2. Les objectifs ambitieux fixés lors du CIADT de Limoges restent à concrétiser

Parmi les trois objectifs de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, l'aménagement du territoire était, à côté de l'ouverture à la concurrence et du renforcement du service public, l'une des toutes premières priorités du législateur et du Sénat en particulier.

Avec le lancement du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI) en 1997, le précédent gouvernement a affiché sa volonté de créer une « société de l'information pour tous ».

Les objectifs proclamés par les gouvernements successifs sont ambitieux. Encore faut-il que les moyens prévus soient rapidement mis en oeuvre, faute de quoi le déclin des zones rurales pourrait encore s'accélérer.

a) Des objectifs ambitieux de couverture du territoire

Les deux principaux objectifs sont fixés par le schéma de services collectifs de l'information et de la communication :

- « l'établissement d'une couverture territoriale complète des lieux de vie permanents et occasionnels (sites touristiques), ainsi que des axes de transport prioritaires, pour la téléphonie mobile », à l'horizon 2003 ;

- « la disponibilité d'une offre de connexion à 2 Mbits/s à un coût abordable (...) à l'échéance 2005 ».

Ces objectifs ont été confirmés dans le cadre du comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire (CIADT) de Limoges (9 juillet 2001). Le précédent gouvernement a en outre réaffirmé à cette occasion sa volonté d'« assurer un déploiement équilibré des réseaux d'information et de communication sur tout le territoire, en particulier dans les zones défavorisées, les moins développées économiquement ou les moins peuplées » et d'« accompagner dans les territoires la dynamique du PAGSI ».

Ces objectifs ont été une nouvelle fois affirmés par le président de la République lors de son discours d'Ussel (13 avril 2002). Il a alors déclaré que l'Etat « s'engager[ait] aux côtés des collectivités locales, pour garantir l'accès de chaque commune au haut débit d'ici cinq ans » , et que « d'ici trois ans, l'ensemble du territoire français devr[ait] être couvert par la téléphonie mobile ».

b) Le cas de la téléphonie mobile

Le précédent gouvernement a décidé la mise en place d'un dispositif de soutien public à l'investissement des collectivités locales et des opérateurs pour la construction de stations de base équipées.

Selon ses termes, « cet engagement vise à assurer dans les trois prochaines années [en 2003 au plus tard] la couverture de l'ensemble des lieux de vie permanents et occasionnels (sites touristiques) et des axes de transport prioritaires, conformément aux objectifs fixés par le schéma de services collectifs de l'information et de la communication ». Seraient donc concernés, notamment, l'ensemble des centres de village qui ne sont aujourd'hui couverts par aucun réseau.

Le coût global de la réalisation de cet objectif a été évalué à 1,4 milliard de francs (215 millions d'euros) sur le territoire métropolitain. Ce chiffre prend en compte l'accord conclu entre le précédent gouvernement et les trois opérateurs mobiles pour la mise en place d'un système d'itinérance locale dans les zones à couvrir (il s'agit de déployer pour chaque zone concernée un réseau unique accessible aux abonnés des trois opérateurs mobiles).

Ces investissements devaient être cofinancés par les opérateurs à hauteur de 400 millions de francs (60 millions d'euros) et par l'Etat à hauteur de 500 millions de francs (75 millions d'euros), les collectivités locales devant financer les 500 millions de francs (75 millions d'euros) restants. Les investissements de l'Etat et des collectivités locales devaient concerner les stations de base équipées. Le Massif central était considéré comme « zone prioritaire » pour ce dispositif.

Toutefois, à l'issue de la procédure d'attribution des deux premières licences UMTS, la solution de l'itinérance locale a été abandonnée au profit de celle du partage d'infrastructures. Le financement reposait sur une contribution de l'Etat de 44 millions d'euros, toujours à parité avec les collectivités locales, et sur une contribution de chacun des deux opérateurs de 76,2 millions d'euros.

Ainsi que le soulignent nos collègues Bruno Sido, Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod dans une proposition de loi récemment adoptée par votre Assemblée 12 ( * ) , « l'on peut légitimement s'interroger sur le bien-fondé d'un tel revirement ». En particulier, « le coût global de mise en oeuvre de l'itinérance locale pourrait représenter la moitié du coût de la couverture territoriale reposant sur la mutualisation d'infrastructures ». C'est pourquoi cette proposition de loi réhabilite la solution de l'itinérance locale, en lui offrant un cadre législatif. Elle tend à imposer l'itinérance dans les zones que les collectivités locales auront identifiées selon la méthodologie mise au point par l'Autorité de régulation des télécommunications, dans le cadre de la convention qu'elle a signée le 17 octobre 2001 avec l'Association des départements de France.

Cette proposition de loi a contribué à l'adoption d'une position commune par les trois opérateurs, le 24 septembre 2002. Ceux-ci ont accepté une solution technique mixte mêlant mutualisation d'infrastructures et itinérance locale.

c) Le cas de l'Internet à haut débit

Dans le cadre du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI), le précédent gouvernement a fixé pour objectif l'accès de tous au réseau Internet à haut débit d'ici à l'année 2005.

Les travaux menés sur la diffusion du « haut débit », notamment par le Conseil Economique et Social (rapport de juin 2001) ou par l'Observatoire des Télécommunications dans la Ville (rapport du groupe «Rural » présidé par le président de la Fédération nationale des maires ruraux, mars 2002), établissent un même constat : laissé à la seule dynamique du marché, l'essor du haut débit conduirait, à l'échéance de 2005, à une polarisation accrue, une part significative de la population (20 à 25 % selon les estimations) et des territoires n'ayant aucun accès au haut débit à des conditions économiquement viables.

Afin d'atteindre son objectif, le précédent gouvernement a chargé la Caisse des dépôts et consignations de mettre « ses capacités d'expertise et d'appui au service des collectivités locales pour accompagner et créer un effet de levier dans le déploiement de projets d'infrastructures, de contenus et d'usages que celles-ci engagent ». La Caisse des dépôts et consignations doit intervenir financièrement de deux manières :

- par un accompagnement en investissement sur ses fonds propres, à hauteur de 1,5 milliard de francs (230 millions d'euros) sur 5 ans ;

- par des prêts à taux préférentiels sur 30 ans aux collectivités locales, en cofinancement avec les établissements de crédits, à l'intérieur d'une enveloppe de 10 milliards de francs (1,5 milliard d'euros).

Le précédent gouvernement a également décidé d'ouvrir la possibilité d'un recours aux infrastructures du Réseau de Transport et d'Electricité (RTE), pour le déploiement de réseaux de télécommunication en fibres optiques qui desserviraient les zones les moins équipées. Cette technologie représente en effet un coût deux à trois fois moins élevé que l'enterrement de la fibre optique. L'intérêt principal du RTE réside dans le réseau à haute tension (63 ou 90 kV), qui assure la répartition de l'électricité à l'échelle régionale et départementale et dessert généralement la périphérie des principales agglomérations de chaque département (à partir de 5.000 à 7.000 habitants, ce qui représente environ les deux tiers de la population française).

D'autres technologies, susceptibles de se développer à plus long terme, concernent l'offre de services de télécommunications à haut débit par radio ou par satellite .

Un enjeu essentiel : le haut débit par satellite

Alors que le gouvernement rappelle opportunément l'importance qu'il attache à la généralisation de l'accès à l'Internet à haut débit sur l'ensemble du territoire, il est dommageable qu'une réglementation inappropriée entrave le déploiement de la technologie de l'Internet à haut débit par satellite en France .

La technologie satellitaire permet de relier n'importe quel point du territoire par l'intermédiaire d'une antenne parabolique au réseau Internet à haut débit avec une puissance, voie montante et descendante, supérieure à celle de l'ADSL 13 ( * ) .

Cette technologie en plein essor dans le reste de l'Europe n'est pas viable économiquement en France, les redevances de mise à disposition et de gestion de fréquences radioélectriques grevant lourdement son développement.

Or, 8.000 communes rurales isolées continuent à se dévitaliser et à se désertifier, tenues à l'écart des grands réseaux modernes de communication. Ces zones en grave difficulté ne peuvent raisonnablement espérer être reliées au haut débit par le système ADSL avant de nombreuses années. Il sera alors trop tard pour elles.

Il faut rompre le carcan qui étouffe des milliers de communes de cette France rurale. Pour cela, il faut réduire de manière drastique la fiscalité néfaste pesant sur le système satellitaire , et obtenir de l'autorité de régulation des télécommunications l'attribution des fréquences qui permettront à des zones entières de territoire, et particulièrement aux régions de montagne, de surmonter les handicaps liés à leur isolement.

La Caisse des dépôts et consignations a vu le nombre de dossiers de financement d'infrastructures passer de 60 à 120 projets depuis le CIADT de Limoges, et estime qu'elle aura financé, à la fin de l'année 2002, une vingtaine de ces projets. C'est encore peu comparé aux besoins.

* 12 Proposition de loi relative à la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en oeuvre prioritaire de prestations d'itinérance locale entre opérateurs, 3 août 2002 (n° 409).

* 13 Asymetric Digital Subscriber Link.

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