B. UN ACCUEIL TRÈS LARGEMENT CRITIQUE

La proposition de la Commission a suscité, dans le courant du premier semestre 2002, des réactions qui, pour la plupart, allaient de la critique argumentée à la franche hostilité. Seules les agences de communication et autres professionnels spécialisés dans la promotion des ventes, ainsi que certains distributeurs, ont approuvé la démarche dans son ensemble et souhaité l'adoption du règlement en l'état. En revanche, la plupart des Etats membres, l'ensemble des associations de consommateurs et la grande majorité des producteurs et des distributeurs, ont opposé de nombreuses objections les conduisant à demander, qui des amendements substantiels au texte, qui la suspension de son examen par les instances communautaires, qui son rejet pur et simple par le Parlement européen et le Conseil, voire son retrait par la Commission.

Les critiques peuvent être rangées en trois familles distinctes : la contestation du calendrier retenu par la Commission et de son choix du règlement, l'opposition à la limitation des prérogatives des Etats en matière de droit de la concurrence, les réserves émises à l'encontre de plusieurs dispositions techniques du texte qui, en particulier, n'assureraient pas une protection suffisante des consommateurs.

1. Calendrier et instrument juridique

La présentation, ce même 2 octobre 2001, de la proposition de règlement, dont l'un des objectifs serait d'assurer un haut niveau de protection des consommateurs, et du Livre vert sur la protection des intérêts économiques des consommateurs dans l'Union européenne , a pu paraître à certains comme une sorte de provocation de la part de la Commission.

a) Un agenda incohérent

En effet, le Livre vert a ouvert une vaste consultation des partenaires européens et de leurs organisations professionnelles et associations qui doit porter à la fois sur les objectifs d'une politique spécifique des consommateurs de l'Union européenn e, et sur les outils juridiques à mettre en oeuvre pour y parvenir . Afin d'offrir aux consommateurs une protection maximale tout en limitant les coûts des entreprises, le champ de réflexion du Livre vert couvre l'ensemble des pratiques commerciales en général, y compris par conséquent la publicité et la promotion des ventes . Dans ce cadre sont ainsi posées des questions relatives à la nature des barrières commerciales auxquelles consommateurs et commerçants sont confrontés, à la définition de ce que sont les pratiques commerciales loyales (qui devraient répondre à un test général de loyauté ), au contenu et au mode de communication des informations destinées aux consommateurs, etc. Or, pour élaborer sa proposition de règlement relative aux promotions de ventes, la Commission a déjà répondu, dans ce domaine, aux questions qu'elle pose par ailleurs dans le Livre vert .

Bien plus, l'une des principales interrogations du Livre vert tient à la nature des instruments juridiques à utiliser pour élaborer un droit des consommateurs à l'échelle de l'Union. La Commission propose à cet égard deux options, l'approche dite « spécifique » consistant en l'adoption d'un ensemble de mesures législatives particulières à raison des domaines concernés, et l'approche qualifiée de « mixte », qui implique l'élaboration d'une directive-cadre complète assortie, le cas échéant, d'autres directives. Là encore, ce choix central, qui conditionne le degré d'intégration de la politique des consommateurs, est totalement anticipé par la Commission dès lors que l'adoption d'un règlement portant sur une partie significative du champ de la réflexion n'est pas compatible avec l'une des options proposée par le Livre vert, à savoir l'élaboration d'une directive-cadre.

Il est ainsi pour le moins paradoxal qu'au moment même où la Commission ouvrait un large débat sur ces questions essentielles, dont la complexité justifiait que du temps soit donné à la réflexion et à la confrontation des opinions, elle ait proposé dans le même temps un règlement qui, tant par sa nature que par son contenu, répond de manière définitive à plusieurs de ces interrogations et vide le Livre vert d'une partie importante de sa problématique . On ne peut manquer de comprendre que nombre des acteurs de ce débat, et les représentants des consommateurs au premier chef, aient eu le sentiment que leur avis, bien que formellement sollicité dans le cadre de la consultation sur le Livre vert, était en réalité méprisé. Ce sentiment s'est en outre trouvé renforcé par le fait que plusieurs des options retenues par la Commission dans sa proposition de règlement ne semblaient pas, de l'avis des associations de consommateurs, garantir un haut niveau de protection des consommateurs.

En tout état de cause, cette étrange articulation entre le débat sur le Livre vert et celui sur la proposition de règlement a également été relevé par plusieurs ministres lors de la réunion du Conseil « Marché intérieur, consommateurs et tourisme » du 21 mai 2002, en particulier par M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, qui, à titre liminaire, a insisté sur « l'absence de cohérence existant entre les deux démarches de la Commission, dont le projet de règlement préjuge largement des réflexions en cours à la suite de la publication du Livre vert » .

On peut enfin s'étonner de cette apparente précipitation alors que le règlement, s'il était adopté, aurait vocation à s'appliquer dans quelques années seulement, et pas avant le 1 er janvier 2005 à tout le moins. Certes, la démarche de la Commission s'inscrit, on l'a vu, dans un processus entamé en 1996, et il n'est pas anormal qu'en tant que telle, une préconisation ait été disponible en octobre 2001. Reste qu'à cette date, l'environnement général ouvrant une réflexion sur une problématique plus large incluant à l'évidence la question spécifique de la promotion des ventes, la poursuite du procès de manière autonome ne semblait plus logique ni cohérente, ce dont la Commission aurait du convenir pour en tirer les conséquences.

C'est dans cette optique que la Délégation pour l'Union européenne a, dans sa proposition de résolution du 9 juillet dernier, demandé au Gouvernement d'obtenir le report de la décision après l'examen du Livre vert, afin d'assurer la cohérence du dispositif d'ensemble en la matière.

b) Le règlement, un outil inadapté en l'espèce ?

Au-delà de ce problème de calendrier s'est également posé celui de l'outil juridique retenu . En tant que tel, le règlement présente un avantage théorique certain puisqu'il garantit un niveau élevé d'intégration juridique communautaire : le principe même du règlement impose en effet l'application harmonisée des dispositions d'un tel texte dans tous les Etats membres, au même moment et de manière strictement identique. Mais il prive en contrepartie lesdits Etats des moyens d'adapter les orientations communautaires à leur ordre juridique national pour en garantir la cohérence interne, de même qu'il leur interdit d'agir unilatéralement dans l'hypothèse où surviendraient ultérieurement des difficultés imprévues nécessitant une réaction rapide.

C'est pourquoi sa rigueur fait du règlement un outil juridique dont l'utilisation doit être minutieusement appréciée au regard de son champ d'application et des enjeux en cause. Il ne fait aucun doute que des dispositions réglementaires ne sauraient être imposées dans des domaines où les traditions, les pratiques et les environnements juridiques des Etats membres sont foncièrement différents .

Dans le cas d'espèce, la logique interne de la réglementation de la promotion des ventes proposée par la Commission s'inspire très largement du droit anglo-saxon, où le libéralisme des comportements associé à la discrétion, voire à l'absence, des réglementations, est à peu près correctement régulé par un grand respect des principes de loyauté commerciale de la part des acteurs économiques, un recours très développé aux dispositifs de codes de conduite, et une conception du règlement des litiges faisant largement appel à des notions d'équité. Mais cette organisation juridique des rapports entre les professionnels eux-mêmes, et entre ceux-ci et les consommateurs, outre qu'elle ne constitue pas nécessairement l' alpha et l' oméga du droit comme peut en témoigner le drame des farines animales en Grande-Bretagne, n'est pas forcément adaptable dans des Etats aux traditions différentes. En France, par exemple, où l'administration a pour mission d'exercer un contrôle sur le respect des dispositions législatives et réglementaires en matière de loyauté des pratiques commerciales et de protection des consommateurs, et où le juge ne peut apprécier un conflit qu'au regard du droit, à l'exclusion de toute autre considération, l'irruption d'un tel règlement pourrait conduire à des remises en cause excédant largement son objet initial. C'est pourquoi, la plus grande prudence s'imposant, le recours à l'instrument juridique plus flexible que constitue la directive aurait probablement dû être examiné , ainsi que l'envisage au demeurant le Livre vert.

Certes, la technique du règlement a recueilli l'approbation quasi unanime des professionnels, qui y ont vu le meilleur moyen d'obtenir une réelle, durable et rapide harmonisation du droit communautaire, la transposition de directives en droit interne étant en effet un processus plus long et surtout susceptible de maintenir un certain nombre de différences, même minimes, entre les législations des Etats membres. En revanche, cet outil a suscité une forte opposition des organisations de défense des consommateurs, d'autant qu'elles considèrent de surcroît que le contenu même de la proposition de règlement ne garantit pas une protection suffisante des intérêts des consommateurs : or, toute révision ou adaptation ultérieure d'un règlement nécessite un accord communautaire, ce qui la rend complexe. Enfin, un certain nombre d'Etats membres ont également exprimé leurs réticences. Ainsi la France a-t-elle fait observer que le règlement ne constituait pas l'instrument juridique adapté , une directive étant plus appropriée aux sujets touchant au droit de la consommation pour permettre une adaptation aux structures juridiques nationales , par exemple en ce qui concerne la définition de sanctions civiles ou pénales.

En tout état de cause, ainsi que l'a constaté le S.G.C.I. 7 ( * ) , aucune autre disposition concernant la protection des intérêts économiques des consommateurs ne fait actuellement l'objet d'un règlement, même s'agissant de sujet consensuels tels que la publicité trompeuse ou l'indication de prix. Dans ces conditions, on est en droit de se demander ce qui impose le recours aujourd'hui à cet outil juridique.

C'est la raison pour laquelle la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne demande au gouvernement de faire valoir à la Commission qu'il serait plus conforme au principe de subsidiarité d'intervenir par la voie d'une directive-cadre permettant l'adaptation des législations nationales plutôt que sous la forme d'un règlement d'application immédiate en droit interne.

2. Les risques de concurrence déloyale

Aux deux questions de principe ci-dessus évoquées s'en ajoute une troisième, qui concerne la présence dans le corps même du dispositif d'un item ne relevant pas des techniques de promotion commerciale : la vente à perte.

a) La vente à perte

La Commission européenne a estimé que les interdictions de vente à perte érigées par certaines législations nationales vont à l'encontre du but qu'elles recherchent et que les objectifs de protection des consommateurs et de lutte contre la concurrence déloyale peuvent être réalisés de manière plus efficace et proportionnée en n'imposant que des obligations d'informations spécifiques.

Cette analyse a été vivement contestée par plusieurs Etats membres, tels la France, la Belgique, l'Espagne ou l'Italie, ainsi que par un grand nombre d'opérateurs économiques et par les associations de consommateurs : tous considèrent que les ristournes conduisant à vendre à perte ne sont pas une forme de promotion commerciale mais une pratique anticoncurrentielle relevant, en tant que telle et en vertu du principe de subsidiarité, de la compétence des gouvernements . Ainsi, pour le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, l'autorisation de la revente à perte ne présente aucune justification juridique ou économique dans un projet réglementant les promotions commerciales, et cette possibilité doit donc être purement et simplement écartée.

L'attitude très ferme de M. Renaud Dutreil recueille au demeurant l'assentiment d'un nombre significatif de syndicats professionnels, totalement opposés à l'irruption de telles pratiques sur le territoire national. Les représentants des commerçants considèrent en effet que la vente à perte déstabilise la concurrence en favorisant les gros opérateurs qui ont les capacités financières suffisantes pour supporter durablement une telle politique afin d'éliminer leurs concurrents moins solides et ainsi dominer le marché de manière déloyale. Elle a en outre pour effet de dévaloriser l'image des produits promus , ce qui peut être néfaste pour le producteur. On peut enfin ajouter que la jurisprudence communautaire a reconnu que l'interdiction de la vente à perte ne constitue pas une entrave aux échanges intracommunautaires , ce qui ne peut manquer de renforcer les interrogations sur la légitimité de la présence de cette mesure dans l'économie du dispositif proposé par la Commission.

b) Les soldes

Corollaire de la vente à perte, la pratique des rabais sans limitation ni de niveau, ni de période, ni de durée, a été également dénoncée par les distributeurs, les consommateurs et plusieurs gouvernements. La proposition de règlement, en prohibant explicitement l'interdiction des rabais précédant les soldes ainsi que toute autorisation préalable en vue de l'utilisation ou de la communication commerciale d'une promotion des ventes, a pour effet de faire disparaître les soldes saisonniers, liquidations et ventes au déballage existant en France comme dans un certain nombre d'autres Etats membres. En effet, dès lors que la période des soldes ne peut plus être fixée par arrêté préfectoral et qu'il est autorisé de procéder à des rabais à tous moments, même avant les soldes, la notion même de soldes n'a plus de sens .

Or, ce type d'opération commerciale recueille un large consensus des producteurs, des commerçants et des consommateurs, dès lors qu'il est encadré et contrôlé - même si l'homogénéisation des périodes sur l'ensemble du territoire ou leur durée peut, comme actuellement, faire l'objet d'un débat. L'importance économique que représentent aujourd'hui les soldes pour les professionnels, et dont témoignent notamment les récentes observations sur les résultats des soldes de l'été 2002, n'est plus à démontrer. Enfin, cette pratique consumériste est totalement intégrée par les consommateurs français, au point que M. Renaud Dutreil a estimé, à l'appui des réserves qu'il a exprimées en mai 2002, qu'elle relève désormais d'une certaine tradition populaire.

3. Les autres objections

Au-delà de ces deux aspects du contenu de la proposition, qui constituaient à l'évidence une des raisons essentielles de la fermeté des autorités françaises et de l'opposition de la plupart des opérateurs économiques nationaux, le texte de la Commission a suscité diverses autres critiques.

a) Les dangers du principe de reconnaissance mutuelle

La première tient au flou du champ d'application du règlement et à la portée du principe de reconnaissance mutuelle . Tous les commentateurs se sont inquiétés de l'extrême imprécision qui entoure le champ d'application de l'article 3. Il semblerait en effet que, dans bien des circonstances, il soit difficile de déterminer, en l'absence d'indications formelles de la Commission, si des règles nationales constituent une interdiction générale au sens du premier paragraphe de l'article ou des interdictions particulières entrant dans le champ du principe de reconnaissance mutuelle. C'est en particulier le cas, selon le Bureau européen des unions de consommateurs, des clauses nationales générales sur le bon comportement commercial figurant dans les lois scandinaves, autrichiennes, portugaises et allemandes. En outre, divers Etats membres ont relevé que certaines prescriptions nationales à caractère général répondent à des objectifs spécifiques, ce qui les conduit à viser la promotion des ventes de produits particuliers, et qu'elles semblent devoir être traitées dans le cadre d'autres textes de référence que le présent règlement. La France a ainsi cité pour exemples les dispositions visant à préserver la santé publique qui portent sur l'alcool, le tabac, les médicaments à usage humain, les dispositifs médicaux, les médicaments vétérinaires, etc. La réglementation des opérations promotionnelles et des communications commerciales concernant ces produits entre-t-elle dans le cadre des prescriptions générales ou dans celui de la reconnaissance mutuelle ? Cette incertitude a ainsi conduit certains commentateurs à réclamer que la Commission européenne dresse, pays par pays, la liste des règles nationales qui relèveront du principe de la reconnaissance mutuelle .

Au-delà de cette absence de définition précise du champ d'application de l'article 3, c'est le principe même de la reconnaissance mutuelle qui a été contesté . En effet, une mise en oeuvre efficace de ce dispositif suppose au préalable un degré élevé d'harmonisation des législations et réglementations nationales, de sorte que les différences qui les distinguent ne soient guère que marginales . Or, comme l'ont démontré les travaux du groupe d'experts réuni par la Commission, les divergences actuelles sont au contraire très nombreuses et parfois particulièrement profondes. Le mécanisme de la reconnaissance mutuelle n'est donc pas approprié en l'espèce et ne peut que conduire à fragiliser l'ordre juridique :

- il est source d'une grande confusion pour les opérateurs qui, pour savoir si la promotion des ventes considérée est légale, seront contraints de connaître tant la nationalité du promoteur que la législation et la réglementation du pays d'origine de celui-ci. Si l'on peut espérer que les acteurs publics (autorités administratives et juridictionnelles) pourront satisfaire à cette obligation, cela paraît déjà plus douteux en ce qui concerne les professionnels, et cela devient parfaitement illusoire s'agissant des consommateurs. Il est dès lors à craindre que cette complexité ne favorise les pratiques commerciales déloyales et abusives ;

- il risque de conduire à une harmonisation des dispositions législatives et réglementaires nationales « par le bas », c'est à dire à une dérégulation pernicieuse et nocive pour les consommateurs de l'Union. En effet, les producteurs et commerçants des Etats membres qui garantissent un niveau élevé de protection en matière de promotion des ventes seront pénalisés par les pratiques de leurs concurrents étrangers ressortissants d'Etats à la protection moindre. Ils feront alors pression sur les pouvoirs publics de leur pays pour qu'ils adoptent des prescriptions similaires ou identiques à celles de ces Etats, ce qui conduira à terme à la diffusion dans tous les pays de l'Union des normes les plus faibles de protection. On sera certes parvenu à l'harmonisation du marché intérieur, ce qui est l'objectif affiché par la Commission, mais il est douteux que ce soit au bénéfice des consommateurs !

b) Une protection insuffisante des consommateurs

A cet égard, plusieurs dispositions du texte ont été critiquées en ce qu'elles ne garantissent pas un niveau élevé de protection des consommateurs, en dépit des affirmations de la Commission européenne.

Au reste, celle-ci ne fait pas de la protection des consommateurs un de ses objectifs explicites , au contraire de son objectif économique plusieurs fois exprimé : mention de l'article 95§1 du Traité en premier visa de la proposition de règlement, sans aucun rappel de l'article 153 relatif à la protection du consommateur, et références au fonctionnement correct du marché unique figurant dans les premiers considérants et à l'article premier de la proposition, la protection des consommateurs n'étant évoquée qu'une seule fois, au considérant 11.

Au demeurant, l'ensemble des associations de consommateurs estime que, malgré cette déclaration d'intention, la protection des consommateurs, non seulement ne se trouverait pas raffermie par ce texte, mais serait même profondément altérée par sa mise en oeuvre .

Les représentants des consommateurs dénoncent ainsi le fait que la proposition de règlement s'applique de manière identique aux relations entre les professionnels et à celles existant entre ceux-ci et les consommateurs . La spécificité de ces derniers n'est pas reconnue par le texte, alors même que leur situation impose des règles particulières de protection. En effet, en matière d' information , d'accès à celle-ci, de compréhension, les individus ne disposent pas des mêmes moyens que les professionnels. Cette opinion a également été celle de quelques Etats membres, telle la France, dont le secrétaire d'Etat s'est étonné que la Commission ne distingue pas les uns et les autres pour édicter des prescriptions en la matière. De plus, le S.G.C.I. a relevé qu'en termes de cohérence juridique, il conviendrait d'éviter, conformément au souhait exprimé par la Commission, toute interférence entre ce texte et le droit de la concurrence, ce qui renforcerait la nécessité d'exclure du dispositif les relations entre les professionnels.

A cela s'ajoutent des interrogations relatives au dispositif même de l'exigence d'information, et à la philosophie de la Commission sur laquelle il s'appuie. Celle-ci consiste à estimer que la clarté et l'exhaustivité de l'information sont suffisantes pour garantir à la fois la loyauté commerciale et la protection des consommateurs . Pour les représentants des consommateurs, cette analyse est purement théorique, voire dogmatique, et méconnaît totalement le principe de réalité . Selon eux, si un tel raisonnement était exact, pourquoi les Etats auraient-ils élaborés chacun des législations, complexes et différentes selon les secteurs ou les produits, visant à parvenir à ces objectifs de loyauté et de protection plutôt que de se limiter spontanément à cette seule démarche de transparence informative ? Sauf à considérer que l'édiction de normes n'a d'autre objet que d'ennuyer les acteurs économiques, on doit admettre que la nature humaine rend aussi nécessaires d'autres formes de protections réglementaires visant à éviter des comportements déloyaux ou à garantir les intérêts des plus faibles. Ces acteurs économiques ne sont pas des entités abstraites disposant toutes des mêmes compétences et capacités, mais des individus tous différents.

En outre, force est de constater que quelles que soient les précautions prises, l'information n'est pas une garantie absolue de protection. Dans notre pays, où le degré d'exigence informative en matière de promotion commerciale peut être considéré comme très élevé, la Cour de cassation vient d'en administrer la preuve en rendant un arrêt qui devrait faire jurisprudence en matière de jeux-concours publicitaires. La Haute juridiction a en effet condamné des promoteurs au motif que la présentation de leur opération commerciale, pourtant strictement conforme au texte de la réglementation nationale et parfaitement compréhensible par le commun des clients, était de nature à induire en erreur certains de ceux-ci en leur faisant croire à tort qu'ils avaient gagné un gros lot. Ainsi la Cour a-t-elle démontré par l'exemple que la conjonction d'une réglementation relativement stricte et d'obligations d'information pourtant précisément définies pouvait encore être insuffisante pour assurer la protection des consommateurs.

A également été relevée l'absence de dispositifs harmonisés de sanctions et de voies de recours autres qu'extrajudiciaires dans le cas d'opérations de promotion transfrontalières. Pour beaucoup, les procédures internes de traitement des plaintes par les opérateurs sont tout à fait insuffisantes et parfaitement illusoires, et l'inexistence de mécanismes impliquant la puissance publique révélatrice de la faiblesse du dispositif.

S'agissant plus particulièrement des enfants, l'âge de quatorze ans retenu par la proposition de règlement a été jugé trop faible, tandis que le fait que seule la protection de leur santé physique ait été envisagée a fait l'objet de critiques ironiques, nul ne doutant que les législations des Etats membres interdisent la distribution de cadeaux promotionnels susceptibles de nuire à celle-ci.

Enfin, diverses autres dispositions, à caractère plus technique, ont également été contestées, telle la possibilité de lier la participation à un jeu ou concours promotionnel à une obligation d'achat ou une quelconque participation financière. Plusieurs Etats disposant d'une réglementation protectrice en la matière permettant d'éviter des dérives préjudiciables aux intérêts de consommateurs, s'y sont opposés. La France, en outre, a vu dans cette proposition une atteinte à son ordre public interne, les loteries payantes constituant un monopole d'Etat ne pouvant être remis en cause de cette manière subreptice.

* 7 Le Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne , placé auprès du Premier ministre.

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