D. DÉPLOYER LE FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES

1. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 entérine le retard sur le plan de financement initial

Pour 2003, le présent projet de loi prévoit l'alimentation du fonds de réserve des retraites hors produits financiers, à hauteur de 3,4 milliards d'euros, en recul de 35 % par rapport à 2002, et en léger recul par rapport à 2001.

Les comptes du fonds de réserve

1999

2000

2001

2002p

2003p

RECETTES

CSSS

304,9

Excédent FSV (N-1)

286,6

0

0

Excédent CNAVTS (N-1)

767,4

483,5

1.518,3

1.652,9

Prélèvement de 2 % sur les revenus du capital

890,0

971,9

1.248,7

1.277,3

Caisses d'épargne

718,2

718,2

718

492,5

Versement CDC

457,3

UMTS

1.238,5

619,2

Recettes des privatisations

1.240,0

Contribution de 8,2 % sur la part de l'abondement de l'employeur au PPESV, supérieure à 2.300 euros

Sommes issues de l'application du titre IV du livre IV du code du travail et reçues par la CDC au terme du délai de prescription

Réserves de la CPS de Mayotte

75,0

Total recettes hors produits financiers

304,9

2.832,9

3.698,7

5.344,3

3.497,6

Intérêts des placements

1,5

33,1

163,3

230

503,3

Produits sur cessions de titres

5,0

Total recettes

306,4

2.866

3.862

5.579,3

4.000,9

DÉPENSES

Frais de gestion administrative

2,0

5,0

Fiscalité

0,1

3,4

15,7

-

Charges sur cessions de titres

6,2

3,7

Total dépenses

0,1

3,4

21,9

5,7

5,0

Résultat année N

306,2

2.862,7

3.840,1

5.573,6

4.995,9

Cumul au 31/12/N

306,2

3.168,9

7.009,0

12.582,7

16.578,6

Source : FSV-PLFSS

p : prévisionnel

Cette année, le fonds bénéficiera d'une nouvelle recette exceptionnelle puisque l'ordonnance n° 2002-411 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte du 27 mars 2002 a prévu le versement des réserves de la Caisse de prévoyance sociale de Mayotte constituées avec les excédents des exercices antérieurs au 1 er janvier 2003. Ces sommes ne devraient pas dépasser 75 millions d'euros.

Hormis la soulte du produit de la cession des parts de caisses d'épargne, l'excédent n-1 de la CNAVTS et la fraction du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital qu'il perçoit, le fonds de réserve n'aura pas d'autres recettes en 2003. Il atteindra, si ces prévisions se réalisent, un total cumulé de 16,5 milliards d'euros.

Que représente cette somme au regard du plan de financement initialement présenté et devant conduire à l'accumulation des 152 milliards d'euros (1.000 milliards de francs) en 2020 ?

Répartition prévisionnelle des sommes
constituant les « 1.000 milliards »

(convertie en euros)

Capital

102

Produits financiers

50

TOTAL

152

Source : commission des Affaires sociales

Ce plan de financement prévoyait le versement sur vingt ans d'un apport de fonds de 102 milliards d'euros, ces derniers produisant sur la période 50 milliards d'euros de produits financiers. Une telle accumulation de capital supposait donc un versement annuel compris entre 4,5 et 5,5 milliards d'euros. Or, hormis en 2002, aucun des quatre premiers exercices du fonds de réserves n'a permis de réunir une telle somme.

Disposant de 16,5 milliards d'euros en caisse, le fonds de réserve aura, fin 2003, entériné un retard d'une année sur le projet initial.

Suite à une mission d'information menée par la commission des Affaires sociales, le premier plan de financement a été démenti par le Gouvernement d'alors et remplacé par un nouveau plan présenté devant le conseil d'orientation des retraites le 2 mai 2001.

Comparaison entre les deux projections des 21 mars 2000 et 2 mai 2001

(en milliards d'euros)

Premier ministre 21 mars 2000

Conseil d'orientation des retraites 2 mai 2001

Différence

Excédents CNAVTS

15,0

4,5

- 10,5

Excédents C3S FSV

61,0

99,0

+ 38,0

2 % patrimoine

23,0

24,5

+ 1,5

Caisse d'épargne et CDC

3,0

3,0

-

Sous-Total

102,0

131,0

+ 29,0

Produits financiers

50 ,0

48,0

- 1,5

TOTAL

152 ,0

179,0

+ 27,5

Source : commission des Affaires sociales

Majorée de près de 30 milliards d'euros dans son objectif final, cette nouvelle version accroissait encore l'importance de la contribution des excédents du FSV et de la C3S.

L'évolution des recettes du fonds de réserve depuis trois années met en évidence l'absence de plan de financement cohérent. Alors même qu'elles devaient fournir près de 55 %, ces ressources ne correspondront fin 2003 qu'à moins de 3,5 % des sommes en caisse.

Cette réalité illustre les difficultés rencontrées chaque année pour l'abondement du fonds, en l'absence de ressources véritablement pérennes. Les perspectives démographiques rendent le versement d'un excédent de la CNAVTS très incertain pour 2005. La plupart des autres ressources -licences UMTS, don de la Caisse des dépôts et consignations, parts sociales de caisses d'épargne- exceptionnelles dans leur nature, ont permis un temps d'entretenir l'illusion qu'un véritable effort de réserve était à l'oeuvre.

Le fonds de réserve a jusqu'à présent constitué une sorte de tirelire où le gouvernement précédent versait une contribution pour témoigner qu'il préparait l'avenir.

Il ne peut être reproché au présent Gouvernement de ne pouvoir en un an construire un plan cohérent qui transforme ce qui n'était qu'un discours en échéance.

Votre rapporteur se contentera néanmoins de regretter que, par ricochet, la réforme de la compensation qui se traduit par un gain net pour l'Etat, minore l'excédent de la CNAVTS versé au fonds de réserve sans qu'une ressource de substitution n'ait pu, au titre de 2003, être dégagée. En effet, par une lettre adressée au directeur du budget en date du 26 septembre 2002, M. le Président de la commission de compensation a rappelé que la mesure obérait « gravement les résultats de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), et qu'elle affectera donc le montant des versements annuels revenant au fonds de réserve ».

Par sa réponse en date du 2 octobre 2002, la direction du budget affirme que « l'impact sur le Fonds de réserve des retraites doit ainsi être nuancé, dès lors que la mesure bénéficiant à l'ORGANIC et à la CANCAVA permettra d'augmenter les excédents du compte de la C3S, qui peuvent être potentiellement affectés au Fonds de réserve des retraites ».

Votre rapporteur ne saisit pas la teneur de la réponse formulée par la direction du budget : de fait, l'économie de C3S a été réaffectée au BAPSA par le projet de loi de finances pour 2003. L'annexe f) du présent projet de loi, dans sa récapitulation des sommes versées au Fonds de réserve, précise, pour sa part, l'absence de versement au fonds de toute fraction de C3S en 2003.

2. L'établissement public se met enfin en place

Longtemps attendus, les principes de gestion à long terme du fonds de réserve des retraites ont été posés par l'article 6 de la loi du 17 juillet 2001. Ce texte prévoit en effet que le Fonds de réserve est doté :

- d'un organe de gestion dual comprenant un directoire composé de trois membres dont le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et d'un conseil de surveillance de 20 membres ;

- le directoire propose les grandes orientations de placement au Conseil de surveillance qui les arrête ;

- le directoire prépare ensuite les cahiers des charges accompagnant les appels d'offres en vue de sélectionner les gestionnaires des fonds ;

- la Caisse des dépôts et consignations est chargée de la gestion administrative.

Le contenu des décrets d'application, notamment le décret en Conseil d'Etat du 19 décembre 2001, a retenu une acception très large de cette dernière notion.

En plus de la gestion administrative stricto sensu , la Caisse des dépôts se voit confier la mission de préparer une stratégie d'investissement et les appels d'offre, la conservation des titres, le contrôle des gérants ainsi que la gestion de la trésorerie résiduelle. In fine , seules les fonctions d'opérations de marché feront l'objet d'une délégation par appel d'offre.

Il semble qu'une telle extension de la notion de gestion administrative n'allait pas de soi, et qu'elle fut, ainsi qu'en témoignent le compte rendu de son Comité de surveillance, l'objet d'une négociation entre la Caisse des dépôts et consignations et les services compétents.


Extrait du compte rendu de la commission de surveillance
de la Caisse des dépôts et consignations du 4 décembre 2001

M. Constantin fait observer que le projet de décret en Conseil d'Etat soumis à l'avis de la commission de surveillance appelle les remarques suivantes. D'une part, dans le texte, certains éléments, essentiels à la Caisse des dépôts, dans l'exercice de ses responsabilités, n'apparaissent pas dans la liste des prestations en gestion administrative :

- la tenue du compte bancaire ;

- la gestion de la trésorerie du FRR nécessaire pour accueillir les recettes à gérer de manière transitoire avant que les gestionnaires financiers soient retenus par appel d'offres et pour payer les frais de gestion financiers aux gérants sans que cette somme soit prélevée sur les actifs qu'ils gèrent ;

- le contrôle de l'exécution des mandats qui comprend le suivi des portefeuilles des gérants et la mesure de performance mais aussi le respect des autres obligations qui figureront dans les mandats de gestion.

(...)

Diverses solutions ont été examinées avec la direction du Trésor pour lever ces difficultés :

- la tenue de compte bancaire relève de la responsabilité de l'agent comptable qui pourra la déléguer.

Une lettre du ministre de l'économie semble suffisante pour confier cette tenue de compte à la Caisse des dépôts ;

- la gestion de trésorerie pourrait certes être ajoutée au projet de décret dans l'énumération des prestations en gestion administrative. Les modalités d'une délégation relèvent en tout état de cause de l'ordonnateur, en l'occurrence le président du directoire du Fonds de réserve ;

- la fonction de contrôle de l'exécution des mandats peut être incluse dans la fonction de « suivi des portefeuilles » mais il semble plus pertinent de regrouper « le suivi des portefeuilles » et « la mesure de la performance » sous une seule prestation « le contrôle de l'exécution des mandats ».

Source : Rapport 2001 au Parlement, annexes p. 125-126.

Quoi qu'il en soit, la mise en place de l'établissement public se trouve différée pour plusieurs raisons :

- les échéances politiques n'ont pas permis la nomination des membres du Conseil de surveillance avant l'arrêté du 23 octobre 2002. La réunion de ce conseil subordonnant la nomination des membres du directoire, le fonds se trouve encore aujourd'hui dépourvu d'organes dirigeants ;

- la mise en place de la gestion administrative suppose la signature de deux conventions entre le fonds de réserve et la Caisse des dépôts et consignations, l'une afin d'organiser les modalités de la gestion administrative, l'autre afin de procéder au transfert des fonds vers la Caisse. La Caisse a déjà mis en place une équipe d'une vingtaine de personnes dédiée à la gestion administrative du fonds, et préparé des scénarii stratégiques d'allocation d'actifs.

Depuis le 30 juin 2002, date à laquelle le Fonds de solidarité vieillesse devait céder la gestion du fonds, les avoirs de ce dernier sont consignés auprès de l'agent comptable du Trésor.

D'après les calendriers prévisionnels de la Caisse, le démarrage devrait débuter en janvier 2003 et l'attribution des premiers mandats de gestion avoir lieu en septembre.

Deux questions importantes demeurent néanmoins en suspens et sans doute serait-il souhaitable que celles-ci soient abordées rapidement. Il s'agit, d'une part, de prévoir les règles relatives à la gestion des droits de vote détenus par le fonds dès lors qu'il sera propriétaire de titres et, d'autre part, de préciser le contenu de la notion de contrôle des mandats de gestion que la Caisse, au nom du fonds, semble aujourd'hui en devoir d'exercer.

Fort du principe que « la confiance n'exclut pas le contrôle » , votre rapporteur, qui représente le Sénat au sein du Conseil de surveillance, entend s'assurer que ces points seront rapidement clarifiés.

Aux marches de la loi de financement,
l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA)

L'APA située en « no man's land » du contrôle parlementaire ?

L'APA est une prestation financée par les départements avec « le concours de la solidarité nationale » visant à apporter une aide aux personnes âgées dépendantes. En effet, les conditions d'ouverture de cette prestation, plus généreuses que celles des prestations antérieures, justifiait qu'un concours financier aux département soit apporté.

C'est sur les fonds de la sécurité sociale que ces montants ont été prélevés : 0,1 point de CSG a été retiré au FSV (900 millions d'euros). Les régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse versent, pour leur part, une contribution se montant à 50 % des sommes consacrées par ces régimes en 2000 aux dépenses d'aide ménagère à domicile, au bénéfice des personnes âgées remplissant les conditions d'accès à l'APA (60 millions d'euros).

Ce concours est réparti selon des critères de péréquation par un fonds ad hoc , le Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (FFAPA), lui-même géré par le FSV.

Le financement de l'APA via ce fonds pose une redoutable difficulté au regard du champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Si l'APA n'est pas a priori une dépense des régimes de base, le FFAPA n'étant pas un organisme concourant au financement de ces régimes, les dispositions relatives à l'APA n'ont alors pas leur place en loi de financement de la sécurité sociale. Mais le FFAPA ne bénéficiant d'aucun concours de l'Etat, il ne se trouve pas davantage soumis au contrôle des rapporteurs spéciaux de la loi de finances.

Deux éléments viennent néanmoins contredire cette analyse :

- une partie de l'APA, certes infime, est financée grâce à un prélèvement obligatoire sur les caisses de base d'assurance vieillesse, et figure donc normalement, pour cette partie, dans l'agrégat de dépense de la branche vieillesse.

- saisi d'une disposition relative à l'APA lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, le Conseil constitutionnel a fait prévaloir le fond sur la forme, en validant un paragraphe rétablissant le principe d'égalité entre certains bénéficiaires de la prestation;

Une situation financière préoccupante

Sans doute la situation de l'APA appelle-t-elle des éclaircissements d'autant plus que la situation financière que cette prestation génère est à bien des égards préoccupante.

Ecart entre la prévision initiale et les prévisions corrigées

Prévisions initiales

Prévisions DRESS (septembre 2002)

Prévisions ODAS (juillet 2002)

fin 2002

2003

2004

fin 2002

2003

2004

fin 2002

2003

2004

bénéficiaires de l'APA

entre 500.000 et 550.000

entre 500.000 et 550.000

800.000

entre 664.000 et 678.000

entre 770.000 et 879.000

N.C

783.000

980.000

N.C

Coût en milliards d'euros

entre 2,2 et 2,5

entre 2,2 et 2,5

3,6

entre 1,6 et 2,8

3,8

N.C

2,2

4,04

N.C

Source : Commission des Affaires sociales, N.C : non communiqués

En 2002, il existe un écart, parfois très important en termes de bénéficiaires mais le coût de la prestation devrait rester conforme aux prévisions initiales.

Le véritable écart se creuse en 2003. Alors qu'une stabilité du nombre de bénéficiaires avait été attendu, et donc, par là, une stabilité du coût de l'APA, les deux études nouvelles estiment le dépassement entre 200.000 et 400.000 bénéficiaires et, en termes financiers, à un surcoût compris entre 1,3 et 1,5 milliard d'euros. Il est d'ores et déjà acquis que l'année 2003 ne sera pas l'année de transition sur laquelle le Gouvernement d'alors avait compté pour trouver un « financement du régime de croisière de l'APA », attendu pour 2004-2005. L'échéance est plus rapide (un an d'avance) et plus brutale puisque le nombre de bénéficiaires et le coût sont supérieurs tous deux aux prévisions établies alors pour le régime de croisière lui-même.

L'APA pose désormais une difficulté considérable pour les pouvoirs publics au premier rang desquels figurent les départements. Ainsi que le souligne le tableau ci-dessous, la mise en oeuvre de l'APA reposait dès l'origine sur un effort accru des collectivités départementales. Cet effort était prévu et indépendant de tout dérapage financier. De nombreux conseils généraux ont augmenté leur fiscalité pour faire face à la charge nouvelle, estimée, en 2002, à plus de 880 millions d'euros.

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