B. LE CSA ET LA CRISE DE VIVENDI UNIVERSAL

La crise de Vivendi Universal constitue un séisme sans doute lourd de conséquence pour le paysage audiovisuel français. Votre rapporteur spécial a estimé utile de permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel sans l'autorisation duquel Canal + n'aurait pas pu venir s'intégrer au sein de Vivendi Universal de présenter l'état du droit, son analyse de la situation et de rappeler le fil des événements.

Après des opérations capitalistiques aux États-Unis concernant Vivendi Universal, l'attitude du CSA a été dictée par deux questions d'ordre différent qui se sont posées à lui :

• l'interprétation de l'article 40 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée (limitation à 20 % de la part d'actionnariat extra-communautaire directe ou indirecte du capital des sociétés titulaires d'autorisation) qu'il convenait d'avoir pour s'assurer de la conformité à la loi de la situation de la société Canal+ ;

• les conséquences à tirer des changements intervenus dans les organes dirigeants du groupe Canal+ (Groupe Canal+ SA et Canal+ SA).

A la suite de modifications intervenues le 17 décembre 2001 dans le capital de la société Vivendi Universal, avec, notamment, l'entrée dans le tour de table de cette dernière de la société Liberty Media et la création d'une nouvelle entité à laquelle devaient être apportés certains actifs de USA Networks Inc, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, par un courrier du 24 décembre, a invité le président-directeur général de Vivendi Universal, M. Jean-Marie Messier, à lui apporter toutes les informations nécessaires permettant d'apprécier la nouvelle situation de Vivendi Universal induite par ces modifications et par voie de conséquence celle de Canal+. Il lui a demandé notamment de lui fournir toutes les informations au sujet des dernières modifications intervenues dans la répartition du capital du groupe.

Aux termes des dispositions de l'article 40 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, les sociétés titulaires d'une autorisation de diffusion par voie hertzienne terrestre ne peuvent en effet être détenues à plus de 20% par des personnes extérieures à la Communauté européenne.

Au vu des réponses apportées à ce courrier par M. Jean-Marie Messier, par lettres des 2 et 3 janvier 2002, en particulier son interprétation de la loi et face aux difficultés d'évaluation des modalités d'application de l'article 40 à la société Canal+, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a alors demandé à la ministre de la Culture et de la Communication, par courrier du 10 janvier 2002, de bien vouloir saisir le Conseil d'État afin que celui-ci se prononce sur la lecture qu'il convient de faire des dispositions de l'article précité. Une copie de cette lettre a été adressée au Premier ministre.

Pour l'application du décret n° 2001-1332 du 28 décembre 2001, des modifications seront apportées à la fin 2002 à la convention que le CSA a conclue avec Canal+. Elles doivent faire l'objet d'un troisième avenant permettant, en premier lieu, de mettre la convention en cohérence avec le décret précité, et, en second lieu, de prendre en compte des modifications apportées par le décret n° 2001-1330 modifiant le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 et abrogeant le décret n° 87-36 du 17 janvier 1987.

1. Le problème du contrôle direct ou indirect de Canal+ par des personnes non françaises

La fusion ayant conduit à la création de Vivendi-Universal a, de nouveau, posé la question du champ et des modalités d'application de l'article 40 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée limitant la participation des capitaux étrangers dans une société titulaire d'une autorisation relative à un service de télévision.

L'article 40 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée dispose :

« Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France, aucune personne de nationalité étrangère ne peut procéder à une acquisition ayant pour effet de porter, directement ou indirectement, la part du capital détenue par des étrangers à plus de 20% du capital social ou des droits de vote dans les assemblées générales d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service de radiodiffusion sonore ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française.

« Est considérée comme personne de nationalité étrangère, pour l'application du présent article, toute personne physique de nationalité étrangère, toute société dont la majorité du capital social n'est pas détenue, directement ou indirectement, par des personnes physiques ou morales de nationalité française et toute association dont les dirigeants sont de nationalité étrangère ».

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'est interrogé sur la portée de la réserve tenant aux engagements internationaux souscrits par la France, ainsi que sur les modalités de prise en compte de la détention indirecte et de l'actionnariat flottant. Il a, en conséquence, demandé le 10 janvier 2002 au Gouvernement de saisir le Conseil d'État pour avis en application de l'article L.112-2 du Code de justice administrative.

Le Conseil d'État a rendu son avis le 27 juin 2002 et a précisé le champ d'application de l'article 40 :

• s'agissant de la portée de la réserve tenant aux engagements internationaux souscrits par la France et de la compatibilité avec le droit communautaire, il résulte de l'avis donné que l'article 40 peut être opposé à des sociétés établies en Europe dont le capital serait détenu à plus de 20 % par des personnes physiques ou morales extra communautaires ;

• s'agissant des modalités de prise en compte de la détention indirecte, il en résulte que la notion de contrôle au sens de l'article 40 est celle de la détention de la majorité du capital et non celle de l'article L.233-3 du code de commerce ;

• s'agissant de la prise en compte de l'actionnariat flottant, le Conseil d'État précise qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre actionnariat fixe et flottant pour l'application de l'article.

Si l'avis du Conseil d'État constitue une aide précieuse pour l'instance de régulation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel est néanmoins confronté à des difficultés matérielles pour veiller au respect de cette disposition.

Le contrôle du respect de l'article 40 implique notamment que le CSA dispose d'informations régulières sur la nationalité des actionnaires directs et indirects des entreprises titulaires d'autorisation. Le CSA dispose certes du pouvoir d'enquête conféré par l'article 19 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, mais ce dernier est très limité s'agissant des sociétés actionnaires des sociétés titulaires d'autorisation.

En outre, les sociétés cotées en bourse ont elles-mêmes des difficultés à apprécier avec précision la réalité de la composition de leur capital. Le second alinéa de l'article 40 prévoit en effet qu'une société doit être considérée comme française ou étrangère en fonction de la nationalité des personnes détenant la majorité du capital. Or, la société Euroclear France dont les dirigeants ont été auditionnés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et qui est actuellement la seule à même de réaliser des enquêtes sur l'actionnariat des sociétés cotées en bourse, n'est pas en mesure de fournir les éléments permettant d'apprécier avec précision la nationalité des actionnaires au sens de l'article 40.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut donc que constater son incapacité à veiller efficacement au respect de cet article, notamment en ce qui concerne la part flottante du capital.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page