chaque lien de filiation comme le propose le dispositif adopté par les députés 79 ( * ) .

En conséquence, e lle vous propose d'insérer un article 311-21 dans le chapitre Ier du titre septième du code civil relatif aux dispositions communes à la filiation légitime et naturelle afin de définir les règles d'attribution du nom d'un enfant reconnu simultanément par ses deux parents . En cas de filiation établie successivement , votre commission vous proposera à l'article 334-1 du code civil le maintien du principe de priorité chronologique , incontournable compte tenu de la divisibilité de la filiation .

1. Une liberté de choix dans la paix des familles

L'article 311-21 que votre commission vous propose d'insérer dans le code civil en cas d'établissement simultané de la filiation au moment de sa naissance maintiendrait, en cas d'accord entre les parents , leur libre choix pour déterminer le nom de leur enfant.

Votre commission juge indispensable de faire évoluer le régime de dévolution du nom en conformité avec la jurisprudence européenne afin d'éviter une condamnation éventuelle de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt Burghartz du 22 février 1994).

De plus, elle a souhaité prendre en considération les aspirations émergentes favorables à la transmission du double nom des parents ou du seul nom de la mère. Tout en reconnaissant que les règles actuelles de dévolution du nom convenaient à la grande majorité des familles, votre commission estime qu'un système à option présente l'avantage d'offrir aux parents une réponse appropriée à la diversité des choix individuels .

Bien qu'une telle solution puisse engendrer de vives discussions entre les parents, ouverte dans le seul cas d'un accord, elle ne présenterait pas l'inconvénient de troubler la paix des familles.

Votre commission vous propose également d'approuver l'unité de nom d'une même fratrie . Cette précision apparaît indispensable pour préserver la lisibilité des lignées familiales . Cette obligation serait limitée au seul cas d'une reconnaissance simultanée par les deux parents, contrairement au dispositif de l'Assemblée nationale qui énonçait une contradiction à l'article premier de la proposition de loi en imposant l'unité de nom d'une même fratrie quelles que soient les modalités de reconnaissance des enfants. Une telle prescription apparaissait inapplicable en cas de reconnaissance successive par les parents , dans la mesure où l'officier de l'état civil n'aura pas d'autre choix que de conférer à l'enfant le nom du parent à l'égard duquel la filiation est établie 80 ( * ) .

C'est pourquoi votre commission vous propose la dévolution automatique du nom du père comme solution subsidiaire s'imposant dans l'hypothèse d'un désaccord mais également en cas de volonté d'abstention des parents ou de silence dû au refus de choisir . Cette règle constitue une réponse plus simple que le double nom en cas de conflit parental sur le nom de l'enfant. De plus, le maintien du droit existant apparaît tout à fait adapté dans le cas d'une volonté d'abstention de choix des parents ou d'un refus de choisir, ces derniers ne souhaitant pas exercer les nouvelles facultés qui leur sont ouvertes. Cette solution présente en outre l'avantage d'éviter un bouleversement brutal des règles en vigueur et des pratiques antérieures, mais permettra une évolution du droit par étape au travers de la pratique de ceux qui souhaiteraient dès à présent exercer un tel choix.

2. L'impossibilité d'ignorer une tradition multiséculaire

L'attribution d'un double nom composé des deux noms du père et de la mère dans la limite d'un seul nom de famille, en cas de désaccord entre les parents, ne paraît pas opportune . La pratique du double nom bien ancrée dans certains pays d'Europe comme l'Espagne ne paraît pas transposable en France dans la mesure où elle reviendrait à remettre en cause une tradition multi-séculaire de transmission de nom du père, par ailleurs, bien acceptée par la population française.

Tout en admettant le bien-fondé d'une réforme des règles de dévolution du nom actuellement en vigueur, votre commission estime que l'abandon d'un nom à chaque génération auquel aboutit le double nom  constitue une atteinte disproportionnée au principe d'indisponibilité du nom, qui demeure le fondement de notre droit .

De plus, cette solution n'apparaît pas la plus appropriée lorsque les parents sont en conflit . Elle ne fait que reporter sur la génération suivante le problème du choix du nom à transmettre. Le double nom transmis n'aboutirait qu'à une égalité de courte durée , une des deux lignées devant nécessairement être éliminée à chaque génération. Or, il ne s'agit pas de faire du nom de l'enfant l'enjeu d'un conflit récurrent au sein de chaque famille à chaque changement de génération.

Votre commission regrette que la prééminence paternelle dans les règles de transmission du nom ait été présentée par le Gouvernement et par les députés comme une pratique archaïque et régressive, « vestige de la loi salique » selon les propres termes de M. Gérard Gouzes. Ce discours apparaît d'ailleurs en contradiction avec le souci affiché par le Gouvernement de valoriser la place du père au sein de la famille 81 ( * ) .

Votre commission considère qu'en donnant son nom à l'enfant, le père affiche et proclame sa paternité.

Par coordination avec l'insertion de l'article 311-21 dans le code civil, votre commission vous propose d'appliquer ces règles dans tous les cas où la filiation est établie simultanément : lors de l'adoption plénière, lors de l'adoption simple par deux époux (y compris dans le cas d'une adjonction du nom de l'enfant et non plus dans le seul cas d'une substitution de nom), lors de la légitimation d'un enfant par mariage ou par décision de justice prononcée à l'égard des deux parents.

B. UN DISPOSITIF INSTAURANT UN « RÉGIME SÉCURISÉ » DE DÉVOLUTION DU NOM

1. La nécessité de combler les lacunes et de remédier aux incohérences de la proposition de loi adoptée par les députés

Cette proposition de loi présente de nombreuses imperfections, sources d'importantes difficultés pratiques. Les modalités prévues pour les règles de dévolution présentent de nombreux inconvénients.

- La proposition de loi ne donne aucune indication sur les modalités du choix effectué par les parents . Seules les hypothèses d'un accord et d'un désaccord sont envisagées. Rien n'est prévu dans le cas d'une volonté d'abstention de choix ou d'un silence dû au refus de choisir. De plus, aucune procédure permettant aux parents d'officialiser le choix du nom de l'enfant n'est fixée. L'officier de l'état civil devra-t-il de son propre chef apprécier chaque situation au cas par cas pour constater l'existence d'un désaccord ? Dans quel délai et sous quelle forme  devra-t-il recueillir le choix des parents?

D'un point de vue pratique , afin de remédier à ces incertitudes, votre commission vous propose donc de prévoir dans l'article qu'elle vous propose d'insérer ( article 311-21 du code civil ) une procédure automatique destinée à éviter à l'officier de l'état civil de porter la responsabilité d'avoir à interpréter des situations parfois difficiles. Les parents exprimeront leur choix par déclaration conjointe à défaut, le nom du père sera dévolu à l'enfant .

- Contrairement à la volonté affichée par les auteurs de la proposition de loi, le dispositif maintient paradoxalement une inégalité au profit du nom paternel en excluant le nom maternel du champ des procédures de substitution de nom par déclaration conjointe ( article 334-2 ) et de dation du nom du mari de la mère ( articles 334-5 et 357 ). Malgré les nouvelles modalités proposées, ces requêtes ne profiteraient qu'au père ayant reconnu en second lieu son enfant ou au mari de la mère et non à sa mère ou à l'épouse du père 82 ( * ) .

Votre commission vous proposera donc d'aller plus loin que l'Assemblée nationale dans le cas d'une demande de déclaration conjointe et de dation afin de tirer toutes les conséquences de ce nouveau régime, en permettant l'accolement des noms des deux parents comme le proposent les députés, mais également en ouvrant ces procédures à la mère de l'enfant et non plus seulement à son père .

- Par cohérence avec l'ensemble de ces dispositions, il apparaît nécessaire de modifier l'intitulé du projet de loi afin de substituer l'expression « nom de famille » à l'expression « nom patronymique », auquel il ne peut plus être assimilé, dès lors que le matronyme comme le double nom pourront être transmis à l'enfant.

- Votre commission vous propose également une série d'adaptations destinées à faciliter l'application de ces nouvelles règles :

§ l'inscription du nom dans l'acte de naissance d'un enfant , ainsi que la transcription sur les registres de l'état civil du nom d'un enfant adopté ;

§ une entrée en vigueur de la loi limitée aux seuls enfants nés postérieurement à sa promulgation et à la condition que les parents n'aient pas d'autres enfants communs nés avant cette date .

Le dispositif transitoire prévu à l'article 10 (changement de nom des personnes nées avant l'entrée en vigueur) apparaît source d'incertitudes juridiques, voire même d'insécurité. La possibilité de changer de nom sans aucun formalisme pèserait lourdement sur l'organisation et le fonctionnement des services de l'état civil, qui seraient conduits à procéder à de nombreuses rectifications d'actes.

L'absence de conditions de forme et de délai encadrant cette faculté rendrait plus délicat l'exercice de certaines professions. Les représentants du Conseil supérieur du notariat entendus par votre rapporteur ont en effet mis l'accent sur les risques de fraudes susceptibles de résulter d'une telle disposition, les conduisant à multiplier à l'infini les concordances d'identification afin d'éviter les usurpations d'identité.

De plus, cette disposition porte une atteinte disproportionnée au principe d'égalité en ouvrant aux personnes nées avant l'entrée en vigueur de la loi une faculté qui n'est pas étendue aux personnes nées après l'entrée en vigueur. En outre, seule l'hypothèse de l'adjonction de nom maternel est envisagée, ce qui ne correspond pas exactement aux nouvelles règles de dévolution du nom.

Le dispositif proposé par votre commission présenterait l'avantage d'éviter une application rétroactive (aux enfants déjà nés) des dispositions de la présente loi, source de complexifications inutiles et dangereuses pour la stabilité de l'état civil. Il n'est pas apparu opportun de permettre aux parents de changer le nom des enfants déjà nés, une telle possibilité présentant les inconvénients de porter atteinte à l'unité du nom au sein de la famille, de s'avérer traumatisante pour l'enfant appelé à changer de nom alors même qu'il a besoin d'une certaine stabilité.

2. Des compléments indispensables à cette réforme

a ) Votre commission estime opportun le maintien du nom d'usage , prévu à l'article 43 de la loi du 23 décembre 1985 tout en regrettant que cette loi n'ait pas produit les effets attendus.

Bien qu'elle ait manifesté le souhait d'évaluer l'impact de cette disposition, votre commission n'est pas en mesure de fournir des éléments fiables relatifs à l'utilisation du nom d'usage par la population française, la Chancellerie ne disposant d'aucune donnée précise sur les conditions d'application de cette loi, malgré les quinze années qui se sont écoulées depuis sa promulgation.

Votre commission estime inopportun de priver une personne de la possibilité de porter un nom d'usage, qui peut apporter une souplesse supplémentaire dont il serait inutile de priver le régime de dévolution du nom . D'ailleurs, le nom d'usage de la femme mariée n'a à ce jour fait l'objet d'aucune remise en cause, ce qui confirme que loin d'être incompatible avec le nom de famille, le nom d'usage peut apparaître comme son complément. L'utilisation d'un nom d'usage présente en effet l'avantage de permettre à toute personne d'afficher son double lien de filiation dans sa vie sociale sans imposer les contraintes formelles qu'exige une demande de changement de nom .

b ) Un assouplissement des critères autorisant le changement de nom

Estimant, à l'instar du Gouvernement 83 ( * ) , qu'une réforme du droit du nom ne saurait faire l'économie d'une adaptation des règles relatives au changement de nom , votre commission estime opportun de faire figurer l'affichage du double lien de parenté, parmi les critères fondant l'intérêt légitime d'un changement de nom à l'article 61 du code civil . Une telle solution présente l'avantage de ne pas évincer un des deux parents.

Ainsi aucun refus de la Chancellerie ne pourrait plus être opposé à une demande d'adjonction du nom de l'autre parent, fondée sur le seul motif affectif. Une telle évolution ne paraît d'ailleurs pas en contradiction avec la jurisprudence actuelle du Conseil d'Etat. A l'occasion d'un arrêt récent 84 ( * ) , ce dernier a en effet considéré que le garde des Sceaux avait commis une erreur de droit en estimant « qu'une motivation qualifiée d'affective était insusceptible de constituer une raison de nature à fonder une demande de changement de nom ».

c) La suppression de la dérogation à la compétence territoriale de l'officier de l'état civil du lieu sur lequel sont survenus les naissances et les décès

D'après les arguments avancés à l'Assemblée nationale, cette dérogation se fonderait sur le souci de décharger des communes de taille modeste sur lesquelles sont implantés des centres hospitaliers rattachés à des grandes villes.

Convenant de la légitimité d'une telle préoccupation, votre commission estime cependant qu'une telle disposition présenterait le double inconvénient de porter atteinte au principe de compétence territoriale des officiers de l'état civil, ainsi qu'à la stabilité de l'état civil . Elle vous proposera en conséquence de supprimer cette disposition qui, au demeurant, s'apparente à un cavalier législatif.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter la présente proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Intitulé de la proposition de loi

Selon l'intitulé retenu par les députés, la proposition de loi tend à modifier « le nom patronymique ».

Votre commission vous propose, par un amendement , de modifier cette expression pour lui donner une portée plus générale et davantage en adéquation avec la possibilité de choix ouverte aux parents. Il apparaîtrait incohérent, désormais, de réduire le nom de famille au seul nom patronymique, dès lors que le matronyme devient transmissible. Il paraît donc opportun de remplacer l'expression « nom patronymique » par « nom de famille ».

Votre commission des Lois vous propose donc d'adopter l'intitulé de la proposition de loi ainsi modifié .

Article premier
(art. 57 du code civil)
Inscription dans l'acte de naissance
et choix du nom de l'enfant par les parents

Coeur du dispositif de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, cet article modifie l'article 57 du code civil qui énumère les mentions figurant dans l'acte de naissance et fixe les règles relatives au choix des prénoms afin de définir un nouveau régime de dévolution du nom de famille . Il rend obligatoire l'inscription du nom dans l'acte de naissance et ouvre aux parents la possibilité de choisir le nom dévolu à leur enfant. Ce choix deviendrait triple : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit encore les noms des deux parents accolés dans un ordre déterminé par eux .

L'introduction de cette triple option vise à supprimer la prééminence paternelle dans les règles de transmission du nom. Elle est justifiée pour l'auteur de la proposition de loi par le double souci :

- de mettre en conformité le droit français avec les principes constitutionnels issus de la Déclaration des droits de l'homme et du préambule de la Constitution de 1946 ainsi qu'avec les engagements internationaux au regard du principe d'égalité entre les hommes et les femmes ;

- de préserver les patronymes les plus rares et de remédier à l'appauvrissement du patrimoine des noms de famille lié « au caractère non transmissible du nom des femmes » selon l'analyse de M. Gérard Gouzes 85 ( * ) .

L'intégration des nouvelles règles de dévolution du nom au sein de l'article 57 du code civil, dans lequel ne figure actuellement aucune précision relative au nom, répond à la volonté de décliner ces dispositions indépendamment du lien de filiation .

Le paragraphe I complète le premier alinéa de l'article 57 du code civil afin de prévoir que le nom de l'enfant sera porté sur l'acte de naissance.

Actuellement, le premier alinéa de l'article 57 du code civil précise les mentions devant figurer sur l'acte de naissance 86 ( * ) : le jour, l'heure, le lieu de naissance, le sexe de l'enfant et les prénoms qui lui seront donnés. Doivent en outre être mentionnés les prénoms, nom, âge, profession et domicile de ses père et mère et, s'il y a lieu, du déclarant. Néanmoins, si les père et mère de l'enfant naturel ou l'un des deux ne sont pas désignés à l'officier de l'état civil, il n'est fait aucune mention à ce sujet sur les registres.

Le nom de famille de l'enfant n'est donc pas mentionné, hormis sous forme de mention marginale 87 ( * ) dépourvue d'effet juridique. Les enfants légitimes portent le nom de leur père selon un principe coutumier. Les enfants légitimés, adoptés ou naturels portent le nom qui leur est dévolu, conformément aux différentes dispositions du code civil.

Le droit au nom a été consacré par l'article 24-2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui dispose que « tout enfant doit être enregistré immédiatement après sa naissance et avoir un nom » , et rappelé lors de la convention de New York du 20 novembre 1989 88 ( * ) .

La nécessité d'inscrire désormais le nom dans l'acte de naissance découle du fait que les dispositions nouvelles introduites par le paragraphe II de cet article, instaurent une faculté de choix pour les parents concernant le nom de l'enfant et conduisent ainsi à une remise en cause de la simplicité et de l'automaticité des règles de dévolution du nom actuellement définies par la loi ou la coutume.

Avec le dispositif préconisé par l'Assemblée nationale, l'inscription du nom de famille sur l'acte de naissance soulèverait cependant des difficultés d'application pratique non négligeables :

- d'une part, le nom inscrit dans l'acte de naissance d'un enfant naturel est susceptible de changer rapidement en fonction de l'ordre des reconnaissances effectuées par les parents. L'enfant peut avoir été déclaré auprès d'un autre service d'état civil par l'autre parent en premier lieu. En l'absence d'une centralisation de l'ensemble des données de l'état civil, il paraît donc difficile d'avoir la certitude que le nom inscrit dans l'acte de naissance sera le nom définitif.

- d'autre part, l'inscription du nom d'un enfant étranger doit s'effectuer dans le respect de sa loi personnelle, conformément à l'article 3 du code civil 89 ( * ) . Comme l'a indiqué le garde des Sceaux en séance publique 90 ( * ) , « la loi française ne saurait produire d'effets juridiques qu'à l'égard des nationaux français ». Ainsi les services de l'état civil seraient-ils confrontés à la difficulté de s'assurer de la compatibilité du nom de l'enfant choisi par ses parents avec les droits qui lui sont conférés par son statut personnel en la matière.

Le paragraphe II constitue le coeur de la présente proposition de loi. Il modifie le droit actuel relatif à la dévolution du nom en insérant quatre alinéas nouveaux au sein de l'article 57 du code civil afin de permettre aux parents de choisir le nom de leur enfant.

1) Des règles entièrement nouvelles sont proposées, lorsque la filiation est établie simultanément à l'égard de chacun des parents .

Un système de triple option serait désormais proposé aux parents pour le choix du nom de leur enfant. Ils pourraient désormais lui attribuer soit le nom du père, soit celui de la mère ou encore les noms des deux parents accolés 91 ( * ) . L'ordre des noms accolés serait laissé à leur libre choix.

L'adjonction des noms de chacun des parents serait autorisée dans la limite d'un nom de famille transmis, choisi librement entre le nom d'origine paternelle et le nom d'origine maternelle. Par exemple, les parents pourraient transmettre à leur enfant leurs deux matronymes accolés ou même choisir entre de multiples combinaisons si les parents portent eux-mêmes un double nom.

La transmission du nom dans la limite d'un nom de famille s'inspire du système espagnol dans lequel l'enfant 92 ( * ) porte automatiquement le premier nom de chaque parent. Traditionnellement, le nom paternel précède le nom maternel. Cet ordre peut toutefois être modifié à l'initiative, soit des deux parents au moment de la naissance de l'enfant, soit de l'enfant 93 ( * ) à sa majorité. Néanmoins, en Espagne le nom transmis est connu par avance, puisqu'il s'agit de la première partie du nom de chaque parent, alors que le dispositif soumis à votre commission oblige les parents à choisir le nom à transmettre entre ceux de leurs propres parents.

Le désaccord entre les parents sur le choix du nom de l'enfant conduirait l'officier de l'état civil à lui attribuer automatiquement les deux noms des parents accolés dans l'ordre alphabétique, dans la limite d'un nom de famille 94 ( * ) pour chacun d'eux.

Il est à noter que l'article premier 95 ( * ) de la proposition de loi n° 2709 de M. Gérard Gouzes se limitait, par analogie au système espagnol, à la seule transmission automatique à l'enfant de l'adjonction des noms de ses parents. La commission des Lois de l'Assemblée nationale, sous l'impulsion de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale 96 ( * ) , a préféré retenir un dispositif plus large en permettant un choix parmi trois possibilités.

M. Gérard Gouzes, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, n'a pas jugé opportun d'introduire une quatrième option visant à donner à l'enfant le nom d'un ascendant ou d'une ascendante jusqu'au quatrième degré 97 ( * ) comme cela avait été proposé. En séance publique 98 ( * ) , il a en effet souligné qu'il était préférable de s'en tenir aux dispositions prévues à l'article 61 du code civil, précisant que « la demande de changement peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré ».

Ces nouvelles règles de dévolution du nom vaudraient à la fois pour l'enfant légitime, l'enfant légitimé, l'enfant naturel 99 ( * ) et l'enfant adopté 100 ( * ) .

En l'état du droit en vigueur, il n'existe pas de réglementation d'ensemble relative à la détermination du nom. L'élaboration du régime juridique des noms résulte de règles issues de la coutume et de la jurisprudence en ce qui concerne l'enfant légitime et l'enfant légitimé par mariage, que le législateur a complétées par touches successives s'agissant de l'enfant naturel, de l'enfant légitimé par décision de justice et de l'enfant adopté.

Le nom de l'enfant, traduisant le rattachement à une famille, est par principe lié à l'établissement de la filiation. Sa détermination obéit donc à des règles différentes selon qu'il résulte d'un rapport de filiation légitime, naturelle ou adoptive, sous réserve d'un dénominateur commun : la priorité paternelle .

Actuellement, l'enfant légitime prend en effet obligatoirement le nom de son père à l'exclusion de tout autre 101 ( * ) . Cette règle a pour fondement l'article 312 du code civil aux termes duquel, « l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari », reprenant la maxime ancienne pater is est . Cette règle est d'origine coutumière. La jurisprudence affirme ce principe 102 ( * ) de manière constante, alors même que suivant un usage local, la famille serait connue sous les noms réunis des deux époux 103 ( * ) .

Dans le même esprit, l'adjonction du nom de la mère à celui du père n'est pas admise 104 ( * ) . L'accolement des noms des deux parents n'est autorisé qu'à titre d'usage en vertu de l'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 105 ( * ) relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs, reconnaissant tacitement la priorité paternelle dans la détermination du nom de famille.

Aux termes de la rédaction du premier alinéa du paragraphe II de cet article, la possibilité de choisir entre les trois options évoquées précédemment se substituerait à la prééminence paternelle sur le nom de l'enfant légitime.

Le dispositif proposé concernerait également l'enfant légitimé par mariage (article 332-1 du code civil) ou par décision de justice (article 333-5 du code civil).

La légitimation d'un enfant est de nature à emporter un changement de nom, dans la mesure où elle entraîne un changement d'état pour l'enfant 106 ( * ) . L'enfant légitimé est assimilé à l'enfant légitime : l'article 332-1 du code civil dispose en effet que « la légitimation confère à l'enfant les mêmes droits et devoirs que l'enfant légitime ». Sur ce fondement, la légitimation confère à l'enfant naturel la condition juridique d'un enfant légitime. Par voie de conséquence, les nouvelles règles introduites par le présent article en cas d'établissement simultané de la filiation vaudraient pour l'enfant légitimé.

Actuellement, l'enfant légitimé prend automatiquement le nom de son père. Cette règle résulte de la coutume 107 ( * ) , s'agissant de la légitimation par mariage. En revanche, elle est expressément mentionnée à l'article 333-5 du code civil en ce qui concerne la légitimation par autorité de justice 108 ( * ) .

La transmission du nom du père s'impose de plein droit à l'enfant mineur, tandis que l'enfant majeur doit consentir à la modification de son état civil 109 ( * ) , comme l'énoncent le second alinéa de l'article 332-1 du code civil en cas de légitimation par mariage et l'article 333-6 en cas de légitimation par autorité de justice 110 ( * ) .

Désormais l'attribution du nom d'un enfant légitimé serait déterminée selon les nouvelles modalités prévues à l'article 57 du code civil examinées précédemment, sous réserve du consentement de l'enfant majeur, comme c'est la règle actuellement.

Les dispositions relatives à l'enfant naturel et à l'enfant adopté feront l'objet d'un examen détaillé à l'occasion des commentaires des articles 2 à 7.

2) Lorsque la filiation d'un enfant est établie successivement à l'égard de ses parents, le présent article reprend la règle énoncée actuellement au début de l'article 334-1 du code civil .

Actuellement, l'article 334-1 du code civil dispose, conformément au principe de préférence chronologique et sous réserve des exceptions prévues 111 ( * ) , que l'enfant prend le nom du parent à l'égard duquel la filiation a été établie en premier lieu. En l'état du droit en vigueur, la transmission du nom de la mère n'est donc possible que dans cette unique hypothèse, à condition qu'elle ait reconnu l'enfant en premier lieu. Cette disposition ne s'applique qu'aux enfants naturels , dans la mesure où ils sont les seuls à pouvoir faire l'objet d'un lien de filiation divisible .

Comme actuellement, mais selon des modalités différentes, il est donc prévu que les parents non mariés aient toujours la possibilité d'établir la filiation de leur enfant soit successivement soit simultanément et donc d'être soumis à des règles différentes en ce qui concerne le nom de leur enfant (préférence chronologique dans un cas ou choix dans l'autre cas), contrairement aux parents mariés pour lesquels la règle du choix s'imposerait sans aucune dérogation.

3) Le présent article mentionne également que l'enfant dont la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un seul parent acquiert le nom de celui-ci . Cette précision, reprenant dans son intégralité le début de l'article   334-1 du code civil, n'apporte aucune modification au regard de la pratique actuelle, et apparaît comme une simple application du principe de préférence chronologique, qu'il n'était peut-être pas utile de répéter.

4) Enfin, le dernier alinéa du paragraphe II inscrit dans l'article 57 du code civil le principe de l'unité d'une même fratrie . Le choix offert aux parents s'exercerait sous réserve de l'obligation d'attribuer un nom identique aux enfants issus des mêmes père et mère, comme c'est la règle en Allemagne à l'égard des enfants légitimes. Cependant, ce principe d'unité du nom pour une même fratrie paraît en contradiction avec celui du libre choix laissé aux parents : ce libre choix n'existerait en réalité que pour le premier enfant.

Le livret de famille, contenant les extraits d'acte de naissance des enfants, pourrait être exigé afin de vérifier le nom attribué au premier enfant, comme l'a précisé M. Gérard Gouzes, rapporteur de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale 112 ( * ) .

Le souci louable de préserver l'unité des fratries afin de maintenir une lisibilité des lignées familiales se heurtera à des difficultés de mise en oeuvre non négligeables. Le livret de famille ne constitue pas un moyen de contrôle idéal pour vérifier le nom attribué à un enfant déjà né. Il n'est délivré automatiquement qu'aux parents mariés. Les parents d'un enfant naturel doivent en faire la demande 113 ( * ) . De même, lorsqu'un mariage a été célébré à l'étranger, aucun livret de famille ne peut être délivré 114 ( * ) . Ainsi, la délivrance obligatoire du livret de famille pourrait s'avérer incontournable.

*

Ce nouveau dispositif a suscité une grande perplexité au sein de votre commission des Lois à plusieurs égards :

Compte tenu de l'évolution du contexte juridique et sociologique actuel 115 ( * ) , votre commission estime justifié le souci de modifier les règles actuelles du régime de dévolution du nom et d'offrir aux parents une liberté nouvelle en leur ouvrant une faculté de choix .

Cependant, votre commission des Lois ne peut approuver, sur le fond, les modalités du dispositif proposé par les députés. En effet :

- en premier lieu, elle estime que si l'attribution du double nom constitue une pratique courante dans d'autres pays d'Europe 116 ( * ) , sa généralisation en cas de désaccord reviendrait à balayer une tradition française multi-séculaire de transmission du nom du père, par ailleurs confortée par les pratiques actuelles (sept enfants nés hors mariage sur dix portent le nom de leur père, le nom des trois autres enfants étant susceptible d'être modifié rapidement) ;

- en outre, votre commission considère que la solution de compromis entre les parents prévue en cas de désaccord n'aboutirait qu'à une égalité de courte durée, ne faisant que reporter le choix du nom à transmettre sur la deuxième génération, voire sur les générations suivantes, un des deux noms du père ou de la mère devant nécessairement être éliminé à chaque étape.

De plus, comme l'a d'ailleurs reconnu le Gouvernement 117 ( * ) , les modalités du nouveau régime de dévolution du nom apparaissent insuffisamment précises et peu cohérentes :

- aucune procédure n'est prévue par l'article premier pour permettre aux parents d'un enfant d'officialiser leur choix préalablement à l'établissement de la déclaration de naissance. L'hypothèse intermédiaire de l'accord tacite (entre l'accord et le désaccord) ou du silence dû au refus de choisir n'est par ailleurs pas envisagée. Il apparaît difficilement admissible de laisser à l'officier de l'état civil le soin d'interpréter au cas par cas des situations dans lesquelles le choix des parents n'apparaîtrait pas clairement. Comment ce dernier pourra-t-il vérifier la volonté conjointe des parents ? Il semble pourtant très important qu'il n'existe aucun malentendu entre les parents, susceptible de peser sur les relations familiales futures ;

- les modalités de dévolution du nom d'un enfant en cas de désaccord entre les parents apparaissent insuffisantes. L'ordre alphabétique prévu pour l'ordre des noms à accoler ne résout pas le problème du choix des noms à accoler dans l'hypothèse où les parents porteraient eux-même un double nom. Aucune règle claire n'est prévue . On peut supposer que l'ordre alphabétique absolu déterminerait le nom transmis par chaque parent. Toutefois, en l'absence d'une telle précision, la solution proposée par les députés apparaît tout à fait insuffisante pour régler les cas de conflits ;

- enfin, le dispositif recèle une importante contradiction en ce qui concerne l'unité d'une même fratrie 118 ( * ) . Cette règle semble difficilement conciliable avec le principe de priorité chronologique 119 ( * ) , imposé par la divisibilité de la filiation naturelle . Un enfant peut très bien être reconnu par sa mère en premier lieu, tandis que son aîné aura été reconnu par son père en premier lieu. L'officier de l'état civil n'aura pas d'autre choix que de lui attribuer le nom de sa mère, puisqu'il n'est pas possible de lui attribuer le nom du père tant que sa filiation à son égard n'est pas établie. L'unité des fratries ne peut donc s'appliquer que dans l'hypothèse où la filiation d'un enfant est établie simultanément par ses parents et non dans toutes les hypothèses comme l'énonce l'article premier.

C'est pourquoi, votre commission vous soumettra un amendement insérant un article additionnel après l'article premier proposant un nouveau dispositif destiné à répondre à l'ensemble de ces critiques.

Sur la forme, il n'est pas apparu très pertinent d'intégrer les nouvelles règles de dévolution du nom au sein de l'article 57, qui définit les mentions figurant dans l'acte de naissance et les modalités d'attribution des prénoms. Les règles d'attribution du nom sont en effet liées à l'existence et aux modalités d'établissement de la filiation. En toute logique, elles ne doivent donc pas être définies indépendamment de chaque lien de filiation. C'est pourquoi votre commission vous proposera de décliner les nouvelles règles de dévolution du nom dans les parties du code correspondant à chaque type de filiation. Votre commission vous proposera donc d'adopter une série d'articles additionnels après l'article premier rédigés en ce sens.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois vous soumet un amendement proposant une nouvelle rédaction de l'article premier tendant :

- à faire figurer la mention du nom de famille dans l'acte de naissance ;

- à remplacer l'expression « nom patronymique » par l'expression plus générale et plus appropriée « nom de famille , dans la mesure où le nom transmis ne sera plus nécessairement celui du père.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi rédigé .

Article additionnel après l'article premier
(art. 61 du code civil)
Extension des possibilités de changement de nom

Après l'article premier, votre commission vous propose un amendement tendant à insérer un article additionnel pour autoriser toute personne à changer son nom afin de porter un double nom composé des noms de ses deux parents .

Actuellement , le changement de nom fait l'objet d'un encadrement très strict 120 ( * ) et ne peut être fondé sur le souci d'adjoindre le nom de celui des parents qui n'a pas transmis le sien. Il ne peut résulter que :

- d'un changement d'état . Il peut s'agir d'une modification du lien de filiation, à la suite de l'adoption d'un enfant ou consécutivement à une légitimation par autorité de justice, ou d'une destruction du lien de filiation, à la suite soit d'un désaveu, soit d'une reconnaissance de paternité. L'autorité judiciaire est d'ailleurs investie d'un certain pouvoir d'appréciation pour ordonner ou empêcher ce changement d'état.

Le changement d'état peut également résulter de l'acquisition de la nationalité française, en application de l'article premier de la loi n ° 72-964 du 25 octobre 1972, relative à la francisation des noms et des prénoms des personnes qui acquièrent ou recouvrent la nationalité française, modifié par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 précitée 121 ( * ) ;

- d'une demande de l'intéressé en dehors de tout changement d'état. Outre la procédure de relèvement du nom des citoyens morts pour la France 122 ( * ) , le changement de nom est ouvert à toute personne justifiant d'un intérêt légitime, en application des articles 61 à 61- 4 du code civil 123 ( * ) , complétés par le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994. L'article 61 n'en donne qu 'un exemple précis  : éviter l'extinction d'un nom porté par un ascendant ou un collatéral jusqu'au quatrième degré.

Une demande motivée doit être adressée au garde des Sceaux 124 ( * ) , puis est insérée au Journal officiel pour en effectuer la publicité. Elle doit être accompagnée des pièces justificatives. La décision du garde des Sceaux ne peut intervenir que deux mois après la publicité au Journal Officiel. Le refus éventuel est motivé et notifié au demandeur. Il est susceptible de recours devant le Conseil d'Etat. Un décret autorise la modification du nom 125 ( * ) .

Les formes du changement peuvent varier : les demandes de substitution de nom sont les plus fréquentes (60 % au total en 1995), par rapport aux modifications de nom (moins de 30 % des dossiers en 1995), les modifications par adjonction d'un nom constituant une catégorie intermédiaire (11 % des dossiers en 1995).

Les principaux cas d'admission du changement de nom par la jurisprudence sont les suivants : nom familial en voie d'extinction (hors les citoyens morts pour la France, faisant l'objet d'une procédure spécifique 126 ( * ) ), nom incommode ou ridicule (21 % en 1995), abandon du nom étranger (44 % en 1995, outre la procédure particulière de francisation au moment de la naturalisation), consécration d'un pseudonyme. En revanche, une raison purement affective ne constitue pas un intérêt légitime selon le service du Sceau, qui n'accepte une requête que si ce motif est couplé avec d'autres motifs. Sur la centaine de requêtes déposées en 1995 ayant pour seule motivation des raisons affectives, seulement un quart a été accordée par la Chancellerie.

*

Votre commission estime qu'un élargissement des modalités de changement de nom s'avère indispensable.

D'une part, votre commission ne peut rester insensible à l'augmentation notable des demandes de changement de nom 127 ( * ) ainsi qu'à la véritable aspiration qui ressort de l'analyse des requêtes de changement de nom. D'après une étude de l'Institut national d'études démographiques (INED), publiée en janvier 1999, le choix du changement de nom en faveur de celui de la mère apparaît comme un trait dominant et se retrouve dans tous les motifs (près de 400 requérants en 1995, soit quatre requêtes sur dix).

D'autre part, votre commission des Lois estime légitime d'appliquer le principe d'égalité hommes-femmes à l'enfant et non pas seulement à l'intérieur du couple, en lui permettant d'afficher sa double filiation. Votre commission considère que l'intérêt de l'enfant devenu adulte doit être pris en compte et qu'il convient de lui permettre de revenir sur le choix effectué par ses parents tout en évitant qu'une des deux lignées puisse être lésée .

La modification proposée excède la portée de l'article 43 de la loi du 23 décembre 1985 permettant l'utilisation d'un nom d'usage composé du double nom dans la vie sociale. Elle ne porte pas atteinte au principe de l'immutabilité du nom de famille posé par la loi du 6 Fructidor an II, la procédure de changement de nom demeurant suffisamment encadrée par la Chancellerie.

L'extension proposée par votre commission aura également pour effet de faciliter l'acceptation d'une demande ne reposant que sur des motivations affectives.

Par coordination avec les nouvelles règles de dévolution du nom qui vous seront proposées ultérieurement 128 ( * ) , votre commission vous propose dans un article additionnel après l'article premier d'adapter la procédure de changement de nom , comme en a d'ailleurs convenu le garde des Sceaux affirmant que « c'est bien sur cette base de l'article 61 qu'il faut travailler pour simplifier la procédure de changement de nom. Il est en effet trop compliqué aujourd'hui de bénéficier de cette possibilité déjà ouverte par la loi 129 ( * ) ».

C'est pourquoi, votre commission des Lois vous propose d'élargir la notion d'intérêt légitime à l'affichage de la double parenté et donc d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier .

Article additionnel après l'article premier
(art. 61-3 du code civil)
Coordination

Après l'article premier, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel tendant à substituer l'expression « nom de famille » à l'expression « nom patronymique » dans le second alinéa de l'article 61-3 du code civil 130 ( * ) .

Par coordination et par cohérence avec les nouvelles règles de dévolution du nom et la suppression de la prééminence paternelle dans l'attribution du nom, il n'apparaît plus justifié de faire référence au nom patronymique.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier pour modifier en conséquence l'article 61-3 du code civil.

Article additionnel après l'article premier
(art. 311-21 du code civil nouveau)
Choix du nom de l'enfant en cas
de filiation établie simultanément à l'égard des deux parents

Après l'article premier, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel tendant, dans le cas d'une filiation établie simultanément à l'égard des deux parents, à définir un nouveau régime de dévolution du nom visant à ouvrir une faculté de choix aux parents en cas d'accord et à maintenir une priorité paternelle en l'absence d'accord formalisé .

Votre commission vous propose de faire figurer les nouvelles règles de dévolution du nom, non plus à l'article 57 du code civil, mais dans la partie du code civil consacrée au type de filiation correspondant.

Concernant les enfants faisant l'objet d'une reconnaissance simultanée à l'égard des deux parents, c'est-à-dire les enfants nés de parents mariés ainsi que les enfants nés de parents non mariés, il apparaît cohérent d'intégrer les règles de dévolution du nom au sein du chapitre Ier du titre septième du code civil relatif aux dispositions communes à la filiation légitime et à la filiation naturelle en créant un article 311-21 du code civil à cet effet.

Compte tenu des critiques formulées précédemment à propos du dispositif adopté par les députés (voir article premier), votre commission vous propose une solution alternative davantage respectueuse de la tradition historique française et plus réaliste à mettre en oeuvre.

En cas d' accord manifeste entre les parents , votre commission n'entend pas remettre en cause le libre choix qui leur est offert d'attribuer le nom du père, celui de la mère ou le double nom dans un ordre librement choisi, sous réserve de l'obligation d'attribuer un même nom à tous les enfants.

En dehors de cette hypothèse, votre commission vous propose une solution subsidiaire différente de celle de l'Assemblée nationale :

- d'une part, le cas de désaccord mais également celui d'une abstention des parents serait envisagé, contrairement au dispositif de l'Assemblée nationale qui ne couvre que le cas de désaccord.

- d'autre part, le nom du père serait le nom transmis et non plus le double nom des parents dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux.

La dévolution automatique du nom du père en cas de désaccord ou d'abstention entre les parents apparaît plus pertinente à de nombreux égards :

- en premier lieu, elle semble plus adaptée au contexte actuel, l'aspiration au changement des règles de dévolution du nom apparaissant tout juste émergente , la tradition de transmission du nom du père restant parallèlement profondément ancrée dans les pratiques 131 ( * ) . Une telle solution constituera un indicateur en grandeur réelle de l'ampleur de la demande sociale quant à la transmission du nom. Elle permet également une évolution en douceur du régime du nom qui pourra être ajusté selon les pratiques qui auront pu être constatées ;

- par ailleurs, contrairement au dispositif de l'Assemblée nationale, elle évite de pérenniser le conflit sur le nom, de reporter le choix du nom à transmettre sur les générations ultérieures et tranche immédiatement la question du nom de famille ;

- enfin, votre rapporteur considère, comme la majeure partie de la doctrine, que l'acquisition du nom du père, sur le plan psychologique, constitue un moyen d' équilibrer le lien fusionnel qui unit l'enfant et la mère . Comme l'explique Jacques Lacan, « pour ce qui est de la mère, comme Freud le souligne à l'occasion, il n'y pas de doute. On peut à l'occasion perdre sa mère dans le métro bien sûr, mais enfin, il n'y a pas de doute sur ce qui est de la mère et ainsi de suite. La mère dans sa lignée, je dirai est innombrable [...] La lignée maternelle a beau être nécessairement en ordre. On ne peut pas la faire partir de nulle part » 132 ( * ) . Dans le même esprit, le groupe de travail présidé par Mme Françoise Dekeuwer-Defossez, dans son rapport « rénover le droit de la famille » a insisté sur la nécessité de conserver « le nom comme marqueur de la paternité 133 ( * ) , [...] offrant l'avantage d'équilibrer socialement les liens de filiation paternelle et maternelle ».

Alors que désormais, un congé de paternité est ouvert aux pères, il semblerait paradoxal de paraître nier l'importance symbolique de la transmission du nom paternel comme élément de reconnaissance de l'enfant.

En outre, votre commission vous propose une procédure préalable permettant de formaliser le choix du nom transmis par les parents, évitant ainsi de faire reposer sur l'officier de l'état civil la responsabilité d'avoir à interpréter des situations parfois délicates. Il serait donc prévu qu'en cas d'accord entre les parents, l'officier de l'état civil reçoit une déclaration conjointe (écrite) indiquant le nom choisi. L'absence de déclaration conjointe aurait pour conséquence l'inscription dans l'acte de naissance de l'enfant du nom de son père.

Votre commission vous propose à cet effet un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier .

Article additionnel après l'article premier
(art. 331 du code civil)
Coordination
Application des nouvelles règles de dévolution du nom
dans le cas d'un enfant légitimé par mariage

Après l'article premier, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel tendant à transposer à l'enfant légitimé par mariage le nouveau régime de dévolution du nom défini pour l'enfant né pendant le mariage .

Aucune prescription relative au nom de famille ne figure actuellement dans le code civil en ce qui concerne l'enfant légitimé par le mariage de ses parents. Dans un souci de clarification, il paraît désormais indispensable de préciser le régime de dévolution du nom applicable à l'enfant légitimé par mariage, compte tenu des évolutions proposées.

La légitimation par mariage impliquant l'établissement de plein droit d'un double lien de filiation à l'égard de l'enfant, il s'agit dans le cas où cette filiation aurait été établie jusque-là à l'égard d'un seul de ses parents de permettre à ces derniers de choisir dans une déclaration conjointe le nom de famille de l'enfant, dans les mêmes conditions que des parents déjà mariés. En l'absence d'accord, conformément à la solution proposée précédemment, le nom transmis sera celui du père.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier rédigé en ce sens .

Article additionnel après l'article premier
(art. 331-2 du code civil)
Coordination

Après l'article premier, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel afin de substituer deux fois l'expression « nom de famille » à l'expression « nom patronymique » dans le dernier alinéa de l'article 331-2 du code civil relatif aux effets de la mention de la légitimation sur l'acte de naissance d'un enfant devenu majeur.

Par coordination et par cohérence avec les nouvelles règles de dévolution du nom, il n'apparaît plus justifié de faire référence au nom patronymique dans cet article .

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier rédigé en ce sens .

Article additionnel après l'article premier
(art. 332-1 du code civil)
Coordination

Votre commission vous propose de substituer l'expression « nom de famille » à l'expression « nom patronymique » dans le deuxième alinéa de l'article 332-1 du code civil relatif au consentement de l'enfant majeur au changement de son nom à la suite d'une légitimation par mariage.

Comme précédemment, votre commission des Lois vous soumet un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier rédigé en ce sens .

Article additionnel après l'article premier
(art. 333-4 du code civil)
Coordination

Votre commission vous propose de substituer l'expression « nom de famille » à l'expression « nom » dans le second alinéa de l'article 333-4 du code civil relatif aux effets sur le nom de l'enfant de la légitimation par décision de justice prononcée à l'égard d'un seul parent.

Votre commission des Lois vous propose en conséquence un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier rédigé en ce sens.

Article 2
(art. 333-5 du code civil)
Choix du nom par les parents
d'un enfant légitimé par décision de justice

Cet article ouvre la possibilité aux parents d'un enfant légitimé par décision de justice 134 ( * ) , prononcée à l'égard de chacun d'eux , de choisir de lui attribuer soit le nom du père, soit celui de la mère, soit leurs deux noms accolés dans un ordre choisi par eux et dans limite d'un seul nom transmis pour chacun d'eux.

On observera que l'application de ces règles nouvelles devrait s'entendre dans le respect du consentement de l'enfant majeur, conformément à l'article 333-6 du code civil 135 ( * ) .

Désormais, l'enfant légitimé par autorité de justice rendue à l'égard de ses deux parents ne porterait plus automatiquement le nom de son père comme l'énonce actuellement l'article 333-5 actuellement 136 ( * ) , mais pourrait également se voir attribuer le nom de sa mère ou encore le nom accolé de ses deux parents selon les modalités énoncées précédemment (voir article 311-21 , inséré par un article additionnel après l'article premier).

L'article 57 ne produirait pas d'effet en ce qui concerne l'enfant légitimé à l'égard d'un seul de ses parents. En effet, aux termes du second alinéa de l'article 333-4 du code civil, « si elle a lieu à la requête d'un seul de ses parents, [la légitimation] n'emporte pas modification du nom de l'enfant » 137 ( * ) .

Néanmoins, ce même alinéa prévoit également que de manière exceptionnelle les juridictions peuvent prendre une décision expresse visant à modifier le nom de l'enfant 138 ( * ) . Votre commission des Lois tient à souligner que désormais dans ce cas précis, les nouvelles options ouvertes aux parents (entre le nom du père, celui de la mère ou le double nom composé) le seront également pour le juge, qui jusqu'à présent était déjà conduit à privilégier un nom plutôt que l'autre. Dans le cas d'un conflit parental difficile à trancher, ce dernier pourrait donc donner à l'enfant le double nom de ses parents, marqueur de son double lien de filiation. La solution de l'ordre alphabétique retenue en cas de désaccord entre les parents au moment de la déclaration de naissance de l'enfant ne serait pas étendue à cette hypothèse, puisqu'il s'agit d'une légitimation prononcée à l'égard d'un seul parent. Un magistrat serait donc libre de choisir le nom le plus approprié pour l'enfant parmi les trois options possibles.

Compte tenu des observations précédemment formulées à l'article premier, il apparaît préférable de transposer à l'enfant légitimé par autorité de justice les nouvelles règles de dévolution du nom dans les modalités proposées par votre commission (cf. supra).

Votre commission des Lois vous propose donc d'adopter l'article 2 dans une nouvelle rédaction résultant d'un amendement tendant à appliquer à l'enfant légitimé par autorité de justice prononcée à l'égard des deux parents, les nouvelles règles prévues, par un renvoi à l'article 311-21 créé dans le code civil (cf. article additionnel après l'article premier) et non plus à l'article 57 du même code. Ainsi, le tribunal recevra une déclaration conjointe des parents mentionnant leur choix et à défaut, l'enfant prendra le nom du père.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 2
(art. 333-6 du code civil)
Rectification d'une double erreur de référence
Consentement au changement de son nom de l'enfant majeur
légitimé par autorité de justice

Après l'article 2, votre commission vous propose d'insérer un article afin de corriger une double erreur de référence à l'article 333-6 du code civil, qui rend applicable à la légitimation par autorité de justice certaines dispositions relatives à la légitimation par mariage.

L'article 333-6 du code civil rend actuellement applicable à la légitimation par autorité de justice, trois articles du code civil :

- l'article 331-2 relatif aux mentions de la légitimation en marge de l'acte de naissance et ses effets sur le nom de l'enfant ;

- l'article 332 139 ( * ) , abrogé par la loi n°93-22 du 8 janvier 1993, référence  que votre commission, dans un souci de clarté, vous propose de supprimer ;

- le premier alinéa de l'article 332-1 qui assimile l'enfant légitimé à l'enfant légitime.

En revanche, n'est pas mentionné expressément dans cette énumération, le deuxième alinéa de l'article 332-1 introduit par la loi du 8 janvier 1993, qui pose le principe du consentement de l'enfant majeur à la modification de son nom à la suite d'une légitimation. Pourtant, cette disposition s'applique également au cas de la légitimation par autorité de justice, conformément au principe général posé par le second alinéa de l'article 61-3 selon lequel « l'établissement ou la modification du lien de filiation n'emporte cependant le changement de patronyme des enfants majeurs que sous réserve de leur consentement ». Afin d'éviter toute ambiguïté et dans le souci d'une plus grande clarté, votre commission vous propose d'inscrire la référence à cette disposition au sein de l'article 333-6.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel rédigé en ce sens.

Article 3
(art. 334-1 du code civil)
Choix du nom dévolu à l'enfant naturel par ses parents

Cet article permet aux parents d'un enfant naturel de choisir le nom qui lui sera attribué entre le nom du père, celui de la mère ou l'adjonction des deux noms, lorsque la filiation est établie simultanément à l'égard de chacun d'eux, tout en maintenant la règle de priorité chronologique selon laquelle l'enfant porte le nom de celui qui l'a reconnu en premier lieu.

Les dispositions prévues à l'article 334-1 du code civil déterminant les règles de dévolution du nom de famille d'un enfant naturel seraient remplacées par un renvoi aux nouvelles règles posées par l'article 57 du code civil.

Actuellement , la dévolution du nom de l'enfant naturel 140 ( * ) obéit à un principe de préférence chronologique en faveur du parent à l'égard duquel sa filiation a été établie en premier lieu, comme le précise le début de l'article 334-1 du code civil. Cette règle découle de la nature divisible de la filiation . Ainsi, l'enfant reconnu successivement par ses deux parents peut indistinctement porter le nom de son père ou de sa mère en fonction de l'ordre chronologique de leurs déclarations. Le présent article maintient cette règle en la faisant désormais figurer à l'article 57 du code civil (voir article premier).

Ce principe est néanmoins assoupli au bénéfice de la transmission du nom du père de l'enfant naturel lorsque la filiation est établie simultanément à l'égard de chacun, comme le précise la fin de l'article 334-1. Le législateur a marqué sa volonté constante de donner à l'enfant naturel l'apparence patronymique d'un enfant légitime et de rapprocher ces deux régimes de filiation quand la situation familiale le permettait.

Le présent article vise à modifier cet assouplissement initialement aménagé en faveur du père, en lui substituant les nouvelles règles prévues par l'article 57 du code civil afin de permettre la transmission à l'enfant soit du nom de la mère, soit celui du père ou encore l'accolement des deux noms selon les modalités déterminées précédemment.

Désormais, des parents non mariés pourraient soit laisser jouer la règle de priorité chronologique, soit procéder à un choix comme le permet l'assouplissement proposé par l'article 334-1 du code civil.

Il convient de noter qu'actuellement en « jouant » sur l'ordre des reconnaissances, les parents d'un enfant naturel peuvent d'ores et déjà choisir le nom qu'ils souhaitent attribuer à leur enfant.

Compte tenu des observations formulées précédemment (voir article premier) et par coordination avec les nouvelles règles de dévolution du nom fixées en cas d'établissement simultané de la filiation, votre commission vous propose d'adopter l'article 3 dans une nouvelle rédaction résultant d'un amendement tendant à limiter l'article 334-1 du code civil à l'énonciation de la règle de la préférence chronologique en cas de filiation établie successivement à l'égard des deux parents. La règle du choix ouverte aux parents d'un enfant naturel figurerait désormais à l'article 311-21 du code civil en ce qui concerne le cas d'une filiation établie simultanément à l'égard des deux parents. Par souci de clarification, votre commission a jugé préférable d'isoler les règles relatives à l'enfant naturel.

Force est de constater que le maintien de cette règle laisserait subsister une certaine inégalité de traitement en faveur des enfants naturels pouvant se voir attribuer un nom en vertu soit des nouvelles règles de triple option, soit de la règle automatique de préférence chronologique au détriment des enfants légitimes dont les parents ne pourraient bénéficier de cette double possibilité . Néanmoins, elle est incontournable, compte tenu de la nature divisible de la filiation.

De plus, la rédaction proposée par votre commission permet d'éviter une incohérence du dispositif adopté par les députés : la mention de l'obligation de l'unité de la fratrie, inapplicable dans le cas d'une filiation établie successivement à l'égard des deux parents. Ce principe entre en effet en contradiction avec le principe de préférence chronologique (voir article premier).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .

Article 4
(art. 334-2 du code civil)
Choix par les parents du nom substitué
au nom maternel de l'enfant par déclaration conjointe

Cet article a pour objet de permettre aux parents d'un enfant naturel reconnu en second lieu par son père, de substituer au nom maternel par déclaration conjointe soit le nom du père, soit l'accolement des noms des deux parents selon l'ordre de leur choix.

Actuellement , compte tenu du principe de préférence chronologique énoncé à l'article 334-1 du code civil, un enfant reconnu en premier lieu par sa mère et en second lieu par son père portera le nom maternel. Néanmoins ce principe admet une dérogation autorisant la substitution du nom paternel sous certaines conditions énoncées à l'article 334-2 du code civil 141 ( * ) .

Il convient de signaler l'absence de règle symétrique permettant, dans l'hypothèse contraire d'une reconnaissance en second lieu par la mère, une substitution du nom de la mère à celui du père. Cette dérogation profite donc actuellement uniquement au père d'un enfant naturel.

Cette procédure est subordonnée à une simple déclaration conjointe des deux parents au greffier en chef du tribunal de grande instance 142 ( * ) . Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement est requis 143 ( * ) .

Sous réserve du respect des dispositions légales 144 ( * ) , la substitution est alors de droit. Lorsque le greffier reçoit la déclaration, il en donne avis au procureur de la République du lieu de naissance de l'enfant et fait inscrire les mentions nécessaires en marge de l'acte de naissance.

Cette substitution prend un caractère définitif une fois la déclaration conjointe enregistrée; elle ne peut être remise en cause comme l'a indiqué la jurisprudence 145 ( * ) .

Une fois encore, cette disposition reflète la volonté du législateur d'assimiler l'enfant naturel à l'enfant légitime , chaque fois que la situation familiale le permet.

La substitution du nom ne permet pas à l'enfant naturel de porter un double nom. Dans une décision du 16 novembre  1982, la première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé que la substitution n'autorisait pas le changement de nom par l'adjonction des noms du père et de la mère, estimant qu'une telle possibilité serait de nature à créer une rupture d'égalité avec l'enfant légitime. Ainsi, à l'instar des enfants légitimes, les enfants naturels ne peuvent porter un double nom que par l'intermédiaire du nom d'usage 146 ( * ) .

Actuellement, selon les informations fournies par la Chancellerie, les déclarations conjointes se multiplient et tendent à devenir la première cause de changement de nom de l'enfant.

En vertu du texte adopté par l'Assemblée nationale, les dispositions prévues à l'article 334-2 du code civil permettant de substituer le nom paternel au nom maternel porté par un enfant naturel reconnu en second lieu par son père, seraient complétées afin d'y ajouter la possibilité de substituer également les noms des deux parents accolés dans l'ordre de leur choix. La modification proposée n'affecterait pas les modalités juridiques fixées pour la substitution par déclaration conjointe.

L'accolement des noms des parents serait substitué au nom de la mère dans la limite d'un seul nom de famille (patronyme ou matronyme) pour chaque parent, selon un ordre déterminé librement par ces derniers.

Il est à noter que l'Assemblée nationale a omis de rétablir l'égalité entre père et mère car l'extension du choix offert aux parents ne continuerait à jouer qu'au profit du père, seul cas de reconnaissance en second lieu visé par l'article 334-2 du code civil. Votre commission des Lois s'étonne et regrette qu'un dispositif équivalent permettant la substitution du nom de la mère n'ait pas été proposé. Afin de remédier à cette lacune, votre commission vous proposera donc par un amendement d'élargir le champ de cette procédure au nom de la mère .

La présente proposition de loi ne modifie pas les dispositions prévues à l'article 334-3 du code civil qui permettent, dans le cadre d'une procédure contentieuse 147 ( * ) en cas de désaccord entre les parents, de demander la substitution du nom de l'enfant. Dans ce cas, le domaine de la substitution est plus vaste, puisqu'il peut s'agir du nom maternel comme du nom paternel.

M. Gérard Gouzes, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, a estimé inopportun de prévoir, par symétrie avec le cas de désaccord entre les parents (mentionné dans la nouvelle rédaction de l'article 57), que le juge aux affaires familiales à l'instar de l'officier de l'état civil attribue automatiquement les noms des parents dans l'ordre alphabétique. Il a justifié cette position par la nécessité de laisser au juge la possibilité de prendre en compte l'intérêt de l'enfant au cas par cas 148 ( * ) . Aux termes de la nouvelle rédaction de l'article premier, le juge aux affaires familiales, à l'instar des parents au moment de la naissance de leur enfant, serait désormais libre de choisir le nom de l'enfant parmi trois possibilités et de multiples combinaisons 149 ( * ) .

Compte tenu de ces observations, et des remarques formulées à l'article premier, votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article dans une nouvelle rédaction tendant à tirer les conséquences des nouvelles règles de dévolution du nom dans le cas d'une substitution du nom de l'enfant demandée par déclaration conjointe. Outre la substitution, l'accolement du nom des parents pourrait être demandé par déclaration conjointe des deux parents, quel que soit l'ordre initial des reconnaissances par le père et la mère .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié.

Article 5
(art. 334-5 du code civil)
Choix du nom dévolu à l'enfant naturel
dans le cadre de la dation du nom du mari de la mère

Cet article a pour objet d'élargir le choix du nom dévolu à l'enfant naturel dans le cadre de la procédure dite de la dation du nom, permettant au mari de la mère d'un enfant naturel de donner à ce dernier son nom soit par substitution soit par adjonction à celui de son épouse .

Actuellement , la dation du nom 150 ( * ) , inspirée des législations suisse et germanique, est un mécanisme audacieux dans la mesure où l'attribution du nom est totalement dissociée du lien de filiation. Cette procédure constitue une nouvelle dérogation destinée à écarter la règle de préférence chronologique régissant l'attribution du nom de l'enfant naturel. Elle est fondée sur le souci de donner à l'enfant naturel un nom identique au nom d'usage de la mère et de lui donner l'apparence d'un enfant légitime.

L'article 334-5 du code civil dispose actuellement qu'en l'absence de filiation paternelle établie, l'enfant naturel peut porter le nom du mari de la mère par substitution à celui de sa mère 151 ( * ) .

Cette procédure 152 ( * ) est subordonnée à une simple déclaration conjointe de la mère de l'enfant et de son mari auprès du greffier en chef du tribunal de grande instance. Le consentement de l'enfant de plus de treize ans est obligatoire 153 ( * ) .

Néanmoins, la modification du nom de l'enfant n'a pas un caractère définitif. L'enfant, dans les deux années suivant sa majorité, peut demander au juge aux affaires familiales de reprendre le nom qu'il portait antérieurement, conformément au deuxième alinéa de l'article 334-5 du code civil.

Le présent article complète les dispositions de l'article 334-5, afin d'ajouter à la possibilité de substituer au nom de la mère celui de son mari celle de l'accolement des noms de ce dernier et de son épouse. En revanche, les modalités actuelles prévues pour présenter une demande de dation ne seraient pas modifiées par le dispositif de l'Assemblée nationale.

Il est également précisé que ces derniers déterminent librement l'ordre des noms accolés, seul un nom de famille pouvant être transmis par chacun des époux selon leur choix.

Il est à noter que la possibilité de donner son nom à l'enfant de son conjoint n'est ouverte qu'au mari de la mère. Votre commission des Lois, tout en approuvant l'élargissement des possibilités de dation du nom, regrette cependant qu'un dispositif équivalent permettant la dation du nom de la femme du père n'ait pas été proposé. Afin de donner une plus grande cohérence au dispositif proposé eu égard au principe d'égalité hommes-femmes, votre commission vous soumet un amendement de réécriture de cet article afin d'élargir au nom de l'épouse du père les possibilités de dation, tout en permettant l'accolement des noms des époux et non plus la seule substitution.

Votre commission des Lois vous propose donc d'adopter l'article 5 ainsi modifié .

Article additionnel avant l'article 6
(art. 354 du code civil)
Inscription du nom sur les registres de l'état civil,
à la suite d'une décision ayant prononcé l'adoption

Avant l'article 6, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel tendant à inscrire le nom de famille de l'enfant sur les registres de l'état civil, à la suite d'un jugement ayant prononcé l'adoption plénière.

L'alinéa premier de l'article 354 du code civil pose l'obligation de transcrire la décision prononçant l'adoption plénière sur les registres de l'état civil du lieu de naissance de l'adopté. Cette transcription tient lieu d'acte de naissance de l'adopté. Comme dans l'acte de naissance, sont énoncés le jour, l'heure et le lieu de naissance, le sexe de l'enfant, ainsi que ses prénoms tels qu'ils résultent du jugement d'adoption, les prénoms, noms, date et lieu de naissance, profession et domicile du ou des adoptants.

Par symétrie avec l'inscription du nom de famille dans l'acte de naissance proposée à l'article premier, et compte tenu de la suppression de l'automaticité des règles de dévolution du nom de famille, votre commission vous propose d' ajouter la mention obligatoire du nom de famille dans la transcription sur les registres de l'état civil du jugement ayant prononcé l'adoption plénière d'un enfant .

Votre commission vous soumet un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 6 rédigé en ce sens .

Article 6
(art. 357 du code civil)
Choix du nom de l'enfant
dans le cadre d'une adoption plénière

Cet article fixe les règles de dévolution du nom d'un enfant adopté dans le cadre d'une adoption plénière et a pour objet d'ouvrir aux parents mariés la possibilité de choisir le nom de l'enfant parmi plusieurs possibilités.

Il convient de rappeler que la législation française distingue l'adoption plénière et l'adoption simple 154 ( * ) qui présentent des caractères communs 155 ( * ) , mais diffèrent par leurs conditions et par leurs effets. L'adoption simple ne pose aucune condition d'âge de l'adopté et ne rompt pas les liens avec la filiation d'origine. L'adopté ne porte pas de plein droit le nom de l'adoptant (article 7). En revanche, l'adoption plénière ne concerne que des enfants de moins de quinze ans accueillis au foyer des adoptants depuis au moins six mois. Elle substitue à la filiation d'origine un lien de filiation totalement nouveau et irrévocable, impliquant que l'adopté prend de droit le nom de l'adoptant.

Actuellement, l'ensemble des règles de dévolution du nom d'un enfant fixées dans le cadre d'une adoption plénière est défini au premier alinéa de l'article 357 du code civil que l'article 6 décompose en deux alinéas différents selon la situation familiale de l'adoptant.

- Le paragraphe I limite le premier alinéa de l'article 357 au seul cas d'une adoption par une seule personne et supprime la fin du premier alinéa de l'article 357 relatif au cas de l'adoption conjugale figurant désormais dans un nouvel alinéa inséré par le paragraphe II.

La règle actuelle de la substitution du nom de l'adoptant au nom d'origine de l'enfant adopté serait maintenue.

Le fondement de ce principe réside dans les dispositions de l'article 356 du code civil selon lesquelles « l'adoption confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine : l'adopté cesse d'appartenir à sa famille par le sang ... ». Cette substitution constitue une conséquence logique de son intégration dans sa famille adoptive. Le consentement de l'enfant n'est pas requis 156 ( * ) . L'enfant prend automatiquement le nom de l'adoptant s'il s'agit d'une personne seule.

- Le paragraphe II, complémentaire de la suppression opérée par le paragraphe I, ouvre aux époux dans le cadre d'une procédure d'adoption plénière la possibilité de choisir le nom de l'enfant entre le nom du père adoptif, celui de la mère adoptive et l'accolement des noms des deux parents adoptifs selon l'ordre que ces derniers déterminent.

Actuellement, l'adoption conjugale confère à l'enfant le nom du mari par application de la priorité paternelle régissant les règles de transmission du nom à l'enfant légitime auquel l'enfant adopté est assimilé, conformément au premier alinéa de l'article 357 du code civil.

Ces dispositions seraient remplacées par un renvoi aux nouvelles règles en cas de filiation établie simultanément posées par l'article 57 du code civil.

Désormais, l'adoption par deux époux conférerait à l'enfant la possibilité de porter le nom de la mère adoptive ou les noms des deux parents adoptifs accolés et non plus seulement le nom du père adoptif, selon les modalités déterminées à l'article premier.

L'adoption plénière d'un enfant par deux époux compte parmi les cas où la filiation d'un enfant est établie simultanément par les deux parents. En toute logique, par coordination, votre commission vous propose, par un amendement , d'appliquer également à ce cas la solution alternative exposée précédemment en renvoyant aux dispositions de l'article 311-21 du code civil qu'elle vous a proposé d'insérer (cf. supra article additionnel après l'article premier).

En cas d'accord entre les parents, une triple option du choix du nom de leur enfant leur serait ouverte. A défaut, l'enfant prendrait automatiquement le nom du père.

- Le paragraphe III complète le dernier alinéa de l'article 357 afin d'étendre les possibilités de choisir le nom d'un enfant adopté par une femme mariée dans le cadre d'une procédure de dation du nom du mari de l'adoptante.

Actuellement, la procédure de dation du nom du mari de la mère à l'enfant peut, à l'instar de l'enfant naturel, être demandée dans le cadre de l'adoption plénière d'un enfant, conformément au deuxième alinéa de l'article 357 du code civil. Par décision du juge aux affaires familiales au moment de l'adoption, et sous réserve du consentement du mari de l'adoptante, l'enfant peut prendre le nom de ce dernier. En revanche, le consentement de l'enfant n'est pas exigé. Contrairement à l'enfant naturel, l'enfant adopté ne peut revenir sur cette décision dans les deux années suivant sa majorité.

Cette procédure est très favorable à la transmission du nom du mari de l'adoptante, puisque l'enfant adopté, à la différence de l'enfant naturel, peut même se voir conférer le nom du mari décédé de sa mère adoptive 157 ( * ) .

Désormais, le tribunal pourrait décider d'attribuer à l'enfant adopté le nom du mari de l'adoptante soit par substitution comme auparavant, soit par adjonction du nom du mari au nom de la mère adoptive dans la limite d'un seul nom de famille pour chacun d'eux.

Compte tenu du renvoi de l'article 361 au dernier alinéa de l'article 357 la procédure de dation du nom du mari de la mère adoptive peut également être demandée dans les mêmes conditions lors de l'adoption simple d'un enfant . Dans ce cas, le nom du mari de la mère adoptive se substitue non plus au seul nom de la mère adoptive, mais à la jonction des noms de l'adoptant et de l'adopté 158 ( * ) (cf. article 7). Ces nouvelles dispositions auraient donc également vocation à s'appliquer en cas d'adoption simple.

Par coordination avec les nouvelles dispositions relatives à la dation proposées par votre commission à l'article 5 (voir supra), il est proposé d'ouvrir également à la femme du père adoptif cette procédure jusque-là réservée au mari de la mère adoptive, tout en maintenant la possibilité d'ouvrir un choix sur le nom donné à l'enfant. Par souci de clarté votre commission vous propose de décomposer l'alinéa proposé par le paragraphe III en deux alinéas.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement rédigé en ce sens .

Elle vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié .

Article additionnel avant l'article 7
(art. 361 du code civil)
Coordination

Avant l'article 7, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel afin de rendre applicable au cas de l'adoption simple l'ensemble des nouvelles règles de dévolution du nom dans le cadre de la procédure de la dation .

L'article 361 du code civil rend applicable la procédure de la dation au cas de l'adoption simple par simple renvoi au dernier alinéa de l'article 357 du même code.

Compte tenu des modifications proposées par votre commission (cf. paragraphe III de l'article 6), les nouvelles dispositions de dévolution du nom seraient désormais définies dans deux alinéas. Il convient donc par coordination de renvoyer au sein de l'article 361 non plus au dernier alinéa de l'article 357 du code civil mais aux deux derniers alinéas de cet article.

Votre commission vous propose donc à cet effet un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 7 .

Article additionnel avant l'article 7
(alinéa premier de l'article 363 du code civil)
Choix par deux époux du nom accolé
au nom d'origine d'un enfant adopté

Avant l'article 7, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel tendant à ouvrir aux parents, dans le cadre d'une procédure d'adoption simple, la possibilité de choisir le nom accolé au nom d'origine de leur enfant.

Actuellement, l'adoption simple constitue la seule hypothèse dans laquelle l'attribution du double nom est la règle et n'est pas réservée à l'usage. Aux termes de l'article 363 alinéa premier, l'adjonction du nom de l'adoptant est automatique 159 ( * ) .

Le fondement de cette règle réside dans la volonté d'afficher que les liens de filiation préexistants à l'adoption ne sont pas rompus. En effet, aux termes de l'article 364 du code civil, « l'adopté reste dans sa famille d'origine et y conserve ses droits ».

Votre commission regrette que l'Assemblée nationale n'ait proposé aucune évolution des règles de dévolution du nom de famille dans le cadre de l'adoption simple, qui constitue pourtant un volet important de la réforme du nom de famille.

C'est pourquoi par cohérence avec la solution retenue en cas de filiation établie simultanément à l'égard des deux parents 160 ( * ) , votre commission juge souhaitable d'ouvrir aux parents adoptifs mariés un droit d'option en faveur du nom accolé au nom d'origine de leur enfant. En cas d'accord, ces derniers pourraient dès lors transmettre à l'enfant adopté, à l'instar de l'enfant légitime, soit le nom du père adoptif, soit le nom de la mère adoptive, soit leurs deux noms accolés dans la limite d'un seul nom de famille. Le tribunal prendrait acte du choix des parents au moment du prononcé du jugement d'adoption. A défaut d'accord entre eux, le tribunal déciderait que le nom du père adoptif est accolé au nom d'origine de l'adopté.

La mise en oeuvre de ce principe pourrait en pratique conduire à conférer à l'enfant adopté un nom composé de trois, voire quatre vocables. Cependant, cette situation n'est pas inédite puisqu'un tel cas de figure peut déjà se présenter aujourd'hui. De plus, votre commission a souhaité privilégier, avant tout, l'harmonisation des régimes applicables à la filiation légitime et à la filiation adoptive.

Votre commission vous propose donc à cet effet un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 7.

Article 7
(second alinéa de l'article 363 du code civil)
Choix par deux époux du nom substitué à celui de l'enfant
adopté dans le cadre d'une adoption simple

Cet article a pour objet de permettre aux parents adoptifs, dans le cadre d'une procédure d'adoption simple, de substituer au nom de l'enfant adopté un nom choisi entre trois possibilités, soit le nom du père adoptif, soit le nom de la mère adoptive, soit les noms des parents adoptifs accolés, dans la limite d'un seul nom de famille, dans l'ordre qu'ils déterminent.

Actuellement, par dérogation à la règle du double nom 161 ( * ) , le deuxième alinéa de l'article 363 prévoit la possibilité de substituer le nom de l'adoptant à celui de l'adopté.

Cette faculté se fonde sur le souci de faciliter l'intégration progressive de l'enfant dans sa nouvelle famille.

Cette substitution est décidée par le juge à la demande de l'adoptant, qui peut être adressée pendant et postérieurement à l'adoption. Le consentement de l'enfant de plus de treize ans à la substitution est requis 162 ( * ) . Une fois la substitution prononcée, il n'est plus possible de modifier le nom de l'enfant adopté afin d'y adjoindre le nom porté initialement par l'adopté, même à titre d'usage 163 ( * ) . En cas d'adoption simple par deux époux, le nom du père adoptif est substitué à celui de l'adopté.

Par un renvoi à l'article 57 du code civil, le dispositif proposé par le présent article vise à permettre aux adoptants mariés de choisir le nom qu'ils souhaiteraient substituer au nom initial de l'enfant en cas d'adoption simple, entre le nom de son père adoptif, le nom de sa mère adoptive ou les deux noms des adoptants accolés dans l'ordre de leur choix et dans la limite d'un nom de famille transmissible pour chacun .

Par cohérence avec la solution qu'elle vous a proposée en cas de filiation établie simultanément à l'égard des deux parents 164 ( * ) , votre commission approuve sur le fond l'extension des possibilités de substitution du nom de l'adopté simple.

Cependant, par coordination avec le nouveau dispositif qu'elle vous soumet, il est apparu préférable à votre commission de définir plus précisément au sein de cet article même les règles applicables dans le cas d'une demande de substitution au nom d'origine d'un enfant adopté simple, présentée par deux époux.

C'est pourquoi, votre commission vous propose d'adopter l'article 7 dans une nouvelle rédaction résultant d'un amendement tendant à ouvrir aux parents la possibilité de choisir le nom substitué au nom d'origine de leur enfant adoptif (soit le nom du père, soit celui de la mère, soit le nom accolé de chaque parent).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 7
(second alinéa de l'article 363 du code civil)

Après l'article 7, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel tendant à substituer l'expression « nom de famille » à l'expression « nom patronymique » dans le second alinéa de l'article 363 du code civil relatif au consentement de l'enfant de plus de treize ans à la substitution de son nom d'origine, dans le cadre d'une adoption simple.

Par coordination et par cohérence avec les nouvelles règles énoncées précédemment, assimiler le nom de famille au seul nom patronymique serait désormais erroné.

Votre commission vous soumet donc un amendement afin d'apporter cette modification de dénomination .

Article 7 bis (nouveau)
(art. 55 et 78 du code civil)
Dérogation à l'obligation de déclaration des naissances
et des décès auprès de l'officier d'état civil du lieu de survenance

Cet article, issu d'un amendement présenté par M. Marc Dolez à l'Assemblée nationale ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, a pour objet de permettre de déclarer les naissances et les décès survenus dans un centre hospitalier communal implanté sur le territoire d'une autre commune que celle à laquelle il est administrativement rattaché en tant qu'établissement public, auprès de l'officier d'état civil de la commune de rattachement.

Cet article introduit donc une dérogation aux règles fixées par les articles 55 et 78 du code civil qui donnent compétence à l'officier d'état civil du lieu de naissance ou du lieu de décès pour recevoir la déclaration de naissance ou dresser l'acte de décès. Le dispositif précise que les centres hospitaliers concernés figureraient sur une liste établie par décret.

Selon les justifications avancées en séance publique par l'auteur de l'amendement, cette dérogation aurait pour vertu de décharger les services de l'état civil des communes d'implantation de ces centres hospitaliers, qui sont souvent des communes de taille modeste alors que les communes de rattachement sont généralement des grandes villes.

Si pareille préoccupation peut paraître légitime de prime abord puisqu'il s'agit d'éviter qu'une charge disproportionnée ne pèse sur les services de l'état civil de la commune d'implantation de l'établissement hospitalier, la dérogation susvisée présente à la réflexion des inconvénients qui remettent en cause son bien-fondé .

En effet, cela reviendrait à porter atteinte au principe de compétence territoriale des officiers d'état civil : l'état civil est organisé au niveau communal et un officier d'état civil ne peut exercer ses fonctions que dans le périmètre du territoire de sa commune.

Mais surtout, une telle dérogation ne serait pas dénuée de tout risque pour la stabilité de l'état civil dans la mesure où une restructuration de la carte sanitaire ou une fusion de communes pourrait aboutir à modifier le lien de rattachement de l'établissement hospitalier et faire ainsi disparaître toute relation entre le lieu de naissance et le lieu de la déclaration de naissance. C'est pourquoi votre commission des Lois, qui observe au surplus que le présent article apparaît comme un « cavalier » dans un texte traitant du nom de famille, préfère éviter d'ouvrir une brèche dans les procédures de déclaration de naissance et de déclaration de décès et vous soumet en conséquence un amendement de suppression de l'article 7 bis.

Article 8
(art. 1er et 4 de la loi du 2 juillet 1923)
Relèvement du nom des femmes mortes pour la France

Cet article a pour objet de permettre le relèvement du nom des femmes mortes pour la France .

La loi du 2 juillet 1923, adoptée après le choc de la première guerre mondiale, permet de relever le nom des citoyens morts pour la France. Cette procédure permet l'accolement du nom d'une personne victime d'une guerre au nom de famille du requérant. Elle constitue un droit qui doit s'exercer par la voie judiciaire. Contrairement aux procédures permettant le changement ou la francisation du nom, elle ne résulte pas d'une décision discrétionnaire de l'administration. Elle revêt néanmoins un caractère exceptionnel.

Le paragraphe I de cet article tend à permettre le relèvement du nom des femmes mortes pour la France par les successibles qui y sont autorisés en supprimant le mot « mâle » à l'article premier de la loi du 2 juillet 1923.

En l'état du droit en vigueur, l'article premier de la loi du 2 juillet 1923 fixe les conditions exigées pour le relèvement du nom d'un citoyen mort pour la France en l'absence de toute volonté de ce dernier :

- d'une part, la victime civile ou militaire doit être morte pour la France, l'article 4 de la loi précitée donne plusieurs illustrations à cet égard : « tué à l'ennemi » (alinéa premier), « soldat mort pour la Franc e » (alinéa quatre) ;

- d'autre part, cette victime doit être le dernier représentant « mâle » d'une famille dans l'ordre de la descendance et « n'avoir laissé aucune postérité ».

L'exclusion de la perpétuation du nom des femmes résultant de la rédaction de l'article premier était fondée sur le constat que ces dernières, tout au moins en ce qui concerne la famille légitime, ne transmettaient pas leur nom à leurs enfants, et que par voie de conséquence, celui-ci était destiné à s'éteindre.

L'article premier de la loi du 2 juillet 1923 détermine les personnes habilitées à relever le nom d'un citoyen mort pour la France, s'inspirant des règles successorales, dont le relèvement du nom est apparu comme l'un des effets. En l'absence de toute précision quant au sexe des successibles, rien n'interdit aux femmes en revanche de relever le nom d'un de leur parent de sexe masculin.

Ce droit n'appartient qu'aux successibles les plus proches dans l'ordre légal, jusque et y compris le sixième degré. Il est donc réservé à la famille du citoyen mort pour la France.

La demande est formée par l'intéressé, s'il est majeur, dans les cinq ans suivant l'établissement ou la transcription de l'acte de décès du défunt sur les registres d'état civil, s'il est mineur dans les cinq ans qui suivront sa majorité si ce droit n'a pas été revendiqué par ses représentants légaux au cours de sa minorité.

Elle est introduite par voie de requête au tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession et déposée au greffe. Une copie de cette demande est affichée pendant trois mois au tribunal, ainsi qu'à la mairie du dernier domicile du défunt et à celle du domicile du demandeur, à la requête du procureur de la République. Passé ce délai, aucune opposition n'est jugée recevable et le tribunal, après examen du respect des conditions légales, ordonne la rectification des actes de l'état civil 165 ( * ) .

Le paragraphe II tend à supprimer le mot « mâle » dans le premier alinéa de l'article 4 de la même loi.

L'article 4 de la loi du 2 juillet 1923 permet le relèvement du nom en exécution de la volonté du défunt mâle 166 ( * ) . Ainsi, le dernier titulaire « tué à l'ennemi » peut désigner par voie testamentaire un bénéficiaire parmi les successibles désignés à l'article premier. Aux termes du deuxième alinéa de cet article, le bénéficiaire devra être désigné parmi les successibles désignés à l'article premier. Cette volonté ne produit pas elle-même un droit, le bénéficiaire restant soumis aux conditions de forme et de fond qui sont imposées à l'article premier.

Partageant avec les députés le souci d'assurer une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article, sous réserve d'un amendement rédactionnel tendant à substituer l'expression « nom de famille » à l'expression « nom patronymique », par cohérence avec les nouvelles règles proposées de dévolution du nom .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 8 ainsi modifié .

Article 9
(art. 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985)
Suppression du double nom des parents
porté à titre d'usage

Cet article a pour objet de supprimer la possibilité offerte à toute personne d'adjoindre à son nom de famille, à titre d'usage, le nom de celui des parents qui ne lui a pas transmis le sien.

Actuellement, l'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs, autorise toute personne majeure, ainsi que toute personne mineure, par l'intermédiaire des titulaires de l'autorité parentale 167 ( * ) , à adjoindre le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien 168 ( * ) . Depuis le 1er juillet 1986, date d'entrée en vigueur de ces dispositions, toute personne peut décider de faire l'usage d'un nom double , pour elle-même et pour ses enfants mineurs.

Le cas d'un enfant adopté dans le cadre d'une adoption simple, pour lequel une substitution du nom de l'adoptant 169 ( * ) a été prononcée dans le jugement, constitue cependant une exception à cette faculté 170 ( * ) .

Ce nom d'usage se distingue du nom de famille à plusieurs égards :

- il n'est pas transmissible aux enfants,

- le port du double nom n'est pas une obligation mais une simple faculté ;

- il ne donne lieu à aucune mention sur les registres de l'état civil, conformément au principe de l'immutabilité du nom posé par la loi du 6 fructidor an II. Il peut en revanche figurer sur certains documents administratifs (carte d'identité, permis de conduire) ;

- il est possible de renoncer à son utilisation à tout moment.

La mise en oeuvre de ces dispositions a suscité de nombreuses difficultés d'application en raison de certaines divergences d'appréciation. Ainsi, la Chancellerie a-t-elle été conduite à diffuser deux circulaires afin d'y remédier.

La circulaire du 26 juin 1986, en l'absence de toute précision contenue dans la loi, a précisé que l'ordre des noms à accoler pouvait être choisi librement. Le nom de famille d'origine doit néanmoins obligatoirement figurer dans cette énumération. La possibilité de choisir entre les différents vocables constituant le nom du parent qui n'est pas transmis n'est pas admise, chaque nom de famille s'assimilant à une entité indivisible 171 ( * ) .

Cette circulaire a également posé l'obligation de distinguer sur un même document administratif le nom d'usage et le nom patronymique. D'autre part, elle a précisé l'impossibilité de cumuler le nom d'usage fondé sur le mariage et celui fondé sur la filiation 172 ( * ) .

La circulaire du 4 novembre 1987 a clarifié les règles permettant à l'enfant mineur de porter un nom d'usage, afin de tirer les conséquences de l'entrée en vigueur de la loi n° 87-570 du 22 juillet 1987 sur l'exercice de l'autorité parentale. Les parents divorcés ou naturels d'un enfant exerçant en commun l'autorité parentale peuvent, chacun, mettre en oeuvre le droit pour l'enfant mineur de porter un nom d'usage. En cas de conflit, l'administration doit s'abstenir de déférer à la demande des parents jusqu'à la saisine du juge aux affaires familiales par les parents, seul compétent pour trancher ce litige, en application de l'article 372-1-1 du code civil. En revanche, si l'autorité parentale n'est confiée qu'à un seul parent, le recours au nom d'usage de l'enfant mineur relève de sa seule volonté 173 ( * ) .

Cette disposition présente l'avantage pour le législateur de ne pas modifier les règles de transmission, et d'adapter à l'enfant une notion jusque-là réservée à la femme mariée 174 ( * ) . Issue d'une initiative de Mme Denise Cacheux, à l'époque rapporteure de ce texte, l'introduction du nom d'usage fut pourtant justifiée par le souci d'assurer une plus grande égalité entre les parents dans la transmission du nom de famille. La loi de 1985 avait fait l'objet d'un compromis entre le Parlement et le Gouvernement, M. Robert Badinter, garde des Sceaux, estimant que l'adoption de ce dispositif « représentait un moment tout à fait important de notre société » 175 ( * ) .

Notre ancien collègue, M. Luc Dejoie, rapporteur pour le Sénat, avait d'ailleurs approuvé la souplesse du mécanisme proposé qui « évite toute transcription sur les registres d'état civil, ce qui implique que les règles actuelles concernant la transmission du nom patronymique ne sont nullement remises en cause 176 ( * ) ».

Mme Dekeuwer-Defossez dans son rapport remis au Gouvernement en septembre 1999, avait d'ailleurs jugé souhaitable de conserver la possibilité de porter à titre d'usage un double nom, non transmissible, composé de l'addition du nom des deux parents. Elle avait même suggéré d'inscrire cette faculté dans le code civil 177 ( * ) .

Votre commission des Lois estime, contrairement à la commission des Lois de l'Assemblée nationale, que cette disposition doit être maintenue , dans la mesure où elle offre à toute personne la possibilité d'accoler les deux noms de ses parents dans le cas où ces derniers ne lui auraient transmis qu'un seul nom de famille. Cette disposition, par sa souplesse, loin de présenter des inconvénients pour le régime du droit au nom, comporte au contraire de nombreux avantages. L'évolution du régime du nom de famille n'apparaît nullement incompatible avec la mise en oeuvre du nom d'usage , contrairement à l'argumentation développée par les députés.

Cette disposition prend tout son sens lorsque la situation familiale d'un enfant est difficile. Un enfant, portant le nom d'un père absent et vivant seul avec sa mère 178 ( * ) peut ainsi dans sa vie sociale être connu sous le même nom qu'elle, tout en conservant une trace de sa paternité. Le nom d'usage constitue donc une alternative judicieuse à la procédure de changement de nom à titre contentieux (article 334-3 du code civil), en cas de conflit entre les parents.

Par symétrie avec la liberté offerte aux parents de choisir le nom de leur enfant, votre commission des Lois estime qu'il ne serait pas opportun de priver d'une telle faculté les personnes désirant choisir un nom d'usage. De plus, aucune des dispositions de la présente proposition de loi adoptée par les députés ne permet à une personne majeure de revenir sur le choix effectué par ses parents 179 ( * ) .

Par ailleurs, votre commission des Lois estime tout à fait regrettable que la loi du 23 décembre 1985 n'ait pas produit les effets attendus, dans la mesure où elle reste largement méconnue, ses dispositions n'ayant pas fait l'objet d'une publicité suffisante. Elle souhaite attirer l'attention du Gouvernement et l'interroger sur les moyens mis en oeuvre pour informer la population sur cette faculté.

De plus, votre commission a constaté avec regret que la Chancellerie ne disposait d'aucune statistique significative relative au nom d'usage, et n'avait procédé à aucune évaluation concernant l'application de cette loi. Votre commission des Lois tient d'ailleurs à rappeler que notre ancien collègue M. Luc Dejoie avait souligné la nécessité de mesurer « en grandeur réelle  et non par des sondages l'évolution de la sensibilité collective 180 ( * ) » quelques années après l'entrée en vigueur du nom d'usage. M. Robert Badinter, garde des Sceaux, s'était d'ailleurs exprimé dans le même sens : « Dans dix ou quinze ans, nous verrons combien de Français et de Françaises choisissent de porter le nom de leur mère au côté de celui de leur père » 181 ( * ) .

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois vous propose donc d'adopter un amendement de suppression de l'article 9 .

Article 10
Mesures transitoires relatives au changement de nom

Cet article a pour objet de prévoir, à titre transitoire, la possibilité pour toutes les personnes nées avant l'entrée en vigueur de la présente loi de changer de nom afin d'ajouter à son nom celui du parent qui ne le lui avait pas transmis .

Les règles actuelles de changement sont actuellement très strictes 182 ( * ) , compte tenu des prescriptions imposées par la loi du 6 fructidor an II, qui interdit de prendre un autre nom que celui inscrit sur l'acte de naissance. La Cour de Cassation à l'occasion de nombreux arrêts a affirmé que cette loi était toujours en vigueur. Cependant la règle de l'immutabilité du nom n'est pas une règle absolue.

Le présent article crée donc une nouvelle procédure de changement de nom ouverte, à titre transitoire , pour toutes les personnes nées avant l'entrée en vigueur du présent texte, afin de permettre l'adjonction du nom ou la substitution du nom du parent qui ne lui a pas été transmis. Cette faculté est également ouverte aux mineurs par l'intermédiaire des titulaires de l'autorité parentale, sous réserve de leur consentement s'ils sont âgés de plus de treize ans.

La mise en oeuvre de cette demande, les délais dans lesquels elle peut être formulée, ainsi que les règles de publicité relatives au changement de nom ne sont pas précisées.

Dans un premier temps M. Gérard Gouzes, rapporteur de l'Assemblée nationale, avait proposé que cette requête soit portée devant le juge aux affaires familiales. Puis, au cours de la séance publique, il a renoncé à cette disposition, en réponse aux objections du Gouvernement 183 ( * ) . Il a par ailleurs indiqué qu'il appartiendrait au pouvoir réglementaire d'encadrer cette procédure et d'en définir les modalités.

Votre commission considère que cette disposition conduit à créer une rupture d'égalité entre les personnes nées avant l'entrée en vigueur de la loi et celles nées postérieurement. En toute logique, il apparaît difficilement admissible d'autoriser toutes les personnes nées antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi à changer de nom afin d'y adjoindre le nom du parent qui n'a pas été transmis, alors même que le dispositif proposé n'aurait pas vocation à s'appliquer aux enfants nés postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi.

De plus, une telle disposition serait de nature à porter une atteinte disproportionnée à l'exigence de stabilité de l'état civil et à l'immutabilité du nom au regard de l'objectif d'égalité entre les hommes et les femmes. Les modalités retenues apparaissent en effet insuffisamment encadrées, sans aucune limitation dans le temps, sans aucun délai pour effectuer le changement de nom.

Enfin, ces mesures transitoires pourraient engendrer des difficultés non négligeables, d'une part en obligeant à actualiser de nombreux documents notariés ou actes immobiliers, d'autre part en multipliant les risques de fraudes à l'égard de l'état civil.

Votre commission n'a pas souhaité proposer un dispositif transitoire permettant aux parents ayant des enfants nés avant la promulgation de la loi, de choisir le nom de leur enfant en vertu des nouvelles dispositions de la présente proposition de loi compte tenu des inconvénients qui pouvaient en résulter . D'une part, il apparaît nécessaire de ne pas porter atteinte à l'unité et à la stabilité du nom, facteur d'identification de la personne. D'autre part, votre commission estime indispensable d'éviter des complexifications inutiles des règles de transmission du nom, préjudiciables à la fiabilité de l'état civil . En outre, il ne paraît pas raisonnable de banaliser la possibilité de changer le nom d'un enfant, expérience qui peut s'avérer traumatisante.

Votre commission vous proposera donc d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 10, tendant à prévoir que les dispositions de la présente loi ont vocation à s'appliquer aux seuls enfants nés à compter de sa promulgation et à la condition que les parents n'aient pas d'autres enfants communs nés avant cette date .

Même si ces dispositions excluent du droit d'option les parents des enfants déjà nés, et partant diffèrent l'entrée en vigueur effective de la loi, il paraît toutefois préférable que cette loi ne s'applique que pour l'avenir, pour les seuls enfants à naître, et n'engendre pas des interférences entre les règles actuellement en vigueur et les nouvelles règles proposées par la présente proposition de loi, sources d'une complexification inutile et dangereuse.

Compte tenu de ces observations, votre commission vous soumet un amendement de réécriture de l'article 10.

Article 10 bis (nouveau)
Applicabilité à Mayotte

Le présent article prévoit de rendre applicables à Mayotte l'article 57 du code civil précité ainsi que les dispositions de la présente proposition de loi.

Une telle précision s'avère inutile dans la mesure où l'article 3 de la loi n°2000-616 relative à Mayotte dispose que sont applicables à Mayotte les lois, ordonnances et décrets portant sur l'état et la capacité des personnes destinées à régir l'ensemble du territoire national. Ainsi, les dispositions de la présente proposition de loi seront-elles automatiquement applicables sans qu'une telle précision soit nécessaire.

Cependant, seuls ces ajouts et modifications seront applicables d'emblée, sans que cela emporte applicabilité des articles du code civil que la proposition de loi modifie car l'article 3 de la loi précitée n'a pas d'effet rétroactif. Il conviendrait donc pour éviter des difficultés de mise en oeuvre de prévoir un « rattrapage » des textes correspondants qui n'avaient pas été initialement étendus à Mayotte. C'est pourquoi votre commission vous propose un amendement de réécriture de l'article 10 bis tendant à étendre à Mayotte l'ensemble des dispositions du code civil modifiées par la présente proposition de loi, ainsi que les articles périphériques indispensables pour la bonne articulation du texte.

Cependant au-delà de cet aspect formel, votre commission s'est interrogée sur l'opportunité d'appliquer ces nouvelles règles à Mayotte dans le contexte actuel.

L'état civil à Mayotte fait actuellement l'objet d'une réforme initiée par les ordonnances n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicables à Mayotte et n° 2000-219 du même jour relative à l'état civil de Mayotte.

95 % de la population de Mayotte bénéficie d'un statut personnel, reconnu par l'article 75 de la Constitution et est donc régie en matière d'état des personnes par un droit essentiellement musulman mâtiné de coutumes africaines. Ces personnes relèvent donc d'un état civil particulier, dérogatoire au droit commun.

En effet, il n'existe pas à Mayotte de nom de famille transmissible, ce qui rend délicat l'établissement d'un état civil fiable. Le mode d'identification de la personne varie au cours de sa vie.

Au nom de filiation, composé de la locution « fils de » ou « fille de » et du prénom du père, succèdent un nom de paternité composé du mot Ba (père) ou Ma (mère) et du prénom du fils aîné puis un nom du « troisième âge », constitué de la locution « grand-père de » ou « grand-mère de » et du prénom du petit-fils aîné. Dans la société mahoraise, le nom de paternité tient une place prépondérante, comme dans les cultures arabes traditionnelles.

Par ailleurs, le père garde secret le nom de son enfant pour le protéger contre le malheur. Dans la vie courante on recourt à un pseudonyme.

Le cadi (juge musulman) peut également être amené à changer le prénom d'un individu pour des raisons coutumières, après une maladie par exemple.

L'identité individuelle comporte ainsi des éléments divers : le nom de parenté, le prénom usuel ou familial non déclaré à l'état civil et employé dans les relations avec les proches, le surnom, le prénom de l'école, officiellement déclaré à l'état civil et utilisé dans les relations avec l'administration.

Cette situation étant source de confusions, d'homonymies et de contentieux, l'article 2 de l'ordonnance n° 2000-218 précitée a fixé des règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte. Les Mahorais devront donc choisir un nom patronymique transmissible parmi une liste de noms établie par la commission du nom patronymique depuis 1997.

Il est prévu que les enfants légitimes portent le nom de leur père, les enfants naturels portant celui de leur mère.

Ce travail devait être achevé dans un délai d'un an à compter de la publication de l'arrêté du préfet procédant à l'installation de cette commission. Cependant, cette dernière n'a pu commencer ses travaux effectivement qu'en avril 2001. Cette réforme nécessitant un important effort de pédagogie, l'article 53 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte a étendu à deux ans le délai imparti aux Mahorais pour choisir un nom de famille.

Il semble donc opportun de rendre applicables à Mayotte dès à présent les dispositions de la proposition de loi compte tenu des bouleversements en cours . Le report des règles applicables ne ferait que ralentir davantage l'achèvement de ce processus.

Votre commission des Lois vous propose en conséquence un amendement de réécriture de l'article 10 bis .

Article 11
Décret d'application

Cet article prévoit que les conditions d'application de la présente proposition de loi feront l'objet de décrets en Conseil d'Etat.

Par cohérence avec les nouvelles règles de dévolution du nom proposées par votre commission, des décrets en Conseil d'Etat pourront être nécessaires, notamment pour fixer les modalités de la déclaration conjointe mentionnant le choix du nom de l'enfant par les parents ainsi que pour préciser les conditions transitoires de changement de nom.

Votre commission vous propose donc d'adopter l'article 11 sans modification .

*

* *

Au bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter la présente proposition de loi.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

___

Texte adopté par
l'Assemblée nationale

___

Propositions de la Commission

___

Proposition de loi relative
au nom patronymique

Proposition de loi relative
au nom de famille

Art. 57. --  L'acte de naissance énoncera le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant, et les prénoms qui lui seront donnés, les prénoms, noms, âges, professions et domiciles des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant. Si les père et mère de l'enfant naturel, ou l'un d'eux, ne sont pas désignés à l'officier de l'état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet.

Article premier

I. --  Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 57 du code civil, après les mots : « le sexe de l'enfant, », sont insérés les mots : « , le nom ».

II. -- Après le premier alinéa du même article, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la filiation d'un enfant est établie simultanément à l'égard de ses deux parents, ces derniers choisissent le nom qui lui est dévolu. L'enfant peut acquérir soit le nom de son père, soit celui de sa mère. Il peut aussi acquérir leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux. En cas de désaccord entre les parents sur le nom à conférer à l'enfant, celui-ci acquiert leurs deux noms accolés dans l'ordre alphabétique, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux.

Article premier

I. - Dans ...

... « le nom de famille ».

II. - Supprimé.

« Lorsque la filiation d'un enfant est établie successivement à l'égard de ses deux parents, l'enfant acquiert le nom du parent à l'égard de qui sa filiation est établie en premier lieu.

« Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard d'un seul parent, il acquiert le nom de celui-ci.

« Les enfants issus des mêmes père et mère portent un nom identique. »

Les prénoms de l'enfant sont choisis par ses père et mère. La femme qui a demandé le secret de son identité lors de l'accouchement peut faire connaître les prénoms qu'elle souhaite voir attribuer à l'enfant. A défaut ou lorsque les parents de celui-ci ne sont pas connus, l'officier de l'état civil choisit trois prénoms dont le dernier tient lieu de patronyme à l'enfant. L'officier de l'état civil porte immédiatement sur l'acte de naissance les prénoms choisis. Tout prénom inscrit dans l'acte de naissance peut être choisi comme prénom usuel.

II. -- En conséquence, dans la troisième phrase du deuxième alinéa, dans la première phrase du troisième alinéa et dans la première phrase du dernier alinéa du même article du code civil, le mot : « patronyme » est remplacé par les mots : « nom de famille ».

Lorsque ces prénoms ou l'un d'eux, seul ou associé aux autres prénoms ou au nom, lui paraissent contraires à l'intérêt de l'enfant ou au droit des tiers à voir protéger leur patronyme, l'officier de l'état civil en avise sans délai le procureur de la République. Celui-ci peut saisir le juge aux affaires familiales.

Si le juge estime que le prénom n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant ou méconnaît le droit des tiers à voir protéger leur patronyme, il en ordonne la suppression sur les registres de l'état civil. Il attribue, le cas échéant, à l'enfant un autre prénom qu'il détermine lui-même à défaut par les parents d'un nouveau choix qui soit conforme aux intérêts susvisés. Mention de la décision est portée en marge des actes de l'état civil de l'enfant.

Art. 61 - Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom.

La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré.

Le changement de nom est autorisé par décret.

Article additionnel

Le deuxième alinéa de l'article 61 du code civil est complété par les mots : « ou de permettre à toute personne d'ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien ».

Art. 61-3 - Tout changement de nom de l'enfant de plus de treize ans nécessite son consentement personnel lorsque ce changement ne résulte pas de l'établissement ou d'une modification d'un lien de filiation.

L'établissement ou la modification du lien de filiation n'emporte cependant le changement du patronyme des enfants majeurs que sous réserve de leur consentement.


Article additionnel

Dans le second alinéa de l'article 61-3 du code civil, le mot : « patronyme» est remplacé par les mots : «nom de famille ».

Article additionnel

Compléter le chapitre I du titre VII du livre premier du code civil par trois alinéas ainsi rédigés :

« Section V. Des règles de dévolution du nom de famille

« Art. 311-21. - Lorsque la filiation d'un enfant est établie simultanément à l'égard de ses deux parents, ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom du père.

« Le nom dévolu au premier enfant vaut pour les autres enfants communs. »

Art. 331 - Tous les enfants nés hors mariage "fussent-ils décédés" sont légitimés de plein droit par le mariage subséquent de leurs père et mère.

Si leur filiation n'était pas déjà établie, ces enfants font l'objet d'une reconnaissance au moment de la célébration du mariage. En ce cas, l'officier de l'état civil qui procède à la célébration constate la reconnaissance et la légitimation dans un acte séparé.

Article additionnel

Le second alinéa de l'article 331 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le nom de famille des enfants est déterminé en application des règles énoncées à l'article 311-21 ».

Art. 331-2 - Toute légitimation est mentionnée en marge de l'acte de naissance de l'enfant légitimé.

Cette mention peut être requise par tout intéressé. Dans le cas de l'article 331, l'officier de l'état civil y pourvoit lui-même, s'il a eu connaissance de l'existence des enfants.

La mention de la légitimation sur l'acte de naissance d'un enfant majeur est dépourvue d'effet sur son patronyme si l'acte ne comporte pas, en outre, la mention du consentement de l'intéressé à la modification de son patronyme.


Article additionnel

Dans le dernier alinéa de l'article 331-2 du code civil, le mot : « patronyme » est remplacé deux fois par les mots : « nom de famille ».

Art. 332-1 - La légitimation confère à l'enfant légitimé les droits et les devoirs de l'enfant légitime.

Toutefois, la légitimation ne peut avoir pour effet de modifier le patronyme d'un enfant majeur sans le consentement de celui-ci.

Elle prend effet à la date du mariage.

Article additionnel

Dans le deuxième alinéa de l'article 332-1 du code civil, le mot : « patronyme » est remplacé par les mots : « nom de famille ».

Art. 333-4 - La légitimation par autorité de justice prend effet à la date de la décision qui la prononce définitivement.

Si elle a eu lieu à la requête d'un seul des parents, elle n'a point d'effet à l'égard de l'autre ; elle n'emporte pas modification du nom de l'enfant, sauf décision contraire du tribunal.

Article additionnel

Dans le second alinéa de l'article 333-4 du code civil, après les mots : «modification du nom » sont insérés les mots : « de famille ».

Art. 333-5. --  Si la légitimation par autorité de justice a été prononcée à l'égard des deux parents, l'enfant prend le nom du père ; s'il est mineur, le tribunal statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, comme en matière de divorce.

Art. 57. --  Cf. supra art. 1 er .

Article 2

Dans l'article 333-5 du même code, les mots : « l'enfant prend le nom du père » sont remplacés par les mots : « le nom de l'enfant est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57 ».

Article 2

Le début de l'article 333-5 du code civil est ainsi rédigé :

« Si la légitimation par autorité de justice a été prononcée à l'égard des deux parents, le nom de famille de l'enfant est déterminé en application des règles énoncées à l'article 311-21 ; s'il est ... (le reste sans changement)

Art. 333-6 - Les dispositions des articles 331-2, 332 et 332-1, alinéa 1er sont applicables à la légitimation par autorité de justice.

Article additionnel

L'article 333-6  du code civil est ainsi rédigé :

« Les dispositions de l'article 331-2 et des deux premiers alinéas de l'article 332-1 sont applicables à la légitimation par autorité de justice. »

Article 3

L'article 334-1 du même code est ainsi rédigé :

Article 3

Alinéa supprimé .

Art. 334-1 . --  L'enfant naturel acquiert le nom de celui de ses deux parents à l'égard de qui sa filiation est établie en premier lieu ; le nom de son père, si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre.

Art. 57. --  Cf. supra art. 1 er .

« Art. 334-1 . --  Le nom de l'enfant naturel est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57. »

Après les mots : « en premier lieu », la fin de l'article 334-1 du code civil est supprimée.

Art. 334-2. --  Lors même que sa filiation n'aurait été établie qu'en second lieu à l'égard du père, l'enfant naturel pourra prendre le nom de celui-ci par substitution, si, pendant sa minorité, ses deux parents en font la déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance.

Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire.

Article 4

Dans le premier alinéa de l'article 334-2 du même code, après les mots : « le nom de celui-ci », sont insérés les mots : « ou les noms accolés de ses deux parents dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux ».

Article 4

Le premier alinéa de l'article 334-2 du code civil est ainsi rédigé :

« L'enfant naturel prend, par substitution, le nom de famille de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation a été établie en second lieu si, pendant sa minorité, ses deux parents en font la déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance. Il peut également, selon les mêmes modalités, prendre les noms accolés de ses deux parents dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux »


Art. 334-5. --  En l'absence de filiation paternelle établie, le mari de la mère peut conférer, par substitution, son propre nom à l'enfant par une déclaration qu'il fera conjointement avec la mère, sous les conditions prévues à l'article 334-2 ci-dessus.

L'enfant pourra toutefois demander à reprendre le nom qu'il portait antérieurement par une demande qu'il soumettra au juge aux affaires familiales, dans les deux années suivant sa majorité.

Art. 334-2 -  Lors même que sa filiation n'aurait été établie qu'en second lieu à l'égard du père, l'enfant naturel pourra prendre le nom de celui-ci par substitution, si, pendant sa minorité, ses deux parents en font la déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance.

Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire.

Article 5

Après les mots : « filiation paternelle établie, », la fin du premier alinéa de l'article 334-5 du même code est ainsi rédigée : « il peut être conféré à l'enfant, par déclaration conjointe du mari de la mère et de celle-ci, et sous les conditions prévues à l'article 334-2, le nom du mari ou leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux. »

Article 5

Le premier alinéa de l'article 334-5 du code civil est ainsi rédigé :

« En l'absence de filiation maternelle ou paternelle établie, la femme du père ou le mari de la mère selon le cas peut conférer par substitution son propre nom de famille à l'enfant par une déclaration faite conjointement avec l'autre époux dans les conditions définies à l'article 334-2. Il peut également aux mêmes conditions être conféré à l'enfant les noms accolés des deux époux dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. »

Art. 354 - Dans les quinze jours de la date à laquelle elle est passée en force de chose jugée, la décision prononçant l'adoption plénière est transcrite sur les registres de l'état civil du lieu de naissance de l'adopté, à la requête du procureur de la République.

Lorsque l'adopté est né à l'étranger, la décision est transcrite sur les registres du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères.

La transcription énonce le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant ainsi que ses prénoms, tels qu'ils résultent du jugement d'adoption, les prénoms, noms, date et lieu de naissance, profession et domicile du ou des adoptants. Elle ne contient aucune indication relative à la filiation réelle de l'enfant.

La transcription tient lieu d'acte de naissance à l'adopté.

L'acte de naissance originaire conservé par un officier de l'état civil français et, le cas échéant, l'acte de naissance établi en application de l'article 58 sont, à la diligence du procureur de la République, revêtus de la mention "adoption" et considérés comme nuls.

Article additionnel

Dans la première phrase du troisième alinéa de l'article 354 du code civil, après les mots : « ainsi que ses », sont insérés les mots : « nom de famille et ».


Art. 357. --  L'adoption confère à l'enfant le nom de l'adoptant et, en cas d'adoption par deux époux, le nom du mari.

Article 6

I. --  Après les mots : « le nom de l'adoptant », la fin du premier alinéa de l'article 357 du même code est supprimée.

Article 6

I. -- (Sans modification).

II. --  Après le premier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

II. -- (Alinéa sans modification).

« En cas d'adoption par deux époux, le nom conféré à l'enfant est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57. »

« En cas d'adoption par deux époux, le nom conféré à l'enfant est déterminé en application des règles énoncées à l'article 311-21. »

Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant.

Si l'adoptant est une femme mariée, le tribunal peut, dans le jugement d'adoption, décider du consentement du mari de l'adoptante que le nom de ce dernier sera conféré à l'adopté ; si le mari est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal apprécie souverainement après avoir consulté les héritiers du mari ou ses successibles les plus proches.

III. -- Dans le dernier alinéa du même article, après les mots : « le nom de ce dernier », sont insérés les mots : « ou leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux ».

III - Le dernier alinéa du même article est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Si l'adoptant est une femme mariée ou un homme marié, le tribunal peut, dans le jugement d'adoption, décider que le nom de l'autre époux, sous réserve du consentement de celui-ci, sera conféré à l'enfant. Il peut également être conféré à l'enfant les noms accolés des époux dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux.

« Si le mari ou la femme de l'adoptant est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal apprécie souverainement après avoir consulté les héritiers du défunt ou ses successibles les plus proches. »

Art. 361 - Les dispositions des articles 343 à 344, 346 à 350, 353, 353-1, 353-2, 355 et 357, dernier alinéa, sont applicables à l'adoption simple.

Art. 357 - L'adoption confère à l'enfant le nom de l'adoptant et, en cas d'adoption par deux époux, le nom du mari.

Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant.

Si l'adoptant est une femme mariée, le tribunal peut, dans le jugement d'adoption, décider du consentement du mari de l'adoptante que le nom de ce dernier sera conféré à l'adopté ; si le mari est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal apprécie souverainement après avoir consulté les héritiers du mari ou ses successibles les plus proches.

Article additionnel

Dans l'article 361 du code civil, les mots : « 357, dernier alinéa, » sont remplacés par les mots :

« des deux derniers alinéas de l'article 357 »

Art. 363 - L'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier.

Article additionnel

Le premier alinéa de l'article 363 du code civil est ainsi complété : « En cas d'adoption par deux époux, le nom de famille accolé à celui de l'adopté est soit celui du mari, soit celui de la femme, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux et, à défaut d'accord entre eux, le nom du mari. »

Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l'adoptant, décider que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant. Cette demande peut également être formée postérieurement à l'adoption. Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution de patronyme est nécessaire.

Article 7

L'article 363 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Article 7

Après la première phrase du second alinéa de l'article 363 du code civil, il est inséré une phrase ainsi rédigée:

« En cas d'adoption par deux époux, le nom de famille substitué à celui de l'adopté peut être soit celui du mari, soit celui de la femme, soit les noms accolés des époux dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux

Art. 57. --  Cf. supra art. 1 er .

« En cas d'adoption par deux époux, le nom substitué à celui de l'adopté en application des alinéas précédents est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57. »

Alinéa supprimé.

Article additionnel

Dans la dernière phrase du second alinéa de l'article 363 du code civil, les mots : « de patronyme » sont remplacés par les mots : « du nom de famille ».

Art. 55. --  Les déclarations de naissance seront faites dans les trois jours de l'accouchement, à l'officier de l'état civil du lieu.

Lorsqu'une naissance n'aura pas été déclarée dans le délai légal, l'officier de l'état civil ne pourra la relater sur ses registres qu'en vertu d'un jugement rendu par le tribunal de l'arrondissement dans lequel est né l'enfant, et mention sommaire en sera faite en marge à la date de la naissance. Si le lieu de la naissance est inconnu, le tribunal compétent sera celui du domicile du requérant.

En pays étranger, les déclarations aux agents diplomatiques ou consulaires seront faites dans les quinze jours de l'accouchement. Toutefois, ce délai pourra être prolongé par décret dans certaines circonscriptions consulaires.

Article 7 bis (nouveau)

I. -  Après le premier alinéa de l'article 55 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la naissance est intervenue dans un centre hospitalier communal situé sur le territoire d'une autre commune et figurant sur une liste établie par décret, la déclaration de naissance sera faite à l'officier d'état-civil de la commune de rattachement. »

Article 7 bis

Supprimé.

Art. 78. --  L'acte de décès sera dressé par l'officier de l'état civil de la commune où le décès a eu lieu, sur la déclaration d'un parent du défunt ou sur celle d'une personne possédant sur son état civil les renseignements les plus exacts et les plus complets qu'il sera possible.

II. -  L'article 78 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le décès est intervenu dans un centre hospitalier communal situé sur le territoire d'une autre commune et figurant sur une liste établie par décret, la déclaration de décès sera faite à l'officier d'état-civil de la commune de rattachement. »

Loi du 2 juillet 1923 perpétuant le nom des citoyens morts pour la Patrie

Art. 1 er . --  Au cas où le dernier représentant mâle d'une famille, dans l'ordre de la descendance, est mort à l'ennemi sans postérité, le droit de relever son nom en l'ajoutant au sien appartient au plus proche de ses successibles, et, si celui-ci ne l'exerce pas, aux autres successibles dans l'ordre légal, jusques et y compris le sixième degré, vivant lors de son décès, agissant tant pour eux que pour leurs enfants nés ou à naître.

Article 8

I. --  Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1 er de la loi du 2 juillet 1923 perpétuant le nom des citoyens morts pour la Patrie, le mot : « mâle » est supprimé.

Article 8

I. -- (Sans modification).

Pour l'exercer, le demandeur devra se pourvoir par voie de requête devant le tribunal de grande instance du lieu de l'ouverture de la succession : s'il est majeur, dans les cinq ans de l'établissement ou de la transcription de l'acte de décès du défunt sur les registres de l'état civil ; s'il est mineur, dans les cinq ans qui suivront sa majorité, si ce droit n'a pas été revendiqué au cours de sa minorité par ses représentant légaux.

Art. 4. --  Tout individu, s'il est dans l'ordre de la descendance le dernier représentant mâle d'une famille, peut, en prévision du cas où il serait tué à l'ennemi sans postérité, transmettre son nom patronymique par disposition de dernière volonté à l'un de ses parents au degré successible, même non appelé à sa succession.

II. --  Il est procédé à la même suppression dans la première phrase du premier alinéa de l'article 4 de la même loi.

II. -- (Sans modification).

III - Dans le premier alinéa de l'article 4, les mots « nom patronymique» sont remplacés par les mots « nom de famille ».

Cette disposition étant acceptée a pour effet d'exclure tous autres ayants droit aux termes de l'article premier.

La personne désignée par le testateur devra exercer son droit dans les délais et sous les conditions déterminées par les articles précédents.

Le présent article est rétroactivement applicable dans les conditions prescrites aux dispositions de dernière volonté par lesquelles un soldat « mort pour la France » aurait, depuis le 1 er août 1914, déclaré vouloir transmettre son nom.

Loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs

Art. 43. --  Toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d'usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.

A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en oeuvre par les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale.


Article 9

L'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs est abrogé.


Article 9

Supprimé.

Article 10

Toute personne née avant la promulgation de la présente loi peut demander à ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. Lorsque le nom de l'un des deux parents est composé de plusieurs patronymes accolés, il ne peut être conservé qu'un seul de ces patronymes .

Article 10

L'examen de l'article a été réservé.

A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en oeuvre par les titulaires de l'autorité parentale. Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis .

Art. 57. --  Cf. supra art. 1 er .

Article 10 bis (nouveau)

L'article 57 du code civil ainsi que les dispositions de la présente loi sont applicables à Mayotte .

Article 10 bis

Les articles 57, 60 à 61-4, 329, 331, 331-2, 332-1, 333-4, 333-5, 333-6, 334-1, 334-2, 334-5, 354, 357, 361, 363 du code civil sont applicables à Mayotte .

Article 11

Les modalités d'application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Article 11

(Sans modification).

ANNEXES

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ANNEXE 1
-
LES RÈGLES DE TRANSMISSION DU NOM

Droit en vigueur

Dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Dispositif proposé par votre rapporteur

Enfant légitime

Transmission à l'enfant du nom du père

- en cas d'accord entre les parents -triple option-
transmission à l'enfant :
* soit du nom du père
* soit du nom de la mère
* soit des noms des deux parents accolés dans l'ordre de leur choix

- en cas de désaccord entre les parents :
transmission à l'enfant des noms des deux parents accolés dans l'ordre alphabétique

- en cas d'accord entre les parents :
reprise du dispositif de l'Assemblée nationale





- en cas de désaccord entre les parents ou d'abstention :
transmission à l'enfant du nom du père

Enfant né hors mariage

1°) en cas de filiation établie successivement par les deux parents :

principe : transmission à l'enfant du nom du parent qui a reconnu l'enfant en premier lieu

2 dérogations au profit de la transmission du nom paternel  lorsque l'enfant porte le nom maternel :




* substitution du nom paternel au nom maternel par déclaration conjointe



* dation : substitution du nom du mari de la mère au nom maternel porté par l'enfant





2°) en cas de filiation établie simultanément :
même système que celui qui prévaut actuellement pour l'enfant légitime

1°) en cas de filiation établie successivement par les deux parents :

maintien du droit en vigueur



maintien des 2 dérogations sous réserve de quelques modifications





* substitution au nom maternel, par déclaration, conjointe:

- soit du nom paternel

- soit des noms des deux parents accolés
* dation : substitution au nom maternel :

- soit du nom du mari de la mère

- soit du nom du mari de la mère et de celui de la mère accolés dans l'ordre choisi par eux

2°) en cas de filiation établie simultanément
même système que celui adopté par l'Assemblée nationale pour l'enfant légitime

1°) en cas de filiation établie successivement par les deux parents :

maintien du droit en vigueur



reprise du dispositif de l'Assemblée nationale lorsque l'enfant porte le nom maternel et extension de ces 2 dérogations au cas où l'enfant porte le nom paternel
















2°) en cas de filiation établie simultanément :
même système que celui proposé par votre rapporteur pour l'enfant légitime

Adoption plénière par deux époux


Substitution du nom du père adoptif au nom de l'enfant adopté


- en cas d'accord entre les parents :
substitution au nom d'origine porté par l'enfant adopté  :
* soit du nom du père
* soit du nom de la mère
* soit des deux noms des parents dans l'ordre de leur choix

- en cas de désaccord entre les parents :

substitution à l'enfant des noms des deux parents adoptifs accolés dans l'ordre alphabétique


-
en cas d'accord entre les parents
reprise du dispositif proposé par l'Assemblée nationale






- en cas de désaccord entre les parents ou d'abstention :
substitution à l'enfant du nom du père adoptif

Adoption simple par deux époux

Accolement du nom du père adoptif au nom de l'enfant adopté

Dérogation : possibilité de substituer le nom du père adoptif au nom d'origine de l'enfant adopté par déclaration conjointe

Maintien du droit en vigueur

maintien de cette dérogation avec des modifications :

possibilité de substituer au nom d'origine de l'adopté : * soit le nom du père adoptif

* soit celui de la mère adoptive

* soit les noms des deux parents adoptifs accolés

- en cas d'accord entre les parents :
le nom accolé au nom d'origine de l'enfant adopté est soit :
* le nom du père adoptif
* le nom de la mère adoptive
* les noms des deux parents accolés dans un ordre librement choisi

- en cas de désaccord entre les parents :
le nom du père est accolé au nom d'origine

reprise du dispositif proposé par l'Assemblée nationale

ANNEXE 2
-
AUDITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
DU MARDI 30 MAI 2001

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AUDITION DE MME FRANCOISE DEKEUWER-DÉFOSSEZ,
PROFESSEUR AGRÉGÉ À L'UNIVERSITÉ DE LILLE II,
PRÉSIDENTE DU GROUPE DE TRAVAIL
« RÉNOVER LE DROIT DE LA FAMILLE »

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M. Henri de Richemont a souhaité entendre le point de vue de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale relative au nom patronymique dont il était le rapporteur. Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a considéré que le dispositif technique de ce texte n'était pas satisfaisant techniquement, non pertinent socialement et psychologiquement dangereux.

Elle a indiqué que ce texte ne tenait aucun compte de la dualité de situation de filiation entre l'enfant légitime et l'enfant naturel. Elle a fait état d'une différence de traitement entre les parents mariés pour lesquels le choix serait la règle et les parents non mariés pour lesquels s'appliqueraient des dispositions contradictoires avec, d'une part, le choix d'un nom commun à tous leurs enfants et, d'autre part, le maintien de la préférence chronologique en faveur du nom du parent qui a reconnu en premier lieu un enfant donné.

Elle a en outre signalé que l'inscription du nom dans l'acte de naissance était difficilement envisageable pour un enfant naturel, lorsque son nom pouvait ne pas être connu immédiatement, et découler d'une reconnaissance ultérieure par les parents.

Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a également fait valoir que cette réforme ne répondait pas à une réelle attente, dans la mesure où, selon une coutume profondément ancrée, ayant peu évolué, la plupart des femmes mariées portaient le nom de leur époux. Elle a mis en lumière le paradoxe selon lequel les épouses, tout en renonçant à leur propre nom, aspireraient à le transmettre à leurs enfants et donc à donner un nom qu'en fait elles ne portent pas. Elle s'est inquiétée que le choix offert aux parents ne soit déterminé que par des pesanteurs sociales et familiales et n'a pas caché le risque que la discorde s'installe dans les familles, le nom devenant un enjeu à l'intérieur du couple.

Elle a mis en avant que l'application du principe d'égalité entre les sexes dans les relations entre les parents n'avait aucun sens dans la mesure où les liens de paternité et de maternité obéissaient à une logique différente. Elle a rappelé à l'appui de cette observation, le point de vue des psychanalystes selon lequel l'enfant ne devait pas être l'objet de la mère et qu'il fallait lui donner le nom du père, tiers au lien mère-enfant. Elle a estimé que cette réforme ne conduirait qu'à satisfaire une minorité de femmes ayant conservé leur nom de jeune fille et désirant le transmettre tout en évacuant l'intérêt de l'enfant.

En réponse à M. Henri de Richemont qui s'interrogeait sur la compatibilité des règles de dévolution du nom avec la jurisprudence européenne consacrée par l'arrêt Burghartz contre Suisse du 22 février 1994, Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a souligné que d'autres solutions que la triple option proposée aux parents pourraient être recherchées permettant aux femmes mariées de transmettre leur nom à leur enfant. Elle a estimé que cette jurisprudence n'avait pas nécessairement les conséquences qu'on avait voulu lui prêter en raison des spécificités de l'espèce.

Répondant à l'observation de M. Henri de Richemont selon laquelle il serait possible de permettre à l'enfant à sa majorité de changer de nom, Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a fait remarquer qu'une telle solution obligerait l'enfant à éliminer une de ses lignées, le conduisant à substituer un nom à un autre.

ANNEXE 3
-
AUDITIONS PUBLIQUES DE LA COMMISSION DES LOIS
DU MERCREDI 20 JUIN 2001

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AUDITION DE MME MARIE-FRANCE VALETAS,
CHARGÉE DE RECHERCHES À L'INSTITUT NATIONAL
D'ÉTUDES DÉMOGRAPHIQUES (INED)

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Mme Marie-France Valetas a présenté les résultats d'une étude portant sur la pratique patronymique des femmes mariées dans les pays de l'Union européenne, publiée dans la revue « Population et sociétés » de l'INED.

Elle a en premier lieu souligné que peu de personnes savaient qu'en France, aucune loi n'oblige la femme à prendre le nom de son mari et, qu'au contraire, la loi du 6 fructidor an II, toujours en vigueur, prévoit que nul ne peut porter d'autre nom que son nom de naissance.

Elle a indiqué que les femmes françaises portaient le nom de leur époux dans leur immense majorité, 91 % en 1995, et que la loi de décembre 1985 permettant aux enfants de porter le nom de leurs deux parents en tant que nom d'usage n'était que marginalement appliquée.

Mme Marie-France Valetas a ensuite présenté les diverses pratiques existant dans l'Union européenne. Observant que les femmes mariées conservaient rarement leur nom de naissance, elle a précisé que, dans certains pays de l'Union européenne, presque toutes adoptaient le nom de leur mari, tandis que dans d'autres, elles conservaient leur nom de naissance ou joignaient à leur nom celui de leur époux.

Elle a distingué plusieurs groupes de pays pouvant être classés en fonction de la pratique dominante.

Mme Marie-France Valetas a tout d'abord observé que dans sept pays (Allemagne, Royaume-Uni, Autriche, France, Irlande, Suède et Finlande), les femmes portaient massivement le seul nom de leur mari, alors même que les législations de ces pays variaient beaucoup.

Elle a en effet souligné que le mariage n'avait légalement aucune conséquence sur le nom des époux au Royaume-Uni où aucune loi ne règle la transmission du nom à l'enfant légitime, tandis qu'en Suède et en Finlande, les époux pouvaient choisir un nom commun transmissible à leurs enfants ou conserver chacun leur nom et décider que l'enfant porterait le nom de son père ou celui de sa mère, la France étant le seul pays de ce groupe à ne pas prévoir la transmission du nom de la mère à l'enfant né de parents mariés.

S'agissant du Danemark, de la Grèce, des Pays-Bas et du Portugal, elle a indiqué que plusieurs pratiques coexistaient, mais que la majorité des femmes portaient le seul nom de leur mari, tandis que dans trois pays (Luxembourg, Belgique et Italie), la pratique des deux noms était majoritaire. Mme Marie-France Valetas a cependant précisé qu'en Italie et en Belgique, la prépondérance du double nom n'empêchait pas une femme sur cinq de conserver son seul nom, tandis qu'au Luxembourg le port du seul nom du mari était très fréquent (41 %).

Elle a en outre précisé que le seul pays dans lequel les femmes gardaient majoritairement leur nom (77 %) était l'Espagne, ce pays étant également le seul où la règle de la non-modification du nom des époux était explicite.

Mme Marie-France Valetas s'est ensuite interrogée sur la cohérence entre opinions et pratiques. Elle a observé que les pays où les souhaits s'écartaient le plus des pratiques étaient ceux où le port du nom du mari était massif.

Elle a toutefois constaté un fort attachement à la tradition au Royaume-Uni où la proportion de personnes favorables au port du nom du mari s'élève à 71 %, tandis qu'en France apparaissait une nette volonté de changement, cette proportion n'étant que de 49 %.

Mme Marie-France Valetas a indiqué que l'émergence d'une opinion favorable au port du double nom par la femme pouvait s'interpréter comme une contestation dans les pays où les épouses portaient massivement le nom de leur mari.

Elle a relevé que la France en constituait un parfait exemple, la préférence pour le port des deux noms (40 %) étant deux fois plus forte que dans les autres pays du même groupe, tandis qu'en Italie, en Belgique et au Luxembourg, l'adéquation entre opinions et pratiques était presque complète.

Mme Marie-France Valetas a précisé que dans les pays où l'usage exclusif du nom du mari était largement remis en cause, les opinions des hommes et des femmes divergeaient fort peu, mais que lorsque d'autres possibilités existaient pour les femmes, on observait une différenciation des opinions, les hommes se montrant plus attachés à une solution favorisant leur nom. Ainsi, elle a observé qu'en Grèce et, dans une moindre mesure, au Portugal, les hommes étaient plus favorables au port du nom du mari, de même qu'en Espagne, ils étaient moins favorables à ce que les épouses conservent leur nom de naissance.

S'agissant de la relation entre le nom de la femme mariée et le nom transmis à l'enfant, elle a fait état d'enquêtes plus anciennes existantes, relatives notamment aux femmes divorcées. Mme Marie-France Valetas a souligné que ces enquêtes révélaient les contraintes auxquelles sont soumises les femmes, alors même que le code civil fixe comme règle générale l'abandon du nom marital au moment du divorce. Elle a rappelé que le souci de conserver le nom de leur ex-mari se confondait souvent avec le désir de garder le même nom que leurs enfants et que 60 % des femmes divorcées contestaient l'absence du nom de la mère dans le système de transmission.

Mme Marie-France Valetas a ensuite indiqué que la part d'opinions favorables à l'introduction du nom de la mère dans le système de transmission avait sensiblement progressé au cours des années 1980, passant de 20 % en 1979 à 43 % en 1987, et que les femmes se montraient plus critiques envers le système existant et regrettaient plus souvent l'impossibilité de transmettre leur nom à leur enfant.

Elle a rappelé que les différentes législations relatives à la dévolution du nom dans l'Union européenne résultaient de contextes historiques différents, mais que des modifications importantes avaient parfois été apportées au cours des dernières décennies, et pour certaines très récemment.

Mme Marie-France Valetas a souligné qu'en France, la contrainte vécue par les femmes pouvait être levée par un changement des règles de transmission rendant possible la transmission du nom de la mère, l'enfant ayant alors le nom de son père ou celui de sa mère, ou, mieux encore, celui de ses deux parents et, dans ce dernier cas, sans préjuger de l'ordre des noms pour que le principe d'égalité soit respecté.

Elle s'est ainsi déclarée globalement favorable à la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, tout en émettant des réserves quant aux modalités de résolution des conflits prévues, la règle de l'ordre alphabétique ne lui semblant pas pertinente.

M. Jacques Larché, président, a relevé la divergence entre l'évolution de l'opinion publique et l'état du droit. Il s'est interrogé sur les effets d'une telle réforme à partir de la deuxième génération.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a alors observé que beaucoup de femmes utilisaient alternativement leur nom de jeune fille pour travailler et le nom de leur mari dans la vie sociale, et s'est en conséquence interrogé sur l'existence d'une véritable demande en ce sens.

Il a souligné que la loi de décembre 1985 relative au nom d'usage n'avait eu que peu de succès et a jugé paradoxale la pratique britannique de transmission du nom du père en l'absence de toute règle juridique contraignante en ce sens.

Mme Marie-France Valetas a reconnu que l'exemple britannique pouvait paraître troublant, mais qu'il était lié à une situation particulière et à des traditions spécifiques à ce pays.

Elle a indiqué qu'une demande sociale en faveur d'une réforme des règles relatives au nom patronymique existait, même si ses manifestations restaient peu spectaculaires.

S'agissant de la loi de 1985 relative au nom d'usage, elle a souligné que d'une part, sa mise en oeuvre avait souffert d'un déficit de publicité et que, d'autre part, elle paraissait peu attractive du fait de sa limitation au nom d'usage et du maintien de l'interdiction de la transmission du double nom.

En outre, Mme Marie-France Valetas a reconnu qu'un problème pouvait se poser à la deuxième génération et qu'il appartenait au législateur de prévoir tous les conflits potentiels et de les régler par avance, ainsi que l'avaient fait d'autres pays de l'Union européenne. Elle a en outre observé que le nombre de conflits était statistiquement faible.

En réponse à M. Nicolas About, Mme Marie-France Valetas a confirmé qu'un aménagement de l'établissement de la filiation des enfants naturels était nécessaire et a indiqué que dans certains pays, un délai de trois à six mois était laissé aux parents pour décider du nom transmis à l'enfant, l'administration le fixant en cas de désaccord persistant entre les parents.

AUDITION DE MME THÉRÈSE GREGOGNA,
PREMIER SUBSTITUT
ET MME ROSELYNE CRÉPIN-MAURIÈS,
VICE-PRÉSIDENT AU TRIBUNAL
DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

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Mme Roselyne Crépin-Mauriès a tout d'abord indiqué qu'elle avait à connaître des questions relatives au nom patronymique dans le cadre des contentieux liés d'une part aux changements de prénoms, d'autre part aux changements de nom des enfants naturels.

Observant que la proposition de loi tendait à mettre fin à la discrimination actuelle consistant à attribuer systématiquement à l'enfant d'un couple marié le nom de son père, Mme Roselyne Crépin-Mauriès a fait valoir qu'il convenait de faire prévaloir prioritairement l'intérêt de l'enfant sur celui des parents. Elle s'est demandé si la liberté laissée aux parents pour le choix du nom de leur enfant ne risquait pas d'avoir pour conséquence une incertitude des lignées familiales et une difficulté pour l'enfant de retracer ses origines.

Rappelant que, dans le cas d'enfants légitimes, la déclaration de naissance était le plus souvent faite par le père, elle a noté que la situation inverse prévalait en général pour la déclaration des enfants naturels. Elle s'est interrogée sur les moyens permettant à l'officier d'état civil de s'assurer du consentement des deux parents sur le choix du nom déclaré par le parent présent.

Mme Roselyne Crépin-Mauriès a ensuite souligné que, dans les couples en rupture, certaines femmes, en particulier celles qui subissaient une rupture non souhaitée, avaient un comportement très possessif à l'égard de leurs enfants. Elle a estimé que la loi ne devait pas encourager un tel comportement au moment même où d'autres initiatives ou textes législatifs tendaient à renforcer le rôle et la présence des pères.

Mme Roselyne Crépin-Mauriès a souligné que la proposition de loi créait une situation d'inégalité entre les enfants naturels et les enfants légitimes. Elle a en effet observé que ce texte n'abrogeait pas la disposition du code civil permettant de demander le changement de nom d'un enfant naturel, sans pour autant faire bénéficier d'une disposition similaire l'enfant légitime.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a exprimé la crainte que le système inscrit dans la proposition de loi ne provoque des conflits entre parents. Il a souligné que le recours à l'ordre alphabétique en cas de désaccord ne pouvait qu'être source de frustrations. Evoquant l'intérêt de l'enfant, il s'est demandé si le système de choix par les parents ne risquait pas de conduire l'enfant à remettre davantage en cause le nom qui lui avait été donné. Il a interrogé Mme Roselyne Crépin-Mauriès sur l'hypothèse d'un maintien de la dévolution automatique du nom du père assorti d'une possibilité pour l'enfant de changer de nom à sa majorité.

Mme Roselyne Crépin-Mauriès a alors souligné que la résolution du conflit par l'ordre alphabétique pouvait effectivement paraître contestable. Elle s'est déclarée favorable à la possibilité pour l'enfant de porter les deux noms et a estimé que l'idée d'un choix pour l'enfant à compter d'un certain âge était séduisante. Elle a toutefois noté qu'un tel système pourrait poser des difficultés pratiques d'enregistrement.

Mme Thérèse Gregogna a tout d'abord indiqué qu'elle exerçait les fonctions de substitut du procureur à la section civile du parquet de Paris et qu'à ce titre elle intervenait dans les contentieux liés au nom. Elle a rappelé que le parquet était garant des actes d'état civil.

Estimant qu'il n'était pas anormal que le législateur recherche les moyens d'appliquer le principe d'égalité entre hommes et femmes à la question du nom, Mme Thérèse Gregogna a toutefois noté que la fiabilité des actes d'état civil supposait une certaine stabilité. Elle a observé que le choix laissé aux parents pour l'attribution du nom à l'enfant impliquait un consentement des parents que l'officier d'état civil devrait vérifier, ce qui pourrait susciter des difficultés importantes. Elle a ainsi évoqué successivement le cas d'un accouchement difficile causant une incapacité temporaire de la mère, celui d'un accident empêchant de recueillir le consentement du père ou encore de la situation où l'un des parents serait sous tutelle. Elle a ajouté que, dans de nombreux cas, la déclaration était faite à l'hôpital, où il faudrait sans doute, si la proposition de loi était adoptée, recueillir des pouvoirs de la part des déclarants.

Mme Thérèse Gregogna a ensuite fait valoir que la loi française n'avait vocation à s'appliquer qu'aux enfants français et non aux enfants étrangers nés en France. Elle en a déduit que les officiers d'état civil devraient opérer une distinction entre enfants français et enfants étrangers lors des déclarations.

Mme Thérèse Gregogna a relevé que, si la proposition de loi était adoptée, il conviendrait de respecter l'égalité entre enfant légitime et enfant naturel, soit en supprimant l'article 334-3 du code civil qui autorise les demandes de changement de nom de l'enfant naturel, soit en étendant cette procédure aux enfants légitimes. Elle a exprimé la crainte d'une multiplication des déclarations avant la naissance pour les enfants naturels, évoquant également des déclarations de complaisance simplement destinées à bénéficier d'avantages liés à la qualité de père d'un enfant né en France.

Mme Thérèse Gregogna a rappelé qu'actuellement les femmes qui demandaient le changement du nom de leur enfant avaient pour objectif de couper tout lien entre le père et l'enfant. Elle s'est interrogée sur l'opportunité de permettre l'élimination immédiate du nom du père au moment de la naissance.

Mme Roselyne Crépin-Mauriès a alors observé que, dans la quasi-totalité des demandes de changement de nom soumises au juge des affaires familiales, l'objectif était de faire disparaître le nom du père. Elle a noté au cours de la période récente, une seule procédure de changement de nom engagée au profit du nom du père, afin de permettre à l'enfant de bénéficier de la loi suisse.

AUDITION DE M. MICHEL TORT,
PSYCHANALYSTE, PROFESSEUR AU LABORATOIRE
DE PSYCHOLOGIE FONDAMENTALE
DE L'UNIVERSITÉ DENIS DIDEROT (PARIS VII)
ET M. SERGE TISSERON, PSYCHIATRE

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Constatant que certains opposaient l'égalité politique entre les sexes et la liberté de choix des sujets à la transmission du nom du père, posée comme une donnée supérieure de la subjectivation de l'individu, M. Michel Tort, psychanalyste, a souhaité aborder la question du changement de système de transmission du nom de famille sans opposer les exigences politiques aux exigences psychiques des sujets.

Il a indiqué que les systèmes d'attribution du nom étaient des systèmes historiques, liés à l'histoire de l'institution matrimoniale et aux autres liens institutionnalisés existant entre les hommes et les femmes. A titre d'exemple, il a noté que la légitimité de l'enfant était une forme historique de hiérarchisation de la filiation dont nous commencions difficilement à sortir.

M. Michel Tort, psychanalyste, a expliqué que le système historique privilégiant la transmission du seul nom du père, solidaire à l'origine de la féodalité et de l'aristocratie, datait d'une dizaine de siècles et avait été généralisé à l'ensemble de la population. Il a souligné qu'aucune fonction de structuration psychique n'avait été assignée à ce système de dévolution du nom avant les vingt dernières années. Il a ainsi établi que l'argumentaire psychologique et anthropologique faisant de la transmission du nom du père un élément fondamental de la structuration de l'enfant était récent, avait été développé précisément pour résister à la transmission du nom de la mère, et faisait un usage problématique de la psychanalyse. Il a cité en exemple les arguments développés par Mme Dekeuwer-Défossez, selon lesquels la transmission du nom de la mère serait funeste à la figure paternelle. Il a jugé étrange d'invoquer la menace d'un déséquilibre au détriment du père, alors que le système existant depuis dix siècles constituait une inégalité manifeste en sa faveur. Il a ajouté que cette argumentation s'appuyait sur l'idée d'une inégalité de départ fondée sur la domination féminine sur la procréation, « heureusement » compensée par la transmission du nom du père. Cette conception lui a paru élaborée au mépris de l'histoire. Il lui a semblé qu'elle permettait de rejeter dans le champ du symbolique les aspects de l'égalité hommes-femmes que l'on souhaitait exclure du champ politique et de la délibération.

M. Michel Tort, psychanalyste, a noté la difficulté, pour la psychanalyse, de définir la fonction du nom du père, celle-ci résultant des interactions entre la fonction symbolique du père, supposée universelle, et le pouvoir social du père, historique. Il a établi que si la fonction du père dérivait du pouvoir du père, et si tout ce qui restait du pouvoir traditionnel du père était le nom, alors il ne pouvait s'agir d'une fonction universelle.

En conclusion, il lui a semblé injustifié de prétendre tirer de la psychanalyse un argumentaire favorable à la seule transmission du nom du père.

M. Serge Tisseron, psychiatre, a estimé que, sans contester le droit des hommes et des femmes à transmettre leur nom à leurs enfants, le législateur ne devait pas accorder une trop grande liberté de choix en ce domaine.

M. Serge Tisseron, psychiatre, a fait part des dangers du système espagnol évoqués par le rapporteur de l'Assemblée nationale. Il a estimé que la question de la deuxième génération se posait dans des termes très différents de celle de la première génération. En effet, il a remarqué que l'opposition éventuelle dans le couple était alors aggravée par le jeu des loyautés envers les familles respectives.

Il a mis en garde contre l'argument selon lequel le choix laissé éviterait les rapports de force et a au contraire indiqué que le choix des patronymes provoquerait des conflits importants, encore plus graves que ceux existant actuellement pour le choix des prénoms, puisqu'ils ne déchireraient plus le seul couple, mais aussi les familles respectives.

M. Serge Tisseron, psychiatre, a souligné que le double nom avait le mérite de renvoyer l'enfant aux deux branches de sa famille, de concilier l'axe horizontal de la famille, constitué des membres de la famille ayant un contact concret entre eux, et l'axe vertical, à savoir l'alliance de deux familles à un moment donné.

De façon plus générale, il lui a semblé nécessaire de tenir compte des nouveaux modes de filiation dans la mesure où, au schéma traditionnel selon lequel le père géniteur donnait son nom et avait une relation éducative privilégiée avec ses enfants, se substituaient aujourd'hui des cas dans lesquels l'enfant était conçu par un père, reconnu par un autre homme et élevé par un troisième. Il a regretté que la filiation éducative ne donne actuellement aucun droit.

Interrogé par M. Jacques Larché, président, qui estimait que le système espagnol pouvait donner lieu à de nombreux contentieux, M. Serge Tisseron, psychiatre, a répondu que laisser le choix aux parents entre le nom de la mère, le nom du père ou le double nom allait décupler les conflits, la dénomination pouvant se révéler un noeud de rancoeur et d'amertume considérable, à cause de l'allégeance de chacun des membres du couple à sa propre famille. En conséquence, il s'est prononcé en faveur de la transmission du double nom.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a mis en évidence le poids des traditions, citant l'exemple britannique dans lequel, malgré le choix laissé par le législateur, la quasi-totalité des enfants portaient le nom de leur père. Il s'est demandé s'il était possible d'imposer le système espagnol dans un pays où 95 % des femmes choisissaient de porter le nom de leur mari.

M. Michel Tort, psychanalyste, a répondu que les femmes n'avaient pas l'obligation de porter le nom de leur mari et que, si le système devait changer à un moment donné, des ajustements seraient nécessaires.

M. Jacques Larché, président, s'étant demandé si changer le système actuel, qui satisfaisait l'immense majorité des Français, aboutirait à une situation plus satisfaisante, M. Michel Tort, psychanalyste, a estimé que le législateur ne serait pas saisi de cette proposition de loi si certaines personnes, notamment des femmes, ne pensaient pas que le système actuel était injuste.

M. Henri de Richemont, rapporteur, ayant souligné que la loi Badinter de décembre 1985 n'était pas utilisée, bien qu'elle autorise une ouverture importante, M. Michel Tort, psychanalyste, a estimé que cette loi constituait une première étape vers le changement aujourd'hui proposé.

AUDITION DE MME MARYLISE LEBRANCHU,
GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE

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Après avoir rappelé que le Gouvernement s'était engagé depuis trois ans dans un vaste chantier de réforme du droit de la famille afin de prendre mieux en compte la diversité des réalités familiales et d'offrir des cadres juridiques adaptés tout en cherchant à valoriser le lien familial, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que les dossiers relatifs à la suppression des discriminations en matière de filiation, au partage effectif de l'exercice de l'autorité parentale, à la simplification du divorce ou encore à l'amélioration de la situation du conjoint survivant étaient apparus plus prioritaires que celui du régime de la dévolution du nom.

Approuvant l'initiative prise par M. Gérard Gouzes à l'Assemblée nationale, elle a observé que, comme de nombreuses réformes de société émergeant naturellement, celle des règles de dévolution du nom avait suscité peu de revendications démonstratives mais recueillait un véritable consensus social. Se référant à un sondage effectué par la SOFRES, elle a indiqué que 69 % des Français étaient favorables à la possibilité de transmettre à l'enfant le nom de famille de la mère, seul ou accolé à celui du père, 62 % estimant qu'une telle réforme n'affaiblirait pas la place du père.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné que l'ensemble de ces sujets, et en particulier celui du nom patronymique, avaient fait l'objet d'une large concertation avec les spécialistes et les associations concernées, mais également avec les citoyens eux-mêmes, dans le cadre de rencontres régionales. Elle a précisé que la question du nom avait suscité un réel intérêt et que, si des avis divers s'étaient exprimés, un consensus pour reconnaître la nécessité de faire évoluer le régime juridique en vigueur s'était dégagé.

Après avoir indiqué que le calendrier parlementaire avait contraint le Gouvernement à morceler la réforme du droit de la famille en plusieurs projets de loi, elle a précisé qu'ils obéissaient néanmoins à une cohérence d'ensemble. Puis elle a rappelé les principes servant de fil conducteur à la réforme : le principe de liberté de choix de vie des familles, le principe d'égalité entre pères et mères et entre les enfants quel que soit leur mode de filiation ou la situation matrimoniale de leurs parents et, enfin, le souci du respect de l'autonomie des volontés.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait valoir que la législation française relative à la dévolution du nom était restée relativement figée, alors que l'évolution sociale avait fait émerger des aspirations que le droit ne pouvait plus ignorer. Elle a précisé que l'indépendance acquise par les femmes les conduisait de plus en plus souvent à ne plus porter le nom de leur mari, port du nom du mari qui ne constituait d'ailleurs qu'un simple usage. Elle a estimé que le partage effectif des responsabilités parentales devait trouver sa représentation symbolique dans le nom attribué aux enfants et a souligné la nécessité de respecter une liberté de choix en la matière au nom de la liberté individuelle. Après avoir mentionné le caractère discriminatoire de notre législation laissant planer une menace de condamnation de la France par la Cour européenne des Droits de l'Homme, elle a ajouté que la législation actuelle, privilégiant la lignée masculine, entraînait un appauvrissement du stock des noms, certains noms ne pouvant être transmis faute de descendance masculine.

Après avoir admis que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale recelait quelques imperfections techniques, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a affirmé son accord avec l'ouverture d'une option aux parents à la naissance de leur premier enfant. Elle a indiqué que le texte proposait d'inscrire la double filiation dans le nom de l'enfant par l'accolement des noms des deux parents, ceux-ci pouvant toutefois décider de transmettre le nom de l'un ou de l'autre seulement. Elle a approuvé cette liberté de choix offerte aux parents, la triple option consacrant un principe de parité entre pères et mères. Elle a cependant estimé nécessaire de faire de la dévolution du nom double accolé, symbole de la co-parentalité, la norme par défaut, en cas de désaccord entre les parents ou en cas d'abstention de ceux-ci. Considérant que la loi ne devait pas bouleverser contre leur gré les habitudes des français, elle a précisé que les parents souhaitant continuer à inscrire leurs enfants dans la tradition culturelle française de dévolution du nom du père devaient pouvoir le faire.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que la triple option serait ouverte dans le cas où la filiation de l'enfant serait établie à l'égard de ses deux parents, que les parents soient mariés ou non, et que le choix interviendrait au moment de la naissance du premier enfant, lors de la déclaration de naissance, par une déclaration écrite conjointe devant l'officier d'état civil. Elle a précisé que le nom choisi serait inscrit dans l'acte de naissance et que les enfants d'une même fratrie devraient porter le même nom, sans dérogation possible. Pour résoudre les cas de désaccord ou d'abstention des parents, elle a estimé indispensable que la loi prévoie une règle de dévolution par défaut, cette règle devant être celle de la dévolution des noms des deux parents, accolés dans l'ordre alphabétique. Elle a rejeté l'idée qui lui avait été soumise d'une dévolution du nom de la mère aux filles et du nom du père aux fils, conception sexiste qui, loin d'assurer la parité, consacrait la discrimination et la division.

Concernant le mode de transmission du nom à un enfant dont l'un ou les deux parents porteraient un nom double, Mme Marylise Lebranchu a indiqué qu'un seul des noms composant le nom double pourrait être transmis, le choix étant effectué d'un commun accord par les parents. Elle a rappelé qu'en cas de désaccord ou de refus de choix des parents, les règles automatiques de dévolution du nom fondées sur le critère de l'ordre alphabétique s'appliqueraient.

Considérant que les règles de dévolution du nom reposeraient désormais sur un mécanisme optionnel privilégiant la volonté des parents, elle a déclaré nécessaire, par cohérence, d'assouplir le régime juridique du changement de nom. Elle s'est en particulier interrogée sur la portée de la condition relative à la justification d'un intérêt légitime prévue par l'article 61 du code civil et sur la possibilité d'accorder à l'enfant une faculté de choix à sa majorité. Elle a précisé que les différentes administrations concernées avaient été saisies d'une demande d'expertise.

Concernant l'entrée en vigueur de la loi et la question de son application aux enfants déjà nés et, parfois, appelés à avoir des frères et soeurs, elle a souligné la nécessité de moduler l'effet rétroactif en fonction de l'âge des enfants et a estimé que la solution la moins génératrice de conflits serait celle tendant à accoler le nom qui n'aurait pas été transmis.

Après avoir rappelé l'adhésion de principe suscité dans tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale par la proposition de loi, la prise de position du Président de la République, ainsi que l'existence d'une proposition de loi sénatoriale de 1999 portant diverses dispositions relatives au droit de la famille, préconisant une réforme de même inspiration que le dispositif récemment adopté, Mme Marylise Lebranchu a souhaité en conclusion que le débat au Sénat soit fructueux pour aboutir à une loi consensuelle.

Après avoir observé que la proposition de loi remettait en cause des pratiques solidement ancrées, M. Jacques Larché, président, a souligné la difficulté technique d'un tel dispositif. Il a relevé l'incohérence qu'il y avait à organiser la transmission des noms des deux parents par la dévolution du double nom à la première génération de descendants, dès lors qu'à la deuxième génération l'élimination de deux noms sur quatre dans le processus de dévolution serait inéluctable. Il a en outre jugé discutable le critère de l'ordre alphabétique pour procéder à l'élimination des noms superflus.

Après avoir fait valoir que la liberté de choix accordée aux parents risquait de susciter des conflits au sein des familles et dans les couples, M. Henri de Richemont, rapporteur, s'est interrogé sur les raisons de l'échec de la loi de 1985 relative au nom d'usage. Soulignant les inégalités actuelles dans les possibilités de changement de nom entre enfants légitimes et enfants naturels, il a estimé opportun d'ouvrir une faculté de choix à l'enfant lui-même à partir d'un âge à déterminer.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné que la préoccupation centrale de la proposition de loi était d'afficher la double filiation de l'enfant, tout en préservant la fratrie. Elle a exprimé la crainte que la faculté de choix qui serait octroyée à l'enfant ne transforme le nom en un instrument de conflit familial à l'adolescence.

Après avoir exprimé son hostilité de principe à toute liberté de choix concernant les règles de dévolution du nom, M. Yves Fréville a estimé inopportun de livrer au regard de la société la nature des relations entre parents et enfants reflétée dans le nom porté par ces derniers.

Evoquant le rapport fusionnel existant entre la mère et l'enfant et le gage d'équilibre constitué par l'octroi du nom paternel, M. Henri de Richemont, rapporteur, a estimé qu'il était contradictoire d'affaiblir le lien d'identification au père par une modification des règles de dévolution du nom, au moment même où le Gouvernement proposait d'accorder à celui-ci un congé post-natal.

Après avoir rappelé que de plus en plus d'enfants issus de couples non mariés portaient le nom de leur mère, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, a observé que la proposition de loi, préconisant l'accolement des noms du père et de la mère, tendait à consacrer la double filiation, ce qui n'avait pas pour conséquence d'affaiblir la place du père. Du point de vue technique, elle a indiqué que les études effectuées avaient conclu à la faisabilité de l'institutionnalisation du double nom ; elle a cependant admis que les adaptations nécessaires auraient un coût évalué à quelque 6 millions de francs par l'INSEE. Elle est convenu que le choix de l'ordre alphabétique comme critère discriminant n'était pas idéal, tout en soulignant l'absence d'alternative.

En réponse à M. Henri de Richemont, rapporteur, elle a observé que dans 97 % des cas, proportion correspondant aux enfants naturels reconnus à la fois par leur père et leur mère, les enfants naturels porteraient un nom double et a estimé que le dispositif n'aboutirait pas à instaurer de discrimination entre enfants naturels et enfants légitimes dès lors que l'option permettrait à des couples de choisir un nom unique évitant ainsi la stigmatisation de l'enfant issu d'un foyer monoparental. Elle a en outre rappelé que la faculté de choix du nom offerte à l'enfant devrait se limiter à l'adjonction du nom de ses parents qu'il ne porterait pas déjà.

AUDITION DE MME MICHELLE GOBERT,
AGRÉGÉE DES FACULTÉS DE DROIT,
PROFESSEUR ÉMÉRITE DE L'UNIVERSITÉ
PANTHÉON-ASSAS (PARIS II)

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A titre liminaire, Mme Michelle Gobert a indiqué avoir conservé son nom de jeune fille et ne pas approuver, à titre personnel, la proposition de loi relative au nom patronymique adoptée par l'Assemblée nationale.

Expliquant que les parents pourraient désormais choisir la dénomination de leur enfant entre le nom du père, celui de la mère ou les deux noms accolés, elle a relevé que ce choix ne s'exercerait que pour le premier enfant, compte tenu de l'obligation de l'unité des fratries. Tout en s'interrogeant sur l'opportunité de procéder à une réforme en ce domaine, elle a exposé que le contexte actuel de revendication d'une plus grande égalité entre les hommes et les femmes expliquait la remise en cause de la règle en vigueur de la transmission automatique du nom paternel à l'enfant.

Se déclarant favorable à l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans les régimes matrimoniaux comme dans l'éducation des enfants mineurs, Mme Michelle Gobert a fait part de sa plus grande réserve quant à l'application d'un tel principe aux règles de dévolution du nom patronymique ou d'exercice de l'autorité parentale.

Evoquant l'utilisation restée très confidentielle du nom d'usage introduit par l'article 43 de la loi de décembre 1985, permettant d'accoler le nom du parent n'ayant pas été transmis à l'enfant, elle a estimé que la proposition de loi ne répondait pas à une véritable aspiration.

Elle a salué le travail législatif accompli à l'époque, précisant qu'il avait été considéré comme le moyen pour l'avenir d'effectuer un sondage en grandeur nature des attentes des Français et de départager les partisans et les opposants de la réforme du régime du nom patronymique.

Mme Michelle Gobert a mis en lumière le paradoxe selon lequel la majorité des femmes souhaiteraient transmettre leur propre nom, alors qu'elles portent celui de leur mari, relevant qu'une pratique contraire aurait accordé un plus grand crédit à une telle revendication.

Analysant les conséquences de la réforme proposée, elle s'est inquiétée des risques de désordre dans les familles résultant du choix par les parents du nom de l'enfant, alors qu'actuellement l'automaticité de la règle ne générait aucune discussion.

Mme Michelle Gobert a estimé que la transmission du double nom ne poserait pas de difficultés à la première génération, tout en estimant paradoxal que les mères ne transmettent alors que le nom de leur père. Elle a exposé les difficultés auxquelles seraient confrontées les générations suivantes, les parents portant un nom double devant alors abandonner un de leurs deux noms, démarche qui provoquerait de nouvelles tensions familiales. Elle s'est inquiétée de la multiplication des occasions de conflits liés au nom et des risques d'une surcharge de l'activité déjà élevée du contentieux en matière familiale.

Mme Michelle Gobert a en outre mentionné le coût non négligeable induit par cette réforme pour le traitement informatisé des doubles noms devenus plus nombreux, ainsi que le problème technique de l'allongement des saisies en matière informatique, compte tenu de la banalisation du double nom.

Tout en insistant sur le défaut de pertinence de cette réforme et la nécessité de maintenir le droit actuel de dévolution du nom patronymique, elle s'est néanmoins déclarée favorable à la possibilité d'autoriser chaque individu à substituer à son nom de naissance celui qui ne lui a pas été transmis, le principe de la liberté individuelle devant prévaloir sur une conception quelque peu primaire selon elle de l'égalité des sexes. Elle a également fait valoir l'opportunité d'une simplification de l'actuelle procédure administrative de changement de nom.

M. Jacques Larché, président, ayant relevé l'intérêt de cette solution alternative, Mme Michelle Gobert a précisé qu'à partir d'un certain âge laissé à la détermination du législateur, chaque personne pourrait substituer à son patronyme le nom de sa mère ou d'un aieul dont le degré serait à définir.

En réponse à l'observation de M. Jacques Larché, président, selon laquelle la réforme proposée risquait de fragiliser les lignées paternelles, Mme Michelle Gobert a confirmé qu'elle pourrait aboutir à l'impossibilité pour les petits-enfants de porter le nom de leur grand-père. Elle a mis l'accent sur l'intérêt du maintien d'un régime de dévolution du nom patronymique correspondant à une tradition et une pratique bien ancrées.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a à son tour marqué sa préférence pour un système dans lequel la possibilité de choix serait offerte à l'enfant et non aux parents, estimant que cette solution permettait d'assurer une plus grande égalité, chaque individu pouvant user librement de cette faculté.

Mme Michelle Gobert et M. Henri de Richemont, rapporteur, sont convenus que cette proposition de loi maintenait une inégalité de traitement entre les enfants naturels et les enfants légitimes, les enfants de parents non mariés pouvant se voir attribuer un nom en vertu soit des nouvelles règles de triple option soit de la règle automatique de préférence chronologique, selon laquelle l'enfant porte le nom du parent qui l'a reconnu en premier lieu, tandis que pour les enfants de parents mariés, ces derniers ne pourraient se soustraire au système du choix. Elle s'est inquiétée des conséquences de ce nouveau régime de dévolution qui risquerait de dissuader les couples de se marier pour se soustraire à la nécessité de choisir le nom de leur enfant.

AUDITION DE M. BENOÎT PEROTIN, PRÉSIDENT
ET M. JEAN-MARIE ANDRIVEAU, VICE-PRÉSIDENT
DE LA CHAMBRE DES GÉNÉALOGISTRES DE FRANCE

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M. Benoît Perotin, président, s'exprimant en tant que praticien a indiqué que son activité de généalogiste successoral consistait à rechercher des héritiers.

S'agissant de la proposition de loi, il a souligné le paradoxe consistant dans la référence au nom patronymique dans son intitulé, alors même qu'elle avait pour objet de mettre fin à la prééminence du nom paternel.

Il a ensuite évoqué les problèmes pratiques posés lors de la recherche de la filiation, ainsi que les risques encore accrus d'une aggravation de la complexité de ces démarches du fait de cette proposition de loi.

M. Benoît Perotin, président, a précisé que le seul nom de famille permettait actuellement d'établir le lien de filiation, le nom du père indiquant la qualité d'enfant légitime, celui de la mère celle d'enfant naturel et la présence de deux noms celle d'enfant adopté. Il a en outre indiqué qu'en Espagne et au Portugal, les actes d'état civil permettaient également d'établir des liens vis-à-vis des grands parents.

Il a relevé les difficultés rencontrées dans son activité, au nombre desquelles la nécessité d'une autorisation du juge d'instance pour la consultation des déclarations de successions ou encore le refus de l'accès aux résultats des recensements de populations récents pour des raisons de confidentialité des données personnelles. Il a en outre précisé que les registres n'établissaient pas de lien entre les actes des parents et des enfants, l'état civil privilégiant une approche individuelle.

M. Benoît Perotin, président, a fait part de l'inquiétude de la profession, les recherches relatives à l'identification et à la localisation des héritiers risquant de se heurter à des difficultés considérablement accrues.

Rappelant l'existence de la loi de décembre 1985 relative au nom d'usage, il s'est par ailleurs interrogé sur la nécessité d'une nouvelle loi en la matière.

M. Jean-Marie Andriveau, vice-président, a également estimé cette proposition de loi inutile, relevant qu'il n'existait actuellement pas de contestation majeure au sein de la société des règles de dévolution du nom patronymique, alors même qu'une telle réforme engendrerait de nombreux conflits.

Il a en outre insisté sur les difficultés pratiques pour faire respecter l'obligation d'un même nom pour les fratries, l'officier d'état civil ne disposant d'aucun moyen de contrôle s'agissant d'un deuxième enfant, en l'absence de présentation du livret de famille.

Il a conclu en rappelant qu'une telle réforme rompait avec la tradition française.

M. Jacques Larché, président, a souligné l'intérêt de ce point de vue technique, une loi devant avant tout être applicable et ne pas susciter de conflits nouveaux.

En réponse à une interrogation de M. Henri de Richemont, rapporteur, quant à l'argument avancé par les auteurs de la proposition de loi relatif à l'épuisement du stock de noms, M. Benoît Perotin a indiqué que s'il était avéré que certains noms se perdaient, on constatait parallèlement une arrivée plus importante de noms, notamment étrangers si bien qu'il n'y avait pas lieu de craindre un quelconque appauvrissement du stock de noms.

M. Henri de Richemont, rapporteur, s'est alors interrogé sur la pertinence du critère de l'ordre alphabétique pour résoudre les conflits relatifs au choix du nom de l'enfant, soulignant que les noms commençant par des lettres de la fin de l'alphabet risquaient à terme de disparaître, tandis que s'opérerait une concentration des noms relevant du début de l'ordre alphabétique.

ANNEXE 4
-
LISTE DES AUDITIONS DU RAPPORTEUR
(10 et 11 juin 2001)

- Conseil supérieur du notariat

- Archives nationales

- Conseil national des barreaux

- Direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice

- Haut Conseil de la population

- Association de la noblesse de France

- Services de l'état civil (Lille et Besançon)

- Psychiatre

- Associations :

* Cercle d'Etude de Réformes Féministes

* SOS Papa

* Union Nationale des associations familiales

* 1 Cette proposition de loi est issue de trois propositions de loi respectivement déposées par M. Gérard Gouzes et les membres du groupe socialiste et apparentés le 15 novembre 2000 (n° 2709), par Mme Marie-Jo Zimmermann le 24 juin 1998 (n° 1012), par Mme Janine Jambu et les membres du groupe communiste et apparentés le 13 août 1997 (n° 132).

* 2 Cf. Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 22 février 1994 Burghartz contre Suisse.

* 3 Cf. Proposition de loi n° 397 déposée le 2 juin 1999.

* 4 J.O Débats A.N séance publique du 8 février 2001 - p. 1295. « Je souhaite attirer votre attention sur trois difficultés significatives que pose le dispositif prévu par cette proposition de loi et que M. Gérard Gouzes connaît déjà [...]. Première difficulté : il faut mesurer les conséquences du choix du double nom - [...] - deuxième difficulté : il faut veiller à la fiabilité et à la stabilité de notre état civil - [...] troisième difficulté, enfin : les conséquences de la réforme en matière de changement de nom doivent être mûrement pesées. ».

* 5 Cette proposition de loi, adoptée par le Sénat en deuxième lecture le 14 février 2002, est actuellement en cours de navette.

* 6 Voir en annexe le compte-rendu de l'audition publique de Mme Dekeuwer-Desfossez du 30 mai 2000 ainsi que le compte-rendu des auditions publiques du 20 juin 2001.

* 7 La désignation d'un individu par un seul nom de famille transmis automatiquement par le père n'a pas toujours été la règle puisque à l'époque gallo-romaine, la France utilisait le système onomastique romain qui comportait trois désignations : le prénom, le nom traduisant l'appartenance à la Gens et le surnom.

* 8 En 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts a imposé au clergé de tenir des registres de baptême.

* 9 L'article 57 du code civil ne dispose pas que le nom doive figurer parmi les mentions obligatoires inscrites dans l'acte de naissance. Seuls les noms du père et de la mère doivent y être précisés.

* 10 Cf. Arrêt de la Cour de cassation chambre civile du 10 novembre 1902.

* 11 Cette disposition a été introduite par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993.

* 12 Enquête Eurobaromètre 1995, publiée dans la revue Population et Sociétés n° 365, avril 2001.

* 13 Cf. Article 57 deuxième alinéa du code civil selon lequel « Lorsque les parents de celui-ci ne sont pas connus, l'officier de l'état civil choisit trois prénoms dont le dernier tient lieu de patronyme ».

* 14 Cette disposition est issue de la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation.

* 15 Cf. Article 333-4 second alinéa du code civil.

* 16 Cf. Arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 1990 : la prédominance maternelle s'applique lorsque l'établissement des filiations résulte de reconnaissances prénatales régularisées, et que celle de la mère a précédé fût-ce de vingt-quatre heures celle du père.

* 17 Avant la loi du 8 février 1995, cette déclaration conjointe devait être déposée devant le juge aux affaires familiales.

* 18 Cf. Second alinéa de l'article 334-2 du code civil

* 19 L'action est ouverte pendant la minorité de l'enfant ainsi que pendant les deux années suivant soit sa majorité soit une modification apportée à son état (par exemple dans le cas d'une filiation établie tardivement).

* 20 Cf. Selon M. Jean Foyer, le terme adoption en mineur se justifie dans la mesure où la faculté pour l'enfant de porter le nom d'un tiers avec qui il n'a qu'une simple alliance, bouleverse le rattachement traditionnel du nom à la filiation (Rapport A.N n° 1926, p. 76).

* 21 Dans ce cas, le tribunal apprécie, après avoir consulté les héritiers du mari ou ses successibles les plus proches.

* 22 Cette disposition se rapproche de la dation du nom du mari à l'enfant naturel de son épouse prévue par l'article 334-5 du code civil.

* 23 Comme dans le cas d'une adoption plénière, y compris dans l'hypothèse où le mari serait décédé.

* 24 Le décret du 24 Brumaire an II donnait à chaque citoyen la possibilité de changer de nom sur simple déclaration à la municipalité, mais la Convention se ravisa pour imposer définitivement l'immutabilité du nom avec la loi du 6 Fructidor an II.

* 25 Cette disposition est entrée en vigueur le 1 er juillet 1986.

* 26 Cf. Circulaire du 26 juin 1986, l'homme marié peut avoir le droit d'user du nom patronymique de sa femme ou du nom dont elle fait usage (accolement du nom de ses deux parents) par adjonction à son patronyme. En revanche, contrairement à la femme mariée, la substitution n'est pas autorisée.

* 27 Cf. Arrêt de la cour de cassation chambre civile du 6 février 2001 qui précise qu'il est défendu à tout fonctionnaire public de désigner des citoyens dans les actes autrement que par leur nom de famille.

* 28 En revanche, la circulaire du 26 juin 1986 admet que le conjoint puisse utiliser le nom d'usage de son conjoint.

* 29 Cf. J.O Débats A.N séance publique du 6 mai 1985 - p. 571.

* 30 Aux termes de l'article 311-1 du code civil, « la présomption d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et sa famille à laquelle il est dit appartenir ».

* 31 Cf. Arrêt de la Cour de cassation 1 ère chambre civile du 13 février 1985, selon lequel l'effet déclaratif attaché au jugement qui accueille une contestation de paternité légitime prive l'enfant, depuis sa naissance de la qualité d'enfant légitime.

* 32 Conformément à l'article 58 sixième alinéa du code civil, l'acte provisoire de naissance est annulé à la requête du procureur de la République.

* 33 Selon lequel « l'établissement ou la modification du lien de filiation n'emporte cependant le changement du patronyme des enfants majeurs que sous réserve de leur consentement ».

* 34 En Belgique, au Portugal et en Turquie, le changement de nom est accordé quel que soit le motif de la demande. En revanche, en Allemagne, comme au Luxembourg et en Suisse, des motifs convaincants sont exigés.

* 35 La loi du 8 janvier 1993 était destinée à mettre fin à la pratique trop restrictive du Conseil État dont l'avis était recueilli préalablement à chaque décret de changement de nom et à raccourcir les délais dans lesquels les changements de nom étaient autorisés.

* 36 Depuis 1994, les demandes sont adressées et traitées directement au service du Sceau.

* 37 Cf. Article 4 du décret précité.

* 38 Cf. Article L. 311-2 du code de justice administrative, issu de l'ordonnance n° 2000-387 du 7 mai 2000.

* 39 Sources Chancellerie.

* 40 Cf. Arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 2000.

* 41 Cf. Rapport de l'Institut national d'études démographiques (INED) sur les requêtes adressées au ministère de la justice en 1991 et 1995.

* 42 Cf. Arrêt de la Cour européenne des Droits de l'homme Sterjna contre Finlande du 24 octobre 1994.

* 43 Il convient de souligner que le relèvement des noms des victimes de la seconde guerre mondiale a été autorisé grâce à la loi du 2 juillet 1923.

* 44 Cf. ci-dessus I-A-1-b.

* 45 Sources : rapport précité de l'INED.

* 46 Elle est sans commune mesure avec la fréquence des changements de nom des enfants portant le nom du père : entre 1,6 % et 2 % des enfants nés en1960 et 1970. Dans les générations suivantes, seuls 0,9 % des enfants nés en 1980 avaient changé de nom contre 0,4 % en 1985.

* 47 Dans la dernière décennie (1989-1999), on dénombre environ 250 à 300 légitimations par mariage et 90 à 150 légitimations par décision de justice (Rapport « rénover le droit de la famille » - 1999 - p. 32).

* 48 257.000 enfants sont nés hors mariage en 1994.

* 49 D'après l'annuaire statistique de la justice 1995-1999 (p. 77), le nombre de dations de nom s'élèvent à 60 en 1995, 97 en 1996, 62 en 1997, 28 en 1999.

* 50 En 1999, ont été enregistrées 7.765 demandes de changement de nom d'un enfant au titre de l'article 334-3 du code civil.

* 51 Cf. Arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 mai 1987

* 52 Cf.  Arrêt de la Cour d'appel de Paris du 20 septembre 1994

* 53 Cf. Arrêt de la Cour européenne des Droits de l'homme Cossey contre Royaume-Uni du 27 septembre 1990.

* 54 Aux termes de l'article 1355 du code civil, les époux doivent choisir d'un commun accord un nom conjugal qui peut être indifféremment le nom de naissance de la femme ou du mari. A défaut, ils continuent à porter le nom qu'ils avaient avant leur mariage.

* 55 Ce dernier peut néanmoins décider de donner à l'enfant le nom de l'autre parent, s'il a l'assentiment de ce dernier.

* 56 Il est d'ailleurs possible que ce nom intermédiaire soit le nom du parent qui n'a pas été transmis.

* 57 Il est également possible dans ce cas d'inverser l'ordre des noms portés par l'enfant.

* 58 Cf. Enquête Eurobaromètre 1995 portant sur des hommes et des femmes mariées, âgés de 18 ans et plus, publiée dans la revue Population et Sociétés n° 367, avril 2001.

* 59 En France, en Belgique et en Italie, le nom transmis à l'enfant légitime est le nom paternel. Notons qu'en Italie et en Belgique, contrairement à la France, la femme mariée porte majoritairement les deux noms accolés (64 % en Italie et 57 % en Belgique).

* 60 Cf. Article 7 alinéa 1.

* 61 Cf. Résolution 37 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe adoptée le 27 septembre 1978 sur l'égalité des époux en droit civil  ; recommandation 2 du Comité des ministres adoptée le 5 février 1985 relative à la protection juridique contre la discrimination fondée sur le sexe, recommandations de l'Assemblée parlementaire 1271, adoptée le 28 avril 1995 et 1362 de l'Assemblée parlementaire, adoptée le 18 mars 1998 relatives aux discriminations entre les hommes et les femmes pour le choix du nom de famille et la transmission du nom des parents aux enfants.

* 62 Les requérants Suzanne Burghartz et Albert Schnyder, de nationalité suisse se marièrent en Allemagne, pays dont Mme Burghartz possédait également la nationalité. Ils choisirent comme nom conjugal celui de l'épouse, comme la loi allemande les y autorisait. Résidant à Bâle, ils demandèrent à l'état civil suisse d'enregistrer ce nom. Les services de l'état civil autorisèrent les intéressés à porter ce nom après les avoir déboutés une première fois. En revanche, l'époux se vit refuser la possibilité de faire précéder son nom conjugal de son nom de naissance, alors que la loi suisse autorisait l'épouse à exercer une telle faculté.

* 63 L'applicabilité de ces articles a été confirmée quelques mois plus tard par un arrêt Sternja contre Finlande du 24 octobre 1994.

* 64 Cf. Arrêts Burghartz contre Suisse du 22 février 1994 et Sternja contre Finlande du 24 octobre 1994.

* 65 Le taux moyen des divorces en France s'élevait en 1997 à 2,1 pour 1.000 habitants, contre 1,8 dans l'Union européenne à la même date (Source Eurostat).

* 66 Rapport n° 71 (2000-2001) de notre excellent collègue M. Laurent Béteille - p. 16 et 17.

* 67 En vertu d'un décret du 23 octobre 1985, cette instance de réflexion, présidée par le Président de la République a pour mission d'éclairer ce dernier ainsi que le Gouvernement sur les problèmes démographiques et leurs conséquences à moyen et long terme, ainsi que sur les questions relatives à la famille.

* 68 Rapport n° 2911 A.N précité - p. 17.

* 69 Voir liste des auditions en annexe.

* 70 On rappellera qu'entre 1991 et 1995 on observe un accroissement de près de 30 % du nombre de requêtes (cf. I - A - 2).

* 71 D'après une étude de l'INED, publiée en janvier 1999.

* 72 D'après les statistiques fournies par le bureau de la nationalité (Ministère de l'intérieur).

* 73 Cf. Rapport n° 2911 A.N - p.11-12.

* 74 L'onomastie désigne la science des noms.

* 75 Cette étude contredit une autre étude plus ancienne de M. Michel Tesnière, publiée en 1973, fondée sur des hypothèses erronées, selon lesquelles le système onomastique français conduirait à une disparition de tous les noms de familles au profit des seuls noms les plus courants.

* 76 D'après une enquête menée par le service national des enquêtes téléphoniques Martin, puis Bernard seraient les noms les plus fréquemment portés.

* 77 Actuellement le code civil distingue les dispositions communes à la filiation légitime et à la filiation naturelle, les dispositions spécifiques à la filiation légitime, celles relatives à la filiation naturelle, celles relatives à la filiation adoptive.

* 78 D'après le garde des Sceaux, cette requête ne relevait pas d'une matière contentieuse et n'aboutirait qu'à encombrer davantage l'activité des juridictions. (cf. J.O Débats A.N du 8 février 2001 - p. 1311).

* 79 On rappellera que la proposition de loi déplace les règles de dévolution du nom définies dans les parties du code correspondant à chaque type de filiation pour les faire figurer à l'article 57 du code civil relatif à l'acte de naissance.

* 80 Il se peut fort bien qu'un enfant, au moment de l'établissement de l'acte de naissance ne soit reconnu que par sa mère, bien que son frère ou sa soeur aîné(e) porte le nom du père. Si la filiation à l'égard du père n'est pas encore établie, l'officier de l'état civil n'aura d'autre choix que de conférer à l'enfant le nom de sa mère (comme actuellement).

* 81 La loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002 a institué un congé de paternité destiné à conforter le lien entre le père et son enfant (onze jours ouvrables).

* 82 Cf. On rappellera que le dispositif adopté par les députés ouvre seulement le choix aux parents soit de substituer soit d'accoler le nom paternel au nom de l'enfant.

* 83 Au cours de la première lecture du texte à l'Assemblée nationale, le 8 février 2001, le Gouvernement a estimé qu'une « modification des règles de dévolution du nom ne peut être sans incidence sur les règles de changement de nom ». (Cf. J.O Débats A.N - p. 1296).

* 84 Cf. Arrêt du Conseil d'Etat du 22 juin 2000 statuant sur une demande de substitution du nom maternel, au motif que « le père avait quitté le foyer conjugal quelques mois après la naissance des intéressés qui n'avaient depuis entretenu aucune relation matérielle ou affective avec lui ».

* 85 Cf. Rapport A.N n° 2911 (11 ème législature) - p. 11.

* 86 Aux termes de l'article 55 de code civil, la déclaration de naissance doit être effectuée au plus tard dans les trois jours de l'accouchement et l'acte de naissance, selon l'article 56 du même code, est rédigé immédiatement.

* 87 Le changement de nom d'un enfant demandé par les parents par déclaration conjointe, la procédure de dation du nom de l'enfant naturel, ainsi que tous les changements de nom obtenus par décision administrative sont mentionnés en marge de l'acte de naissance.

* 88 Aux termes de l'article 7-1 « l'enfant est enregistré aussitôt après sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom [...]. »

* 89 Selon lequel «les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étrangers. »

* 90 J.O Débats A.N Séance publique du 8 février 2001 - p 1296.

* 91 Ce système se situe à mi-chemin entre le système britannique, dans lequel l'attribution du nom est laissée au libre choix des parents et le système germanique qui offre le choix aux parents entre le nom du père et celui de la mère.

* 92 L'article 109 du code civil espagnol établit le principe de la transmission du nom de famille par la filiation, quelle qu'elle soit. Les articles 53 et 55 de la loi relative aux actes de l'état civil déterminent les noms donnés à l'enfant et l'ordre dans lequel ils sont inscrits.

* 93 Cf. Loi 11/181 du 13 mai 1981.

* 94 En Allemagne, en cas de désaccord entre les parents, dans un délai d'un mois, le tribunal demande à l'un des deux parents de choisir le nom de l'enfant. A défaut de choix et à l'issue d'un délai fixé par le juge, le parent désigné précédemment par le tribunal transmet son nom à l'enfant.

* 95 Aux termes duquel « le nom de l'enfant inscrit dans l'acte de naissance est constitué par le nom du père auquel est accolé celui de la mère ».

* 96 Cette solution résultait également de la proposition de loi n°132 de Mme Janine Jambu et les membres du groupe communiste et apparentés.

* 97 Amendement présenté par Mme Yvette Roudy, au nom de la délégation aux droits des femmes.

* 98 J.O Débats A.N Séance publique du 8 février 2001- p. 1307.

* 99 Les effets juridiques de la nouvelle rédaction de l'article 57 sur le nom de l'enfant naturel sont détaillés aux articles 3 à 5, qui modifient les dispositions législatives existantes (articles 334-1, 334-2 et 334-5 du code civil).

* 100 Les effets juridiques de la nouvelle rédaction de l'article 57 sur le nom de l'enfant adopté sont détaillés aux articles 6 et 7, qui modifient les dispositions législatives existantes (articles 357 et 363 du code civil).

* 101 C'est également le cas en Italie et en Belgique.

* 102 Cf. Arrêt de la Cour de cassation chambre civile du 10 novembre 1902.

* 103 Cf. Arrêt de la Cour de cassation, chambre civile du 19 juin 1961.

* 104 Cf. Arrêt du TGI d'Aix en Provence du 16 avril 1980.

* 105 Aux termes duquel, « toute personne majeure peut ajouter à son nom à titre d'usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en oeuvre par les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale».

* 106 La légitimation par mariage est à l'origine de 4 changements de nom sur 10 pour la génération née à partir de 1985 et enregistre une tendance à la baisse, compte tenu de la diminution du nombre de mariages. (source INED, juillet 1999)

* 107 L'article 332-1 du code civil ne donne aucune précision à cet égard.

* 108 L'article 2 de la présente proposition de loi a pour objet de modifier l'article 333-5 du code civil par coordination avec la nouvelle rédaction de l'article 57.

* 109 Cf. J.O Questions écrites A.N du 27 septembre 1999 - p. 5636. Introduite par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993, « cette disposition permet ainsi d'éviter des changements tardifs de patronyme. ».

* 110 Votre commission des lois vous proposera, par un article additionnel après l'article 2, d'inscrire explicitement au sein de l'article 333-6 le principe général posé par l'article 61-3 du consentement de l'enfant majeur au changement de son nom de famille (même en cas de modification de son lien de filiation).

* 111 Ce principe de priorité chronologique connaît de nombreuses dérogations permettant une substitution en faveur du nom du père ou du nom du mari de la mère, qui seront respectivement examinées aux articles 4 et 5.

* 112 Cf. Rapport n°2911 de M. Gérard Gouzes - p. 25

* 113 Cf. Décret n°74-449 du 15 mai 1974 relatif au livret de famille

* 114 Cf. Instruction générale du bureau de l'état civil paragraphe 637 alinéa 4

* 115 Cf. Exposé général

* 116 Cf. Exposé général

* 117 Cf. J.O A.N du 8 février 2001 p. 1296

* 118 posée au dernier alinéa du paragraphe II

* 119 énoncé au deuxième alinéa du paragraphe II de cet article

* 120 Actuellement, la faculté d'accoler les noms de ses parents n'est ouverte qu' à titre d'usage, conformément à l'article 43 de la loi n°85-1372 du 23 décembre 1985 précitée.

* 121 La francisation est accordée sur le rapport du ministre chargé des naturalisations ou des réintégrations soit par le décret conférant la naturalisation ou la réintégration, soit par un décret postérieur. Cette demande peut être formulée dans un délai d'un an suivant l'acquisition de la nationalité étrangère.

* 122 Cf. Infra (article 8)

* 123 Cet article est issu de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 entrée en vigueur le 1 er février 1994, venue se substituer à la loi du 11 germinal an X afin d'assouplir et de simplifier cette procédure.

* 124 Ces demandes sont traitées directement au Service du Sceau.

* 125 En application de l'article 61-1 du code civil, il est publié au Journal Officiel et prend effet à l'issue du délai de deux mois pendant lequel tout intéressé peut faire opposition devant le Conseil d'Etat ou après le rejet de cette opposition.

* 126 Voir infra article 8.

* 127 On constate un accroissement de 30 % des demandes de changement de nom entre 1991 et 1995 (cf. Rapport de l'INED publié en janvier 1999).

* 128 Voir article additionnel après l'article premier tendant à insérer un article 311-21 dans le code civil.

* 129 J.O Débats A.N Séance publique du 8 février 2001 - p. 1307.

* 130 Cet article pose le principe général du consentement de l'enfant devenu majeur au changement de son « patronyme »  quelles qu'en soient les raisons.

* 131 Actuellement 7 enfants nés hors mariage sur 10 à la naissance portent le nom du père, les 3 autres enfants faisant le plus souvent l'acquisition du nom de leur père dans un bref délai.

* 132 Cf. « D'un discours qui ne serait pas du semblant » , Conférence de Jacques Lacan (séance du 16 juin 1971)

* 133 Cf. Rapport « rénover le droit de la famille » remis au garde des Sceaux en septembre 1999, p.68 et 69.

* 134 La légitimation par autorité de justice rendue à l'égard des deux parents est prononcée quand il est constaté que le mariage entre eux est impossible (en cas de décès de l'un d'eux, dans le cas où l'un d'eux serait déjà marié). Les demandes de légitimation par décision de justice sont peu nombreuses (source INED).

* 135 Votre commission des lois vous proposera, par un article additionnel après l'article 2 d'inscrire explicitement au sein de l'article 333-6 du code civil, le principe général du consentement de l'enfant majeur au changement de son nom de famille posé par l'article 61-3 du même code.

* 136 Selon lequel « Si la légitimation par autorité de justice a été prononcée à l'égard des deux parents, l'enfant prend le nom de son père ».

* 137 Par exemple, un enfant reconnu par sa mère en premier lieu continuera à porter le nom maternel en dépit d'une légitimation prononcée par la suite à l'égard de son père.

* 138 Cf. TGI Aix en Provence 30 mai 1996

* 139 Cet article concernait le cas de légitimation d'un enfant mort.

* 140 300 546 naissances hors mariage en 1998 (source INED), soit 40,7 % du nombre total des naissances.

* 141 Cette disposition est issue de la loi n°72-3 du 3 janvier 1972 relative à la filiation.

* 142 Cf. premier alinéa de l'article 334-2 du code civil.

* 143 Cf. deuxième alinéa du même article.

* 144 Le greffier n'a pas à vérifier l'opportunité du changement, ni l'intérêt de l'enfant.

* 145 Cf. Arrêt du TGI de Nîmes du 25 octobre 1990 : une substitution antérieure obtenue par déclaration conjointe fait obstacle à une nouvelle substitution sur le fondement de l'article 334-3 (substitution contentieuse).

* 146 L'enfant naturel, dans l'hypothèse d'une substitution de patronyme, peut adjoindre à son nouveau patronyme, à titre d'usage le nom de celui des parents qu'il portait auparavant (arrêt Cour d'appel de Paris 11 décembre 1990).

* 147 Ce contentieux, parfois qualifié de « contentieux de la haine » n'est pas négligeable puisqu'en 1999 ont été enregistrées 7.765 demandes auprès du juge aux affaires familiales.

* 148 Cf. Rapport A. N n°2911 (11 ème législature) - p. 27.

* 149 A l'instar du juge aux affaires familiales qui rend une décision expresse de changement de nom d'un enfant légitimé par décision de justice rendue à l'égard d'un seul de ses parents (voir supra article 2).

* 150 A propos de cette procédure introduite par la loi n°72-3 du 3 janvier 1972, on a également pu parler d'«adoption en mineur » selon l'expression de M. Jean Foyer ou « d'adoption ad nonem tantum » (quant au nom seulement) selon l'expression de M. Jean Carbonnier. Les dations du nom sont assez exceptionnelles et se limitent à quelques demandes chaque année.

* 151 Les demandes de dation de nom à un enfant naturel enregistrent une chute : 60 affaires soumises au juge aux affaires familiales en 1995, 90 en 1996 contre 27 et 28 pour 1998 et 1999.

* 152 L'article 334-5 du code civil renvoie aux dispositions de l'article 334-2 du même code.

* 153 Compte tenu du renvoi à l'article 334-2 prévu à l'article 334-5 du code civil, il s'agit des mêmes conditions que pour la substitution du nom paternel au nom maternel (cf. article 4 de la proposition de loi).

* 154 En 1999, les demandes d'adoption simple et d'adoption plénière se sont élevées respectivement à 6.374 et 4.521.

* 155 L'adoption est réservée à des époux mariés depuis deux ans ou âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans ou à des personnes vivant seules, âgées de plus de vingt-huit ans. L'adoption est prononcée par le tribunal de grande instance.

* 156 Conformément à l'article 61-3 du code civil, le consentement de l'enfant n'est pas requis lorsqu'il y a établissement ou modification du lien de filiation, sauf s'agissant de l'enfant majeur.

* 157 Cf. deuxième alinéa de l'article 357, aux termes duquel « si l'adoptant est une femme mariée, le tribunal peut dans le jugement d'adoption, décider du consentement du mari de l'adoptante que le nom de ce dernier sera conféré à l'adopté ; si le mari est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal apprécie souverainement après avoir consulté les héritiers du mari ou ses successibles les plus proches. »

* 158 Il convient de souligner qu'en cas d'adoption simple, le nom de l'adoptant s'ajoute au nom de l'adopté.

* 159 Cf. Arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 18 novembre 1997, selon lequel aucune disposition légale n'autorise un adopté simple à ne conserver que son nom d'origine.

* 160 On rappellera qu'une option est ouverte en cas d'accord entre les parents, à défaut le nom du père sera transmis.

* 161 Il convient également de rappeler que l'adoption simple autorise une autre dérogation : la dation du nom du mari de la mère adoptive, modifiée par l'article 6.

* 162 Dans un arrêt du 10 mai 1995, le tribunal de grande instance de Paris a estimé que l'adopté de plus de 13 ans n'avait pas à consentir à l'adjonction du nom, mais seulement à la substitution qui est l'exception.

* 163 Cf. Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile du 9 janvier 1996.

* 164 On rappellera qu'une option est ouverte en cas d'accord entre les parents, à défaut le nom du père sera transmis.

* 165 Le tribunal statue en chambre du conseil.

* 166 L'article 4 de la loi du 2 juillet 1923 a un caractère rétroactif dans la mesure où il valide toutes les dispositions par lesquelles, depuis le 1 er août 1914, un soldat mort pour la France aurait déclaré vouloir transmettre son nom.

* 167 Cf. arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 janvier 1990 selon lequel, s'agissant d'un enfant mineur, l'autorité parentale doit être partagée.

* 168 Le consentement de l'enfant mineur de plus de treize ans n'est pas exigé par la loi du 23 décembre 1985. L'article 61-3 du code civil n'impose le consentement de l'enfant de plus de treize ans que dans le cas d'un changement de nom.

* 169 Cf. arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile du 19 janvier 1996.

* 170 On rappellera que « l'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier » aux termes de l'article 363 du code civil.

* 171 J.O. Question écrites Sénat - réponse ministérielle n° 10063 du 17 mars 1988.

* 172 Comme le confirme l'instruction générale de l'état civil- Paragraphe 675-1.

* 173 Cf. Instruction générale de l'état civil - paragraphe 675

* 174 Par l'effet de la coutume, la femme mariée ou veuve a l'usage du nom de son conjoint par substitution ou par adjonction à son propre nom.

* 175 J.O. Débats Sénat - Séance publique du 30 octobre 1985 - p. 2660.

* 176 Rapport Sénat n°49 (1985-1986) de M. Luc Dejoie - p. 12.

* 177 Rapport du groupe de travail présidé par Mme Françoise Dekeuwer-Defossez remis au garde des Sceaux en septembre 1999,  « Rénover le droit de la famille » - p. 74.

* 178 Le nombre de familles monoparentales ne cesse de croître. Elles représentaient 4,4 % des ménages en 1970 contre 7, 1 % en 1999.

* 179 On rappellera qu'a contrario, votre commission des Lois a fait des propositions en ce sens(cf. voir article additionnel après l'article premier tendant à modifier l'article 61 du code civil).

* 180 Rapport précité du Sénat n°49 - p. 6.

* 181 Cf. J.O Débats Sénat - Séance publique du 30 octobre 1985, p. 2660.

* 182 Ces règles ont déjà été exposées précédemment (cf. article additionnel après l'article premier tendant à modifier l'article 61 du code civi1).

* 183 Cf. J.O A. N Séance publique du 8 février 2001 - p. 1296. Le garde des Sceaux d'une part estimait que le juge n'avait pas à intervenir, dans la mesure où il ne s'agissait pas de trancher un conflit et compte tenu de l'encombrement actuel des juridictions.

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