II. LES INCANTATIONS DU CIADT 2001 LAISSENT LES COLLECTIVITÉS LOCALES SUR LEUR FAIM

A. LA PROMESSE D'UNE COUVERTURE EN TROIS ANS PAR L'ITINÉRANCE LOCALE

Le rapport remis par le Gouvernement en application de l'article L. 35-7 du code des poste et télécommunications a servi de base aux décisions énoncées lors du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) qui s'est tenu à Limoges le 9 juillet 2001.

Lors du CIADT, le précédent Gouvernement s'était engagé à assurer dans les trois prochaines années la couverture de « l'ensemble des lieux de vie permanents et occasionnels (sites touristiques) et des axes de transport prioritaires » , conformément aux objectifs fixés par le schéma de services collectifs de l'information et de la communication. A cette fin, avait été mis en place un dispositif de soutien public à l'investissement des collectivités locales et des opérateurs pour la construction de stations de base équipées.

Ce dispositif , qui concernait les 1.480 centres de village répertoriés dans le rapport du Gouvernement, reposait sur un accord des trois opérateurs mobiles pour la mise en place d'un système d'itinérance locale dans les zones à couvrir . Un tel système devait conduire à déployer, pour chaque zone concernée, un réseau unique (l'un des trois) accessible aux abonnés des trois opérateurs mobiles, ce qui devait permettre de « réduire considérablement le coût de l'extension de la couverture envisagée » -selon les termes du CIADT-, tout en améliorant le service rendu aux abonnés.

L'investissement programmé ainsi optimisé était alors évalué à 210 millions d'euros (1,4 milliards de francs), conformément à l'évaluation du Gouvernement dans son rapport. Les opérateurs consentaient à cofinancer le projet à hauteur de 61 millions d'euros (400 millions de francs), soit 28 %, et l'Etat s'engageait à hauteur de 76,2 millions d'euros (500 millions de francs), soit 36 %, afin de participer, sur une base paritaire, aux investissements pour la construction des stations de base équipées que décideraient les collectivités locales, assurant elles aussi 36 % du financement.

Il s'agit donc, pour l'Etat, de compléter à hauteur d'un tiers environ un financement largement assuré par les collectivités locales, sur qui le CIADT fait reposer l'initiative de ces actions de couverture complémentaire. En effet, le CIADT exploite la possibilité ouverte par la loi d'aménagement du territoire n° 99-533 du 25 juin 1999, qui avait introduit dans le code général des collectivités locales un article reconnaissant à ces dernières des compétences, dans le respect de l'initiative privée, en matière d'installation d'infrastructures de télécommunications dont l'exploitation serait confiée à des opérateurs. Cet article L. 1511-6 a, depuis, été assoupli par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, dont l'article 19 supprime les conditions de carence de l'initiative privée et d'amortissement en huit ans, tout en précisant que les collectivités locales ne peuvent pas exercer les activités d'opérateur.

Certes, conscientes de l'enjeu, ces dernières se sont mobilisées lors du CIADT en vue d'accroître la couverture en téléphonie mobile, mais on peut déplorer que ce système représente en définitive l'inverse de la philosophie de l'aménagement du territoire, censé combler, par des discriminations positives, des inégalités de fait. Comme le relève notre collègue Pierre Hérisson, dans son récent rapport dressant le bilan de l'ouverture à la concurrence des télécommunications 4 ( * ) , on aboutit en effet à une situation où les zones les moins peuplées en population et en entreprises -et donc celles au moindre potentiel fiscal- doivent, par un financement local, payer pour la disponibilité de services offerts gratuitement aux départements plus riches fiscalement... Sans revenir sur la légitimité douteuse de cette sorte de péréquation inversée, il faut tout de même faire observer la force de la motivation des collectivités locales que le besoin si intense de couverture mobile a conduites à accepter un tel système, faute de mieux.

Au total, le coût effectif d'installation d'un pylône de téléphonie mobile reviendrait entre 150.000 € (1 million de francs) et 180.000 € (1,8 millions de francs) à la collectivité locale concernée, en prenant en compte l'installation elle-même et les à côté : études préalables, achat du terrain, raccordement électrique, local technique, chemin d'accès....

A noter que l'équipement en antenne-relais d'un château d'eau entraîne des dépenses moins élevées, estimées à 127.000 euros par un département.

* 4 Rapport n°273 « Télécommunications : la réforme cinq ans après» au nom de la Commission et du groupe d'études « Poste et télécommunications »

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