Rapport n° 327 (2001-2002) de M. André BOYER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 19 juin 2002

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N° 327

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 février 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juin 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l' accord aux fins de l'application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l' intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (ensemble deux annexes),

PAR M. André BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 2 (2001-2002)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'accord relatif à la conservation et à la gestion des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs, ouvert à la signature à New York le 4 décembre 1995 et signé par la France un an plus tard, est un accord d'application de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer du 10 décembre 1982. Cette convention a elle-même été ratifiée par la France le 12 mars 1996 et est entrée en vigueur la même année.

Les principes régissant les zones économiques exclusives (ZEE) et la gestion des ressources halieutiques étant fixés dans la partie V de la convention de Montego Bay, ils doivent être précisés dans des accords d'application ultérieurs. Le présent accord est le second accord d'application après celui du 28 juillet 1994 sur les grands fonds marins. L'accord de 1995 a aussi été adopté pour appliquer, en matière de pêche, les directives adoptées pour favoriser le développement durable à la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement (CNUED) de Rio en juin 1992.

La France a joué avec la Communauté européenne un rôle important dans les négociations. En effet, l'accord touche à la fois les compétences nationales (Etat du pavillon, personnels des navires) et communautaires (conservation et gestion des ressources). Le Conseil de l'Union européenne a d'ailleurs décidé le 8 juin 1998 de ratifier l'accord et d'en déposer l'instrument de ratification dès que l'ensemble des membres l'aurait ratifié à leur tour. Le dépôt des instrument de l'Union et des membres permettra l'entrée en vigueur de l'accord, 30 ratifications étant nécessaires.

Votre rapporteur rappellera dans un premier temps les enjeux de la conservation des espèces et l'action de la France pour faire respecter les réglementations internationales en la matière avant de rappeler l'état du droit en vigueur et d'analyser les dispositions du présent accord.

*

* *

I. LES ENJEUX DE LA CONSERVATION DES ESPÈCES HALIEUTIQUES ET L'ACTION DE LA FRANCE

A. LES ENJEUX DE LA CONSERVATION DES ESPÈCES HALIEUTIQUES

1. Le bilan effectué par la FAO

Pour préparer la conférence internationale qui a permis l'adoption de l'accord sur les stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs, la FAO 1 ( * ) a publié un rapport dressant un premier bilan des stocks de poissons concernés et visant à donner les éléments scientifiques de base pour préparer les décisions des Etats. Ce document a établi que l'exploitation actuelle des ressources était « non durable », nombre d'entre elles ayant fortement diminué ou étant épuisées.

Cette étude relève que l'application de la Convention de Montego Bay a eu des effets pervers. Elle a encouragé les Etats côtiers à s'approprier les droits de pêche sur leurs zones économiques exclusives (ZEE) excluant les anciens pays pêcheurs ou diminuant leurs prises et les conduisant ainsi à se tourner vers des zones encore inexploitées ou vers la haute mer. Cette évolution a aggravé le mouvement d'accroissement des prises et surtout de la flotte de pêche. Depuis 1970, la progression du tonnage a été deux fois plus rapide que celle des captures conduisant à fragiliser les ressources et les armateurs.

La FAO notait que pour la première fois, le début des années 1990 avait marqué une diminution des prises par rapport au niveau record de 1989 (86 millions de tonnes). Elle estimait d'ailleurs qu'il faudrait réduire la flotte de près de 25 % pour retrouver les taux d'abondance et de capture des années 1970.

Enfin, ce rapport mettait en exergue la difficulté de réglementer la pêche en haute mer à partir du moment où les armateurs adoptent des pavillons de complaisance pour éviter de respecter les réglementations et pour pratiquer une pêche sauvage.

2. La gestion des stocks halieutiques, un enjeu européen

De son côté, la Commission européenne qui a la responsabilité de la conservation et de la gestion des ressources halieutiques pour les pays membres a proposé début juin 2002 un plan drastique de réduction de la flotte communautaire pour éviter la surexploitation des fonds. 8 600 navires de pêche seraient retiré du service et toute aide à la construction de navires neufs serait supprimée.

Le secteur de la pêche représente selon la direction générale de la pêche de la Commission 526 000 emplois en Europe dont 67 000 en France, 107 000 en Italie et 132 000 en Espagne. L'ensemble des prises communautaires s'élèverait à 4,5 millions de tonnes pour un montant total de 5,5 milliards d'euros. En France, les 276 milliers de tonnes capturées représentent une valeur de 647 millions d'euros. L'Espagne reste le principal pays pêcheur en valeur (1,6 milliard d'euros) alors qu'en volume, le Danemark est le premier pays pêcheur avec 1,1 millions de tonnes.

La Commission européenne fait le constat que plusieurs espèces communes sont en danger et demande des mesures plus rigoureuses de gestion dans l'Atlantique (cabillaud, lotte, merlu, langoustines, mérous). L'Ifremer estime que la biomasse (le stock en mer) de cabillaud a été divisée par trois en mer du Nord depuis 1980 et celle du merlu par deux. Il s'agit donc d'éviter que la surpêche n'entraîne la fermeture temporaire de la pêche. Au Canada, en raison d'une pêche mal maîtrisée, la pêche au cabillaud est fermée depuis 1992 sans qu'il soit permis aujourd'hui d'envisager sa réouverture à court terme.

En Méditerranée, la principale espèce commerciale menacée est le thon rouge dont le prix est très élevé en Asie. Pour celui-ci, le Fonds mondial pour la nature (WWF) estime que les stocks de reproducteurs ont diminué de 80 %. En dix ans, le poids moyen des prises est passé de 50-60 kg à 25-30 kg. Une partie de la surexploitation est d'ailleurs due au développement des fermes d'engraissage ; inexistantes en 1997, elles exportent aujourd'hui 150 000 tonnes de thon.

L'Union européenne cherche également à accroître et améliorer sensiblement l'effort de recherche car les stocks de poissons restent en général mal connus. En dehors de quelques espèces comme le thon qui sont suivies depuis longtemps, les connaissances scientifiques ne permettent de donner que des estimations larges. Il s'agit enfin de mieux connaître l'impact de la pollution et des effets climatiques sur l'évolution des stocks

B. L'ACTION IMPORTANTE DE LA FRANCE POUR CONTRÔLER LA PÊCHE EN HAUTE MER

La France est directement concernée par la pêche illégale, à la fois en haute mer et dans les zones sous sa juridiction.

S'agissant de la pêche en haute mer ou dans les mers semi-fermées dans lesquelles le régime juridique est celui de la haute mer (Méditerranée), la France agit essentiellement dans le cadre de l'Union européenne, qui dispose d'une compétence exclusive en matière de pêche, y compris en ce qui concerne les relations internationales. Ainsi, elle a proposé et soutenu la mise en place de mesures concernant le contrôle au sein des organisations régionales de pêche. Plus récemment, elle a soutenu la mise en place de mesures de suivi des échanges commerciaux de certaines espèces et la prise de sanctions commerciales contre les Etats impliqués dans la pêche illégale.

Les espèces concernées sont principalement les thonidés (stocks de poissons grands migrateurs), dans l'Atlantique, la Méditerranée et l'océan indien, et les espèces profondes dans l'Atlantique du nord est. En particulier, au sein de la commission des pêches de l'Atlantique du nord est (CPANE) et dans le cadre de l'application par l'Union européenne du programme multilatéral de contrôle des activités en haute mer, la France réalise des inspections de navires de Parties contractantes de la CPANE (Danemark au titre du Groenland et des Iles Feroé, Islande, Norvège, Pologne, Russie, UE).

S'agissant des zones sous sa juridiction, la France est confrontée à une pêche illégale importante dans ses départements et territoires d'outre-mer. Etant donné l'immensité de la zone économique exclusive française, il est extrêmement difficile de la contrecarrer. La pêche illégale y est pratiquée par des navires non autorisés, battant pavillon de complaisance.

La France mène une action reposant sur les contrôles en mer et sur les démarches diplomatiques auprès des Etats impliqués et au sein des organisations régionales de pêche compétentes.

Parmi les espèces concernées dans les stocks chevauchants et les grands migrateurs, il faut citer en particulier les espèces à forte valeur ajoutée comme la légine dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF), qui est un stock chevauchant. En ce qui concerne les TAAF, les principales difficultés sont liées à l'étendue des zones considérées (plus de 1,6 million de km 2 ), à leur éloignement des bases françaises. La ressource de pêche y apparaît plus que jamais fragile et nécessite un contrôle strict de l'effort de pêche, en limitant le nombre de navires exploitant la zone.

Le principal problème est celui de la pêche illégale, pratiquée à grande échelle dans les zones économiques exclusives des TAAF, de l'Australie (Heard, limitrophe de Kerguelen), et d'Afrique du sud. L'ampleur des prélèvements illégaux de légine (estimés à plus de 10 000 tonnes/an en 2000 et 2001) nuit directement aux intérêts français, en diminuant les opportunités de pêche des armements français et en mettant en péril la conservation du stock.

La surveillance et le contrôle sont donc un élément essentiel de l'action de la France dans ces zones. Elle se heurte à l'étendue des zones considérées (plus de 1,6 million de km 2 ) et à leur éloignement des bases françaises. Vingt et un navires, battant notamment pavillon de Bélize, de l'Argentine, du Chili, du Panama, du Portugal, des Seychelles, de Sao Tomé ont été arraisonnés en 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001 par des bâtiments de la Marine nationale et déroutés sur la Réunion. Ces navires sont souvent liés à des intérêts espagnols (capitaines et armements), ce qui alimente le ressentiment des armements à l'égard de l'Espagne, accusée d'être complice des comportements illégaux de ses ressortissants.

Certains de ces navires ont été relâchés après jugement et paiement d'une amende ou d'une caution, d'autres ont été détruits (en l'absence de réclamation du navire par l'armateur). Les cautions demandées pour obtenir la mainlevée des navires saisis sont beaucoup plus élevées que par le passé et les jugements en première instance sont également bien plus dissuasifs que précédemment (jusqu'à 20 millions de francs d'amendes depuis 1998 contre 400 000 francs en 1997).

Néanmoins, dans le cas de l'arraisonnement d'un navire battant pavillon du Panama, le « Camouco », la France a été traînée devant le Tribunal international du droit de la mer, situé à Hambourg. Celui-ci a finalement ramené le montant de la caution de 20 millions de francs (montant initialement fixé par les autorités françaises) à 8 millions de francs, par une décision rendue le 7 février 2000. Depuis le résultat de cette procédure, la France a été traînée à deux reprises devant le Tribunal de Hambourg pour deux arraisonnements dans les TAAF. Le tribunal a rendu un avis dans le même sens que celui du Camouco dans le cas du navire « Monte Confurco », battant pavillon des Seychelles, en diminuant le montant de la caution exigée par la France (décision du 18 décembre 2000) et un avis dans lequel le tribunal s'est déclaré incompétent, pour le cas du navire « Grand Prince », battant pavillon Bélize (décision du 20 avril 2001).

Dans ce contexte, la France entreprend aussi des actions au plan international. Le premier axe est la coopération régionale au sein de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marine de l'Antarctique (CCAMLR en anglais). Notre pays a activement participé à l'élaboration d'un schéma de documentation des captures de légine, en vigueur depuis le 4 mai 2000. Cette mesure encadre les échanges commerciaux de légine en demandant aux pays importateurs de vérifier la présence d'un certificat attestant l'origine légale des captures. Ce certificat est établi par l'Etat du pavillon du navire qui a réalisé les captures, et validé ensuite par les Etats de débarquements et d'importation. L'absence du certificat d'origine doit entraîner un contrôle de la marchandise, contrôle pouvant mener au refus de l'entrée de ce produit sur le territoire importateur.

Les principaux Etats importateurs de légine (Etats-Unis, Japon) sont membres de la CCAMLR et se sont engagés à appliquer cette mesure. Une application rigoureuse de ce schéma doit mener, à terme, au refus de tout achat de légine à partir des débarquements de navires battant pavillon de complaisance et débarquant à l'Ile Maurice, qui ne peuvent se prévaloir de ces certificats. A l'initiative de la France, de l'Australie et de l'Afrique du sud, le dispositif de la CCAMLR a été renforcé lors de sa dernière réunion annuelle, pour lutter contre l'utilisation frauduleuse des certificats CCAMLR.

En effet, certains Etats (Uruguay, Seychelles, Russie) déclarent un montant invraisemblable de captures dans l'Océan Indien (zone FAO 51), alors que la légine n'est pas présente ou très peu dans cette zone, selon tous les avis scientifiques et les conclusions de la CCAMLR. Cet artifice leur permet de valider des certificats de captures frauduleux et de bénéficier ainsi d'un accès au marché, avec un prix maximum, en toute impunité. Sur proposition de la France, les mesures de la CCAMLR demandent à tous les Etats concernés (membres et coopérants) d'autoriser uniquement les débarquements dans le cas de navires équipés de VMS, et de se préparer à avoir recours aux mesures d'interdiction d'importation de légine en provenance de certains pays (cette question devant être débattue en 2002).

Sur ces bases, la France entreprend régulièrement des démarches auprès de Maurice, qui est le principal port de débarquement des navires illégaux. L'Ile Maurice, avec l'Espagne, est ainsi la principale source de ressentiment des armateurs de la Réunion. Cependant, au contraire des autorités espagnoles, qui ne peuvent être tenues responsables des activités de leurs ressortissants, les autorités mauriciennes adoptent une attitude ambiguë et refusent, pour le moment, de s'engager dans une lutte efficace contre la pêche illégale. En effet, l'Ile Maurice n'étant pas membre de la CCAMLR, elle n'est pas soumise aux mesures de lutte contre la pêche illégale édictées par celle-ci, et refuse d'agir en respectant son obligation de coopération internationale. La France a entrepris, jusqu'ici sans succès, de négocier avec l'Ile Maurice un accord de coopération dans le domaine de la lutte contre la pêche illégale. Ces négociations devraient reprendre rapidement.

La France coopère aussi avec les pays disposant de territoires dans l'Antarctique, voisins de Kerguelen et de Crozet et rencontrant le même problème, principalement l'Australie et l'Afrique du sud. Cette coopération repose sur l'échange d'informations entre les marines nationales, notamment sur la situation des bâtiments de contrôle, le trafic des navires marchands de pêche. Les dernières informations permettent de confirmer le grand intérêt de l'Australie pour une coopération en la matière entre nos deux pays, et un traité est en cours de négociation sur ce sujet (un navire australien avait effectué une mission dans les eaux françaises en 1998).

II. L'ÉTAT DU DROIT EN VIGUEUR

A. LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE MONTEGO BAY

1. Les droits et devoirs des Etats côtiers sur leurs zones économiques exclusives

L'article 61 de la convention de Montego Bay confie la gestion des ressources halieutiques dans la zone économique exclusive à l'Etat côtier. Il a le pouvoir de fixer le volume admissible des captures.

L'Etat côtier voit toutefois ses pouvoirs encadrés. Il doit veiller à ce que l'exploitation des stocks ne soit pas compromise par une surexploitation et ne provoque pas l'épuisement des ressources. Il se doit donc de coopérer avec les organisations régionales compétentes. Cette gestion, tout en prenant en compte les espèces associées, n'a pas un but exclusivement écologique. Elle vise à assurer « le rendement constant maximum ».

Il est de sa responsabilité d'autoriser des pays étrangers à pratiquer la pêche dans ses zones économiques exclusives en accordant des licences et en réglementant strictement la pêche. La convention tente d'ailleurs de protéger simultanément les intérêts des pays en développement et ceux des pays développés pêchant habituellement dans ces zones en mentionnant « la nécessité de réduire au minimum les perturbations économiques dans les Etats dont les ressortissants pratiquent habituellement la pêche dans la zone ou qui ont beaucoup contribué à la recherche et à l'inventaire des stocks ».

2. Les règles s'appliquant à la haute mer et aux espèces chevauchantes ou migratrices

La convention de Montego Bay définit ce qu'elle entend par espèces chevauchantes et espèces migratrices et pose le principe de la coopération internationale dans leur gestion.

L'article 63 de la convention définit les poissons chevauchants comme « les stocks de poissons se trouvant dans les zones économiques exclusives de plusieurs Etats côtiers ou à la fois dans la zone économique exclusive et dans un secteur adjacent à la zone ».

Les poissons grands migrateurs sont quant à eux définis par une liste annexée à la convention :

ANNEXE 1 -
Espèces de grands migrateurs définies à l'Annexe I
de la Convention sur le droit de la mer de 1982

1. Germon

Thunnus alalunga

2. Thon rouge du nord

Thunnus thynnus

3. Thon obèse

Thunnus obesus

4. Listao

Katsuwonus pelamis

5. Albacore

Thunnus albacares

6. Thon à nageoires noires

Thunnus atlanticus

7. Thonine commune et

Euthynnus alletteratus ,

thonine orientale

E. affinis

8. Thon rouge du sud

Thunnus maccoyii

9. Auxide et bonitou

Auxis thazard, A. rochei

10. Castagnoles

Bramidés

11. Marlins et makaires

Tetrapturus angustirostris, T. belone, T. pfluegeri ,

T. albidus, T. audax, T. georgei, Makaira mazara ,

M. indica, M. nigricans

12. Voiliers

Istiophorus platypterus, I. albicans

13. Espadons

Xiphias gladius

14. Balaous

Scomberesox saurus, Cololabis saira, C. adocetus ,

Scomberesox saurus scombroides

15. Coryphènes

Coryphaena hippurus, C. equiselis

16. Requins océaniques

Hexanchus griseus, Cetorhinus maximus , Alopiidés,

Rhincodon typus , Carcharhinidés, Sphyrnidés, Isuridés

17. Cétacés

Physeteridés, Balaenopteridés, Balaenidés,

Eschrichtiidés, Monodontidés, Ziphiidés, Delphinidés.

Les espèces de poissons anadromes (se reproduisant dans les fleuves et rivières et vivant en mer) et catadromes (vivant en eau douce et se reproduisant en mer) sont considérés séparément (art. 66 et 67). La convention donne pour mission à l'Etat d'origine de préserver les stocks, incite les Etats concernés à coopérer et tente dans limiter la pêche dans les zones économiques exclusives.

En outre, la convention réaffirme le droit de tous les Etats de pratiquer la pêche en haute mer (art. 116) tout en rappelant leur obligation de faire respecter les mesures de conservation des ressources biologiques (art. 117). Elle incite les Etats à coopérer, à créer des organisations ad hoc et fixe les principes de base et les buts de cette coopération (art. 118 et 119). C'est, notamment pour appliquer ces dispositions qu'a été conclu l'accord relatif aux stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs.

B. LES TENTATIVES DE COOPÉRATION : LE CODE DE CONDUITE POUR UNE PÊCHE RESPONSABLE

La FAO a adopté le 31 octobre 1995 un « code de conduite pour une pêche responsable » qui sert de fil conducteur à l'ensemble des actions entreprises en faveur d'un développement des pêcheries respectueux de l'environnement. Le code définit des principes et des normes internationales de comportement pour garantir des pratiques responsables en vue d'assurer effectivement la conservation, la gestion et le développement des ressources bio-aquatiques, dans le respect des écosystèmes et de la biodiversité. Le code reconnaît l'importance nutritionnelle, économique, sociale, environnementale et culturelle de la pêche et les intérêts de tous ceux qui sont concernés par ce secteur. Il prend en considération les caractéristiques biologiques des ressources et de leur environnement, ainsi que les intérêts des consommateurs et autres utilisateurs. Les Etats et tous les acteurs du secteur de la pêche sont encouragés à appliquer ce code de manière effective.

L'accord de novembre 1993 visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion a été intégrée au Code. Il a jusqu'ici été adopté par 20 pays.

Vingt-cinq adhésions sont nécessaires pour que l'accord entre en vigueur. L'article 6 exige des parties qu'elles échangent des informations sur les navires qu'elles autorisent à pêcher en haute mer, et fait obligation à la FAO de faciliter cet échange d'information. En octobre 1995, une circulaire aux États a été adressée à tous les Etats qui avaient adhéré à l'Accord, les informant que la FAO avait élaboré un prototype de base de données et invitant ces états à fournir des données sur les navires autorisés pour faciliter sa mise à l'épreuve. La FAO donne aux pays ayant fourni des données accès à la base de données, de sorte que les utilisateurs potentiels puissent apporter des informations en retour. Jusqu'ici deux états ont fourni des données sur les navires autorisés.

Dans ce cadre ont été élaborés quatre plans d'actions internationaux relatifs à la limitation des prises occasionnelles de poissons volants, à la protection des requins, au contrôle des capacités et à l'élimination des activités illégales de pêche.

La FAO a par ailleurs publié des directives techniques pour assurer l'application de ce code de conduite. Celle-ci donne lieu à des bilans réguliers.

Un programme d'aide aux pays en développement a été mis en place. Le gouvernement de la Norvège a accepté de financer deux des composantes du programme relatives à l'amélioration des capacités scientifiques pour un coût total de 2 149 000 dollars sur trois ans.

III. UN TEXTE NOVATEUR EN MATIÈRE DE PRÉSERVATION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

A. PROMOUVOIR UNE PÊCHE RESPONSABLE RESPECTANT LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION

. Champ d'application et définitions

Le champ d'application du présent accord est défini à l'article 3 par deux critères : l'objet de la convention, les poissons chevauchants et grands migrateurs, et une zone géographique, les zones ne relevant pas d'une juridiction nationale, donc les eaux internationales.

Cependant, compte tenu de la nature de l'objet de l'accord, celui-ci s'applique également dans une certaines mesures et pour certaines espèces aux zones sous juridiction nationale, où les Etats côtiers s'engagent à en respecter les principes et à prendre des mesures cohérentes avec celles retenues pour la gestion des stocks halieutiques au niveau international.

1. L'engagement de pratiquer une « pêche responsable »

En adhérant à cette accord, les Etats s'engagent à pratiquer une « pêche responsable » permettant d'éviter de causer des dommages au milieu marin, de préserver la diversité biologique et de maintenir l'intégrité des écosystèmes.

Dans le cadre des mesures de gestion prises pour la conservation des poissons chevauchants et grands migrateurs, les Etats devront prendre des mesures pour assurer la conservation des espèces qui appartiennent aux mêmes écosystèmes ou qui leurs sont associés.

Ils s'engagent également à prendre toutes les mesures utiles pour réduire au minimum la pollution, les déchets, les rejets, les captures d'espèces non visées par la pêche et celle des espèces protégées. Dans ce but, ils devront prôner l'utilisation d'engins et de techniques de pêche sélectifs, sans danger pour l'environnement et d'un bon rapport coût-efficacité.

2. L'application du principe de précaution

Les Etats acceptent d'appliquer une approche de précaution (article 5c et 6). Ils s'engagent à prendre « d'autant de précautions que les données sont incertaines, peu fiables ou inadéquates. Le manque de données scientifiques adéquates ne saurait être invoqué pour ne pas prendre de mesures de conservation et de gestion ou pour en différer l'adoption ».

L'accord précise que ce principe implique un effort important de recherche scientifique pour pouvoir gérer au mieux les stocks de poissons pêchés, les espèces touchées par la pêche et l'ensemble des écosystèmes. Les données scientifiques doivent notamment permettre de fixer des points d'alertes permettant de prendre des mesures d'urgence ou des mesures préventives. Il ne s'agit cependant pas de se fonder sur une certitude absolue, des décisions peuvent être prises du moment qu'elles se fondent sur les « données scientifiques les plus fiables ». A cette fin, les Etats s'engagent à exercer leur souveraineté sur les navires de pêche battant leur pavillon pour qu'ils leur communiquent les informations nécessaires à l'établissement et à l'exécution des mesures de gestion (art.14).

L'application du principe de précaution s'applique tout particulièrement aux nouvelles pêcheries et aux pêcheries exploratoires afin de limiter les prises tant que les ressources sont mal connues.

Enfin, les mesures de gestion prises dans ce cadre n'ont pas pour but de préserver les espèces à des fins écologiques mais bien pour « maintenir ou rétablir les stocks à des niveaux qui assurent le rendement constant maximum ». Les Etats s'engagent donc à faire cesser la surexploitation et les surcapacités dans leur propre intérêt et mettent en commun leurs efforts de recherche pour rassembler les données nécessaires à la gestion des stocks et pour mettre au point des techniques nouvelles appropriées.

B. L'OBLIGATION DE COOPÉRER ET SES COROLLAIRES

1. Le principe : la coopération entre Etats côtiers et Etats pêcheurs

L'un des premiers objectifs de l'accord de New York du 4 décembre 1995 est de conforter les principes visant à assurer la conservation à long terme et l'exploitation durable des poissons chevauchants et des poissons grands migrateurs, en assurant une meilleure coopération entre les Etats et tout particulièrement les Etats côtiers, les Etats du port et les Etats du pavillon pour qu'ils fassent respecter plus efficacement les mesures de conservation et de gestion (article 2 et 5).

A cet égard, l'article 7 de l'accord précise que les Etats côtiers et les Etats pêcheurs doivent s'entendre pour appliquer en haute mer, dans les zones adjacentes aux zones sous juridiction nationale, les mesures nécessaires à la conservation des stocks. Les mesures adoptées doivent être compatibles entre elles. Notamment, les mesures appliquées en haute mer ne doivent pas nuire aux mesures de conservation prises dans les zones sous-juridiction nationale. Les pratiques de pêche doivent aussi « tenir compte » des décisions de gestion prises par des organismes régionaux de gestion des pêcheries.

Dans l'élaboration des mesures de gestion, les différents Etats doivent aussi tenir compte d'éléments biologiques : unité biologique du stock, répartition, localisation géographique, importance des stocks, degré d'exploitation dans les zones sous juridiction nationale et effet sur les ressources biologiques marines au-delà des stocks de poisson visés.

Ces mesures doivent enfin tenir compte de leur impact socioéconomique sur l'Etat côtier et notamment sa dépendance vis à vis du stock exploité (article 7.2.e).

2. L'aide apportée aux Etats en développement

Par le présent accord, les Etats parties reconnaissent pleinement les besoins spécifiques des pays en développement en la matière, qu'ils s'agissent de la conservation ou de la valorisation des stocks de poissons chevauchants ou grands migrateurs. A ce titre sont expressément mentionnés : la vulnérabilité de ces pays pour répondre aux besoins alimentaires de leurs populations, la protection de la pêche de subsistance et des petites pêches commerciales et une juste répartition de l'effort de conservation (art. 25).

Les Etats s'engagent à leur apporter une aide soit directement soit à travers les grandes organisations internationales, notamment celles des Nations Unies relatives au développement, à l'alimentation ou à l'environnement. Il s'agit de leur permettre, d'une part, d'exploiter leurs propres ressources halieutiques et, d'autre part, de contrôler l'exploitation des ressources dans leurs zones économiques exclusives (ZEE) et l'activité des navires de pêche battant leurs pavillons. L'accord reconnaît ainsi implicitement le lien entre le sous-développement et la dégradation de l'environnement.

L'aide apportée pourra prendre la forme financière, scientifique ou technique, pour concourir efficacement à la conservation, à la gestion et à l'exploitation durable des stocks de poissons. L'accord fixe comme priorité l'amélioration des connaissances scientifiques et des capacités locales d'observation et de contrôle, car ils sont les principaux facteurs d'une meilleure conservation (art. 25.3).

Enfin, dans son article 26, l'accord prévoit la constitution de « fonds de contributions spéciales » afin d'aider les Etats à appliquer l'accord, à faire face aux coûts des procédures de règlement des différends et à créer de nouvelles organisations régionales de gestion ou à renforcer celles qui existent déjà.

3. Les mécanismes de coopération internationale : les organisations régionales

Les Etats s'engageant à coopérer, l'accord en précise les mécanismes. Il favorise la création (art. 8.5) ou le renforcement (art.13) des organisations régionales des pêches.

L'article 8 de l'accord mentionne explicitement la possibilité de créer de telles organisations. Les Etats s'engagent à entamer « des consultations de bonne foi et sans retard » pour améliorer les conditions de conservation. Cet article précise également que les Etats « s'acquittent de leur obligation de coopérer en devenant membre » des organisations régionales des zones géographiques où ils pêchent ou dont ils sont riverains, ou en appliquant les mesures qu'elles édictent. Surtout, l'accord fixe le principe que « seuls les Etats qui sont membres [...] ou participants [...] ou qui acceptent d'appliquer les mesures de conservation et de gestion instituées pour l'organisation [...], ont accès aux ressources halieutiques auxquelles s'appliquent ces mesures ».

L'accord précise en outre les principes de la création, les fonctions et les règles de fonctionnement de ces organisations (art.9 à 16). Dans le cadre de ces organisations, les Etats prennent, notamment, des mesures de gestion et s'y conforment en vue d'assurer la durabilité à long terme des stocks. Ils conviennent des règles de financement, fondent leurs décisions sur des données scientifiques et cherchent à protéger les espèces non visées, associées ou dépendantes, mettent en place des mécanismes de contrôle, de surveillance et de police. L'accord fixe les principes d'adhésion de nouveaux membres dans ces organisations afin de favoriser la participation du plus grand nombre d'Etats possible à la gestion des stocks (art.11).

Ces organisations devront aussi respecter le principe de « transparence » en permettant la participation aux réunions et l'accès à la documentation officielle de l'organisation des organisations intergouvernementales et non gouvernementales concernées. L'accord précise même que les « procédures ne doivent pas être trop restrictives à cet égard ».

4. La question des Etats non-membres ou non-participants à une organisation de gestion

Dans son article 17, le présent accord fixe le principe qu'un Etat, non-membre d'une organisation de gestion, qui n'appliquerait pas les mesures de gestion décidées par celle-ci, et cependant membre du présent accord, n'est pas libéré de son obligation de coopérer à la conservation et la gestion des stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs.

Il ne doit pas autoriser les navires battants son pavillon à pêcher les poissons concernés par les mesures prises par cette organisation.

Les Etats membres des organisations de gestion sont, quant à eux, autorisés à coopérer et à prendre des mesures conformes au droit international en vue de dissuader des navires de se livrer à des activités qui compromettent l'efficacité des mesures de conservation. Il en est de même vis-à-vis des navires des Etats non-parties au présent accord (art. 33).

C. LE PROBLÈME DU CONTRÔLE DE L'APPLICATION DE L'ACCORD

L'accord fonde le dispositif d'application sur les obligations de l'Etat du pavillon et sur un mécanisme de coopération internationale et régionale.

1. Les obligations de l'Etat du pavillon (art.18 et 19)

L'accord rappelle les principes du droit international et l'obligation pour les Etats de veiller à ce que les navires battant leur pavillon et pêchant en haute mer respectent les mesures de conservation. Les Etats étant responsables des navires battant leurs pavillons, ils ne doivent permettre la mise en exploitation de navires de pêche de haute mer que s'ils sont en mesure de faire respecter la réglementation internationale.

Notamment, l'accord prévoit que les Etats doivent prendre des mesures de contrôle et des réglementations appropriées. Il entend ainsi la capacité de mener des contrôles en haute mer à partir de licences, d'autorisations ou de permis de pêche. Ces licences doivent reprendre l'ensemble des obligations internationales souscrites et permettre d'interdire la pêche aux navires qui en seraient dépourvus ou qui n'en respecteraient pas les conditions. Les Etats doivent aussi être à même de vérifier que ces navires ne pratiquent pas illégalement la pêche dans des zones sous la juridiction d'un autre Etat.

L'Etat du pavillon doit prendre des mesures d'identification. Il doit tenir un registre des navires autorisés à pêcher en haute mer et en permettre l'accès aux Etats intéressés en faisant la demande. Il doit également assurer le marquage des navires et des engins de pêche.

Il doit connaître, vérifier et communiquer l'activité de pêche de ses navires (positions, prises d'espèces visées et non visées) grâce à des programmes d'observation et d'inspection des déchargements, des transbordements en haute mer et de suivi du marché.

L'Etat du pavillon doit être à même de faire respecter les mesures de gestion et les mesures de contrôle quel que soit le lieu de l'infraction. Il s'engage à mener immédiatement une enquête approfondie lorsqu'une infraction est alléguée par un Etat ou une organisation régionale. Il est responsable des poursuites qui peuvent être engagées et conduire à l'immobilisation du navire.

L'accord précise enfin que les sanctions encourues doivent être suffisamment rigoureuses pour décourager les infractions et priver les auteurs des profits découlant de leurs activités illégales. A l'encontre des capitaines et des officiers, les Etats peuvent aller jusqu'à suspendre, retirer ou refuser les autorisations professionnelles d'exercice.

2. La coopération internationale et régionale en matière de police des pêches (art.20 et 21)

Les Etats s'engagent à coopérer directement ou à travers des organisations régionales pour assurer l'application des mesures de gestion des stocks.

. La coopération internationale

L'Etat du pavillon qui mène une enquête sur une infraction a la possibilité de solliciter l'assistance de tout autre Etat dont la coopération pourrait être utile. Ces enquêtes peuvent être menées directement par l'Etat du pavillon, en coopération avec un autre Etat ou par l'intermédiaire d'un organisme régional.

Les Etats échangent des informations sur les navires susceptibles de compromettre les mesures de conservation et les identifier.

En outre, lorsqu'en haute mer il y a de sérieuses raisons de penser qu'un navire s'est livré à la pêche sans autorisation dans une zone relevant de la juridiction de l'Etat côtier, l'Etat du pavillon s'engage à procéder immédiatement à une enquête à la demande de l'Etat côtier, à coopérer avec lui pour prendre les mesures de coercition appropriées et peut autoriser les autorités de cet Etat à arraisonner et inspecter le navire en haute mer.

. La coopération régionale (art. 21)

L'accord permet une importante avancée au niveau régional en autorisant « dans tout secteur de la haute mer couvert par une organisation régionale [...], tout Etat Partie qui est membre de cette organisation [ à ], par l'intermédiaire de ses inspecteurs dûment habilités, arraisonner et inspecter [...], les navires de pêche battant le pavillon d'un autre Etat Partie au présent accord, que cet Etat soit ou non membre lui aussi de l'organisation [régionale] ». Les Etats sont donc invités à convenir de procédures adéquates dans les deux années qui suivent l'entrée en vigueur de l'accord.

L'inspection et l'arraisonnement doivent permettre de rassembler les éléments de preuves démontrant une activité de pêche contraire aux mesures de conservation. L'Etat du pavillon doit être informé sans délai. Celui-ci doit dans un délai de trois jours ouvrables donner suite à la notification en procédant à une enquête et en prenant, le cas échéant, des mesures de coercition. Il peut également autoriser l'Etat ayant procédé à l'inspection à mener une enquête. Dans ce cas, au vu des preuves rassemblées, il s'engage à prendre les mesures de coercition nécessaires ou à autoriser l'Etat côtier à les prendre.

Si l'Etat du pavillon ne répond pas à la notification et s'il existe « de sérieuses raisons de penser qu'un navire a commis une infraction grave », les inspecteurs peuvent rester à bord du navire, rassembler les preuves, exiger la collaboration du capitaine et conduire le navire au port. Les cas d'infraction grave sont énumérés par la convention, il s'agit notamment de : pêcher sans autorisation, ne pas consigner avec exactitude ses captures, pêcher dans une zone ou durant une période interdite, pêcher une espèce interdite d'exploitation, utiliser des engins prohibés, falsifier l'immatriculation d'un navire, faire obstacle à l'enquête et commettre des infractions traduisant une méconnaissance grave des mesures de conservation.

Dans ce travail d'inspection, l'Etat qui procède à l'inspection doit veiller à ce que l'arraisonnement et l'inspection n'apparaissent pas comme un « harcèlement », qu'ils ne menacent pas la sécurité du navire et de l'équipage, qu'ils entravent le moins possible l'activité de pêche et ne compromettent pas la qualité des captures. L'Etat menant l'inspection engage sa responsabilité pour les pertes ou dommages subis s'il prend une mesure illicite ou allant au-delà « de ce qui est raisonnablement nécessaire ». L'accord fixe dans son article 22 une procédure de base applicable en cas d'arraisonnement et d'inspection.

Tout Etat peut enfin arraisonner et inspecter un navire dont il a de sérieuses raisons de penser qu'il est apatride et prendre toutes les mesures appropriées.

3. Le rôle de l'Etat du port

L'Etat du port a également un rôle à jouer dans l'application des mesures de conservation. Il a « le droit et le devoir » de les faire respecter. Il peut effectuer tous les contrôles nécessaires et interdire les débarquements ou transbordements.

D. LE RÈGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFÉRENDS ET LES DISPOSITIONS FINALES

1. Le règlement pacifique des différends

L'accord rappelle l'obligation des Etats de régler leurs différends par des moyens pacifiques (art. 27), il encourage les Etats à prévenir ces différends par l'adoption de « procédures de prise de décisions efficaces et rapides au sein des organisations de gestion des pêcheries » (art. 28).

L'accord prévoit en outre certaines procédures spécifiques. Pour résoudre un différend d'ordre technique, il recommande la création d'un groupe d'experts ad hoc (art. 29) ne recourrant pas à des procédures obligatoires. Dans tous les autres cas, l'accord renvoie aux procédures prévues dans la partie XV de la convention de Montego Bay, notamment la conciliation et l'arbitrage. Les parties peuvent également saisir le tribunal international du droit de la mer ou la Cour internationale de justice.

La procédure de règlement des différends vient « sanctionner », en cas d'échec « dans un délai raisonnable » l'obligation des Etats de coopérer et de chercher à établir des normes communes de gestion. Ils peuvent également y avoir recours, si dans l'attente d'un accord définitif, les Etats ne peuvent s'entendre sur un accord intérimaire. Cette procédure introduit les prémisses d'une obligation de résultat dans la coopération internationale pour la préservation des ressources marines.

L'accord prévoit en outre la convocation d'une conférence de révision quatre années après son entrée en vigueur pour évaluer les résultats obtenus et améliorer, si nécessaire, le dispositif juridique et les méthodes d'application (art.36).

2. Les dispositions finales

L'accord prévoit outre les dispositions finales habituelles relatives à la signature, la ratification, l'adhésion, l'entrée en vigueur, la relation avec les autres accords, les amendements, la dénonciation, la valeur obligatoire des annexes, l'organisme dépositaire et les textes faisant foi, la possibilité de l'appliquer de manière provisoire soit individuellement soit dans le cadre d'un accord de gestion (art.41).

Il exclut les réserves et les exceptions (art. 42) mais admet les déclarations interprétatives (art. 43).

Enfin, il autorise et organise la participation d'organisations internationales, telles que l'Union européenne, qu'elles soient ou non compétentes pour l'ensemble des matières de l'accord (art. 47).

CONCLUSION

Cet accord sur la gestion et la conservation des poissons chevauchants et grands migrateur est cohérent avec les différents traités ou conventions internationales visant à créer des accords régionaux de gestion des pêches dans l'Atlantique, dans l'Océan indien ou en Méditerranée, signés et ratifiés par la France par le passé.

En tant qu'Etat pêcheur et Etat côtier contrôlant de très vastes zones économiques exclusives dans le Pacifique, l'Antarctique et l'Océan Indien, la France a tout intérêt à promouvoir une gestion concertée, s'inscrivant dans le long terme des ressources halieutiques. Or, ce texte en offre pour la première fois l'opportunité à un niveau global, tout en donnant de réels moyens juridiques de le faire appliquer.

C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, votre rapporteur vous propose l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du 19 juin 2002.

A la suite de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé avec les commissaires.

MM. Christian de La Malène et Robert Del Picchia ont souhaité obtenir des précisions sur les pouvoirs de contrôle des Etats côtiers en matière de pêche sur des navires ne battant pas leur pavillon en dehors des eaux territoriales.

M. André Boyer, rapporteur, a précisé que ces contrôles devaient être effectués par un navire officiel de l'Etat côtier et que ce dernier pouvait intervenir à l'intérieur de sa zone économique exclusive et au-delà, dans le cadre d'une organisation régionale.

M. Louis Moinard, après avoir indiqué que l'Islande refusait de devenir membre de l'Union européenne pour ne pas être soumise à la politique commune de la pêche, s'est inquiété de l'attitude non coopérative de certains Etats.

M. André Boyer a alors expliqué que l'accord avait pour but d'éviter le pillage des ressources halieutiques, certaines techniques conduisant à pêcher sans discrimination les différentes espèces et sans respecter les dimensions minimales de capture. Il a en outre indiqué que si le plan présenté récemment par le commissaire européen chargé de l'agriculture et de la pêche était particulièrement restrictif, on ne pouvait nier le phénomène de raréfaction de plusieurs espèces pêchées.

M. Michel Caldaguès a fait part de sa préoccupation, au vu de ce plan européen visant à réduire la flotte de pêche et conduisant à la destruction de navires, et s'est inquiété de la réaction des marins-pêcheurs s'ils n'étaient pas consultés.

M. André Boyer, rapporteur, a souligné que le présent accord, comme le projet de la Commission européenne, visait à conserver les stocks de poissons pour assurer la pérennité de la pêche et donc de l'emploi dans ce secteur. Il faut en effet à tout prix éviter que, comme pour la pêche à la morue au Canada, la pêche de certaines espèces soit complètement interdite. Il est en outre difficile, d'une part, de chercher à réduire les prises et, d'autre part, de maintenir les aides européennes à la construction de nouveaux navires. Enfin, la raréfaction des ressources encourage l'industrialisation de la pêche et provoque la disparition de la pêche côtière traditionnelle.

M. Xavier de Villepin, président, après avoir rappelé que les conflits relatifs à la pêche pouvaient être très vifs et conduire à de vives tensions internationales comme entre l'Espagne et le Maroc, a souhaité que l'examen de cet accord en séance publique soit l'occasion d'un débat approfondi sur la nécessité et les conséquences de la conservation et de la gestion des ressources halieutiques sur le secteur de la pêche en France.

La commission a alors approuvé le présent projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord aux fins de l'application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (ensemble deux annexes), signé à New York le 4 décembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

ANNEXE I -
ETUDE D'IMPACT3 ( * )

sur le projet de loi n° 258 (2001-2002)

Etat du droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

La convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 traite de la question de la pêche dans plusieurs articles. Les stocks de poissons qui se situent à la fois dans des zones économiques exclusives et dans les zones de haute-mer contiguës, c'est-à-dire les stocks chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs posent cependant des problèmes particuliers que les articles 63 et 64 de la convention ne permettaient pas de régler.

Or, ces stocks sont exploités de manière de plus en plus intensive tant par les Etats côtiers dont beaucoup développent une flotte de pêche que par les Etats traditionnellement pêcheurs. Ainsi, pour la France, la seule pêche de thonidés tropicaux représente le quart de l'activité de la flotte française de pêche. En outre, compte tenu des zones géographiques où évoluent ces stocks, la France est de plus en plus concernée par leur gestion puisque beaucoup se trouvent dans les zones économiques exclusives des territoires français d'outre-mer ou les traversent.

L'accord de 1995 ouvre la voie à une gestion économiquement cohérente de la ressource afin d'en assurer la pérennité.

Bénéfices escomptés en matière

. d'emploi

L'accord vise à permettre une exploitation durable de ressources. Ainsi, le renforcement du rôle des organisations régionales de pêche, de la lutte contre la pêche illégale, de la coopération en matière de contrôle effectué en haute-mer ou par l'Etat du port doit permettre d'améliorer le suivi et la gestion des pêches en haute-mer, ce qui bénéficiera aux Etats qui, comme la France, ont une flotte de pêche hauturière.

Le maintien de la ressource, et peut-être à terme le développement de celle-ci, devraient permettre à tout le moins le maintien du niveau de l'emploi dans le secteur de la pêche aux poissons migrateurs et peut-être son accroissement.

Cette perspective mérite toutefois d'être nuancée par le fait que l'accord a également pour objet de favoriser l'accès des Etats côtiers en voie de développement aux pêcheries.

. d'intérêt général

L'objectif de l'accord est un objectif d'intérêt général : assurer la conservation à long terme et l'exploitation durable des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs.

L'accord organise l'avenir de ces pêcheries et cherche à protéger l'environnement, en particulier les écosystèmes associés à ces pêcheries. Il invite à lutter contre la pêche illicite et détermine clairement la responsabilité des différentes catégories d'Etats qui interviennent dans les opérations de pêche : Etat côtier, Etat du pavillon et Etat du port.

. d'implications financières

Le renforcement du rôle des organisations régionales de pêche implique, à court et moyen terme, une augmentation des contributions financières à ces organisations. La totalité des activités de pêche sous pavillon français en haute-mer est actuellement réalisée par des navires immatriculés sur le territoire français communautaire, et relève à ce titre de la politique commune des pêches (PCP). La Commission européenne, au titre de sa compétence exclusive, représente la Communauté dans de nombreuses organisations régionales de pêche et y défend les intérêts français. Elle verse les contributions financières correspondant à sa participation.

La France verse aussi des contributions dans la plupart des organisations régionales de pêche au titre de sa participation dans ces institutions pour ses territoires d'outre-mer.

Il convient toutefois de noter que ces dépenses existent déjà, avant même la ratification de l'accord par la France, puisque la simple existence de celui-ci a donné une impulsion à la création de ces institutions et à la réorganisation de certaines préexistantes. La ratification n'entraînera pas d'elle-même un accroissement des contributions financières de la France.

. de simplification de formalités administratives

L'accord devrait renforcer le suivi par les Etats de pavillon des activités de leurs navires. Pour la France, ceci implique peu de modifications des formalités déjà existantes pour les navires de la flotte de pêche hauturière. A cet égard, la mise en oeuvre des dispositifs de suivi satellitaire est de nature à alléger et simplifier les contrôles.

. de complexité de l'ordonnancement juridique

L'accord devrait favoriser la constitution de cadres juridiques cohérents et similaires dans les trois océans, notamment pour ce qui concerne la structure et le fonctionnement des organisations régionales de pêche. En effet, l'accord ne crée pas de lui-même de nouveaux organes mais il précise et détaille, sur un certain nombre de points, les principes contenus dans la convention sur le droit de la mer et fait des organisations régionales de pêche la clé de voûte de la coopération entre Etats. Il favorise ainsi une organisation et une coopération complètes dans le domaine des pêches en fournissant un cadre général de référence.

ANNEXE II -
DÉCLARATIONS INTERPRÉTATIVES

1. En ratifiant l'accord aux fins de l'application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs, le Gouvernement de la République française déclare qu'il considère que l'accord constitue un effort important en vue d'assurer la conservation à long terme et l'exploitation durable des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs et de promouvoir la coopération internationale à cette fin.

2. Le Gouvernement de la République française considère que les termes « particularités géographiques », « caractéristiques particulières de la région ou sous-région », « facteurs socio-économiques, géographiques et environnementaux », « caractéristiques naturelles de ladite mer » ou tous autres termes semblables employés faisant référence à une région géographique ne préjugent pas des droits et des obligations des Etats en vertu du droit international.

3. Le Gouvernement de la République française considère qu'aucune disposition du présent accord ne peut être interprétée de telle manière qu'elle aille à l'encontre du principe de la liberté de la haute mer reconnu par le droit international.

4. Le Gouvernement de la République française considère que l'expression « Etats dont les ressortissants pêchent dans une zone de la haute mer » ne crée pas de nouveaux motifs de compétence fondés sur la nationalité des personnes qui se livrent à des activités de pêche en haute mer plutôt que sur le principe de la juridiction de l'Etat du pavillon.

5. L'accord ne confère à aucun Etat le droit de maintenir ou d'appliquer des mesures unilatérales pendant la période de transition visée à l'article 21 paragraphe 3. A l'issue de cette période, si aucun accord n'a été obtenu, les Etats agiront uniquement conformément aux dispositions prévues aux article 21 et 22 de l'accord.

6. Pour ce qui concerne l'application de l'article 21 de l'accord, le Gouvernement de la République française comprend que, lorsque l'Etat du pavillon déclare qu'il a l'intention d'exercer son autorité, conformément à l'article 19, sur un navire de pêche battant son pavillon dans le cadre d'une infraction réputée commise en haute mer, les autorités de l'Etat d'inspection ne doivent pas prétendre, en vertu des dispositions de l'article 21, à l'exercice d'une quelconque autre autorité sur ce navire. Tout différend sur ce sujet doit se régler conformément aux procédures établies dans la partie VIII de l'accord (règlement pacifique des différends). Aucun Etat ne peut invoquer ce type de différend pour garder le contrôle d'un navire qui ne bat pas son pavillon pour une infraction réputée commise en haute mer. En outre, le Gouvernement de la République française considère que le terme « illicite » à l'article 21, paragraphe 18, de l'accord est à interpréter à la lumière de l'ensemble de l'accord, et en particulier des articles 4 et 35.

7. Le Gouvernement de la République française réaffirme que tous les Etats doivent s'abstenir, dans leurs relations, de recourir à la menace ou à l'usage de la force, conformément aux principes généraux du droit international, de la Charte des Nations unies et de la convention des Nations unies sur le droit de la mer.

8. Par ailleurs, le Gouvernement de la République française souligne que l'usage de la force visé à l'article 22 constitue une mesure exceptionnelle qui doit être fondée sur le respect le plus strict du principe de proportionnalité et que tout abus engagera la responsabilité internationale de l'Etat d'inspection. Tout cas de non observation doit se régler par des moyens pacifiques, conformément aux procédures applicables en matière de règlement des différends. Il considère, en outre, que l'élaboration des conditions appropriées d'arraisonnement et d'inspection doit se poursuivre conformément aux principes applicables du droit international dans le cadre de organismes et accords appropriés de gestion des pêcheries régionaux et sous-régionaux.

9. Le Gouvernement de la République française considère que, pour l'application des dispositions de l'article 21, paragraphe 6, 7 et 8, l'Etat du pavillon peut se prévaloir de ses dispositions légales en vertu desquelles le ministère public a le pouvoir de décider s'il y a lieu ou non de procéder à des poursuites, à la lumière de tous les éléments du dossier. Les décisions de l'Etat du pavillon fondées sur de telles dispositions ne doivent pas être interprétées comme une absence de réponse ou une absence d'action.

10. Le Gouvernement de la République française déclare que les dispositions des articles 21 et 22 ne s'appliquent qu'au seul secteur de la pêche maritime.

11. Le Gouvernement de la République française estime que les dispositions des articles 21 et 22 ne sauraient être considérées comme susceptibles d'être étendues aux navires effectuant des transports maritimes dans le cadre d'un autre instrument international, ni d'être transposées dans tout instrument ne traitant pas directement de la conservation et de la gestion des ressources halieutiques concernées par l'accord.

* 1 Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 2 (2001-2002)

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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