TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 6 novembre 2002, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Louis Lorrain sur la proposition de loi n° 33 (2002-2003) relative à la responsabilité civile médicale .

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. avant-propos).

M. Alain Vasselle a souhaité savoir si la France présentait un taux d'infections nosocomiales plus élevé que les autres pays européens. Il s'est interrogé sur le régime juridique de la responsabilité en matière d'infections nosocomiales.

M. Nicolas About, président , a expliqué que la loi du 4 mars 2002 instituait une présomption de responsabilité des établissements en cas d'infections nosocomiales. Il a souligné que la proposition de loi ne remettait pas en cause ce principe mais qu'elle opérait un partage de la charge de l'indemnisation entre les assureurs et la solidarité nationale. Il a fait valoir qu'en cas de faute établie, l'ONIAM conserverait la possibilité de se retourner contre l'établissement responsable et son assureur. Il a signalé la très grande difficulté à déterminer avec certitude l'origine d'une infection nosocomiale.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a indiqué que la loi du 4 mars 2002 n'avait fait qu'inscrire dans la loi la jurisprudence bien établie en matière d'infections nosocomiales. Il a précisé que seuls 3 % des sinistres débouchaient sur des taux d'incapacité permanente supérieurs à 25 %, seuil retenu par la proposition de loi, et auraient donc vocation à être indemnisés par la solidarité nationale. Il a souligné néanmoins que la proposition de loi incluait également, dans le champ de la solidarité nationale, l'indemnisation des décès dont le nombre apparaissait difficile à évaluer. Il a précisé qu'en matière d'infections nosocomiales la France se situait dans la moyenne européenne mais que les cas répertoriés étaient souvent plus graves que chez nos voisins en raison de la prévalence de bactéries multirésistantes.

M. Paul Blanc a félicité M. Nicolas About de l'initiative qu'il avait prise. Soulignant le nombre important de cliniques et de praticiens qui ne seraient plus couverts à compter du 1 er janvier 2003, il a considéré que l'on se trouvait aujourd'hui dans une impasse dont il convenait de sortir le plus rapidement possible. Il s'est enquis du calendrier prévisionnel d'examen de ce texte.

M. Nicolas About, président , a indiqué que la proposition de loi serait examinée par le Sénat le mardi 12 novembre à 16 heures. Rappelant qu'il avait déposé ce texte en étroite concertation avec le Gouvernement, il a souligné qu'il avait tenu néanmoins à se démarquer des propositions de ce dernier sur deux points essentiels : il avait ainsi choisi de retenir la notion de faute établie et non de faute lourde, contrairement à ce que suggérait le Gouvernement ; il avait également introduit un mécanisme d'information de l'ONIAM et du Parlement sur les infections nosocomiales indemnisées au titre de la présente loi, afin de maintenir une sorte « d'épée de Damoclès » sur les professionnels de santé. Il a ajouté que les agences régionales de l'hospitalisation seraient également informées de ces infections nosocomiales et qu'il leur appartiendrait de prendre les mesures nécessaires si ce type d'événement se multipliait dans certains établissements. Il a fait valoir qu'il avait souhaité que les infections nosocomiales fassent l'objet, non seulement d'une indemnisation, mais aussi d'un véritable suivi sanitaire.

M. Jean-Pierre Godefroy a considéré que les assureurs étaient en train de jouer le pire des jeux. Il a souligné que le retrait de certains d'entre eux du marché de l'assurance médicale avait été décidé bien avant la loi du 4 mars 2002 et avait pour conséquence la disparition de toute possibilité d'appel d'offres pour l'assurance d'un certain nombre d'hôpitaux publics. Il a fait observer que ceci aurait des répercussions dans les budgets des établissements. Il s'est interrogé sur le risque de déresponsabilisation que comportait la proposition de loi à partir du moment où certaines charges d'indemnisation étaient transférées à la solidarité nationale ainsi que sur le coût pour l'assurance maladie de cette modification de la loi du 4 mars 2002. Il a signalé que les primes d'assurances versées par les professionnels de santé ou les établissements avaient crû de 25 % et s'est demandé si le rêve des assureurs ne serait pas finalement d'assurer sans risque.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a considéré que ce texte n'était pas conçu pour plaire aux assureurs. Evoquant le départ de certaines compagnies d'assurances étrangères, il a fait observer que celles-ci ne reviendraient pas sur le marché de l'assurance médicale, quoique l'on fasse. Il a jugé que la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, n'était en rien à l'origine de ces retraits d'assureurs et que l'augmentation constatée du contentieux médical restait malgré tout limitée, ce qui tempérait les craintes exprimées par certains d'une judiciarisation « à l'américaine ». Il a considéré que l'augmentation des primes d'assurances demandées aux professionnels de santé devait être intégrée dans le cadre des négociations conventionnelles menées actuellement avec l'assurance maladie.

Il a rejeté l'idée d'une déresponsabilisation des praticiens et des établissements en faisant valoir la possibilité de recours dont disposerait l'ONIAM en cas de faute établie à l'origine de l'infection nosocomiale.

M. Michel Esneu s'est dit surpris de la réaction des assureurs qui annonçaient ainsi brutalement leur départ du marché de la responsabilité civile médicale. Evoquant les infections nosocomiales, il s'est demandé s'il ne serait pas nécessaire, dans un souci de prévention, de limiter le nombre de visiteurs dans les hôpitaux car ceux-ci étaient à l'évidence porteurs de germes.

M. Nicolas About, président , a rappelé que les hôpitaux s'organisaient autrefois autour de pavillons consacrés chacun à des pathologies spécifiques. Il a souligné qu'aucun enfant n'était admis dans les maternités il y a encore vingt ans, ce qui n'était plus le cas aujourd'hui. Il s'est étonné de cette diminution de la vigilance et s'est demandé s'il ne conviendrait pas de réfléchir à une réglementation des visites plus adaptée, qui permette de préserver à la fois les malades et les visiteurs. Evoquant l'augmentation considérable des primes d'assurances demandées à certains établissements de santé, il a indiqué que le Gouvernement entendait déposer un amendement exonérant de l'obligation d'assurance l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), les Hospices civils de Lyon et l'Assistance publique de Marseille, qui redeviendraient ainsi leur propre assureur.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a précisé que l'on ne connaissait pas véritablement le nombre d'infections nosocomiales dans notre pays et que le chiffre souvent avancé de 800.000 cas par an était sans doute très approximatif.

M. André Lardeux a dit partager les objectifs de la proposition de loi ; il s'est demandé si elle suffirait à faire revenir les assureurs sur ce marché alors que la société tout entière semblait atteinte d'une folie procédurière.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a fait valoir que le risque zéro n'existait pas en matière médicale. Il a souligné que le développement du contentieux ne concernait, en pratique, que certaines spécialités « à risques » où les praticiens hésitaient désormais à pratiquer certains actes, telles les échographies foetales. Il a jugé qu'il convenait probablement d'aller dans le sens d'une plus grande mutualisation des risques entre les différentes spécialités médicales.

M. Nicolas About, président , a considéré que les assureurs qui avaient quitté le marché de la responsabilité civile médicale ne reviendraient vraisemblablement pas. Il a jugé qu'il convenait cependant d'assurer la survie des assureurs mutualistes spécialisés (Sou médical, MACSF...), indispensables au bon fonctionnement de l'assurance médicale.

M. Guy Fischer s'est dit très réservé sur la proposition de loi, qu'il a qualifiée de compromis. Citant l'exemple de sa ville qui n'était plus assurée, il a souligné la nécessité de répondre à la situation ainsi créée. Il a jugé très condamnable la position des compagnies d'assurances, qui souhaitaient encaisser les primes sans assumer les risques, et a dénoncé le chantage qu'elles exerçaient aujourd'hui sur les professionnels de santé.

M. Nicolas About, président , a expliqué que la proposition de loi ne remettait pas en cause les dispositions de la loi Kouchner qui prévoyaient une responsabilité des établissements en cas d'infections nosocomiales, même en l'absence de faute. Il a souligné que l'on aménageait simplement le mécanisme d'indemnisation afin de mieux partager, dans un souci de juste équilibre, la charge financière entre les assureurs et la solidarité nationale.

M. Alain Vasselle a souhaité obtenir des précisions sur la proposition du rapporteur de prévoir dans les recettes de l'ONIAM une dotation versée par l'Etat. Il a demandé si l'obligation de s'assurer était effectivement maintenue pour les professionnels et les établissements de santé.

M. Gilbert Chabroux s'est dit préoccupé par le problème que soulevait le départ de certains assureurs médicaux. Il a fait part de sa perplexité quant à l'évolution réelle du nombre des contentieux ; il a souligné que les chiffres ne reflétaient pas « l'explosion » avancée par certains assureurs. Il a regretté que l'on remette en question la loi Kouchner, qui avait recueilli l'unanimité, en cédant ainsi à la pression des assureurs. Il s'est demandé si la proposition de loi ne préfigurait pas l'évolution de la sécurité sociale telle que la préconisait M. Jacques Barrot, avec la prise en charge des gros risques par la solidarité nationale et celle des petits risques par les assureurs privés. Il a dit partager la préoccupation de l'auteur et du rapporteur de la proposition de loi mais a fait part de ses hésitations sur le texte proposé.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a indiqué que l'ajout qu'il proposait s'agissant des recettes de l'ONIAM visait uniquement à permettre à l'Etat de rembourser à l'Office les sommes que celui-ci verserait au titre de l'indemnisation des accidents vaccinaux. Il a rappelé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 prévoyait une dotation de 70 millions d'euros pour l'ONIAM en 2002 et en 2003.

Il a souligné que la proposition de loi maintenait naturellement l'obligation d'assurance pour les professionnels et établissements de santé, obligation qui ne pourrait entrer en vigueur qu'à compter de l'installation du Bureau central de tarification. Il a considéré qu'il n'était pas question de se déjuger sur la loi du 4 mars 2002 mais qu'il fallait aussi entendre le désarroi exprimé par les professionnels de santé. Il a fait valoir que la loi Kouchner constituait un progrès notable en ce qu'elle permettait l'indemnisation de l'aléa thérapeutique et la mise en place de véritables structures de conciliation. Il a souligné la nécessité d'un véritable débat afin de faire prendre conscience à l'opinion publique que l'aléa médical existait et qu'il n'était pas possible de tout dépister.

Puis la commission a adopté les propositions du rapporteur qui constituent les conclusions de la commission sur la proposition de loi.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page