B. LA COUVERTURE DU TERRITOIRE EST DE CE FAIT INSUFFISANTE ET, EN OUTRE, CERTAINEMENT SURESTIMÉE

Prévoyant que le point d'équilibre du marché ne serait pas, s'agissant du déploiement territorial des réseaux de téléphonie mobile, satisfaisant du point de vue de l'aménagement du territoire, le législateur s'était, en 1996, préoccupé de cette question et avait fixé la méthodologie pour accroître cette couverture.

L'Article L. 35-7 du code des postes et télécommunications prévoit ainsi : « au moins une fois tous les quatre ans à compter de la date de publication de la présente loi, un rapport sur l'application du présent chapitre est [...] remis par le Gouvernement au Parlement [...]. Le premier rapport remis en application de l'alinéa précédent comporte un bilan de la couverture du territoire par les réseaux de radiotéléphonie mobile. Il propose les modifications nécessaires à apporter au présent chapitre pour assurer, à un terme rapproché, la couverture des zones faiblement peuplées du territoire, ainsi que des routes nationales et des autres axes routiers principaux, par au moins un service de radiotéléphonie mobile terrestre ou satellitaire . Il précise également les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif dans le respect du principe d'égalité de concurrence entre opérateurs, notamment les modalités d'un investissement commun aux opérateurs ou d'une combinaison des différentes technologies disponibles dans les zones à faible densité de population non couvertes à la date de remise au rapport ».

Le rapport prévu par la loi de 1996 a finalement été remis au Parlement en juillet 2001, avec plus d'un an de retard sur le délai limite.

Ce rapport sur la couverture du territoire par les réseaux de radiocommunications mobiles estime que la dynamique concurrentielle entre les trois opérateurs a permis d'atteindre une couverture cumulée supérieure à 91,6 % du territoire métropolitain (soit 99,34 % de la population métropolitaine ) .

Ce seraient donc environ 46.000 km² du territoire métropolitain qui ne seraient couverts par aucun réseau de radiocommunications mobiles (soit 8,4 % du territoire). En termes de population, les zones où aucun réseau n'est présent représenteraient moins de 390.000 personnes soit moins de 0,7 % de la population. Le Gouvernement estimait dans ce rapport que 1.480 communes ne disposaient pas d'une couverture effective de leur centre ville par au moins un réseau GSM.

Ces zones de non-couverture ne sont pas réparties uniformément sur le territoire, mais au contraire concentrées sur quelques régions. Les moins bien couvertes sont les régions montagneuses - notamment de moyenne montagne-, dont les caractéristiques topographiques (relief et forêts) gênent considérablement la transmission des ondes radios et dont la faible densité de population ne permet pas d'assurer l'exploitation rentable en régime commercial habituel. La difficulté de couverture du territoire métropolitain est sans doute une des plus importantes d'Europe puisque la France se caractérise par une densité moyenne de population particulièrement faible : 104 habitants au kilomètre carré -avec des extrêmes régionaux à 887 habitants au km 2 en Ile-de-France et à 28 en Corse-, contre 223 en Allemagne et 235 au Royaume-Uni.

Sur ces bases, le Gouvernement estimait dans ce rapport que l'achèvement de la couverture totale du territoire par un seul réseau représentait un investissement d'environ 2,6 milliards de francs (396 millions d'euros), et l'achèvement de la couverture par les trois opérateurs grâce à la mutualisation des infrastructures passives 5,9 milliards de francs (900 millions d'euros).

Pour des raisons économiques ainsi que pour des raisons d'esthétique environnementale, le Gouvernement jugeait dans ce rapport que la couverture utile était celle des mairies et des bourgs des 1.480 communes concernées, laquelle représenterait , quant à elle, 1,4 milliards de francs (213 millions d'euros) pour une couverture par un seul réseau offrant l'itinérance 3 ( * ) aux autres. Dans sa décision n° 01-595 en date du 19 juin 2001, l'Autorité de régulation des télécommunications a jugé que cette conception de la couverture utile était étroite et, considérant que la téléphonie mobile était par nature associée au concept de mobilité et donc à la continuité de la couverture, que la couverture des principaux axes entre les zones de vie permanentes ou occasionnelles visées par le rapport devait donc être également prise en compte dans la définition des objectifs de couverture.

Surtout, depuis lors, les données chiffrées du rapport gouvernemental, établies à partir de la superposition des cartographies fournies par les opérateurs et fondées sur des calculs théoriques de propagation des ondes, ont été complétées par des mesures réelles de couverture effectuées in situ à l'initiative de l'ART, qui ont montré que le taux de couverture réel était inférieur aux 91 % du territoire affichés, de manière pour le moins optimiste, par le rapport du Gouvernement. La méthode mise au point par l'ART pour évaluer la couverture effective du territoire, canton par canton, a été testée au printemps 2001 sur 40 cantons puis sur 60 autres. La couverture y est définie comme la possibilité, pour un utilisateur, de passer une communication d'au moins une minute, et de qualité auditive satisfaisante, à partir d'un point quelconque situé sur une route quelconque dans chaque canton testé. Les mesures sont effectuées dans les conditions d'utilisation d'un piéton extérieur.

Lors de leur audition devant votre commission en janvier dernier, les membres du collège de l'ART avaient révélé que les premières séries de mesures réelles, effectuées par les départements suivant une méthodologie mise à leur disposition par l'ART, en vertu d'une convention passée le 17 octobre 2001 entre l'autorité et l'Assemblée des départements de France (ADF), faisaient ressortir un taux de couverture réel de 83 % seulement du territoire par l'un au moins des trois réseaux de téléphonie mobile. Ces campagnes de mesure réelle, déjà réalisées ou en cours dans une trentaine de départements, sont en cours de généralisation, à l'initiative conjointe de l'ART et des départements.

Dans le département de votre rapporteur, la Haute-Marne , le Conseil Général a confié à un cabinet indépendant une étude afin de mesurer sur le terrain la couverture GSM. Rendue en février dernier, cette étude a fait apparaître que 234 communes n'étaient couvertes par aucun opérateur de téléphonie mobile, alors que le rapport du secrétariat d'Etat à l'Industrie avait chiffré à 56 le nombre de communes non couvertes. Ainsi, la moitié des communes de Haute-Marne ne seraient pas couvertes en téléphonie mobile . Il est important de souligner que l'étude s'est cantonnée à recenser les communes non couvertes qui entraient dans la priorité du Gouvernement, à savoir « la couverture des lieux de vie permanents et occasionnels (sites touristiques) ainsi que des axes de transport prioritaires ». Le chiffrage obtenu par le Conseil général de Haute-Marne, plus de quatre fois supérieur à celui publié par le Gouvernement en 2001, n'est donc pas maximaliste : il ignore encore les zones couvertes par aucun opérateur et débordant la priorité fixée par le Gouvernement. Sans même viser la couverture intégrale du territoire , dont le coût exorbitant est disproportionné par rapport au service rendu, une couverture effective des lieux désignés comme prioritaires par le Gouvernement concernerait donc, non pas tant 1.480 communes, mais plutôt de l'ordre de 6.000 communes, si le rapport entre couverture théorique et couverture effective constaté en Haute-Marne se confirme dans les autres départements.

* 3 Obligation d'accueil sur un réseau des appels des abonnés des autres réseaux.

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