C. AUDITION DE M. JEAN-MARC ICARD, SECRÉTAIRE NATIONAL CHARGÉ DU PÔLE « EMPLOI », ET DE M. ALAIN LECANU, DÉLÉGUÉ NATIONAL ET MLLE LAURENCE MATTHYS, CONSEILLIÈRE TECHNIQUE, DE LA CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DE L'ENCADREMENT - CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DES CADRES (CFE-CGC)

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marc Icard, secrétaire national chargé du pôle « emploi », M. Alain Lecanu, délégué national, et Mlle Laurence Matthys, conseillère technique, de la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

Abordant en premier lieu la question du rétablissement de l'unicité du SMIC, M. Jean-Marc Icard a déclaré que les propositions faites par le Conseil économique et social étaient soutenues par sa Confédération. Il a toutefois précisé qu'il ne pouvait considérer clos le débat sur les minima sociaux et proposait, à ce titre, un travail de réflexion sur la possibilité d'un salaire plancher par catégorie professionnelle négocié par branche.

Il a déclaré que la discussion du régime des heures supplémentaires pouvait être renvoyée à la négociation collective mais que, pour cela, il était nécessaire que cette dernière s'exerce dans un cadre qui ne soit pas déséquilibré. Il a ensuite réitéré l'opposition de la CFE-CGC aux exonérations de charges sociales telles que prévues par le Gouvernement qui constituent, selon lui, une trappe à bas salaires, et biaisent le recrutement des entreprises.

Il a rappelé la proposition de sa confédération d'une exonération générale sur les 1.000 premiers euros de salaires pour tous les salariés, dont le coût de prise en charge s'inscrirait dans une réforme plus vaste diversifiant le financement de la sécurité sociale. Il a, à ce titre, précisé que la CFE-CGC avait formulé une proposition de création d'une taxe sociale sur la consommation.

Concernant le problème des cadres, il a déploré la modification du régime des cadres non intégrés qui, auparavant, supposait deux critères cumulatifs -être autonome dans l'organisation de son temps de travail et avoir un temps de travail ne pouvant être prédéterminé- ces conditions devenant alternatives. Il a précisé que la CFE-CGC craignait une multiplication de la forfaitisation des cadres et par là l'allongement des horaires de travail.

Il a rappelé que la CGC avait critiqué la définition retenue par la loi Aubry pour le forfait jours parce que celle-ci posait une difficulté par rapport aux droits sociaux reconnus par le droit européen. Il a indiqué que, si la CFE-CGC avait obtenu gain de cause auprès des experts européens dans un premier temps, leurs préconisations n'avaient pas été reprises par le conseil des ministres européen du 27 mars 2002.

Il a rappelé que les lois Aubry définissaient le champ d'extension de la forfaitisation des cadres selon le niveau de revenu, de fonction et d'autonomie dans la gestion du temps de travail, alors que le projet de loi présenté par le Gouvernement se référait essentiellement à cette dernière notion, soumettant ainsi une grosse majorité des cadres au champ du forfait jours. Il a, en outre, annoncé que la CFE-CGC avait réalisé une enquête sur le stress au travail, qui avait obtenu 2.000 réponses, enquête qui révèle que 68 % des cadres souffrent de problèmes psychiques ou physiques et que 89 % souffrent du stress. Il a en outre déclaré que la CGC n'était pas initialement défavorable au principe du forfait jours, mais que celui-ci devait être mis en oeuvre de manière mesurée et ne pas nuire à la vie familiale, observant en outre que la généralisation de la classification des cadres en forfait jours avait été condamnée de manière réitérée par la jurisprudence, notamment aux dépens des entreprises Hachette, Renault et Aventis.

Concernant l'astreinte, il a estimé que le texte voté par l'Assemblée nationale s'opposait à une jurisprudence abondante sur le sujet, déplorant que, selon ce texte, l'absence d'intervention dans le temps d'astreinte assimilait ce dernier à du temps de repos.

Il a rappelé que, même sans intervention, le salarié sous astreinte ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles et donc bénéficier d'un véritable repos. Il a en conséquence vivement regretté que l'amendement de l'Assemblée nationale s'oppose brutalement à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Il a estimé que la sécurisation des accords risquait de favoriser la multiplication de signatures d'accords avant le vote définitif de la loi, accords se trouvant à la limite de la légalité.

Il a déclaré que la CFE-CGC était favorable à la monétarisation du compte épargne-temps, constatant qu'un certain nombre de cadres ne pouvaient prendre leurs jours de repos, mais sous la réserve expresse que des accords viennent préciser l'impossibilité de monétariser la totalité des jours. Il a, par ailleurs, souhaité que la gestion des comptes épargne-temps soit externalisée de l'entreprise et confiée à la branche ou au niveau interprofessionnel.

M. Louis Souvet, rapporteur , a fait part de ses réserves sur le sens d'une enquête relative au stress des cadres. Il a affirmé que, selon lui, la fonction d'encadrement générait, par essence, le stress. Concernant l'astreinte, il a observé que le texte du projet de loi reprenait celui de la circulaire Aubry du 3 mars 2000.

M. Jean-Marc Icard a rappelé que la loi Aubry I prévoyait une obligation d'embauche, que les entreprises avaient satisfaite en recrutant, de préférence, des non-cadres. Il a observé, en conséquence, que si le temps de travail des cadres avait été réduit, leur charge de travail avait consécutivement augmenté.

M. Jean Chérioux a rappelé que la jurisprudence de la Cour de cassation ne saurait, sous aucun prétexte, s'imposer au législateur qui, en l'espèce, s'inspirait du législateur précédent. Il a observé que l'astreinte n'était, ni du temps de repos, ni du temps de travail effectif, mais un temps de repos sous contraintes devant donner lieu à indemnisation.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que le ministre se prévalait d'un accord général avec les partenaires sociaux au-delà de quelques critiques convenues. Il a souhaité savoir si la CFE-CGC avait apporté son accord au projet de loi présenté.

M. Guy Fischer a demandé à M. Jean-Marc Icard de préciser l'appréciation de la CFE-CGC sur les dispositions du projet de loi relatives aux cadres, et notamment sur les amendements adoptés par l'Assemblée nationale. Il a souhaité savoir en quoi ce texte semblait plus ouvert et plus dangereux que la loi Aubry II et s'est interrogé sur les moyens de mieux cibler les cadres concernées par les forfaits jour.

Mme Gisèle Printz a demandé à M. Jean-Marc Icard si, selon les résultats de l'enquête conduite par la CFE-CGC, le stress au travail touchait davantage les femmes que les hommes.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Marc Icard a précisé que les dispositions du code du travail complétées par la jurisprudence relative à l'astreinte satisfaisaient pleinement la CFE-CGC. Il a ajouté qu'une négociation pour trouver un accord sur l'astreinte était envisageable mais que l'assimilation de cette dernière à du temps de repos demeurait inacceptable.

Il a déploré que cette modification batte en brèche la jurisprudence de la Cour de cassation du 10 juillet 2002.

Il a précisé que la CFE-CGC avait fait part de son désaccord sur plusieurs points du projet de loi, mais qu'elle ne rejetait pas le texte en bloc. Il a réitéré son regret qu'en restreignant la notion de cadre intégré, le projet de loi inclue une grosse partie des cadres dans la classification du forfait jours. Il a enfin indiqué que l'enquête conduite par sa confédération n'avait pas permis de discerner si les femmes-cadres étaient davantage victimes du stress que les hommes.

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