2. Les charges non compensées

L'appréciation de l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités locales doit être appréciée au regard de celle des dépenses décidées par l'Etat et mises à la charge des collectivités locales.

La marge de manoeuvre de l'Etat pour imposer de telles charges devrait être restreinte lorsque les dispositions du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République seront entrées en vigueur. Le texte issu de la discussion au Sénat dispose que « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles disposent librement dans les conditions fixées par la loi ». Si cette disposition devait entrer en vigueur à rédaction inchangée, il résulterait que le juge constitutionnel serait désormais amené à fixer un seuil de dépenses imposées par l'Etat au delà duquel le législateur ne serait aller.

A l'occasion du débat sur les recettes des collectivités locales tenu au Sénat le 26 novembre 2002, le ministre du budget a annoncé qu'il souhaitait que le gouvernement, qui ne dispose pas des marges de manoeuvre financières permettant d'accroître de manière importante les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, cesse en contrepartie de transférer aux collectivités locales des charges correspondant à des dépenses décidées par l'Etat.

En 2003, l'évolution de quatre postes de dépenses doit être examinée avec une attention particulière :

- l'évolution des contributions des collectivités locales au financement des SDIS.

Entre 2001 et 2002, leur montant a cru de 272 millions d'euros, soit l'équivalent du tiers de l'augmentation totale du montant de la DGF entre 2001 et 2002. Pour les départements, l'augmentation des contributions aux SDIS a augmenté de 155 millions d'euros entre 2001 et 2002, tandis que la DGF des départements progressait de 120 millions d'euros.

Depuis 1997, ce sont les communes et les EPCI qui ont principalement assumé la charge croissante du coût des services d'incendie et de secours mais, depuis 2001, leur part dans le total du financement des SDIS diminue au profit des conseils généraux. La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité dispose que, à compter de 2003, le montant global de la contribution des communes et des EPCI est gelé, la prise en charge de l'augmentation du coût des SDIS reposant sur les conseils généraux.

Evolution des contributions des collectivités locales au financement des services départementaux d'incendie et de secours

(en millions d'euros)

Source : ministère de l'intérieur

- l'évolution des dépenses de personnel.

Le tableau ci-dessous montre que les dépenses de rémunération des agents de la fonction publique territoriale, qui représentent environ 30 % des dépenses des administrations publiques locales, progressent à un rythme soutenu en raison de l'augmentation des effectifs de la fonction publique territoriale mais surtout des revalorisations des traitements des agents :

Evolution en % des rémunérations et des effectifs de la fonction publique territoriale

1998

1999

2000

2001

Taux de progression des dépenses

+ 4,3

+ 5,7

+ 4,0

+ 4,1

Taux d'évolution des effectifs

+ 0,9

+ 1,9

+ 1,4

Source : Direction générale des collectivités locales, direction générale de la comptabilité publique (rémunérations), INSEE (effectifs)

Le tableau ci-dessous compare l'augmentation de la DGF enregistrée en 2001, 2002 et 2003 à l'augmentation du coût des dépenses de personnel résultant des revalorisations du point de la fonction publique décidées au cours de l'année et au cours de l'année précédente. Il ressort que, pour ces trois années, plus de la moitié de l'augmentation de la DGF a été captée par l'augmentation des dépenses de personnel résultant de décisions prises par l'Etat sans consultation des collectivités employeurs 1 ( * ) .

NB : Pour la détermination de l'augmentation de la DGF entre 2001 et 2002, l'intégration de 309 millions d'euros auparavant prélevés sur les recettes de l'Etat et sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle n'a pas été prise en compte. En décembre 2000, le point a été revalorisé de 0,5 %.

A l'occasion de son audition par votre commission des finances le 29 octobre 2002, le ministre de l'intérieur a indiqué qu'il lui paraissait choquant que les élus locaux soient les seuls employeurs de France à apprendre par la presse le taux d'augmentation des traitement de leurs agents et a souhaité que la situation actuelle puisse évoluer. A l'occasion du débat au Sénat consacré aux recettes des collectivités locales, qui s'est tenu le 26 novembre 2002, le ministre du budget a formulé le même souhait.

- l'augmentation des cotisations employeurs à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).

Lors de la séance du comité des finances locales du 24 septembre 2002, le ministre délégué aux libertés locales a annoncé que le redressement des comptes de la caisse se traduirait par une diminution du taux de la surcompensation de 30 % à 21 % en trois ans , accroissant ainsi d'environ 366 millions d'euros le montant de la subvention d'équilibre versée par l'Etat aux régimes bénéficiaires de la surcompensation.

Dans le même temps, il a fait part de son intention de voir les collectivités locales employeurs prendre part à l'effort dans les mêmes proportions que l'Etat, cet effort se traduisant par une augmentation de 0,4 point pendant trois ans du taux des cotisations employeurs à la CNRACL, soit une augmentation de 1,2 point. L'augmentation de la charge des collectivités locales sera de 366 millions d'euros en trois ans, dont 122 millions d'euros au titre de 2003.

Une augmentation d'un point et demi du taux des cotisations représente un coût pour les collectivités locales d'un montant équivalent à 1 % du produit des impôts directs.

- le coût de l'allocation personnalisée d'autonomie.

Les conséquences financières de la mise en oeuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie ont entraîné en 2002 une augmentation du produit fiscal voté par les départements évaluée par le gouvernement de 3 % à 4 %. Dans son rapport pour avis sur le projet de loi relatif à l'allocation personnalisée d'autonomie 2 ( * ) , votre rapporteur spécial observait d'ailleurs que « l'augmentation du coût pour les départements de la prise en charge des personnes dépendantes entre 2000 et 2004 représenterait près de 8 % du total des impôts directs locaux perçus par les départements en 2000 ».

Les dernières informations disponibles sur le coût de l'APA font apparaître un surcoût pour les conseils généraux compris entre 1,1 milliard d'euros et 1,4 milliard d'euros. A l'initiative du gouvernement, un groupe de travail rassemblant des représentants de l'Etat et des représentants des conseils généraux a été réuni et devrait formuler des propositions d'ici le 15 décembre 2002.

Dans sa rédaction issue du Sénat, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République dispose que « toute création de nouvelle compétence est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Les débats font apparaître que cette disposition est destinée à interdire la mise à la charge des collectivités locales de compétences telles que l'APA sans transfert des ressources correspondantes. A l'occasion de la discussion de la loi portant création de l'APA, le précédent gouvernement avait indiqué à votre rapporteur spécial que la création de l'APA ne constituait pas la création d'une compétence nouvelle pour les conseils généraux, mais une modification par voie législative des conditions d'exercice d'une compétence transférée, en l'occurrence la compétence en matière d'aide sociale. Le code général des collectivités territoriales ne prévoit pas de compensation financière en cas de modification par voie législative des conditions d'exercice des compétences transférées.

- le coût des emplois-jeunes : en 2002, selon les indications transmises par le gouvernement, les collectivités locales ont consacré 157 millions d'euros à rémunérer des emplois-jeunes. Elles devront par ailleurs assumer en grande partie l'inévitable « consolidation », selon le jargon administratif, des 20.000 contrats arrivant à échéance en 2003.

* 1 La comparaison entre l'augmentation des dépenses de personnel et celle de la DGF doit être nuancée car, d'une part, les régions ne perçoivent pas de DGF (ce qui tendrait à accroître la part de l'augmentation des rémunérations dans l'augmentation de la DGF) et, d'autre part, les collectivités locales et les EPCI ne sont pas les seuls employeurs d'agents de la fonction publique territoriale. Cependant, l'ordre de grandeur reste parlant puisque les communes emploient plus de 90 % des agents de la fonction publique territoriale (et perçoivent plus de 80 % de la DGF).

* 2 N° 316, session 2000-2001.

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