2. S'appuyer sur un complément de capitalisation suppose quelques avancées

a) Le système par répartition est déjà complété de nombreux produits par capitalisation

Le système de retraite français, à l'instar des autres pays européens, est construit sur trois piliers.

Le premier pilier est celui des régimes de retraites obligatoires par répartition qui sont, en France, gérés par l'Etat, la sécurité sociale ou par des caisses professionnelles autonomes, et, depuis leur rattachement au règlement 1408/71, les régimes complémentaires obligatoires AGIRC et ARRCO ;

Le deuxième pilier se met en place dans le cadre professionnel. C'est là que se trouvent les fonds de pension existants, qui constituent « le troisième étage » de la retraite en supplément du régime de base et des régimes complémentaires. Ils bénéficient de régimes fiscaux particuliers et obéissent aux systèmes prudentiels relevant du code des assurances, du code de la sécurité sociale ou du code de la mutualité. Il est possible d'ajouter à ce système l'épargne salariale et certains régimes supplémentaires obligatoires ;

Le troisième pilier relève de la décision individuelle et constitue tous les produits d'épargne longue, fiscalement bonifiés, à la disposition des ménages (PEA, assurance-vie, etc.).

Répartition en France des trois piliers
selon leur participation au financement de la retraite

premier pilier

deuxième pilier

troisième pilier

87 %

4 %

9%

Source : AFPEN

b) L'accès de tous aux possibilités offertes par le deuxième pilier reste inégalitaire, souvent par manque de lisibilité

Contrairement à ce qui est fréquemment affirmé, les salariés du secteur privé disposent souvent de produits de retraite par capitalisation organisés au sein de leur milieu professionnel. Ils bénéficient notamment des prestations de régimes supplémentaires de retraite obéissant aux articles 39, 82 et 83 du code général des impôts, et relevant du code des assurances.

Certaines entreprises comme Pechiney ou la Lyonnaise des Eaux disposaient de régimes supplémentaires. La loi Veil 13 ( * ) du 8 août 1994 a imposé une séparation entre les régimes par répartition gérés par des institutions de retraites complémentaires (IRC) et les régimes par capitalisation gérés par des institutions de prévoyance (IRP). Cette loi a reconnu les régimes d'entreprise existants en les définissant comme des institutions de retraites supplémentaires (IRS) et leur a imposé de provisionner l'ensemble de leurs engagements. Beaucoup d'entreprises ont alors préféré fermer leur régime historique, surtout lorsqu'il s'agissait de régimes à prestations définies, pour créer une institution de prévoyance. Ainsi la Caisse d'épargne, IBM ou Elf ont mis en place de telles institutions.

Certaines professions, en clôturant leur régime de retraite issu de l'histoire, disposaient d'un surplus de cotisations. Plutôt que de supprimer ces dernières, elles ont alors préféré créer de nouveaux régimes, véritables fonds de pension de la profession : c'est le cas des assurances avec leur organisme BCAC, ou de l'Edition qui a eu recours à l'institution de prévoyance du groupe Mederic. Depuis 1997, les 250.000 salariés des organismes agricoles regroupés au sein d'AGRICA disposent d'un fonds de pension géré par CCPMA, l'une des trois institutions de prévoyance du groupe. Les dispositions de l'article 83 bénéficient également aux professions bancaires (Société Générale, Banques Populaires ou CCF).

Les non-salariés, exploitants agricoles, artisans, commerçants et élus locaux disposent également d'une gamme de régimes spéciaux comportant de larges possibilités de déductions fiscales.

Les contrats Madelin sont destinés aux professions libérales et obéissent à la loi n° 94-126 du 11 février 1994 sur l'initiative individuelle. Ils impliquent l'adhésion d'au moins 1.000 membres ; des professions se sont ouvertes aux contrats Madelin, comme les chirurgiens-dentistes.

Le régime des commerçants ORGANIC et artisans CANCAVA dispose d'un volet supplémentaire obligatoire ou facultatif fonctionnant en répartition provisionnée. Dans les faits, ce sont de quasi-fonds de pension.

La MSA avait le monopole de l'offre de retraite supplémentaire des exploitants agricoles avec COREVA. Ce monopole a été perdu suite au jugement de la CJCE du 16 novembre 1995. Les élus locaux disposent de FONPEL et CAREL.

Les fonctionnaires disposent pour leur part du CREF et de PREFON, ce dernier ayant une vocation très large puisqu'il concerne non seulement les fonctionnaires en activité mais également les anciens fonctionnaires et leurs conjoints.

Au total, on ne peut, en aucun cas, parler d'absence de fonds de pension -ou leur équivalent- en France pas plus que de monopole catégoriel. La critique de la PREFON, souvent dénoncée comme un avantage des fonctionnaires sur les salariés du privé, n'est de ce point de vue guère fondée.

Les régimes du deuxième pilier sont toutefois caractérisés par leur grand émiettement entre professions. Ils reprennent en effet la segmentation des régimes de retraite de base entre salariés, non-salariés et secteur public mais également à l'intérieur de ces catégories.

Il faut en revanche parler d'inégalité entre salariés du secteur privé devant ces produits, certains y ayant accès, d'autres non, parce qu'ils travaillent au sein d'un secteur n'ayant pas de produits de branche ou de groupe, au sein de petites entreprises qui n'ont ni les moyens financiers ni les capacités techniques de mettre en oeuvre les dispositions que le système légal existant, fort complexe, leur ouvre.

Renforcer le poids du deuxième pilier suppose d'avancer vers l'unification des règles régissant les fonds de pension en permettant la mise en place d'un accès pour tous les salariés. Une telle avancée suppose que des consensus soient définis sur l'environnement de ces régimes supplémentaires et notamment la participation des syndicats : c'est là tout l'enjeu des fonds de pension à la française.

* 13 Loi n° 94-679.

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