Rapport n° 266 (2001-2002) de M. André BOYER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 13 mars 2002

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N° 266

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 février 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mars 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de la convention pour la protection du Rhin (ensemble une annexe et un protocole de signature),

Par M. André BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 251 (2001-2002)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention pour la protection du Rhin signée à Berne le 12 avril 1999 par l'Allemagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suisse et la Communauté européenne.

Cette convention est appelée à se substituer à plusieurs textes existants :

- l'accord du 29 avril 1963 concernant la Commission internationale pour la protection du Rhin contre la pollution, signé par l'Allemagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse,

- l'accord additionnel du 3 décembre 1976 par lequel la Communauté européenne s'était jointe aux 5 pays parties à l'accord de 1963,

- et la convention du 3 décembre 1976 relative à la protection du Rhin contre la pollution chimique, signée par ces 5 mêmes pays et la Communauté européenne.

Ces différents textes constituaient la base d'une coopération initiée dès les années 1950 par les Etats riverains pour examiner en commun les questions de pollution et d'assainissement du Rhin. Cette coopération s'est exercée dans le cadre de la Commission internationale pour la protection du Rhin, organe intergouvernemental doté d'un secrétariat installé à Coblence, qui a été créé en 1950 puis institutionnalisé par l'accord de 1963.

Au fil des décennies, la coopération internationale pour la protection du Rhin a évolué. Aux préoccupations strictement liées à la pollution d'origine industrielle ont succédé celles, plus larges, relatives à la restauration de l'écosystème et de la diversité biologique. Ces objectifs, plus vastes et plus ambitieux, supposaient également que la coopération ne se limite pas au seul fleuve, mais s'étende à l'ensemble de son bassin versant.

C'est en quelque sorte pour tenir compte d'une approche beaucoup plus globale de la protection du Rhin, déjà largement entrée dans les faits, qu'une nouvelle convention a été signée à Berne en 1999. Elle rassemble et actualise les dispositions existantes, tout en élargissant le champ d'application et les objectifs de la protection et en complétant les engagements auxquels souscrivent les parties. En cela, elle se conforme aux prescriptions les plus récentes des instruments internationaux ou européens en matière d'environnement, la coopération internationale pour la protection du Rhin présentant même, de ce point de vue, une valeur d'exemple.

Votre rapporteur effectuera une brève présentation de la coopération internationale pour la protection du Rhin et de ses résultats, avant d'analyser le dispositif de la convention du 12 avril 1999 et ses apports au regard des textes existants.

I. LA COOPÉRATION INTERNATIONALE POUR LA PROTECTION DU RHIN

S'écoulant sur 1 320 kilomètres des Alpes à la Mer du Nord, le Rhin constitue l'un des grands fleuves internationaux européen, puisque son bassin versant couvre 170 000 km 2 répartis entre 9 Etats : la Suisse, l'Italie, le Liechtenstein, l'Autriche, l'Allemagne, la France, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas. Cette zone comporte environ 50 millions d'habitants , dont 20 millions sont approvisionnés en eau potable à partir du Rhin .

La coopération internationale autour du Rhin concernait en premier lieu les conditions de navigation. Le Rhin est en effet une artère essentielle pour le transport fluvial et comporte sur son cours le 1 er port maritime (Rotterdam) et le 1 er port fluvial (Duisbourg) du monde. Le principe de libre navigation sur le fleuve est garanti par une commission centrale pour la navigation du Rhin créée en 1816, qui regroupe aujourd'hui six pays et siège à Strasbourg. La convention de 1868 pour la navigation du Rhin réglemente la navigation depuis Bâle jusqu'à la pleine mer.

Mais au delà de la navigation, les eaux du Rhin font l'objet de bien d'autres usages, que ce soit la fourniture d'eau potable, l'irrigation, la production hydroélectrique, l'alimentation de diverses industries ou le refroidissement des centrales nucléaires.

Avec la croissance démographique et l'industrialisation, la question de la protection des eaux du Rhin a progressivement fait l'objet d'une approche concertée des différents pays riverains. Si l'on peut mentionner, à la fin du 19è siècle, la conclusion d'accords internationaux sur la protection du saumon, menacé par les aménagements du fleuve, c'est essentiellement après la deuxième guerre mondiale que la coopération internationale s'est développée, dans le cadre de la Commission internationale pour la protection du Rhin.

A. LE RÔLE DE LA COMMISSION INTERNATIONALE POUR LA PROTECTION DU RHIN

Limité jadis à la navigation et à la pêche, l'usage du Rhin s'est progressivement intensifié au fil de l'industrialisation et du développement démographique des régions qu'il traverse. Le rejet des eaux usées, urbaines ou industrielles, les aménagements liés à l'irrigation, à la production hydroélectrique et au refroidissement des centrales thermiques, ou encore son utilisation comme source d'eau potable pour près de 20 millions de personnes, illustrent la diversité des enjeux liés à sa protection.

C'est essentiellement en aval du fleuve que s'est le plus tôt affirmé le souci d'enrayer la dégradation de la qualité des eaux. Dès les années 1920, les Pays-Bas se plaignaient de la pollution des eaux du fleuve et de ses conséquences pour l'alimentation en eau potable et pour l'irrigation. Après la seconde guerre mondiale, c'est à la suite d'une initiative néerlandaise, que s'est réunie pour le première fois à Bâle, le 11 juillet 1950, une Commission internationale pour la protection du Rhin contre la pollution (CIPR) , avec une participation des Pays-Bas, du Luxembourg, de l'Allemagne, de la France et de la Suisse.

Cette structure de coopération a été institutionnalisée par un accord du 29 avril 1963 signé par les cinq pays fondateurs, en vue de collaborer en matière de protection des eaux du Rhin en aval du lac de Constance.

La Commission internationale pour la protection du Rhin contre la pollution (CIPR) constitue aujourd'hui la principale institution internationale dans le bassin rhénan , même s'il existe d'autres structures semblables, comme la Commission internationale pour la protection de la Meuse (CIPM) établie à Liège, la Commission internationale pour la protection de la Moselle et de la Sarre (CIPMS), établie à Trèves, ou la Commission internationale pour la protection du lac de Constance.

Selon son texte fondateur, la Commission internationale pour la protection du Rhin contre la pollution (CIPR) est chargée de préparer et faire effectuer toutes les recherches nécessaires pour déterminer la nature, l'importance et l'origine des pollutions du Rhin, et de proposer aux gouvernements les mesures susceptibles de protéger le Rhin.

Composée de délégations des pays membres, comportant quatre délégués ou plus, elle statue à l'unanimité des délégations. Elle ne dispose pas de pouvoirs propres et constitue surtout un organisme d'études et de propositions, les gouvernements disposant de la faculté de donner suite ou non à ses recommandations. Le secrétariat de la CIPR, installé à Coblence, comporte une dizaines de personnes.

La CIPR se réunit en assemblée plénière une fois par an, mais une large part du travail repose sur trois groupes de travail permanents composés d'experts désignés par les pays membres. Le premier a pour mission de surveiller l'évolution de la qualité des eaux du Rhin, et notamment d'évaluer la présence des substances nuisibles. Le deuxième traite de l'écologie du fleuve et s'intéresse notamment à l'évolution du milieu biologique. Le troisième recense l'origine des pollutions et prépare des propositions en vue de les réduire.

Durant les vingt premières années qui ont suivi sa création, la CIPR s'est essentiellement consacrée à mettre en place un système international de surveillance du Rhin depuis la Suisse jusqu'aux Pays-Bas.

Face à la poursuite de la détérioration de la qualité des eaux du Rhin, elle s'est ensuite attachée à préparer la mise en place de normes juridiques destinées enrayer la pollution du fleuve. En 1976 , alors que sa composition s'élargissait avec l' adhésion de la Communauté économique européenne , eu égard aux compétences de cette dernière en matière d'environnement, la CIPR mettait au point deux conventions qui seront adoptées par les Etats-parties le 3 décembre 1976.

La convention relative à la protection du Rhin contre la pollution chimique (dite convention « chimie »), classe les différents produits polluants en deux catégories :

- la première catégorie (liste « noire ») comprend les substances chimiques particulièrement toxiques comme le mercure, le cadmium ou les hydrocarbures ; l'objectif est d'éliminer progressivement les rejets de telles substances ; les Etats-parties dressent un inventaire national de ces rejets, qui doivent être soumis à une autorisation préalable et demeurer en deçà de valeurs-limites ;

- la seconde catégorie (liste « grise ») regroupe les autres substances, dont les rejets devront faire l'objet d'une réglementation par les autorités nationales aux fins d'une limitation sévère et dans le respect de normes d'émission.

La convention relative à la protection du Rhin contre la pollution par les chlorures (dite convention « chlorures »), vise pour sa part à réduire la salinité des eaux du Rhin, et concerne notamment les rejets des sels non utilisés pour la production de potasse, qui affectent la qualité des eaux et le fonctionnement des réseaux de distribution utilisés pour l'eau potable comme pour l'agriculture. L'objectif est de limiter à 200 milligrammes par litre la teneur en sel à la frontière germano-néerlandaise, les Pays-Bas étant le principal pays concerné par les dommages liés aux chlorures.

Cette convention « chlorures » a rencontré plusieurs difficultés d'application , en particulier en France du fait de l'activité des Mines de Potasse d'Alsace. Ces dernières ne sont à l'origine que d'une partie (30%) de la pollution du Rhin par les chlorures, mais il s'agit d'une source bien identifiée, et donc théoriquement plus facile à réduire. Toutefois, la France n'a pas été en mesure de favoriser aussi rapidement que ses partenaires le souhaitaient les alternatives aux rejets de sels dans les eaux du Rhin. Devant l'impossibilité de mettre en oeuvre le procédé d'injection des sels dans le sous-sol alsacien, initialement envisagé lors de la signature de la convention, il a fallu se réorienter vers leur stockage, cette solution n'ayant pas pour autant éliminé une pollution qui se produit désormais par les eaux souterraines. La convention « chlorures » a finalement fait l'objet d'un protocole additionnel signé le 25 septembre 1991 . Dans ce cadre, la répartition des financements prévus pour l'élimination des chlorures a été revue, afin de permettre aux Pays-Bas de restaurer leurs polders et à la France de procéder au stockage des sels qui seront progressivement rejetés dans le Rhin après l'arrêt de l'activité des Mines de potasse d'Alsace, prévu en 2004.

Les deux conventions élaborées en 1976 sous l'égide de la CIPR ont témoigné des limites d'une approche strictement juridique de la protection internationale du Rhin .

Le 1 er novembre 1986 , à la suite d'un incendie dans un entrepôt de pesticides de l'entreprise chimique suisse Sandoz , près de Bâle, des produits hautement toxiques, drainés par l'eau utilisée pour l'extinction de feux, se sont déversés directement dans le Rhin, provoquant une pollution sur près de 500 kilomètres, de Bâle à Coblence. Le captage d'eau potable à partir du Rhin a du être interrompu par précaution jusqu'aux Pays-Bas.

Ce grave sinistre a provoqué une réaction politique forte et favorisé une réorientation de l'action de la CIPR . C'est désormais beaucoup moins par la méthode juridique, jugée trop lente et insuffisamment efficace, que par la mise en oeuvre de plans d'action plus souples , mais bénéficiant d'un engagement politique plus affirmé des pays riverains, que s'exerce le travail de la CIPR.

Les ministres compétents pour le Rhin ont ainsi signé, le 1 er octobre 1987, un Plan d'action Rhin dont le terme avait été fixé à l'an 2000. Ce vaste programme de dépollution, doté d' objectifs concrets de réduction des substances nuisibles prioritaires , comportait également un important volet visant à restaurer l'écosystème rhénan. La réintroduction du saumon a fait figure de symbole pour l'amélioration des eaux du Rhin, la coopération entre riverains et la mise en oeuvre d'une stratégie globale de protection du fleuve. Elle a donné lieu à la construction de passes à poissons et sert aujourd'hui de critère pour l'évolution de l'état du Rhin.

En janvier 1998, lors de la 12 ème conférence ministérielle sur le Rhin, a été adopté un plan d'action contre les inondations qui s'étend jusqu'à l'horizon 2020. Il a pour but de mettre en place un système d'alerte performant des populations, de favoriser la réductions des risques liés aux inondations et de promouvoir la prévention, en particulier par la protection juridique des zones inondables non encore urbanisées.

En janvier 2001, lors de la 13 ème conférence ministérielle sur le Rhin, les ministres des pays riverains ont élaboré un nouveau programme pour le développement durable du Rhin, le programme Rhin 2020 , qui se donne pour priorité de restaurer l'écosystème du Rhin, d'améliorer la préventions des crues et la protection contre les inondations et de protéger les eaux souterraines. Ce programme donne à la politique pour la protection du Rhin, jusqu'à présent très axée sur l'amélioration de la qualité des eaux, une dimension beaucoup plus globale intégrant les intérêts écologiques, économiques et sociaux.

B. LES RÉSULTATS DE LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION DU RHIN

L'action entreprise par la Commission internationale pour la pollution du Rhin dans les premières années qui ont suivi sa création, en 1950, s'est surtout traduite par la mise en place de stations de surveillance. En revanche, sous l'effet de l'essor industriel, la qualité des eaux a continué à se dégrader jusqu'à la fin des années 1960 .

La construction de stations d'épuration communales et industrielles a commencé à produire des effets positifs dans les eaux du Rhin a partir des années 1980. Plus de 90 % des habitants du bassin du Rhin sont aujourd'hui raccordés à des stations d'épuration communales et d'importants investissements ont été réalisés pour les moderniser.

Selon les dernières indications fournies par la CIPR, on constate désormais, de la Suisse aux Pays-Bas, des teneurs en oxygène relativement élevées dans les eaux du Rhin , les concentrations de phosphore et, dans une certaine mesure, celles d'azote, continuant de baisser. Les concentrations de la plupart des polluants sont en baisse, ou stagnent à un faible niveau, en particulier pour les métaux lourds comme le plomb, le zinc, le cadmium et le cuivre, même si l'on reste encore au-dessus des objectifs de référence. Les concentrations de chlorures ont également très nettement régressé.

La CIPR observe que les émissions polluantes subsistantes sont essentiellement d'origine diffuse (par exemple les produits phytosanitaires), ce qui explique les difficultés à obtenir des réductions supplémentaires.

Les eaux du Rhin sont désormais jugées « potabilisables » sur la quasi-totalité du cours du fleuve.

Sur le plan écologique, la CIPR estime qu'avec la hausse progressive de la teneur en oxygène, les peuplements piscicoles se sont peu à peu rétablis. Sur les 45 espèces piscicoles et les 38 espèces d'oiseaux aquatiques typiques du milieu rhénan de jadis, presque toutes sont aujourd'hui à nouveau représentées, même si les poissons migrateurs restent encore rares. Toutefois, à la fin 2000, 600 saumons matures avaient été recensés dans le Rhin, dont 300 sur la seule année 2000, alors que le saumon avait totalement disparu de 1957 à 1995.

Dressant un bilan de l'état du Rhin cinquante ans après la création de la CIPR, cette dernière établissait, dans son dernier rapport d'activité, la conclusion suivante :

« Les efforts entrepris jusqu'à présent au niveau international et national dans le domaine de la protection des eaux ont permis d'améliorer la situation sur le cours principal du Rhin, notamment dans le domaine de la qualité des eaux et des émissions. Des efforts de dépollution sont à engager dans les volets suivants : réduction efficace de la pollution diffuse par les métaux lourds ... de la pollution diffuse par l'azote, encore trop élevée ... des apports diffus de produits phytosanitaires..., de la pollution des sédiments.

Dans le bassin du Rhin, les autres actions prioritaires porteront sur la restauration écologique dans tout le système, la prévention des crues et la réduction des risques de dommage. Les mesures ... porteront entre autres sur les éléments suivants : préserver les tronçons d'eaux courantes libres, supprimer les obstacles à la migration, redynamiser le milieu alluvial, restaurer les habitats, renaturer et diversifier les rives et le lit du fleuve, tolérer la dynamique fluviale, remettre les anciens bras en communication avec le fleuve.

L' intégration de la protection des eaux souterraines dans les travaux de la CIPR, telle qu'elle figure dans la nouvelle convention pour la protection du Rhin et est concrétisée dans le programme « Rhin 2020 », est une nouvelle tâche ».

II. LA NOUVELLE CONVENTION POUR LA PROTECTION DU RHIN

L'élaboration d'une nouvelle convention pour la protection du Rhin trouve son origine lors de la conférence ministérielle de Berne, en 1994, au cours de laquelle les parties à la Commission internationale pour la protection du Rhin ont décidé d'étendre les actions communes au bassin versant du Rhin et aux eaux souterraines.

La négociation a abouti à la signature à Berne, le 12 avril 1999, d'une nouvelle convention pour la protection du Rhin qui se substitue à trois textes existants :

- l'accord du 29 avril 1963 concernant la Commission internationale pour la protection du Rhin contre la pollution,

- l'accord additionnel du 3 décembre 1976 permettant l'adhésion de la Communauté économique européenne,

- et la convention du 3 décembre 1976 relative à la protection du Rhin contre la pollution chimique.

Le nouveau texte diffère sensiblement, par son contenu, des dispositions précédentes. Il tient compte des évolutions intervenues au cours des dernières décennies dans la coopération pour la protection du Rhin, et notamment de l'approche globale qui préside désormais à l'action de la CIPR.

La nouvelle convention pour la protection du Rhin constitue également un texte novateur dans le droit international de protection des eaux fluviales . Ce droit international repose essentiellement sur la convention d'Helsinki du 17 mars 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux, élaborée dans le cadre des Nations-Unies. Par ailleurs, l'Union européenne a élaboré une directive cadre sur la politique de l'eau, publiée en décembre 2000, qui définit des objectifs communs pour l'amélioration de la qualité des eaux et qui impose de gérer leurs bassins hydrographiques dans le cadre d'un district international dès lors qu'ils s'étendent sur le territoire de plus d'un Etat-membre.

Non seulement la nouvelle convention s'intègre totalement dans le cadre de ces textes, mais elle en offre une illustration particulièrement concrète, les principes en vigueur pour la protection du Rhin ayant en outre largement servi de référence pour la définition de la politique communautaire.

A. UN CHAMP D'APPLICATION ET DES OBJECTIFS ÉLARGIS

L'accord de 1963 concernait la seule protection des eaux du Rhin. La nouvelle convention possède un champ d'application élargi puisqu'en application de l'article 2, il couvre :

- le Rhin ,

- les eaux souterraines en interaction avec le Rhin,

- les écosystèmes aquatiques et terrestres en interaction avec le Rhin ou dont les interactions avec le Rhin pourraient être rétablies ;

- le bassin versant du Rhin , dans la mesure où la pollution qui y est causée par des substances a des effets dommageables sur le Rhin ou lorsqu'il a un rôle important dans la prévention des crues et la protection contre les inondations le long du Rhin.

La notion de bassin versant n'est pas définie dans la convention, mais si l'on se réfère à la directive cadre communautaire sur la politique de l'eau, en date du 22 décembre 2000, le bassin versant comprend toute zone dans laquelle les eaux de ruissellement convergent à travers un réseau de rivières, fleuves et éventuellement de lacs vers la mer, dans laquelle elles se déversent par une seule embouchure, estuaire ou delta.

La nouvelle convention se caractérise également par des objectifs beaucoup plus larges que dans les textes précédents. L'article 3 en donne une définition exhaustive.

Le premier et principal objectif est d'assurer le développement durable de l'écosystème du Rhin . Il fait l'objet d'une définition très détaillée comportant six thèmes :

- préserver et améliorer la qualité des eaux du Rhin , en particulier par la réduction ou la suppression des diverses sources de pollution (substances nuisibles et nutriments d'origine ponctuelle ou diffuse, pollution provenant des eaux souterraines ou de la navigation) et par l'amélioration de la sécurité des installations ;

- protéger les populations d'organismes et la diversité des espèces ;

- préserver, améliorer et restaurer la fonction naturelle des eaux (par une meilleure gestion des débits du fleuve et la préservation des zones alluviales) ;

- préserver, améliorer et restaurer des habitats aussi naturels que possible pour la faune et la flore sauvages dans l'eau, le fond et sur les rives du fleuve ainsi que dans les zones adjacentes, y compris en améliorant l'habitat des poissons et en rétablissant leur libre circulation,

- assurer une gestion des ressources en eau respectueuse de l'environnement et rationnelle,

- tenir compte des exigences écologiques lors des opérations d'aménagement du cours d'eau, par exemple pour la protection contre les inondations, la navigation et l'exploitation hydroélectrique ;

Les autres objectifs de la nouvelle convention concernent :

- la production d'eau potable à partir des eaux du Rhin ;

- l'amélioration de la qualité des sédiments pour pouvoir déverser ou épandre les matériaux de dragage sans impact négatif sur l'environnement ;

- la prévention des crues et la protection contre les inondations ;

- contribuer à assainir la mer du Nord en liaison avec les autres actions de protection de cette mer.

B. LES ENGAGEMENTS DES PARTIES

La convention reprend un certain nombre de principes issus des évolutions récentes du droit international de l'environnement, et notamment de la conférence de Rio de 1992. Ainsi, l'article 4 prévoit que les parties contractantes s'inspirent des principes suivants :

- principe de précaution ;

- principe d'action préventive ;

- principe de la correction, par priorité à la source ;

- principe du pollueur-payeur ;

- principe de la non-augmentation des nuisances ;

- principe de la compensation en cas d'interventions techniques majeures ;

- principe du développement durable ;

- application et développement de l'état de la technique et de la meilleur pratique environnementale ;

- principe du non-transfert de pollution de l'environnement d'un milieu à un autre.

Enfin, l'article 5 témoigne d'une extension de la portée de la convention au travers des engagements pris par les parties.

Plusieurs engagements des parties concernent directement la coopération internationale elle même :

- renforcer la coopération et l'information réciproque, notamment sur les actions réalisées sur leur territoire en vue de protéger le Rhin ;

- mettre en oeuvre sur leur territoire les programmes de mesure internationaux et les études de l'écosystème Rhin décidés par la CIPR et l'informer de leurs résultats ;

- engager les actions nécessaires sur leur territoire pour mettre en oeuvre les décisions de la CIPR;

- avertir sans retard, en cas d'incidents ou accidents dont les effets pourraient présenter un risque pour la qualité des eaux du Rhin ou en cas de crues imminentes, la CIPR et les autres pays concernés, selon les plans d'avertissement et d'alerte coordonnés par la CIPR.

Les parties s'engagent également à procéder à des analyses dans le but d'identifier les causes et les responsables de pollutions.

Enfin, une large part des engagements concerne les actions autonomes que chaque pays membre juge nécessaires, ces actions devant néanmoins répondre, au minimum, aux conditions suivantes :

- soumettre le rejet d'eaux usées susceptible d'avoir un impact sur la qualité des eaux à une autorisation préalable ou à une réglementation générale où sont fixées des limites des émissions ;

- réduire progressivement les rejets de substances dangereuses dans le but de ne plus rejeter de telles substances ;

- surveiller le respect des autorisations ou des réglementations générales ainsi que le rejet ;

- vérifier et adapter périodiquement les autorisations ou les réglementations générales dans la mesure où des changements substantiels de l'état de la technique le permettent ou l'état du milieu récepteur le rend nécessaire ;

- réduire le plus possible par le biais de réglementations les risques de pollution due à des incidents ou accidents et prendre les dispositions requises en cas d'urgence ;

- soumettre les interventions techniques susceptibles de porter gravement atteinte à l'écosystème à une autorisation préalable assortie des obligations requises ou à une réglementation générale.

On peut rappeler qu' en France , la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau a mis en place un régime d'autorisation préalable pour les activités susceptibles de porter atteinte à l'environnement fluvial et maritime :

- dans son article 8, elle vise plus particulièrement « les conditions dans lesquelles peuvent être interdits ou réglementés les déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects d'eau ou de matière et, plus généralement, tout à fait susceptible d'altérer la qualité des eaux et du milieu aquatique » ;

- elle prévoit par son article 10 que relèvent du régime de l'autorisation ou de la déclaration tous les ouvrages, installations, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques qui entraînent des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux ou des rejets.

C. LES AUTRES DISPOSITIONS

L'article 6 de la nouvelle convention consacre la personnalité juridique de la CIPR, qui a été reconnue par l'Allemagne, selon le droit allemand, en avril 2000.

Les dispositions relatives à l'organisation et au fonctionnement de la commission ne sont pas fondamentalement modifiées, mais sont précisées. L'existence d'un secrétariat permanent est prévue par l'article 12. La répartition des frais de fonctionnement entre les parties n'est plus déterminé par la convention, mais renvoyé au règlement financier de la commission 1 ( * ) (article 13). Le néerlandais devient, après l'allemand et le français, la troisième langue de travail (article 15).

La convention officialise le statut d'observateur (article 14) pour les autres Etats (cas de l'Autriche et du Liechtenstein), pour les organisations intergouvernementales (comme la commission internationale pour la protection du lac de Constance) et pour les organisations non gouvernementales (par exemple, Greenpeace International, le WWF, l'association Alsace Nature ou encore le Conseil européen de l'industrie chimique, l'Union européenne des associations nationales de services d'eau et le groupe de travail international des usines d'eau dans le bassin du Rhin).

Les tâches de la CIPR font l'objet d'une énumération très détaillée à l'article 8 :

- elle prépare les programmes internationaux de mesure et les études de l'écosystème Rhin et en exploite les résultats en coopération, si nécessaire, avec des institutions scientifiques ;

- elle élabore des propositions d'actions individuelles et de programmes d'actions en y intégrant éventuellement des instruments économiques et en tenant compte des coûts attendus ;

- elle coordonne les plans d'avertissement et d'alerte des Etats contractants sur le Rhin ;

- elle évalue l'efficacité des actions décidées, notamment sur la base des rapports des parties contractantes et des résultats des programmes de mesure et des études de l'écosystème Rhin ;

- elle est également chargée d'informer le public de l'état du Rhin et des résultats de ses travaux.

La procédure de prise de décision (article 10) n'est pas modifiée par rapport aux textes antérieurs. Les décisions demeurent prises à l'unanimité , l'abstention (ou l'absence) d'une seule délégation ne faisant pas obstacle à l'unanimité.

Les décisions sont adressées aux parties contractantes sous forme de recommandations et sont, le cas échéant, assorties d'un calendrier et d'une obligation de coordination. La mise en oeuvre se fait conformément au droit interne des parties mais , et c'est un aspect nouveau, elle devra désormais faire l'objet de rapports de la part des parties contractantes sur les mesures prises pour la mise en oeuvre des dispositions de la convention et des décisions de la Commission, sur les résultats des actions ainsi entreprises et sur les difficultés éventuellement rencontrées. Tout manquement devra faire l'objet d'un rapport spécifique et devra être justifié, dans un délai fixé au cas par cas par la Commission (article 11).

L'article 16 renvoie à la négociation entre parties le règlement des différends. Toutefois, en cas d'échec des négociations, une procédure d'arbitrage définie en annexe à la convention est mise en oeuvre.

L'article 19 abroge l'accord du 29 avril 1963, l'accord additionnels relatif à l'adhésion de la Communauté européenne ainsi que la convention « chimie » du 3 décembre 1976. La convention « chlorures », ainsi que les textes ultérieurs la concernant, notamment le protocole additionnel du 25 septembre 1991, demeurent en revanche en vigueur.

L'article 19 précise également que les décisions, recommandations, valeurs limites et autres arrangements adoptés par la CIPR sur la base des textes abrogés restent applicables tant que la commission ne décide pas explicitement leur abrogation.

Enfin, le protocole de signature précise que Coblence reste le siège de la CIPR.

CONCLUSION

La nouvelle convention pour la protection du Rhin signée en 1999 consacre les évolutions intervenues au cours des quinze dernières années dans la coopération internationale pour le Rhin.

Elle se caractérise par une approche beaucoup plus globale de la protection, étendue à l'ensemble du bassin versant et aux eaux souterraines, et visant non seulement à réduire les émissions polluantes mais aussi à restaurer autant que possible les caractéristiques naturelles du Rhin, en particulier en matière de richesse biologique. Elle se fonde moins sur l'édiction de normes juridiques contraignantes que sur la définition d'un cadre général pour des programmes d'action déterminés en commun, sur la base des principes les plus récents en matière de droit de l'environnement.

Enfin, la nouvelle convention et les actions entreprises sous l'égide de la Commission internationale pour la protection du Rhin paraissent fournir une base appropriée pour la mise en oeuvre de la directive-cadre européenne pour la politique de l'eau, à laquelle la Suisse sera associée et qui préconise un plan de gestion coordonné pour la gestion de l'ensemble du bassin du Rhin.

Votre Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous demande d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation de la convention pour la protection du Rhin du 12 avril 1999.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa séance du mercredi 13 mars 2002.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Christian de La Malène a formulé des observations sur la tendance naturelle des organisations internationales de rechercher un élargissement de leur champ de compétences.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte adopté par l'Assemblée nationale)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la Convention pour la protection du Rhin (ensemble une annexe et un protocole d'accord), signée à Berne le 12 avril 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

* 1 Selon le nouveau règlement intérieur, la Communauté européenne prend en charge 2,5% des frais et la Suisse 12%. Le restant est réparti selon la clef suivante : 2,5% pour le Luxembourg et 32,5% pour la France, l'Allemagne et les Pays-Bas.

* 2 Voir le texte annexé au projet de loi n° 2880 (AN - 11 e législature).

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