II. LES SOINS DE VILLE : DIALOGUER ET RESPONSABILISER

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, votre rapporteur s'était ému de la dégradation très sensible des relations entre les pouvoirs publics et l'ensemble des professionnels de santé et de la multiplication des mouvements revendicatifs au sein du monde de la santé.

Il avait constaté, pour le regretter, que la politique gouvernementale avait abouti à un blocage durable des relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé libéraux.

Il se félicite par conséquent que l'examen du présent projet de loi intervienne dans un contexte nouveau, marqué par la reprise du dialogue entre les différents partenaires. Le climat a indéniablement changé et chacun peut s'en réjouir.

A. UN DIALOGUE RENOUÉ AVEC LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Le Gouvernement précédent a fait preuve de beaucoup de mépris et d'indifférence dans ses relations avec les professionnels de santé, qui connaissent pourtant depuis quelques années une crise matérielle et morale profonde. Le conflit sans fin avec les médecins généralistes et le choix d'un « pourrissement » de la situation ont été assez révélateurs d'une méthode qui faisait peu de cas de l'intérêt général.

Dès son arrivée dans ses nouvelles fonctions, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes âgées, s'est attaché à rencontrer les organisations syndicales représentatives et à renouer le contact avec les partenaires sociaux, notamment les membres du conseil d'administration de la CNAMTS.

Il a fortement incité les acteurs à redonner vie à la politique conventionnelle et à signer des accords qui ont permis de mettre fin à une situation de blocage préjudiciable à tous.

1. L'accord « fondateur » du 5 juin 2002 signé avec les médecins généralistes

La reprise du dialogue entre le Gouvernement, les médecins généralistes et l'assurance maladie a débouché sur la signature d'un accord conventionnel le 5 juin 2002, accord qualifié de « fondateur » par le ministre de la santé.

Cet accord apparaît très symbolique de la démarche qu'entend désormais adopter le Gouvernement dans ses relations avec les professionnels de santé. Prenant acte de l'échec du dispositif de lettres-clés flottantes dans notre pays, le Gouvernement a pris la décision de « tourner la page de la régulation comptable au profit d'une maîtrise médicalisée qui fait le choix de la confiance ».

Cette confiance, qui témoigne d'un changement d'attitude radical de la part des pouvoirs publics, a trouvé sa traduction concrète dans les dispositions de l'accord signé le 5 juin.

Il faut rappeler que la revalorisation du statut des généralistes s'est effectuée en deux étapes conventionnelles.

Un premier accord a été conclu, sous l'égide du précédent Gouvernement, le 24 janvier 2002 entre les généralistes et les caisses nationales d'assurance maladie.

Ce protocole d'accord baptisé « contrat de progrès », devenu l'avenant n° 8 à la convention des généralistes, a conduit notamment à revaloriser le tarif de la consultation (dit « le C ») de 17,53 euros à 18,50 euros à compter du 1 er février 2002, à créer une consultation dite « approfondie » concernant les patients atteints d'affection de longue durée et à renforcer les incitations à l'installation dans certaines zones.

Cet accord s'est avéré insuffisant à désamorcer le conflit opposant les médecins généralistes aux pouvoirs publics.

Un deuxième accord est alors intervenu le 5 juin 2002 , sous l'égide du nouveau Gouvernement.

Ce protocole a augmenté le tarif du « C » à 20 euros et a modifié la tarification des indemnités de déplacement des visites. Cette dernière réforme, qui a fait ultérieurement l'objet d'un accord de bon usage de soins (acBUS) signé le 1 er juillet, est entrée en vigueur le 1 er octobre. Le protocole contient en contrepartie des engagements chiffrés en termes de prescription en dénomination commune internationale (DCI) et de médicaments génériques.

Une annexe à l'accord comporte un accord de bon usage de soins relatif à l'utilisation des tests de diagnostic rapide d'angine. Les signataires s'engagent à conclure d'autres acBUS ou contrats de bonne pratique sur d'autres thèmes, notamment sur la prise en charge des conduites addictives ou la prescription de médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant. Les dispositions du protocole ont été intégrées à la convention sous la forme de l'avenant n°10, signé le 14 juin.

Le financement de l'accord repose en partie sur les économies résultant de l'augmentation de la délivrance de médicaments génériques et sur la diminution escomptée du nombre de visites.

La réforme de la tarification de la visite des médecins généralistes prévoit en effet que le tarif du « V » peut atteindre 30 euros à la condition que les visites soient médicalement justifiées. Seules ces visites permettront à l'assuré de bénéficier du remboursement de la majoration de déplacement (MD) de 10 euros ; un référentiel de soins à domicile défini conventionnellement permet aux médecins d'apprécier le caractère médicalement justifié de la visite.

Comme l'a souligné M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la CNAMTS, lors de son audition par votre commission, le 29 octobre, l'accord du 5 juin est remarquable car, pour la première fois, les médecins généralistes ont accepté la notion de contrepartie en s'engageant à prescrire davantage de génériques en échange d'une revalorisation des honoraires.

C'est, à l'évidence, un progrès réel et l'amorce d'une dynamique nouvelle.

Les conséquences financières en année pleine de l'accord du 5 juin sont estimées de la façon suivante :

- revalorisation de la consultation : 337 millions d'euros, dont 249 à la charge des régimes de base ;

- revalorisation de la visite : 175 millions d'euros, dont 135 à la charge des régimes de base ;

- rémunération de l'astreinte dans le cadre de la permanence des soins : 15 millions d'euros à la charge des régimes de base ;

- prescription en DCI : économies de 260 millions d'euros ;

- mise à disposition du test de diagnostic d'angine : économies de 100 millions d'euros.

Les économies attendues sont simplement évaluatives : elles dépendent naturellement de la façon dont les contreparties (prescription en DCI et modification des conditions de remboursement de la visite) sont appliquées par les médecins généralistes.

Les éléments qui ont pu être fournis à votre rapporteur à l'occasion de ses auditions ou des auditions de la commission permettent être optimistes. Tous les acteurs s'accordent à reconnaître un véritable changement de comportement : les médecins « jouent le jeu », les prescriptions en DCI ont véritablement bondi, les génériques sont passés, selon les chiffres de la CNAMTS, de 7,3 % du marché en mai à 8,8 % en août ; enfin, le nombre de visites semble se réduire déjà significativement.

Une démarche similaire a été retenue dans le cas de l'accord entre l'assurance maladie et les organisations représentatives des pédiatres libéraux, conclu en juillet 2002, qui prévoit également un accord de bonne pratique et de bon usage des soins sur les consultations et les visites spécifiques. Cet acBUS a été publié au Journal officiel du 2 août 2002.

Ce protocole a pour objet de majorer les consultations spécifiques réalisées en cabinet et certains types de visites. Une majoration forfaitaire s'ajoute dans certains cas à la consultation ou à la visite. Les praticiens s'engagent en contrepartie à libeller leurs prescriptions en dénomination commune ou en génériques et à intégrer dans leurs pratiques les références professionnelles et recommandations élaborées par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Ils doivent tenir à la disposition des caisses et du service médical les éléments attestant le respect de ces engagements.

2. Le respect par le Gouvernement des engagements figurant dans les accords conventionnels

Le précédent Gouvernement avait pour pratique de ne pas honorer les engagements signés dans des accords conventionnels qu'il avait pourtant agréés ou approuvés. Cette pratique conduisait à une décrédibilisation de l'Etat et du processus conventionnel et se traduisait in fine par une forte démotivation des professionnels concernés et de leurs organisations représentatives.

Afin de restaurer la confiance des professionnels de santé, M. Mattei a souhaité honorer les engagements de l'Etat qui avaient été contractés par le précédent gouvernement, et ce malgré leur coût pour l'assurance maladie.

Le ministre de la santé a ainsi approuvé une série de revalorisations tarifaires issues d'accords conventionnels antérieurs à sa prise de fonctions :

- revalorisation des actes infirmiers suite à un accord signé le 15 février 2002 entre les trois caisses nationales et une organisation représentative. L'accord prévoit une revalorisation des honoraires de 10 % en moyenne (coût : 0,3 % des soins de ville) ;

- revalorisation de certains actes de radiothérapie ;

- augmentation de la valeur de la lettre-clef AMK de 1,98 euros à 2,04 euros, pour les masseurs (coût : 0,1 % des soins de ville) ;

- revalorisation de la profession d'orthoptiste en matière de bilans, de rééducation et d'enregistrement ;

- modification de la nomenclature des actes de biologie médicale et revalorisation de la lettre-clé des laboratoires d'analyses médicales (coût : 0,1 % des soins de ville) ;

- revalorisation des forfaits pour les transporteurs sanitaires (coût : 0,1 % des soins de ville).

Ces mesures indispensables, qui résultaient généralement d'engagements pris par le précédent gouvernement, ont eu un impact non négligeable sur la forte progression des dépenses de soins de ville et donc de l'ONDAM en 2002.

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