II. LES DÉPENSES

A. LE BUDGET GÉNÉRAL

1. Un respect de la norme de progression des dépenses sujet à caution

Hors recettes d'ordre venant en déduction des charges brutes de la dette et hors dégrèvements et remboursements d'impôts, les dépenses du budget général s'établissent en 2001 à 1.745,1 milliards de francs (266 milliards d'euros), en hausse de 1,9 % par rapport à l'exercice 2000 à structure constante . En volume, cette augmentation s'élève à 0,3 % du PIB. La norme de progression de dépenses en volume définie par la loi de finances initiale (0,3 %) apparaît donc, en apparence, respectée, mais ce en raison d'un taux d'inflation supérieur de 0,4 point à celui prévu en loi de finances initiale (1,2 %).

Votre rapporteur notait, de plus, dans son rapport sur le projet de loi de finances initiale pour 2001 que « le choix d'une norme de progression des dépenses relativement modérée, dissimule l'inflexion à la hausse de la politique budgétaire du gouvernement » et jugeait qu'elle manquait de sincérité.

En effet, la norme de progression se définit « à structure constante ». Tout dépend évidemment de la manière dont est définie cette « structure constante ». Sa définition en a été donnée par une charte de budgétisation insérée dans le projet de loi de finances initiale pour 2001. Elle distingue notamment les rebudgétisations de fonds de concours : « ceux-ci n'étant pas évalués en loi de finances initiale, mais participant à la masse globale des dépenses réalisées, leur réintégration au budget général constitue un changement de structure de la loi de finances, mais pas de l'exécution budgétaire ».

Les retraitements opérés pour 2001 font diminuer les dépenses de 18,7 milliards de francs (2,9 milliards d'euros). Ceci correspond à 20 milliards de francs de modification du périmètre budgétaire duquel sont déduits 1,3 milliard de francs de rebudgétisations de fonds de concours.

Par ailleurs, les « dépenses exceptionnelles à caractère ponctuel et non reconductible » ont été exclues des charges structurelles de l'Etat « afin de ne pas pérenniser pour l'avenir une base de dépense trop élevée » . A structure constante, les dépenses pour 2001 ont donc été comparées aux dépenses réalisées en 2000, hors dépenses exceptionnelles (6,8 milliards de francs en 2000 soit 1,04 milliard d'euros). Dans la mesure où aucune dépense exceptionnelle a été constatée en 2001, l'exclusion des dépenses exceptionnelles a eu pour effet cette année l'affichage d'un taux de croissance des dépenses légèrement supérieur (1,9 % en valeur) à celui qui serait apparu en incluant les dépenses exceptionnelles (1,5 % en valeur).

La comparaison à structure courante aurait donné des résultats tout autres : les dépenses ont progressé à structure courante de 3 % hors dépenses exceptionnelles et de 2,6 % en incluant ces dépenses.

Evolution des dépenses à périmètre courant et constant

(en milliards d'euros)

Périmètre courant

2001 à périmètre constant

2000

Exécution 2001

2001/2000

Montant

Evolution/2000

Dépenses civiles ordinaires

216,0

221,9

2,7 %

219,3

1,5 %

Dette nette

35,7

36,7

2,8 %

36,7

2,8 %

Garanties, dégrèvements non déductibles des recettes

0,5

0,6

15,5 %

0,6

15,5 %

Pouvoirs publics

0,7

0,7

2,1 %

0,7

2,1 %

Rémunérations, pensions et charges sociales

89,4

91,9

2,8 %

91,8

2,7 %

Fonctionnement

15,8

16,4

3,8 %

16,4

3,8 %

Interventions économiques

22,4

21,1

- 5,5 %

21,7

- 2,9 %

Interventions sociales

30,6

30,3

- 1,0 %

30,1

- 1,6 %

Autres interventions

20,8

24,1

15,7 %

21,2

1,7 %

Dépenses civiles en capital

15,7

16,3

3,7 %

16,2

3,0 %

Dépenses militaires ordinaires

16,9

17,0

0,5 %

17,0

0,5 %

Dépenses militaires en capital

10,7

10,8

1,3 %

10,8

1,3 %

Total des dépenses du budget général

259,3

266,0

2,6 %

263,3

1,5 %

Total hors dépenses exceptionnelles

258,3

266,0

3,0 %

263,3

1,9 %

Source : projet de loi de règlement pour 2001

La Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001 se montre particulièrement critique sur les comparaisons opérées à structure constante. Elle note ainsi que : « - la déduction des recettes relatives à la dette (2,64 milliards d'euros, soit 17,3 milliards de francs) n'a pas lieu d'être opérée : pour la dette, la notion de charge nette - c'est-à-dire la charge budgétaire brute diminuée des recettes d'ordre-  ne devrait pas, en principe, être utilisée comme indicateur. En effet, elle n'a un sens que sur la base de montants comptabilisés en droits constatés, les recettes d'ordre étant constituées, pour plus de 80 %, par des coupons courus encaissés lors des adjudications périodiques d'OAT et de BTAN , dont le montant varie en fonction d'effets calendaires ; (...) Un des principes retenus par le ministère en matière de changements de périmètre consiste à considérer que les montants figurant dans la charte de budgétisation inscrite au PLF, amendés par le Parlement en loi de finances initiale, sont maintenus en exécution, quel que soit le niveau de la dépense effective. Par conséquent, les retraitements auxquels il est procédé peuvent donc être d'un montant sensiblement différent (en plus ou en moins) de ceux effectivement constatés en exécution. Si ce principe a le mérite de la simplicité, il ne permet cependant pas de tenir compte de la réalité de la progression de la dépense dans le périmètre retenu ; enfin, et surtout, les retraitements destinés à établir une base de comparaison homogène d'année en année semblent obéir à des règles empiriques, et pour des montants très variables, qu'il s'agisse des dépenses à caractère exceptionnel ou des transferts de compétences ».

En ce qui concerne les dépenses exceptionnelles, elle relève que :

- d'une année à l'autre, des dépenses de même nature et visant le même objet ne sont pas systématiquement considérées comme exceptionnelles ;

- des dépenses, bien que présentant un caractère exceptionnel, ne font pas l'objet d'un retraitement.

A posteriori, votre rapporteur considère que l'introduction d'une charte de budgétisation dans le projet de loi de finances ne constitue pas un « garde fou » suffisant pour juger de la sincérité des normes de progression de dépenses. La subjectivité qui entre dans l'appréciation de la classification des dépenses conduit en loi de finances initiale à douter de la crédibilité et de la sincérité de la norme de progression de dépenses « à structure constante ». Un an plus tard, en loi de règlement, la satisfaction de la norme de progression de dépenses apparaît parfois si « miraculeuse » qu'elle peut conduire à évoquer des manipulations comptables.

La Cour des comptes juge ainsi, au sujet de la loi de finances pour 2001 que si la modification du périmètre avait été opérée correctement, la progression des dépenses se serait élevée en volume, non à 0,3 % comme le présente le présent projet de loi de règlement, mais à 0,7 % ou à 0,4 % selon les correctifs apportés.

A ce titre, elle émet des propositions utiles pour les prochaines lois de finances.

Les propositions de la Cour des Comptes pour améliorer
la lisibilité des lois de finances

« De manière générale, la Cour réaffirme, sans contester la nécessité de retraitements, que si l'on souhaite rendre les budgets de deux années successives, et leur exécution, plus directement comparables, les règles de ces retraitements doivent être définies ab initio pour une longue durée et être effectivement respectées.

Ces règles pourraient s'inspirer des principes suivants :

- au sein des remboursements et dégrèvements soustraits des dépenses brutes pour obtenir des dépenses nettes, devraient être distingués ceux ayant le caractère d'intervention des autres ;

- selon le périmètre et la nomenclature du budget de l'année considérée, c'est seulement le budget de l'année précédente qui devrait être retraité, afin d'établir un budget pro forma, en prévision comme en exécution, comparable au budget de l'année suivante :

- la notion de « dépenses exceptionnelles », sans doute utile, en gestion, pour maîtriser l'évolution des dépenses publiques, c'est-à-dire pour arrêter en cours d'année le montant des dépenses imprévues dont le financement est à gager par des annulations de crédits, ne devrait pas être introduite pour apprécier l'évolution des dépenses, puisque ex post, rien ne permet de distinguer ces dépenses imprévues des autres dépenses de l'Etat et qu'elles pèsent pareillement sur son besoin de financement ».

2. Une rigidité toujours plus préoccupante des dépenses publiques

Le présent projet de loi de règlement montre, encore une fois, la forte rigidité des dépenses de l'Etat. Dans un contexte de croissance encore relativement favorable, la part des dépenses de l'Etat n'a été ramené en 2001 qu'à 22,5 % du PIB contre 22,7 % du PIB en 2000. Cette performance médiocre s'ajoute à une stabilité entre 2000 et 2001 des dépenses des ODAC (organismes divers d'administration centrale : 3,4 % du PIB) et des administrations publiques locales (10 % du PIB) et à une dérive des dépenses des administrations de sécurité sociale, qui représentaient 23,6 % du PIB en 2000 et 24 % en 2001. Dès lors, la France n'a pas diminué significativement le poids de ses dépenses publiques dans le PIB. Entre 2000 et 2001, elles sont passées de 52,8 % du PIB à 52,7 % du PIB. Malgré la croissance exceptionnelle enregistrée entre 1997 et 2001, le poids des dépenses publiques n'aura donc été ramené que de 55 % du PIB à 52,7 % et cela parce que le dénominateur, à savoir la croissance du PIB, s'est avéré plus dynamique que le numérateur, c'est à dire la progression des dépenses.

Part des dépenses publiques dans le PIB

(en points de PIB)

Source : projet de loi de finances initiale pour 2003

Le schéma suivant illustre la rigidité de la dépense.

Répartition des 266 milliards d'euros de dépenses du budget général en 2001

Source : projet de loi de règlement pour 2001

En effet, il en ressort que :

- les charges de personnel civils et militaires représentent 39,5 % des dépenses du budget général ;

- les charges de la dette représentent 14 % des dépenses du budget général.

Si l'on ajoute les autres dépenses de fonctionnement courant (7,8 % des dépenses du budget général), on constate que 61,3 % des dépenses correspondent à des dépenses passives pour lesquelles les marges de manoeuvre sont faibles. Les sommes qui peuvent être dégagées pour les autres postes budgétaires apparaissent sur longue période de plus en plus réduites.

3. L'évolution des principaux postes de dépenses

a) Les dépenses civiles ordinaires : + 2,7 % en valeur

Les dépenses civiles ordinaires nettes ont augmenté de 2,7 % en 2001. Elles se décomposent entre :

- les charges nettes de la dette publique (hors FSC, hors recettes d'ordre) qui ont connu une hausse de 2,8 % ;

- les dépenses civiles de fonctionnement, en augmentation de 3,1 % ;

- les dépenses d'intervention publique augmentent de 2,2 % en apparence, en raison de changements dans le périmètre des dépenses, et connaissent en réalité un recul de 2,1 %.

Les dépenses civiles de personnel représentent la majeure partie des dépenses civiles de fonctionnement (84%) 8 ( * ) et ont crû de 2,9 % par rapport à 2000 : le « point fonction publique » a été revalorisé de 0,5 % au 1 er mai 2001 et de 0,7 % au 1 er novembre 2001 9 ( * ) . Par ailleurs, la Cour des Comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001 relève, pour s'en inquiéter, que les dépenses pour pension augmentent plus vite que celles des rémunérations.

Parmi les dépenses d'intervention, les interventions économiques sont en recul de 5,5 %. Les autres dépenses d'intervention sont en forte hausse, de 15,7 %, en raison essentiellement de la prise en charge par le budget de l'Etat des dépenses nouvelles correspondant à la compensation aux collectivités locales des pertes de recettes résultant de la suppression de la vignette.

b) Une hausse toute relative des dépenses civiles en capital

La hausse des dépenses civiles en capital de 3,7 % en 2001 n'est qu'apparente. Elle concerne les subventions (+ 12,2 %) mais aussi les dépenses civiles en capital de l'Etat (+ 1,3 % en 2001 après -  1,6 % en 2000 et - 9,1 % en 1999).

Si l'on retranche de ces dépenses la rebudgétisation du Fonds d'Investissement des Transports Terrestres et des Voies Navigables (F.I.T.T.V.N.), la hausse est ramenée à périmètre constant à 2,7 %.

S'agissant de l'utilisation des autorisations de programme, la Cour des Comptes constate dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001 « la persistance regrettable des difficultés dans l'utilisation et la consommation des autorisations de programme » . Le taux d'affectation des autorisations de programme s'élève en effet par exemple à 71 % pour le ministère de la culture et à 72 % pour l'enseignement supérieur.

S'agissant des crédits de paiement, l'écart entre les crédits votés en loi de finances initiale et les crédits disponibles après régulation budgétaire représente un montant de 70,8 milliards de francs (10,79 milliards d'euros), soit une différence de plus de 43 %.

c) Les dépenses militaires : une faible augmentation de 0,8 %

Les dépenses militaires ont connu en 2001 une faible augmentation de 0,8 %, se répartissant entre 116 milliards de francs (17,68 milliards d'euros) de dépenses ordinaires et 71 milliards de francs (10,82 milliards d'euros) pour celles en capital.

La Cour des Comptes dans son rapport précité sur l'exécution des lois de finances relève que les montants d'autorisations de programme disponibles ont toujours été plus élevés que les montants votés en loi de finances initiale depuis plusieurs années. L'année 2001 a encore aggravé la tendance.

Evolution des autorisations de programme

(en milliards d'euros)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

LFI

13,55

13,52

12,35

13,11

13,34

12,91

AP disponibles

14,27

16,24

15,63

18,07

18,74

19,56

AP disponibles en % LFI

105 %

120 %

127 %

138 %

140 %

151 %

Source : rapport de la Cour des Comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2001

En ce qui concerne la mobilisation des crédits de paiement, la « performance » du ministère de la défense est meilleure que celle des ministères civils : le taux de consommation des crédits pour les dépenses en capital reste élevé. Il a été de 91,3 % en 2001, en légère diminution toutefois par rapport aux années précédentes.

Taux de consommation des crédits

(en milliards d'euros)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Crédits disponibles

12,7

12,6

11,3

11,5

11,6

11,9

Dépenses

11,9

11,6

10,5

10,5

10,7

10,8

Taux de consommation

93,6 %

91,8 %

92,6 %

91,2 %

91,9 %

91,3 %

Source : projet de loi de règlement pour 2001

* 8 Cette proportion est stable sur un an mais en croissance continue sur plus longue période.

* 9 L'évolution des rémunérations s'élève en 2001 à +2,6 % et est équivalente à l'augmentation moyenne annuelle depuis 1998.

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